SEANCE DU 11 DECEMBRE 2002
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président.
La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer.
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36 du règlement.
Monsieur le président, ce qui s'est passé hier à l'ouverture des assises des
libertés locales de la région Rhône-Alpes à Lyon est très grave et révélateur à
l'extrême de la volonté de refuser tout débat de fond.
Des élus communistes se sont vu interdire par la police de distribuer aux «
invités » des assises une lettre ouverte sur leur conception de la
décentralisation. Pis, un conseiller régional communiste d'Ardèche, mon ami
Serge Plana, élu de la République, a été jeté à terre ; il est blessé,
souffrant d'une entorse au genou.
Les CRS étaient également nombreux aux abords du Palais des congrès, attendant
ceux que le Gouvernement refuse d'écouter : les personnels de l'équipement et
les enseignants, obligés de manifester pour tenter de se faire entendre,
dénonçant sur leurs banderoles les « assises des féodalités locales ».
Pourtant, les mots « démocratie », « proximité », « dialogue » fleurissent
dans les propos de nos ministres.
Avec mes collègues communistes au Sénat, je suis scandalisé que de telles
méthodes policières puissent avoir cours, qui plus est à l'occasion d'une
manifestation qui nous est présentée comme un modèle de démocratie.
N'est-ce pas M. Michel Bouvard, député de l'UMP de Savoie, qui, et je cite les
termes du
Figaro-Lyon
d'aujourd'hui, a « poussé un coup de gueule,
prenant quasiment de force la parole pour dénoncer le "verrouillage" de la
discussion » ?
Comme l'écrit le journaliste du
Figaro,
« dommage pour la vulgarisation
d'une réforme dont le citoyen lambda a du mal à mesurer l'importance ».
Alors qu'il y avait mille participants - mille invités -, après deux heures de
discours, la salle n'a eu la parole que durant cinq minutes à la suite de la
première table ronde. Quant au président du groupe communiste au conseil
régional Rhône-Alpes, mon ami François Auguste, il ne s'est vu donner la parole
qu'à la suite d'une erreur.
A ce stade, ces assises ne sont plus seulement une caricature. Volonté
délibérée de ne pas donner la parole, notamment aux élus communistes, attitude
policière répressive, ces assises sont devenues la négation du débat : elles
portent atteinte à la liberté d'expression des élus locaux.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe
socialiste.)
M. le président.
Monsieur Fischer, les événements que vous relatez me surprennent d'autant plus
que j'ai assisté aux assises des libertés locales de la Lorraine, à Metz. J'ai
eu la satisfaction de constater que tout le monde pouvait très librement
s'exprimer et faire connaître son sentiment, voire son ressentiment, sur telle
ou telle question.
Je suis donc très surpris. Je ne mets pas en doute la sincérité de vos propos,
mais je vais demander à M. le ministre délégué de bien vouloir nous apporter
quelques explications à ce sujet.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué aux libertés locales.
Je répondrai d'autant plus
volontiers, monsieur le président, que, moi, j'étais à Lyon, alors que vous,
monsieur Fischer, vous n'y étiez pas, me semble-t-il...
Mme Nicole Borvo.
Nous sommes renseignés, vous savez !
M. Guy Fischer.
J'étais retenu en commission par le projet de loi relatif à la négociation
collective !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
N'est-ce pas ? Je vais donc parler de faits dont j'ai
été témoin pour vous répondre sur des faits que vous rapportez sans en avoir
été témoin...
M. Guy Fischer.
Vous n'étiez pas à l'extérieur, monsieur le ministre !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Mais si ! J'ai même rencontré les élus communistes et
je leur ai serré la main alors qu'ils distribuaient leurs tracts à l'extérieur
!
M. Raymond Courrière.
Quelle audace !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Je ferai trois observations.
La première, c'est que je constate que le règlement du Sénat permet de
vérifier le bon fonctionnement des assises des libertés locales. Je suis ravi
de cette extension des pouvoirs du Sénat...
Mme Hélène Luc.
Ce sont les pouvoirs du Parlement, monsieur le ministre !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
... qui me paraît de bon augure puisqu'il est le
gardien des libertés.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas le Sénat qui est garant des libertés, c'est l'autorité judiciaire
!
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Je n'avais pas compris que c'était expressément prévu
dans le règlement, mais, sur le fond, cette attitude est tout à fait
intéressante.
(Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe
socialiste.)
M. Raymond Courrière.
Provocateur !
M. le président.
Mes chers collègues, M. Fischer a pris l'initiative de ce rappel au règlement,
j'ai interrogé le Gouvernement, et je vous prie d'écouter M. le ministre
délégué.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Monsieur Courrière, je suis bien moins provocateur que
ne l'est M. Fischer !
Deuxième observation, il est exact que des militants du parti communiste, à
l'intérieur même du local où se tenaient les assises, avaient entrepris de
distribuer des tracts.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Oh !
M. Raymond Courrière.
Quelle horreur !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Naturellement, le service d'ordre a considéré que cette
réunion, dont l'objet était de délibérer sur la décentralisation, n'était pas
une instance de propagande pour les partis politiques. Les intéressés sont donc
été priés de remiser leurs tracts.
Ils n'ont cependant pas été privés de parole, et même - M. Fischer a
d'ailleurs été obligé de le reconnaître - M. Auguste, président du groupe
communiste au conseil régional Rhône-Alpes, a pu s'exprimer très longuement.
M. Guy Fischer.
On lui a donné la parole par erreur !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Il a été très modéré, monsieur Fischer, beaucoup plus
que vous dans vos propos aujourd'hui !
M. Guy Fischer.
Je suis pourtant naturellement modéré, monsieur le ministre !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
J'ajoute que, sur la scène elle-même, avait été
organisée la présence de divers acteurs de la vie locale, dont un représentant
national de la CGT, qui a très librement développé des thèses, auxquelles vous
devez d'ailleurs souscrire, une tribune lui ayant été donnée pour ce
faire...
Mme Nicole Borvo.
On parle des élus communistes, pas de la CGT !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
... de même qu'il y a eu des représentants de la
CFDT.
Troisième observation enfin, monsieur Fischer, j'en témoigne, une quinzaine de
personnes de la salle ont pu s'exprimer, y compris des membres du parti
communiste.
Mme Josiane Mathon.
Sur 1 200 personnes, cela relève de l'exception !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Monsieur Fischer, la caricature que vous faites d'une
manifestation à laquelle vous n'avez pas participé me paraît donc de nature
strictement politicienne.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de
l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc.
Il y a quand même une personne à l'hôpital !
Mme Nicole Borvo.
Les faits restent !
M. Raymond Courrière.
C'est la vérité vue par l'UMP !
M. le président.
Monsieur Courrière, voulez-vous prendre la parole ?
M. Raymond Courrière.
J'exprime juste mon avis, comme tout le monde, monsieur le président !
M. le président.
Alors la question est close !
Monsieur Guy Fischer, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
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