compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaire :

M. Jean Boyer.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures dix.)

1

Ouverture de la session extraordinaire de 2011-2012

M. le président. Mes chers collègues, en application des articles 29 et 30 de la Constitution, la session extraordinaire 2011-2012 est ouverte.

J’ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 27 juin 2012 portant convocation du Parlement en session extraordinaire, à compter du 3 juillet 2012.

Je donne lecture de ce décret :

« Le Président de la République,

« Sur le rapport du Premier ministre,

« Vu les articles 29, 30, 49 et 50-1 de la Constitution,

« Décrète :

« Art. 1er. − Le Parlement est convoqué en session extraordinaire le mardi 3 juillet 2012.

« Art. 2. − L’ordre du jour de cette session extraordinaire comprendra :

« 1. Une déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, en application de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution ;

« 2. Une déclaration du Gouvernement devant le Sénat, en application de l’article 50-1 de la Constitution ;

« 3. Un débat sur les résultats du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012 ;

« 4. Le débat d’orientation des finances publiques ;

« 5. Un débat sur la politique commune de la pêche ;

« 6. L’examen ou la poursuite de l’examen des projets de loi et propositions de loi suivants :

« – projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011 ;

« – projet de loi de finances rectificative pour 2012 ;

« – projet de loi relatif au harcèlement sexuel ;

« – proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire ;

« – projet de loi autorisant la ratification du traité d’amitié et de coopération entre la République française et la République islamique d’Afghanistan ;

« – projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État des Émirats arabes unis ;

« – projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie portant sur la coopération policière ;

« – projet de loi autorisant l’approbation du protocole d’amendement et d’adhésion de la Principauté d’Andorre au traité entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales ;

« – projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre la République française et la République fédérale d’Allemagne instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts ;

« – projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l’établissement du bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe Central » entre la République fédérale d’Allemagne, le Royaume de Belgique, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la Confédération suisse ;

« – projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de notes verbales entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant l’interprétation de la convention relative au service militaire des double-nationaux du 16 novembre 1995 et mettant fin au dispositif mis en place par l’accord sous forme d’échange de notes des 28 et 29 décembre 1999 ;

« – projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan dans le domaine de la protection civile, de la prévention et de l’élimination des situations d’urgence ;

« – projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan relatif à la coopération en matière de lutte contre la criminalité ;

« – projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan dans le domaine de l’exploration et de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques ;

« – projet de loi autorisant la ratification de l’accord relatif aux pêches dans le sud de l’océan Indien ;

« – projet de loi autorisant la ratification de la convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires ;

« – projet de loi autorisant la ratification de l’accord sur le transport aérien entre le Canada et la Communauté européenne et ses États membres ;

« – projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam pour la création et le développement de l’université des sciences et technologies d’Hanoï ;

« – projet de loi autorisant l’approbation de l’amendement à la convention sur la protection physique des matières nucléaires ;

« – projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à l’accord relatif aux rapports intellectuels et artistiques du 19 décembre 1938 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hellénique ;

« 7. Une séance de questions par semaine.

« Art. 3. − Le Premier ministre est responsable de l’application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

« Fait le 27 juin 2012.

« François Hollande

« Par le Président de la République :

« Le Premier ministre,

« Jean-Marc Ayrault »

Acte est donné de cette communication.

2

Procès-verbal

M. le président. Le procès-verbal de la séance du mardi 6 mars 2012 a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

3

Décès d'anciens sénateurs

M. le président. J’ai le regret de vous rappeler le décès de nos anciens collègues :

- Jean Amelin, qui fut sénateur de la Marne de 1976 à 1992 ;

- Guy Poirieux, qui fut sénateur de la Loire de 1992 à 2001 ;

- Geneviève Le Bellegou-Béguin, qui fut sénateur du Var de 1981 à 1986 ;

- Roger Garaudy, qui fut sénateur de la Seine de 1959 à 1962.

4

Élection d'un sénateur

M. le président. En application des articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le président a reçu de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration une communication de laquelle il résulte que, à la suite des opérations électorales du 18 mars 2012, M. Alain Bertrand a été proclamé élu sénateur du département de la Lozère.

Son mandat a débuté le lundi 19 mars 2012, à zéro heure.

Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite un bon retour parmi nous.

5

Reprise du mandat sénatorial d'anciens membres du Gouvernement

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des articles L.O. 319 et L.O. 320 du code électoral, le mandat sénatorial de MM. Gérard Longuet, Michel Mercier et Henri de Raincourt, dont les fonctions gouvernementales ont pris fin le 16 mai, a repris le dimanche 17 juin, à zéro heure.

En conséquence, le mandat sénatorial de MM. Claude Léonard, Jean-Jacques Pignard et André Villiers a cessé le samedi 16 juin, à minuit.

6

Remplacement d'un sénateur nommé membre du Gouvernement

M. le président. En application de l’article 23 de la Constitution et de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution, j’ai pris acte de la cessation, le samedi 16 juin, à minuit, du mandat de sénateur de Mme Nicole Bricq, nommée ministre par décret en date du 16 mai 2012.

Conformément à l’article L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l’intérieur a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, Mme Hélène Lipietz est appelée à remplacer, en qualité de sénateur de Seine-et-Marne, Mme Nicole Bricq.

Le mandat de notre collègue a débuté le dimanche 17 juin, à zéro heure.

7

Candidatures à des commissions

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger à la commission des affaires sociales aux places laissées vacantes par MM. Claude Léonard et André Villiers, dont les mandats de sénateur ont cessé.

J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des finances à la place laissée vacante par Mme Nicole Bricq, dont le mandat de sénateur a cessé.

J’informe le Sénat que le groupe de l’Union centriste et républicaine a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :

- à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la place laissée vacante par M. Jean-Jacques Pignard, dont le mandat de sénateur a cessé ;

- à la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Jean-Léonce Dupont, démissionnaire ;

- à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Jean-Paul Amoudry, démissionnaire.

J’informe le Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :

- à la commission des affaires économiques, en remplacement de M. François Vendasi, démissionnaire ;

- à la commission des affaires sociales, en remplacement de Mme Anne-Marie Escoffier, démissionnaire.

J’informe le Sénat que le groupe écologiste a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :

- à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. François Rebsamen, démissionnaire ;

- à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de Mme Corinne Bouchoux, démissionnaire.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.

8

Candidature à la commission des affaires européennes

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des affaires européennes à la place laissée vacante par M. Alain Bertrand à la suite de l’annulation de son élection du 25 septembre 2011.

Cette candidature a été affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

9

Candidature à la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe UMP a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois en remplacement de M. Robert del Picchia, démissionnaire.

Cette candidature a été affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

10

Candidature à une commission d'enquête

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission d’enquête sur le coût réel de l’électricité afin d’en déterminer l’imputation aux différents agents économiques, à la place laissée vacante par M. Claude Léonard, dont le mandat de sénateur a cessé.

Cette candidature a été affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

11

Politique générale

Lecture d'une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle la lecture d’une déclaration de politique générale du Gouvernement.

Afin de respecter le rythme de lecture par M. le Premier ministre de la déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, je vais donner la parole à M. Laurent Fabius.

Je donnerai lecture des conclusions de la conférence des présidents qui s’est réunie le 28 juin 2012 à l’issue de la lecture de la déclaration de politique générale du Gouvernement.

Je sais d’ores et déjà que certains de nos collègues souhaitent faire des observations sur l’ordre du jour de nos prochains travaux. Je vous propose qu’ils prennent la parole à ce moment-là. (Murmures sur plusieurs travées de l’UMP.)

Au nom du Sénat, je veux saluer chaleureusement la présence au banc du Gouvernement de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, et des ministres qui nous font l’honneur et le plaisir d’être parmi nous. Je leur souhaite une très cordiale bienvenue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Michel Mercier applaudit également.)

Chacun ici comprendra que j’ai une pensée particulière pour nos collègues sénatrices et sénateurs qui ont fait leur entrée au Gouvernement.

Je suis très heureux de présider cette séance qui marque la reprise des travaux du Sénat suspendus, du moins en séance publique, depuis le 6 mars dernier.

Je dis « suspendus […] en séance publique » car nous avons eu à cœur de poursuivre nos travaux dans les différentes instances de notre assemblée.

Cette continuité est, je le crois, la marque du Sénat, institution permanente de la République.

En attendant le message particulier que nous adressera demain M. le Premier ministre, c’est animés de l’espoir qu’il sera répondu aux attentes de nos compatriotes que, monsieur le ministre d’État, nous allons désormais prendre connaissance de la déclaration de politique générale prononcée en ce moment même à l’Assemblée nationale par M. le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.

La parole est à M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord vous dire que je suis très honoré de m’exprimer à cette tribune et vous confirmer que le Gouvernement sera à la disposition des groupes de la majorité et de l’opposition dans les prochaines semaines.

M. Jean-Claude Gaudin. C’est ce que nous verrons !

M. Laurent Fabius, ministre. Je vais à présent vous donner lecture de la déclaration de politique générale de M. le Premier ministre :

« Monsieur le président, mesdames et messieurs les parlementaires, pour la première fois depuis vingt-six ans, je ne serai pas assis parmi vous.

« Il y a quelques instants, lorsque je suis entré par la porte de bronze, j’ai pensé à tous ces Premiers ministres qui l’ont franchie avant moi, à d’autres périodes, confrontés à d’autres défis.

« Je viens devant vous chargé d’une mission particulière, celle que m’a confiée le Président de la République, qui a fixé notre cap : conduire le redressement de notre pays dans la justice.

« Cet engagement a fait l’objet d’un long débat démocratique et, après avoir élu, le 6 mai, François Hollande à la tête de l’État, les Françaises et les Français ont choisi la cohérence en donnant à la gauche une large majorité parlementaire. »

Un sénateur du groupe UMP. Pas ici !

M. Laurent Fabius, ministre. « Il me revient l’honneur de soumettre à votre confiance la politique d’un gouvernement entièrement mobilisé pour le changement, comportant, pour la première fois dans l’histoire de la République, autant de femmes que d’hommes et portant l’exigence d’une autre pratique des institutions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

« Ce gouvernement allie les talents de la jeunesse et de l’expérience ; il conjugue les parcours, les histoires et les cultures. Il est aux couleurs de la France.

« En vous regardant, j’observe aussi le changement. Aux côtés de visages qui me sont si familiers, j’en découvre tant d’autres, que j’apprendrai à connaître. À toutes et à tous, j’adresse mes plus sincères félicitations.

« Parlementaires de la majorité comme de l’opposition, vous détenez une part égale de la souveraineté nationale. Je sais que vous en serez dignes. À chacun de faire preuve de courage et de responsabilité dans une période qui exige de chacun qu’il élève sa réflexion, son discours et ses propositions au niveau d’une crise sans précédent et qui menace de nous faire perdre ce que le siècle passé nous a légué : notre modèle social et républicain.

« Je suis venu, aujourd’hui, pour vous appeler et, à travers vous, appeler l’ensemble de notre peuple à une mobilisation car il n’est pas trop tard pour agir et pour réussir.

« Je suis ici pour vous appeler à retrouver confiance dans notre destin.

« Notre pays s’est affaibli économiquement, il s’est dégradé socialement, il s’est divisé politiquement, il s’est abîmé moralement. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe CRC. – Protestations sur les travées de l’UMP.)

M. Laurent Fabius, ministre. « La situation de la France, ce sont près de trois millions de salariés qui ne retrouvent pas de travail, ces femmes à qui il n’est proposé que des emplois à temps très partiel, ces jeunes pour qui l’entrée dans la vie active s’apparente à un parcours d’obstacles, ces seniors qui se voient fermer toutes les portes alors qu’ils ont encore tant à apporter. »

M. Rémy Pointereau. Vous allez faire mieux !

M. Laurent Fabius, ministre. « Ce sont ces plans sociaux opportunément retardés »…

Mlle Sophie Joissains. Combien allez-vous donner ?

M. Laurent Fabius, ministre. … « et qui font courir le risque du chômage à plusieurs dizaines de milliers de familles supplémentaires.

« Entre 2007 et 2011, la dette publique a augmenté de 600 milliards d’euros. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)

« Cette dette atteint aujourd’hui près de 1 800 milliards d’euros, soit 90 % de la richesse produite par la France chaque année. »

Mlle Sophie Joissains. Quelles sont vos solutions !

M. Laurent Fabius, ministre. « Le poids de la dette est devenu écrasant. L’État verse ainsi près de 50 milliards d’euros par an à ses créanciers. »

M. Francis Delattre. La campagne est finie !

M. Laurent Fabius, ministre. Mesdames et messieurs les sénateurs de l’opposition, si M. Ayrault était présent, il vous dirait : Un instant de patience ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

« Cette somme représente la première dépense, juste devant le budget de l’éducation nationale ; elle est supérieure aux budgets de la recherche, de la justice et de la sécurité réunis.

« C’est inacceptable !

« La dette, c’est moins d’écoles, moins de crèches, moins d’hôpitaux, moins de transports publics... » 

M. Francis Delattre. Moins de socialisme !

M. Laurent Fabius, ministre. « La dette, c’est ce que nous léguerons aux générations futures, si nous n’agissons pas. Je suis de la génération qui a grandi pendant les “trente glorieuses”, celle pour laquelle l’avenir était naturellement synonyme de progrès. Je ne veux pas être de la génération qui aura reporté le poids d’une dette excessive sur ses enfants et ses petits-enfants. (Exclamations sur plusieurs travées de l’UMP.)

« Mon gouvernement sera celui de la responsabilité devant la jeunesse.

« La dette, c’est enfin un enjeu de souveraineté : une France endettée est une France dépendante, dépendante vis-à-vis des agences de notation, dépendante vis-à-vis des marchés financiers. »

Mlle Sophie Joissains. On sort de l’Europe ?

M. Laurent Fabius, ministre. « Voilà pourquoi je veux réduire notre endettement public, parce qu’il ne saurait y avoir de redressement du pays sans redressement de nos comptes publics.

« Mais je ne suis pas venu lancer un débat sur l’héritage. (Ah ! sur les travées de l’UMP.) Tant d’autres avant nous ont ainsi préféré chercher dans le rejet de leurs prédécesseurs une approbation qu’ils n’auraient pas trouvée au simple énoncé de leur politique. »

M. Francis Delattre. Ça manque de souffle !

M. Laurent Fabius, ministre. « Que cette situation soit le produit d’erreurs passées signifie aussi que nos difficultés peuvent être surmontées.

« Cette situation est simplement notre point de départ, que le Président de la République avait largement anticipé au cours de sa campagne.

« Nous pourrions utiliser la situation que nous avons trouvée pour justifier des renoncements. Eh bien, non, nous ne renonçons à rien ! (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx applaudit.) Cette majorité n’a pas été élue pour trouver des excuses, mais des solutions. » (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Laurent Fabius, ministre. « La mise en œuvre de ces solutions, qui sont les engagements pris par le Président de la République, passe d’abord par l’exigence de vérité. Dans l’épreuve, trop souvent la préférence a été donnée à l’habileté, à la mystification, voire à la dérobade. »

M. Laurent Fabius, ministre. « Je veux dire aux Français la vérité, je veux leur dire ce que nous ferons. Je veux qu’ils puissent être juges à chaque instant des chemins que nous empruntons. Je veux qu’ils puissent exercer leur contrôle sous l’éclairage que peuvent leur donner la majorité comme l’opposition.

« À cette fin, je tiendrai régulièrement informés nos concitoyens, à travers la représentation nationale, de l’action conduite.

« La tentation existe d’exploiter les peurs et les craintes, de stimuler les égoïsmes, d’user de tous les clivages qui travaillent la société aux fins de dévier le débat public des sujets essentiels. Je n’y céderai pas.

« Je souhaite, au contraire, que les Françaises et les Français unissent leurs efforts et retrouvent le sens du combat commun.

« Les décisions qui sont devant nous les intéressent au premier chef : ce ne sont pas des débats réservés à une élite. C’est sous le regard de nos concitoyens, sous leur arbitrage, qui s’exprime par le suffrage universel, que j’entends gouverner notre pays.

« La sauvegarde de notre modèle républicain, la pérennité de notre système social, le redressement économique pour l’emploi, voilà la finalité de notre action ! Elle s’apparente aujourd’hui à un combat : nous pouvons, nous devons l’emporter. La condition en est la mobilisation et l’engagement de tous.

« Le génie de la France, ce n’est pas la concentration dans les mains de quelques-uns de notre destin commun. Le génie de la France, c’est d’avoir su justement passer d’un système monarchique ou autoritaire à l’association de tous à la décision. Le génie de la France, c’est la République !

« Comme vous, j’aime la France.

« J’aime sa langue. J’aime ses paysages. J’aime sa culture. J’aime son histoire.

« J’aime les valeurs qui l’ont façonnée. J’aime son goût pour le débat.

« J’aime l’idée que la nation française soit fondée sur le désir de lui appartenir plus que sur la naissance. J’aime qu’elle puisse servir de modèle en Europe et dans le monde, car son message est universel.

« J’aime aussi notre capacité, en certaines circonstances de notre histoire, à nous dépasser, à mettre chacun de côté ce qui nous divise, pour nous retrouver ensemble et faire la France.

« Comme vous, je suis un patriote.

« L’enjeu, aujourd’hui, c’est de savoir si nos enfants pourront aimer le même pays, y vivre avec le même bonheur, y élever leurs enfants à leur tour, en ayant la volonté et la fierté de leur transmettre les mêmes valeurs.

« Au premier rang de notre combat pour le redressement, j’appelle ces femmes et ces hommes qui, par leur savoir-faire, leur intelligence, leur art, créent de la richesse, des emplois, de l’activité. Vous qui produisez, vous qui disposez de la capacité de décider, vous qui dirigez, mobilisez-vous sans attendre ! Aidez la France en créant de l’emploi, en préservant l’activité dans notre pays, en relevant le défi productif.

« Au-dessus de l’argent que l’on gagne, il y a ce sentiment plus grand, plus fort, celui que procurent l’estime et la reconnaissance de ses concitoyens. Je ne suis pas l’ennemi de l’argent, mais je ne considère pas les gens auxquels je parle en fonction de leur patrimoine et de leurs revenus.

« Je n’accepte pas d’entendre dénoncer une « fiscalité confiscatoire », par ceux-là mêmes qui s’autorisent parfois des rémunérations au-delà de tout entendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

« Le patriotisme, c’est servir son pays, c’est remplir ses devoirs après avoir reçu tant de droits. C’est rendre à la République ce qu’elle vous a donné. Le patriotisme, ce n’est pas fuir la France pour les paradis fiscaux »…

M. Laurent Fabius, ministre. … « et laisser à ceux qui restent le poids de l’effort.

« Le patriotisme doit être l’affaire de toutes et de tous, à chaque niveau de la société. La mobilisation doit être générale. Elle ne concerne pas que le sommet de l’édifice. Chacun doit y prendre sa part.

« Faire preuve de patriotisme, c’est ne pas menacer la pérennité d’un système solidaire en le détournant de son objectif, qui est d’assurer un filet de sécurité à celles et ceux qui ne retrouvent pas de travail, à ceux qui sont en fin de droits, aux malades.

« À tous les niveaux, le Gouvernement se donnera les moyens de lutter contre la fraude, et d’abord contre l’évasion fiscale.

« Dans ce combat pour le redressement, nous avons besoin de tous les acteurs. Il ne peut être l’affaire du Gouvernement seul.

« Le changement ne se décrète pas. Il ne se mesure pas au nombre de lois votées. Il est un mouvement qui inspire toute la société, un mouvement porté par tous les corps intermédiaires : collectivités locales, partenaires sociaux, associations, organisations non gouvernementales.

« Le maire de Nantes que j’ai été sait que le changement passe par la mise en mouvement de toute la société. Je n’aurais jamais obtenu les mêmes résultats si je ne m’étais pas constamment appuyé sur l’imagination, la créativité, le dynamisme de mes concitoyens et de l’ensemble des acteurs locaux.

« Il est fini le temps des sommets spectacles (Exclamations et sourires sur les travées de l’UMP.), le temps où la concertation n’était conçue que pour donner l’apparence du dialogue social à la décision d’un seul. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)