COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures cinq.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Pierre Dumas, qui fut sénateur de la Savoie de 1986 à 1995 et également secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement de 1962 à 1967.
CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
La commission des lois a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jean-René Lecerf pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition, à l'expiration du délai d'une heure.
ÉPIDÉMIE DE LÉGIONELLOSE
Discussion d'une question orale avec débat
(ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 24.
M. Yves Coquelle souhaite interroger M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur l'épidémie de légionellose qui sévit dans la région lensoise depuis le 10 novembre 2003, épidémie sans précédent en France et exceptionnelle sur le plan international.
A ce jour, sur les 81 personnes contaminées dans le Pas-de-Calais, 10 sont décédées, 20 restent hospitalisées dont 5 en réanimation et 51 ont regagné leur domicile.
Une troisième vague n'est toujours pas évoquée par les services de l'Etat, même si les médecins épidémiologistes auraient préféré ne pas trouver de cas dont les premiers symptômes sont apparus après le 15 janvier.
La seule certitude est l'identification de la souche dite « Noroxo » dans les deux vagues. Cette souche est particulièrement virulente, agressive et inconnue à ce jour.
Le professeur Jérôme Etienne, directeur du centre national des références à Lyon, indique que : « des recherches génétiques vont être menées pour découvrir les raisons de cette virulence ».
Il ajoute : « Dans le Pas-de-Calais, nous avons une importante population qui a été exposée. Le taux d'attaque de la bactérie est faible : une personne sur 1 000 développe la maladie de la légionellose. Avec 80 cas déclarés, cela signifie que 80 000 personnes ont respiré la bactérie. »
Il y a 400 000 habitants dans la région lensoise, ce qui signifie qu'un habitant sur cinq a respiré cette bactérie.
De plus, la très forte concentration de bactéries retrouvée dans la lagune de l'usine Noroxo conduit la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement à approfondir ses investigations dans cette direction, au-delà du recensement et du contrôle des entreprises équipées de tours aéroréfrigérantes.
Les usines Noroxo et Mac Cain sont fermées, l'entreprise Sotrenor a décidé d'elle-même de s'arrêter alors que Locagel tourne au ralenti. Les stations de lavage commencent, en fonction des résultats d'analyse, à rouvrir doucement.
Chaque jour, dans le département, des entreprises arrêtent leurs productions, en fonction du principe de précaution. L'économie commence à souffrir fortement de cette catastrophe sanitaire sans précédent.
Si les services de l'Etat ont tardé à se mobiliser pendant la première vague, des moyens supplémentaires ont été dépêchés dans le département lors de la seconde vague, avec de plus quelques visites ministérielles, nous sommes encore loin du compte.
L'heure est à la mobilisation de tous pour tenter d'éradiquer cette épidémie.
C'est dans cette optique qu'il apparaît essentiel à M. Yves Coquelle qu'une procédure de commission d'enquête, chargée d'établir les causes et les conséquences de cette épidémie et de définir des moyens mis en place par l'Etat pour les prévenir et les contrôler, soit rapidement engagée.
M. Yves Coquelle demande enfin à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées que des effectifs pour la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement et la direction départementale des affaires sanitaires et sociales supplémentaires et importants soient mis à la disposition du département pour contrôler systématiquement et régulièrement toutes les entreprises à risques du département ; elles sont très nombreuses et souvent implantées en milieu urbain.
La parole est à M. Yves Coquelle, auteur de la question.
M. Yves Coquelle. Madame la ministre, je vous remercie de votre présence ce matin comme de la constante attention que vous manifestez depuis le début de cette épidémie, même si je regrette que M. le ministre de la santé n'ait pu dégager une demi-journée pour débattre d'un dossier aussi important. Par ailleurs, je remarque que l'on aurait très bien pu organiser ce débat à Lille tant il semble passionner les sénateurs de la majorité !
M. le président. Ils vous font confiance ! (Sourires.)
M. Yves Coquelle. Depuis trois mois, jour pour jour, une épidémie de légionellose sévit dans la région lensoise. Cette affection respiratoire particulièrement virulente est provoquée par des bactéries qui vivent dans l'eau douce, appelées légionelles. On les retrouve dans tous les milieux aquatiques naturels ou articiels, notamment dans les installations sanitaires, les installations de climatisation et, surtout, les dispositifs de refroidissement comme les tours aéroréfrigérantes et les circuits de refroidissement industriels.
Dans 70 % des cas, la forme la plus sévère de la maladie touche des personnes fragilisées, âgées, immunodéprimées ou atteintes d'autres maladies respiratoires, comme cela semble être le cas dans le bassin minier où bon nombre d'anciens mineurs sont malheureusement touchés par la silicose. Des personnes beaucoup plus jeunes et apparemment en bonne santé sont actuellement également infectées.
Depuis 1987, la légionellose est une maladie à déclaration obligatoire. L'Institut de veille sanitaire, l'INVS, a communiqué les chiffres suivants : en 1998, vingt personnes ont été contaminées à Paris, dont quatre sont mortes ; en 2000, on a recensé vingt-deux cas dont cinq mortels en Ille-et-Vilaine ; en décembre 2000 et en juillet 2001, deux vagues de légionellose entraînent la mort à Paris de quatre patients de l'hôpital Georges-Pompidou ; en 2002, on a compté dix-sept cas dont quatre mortels au centre hospitalier de Meaux en Seine-et-Marne ; en 2002, six personnes sont décédées à Sarlat en Dordogne ; au total, cette année-là, 1 021 cas ont été recensés dans le pays ; en juillet et août 2003, on a dénombré une trentaine de cas dont quatre mortels à Montpellier et vingt autres cas à Poitiers.
L'épidémie qui frappe la région lensoise est sans précédent dans notre pays, voire dans le monde. En effet, à ce jour, quatre-vingt-cinq personnes sont contaminées dans le Pas-de-Calais, treize sont décédées dont deux hier, neuf personnes restent hospitalisées dont deux sont en réanimation dans un état très grave et soixante-six ont regagné leur domicile, mais dans quel état !
Par ailleurs, la souche épidémique dite source « Noroxo », du nom de l'usine polluante, a été retrouvée chez vingt-trois patients.
Cette épidémie, qui s'étend sur un rayon de douze kilomètres et qui sévit de manière atypique en saison hivernale, fournit aux scientifiques un ensemble de données nouvelles qui interpellent et remettent en cause toutes les connaissances acquises à ce jour. Je citerai un seul exemple : la période d'incubation donnée comme certaine au début de la crise était d'une semaine environ. Actuellement, les chercheurs parlent d'une période d'incubation qui pourrait aller jusqu'à trois semaines.
Bref, cette épidémie laisse sceptiques de nombreux scientifiques, qui continuent de chercher pour cerner avec certitude l'étendue du problème.
A ce jour, l'épidémie semble être en régression puisque depuis huit jours aucun nouveau cas n'a été déclaré. Néanmoins, les médecins épidémiologistes auraient préféré ne pas trouver de cas dont les premiers symptômes sont apparus bien après le 15 janvier.
La seule certitude est l'identification de la souche dite « Noroxo » dans les deux vagues. Cette souche est particulièrement virulente, agressive et inconnue à ce jour.
Le professeur Jérôme Etienne, directeur du Centre national des références à Lyon, indique que « des recherches génétiques vont être menées pour découvrir les raisons de cette virulence ».
Il ajoute : « Dans le Pas-de-Calais, nous avons une importante population qui a été exposée. Le taux d'attaque de la bactérie est faible : une personne sur 1 000 développe la maladie de la légionellose. Avec 85 cas déclarés, cela signifie que 85 000 personnes, pour le moins, ont respiré la bactérie. »
Madame la ministre, la région lensoise compte 400 000 habitants, ce qui signifie qu'au moins un habitant sur cinq a respiré cette bactérie.
Le professeur Gilles Brücker, directeur général de l'Institut de veille sanitaire, a saisi, voilà quinze mois, la direction générale de la santé pour mettre en garde le Gouvernement sur l'impérieuse nécessité de mieux contrôler les tours autoréfrigérantes. Il ne semble pas avoir été entendu.
Différentes réglementations relativement inégales existent pour alerter et déceler les risques.
Par exemple, pour les sites industriels, selon les termes d'une circulaire de 1999, un chef d'entreprise doit signaler un incident lorsque la mesure des concentrations bactériennes atteint 1 000 unités formant colonie, ce que l'on appelle « le seuil de surveillance rapprochée », et il doit décider l'arrêt de l'usine à partir de 100 000 unités formant colonie, seuil dit d'intervention.
Compte tenu de la virulence de cette bactérie, n'y a-t-il pas lieu, madame la ministre, de revoir le niveau des seuils admissibles ?
Il m'apparaît que les pouvoirs publics doivent très rapidement envisager un ensemble de mesures destinées à renforcer la surveillance et les procédures d'entretien de ces tours aéroréfrigérées, responsables de la moitié du millier de cas de légionellose détectés en France ces dernières années.
Si les 1 700 tours situées en France dans les usines classées sont connues et recensées, toutes celles qui sont installées dans les centres commerciaux et les immeubles sont assez mal identifiées.
Sur les 3 000 contrôles effectués en 2003, environ 6 % des cas ont conduit à demander un nettoyage, et 2 % ont provoqué l'arrêt pour désinfection.
Il reste beaucoup à faire, y compris à utiliser un arsenal plus répressif pour les chefs d'entreprise qui ne joueraient pas le jeu. On m'objectera qu'il ne faut pas effrayer les patrons. Moi, j'affirme que l'on ne peut pas accepter que soit mise en jeu la santé de nos concitoyens.
Dans notre région, peut-être plus qu'ailleurs, il faut défendre l'outil de travail et l'emploi mais aussi, et surtout, ne plus nuire à la santé des habitants déjà fortement marqués par une pollution endémique.
Actuellement, chacun le sait, les industriels effectuent eux-mêmes des autocontrôles de leurs installations, notamment des tours aéroréfrigérantes et, pour se conformer à la législation, il leur suffit de donner une information à la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, la DRIRE.
C'est ainsi que le 6 janvier vous déclariez, madame la ministre : « L'usine Noroxo, qui appartient au groupe Exxon Mobil, a détecté la légionelle lors d'un autocontrôle le 15 octobre, dans une proportion plus de sept fois supérieure au seuil où la réglementation imposait l'arrêt de l'exploitation. Noroxo n'a pas transmis ces résultats dans l'immédiat à l'administration et n'a pas interrompu ses activités préférant opérer d'elle-même un autonettoyage. »
On le sait aujourd'hui, cet autonettoyage s'est révélé catastrophique. Il est sans nul doute à l'origine de la seconde vague de légionelle.
Comme le précise le docteur Guitard, médecin épidémiologiste : « Il faut modifier les réglementations sur le nettoyage, les consignes et les cahiers des charges. On l'a déjà suggéré plusieurs fois dans ce domaine. Mais là, c'est du ressort du Gouvernement. »
La DRIRE, qui dispose de peu de moyens et qui est insuffisamment dotée en personnels et en techniciens, se voit dans l'impossibilité de suivre d'aussi près qu'il le faudrait l'évolution de ces situations.
Il faut absolument donner des moyens humains et techniques importants aux DRIRE et aux DDAS, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, pour leur permettre de mener à bien leur mission de service public.
De plus, face à cette situation, il conviendrait d'impulser une démocratisation des contrôles, et notamment de mettre en place des comités de suivi et de vigilance des risques industriels sur le plan local, réunissant des représentans des populations, des élus locaux, des salariés, des directions des entreprises, des services de la DDASS, de la DRIRE et de la préfecture pour permettre une information complètement transparente sur l'entretien et le contrôle des différents équipements et sites.
Compte tenu des conséquences sanitaires des épidémies de légionellose, comme la France les a connues et comme le bassin minier les subit encore aujourd'hui, toutes ces questions méritent d'être posées, reconsidérées et examinées afin que des moyens puissent être dégagés pour permettre de répondre à ces enjeux de santé publique.
En effet, le respect de toutes ces normes, lorsqu'elles existent, impose que l'Etat et ses services décentralisés disposent des moyens suffisants pour assurer le contrôle, pour prévenir les risques et, le cas échéant, pour engager toute mesure destinée à enrayer la contamination.
Or, à ce jour, les derniers épisodes de développement de la légionellose dans le Pas-de-Calais ont suscité plus un sentiment d'inquiétude et d'abandon parmi la population qu'une véritable prise en charge du phénomène.
Madame la ministre, il est de la responsabilité du Gouvernement d'organiser une mobilisation exceptionnelle de l'ensemble des équipes pluridisciplinaires compétentes, françaises ou européennes, dans le domaine de la santé et de l'environnement, afin que nous puissions y voir plus clair dans cette terrible épidémie.
Il ne faut pas laisser la DRIRE, avec ses moyens dont tout le monde reconnaît la faiblesse, seule face à une épidémie inconnue jusqu'à ce jour.
Les moyens humains et matériels doivent être considérablement accrus. Il faut tout mettre en oeuvre pour éradiquer cette épidémie et empêcher qu'elle ne réapparaisse dans quelques semaines, ce que craignent les habitants de notre région, d'autant que, dans celle-ci, un très grand nombre d'entreprises à risques sont implantées en milieu urbain.
Une grande interrogation interpelle actuellement les scientifiques et est résumée ainsi par un grand quotidien régional : « Comment se débarrasser de ce bouillon de légionelles désormais repéré dans la station de lagunage de Noroxo ? Personne ne peut à ce jour apporter de réponse. En effet, il s'agit de traiter une station entière sans prendre de risque sur le plan environnemental. En effet, la dispersion des bactéries a-t-elle été facilitée par les aérateurs qui brassent l'eau de surface de façon à oxygéner les boues ? Peut-être. Pour les services de la DRIRE, c'est un double problème : il faut assurer d'abord un traitement qui produise un effet immédiat dans la lagune, puis s'assurer que les bactéries tueuses ne reviennent pas coloniser la station aussi vite qu'elles avaient disparu. Et là encore, c'est l'inconnu. »
La désinfection de la lagune de Noroxo devait avoir lieu la semaine dernière. Je ne sais pas où cela en est, mais j'ose espérer qu'elle sera parfaitement maîtrisée par les scientifiques et qu'elle n'entraînera pas de troisième vague. En effet, il est désormais établi que la lagune a contaminé les tours aéroréfrigérantes qui, à leur tour, ont largement dispersé les légionelles dans ce secteur. Par quel biais ? Nous n'avons pas de réponse.
En revanche, il est prouvé que les mêmes bactéries ont été trouvées dans d'autres entreprises et dans des stations de lavage.
C'est donc un véritable plan d'urgence qu'il convient d'impulser pour garantir la santé et rassurer notre population du Pas-de-Calais, déjà économiquement et socialement en grande détresse.
Madame la ministre, c'est un appel solennel que je lance aujourd'hui, et cela n'est pas contradictoire avec les propos que je viens de tenir.
Il faut aussi que cesse la sinistrose concernant notre département !
J'ai sous les yeux un article paru dans un quotidien national, très lu dans les milieux économiques et politiques, Le Monde, daté du 18 janvier dernier. En préambule, cet article précise ceci : « Dans la région lensoise marquée par 150 ans d'exploitation minière, on est dur à la peine. La légionelle n'est qu'un accident, un drame de plus, après la silicose, Metaleurop, la crise. » On aurait pu ajouter : « après les catastrophes minières, etc. ». Nous sommes habitués, dans le Pas-de-Calais !
Madame la ministre, les élus locaux et moi-même n'acceptons plus ce type de discrimination. Trop, c'est trop !
Il est exact que notre région est gravement affectée par la crise économique. L'onde de choc Metaleurop continue de se propager.
Depuis quinze jours, pas moins d'une dizaine d'entreprises se trouvent en difficulté avec des plans sociaux et des menaces sur l'emploi pour un bon millier de salariés. Un millier supplémentaire, dirais-je !
Quand on sait que le taux de chômage de notre région est l'un des plus élevés en France, il y aurait de quoi baisser les bras. Eh bien non ! Comme l'ensemble des élus locaux, je lutte pour attirer des entreprises dans ce secteur et pour créer des emplois. Alors, de grâce, cessons de présenter notre région de manière apocalyptique !
Madame la ministre, je conclurai mon propos, que je ne veux pas polémique, par quelques questions.
La légionellose est une maladie relativement récente. Ne pourrait-on envisager une obligation de formation pour les chefs d'entreprise qui possèdent des installations aéroréfrigérées, assortie d'un volet répressif et dissuasif si des malversations graves et manifestes sont avérées ?
De même, ne pourrait-on envisager une formation permanente des médecins généralistes ? Il est établi que certains d'entre eux, dans notre secteur, n'ont pas su diagnostiquer la légionellose ou ne l'ont pas décelée assez tôt par manque de connaissances. Or l'on sait maintenant que la bactérie, très virulente, doit être détectée rapidement pour que les séquelles ne soient pas trop importantes.
Au nom du principe de précaution, le préfet a été amené à fermer ou à restreindre fortement l'activité des entreprises dans le secteur de Lens. Quelles mesures de compensation le Gouvernement envisage-t-il en faveur des salariés ?
Voilà maintenant près de deux mois que l'usine Noroxo de Harnes est arrêtée.
L'inquiétude, dans l'environnement socio-économique lensois et chez les 160 salariés de Noroxo, se fait de plus en plus grande quant à une éventuelle fermeture définitive du site, car même si Exxon Mobil s'est engagé à plusieurs reprises, malgré la crise, à maintenir l'emploi dans l'usine, depuis le 4 janvier, celle-ci est fermée et la reprise semble bien lointaine.
Madame la ministre, sans qu'il soit nullement question de remettre en cause le nécessaire principe de précaution, il semble évident que la solution de cette crise sanitaire ne réside pas dans la fermeture de l'usine, à moins que soit envisagée la fermeture de l'ensemble des sites français possédant des tours aéroréfrigérantes potentiellement polluantes.
Personne ne comprendrait que le principe de précaution ait un coût pour les salariés !
Madame la ministre, parlons aussi des victimes !
De nombreuses familles se trouvent dans une situation financière difficile ; je pense notamment aux jeunes veuves. Il faut absolument que l'Etat dégage un fonds de secours exceptionnel pour leur venir en aide, et ce très rapidement.
Cette épidémie traumatise toute une région, même si elle semble se ralentir un peu. L'annonce du décès de deux personnes hier a de nouveau jeté le trouble dans les esprits. Il ne se passe pas un jour sans qu'un nouveau cas soit annoncé, qu'une usine soit arrêtée, qu'un bâtiment accueillant du public soit fermé. On ferme les piscines, parce que les taux de légionelle sont trop élevés.
Les personnes touchées sont pour la plupart âgées, mais six personnes de moins de cinquante ans sont atteintes, dont une mère de famille d'une trentaine d'années.
Les familles touchées sont dans une situation particulièrement difficile ; elles attendent de toute urgence un soutien moral, mais aussi financier de la part de la collectivité.
Les personnes sorties de l'hôpital ne sont pas guéries pour autant, elles souffrent de lourds handicaps : anémie, gêne respiratoire, poumons attaqués, etc.
J'en veux pour preuve le cas de ce Lensois de cinquante ans frappé par la légionellose en septembre 2002 déjà, qui ne peut plus travailler, qui devra suivre un traitement médical à vie, qui est contraint de passer une radio pulmonaire tous les mois, qui doit faire des pulvérisations d'oxygène six fois par jour tant ses difficultés respiratoires restent importantes.
On ne sort pas d'une légionellose comme d'une grippe ! Vous le savez bien, madame la ministre. Les séquelles persistent ; elles sont physiques, mais elles sont aussi psychiques.
Enfin, mon ami Alain Bocquet, président du groupe communiste à l'Assemblée nationale, et le groupe CRC du Sénat vous demandent la création d'urgence d'une commission d'enquête sur les épidémies de légionellose et la mise en oeuvre des moyens nécessaires pour les combattre et les prévenir.
Madame la ministre, le Gouvernement doit répondre à ces sollicitations et, pour que la transparence sur cette épidémie soit totale, il a le devoir d'accepter cette commission d'enquête.
En 2004, il n'est plus tolérable que soit mise en jeu la santé de nos concitoyens par manque de moyens de contrôle et de stricte réglementation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 51 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
Dans le débat, la parole est à Mme Brigitte Bout.
Mme Brigitte Bout. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'interviens aujourd'hui dans le cadre de ce débat car je suis élue du Pas-de-Calais et, au même titre que mes concitoyens, je suis très inquiète de la situation sanitaire du département.
En effet, le Pas-de-Calais révèle une situation qui dépasse tous les cas de figure rencontrés jusqu'alors : onze morts depuis la mi-novembre, voilà un triste bilan qui fait régner un climat d'angoisse et de psychose dans ce département.
Comme chacun le sait, cette maladie a été découverte en 1976 aux Etats-Unis lors d'un congrès d'anciens combattants, d'où son nom. A cette occasion, sur 4 500 participants, plus de 200 personnes ont été atteintes par une pneumonie foudroyante inconnue jusqu'alors.
Depuis sa découverte, des milliers de cas de légionellose ou « maladie des légionnaires » ont été observés dans le monde entier. On estime les cas à 20 000 par an aux Etats-Unis. En France, plusieurs centaines de malades ont été diagnostiqués depuis 1979. Depuis 1987, la surveillance de la légionellose en France est essentiellement fondée sur le système de déclaration obligatoire.
A cet égard, je souhaiterais connaître, madame la ministre, les derniers chiffres à l'échelle nationale.
Depuis 1997, le nombre de cas de légionellose déclarés est en augmentation. Selon les experts, cela peut s'expliquer par l'amélioration des méthodes de diagnostic et une meilleure connaissance de la maladie. De plus, le test de détection de l'antigène urinaire, par l'analyse des urines, a beaucoup facilité le diagnostic de la légionellose. Les épidémies, survenues en France ou à l'étranger ces dernières années, ont pu également sensibiliser les médecins au diagnostic de la maladie et à l'intérêt de la déclaration.
En 1998, au centre hospitalier de Tarbes, deux décès ont été constatés à la suite d'une infection par légionelle : il s'agissait de deux malades respectivement âgés de soixante-douze et soixante-dix-huit ans. Le directeur de l'hôpital, M. Jacques Pailhès, a fait procéder à une décontamination par choc thermique et chloration des conduits à la suite de laquelle les analyses n'ont détecté aucune présence de la bactérie. Aucun autre patient contaminé n'a été détecté. Qu'en est-il aujourd'hui de cette méthode de décontamination ? Est-elle reconnue ?
Aujourd'hui, le doute plane toujours sur les causes de contamination. Aussi, il semble urgent de pouvoir apporter des réponses afin de rassurer les Français.
Le 14 janvier dernier, le directeur général de la santé et le directeur de la prévention des pollutions et des risques ont tenu une réunion de travail sur l'épidémie dans la région de Lens avec le préfet du Pas-de-Calais, les services de l'Etat et les experts nationaux qui avaient été dépêchés en mission d'appui auprès du préfet à la fin du mois de décembre 2003.
A l'issue de cette rencontre, il est apparu que les hypothèses déjà évoquées sont maintenues ; on ne peut notamment écarter la possibilité d'une diffusion des bactéries lors des opérations de nettoyage de l'usine Noroxo.
En outre, la possibilité d'une émission de légionelles lors de la reprise d'activité de l'usine, le 22 décembre 2003, n'a pas été exclue.
Des contrôles supplémentaires ont été pratiqués à la mi-janvier sur les installations industrielles. Aussi, madame la ministre, je souhaiterais savoir si ces contrôles continuent et à quel rythme.
En effet, ces contrôles concernent l'usine Noroxo à Harnes, mais ils s'appliquent aussi à vingt-quatre autres installations classées du périmètre dotées de tours aéroréfrigérantes.
Par ailleurs, je souhaiterais que vous puissiez nous éclairer sur l'équipement expérimental de mesure des légionelles dans l'air, correspondant à un travail de recherche financé par l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, qui a été dépêchée sur le terrain afin d'appuyer l'action des services de l'Etat et des experts. Quels sont les résultats des analyses qui peuvent lui être imputées ?
Le 29 janvier dernier, M. le ministre de la santé et vous-même, madame la ministre, avez présenté les axes d'un programme de prévention de la légionellose lors de l'audition publique de représentants de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Le ministre de la santé avait précisé à cette occasion que ses services travaillaient, conjointement avec les vôtres, à la maîtrise des risques de légionellose depuis plusieurs années.
A la suite des épidémies de l'été 2003 à Montpellier et à Poitiers, M. le ministre de la santé et vous-même avez souhaité intensifier ces travaux afin de faire évoluer rapidement la réglementation. M. Mattei avait déclaré que l'épidémie actuelle dans le Pas-de-Calais, qui implique également des systèmes de tours aéroréfrigérantes, renforce la nécessité d'accélérer la mise en oeuvre de ce programme de prévention. Madame la ministre, pourriez-vous nous donner des éléments d'information concernant ce plan ? Où en sont les recherches et les expertises ?
Qu'en est-il du recensement national des tours aéroréfrigérantes. A-t-il été lancé ? Il était prévu pour le début du mois de février.
Quant au guide technique détaillant les mesures d'entretien à pratiquer sur ces installations publié en 2001, sera-t-il actualisé et diffusé aux exploitants de tours et aux sociétés de maintenance ?
Madame la ministre, je compte sur votre détermination pour mettre tout en oeuvre, avec M. le ministre de la santé, afin que soit enrayée très rapidement cette épidémie : la santé des Français en dépend.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir brièvement sur l'intervention particulièrement documentée de mon camarade et ami Yves Coquelle concernant l'épidémie de légionellose qui sévit actuellement dans le département du Pas-de-Calais.
Ce drame sanitaire nous rappelle une fois encore, s'il en était besoin, que l'on n'a pas assez appliqué le principe de précaution dans le passé et combien l'investissement massif de l'Etat en faveur de la recherche est indispensable, notamment pour prévenir les crises d'ordre épidémiologique.
Le premier principe de précaution est bien la recherche scientifique. La région Nord - Pas-de-Calais est sur ce plan, malheureusement, en première ligne, car elle connaît de nombreux problèmes sanitaires, pour la plupart provoqués par des taux de pollution des sols et de l'air largement supérieurs à la moyenne nationale. Les professionnels de la santé y enregistrent une augmentation du nombre des cancers dus à l'amiante, des maladies pulmonaires et autres allergies respiratoires ou encore des cas de saturnisme infantile.
J'évoquerai le cas des nombreux ouvriers des entreprises Stein Industrie, Comilog et Sollac Atlantique souffrant de multiples pathologies qui luttent aujourd'hui pour préserver leur droit à l'allocation de « cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ». Et que dire des centaines de salariés de Metaleurop et de leurs familles qui vivent à proximité de l'ancienne usine et sont en majorité victimes d'un saturnisme aigu provoqué par le plomb rejeté dans l'atmosphère par la fonderie, des années durant ! En intervenant dans ce débat, c'est avant tout à eux que je pense.
Cela étant, l'ampleur de ces drames sanitaires apparaît comme la triste traduction du retard pris par notre recherche nationale dans les domaines de la santé et de l'environnement. Pour ce qui est de l'épidémie actuelle de légionellose, les professionnels ne disposaient pas de données suffisantes pour prendre position. Le secteur médical, le monde industriel, tout comme les pouvoirs publics, semblent avoir été pris de court.
Il s'agit aujourd'hui non seulement de savoir comment mettre un terme à cette épidémie, mais plus encore de définir les moyens de prévenir de nouveaux drames. Il ne faut pas attendre que surviennent les problèmes de santé pour agir. Il convient, au-delà des principes élémentaires de précaution, de donner un nouvel élan à la recherche nationale, tant sur le plan médical que sur celui de l'environnement, ainsi que le demandent avec raison les scientifiques de tous horizons.
Considérant que l'homme est le capital le plus précieux, j'estime que les pouvoirs publics se doivent de mettre en oeuvre, dans les plus brefs délais, une politique ambitieuse en faveur de la recherche qui permette de prévenir, voire d'anticiper, les futures crises sanitaires.
Il est évident que la crise dramatique de légionellose que nous subissons dans le Pas-de-Calais appelle, par exemple, comme le proposait Marie-Christine Blandin récemment, l'établissement d'un programme de recherches microbiennes axé sur l'évolution des bactéries, assorti des investissements correspondants. Ces recherches vont en effet se révéler tout à fait nécessaires au fil des découvertes.
A l'inverse, la logique comptable visant à limiter les moyens humains et financiers de la recherche relève d'une vision à très court terme, porteuse de lourdes menaces pour l'avenir de nos concitoyens. Au retard technologique viendrait alors s'ajouter une incapacité à enrayer les épidémies et épizooties dont l'actualité nationale et internationale nous rappelle de manière récurrente la gravité.
Notre recherche est en difficulté. Des dizaines de milliers de chercheurs viennent de sonner le tocsin ; leur mouvement, par son ampleur, prend un caractère historique.
Cette situation résulte de trois facteurs principaux : tout d'abord, les difficultés réelles que rencontrent les laboratoires pour maintenir leur compétitivité ; ensuite, des financements insuffisants débouchant sur des tensions budgétaires qui conduisent au retard cumulatif de la recherche française et sa moindre attractivité pour les jeunes chercheurs dans un contexte de vieillissement des équipes ; enfin, un important retard en matière de moyens matériels, auquel s'ajoute la difficulté à recruter un nombre suffisant d'ingénieurs et de techniciens, avec le risque de perte de mémoire et de transmission des savoirs que cela entraîne.
En outre, il faut oser affirmer que ce que l'Etat n'investit pas aujourd'hui dans la recherche lui coûtera demain beaucoup plus cher d'un simple point de vue financier.
Ce qui est plus grave encore, c'est qu'en se désengageant de la recherche fondamentale, l'Etat risque d'hypothéquer les capacités de réaction des professionnels du secteur médical qui, demain, seront sans doute confrontés à de nouvelles maladies.
Madame la ministre, sachez bien qu'il ne s'agit en aucun cas pour moi d'engager une polémique politicienne stérile. Bien au contraire ; en témoigne la déclaration faite par M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, à l'occasion de l'audition de M. Axel Kahn, le mercredi 4 février, selon laquelle la conduite de la politique de recherche ne peut se faire dans une optique exclusivement financière.
C'est également en ce sens que se sont prononcés les membres du conseil scientifique de l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques entendus par les élus siégeant le 7 janvier dernier. Ils ont ainsi rappelé que les moyens de la recherche, son organisation et sa place dans notre société constituent d'importants sujets de préoccupation.
D'après eux, les questions environnementales, telles que le changement climatique ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre, figurent parmi les sujets prioritaires, voire primordiaux, d'autant plus que la recherche sur le développement durable demeure un domaine en friche dans notre pays.
Afin de prévenir les risques naturels et technologiques, ils préconisent aussi la mise au point d'instruments de détection et la mise en place de dispositifs pratiques plus efficaces.
S'agissant de la prévention des risques sanitaires, les membres du conseil scientifique prônent un renforcement de la recherche française en épidémiologie et, plus particulièrement, de l'appareil de surveillance épidémiologique des travailleurs et de la population.
L'insuffisance de l'action menée quant à l'influence sur la santé humaine des pollutions à l'intérieur des locaux avait déjà conduit les membres de ce conseil scientifique à faire l'un des cinq axes prioritaires dès 1999.
Toutes les réflexions émises par ces éminents scientifiques démontrent l'impérieuse nécessité d'attribuer à la recherche française des moyens à la hauteur des défis auxquels elle est confrontée.
Il s'agit en outre de la rendre plus attractive pour éviter la fuite des jeunes chercheurs à l'étranger. Et cela vaut pour toute la chaîne de la recherche, depuis la recherche fondamentale jusqu'à la valorisation. Cette chaîne non linéaire relève d'ailleurs de trois grands blocs : en aval, la recherche-développement, qui permet de donner une valeur, y compris marchande, à une innovation : puis, la recherche finalisée, qui comporte un but précis ; enfin, la recherche de concepts, ou recherche fondamentale, qui a pour seule finalité la connaissance du fonctionnement de la nature.
C'est cette chaîne qu'il faut promouvoir à tout prix, madame la ministre, car il y va du dynamisme de notre pays, il y va de la dignité et du respect de nos populations.
Aussi vous demanderai-je si le Gouvernement entend réellement rester sourd aux cris d'alerte des chercheurs ou, à l'inverse, s'il compte inscrire la recherche au rang des priorités nationales, comme l'exigent les nombreux défis, telles les questions sanitaires, que celle-ci a et aura à relever.
Je le répète, il ne faut pas attendre que les problèmes soient là pour agir. La bonne réponse réside dans l'investissement en matière grise - il est à notre portée -, pour le plus grand bien de la santé présente et à venir de nos concitoyens, dans le Nord - Pas-de-Calais, mais aussi dans toute la France. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente.
Mme Michèle San Vicente. Permettez-moi de vous lire le communiqué de la préfecture du Pas-de-Calais du 9 février 2004 : « Deux personnes contaminées sont malheureusement décédées dimanche et ce jour ; d'abord un homme âgé de soixante-douze ans, demeurant à Harnes. Il avait été touché par les premiers symptômes de l'affection le 22 janvier 2004, et non pas le 30 janvier, comme l'avait initialement indiqué l'enquête de santé, puis un homme âgé de quatre-vingt-trois ans, demeurant à Montigny-en-Gohelle, qui avait été touché par les premiers signes le 22 décembre 2003.
« Sur quatre-vingt-cinq personnes contaminées, treize sont décédées, neuf sont hospitalisées, dont deux en réanimation, et soixante-trois ont regagné leur domicile.
« Aucun nouveau cas n'a été signalé depuis huit jours. »
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le 30 novembre 2003, début officiel de l'épidémie, notre pays connaît une contamination à répétition jamais enregistrée en France.
L'ex-bassin minier du Pas-de-Calais a successivement été confronté à deux vagues d'infection. M. le ministre de la santé a déclaré ne pas croire à une troisième.
Les habitants de ma circonscription aimeraient tellement croire que le cauchemar est enfin fini ! En effet, la déclaration de patients contaminés plus de vingt jours après la fermeture de l'usine incriminée complique sérieusement le diagnostic et soulève déjà le problème de l'efficacité de la décontamination des tours aéroréfrigérantes, et ce n'est pas le dernier cas enregistré qui peut les rassurer.
La comparaison des souches humaines et environnementales a abouti à la mise en cause des tours aéroréfrigérantes de l'entreprise Noroxo de Harnes. Les analyses effectuées par les autorités sanitaires ont mis en évidence une similitude entre la bactérie trouvée sur le site industriel et celle de certains patients.
Cette source de contamination n'a été identifiée, à ce jour, que pour vingt-trois cas. Pour les soixante-deux autres victimes, aucune corrélation n'a pu être démontrée.
Cette triste réalité prouve, si besoin était, que trop de zones d'ombre subsistent encore : la seconde vague sur Hénin-Beaumont, par exemple, éloignée géographiquement, ou encore la durée d'incubation « exceptionnelle ».
La bactérie Legionella pneumophilia a été identifiée il y a tout de même vingt-sept ans, lors d'un congrès d'anciens combattants de la Légion américaine.
Elle fait partie depuis 1987 des maladies à déclaration obligatoire, mais chacun sait ici que les chiffres fournis par l'Institut de veille sanitaire, sont sous-estimés puisque seuls 33 % des cas ont fait l'objet d'une déclaration.
Effectivement, depuis cette date, la surveillance de la légionellose, qui repose sur ce système, a subi un renforcement bénéfique en 1997. On constate ainsi une croissance ahurissante du nombre de cas, d'environ 30 % par an selon les sources officielles de l'INVS. Je suis certaine, madame la ministre, que en procédant à un nouveau renforcement de la déclaration obligatoire, ce pourcentage serait plus élevé. Pour preuve, l'INVS signale, dans son bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 32, les faits suivants pour l'année 2002 : « Dix-sept notifications étaient des cas confirmés biologiquement, dont trois par culture. Malgré les relances effectuées via les DDASS concernées, aucune déclaration obligatoire n'a été reçue pour ces dix-sept cas. »
D'ailleurs, notre ancien collègue Emmanuel Hamel s'en était inquiété dans une question écrite du 29 mai 2003, retirée à la suite de son décès. Elle était adressée à M. le ministre de la santé en réaction à un article paru dans le quotidien Le Figaro du 21 mars 2003 sous le titre : « La légionellose, un mal négligé, selon les victimes. » L'Association des victimes de légionellose, l'AVIL, y affirmait que l'épidémie était négligée par les pouvoirs publics et par le corps médical, en se fondant sur cette sous-déclaration très importante de la maladie.
Une circulaire de décembre 1998 de la direction régionale de la santé oblige les établissements à la plus grande transparence sur l'entretien et la maintenance de leurs réseaux d'eau. Malheureusement, les cas de légionellose nosocomiale restent encore trop nombreux, même si de réels progrès ont été réalisés dans ce domaine.
Une autre circulaire, du 23 avril 1999, cette fois, indique également les règles d'entretien, de maintenance et de suivi des tours. Mille sept cents arrêtés préfectoraux ont été pris dans le cadre de la législation des installations classées en imposant, entre autres, un entretien complet de l'installation une fois par an.
Madame la ministre, quels moyens l'Etat a-t-il pour faire respecter la réglementation en matière de santé et d'environnement dès lors que les industriels réalisent eux-mêmes les contrôles ? L'exemple de Noroxo, qui a certes traité ses tours aéroréfrigérantes, mais tout en continuant de fonctionner, est flagrant !
Madame la ministre, vous allez bientôt présenter un plan global de prévention de la légionellose prévoyant, outre un recensement des plus exhaustifs des tours, des sanctions sévères ou encore une sensibilisation individuelle des exploitants de ces tours.
La Cour des comptes, dans son rapport, considère judicieusement qu'il serait opportun de séparer, au niveau des services déconcentrés de l'Etat, les services chargés de l'animation et de la veille économique de ceux auxquels incombe la responsabilité de la prévention des pollutions et des risques.
Madame la ministre, le plan santé-environnement qui sera vraisemblablement présenté en avril prendra-t-il en compte ces recommandations ?
Cette crise sanitaire sans précédent devrait servir aux différents experts pour améliorer les connaissances scientifiques. Les analyses et les chocs biocides sont-ils réellement fiables ? En effet, comment ne pas s'étonner qu'en huit jours on ait pu passer de 50 unités formant colonie, ou UFC, à 350 000,...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. C'est toute la bactériologie !
Mme Michèle San Vicente. ... alors que les résultats précédents n'avaient pas mis en évidence de prolifération ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Eh oui !
Mme Michèle San Vicente. Comment ne pas s'étonner qu'une usine de Beuvry-la-Forêt, près de Valenciennes, transporte et livre des boues porteuses de la même souche de légionelle provenant de sa station d'épuration « en dépannage » et ce sans autorisation particulière ? Cette usine de chimie fine produisant des produits pour l'industrie pharmaceutique est aussi classée en Seveso, seuil haut !
Beaucoup de questions sont posées, madame la ministre, et peu de réponses y sont apportées.
Le fait que l'épidémie se développe dans une région où les problèmes respiratoires sont très importants n'est certes pas anodin, mais il n'explique pas tout.
La propagation de la bactérie par les tours aéroréfrigérantes de l'usine Noroxo a mis en évidence la dangerosité galopante de l'épidémie par ce biais. L'épisode lensois restera malheureusement gravé dans la mémoire collective, de par les graves conséquences qui en ont découlé.
Cependant, madame la ministre, je trouve regrettable qu'il ait fallu un tel drame pour enfin prendre conscience de la menace que représente la légionellose sur notre territoire. Pourtant, dans le numéro du bulletin épidémiologique hebdomadaire que j'ai cité, l'INVS concluait ainsi : « Malgré les améliorations majeures constatées sur le nombre de cas déclarés, la diminution des délais de déclaration, il convient de maintenir une déclaration rapide des cas afin de permettre une détection précoce des cas groupés. Par ailleurs, le contrôle du risque légionelle et la prévention au niveau des installations à risque doivent être renforcés. »
Madame la ministre, ce sont là autant de questions que nombre d'élus locaux et d'habitants se posent légitimement, car - je tiens à le rappeler - la légionellose n'a ni frontières départementales ni frontières régionales ; elle concerne tous les Français. La carte que vient de publier La Gazette des communes prouve qu'au contraire, le Pas-de-Calais est beaucoup moins concerné que l'est de la France ou la région Rhône-Alpes.
A ce sujet, j'avoue avoir été choquée, comme mon collègue M. Coquelle, à la lecture d'un article paru dans Le Monde sous un titre racoleur : « Les fatalistes ». Notre indignation, j'en suis certaine, est partagée par beaucoup. Par le passé, des cas groupés ont été identifiés dans d'autres départements, et je n'ai pas entendu dire que les populations touchées étaient « fatalistes » !
Il est plus que temps de cesser tout misérabilisme à l'égard de la population du Nord - Pas-de-Calais et de ses terres. L'image déplorable qui en est donnée est la résultante d'articles de presse ou de reportages télévisés « ciblés » pour la plupart réalisés par des journalistes qui ne se sont même pas donné la peine de se rendre sur le terrain, où ils auraient certainement découvert un territoire en pleine mutation, pas si plat qu'on veut bien le dire, mais avec de véritables trames vertes et la Côte d'Opale, qui attire beaucoup de touristes. (Mme la ministre acquiesce.) D'ailleurs, La Voix du Nord, évoquant la candidature du bassin minier pour l'inscription au patrimoine de l'UNESCO, parle d'idée simple : « C'est la démonstration d'une histoire d'hommes qui s'adaptent à l'évolution industrielle générée par la houille. Découverte qui a considérablement façonné le paysage, l'architecture et la vie de la population... tout simplement. » La parenthèse est close.
Madame la ministre, les procédures de contrôle et de prévention de la légionellose dans les installations à risque doivent donc être renforcées, c'est une évidence. La mise en place de la couverture maladie universelle, la CMU, n'a-t-elle pas démontré que les inégalités de santé sont désormais plus liées à des inégalités d'accès à la prévention qu'à des problèmes d'accès aux soins ? L'INVS souligne également l'impérieuse nécessité de maintenir une déclaration rapide des cas afin de permettre une détection précoce des cas groupés. C'est on ne peut plus vrai, puisque, sur les 676 établissements dont la situation a été contrôlée dans la zone des 45 communes objet d'investigations, et après un travail de vérification des installations classées, 25 ont été identifiés comme pouvant présenter un risque potentiel de légionelles.
Bien entendu, il s'agit d'un combat européen qui, en fonction des données empiriques des autres pays de l'Union européenne, permettra une harmonisation vers une politique de santé de qualité.
Madame la ministre, pour conclure, je veux avoir une pensée pour les victimes et pour leur famille. Certains patients garderont des séquelles. Face à ce que l'on peut qualifier de « crise sanitaire majeure », les élus locaux ont pris l'initiative de porter plainte contre X aux côtés de ces familles. Nous espérons ainsi faire avancer les investigations dans la clarté et la transparence, car nous savons bien que les tours aéroréfrigérantes ne sont pas seules en cause. Madame la ministre, la fin justifie vraiment les moyens, des moyens humains et financiers ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat se déroule pratiquement entre parlementaires du Nord - Pas-de-Calais ! (Sourires.)
Mme Marie-Christine Blandin. A droite !
Mme Marie-France Beaufils. Pas à gauche, où d'autres régions sont représentées !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Tout pourrait donc laisser croire que seule notre région est concernée par la légionellose. Or celle-ci n'est pas spécifique au bassin minier. Faut-il rappeler l'ouverture de l'hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris, entre autres exemples ?
Il est vrai que notre région est marquée par une autre forme de maladie respiratoire, la silicose, qui a touché mortellement des centaines de milliers de mineurs. Il est vrai aussi que, plus récemment, Metaleurop a mis de nouveau en lumière les risques de pollution industrielle dans notre région, des risques qui n'ont d'ailleurs pas, madame la ministre, été pris en compte. Ainsi, l'amiante, le plomb, le cadmium, ont contaminé plusieurs centaines de travailleurs de Metaleurop, et ce n'est toujours pas reconnu.
Mais revenons à la légionellose. S'agissant non d'un virus mais d'une bactérie, la maladie n'est donc pas contagieuse. Pourtant, elle se répand dans notre région lensoise. Il faut donc aujourd'hui enrayer, contrôler... et nettoyer !
Qu'en est-il de cette contamination ? Selon les manuels, les personnes concernées sont essentiellement celles qui sont exposées à l'inhalation d'eau contaminée, diffusée en aérosol ou par instillation directe au niveau des bronches.
La légionellose existe aussi sous forme de maladie nosocomiale, donc en milieu hospitalier, où elle trouve évidemment des facteurs favorables à la contamination. N'a-t-on pas constaté, d'ailleurs, que les premières personnes décédées des suites de la légionellose dans la région lensoise étaient très fragilisées par des pathologies ou des traitements médicaux afférents ? L'affaiblissement de leur état général a donc favorisé leur contamination par les légionelles.
Mais la légionellose est également une maladie domestique. On s'est récemment rendu compte que certaines habitations dont les installations sanitaires sont anciennes et peu utilisées favorisent la contamination. C'est pour cette raison que le vestiaire d'une équipe de football de notre région a été fermé tout récemment.
De surcroît, la légionellose est une maladie professionnelle ou, en tous les cas, d'origine industrielle et professionnelle. On a cité - je n'y reviendrai pas - de nombreux cas, notamment celui de l'usine Noroxo.
Que faut-il faire ? Comment contrôler ce phénomène ?
Je pense qu'il faut d'abord appliquer et faire appliquer la législation en vigueur. Celle-ci vise essentiellement les établissements de santé. Peut-être faudrait-il la revoir et élargir cette réglementation - pas seulement par des avenants - aux établissements industriels ?
Je proposerai quelques pistes de réflexion.
Il faudrait tout d'abord uniformiser le protocole de mesure du taux de légionelles. En effet, actuellement, les laboratoires utilisent des méthodes et des techniques diversifiées, qui comprennent de nombreuses variantes susceptibles d'aboutir à des divergences de résultats parfois importantes selon les laboratoires, comme l'ont révélé les dernières campagnes d'inter-comparaison.
De la même manière, une harmonisation des seuils de tolérance de légionelles grâce à une réglementation fixant des prescriptions communes à l'ensemble des installations à risque, semble nécessaire, éventuellement d'ailleurs en vue d'une harmonisation européenne.
Ne pourrait-on pas établir un code de conduite pour la désinfection des systèmes afin d'éviter la dissémination des légionelles par des opérations de nettoyage ?
Toujours dans le même esprit, ne serait-il pas possible d'imposer un contrôle permanent des systèmes d'aération et des conduites d'eau dans les infrastructures sensibles que l'on a évoquées tout à heure - les hôpitaux, les crèches, les maisons de repos, notamment -, mais aussi dans les installations industrielles ? Il faudrait prévoir une obligation d'analyse plusieurs fois par an, car la périodicité actuelle - une analyse annuelle - nous paraît insuffisante. On pourrait enfin mettre en place un système de label « qualité » dont pourraient se prévaloir les industries ayant adopté un système de traitement des légionelles ainsi que les bâtiments médico-sociaux.
Voilà, madame la ministre, les quelques suggestions que je souhaitais vous présenter.
J'évoquerai en conclusion l'appel que lancent les familles des victimes de la légionellose et leur association, dont j'ai rencontré l'une des responsables.
Dites bien à Mme la ministre, m'a-t-elle demandé, qu'il faut aux victimes de la légionellose et aux familles une écoute et un soutien psychologique. Elles ont, en effet, rencontré des difficultés dont elles ne connaissent pas exactement les causes.
Elles souhaitent également voir reconnus leurs droits, y compris à l'issue d'une procédure judiciaire, ce qui rend nécessaire un accompagnement dans les nombreuses démarches afférentes.
Dites bien aussi à Mme la ministre, m'a demandé cette responsable, que les contrôles et les recensements des entreprises doivent être opérés par des organismes agréés, indépendants des entreprises et des administrations compétentes en matière de santé. En fait, il faut que la loi soit appliquée.
En conclusion, madame la ministre, je salue les efforts qu'avec M. le ministre de la santé et les services de l'Etat vous avez accomplis pour prendre en charge les victimes de ce phénomène particulièrement cauchemardesque.
Nous attendons aujourd'hui des engagements clairs qui rassurent nos populations.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la demi-journée d'auditions de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques consacrée à la légionellose fut une bonne initiative de son président et permit de faire le point. Cela n'enlève cependant rien à la désagréable impression des habitants qu'ils sont une fois de plus victimes.
Entre chômage et négligence environnementale, notre région en a assez. La douloureuse expérience de Noroxo qui a, une fois de plus, frappé notre région a révélé les insuffisances : ressources humaines de la DRIRE sollicitées bien au-delà de ses effectifs, protocoles d'actions non définis, tentatives de destruction des germes incertaines, voire à risque, résultats très divers d'analyse d'un même prélèvement, besoin du public et des médecins généralistes d'être précisément et rapidement informés.
Malgré une évolution positive dans la connaissance de cette épidémie, personne n'est aujourd'hui en mesure de décrire précisément l'origine des souches virulentes, le rythme de multiplication et la taille des gouttes d'eau vecteurs de contamination.
Vous avez annoncé le recensement exhaustif des tours aéroréfrigérées, leur surveillance, ainsi qu'un arrêté basé sur le taux de germes mesuré en cas d'analyse pour ordonner le nettoyage, voire l'arrêt des installations. Cela ne tient pas compte de la variabilité des taux ! Selon l'échantillon de biofilm prélevé, on ne peut pourtant pas fermer ou rassurer à l'aveugle, et tout cela ne peut avoir de sens que si de nouveaux moyens sont identifiés pour ces missions.
Ce ne sont ni une cellule interrégionale de veille sanitaire de sept ou huit personnes ni cinquante-quatre inspecteurs de la DRIRE pour 1 889 établissements soumis à autorisation qui pourront assurer ces tâches sans se dessaisir d'autres veilles tout aussi indispensables.
La grande question de demain, c'est l'anticipation et la surveillance de la santé environnementale, alimentaire et professionnelle.
La santé environnementale nécessite, comme la santé de l'homme, une action continue et préventive : pour un homme, analyser son taux de cholestérol une fois par an ne sert que si cela s'inscrit dans une bonne hygiène de vie ; pour les systèmes, contrôler et sanctionner n'a de sens que si le diagnostic des installations est permanent, si la chasse aux bras morts fixes ou temporaires par le jeu des vannes fait partie d'une culture partagée dans l'industrie, les locaux collectifs et les thermes.
La concentration urbaine, les équipements industriels, les climatiseurs des voitures et les nouveaux process ont créé depuis quelques décennies des milieux de vie inédits pour les microbes, des écosystèmes à découvrir pour mieux connaître les modes d'action en présence de germes virulents : listeria dans les chaînes du froid, légionelles à 40 degrés ou 42 degrés, salmonelles de l'agroalimentaire et, demain, d'autres encore.
Il y a donc lieu de développer des programmes de recherche en microbiologie sur tous ces nouveaux écosystèmes et de les étendre à des applications pluridisciplinaires. Au titre tant de la quantité que de la qualité, une priorité doit être donnée à l'eau, qui est notre bien commun.
Vu l'état des budgets de la recherche - 42 000 chercheurs en France se déclarent prêts à démissionner -, nous en sommes loin.
Enfin, dans le domaine de la santé publique, anticiper et intervenir quand il le faut - et comme il le faut - requiert un bon réseau de surveillance et d'alerte. M. le ministre de la santé a pourtant refusé nos amendements donnant ces missions et leurs justes moyens aux ORS, les observatoires régionaux de la santé, à l'INVS, l'Institut de veille sanitaire, et à l'AFSSE, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale.
Madame la ministre, je terminerai en vous demandant ce que le Gouvernement a prévu dans la loi de finances rectificative de 2004 pour que les missions supplémentaires confiées à la DRIRE puissent s'exercer sans découvrir d'autres champs, pour qu'un programme de recherche sur les nouveaux écosystèmes des microbes en milieu industriel ou urbain soit financé, pour que l'observation épidémiologique s'adapte à ces risques émergents et pour que l'alerte et la remontée d'informations, maillon indispensable de la santé publique, puissent s'exercer sans délai. Souvenons-nous de la canicule !
Madame la ministre, lors du débat budgétaire, vous me disiez que j'avais une conception « très démodée » du développement durable parce que je vous interrogeais sur les moyens budgétaires.
Les habitants inquiets - aujourd'hui ceux du Pas-de-Calais - ne trouvent pas, autour de Noroxo ou de Metaleurop, que c'est une question de mode ! Ils mesurent l'importance d'une véritable politique de précaution et de prévention. Il faut aujourd'hui donner à ceux qui en sont les piliers - chercheurs, techniciens et ingénieurs - les moyens d'agir. Il faut donner à ceux qui en sont acteurs et victimes - les travailleurs et les riverains - les moyens d'être entendus et de donner leur avis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Percheron.
M. Daniel Percheron. Madame le ministre, à ce rendez-vous heureusement provoqué par notre collègue Yves Coquelle j'attendais M. le ministre Mattei.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je suis désolé, il n'y a que moi !
M. Daniel Percheron Vous êtes là, dont acte. Il est vrai que vous êtes déjà venue à notre rencontre à l'occasion de cette épidémie.
Cela vient d'être dit, la légionelle, repérée et identifiée à Philadelphie, au coeur de la modernité américaine, n'est pas une bactérie de Harnes, du Pas-de-Calais, de l'ancien bassin minier, et encore moins du monde industriel d'hier. Elle a déjà sévi à « Montpellier la surdouée », et ailleurs dans notre pays et en Europe.
Pourtant, cette épidémie, qui vient de frapper encore cruellement dimanche par son ampleur, sa virulence et sa persistance, pourrait apparaître sur le théâtre dramatisé de l'actualité comme une nouvelle malédiction, un inévitable malheur tapi au coeur de nos cités minières si sagement alignées, au milieu de nos usines plus ou moins dangereuses mais nécessaires au travail.
La légionellose tue moins que la silicose, certes, mais personne aujourd'hui n'envisage d'accepter la fatalité. Le chômage de masse sévit encore et toujours, mais les femmes et les hommes de Lens, de Harnes ou de Fouquières-lès-Lens exigent enfin, madame la ministre, information, guérison et prévention. Pour les élus, pour les médecins, pour toute une population, il est interdit de laisser l'histoire bégayer dans l'ancien bassin minier.
Quelques remarques générales peuvent être faites.
A l'heure de la décentralisation aventureuse, l'épidémie de légionellose dans le Nord - Pas-de-Calais nous rappelle une évidence : nous avons besoin de vous. Nous avons besoin d'un Etat fort, d'un Etat présent, d'un Etat vigilant et d'un Etat compétent. Nous avons besoin d'un Etat qui veut, et d'un Etat qui peut.
La mobilisation des services de l'Etat, sous l'autorité du préfet, a été rapide et progressivement efficace. La sous-administration de notre région, indiscutable et indiscutée, est pourtant une nouvelle fois apparue en pleine lumière. Vos réponses, madame la ministre, même fournies dans l'urgence, sont timides et insuffisantes.
Votre religion du moins d'Etat ne résiste pas en période de danger et de malheur. Le marché, lui, ne connaît ni la prévention ni la solidarité. A l'heure de la renégociation du contrat de plan du Nord - Pas-de-Calais, seul contrat en France dans lequel il est pris acte de la sous-administration d'une région et d'un nécessaire rattrapage, faisons en sorte, ensemble, de mettre la volonté en accord avec notre situation.
Vous le savez - le docteur Mattei en convenait dès le 1er janvier, date un peu étonnante, pour une visite ministérielle, puis le confirmait le 17 janvier -, nous avons l'un des meilleurs systèmes de santé au monde, peut-être même le meilleur : liberté du choix du médecin, qualité des soins, mutualisation des risques. Ce système a toute notre confiance et notre reconnaissance.
Ce système de santé si remarquable rend d'autant plus insoutenables les inégalités territoriales. Vous êtes venue dans notre région, madame le ministre, M. Mattei s'y est également rendu à deux reprises, et il en est convenu. Nous vous en remercions, bien sûr, mais on ne vient pas impunément en période de crise dans la seule région de France qui a cotisé plus qu'elle n'a reçu de l'assurance maladie.
L'épidémie a frappé une population très fragile. Pourquoi, donc, avez-vous supprimé depuis quelques mois la dotation supplémentaire, traitement préférentiel, de 200 millions de francs par an sur dix ans accordée par Mme Aubry dès 1998 ? Ce montant vous paraît peut-être dérisoire, mais, pour nous, c'est une certitude, et il est décisif. Mme Aubry, vous le savez, a été le ministre de toutes les volontés.
Je vous rappelle également que 450 000 personnes bénéficient de la couverture maladie universelle dans le Nord - Pas-de-Calais.
Vous ne pouvez pas traiter la légionellose sans rétablir cette dotation spécifique ; je vous le demande à cette tribune. Sinon, nos débats, fussent-ils démocratiquement imposés, nos échanges, mais aussi vos efforts et votre compassion se rapprocheront dangereusement du mensonge collectif.
Les élus, surtout les maires, ont fait face. Ils en ont l'habitude, comme beaucoup, mais plus particulièrement dans le Nord - Pas-de-Calais : dans chacune de leurs interventions et de leurs démarches est légitimement exprimé le refus absolu d'être pris dans l'étau entre le principe de précaution - qui oserait s'y opposer ? - et la nécessité de la sauvegarde vitale de l'emploi, du travail, des salaires de notre population.
Pour les aider, même à la marge, à dominer la contradiction qui existe entre le principe de précaution et le chômage qui menace, le conseil régional a débloqué les premiers crédits nécessaires à l'indemnisation des petites entreprises brutalement immobilisées. J'espère que l'Etat, même s'il est exsangue, pourra nous accompagner.
Je ne voudrais pas terminer cette courte intervention, madame le ministre, sans souligner, comme je l'ai déjà fait devant le docteur Mattei, le rôle très positif de la presse écrite régionale ; elle a joué un véritable rôle de pédagogie civique qui a beaucoup aidé les élus et les médecins à maintenir à leur plus haut niveau les qualités de discipline, de patience et de loyauté de notre population.
Nous sommes loin - ainsi nous a faits le mouvement ouvrier dans le Nord - Pas-de-Calais - de la tournure caricaturale qu'a pu prendre le débat sur la canicule. Cette ambiance, cette réalité, cette loyauté appellent de la part du gouvernement de M. Raffarin le respect et, évidemment, la solidarité. Nous allons vous écouter avec beaucoup d'intérêt, madame le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, au début de mon propos, vous remercier pour la très grande dignité de ce débat, qui a été à la hauteur du drame sanitaire vécu par la région du Nord - Pas-de-Calais.
Beaucoup d'entre vous représentent cette région et ont souligné qu'elle a été très lourdement marquée par l'épidémie de légionellose depuis le début du mois de novembre dernier.
Elle a été marquée sur le plan sanitaire, bien sûr, puisque treize personnes sont malheureusement décédées parmi les quatre-vingt-cinq personnes infectées, et que d'autres garderont encore longtemps dans leur corps les séquelles de la légionellose, une maladie souvent difficile à surmonter, vous avez été nombreux à le rappeler.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai tenu, lors de mon déplacement dans votre région, à rencontrer la présidente de l'association des victimes, Mme Delaby. J'ai par ailleurs indiqué à M. le préfet Cyrille Schott qu'il devait se tenir à la disposition des victimes pour les aider dans toutes leurs démarches, y compris judiciaires.
La région a aussi été marquée sur le plan économique, puisque la gestion de la crise sanitaire a conduit les pouvoirs publics à décider la fermeture de plusieurs usines : Noroxo, bien sûr, mais aussi l'usine Mac Cain, qui a rouvert après avoir consacré une semaine au nettoyage de la tour aéroréfrigérante affectée, ou encore les stations de lavage qui, après avoir analysé l'eau qu'elles utilisaient, ont rouvert à la fin du mois de janvier.
Enfin, la région a été marquée sur le plan psychologique par une épidémie d'une durée exceptionnelle, dont les causes ont été difficiles à identifier et qui a touché un territoire déjà marqué par un passé industriel lourd, Yves Coquelle le disait très justement.
Beaucoup d'entre vous ont dressé le bilan de la situation.
Je veux le redire, l'épidémie marque un très net recul : sur les cinq dernières semaines, le nombre hebdomadaire de cas déclarés est passé de onze à huit, puis à cinq, puis à trois, et un seul cas a été déclaré la semaine dernière.
Je tiens d'ailleurs à préciser, madame San Vicente, qu'il y a eu non pas seulement vingt-trois analyses sur les quatre-vingt-cinq personnes touchées par la légionellose, mais beaucoup plus et, chaque fois que cela a été possible, la mise en culture a été réalisée. Simplement, sur les vingt-trois cas où la culture a été positive, la souche Noroxo a été retrouvée.
Cela fait aujourd'hui plus de huit jours qu'aucun cas nouveau n'a été déclaré. La date de début des symptômes la plus tardive reste le 22 janvier, l'hypothèse de contamination la plus probable étant donc celle qui met en jeu le fonctionnement de l'usine Noroxo.
Il est certes un peu tôt pour affirmer que l'épidémie est terminée, et j'ai insisté, avec mon collègue Jean-François Mattei, pour que les services de l'Etat maintiennent leurs efforts en vue de traquer la bactérie, c'est-à-dire pour qu'un contrôle hebdomadaire reste effectué tant que la fin de l'épidémie ne sera pas officiellement déclarée. Il est toutefois permis d'espérer que ce sera bientôt le cas, d'autant que les analyses récentes sur la lagune de l'usine Noroxo et sur les camions l'approvisionnant dessinent, pour la première fois depuis le début de l'épidémie, un schéma de contamination techniquement crédible.
J'ai été interrogée sur les techniques utilisées pour décontaminer la lagune. Les aérateurs de surface de la lagune sont arrêtés par précaution. Le rejet issu du milieu naturel a donné lieu à une chloration. A été mis en place un dispositif de protection contre les entraînements éventuels d'aérosols. Les solutions sont difficiles techniquement : il est envisagé de procéder à une séparation phase liquide/phase solide et à un chaulage du résidu sec avant enfouissement dans un CET, un centre d'enfouissement technique, à moins que l'on ne recoure à la neutralisation par biocide. Quoi qu'il en soit, le contrôle de la lagune sera un élément tout à fait décisif pour autoriser la réouverture du site industriel.
Je tiens à souligner une nouvelle fois que, dans cette crise, l'investissement des services locaux de l'Etat - DDASS, DRIRE, cellule interrégionale d'épidémiologie - a été exemplaire.
Les services de l'Etat ont vérifié la situation de 2 400 établissements. Dans un territoire de plus de 400 kilomètres carrés, incluant cinquante-trois communes, trente-trois tours réfrigérantes ont été identifiées. Ces dernières ont donné lieu, depuis début décembre, à 650 prélèvements ou analyses. Les stations de lavage, les réseaux d'eau chaude ont été l'objet d'attentions intenses, tandis que des enquêtes épidémiologiques détaillées retraçaient les points communs dans les emplois du temps des victimes.
C'est donc à une véritable enquête policière qu'il a été procédé, et je tiens à m'associer à l'hommage que Jean-Marie Vanlerenberghe a très justement rendu à tous ceux qui se sont dépensés sans compter pour éradiquer au plus vite cette épidémie, dans une période de fêtes pendant laquelle tout un chacun souhaite plutôt se consacrer à sa famille.
La rapidité de leur réaction n'a aucunement laissé à désirer, quoi qu'en disent certains. Les services de santé ont été en mesure de déceler l'accumulation de cas, caractéristique d'une épidémie - il faut savoir que, sur les 1 000 cas de légionellose enregistrés chaque année en France, 700 sont des cas isolés, qui ne permettent pas de poser le diagnostic d'une épidémie -, le 28 novembre et la décision de fermer l'usine Noroxo, source très probable de cette épidémie, a été prise dès le lendemain ; or le temps nécessaire pour identifier une source se compte, en général, plutôt en semaines.
Nous avons bénéficié en l'occurrence du fait que Noroxo et la DRIRE entretenaient depuis plusieurs semaines des contacts intenses, précisément au sujet de la légionellose, et que des analyses avaient été demandées puis effectuées dans le courant du mois d'octobre. Si cela n'avait pas été le cas, nous aurions très probablement dû faire face à une crise d'une plus grande ampleur.
Concernant la nécessité d'associer les riverains des sites industriels, je veux rappeler que Noroxo est un site Seveso « seuil haut » et qu'il existe donc un comité local d'information et de concertation, étant entendu que, pour les autres sites, le comité départemental d'hygiène est aussi le lieu naturel de concertation et d'information.
Les services de l'Etat n'ont pas été laissés seuls : quand, le 31 décembre, il s'est avéré que la complexité de l'épidémie impliquait la nécessité de fermer une seconde fois Noroxo, mon collègue Jean-François Mattei et moi-même avons décidé de renforcer la cellule d'experts mise en place par le préfet par l'apport de spécialistes nationaux du sujet, qui sont restés en place durant toute la suite de l'épidémie.
Quand le périmètre a été élargi, au début du mois de janvier, et que les ingénieurs de la DRIRE m'ont demandé un renfort temporaire pour mener les investigations avec la rapidité requise par la gestion de la crise, j'ai immédiatement envoyé dix inspecteurs supplémentaires sur le terrain.
Bien sûr, les ministres ne peuvent pas, hélas !, stopper les bactéries par leur seule présence, mais vous avez sûrement noté, mesdames, messieurs les sénateurs, au travers des trois visites que nous avons faites, toute l'attention que Jean-François Mattei et moi-même portions à ce sujet.
Jean-François Mattei s'est rendu à deux reprises sur place et suit l'épidémie de légionellose avec une particulière attention. S'il n'est pas présent ce matin, c'est parce qu'il est retenu par le très important débat sur l'assurance maladie. Pour ma part, j'ai suivi heure par heure l'avancement des opérations.
Je comprends bien, mesdames, messieurs les sénateurs, l'impatience des populations dont vous êtes le relais, mais ce sont bien les difficultés techniques et méthodologiques soulevées par la lutte contre une bactérie aux propriétés souvent inattendues qui ont fait durer l'épidémie, non une insuffisance des moyens dans les services de l'Etat.
Face à ce qui constituait une véritable énigme pour les inspecteurs, c'est moins de bras que de cerveaux que nous avions besoin, et c'est dans ce sens que nous avons agi.
Monsieur Coquelle, le Gouvernement est évidemment prêt à travailler avec une éventuelle commission d'enquête que le Parlement déciderait de constituer sur ce sujet, d'autant que, je le crois sincèrement, tout a été mis en oeuvre pour stopper l'épidémie au plus vite, sans omission ni erreur notable de la part de l'Etat.
En revanche, des progrès substantiels peuvent être accomplis sur le plan de la prévention afin d'éviter de nouvelles épidémies : nous pouvons faire nettement mieux dans ce domaine. Si certains viennent de découvrir la légionellose, chez moi, cette conviction n'est pas nouvelle. J'en veux pour preuve l'inscription de ce chantier en tête des priorités de contrôle des inspecteurs des installations classées dès le début de 2003, inscription que j'ai d'ores et déjà renouvelée pour 2004, ou encore la décision, que Jean-François Mattei et moi-même avons prise à la suite des épidémies de l'été 2003, de mettre en chantier immédiatement une rénovation de notre système de prévention.
La légionellose est également l'une de nos priorités dans le cadre du plan national santé-environnement, et le Gouvernement a tenu à ce que ce plan soit piloté à la fois par la ministre de l'écologie que je suis et le ministre de la santé, mais également par le ministre des affaires sociales, compte tenu de l'application de dispositions de notre droit du travail qu'entraîne un tel événement, même si ce ne sont pas les salariés des entreprises concernées qui ont été frappés par la légionellose, à l'exception d'un chauffeur qui s'est rendu à proximité de la station de lagunage de Noroxo.
Dans le prolongement de cette démarche, nous avons décidé, avec le ministre de la santé, de présenter la semaine dernière un vaste programme de prévention de la légionellose.
Pour répondre aux questions de Jean-Marie Vanlerenberghe, je veux détailler les axes de ce programme de prévention.
La première priorité de ce programme est de procéder à un recensement exhaustif des tours aéroréfrigérantes. Une liste nationale a été établie en 2001, mais elle concerne essentiellement les installations soumises à autorisation, donc les tours les plus puissantes ; ce n'est plus suffisant. C'est pourquoi nous allons, dans les jours qui viennent, lancer le premier recensement national de l'ensemble des tours, quelle que soit leur taille, ce qui inclut les tours soumises à autorisation, celles qui sont soumises à déclaration, mais aussi celles qui sont trop petites pour être soumises à la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, qui font l'objet de l'amendement déposé il y a deux semaines lors de la discussion du projet de loi de santé publique. Ce recensement sera terminé à la fin du mois d'avril.
Il nous faudra ensuite réviser les règles de conception et d'entretien de ces tours, en tenant compte, notamment, des enseignements - nombreux - de l'épisode que nous venons de vivre dans le Pas-de-Calais. Cela passe par un décret créant une rubrique spécifique aux tours aéroréfrigérantes dans le droit des installations classées et par un arrêté ministériel détaillant les règles à respecter.
Ces deux textes, qui seront élaborés à marche forcée, seront adoptés dans le courant du mois de mai. Les nouveaux textes que nous prendrons devront accroître la fréquence des analyses, améliorer la qualité des traitements préventifs des tours, et ils feront davantage appel à des audits obligatoires des installations par des organismes extérieurs aux entreprises.
Le troisième volet du plan, s'agissant des tours réfrigérantes, vise à la sensibilisation des industriels aux bonnes pratiques de conception et de maintenance de leurs installations. Ce volet est particulièrement important dans un contexte où bon nombre des dirigeants des sociétés concernées n'ont probablement même pas l'idée que leur entreprise exerce une activité dangereuse.
Les contrôles seront notablement intensifiés en nombre et en sévérité, en conformité avec la priorité donnée à l'inspection des installations classées dont je parlais au début de mon propos.
Je veux rassurer ceux qui ont émis des doutes quant à l'indépendance des inspecteurs des installations classées : il y a une parfaite étanchéité, au sein des DRIRE, entre la fonction d'inspection des installations classées et celle de dynamisation économique.
J'ai décidé, vous le savez, le renforcement du corps des inspecteurs des installations classées. Le renforcement se poursuit régulièrement, et j'ai affecté 10 % des nouveaux inspecteurs à la région Nord - Pas-de-Calais.
La réglementation ne peut être efficace que si elle est très strictement appliquée, ainsi que j'ai eu l'occasion de le rappeler au sujet de la raffinerie Esso de Notre-Dame-de-Gravenchon, dont une installation importante a dû être arrêtée il y a un peu plus d'une semaine pour que la tour aéroréfrigérante puisse être nettoyée. Les conséquences économiques de telles fermetures peuvent être lourdes - vous avez souligné à quel point, monsieur Coquelle -, mais elles sont indispensables, car l'approximation n'est pas tolérable quant on lutte contre un problème aussi délicat que celui de la légionellose.
Monsieur Renar, oui, il nous faudra rester à l'écoute des progrès de la science, car nos connaissances sur la bactérie sont encore récentes et évoluent perpétuellement. C'est pour cette raison que nous avons demandé à l'AFSSE, à l'INERIS, à l'Institut national de l'environnement et des risques, et à l'INVS de définir, chacun dans son champ de compétences, un programme de recherche et d'expertise dans le domaine de la légionellose. Je réponds ainsi à Mme Brigitte Bout.
Enfin, le plan comporte des volets, également importants, consacrés à l'eau chaude sanitaire, au thermalisme et aux fontaines publiques. En effet, les tours aéroréfrigérantes ne sont pas à l'origine de la totalité, ni même probablement de la majorité, des 1 000 cas déclarés en France chaque année.
Faisant écho aux propos de nombreux élus du Nord - Pas-de-Calais, je me refuse à la moindre stigmatisation de cette région, qui a été malheureusement victime de cette épidémie sans précédent.
Vous le constatez : mon collègue Jean-François Mattei et moi-même avons pris le parti de déclarer une guerre sans concession à la légionellose. Je reste convaincue que cette maladie n'est pas une fatalité et qu'une meilleure prévention peut limiter très fortement les risques.
En tout cas, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la qualité de ce débat, qui démontre que la lutte contre la légionellose est l'affaire non seulement de l'Etat et des professions de santé, mais aussi de tout un chacun. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.