SEANCE DU 30 JUILLET 2002
ORIENTATION ET PROGRAMMATION
POUR LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 365, 2001-2002),
adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation et
de programmation pour la sécurité intérieure. [Rapport n° 371 (2001-2002) ;
avis n°s 373 et 375 (2001-2002).]
Monsieur le ministre, nous admettons exceptionnellement l'urgence que vous
avez déclarée sur ce texte, mais nous vous remercions par avance de ne pas trop
souvent recourir à cette procédure !
(Sourires.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le
projet de loi qui nous rassemble aujourd'hui vous est proposée la politique de
sécurité intérieure à conduire pour les cinq ans à venir. Ce texte est
fondateur, car il est un projet et d'orientations et de programmation :
orientations sur l'organisation et les objectifs de sécurité intérieure, et
programmation des moyens indispensables pour la mener.
Je remercie les commissions des lois, des finances, des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées, leurs présidents, leurs rapporteurs et tous
leurs membres de la qualité du travail effectué.
Les Français nous l'ont dit tout au long de ces derniers mois : la sécurité
est bel et bien leur première préoccupation. Le 16 juin, ils ont voulu, en
donnant une nouvelle majorité à l'Assemblée nationale, un gouvernement qui
applique une politique nouvelle. Ils ont voulu en fait une majorité et un
gouvernement qui prennent en compte la réalité de leur vie.
La délinquance n'est pas un fait nouveau ; elle a progressé de 40 % en vingt
ans et de 16 % encore depuis cinq ans.
Plus inquiétant, la délinquance qui a connu la progression la plus rapide est
la plus violente, la plus traumatisante, celle qui est dirigée contre les
personnes. Depuis cinq ans, les crimes et les délits contre les personnes ont
augmenté de 30 %.
Ce sont des faits, et ces faits, dans leur crudité, dans leur brutalité,
doivent renforcer l'attention que nous portons aux victimes. Toute notre action
doit être tournée vers elles, et je souhaite que le Sénat, si attentif aux
réalités locales, à la vie des citoyens, nous soutienne dans cette
entreprise.
J'espère que vous serez sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs, à la
cohérence et à l'équilibre de notre démarche. Je sais que, dans ce débat, la
caricature, qui est si facile, si répandue, sur des sujets pourtant si graves,
ne sera pas de mise ici.
Je résumerai notre approche de la sécurité de la façon suivante : nous avons
pris la mesure du phénomène de la délinquance en constatant qu'aujourd'hui elle
n'épargne plus une seule personne, plus une seule région de France, plus une
seule catégorie de la population. Tous nos concitoyens, où qu'ils habitent,
sont concernés. C'est la confiance même des Français, dans la vie de tous les
jours, dans la capacité des institutions à répondre à leurs inquiétudes, dans
les valeurs de leur pays, qui est entamée. Nous sommes tous interpellés par ce
désarroi. Nos compatriotes nous demandent d'intervenir face à la montée de la
violence et de la délinquance.
Notre objectif est simple. Nous ne voulons ni ralentir ni accompagner la
progression de la délinquance, nous voulons la casser et faire reculer
l'insécurité jusqu'à ce que les Français retrouvent confiance.
C'est pour nos concitoyens les plus modestes, les plus fragiles qu'en tout
premier lieu nous devons agir. C'est d'abord pour eux qu'il est nécessaire que
l'Etat retrouve sa place et joue son rôle. Si l'Etat ne joue pas son rôle, qui
les défendra, qui parlera en leur nom ? Et comment leur rendre confiance ?
La politique du Gouvernement s'adresse d'abord à celles et à ceux de nos
concitoyens qui habitent dans des quartiers où plus personne ne veut habiter,
qui prennent les transports en commun à des heures où plus personne ne veut les
prendre et qui doivent scolariser leurs enfants dans des établissements où plus
personne ne veut scolariser ses enfants.
C'est pour eux d'abord que l'Etat doit agir, car, si l'Etat est défaillant,
ces Français les plus modestes n'ont personne pour les défendre. Voilà le coeur
de la politique du Gouvernement.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Le Gouvernement veut donc entendre l'appel des Français, le seul qui nous
intéresse. L'Etat protégera donc les citoyens, comme nous nous y sommes
engagés. C'est le choix des Français, c'est leur message, il a été compris, et
il sera donc respecté.
Pour agir en profondeur et dans la durée, nous avons besoin de votre soutien ;
nous vous proposons de mobiliser des moyens sans précédent, s'élevant à 5,6
milliards d'euros sur cinq ans.
Ma conviction, c'est que les Français ne comprendraient pas que nous laissions
tranquillement passer les vacances d'été avant d'agir. Les Français ne peuvent
plus se contenter d'une parole publique sans lendemain, d'une action publique
dénuée du moindre souci des résultats. Voilà pourquoi nous vous proposons
d'agir sans tarder. A l'automne, nous soumettrons à votre examen d'autres
textes pour accompagner le projet de loi d'orientation et de programmation.
Avant de vous présenter le contenu de ce dernier, je veux revenir un instant
sur la méthode.
Nous avons voulu donner un coup d'arrêt à l'impunité, et manifester notre
volonté d'inscrire notre action en profondeur.
Nous avons donc fait nôtre une véritable culture des résultats au sein des
forces de sécurité. Les moyens importants que nous mobilisons pour les forces
de l'ordre doivent avoir comme contrepartie l'engagement sans faille de chacun.
Qui comprendrait que nous sollicitions les finances publiques à cette hauteur,
sans exiger en contrepartie un engagement, une mobilisation personnelle à la
même hauteur ?
Je me suis rendu à maintes reprises sur le terrain et je voudrais témoigner de
l'état d'esprit de nos forces de sécurité : elles attendent votre soutien,
elles attendent notre soutien, celui de la nation.
Elles attendent aussi des moyens supplémentaires. A Corbeil-Essonnes, dans la
cité des Tarterêts, j'ai pu constater que des policiers de proximité étaient
attaqués, non pas seulement à coup de pierres, mais avec des blocs de parpaing
de plusieurs kilos, qui pouvaient tuer. J'ai donc décidé que désormais les
flash-balls
seraient embarqués dans les véhicules, et les vitres de
ceux-ci recouverts de films protecteurs, s'agissant des policiers de proximité
patrouillant dans les quartiers sensibles. C'est la moindre des choses que de
vouloir protéger la vie de nos policiers et de nos gendarmes, en leur
permettant de proportionner la riposte.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, il était temps de doter les membres des
forces de l'ordre d'armes dont ils ont le droit de se servir...
M. Joseph Ostermann.
Tout à fait !
M. Jean-Claude Gaudin.
Absolument !
M. Louis de Broissia.
Evidemment !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... pour adapter leur riposte, pour protéger leur vie, car eux
aussi, policiers et gendarmes, ont des familles et des enfants qui les aiment
et qui s'inquiètent pour eux !
(Nouveaux applaudissements sur les mêmes
travées.)
Quand le ministre donne un ordre, il est normal de fournir les
moyens à ceux qui l'ont reçu d'exécuter leur mission.
Les mesures figurant dans le volet de programmation sont toutes inspirées par
un souci de pragmatisme et de bon sens. Depuis trop longtemps, dans notre pays,
on refuse de débattre de sujets qui empoisonnent la vie de nos concitoyens. On
les considère comme tabous ! On n'en parle pas ici, mais on en parle en France,
et, parce que les républicains de tous bords n'ont pas eu le courage de les
aborder, ceux qui n'étaient pas des républicains ont pu abuser cinq millions de
nos concitoyens.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
Voilà la vérité ! Quand les républicains n'ont pas un discours fort, les
ennemis de la République s'appuient sur la lâcheté de ceux qui n'osent pas
évoquer les problèmes quotidiens des Français.
Un sénateur du RPR.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
L'immigration clandestine, l'installation sauvage des gens du
voyage,...
Mme Brigitte Luypaert.
Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... la drogue, la prostitution et la mendicité agressive sont des
sujets qui ont été exclus du débat depuis de trop nombreuses années, au grand
dam de nos compatriotes, désespérés de se sentir abandonnés !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Le résultat, c'est le vote des Français le 21 avril dernier. En
effet, n'en déplaise à certains beaux esprits, tous les phénomènes que je viens
d'évoquer existent, et ils ne disparaîtront pas si nous nous dérobons.
Il est aussi inutile qu'absurde d'opposer la répression à la prévention. Les
deux sont nécessaires, même indissociables, complémentaires pour peu que l'on
veuille bien comprendre que le sentiment d'impunité est un puissant facteur
d'encouragement à la délinquance et que, à l'inverse, la crainte de
l'application juste et ferme de la loi est la plus utile des préventions. Je
veux rendre hommage à tous ces acteurs admirables qui, au quotidien, se donnent
tant de mal pour que nos villes et nos quartiers ne sombrent pas. Mais eux
aussi, et peut-être eux d'abord, ont besoin, pour agir, du rétablissement de la
sécurité sur tout notre territoire, car sans sécurité il n'y a pas de
liberté.
Le projet de loi qui est présenté au Sénat est sous-tendu par l'ambition de
tracer un chemin vers cet objectif. La voie que nous avons choisie est celle de
la cohérence : il ne peut être question de répondre à un phénomène aussi
multiforme que celui de la délinquance en augmentant simplement les effectifs
des forces de sécurité. C'est évidemment nécessaire, mais ce n'est pas
suffisant.
Nous vous proposons, mesdames, messieurs les sénateurs, une nouvelle
architecture des forces de sécurité, mobilisant au plus haut niveau tout le
pays.
C'est d'abord le Président de la République qui s'engage en dirigeant le
conseil de sécurité intérieure. Il met en jeu tout son prestige, tout son
pouvoir et toute son expérience pour mobiliser l'ensemble de nos forces de
l'ordre au service du rétablissement de la sécurité de nos concitoyens. Une
grande innovation tient au fait que gendarmes et policiers seront placés sous
une même autorité, celle du ministère de l'intérieur. En effet, la délinquance
est la même que ce soit dans les villes ou dans les campagnes : comment
gendarmes et policiers ne dépendraient-ils pas, dans l'exécution de leur
mission, de la même administration ?
Il nous a paru également indispensable de créer de nouveaux moyens
opérationnels à l'échelon national, de renforcer les offices centraux de police
judiciaire existants et de mettre en place un office central chargé de la
recherche des malfaiteurs en fuite. Au mois de mai 2002, on dénombrait 4 000
délinquants en fuite dans notre pays, sans que personne se préoccupe de leur
recherche. Dans beaucoup d'autres démocraties européennes, il existe un office
pour la recherche des personnes en fuite : ce projet de loi prévoit la création
d'un tel outil.
La politique de sécurité est ensuite déclinée au plan local, avec la
conférence départementale de sécurité, présidée conjointement par le préfet et
le procureur, qui doivent travailler main dans la main. Le temps où la Place
Vendôme et la Place Beauvau se querellaient doit appartenir à un passé
révolu,...
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... car policiers, gendarmes et magistrats relèvent d'une même
chaîne : la chaîne pénale. On ne peut concevoir une action efficace dans
l'opposition stérile des uns et des autres.
M. Pierre Laffitte.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
J'insisterai sur deux réformes.
Tout d'abord, les groupes d'intervention régionaux, les GIR, sont la réponse
aux réseaux de l'économie souterraine. Ils permettent aux policiers, aux
gendarmes, aux douaniers, aux agents des services fiscaux et aux fonctionnaires
de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes de travailler ensemble pour combattre celle-ci.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est une injure à la République que des
individus n'ayant jamais travaillé de leur vie puissent se pavaner dans des
véhicules de prix : que voulez-vous qu'en pense un Français qui ne pourra
jamais se payer une telle voiture alors qu'il se lève tôt le matin pour assurer
la subsistance de sa famille ?
(« Très bien ! » et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
Les GIR permettront d'aller interroger des hommes et des femmes qui ne peuvent
continuer à jouir de cette impunité. Comment, dans certains quartiers, élever
ses enfants en leur inculquant l'amour du travail, de la récompense et de
l'effort si, en bas de l'immeuble, se trouve un individu qui n'a jamais
travaillé de sa vie et qui roule carrosse sans que personne ne vienne lui
demander à qui il a acheté son véhicule et comment il l'a payé ? Les GIR sont
un instrument qui nous permet d'agir avant même que les délinquants ne passent
à l'action, pour demander des comptes et se pencher sur l'économie
souterraine.
Un premier bilan a été dressé. Certaines opérations, dont celle qui a été
menée dans le Nord, ont été couronnées de succès ; d'autres ont été plus
décevantes en termes de police judiciaire, mais partout la population a réservé
le meilleur accueil aux GIR, car ils ont permis à la police et à la gendarmerie
d'aller dans des quartiers où l'on n'entrait plus depuis bien longtemps. Même
quand les résultats judiciaires étaient décevants, leur action a permis à
nombre d'hommes et de femmes vivant dans des quartiers où ils se sentaient
abandonnés de l'Etat de revoir la puissance publique faire son travail. Les GIR
sont un instrument essentiel au service de l'efficacité de l'Etat. Il me faut
aussi évoquer la place des maires dans le dispositif de sécurité. Des conseils
locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présidés par les maires,
seront créés sur leur initiative. Leur installation mettra un terme à la
superposition des comités locaux de prévention et des comités de pilotage des
contrats locaux de sécurité. Ils comprendront, de droit, le préfet et le
procureur de la République, et seront l'instance de coordination et de
concertation pour tous les acteurs.
Ce conseil permettra au maire de disposer de droits nouveaux.
Le premier d'entre eux sera le droit à l'information. En effet, le commissaire
de police ou le commandant de brigade aura le devoir de communiquer au maire
les chiffres de la délinquance et de l'informer en temps réel lorsqu'un
incident grave surviendra sur le territoire de sa commune.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Très bien !
M. Pierre Hérisson.
Enfin !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
La circulation de l'information dépendra donc non plus de la
qualité des rapports personnels entre un maire et un commissaire de police,
mais de la loi. Il était profondément choquant qu'un maire découvre, en lisant
le journal, que des faits de délinquance étaient survenus la veille sur le
territoire de sa commune !
(Vifs applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Il était profondément scandaleux que le localier soit mieux
informé que le maire.
Mais nous allons au-delà du devoir d'information, car, désormais, le
commissaire de police, comme le commandant de brigade, devra donner au maire
des informations sur les moyens en effectifs et en matériel mis par l'Etat à
disposition de la communauté de brigades ou du commissariat de police. Les
maires seront désormais informés, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Un autre objectif sera de consacrer l'action menée par les maires en matière
de prévention. Là encore, la proximité est déterminante, comme l'est l'attente
de nos concitoyens. J'ajoute que des conventions de coopération entre le maire
et le préfet seront prévues : elles concerneront l'organisation de la
complémentarité des rapports entre la police et la gendarmerie, d'une part, et
les polices municipales et les gardes champêtres, d'autre part, afin de
reconnaître le travail des policiers municipaux. Mais il faut également changer
les méthodes. A cet égard, plusieurs actions concrètes seront engagées.
La première concerne les 30 000 agents des forces mobiles de sécurité : je
pense ici aux gendarmes mobiles et aux membres des compagnies républicaines de
sécurité, les CRS. Le temps est venu de passer d'une police de l'ordre public à
une police de sécurité publique. CRS et gendarmes mobiles seront redéployés au
service de la police et de la gendarmerie. Nous avons bien sûr besoin d'une
police de l'ordre public, mais laisser 30 000 agents des forces mobiles
attendre dans des casernes ou dans des cars la survenue de troubles à l'ordre
public n'était plus acceptable à l'heure où nous connaissons un tel déficit
d'effectifs.
J'ai moi-même examiné quel avait été le nombre de jours de déplacements d'une
certaine compagnie de gendarmes mobiles : celle-ci avait passé deux cent dix
jours en déplacement !
Par ailleurs, m'étant rendu une nuit dans le quartier des Halles, à Paris,
j'ai rencontré une compagnie de CRS venue de Toulouse. Je me suis demandé
pourquoi on faisait venir de Toulouse une compagnie de CRS pour renforcer la
sécurité dans le quartier des Halles, alors que celui du Mirail a besoin, lui
aussi, d'être sécurisé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ils sont mobiles !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Mobilité ne veut pas dire perte d'efficacité !
La nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles sera une doctrine de sécurité
publique et non pas simplement d'ordre public.
Il faut également rétablir l'équilibre entre la police de proximité et la
police judiciaire : mesdames, messieurs les sénateurs, la police de proximité a
été mise en place au détriment de la police nocturne et de la police
judiciaire.
M. Jacques Peyrat.
Eh oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Nous n'avons plus assez de policiers et de gendarmes présents sur
le terrain la nuit, et nous n'avons plus assez de policiers et de gendarmes mis
au service de l'action judiciaire.
M. Jacques Peyrat.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Or, la première mission de la police et de la gendarmerie, c'est
d'aller chercher les délinquants où ils se trouvent, de les interpeller et de
les mettre à la disposition de la justice, et pas simplement d'assurer une
présence conviviale dans les rues de nos villes et de nos villages.
M. Jean-Claude Gaudin.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
S'agissant d'ailleurs des capacités d'action judiciaire, nous
augmenterons le nombre des officiers de police judiciaire ; nous revaloriserons
cette compétence en la prenant en compte dans le traitement indemnitaire et
dans la progression de carrière ; enfin, nous étendrons au département la
compétence territoriale des officiers de police judiciaire, parce qu'il est un
comble que les barrières administratives soient un obstacle pour les policiers
et pour les gendarmes et ne le soient plus, depuis bien longtemps, pour les
délinquants de toutes sortes.
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Cela me conduira à restructurer les services territoriaux de la
police judiciaire, en créant des directions interrégionales qui aient un
périmètre d'action suffisant pour nous permettre de nous attaquer à la
délinquance itinérante.
Nous rechercherons également une délimitation plus rationnelle des zones de
compétence de la police et de la gendarmerie, en supprimant les protocoles qui
existent aujourd'hui. Chacun doit s'occuper de sa zone, en être maître, s'en
sentir responsable et être comptable des résultats qu'il y obtient. Au sein de
ces zones, il faut revoir le maillage de la gendarmerie, qui date de 1850 : 152
ans, alors que la délinquance a tellement changé ! Le service doit désormais
s'organiser autour de communautés de brigades. Cette mise en oeuvre ira de pair
avec l'établissement d'une « charte de qualité » qui permettra de resserrer le
lien de proximité avec la population.
Je veux préciser, devant la Haute Assemblée, que ces communautés de brigades
ne seront pas des jumelages, comme nous les connaissons déjà : elles seront non
pas une juxtaposition d'unités mais une mise en commun déterminée de moyens sur
un territoire répondant à une logique géographique et humaine. La communauté
sera commandée par un chef unique, gradé supérieur d'expérience, qui dirigera
le service pour l'ensemble des unités. Cette disposition permettra d'optimiser
l'emploi des moyens humains et aura des effets positifs sur la présence des
gendarmes, notamment la présence nocturne.
On ne fermera pas de brigades. Les gendarmes continueront d'habiter au lieu où
ils sont, mais l'organisation de leur commandement, le rythme de leurs
patrouilles et la présence nocturne seront fixés et déterminés au niveau de la
communauté de brigades.
Nous nous donnons deux atouts pour réussir là où tout a échoué. Le premier
atout, c'est que nous refusons un schéma national préétabli. La France est un
territoire divers. Il faut non pas nier cette diversité mais, au contraire, en
prendre acte pour adapter les stratégies nationales. Le second atout, ce sont
les moyens que nous dégageons. Réformer le maillage territorial de la
gendarmerie en créant 7 000 postes de gendarme de plus permet de rompre avec la
gestion de la pénurie.
Entre 1997 et 2001, 4 000 postes de gendarme ont été supprimés. Voilà la
raison de l'échec de la réorganisation de la gendarmerie. Voilà, en partie, ce
qui a conduit les gendarmes à descendre dans la rue devant des Français
stupéfaits de voir ces gendarmes, dont chacun connaît la compétence et le sens
du service public, être à ce point poussés au désespoir qu'ils ont dû
manifester dans la rue pour pouvoir faire leur travail dans de bonnes
conditions.
Nous réorganiserons le maillage territorial en créant 7 000 emplois de
gendarme, là où nos prédécesseurs en avaient supprimé 4 000. La différence est
de taille !
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Je souhaite également qu'un terme soit mis à l'emploi des policiers et des
gendarmes dans des fonctions qui ne sont pas strictement liées à la sécurité :
je veux parler des gardes statiques et du transfert des personnes détenues, qui
est un sujet difficile.
M. Jean-Pierre Schosteck.
En effet !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Le Premier ministre a rendu un arbitrage précisant qu'avant la
fin de l'année des propositions devront lui être faites par M. le garde des
sceaux et par moi-même. Actuellement, 4 000 gendarmes et policiers sont
affectés au transfert des détenus.
Je connais nombre de villes de province qui, lorsqu'un transfert de détenu est
organisé, n'ont plus un seul policier ou un seul gendarme disponible. Je
connais de nombreux départements où une centaine de policiers ou de gendarmes
se consacrent à cette tâche.
Mme Hélène Luc.
Il y a longtemps que cela existe !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
C'est précisément parce que cette situation dure depuis longtemps
qu'il n'est que temps d'agir et de décider !
Un grand nombre de solutions doivent être explorées. Je souhaite que l'on
réfléchisse au transfert de ces charges à l'administration pénitentiaire, avec
les créations d'emploi correspondant à la construction d'établissements à
proximité des juridictions, au développement de salles de visioconférence dans
les prisons et les tribunaux, à la création d'enceintes judiciaires nouvelles
dans certains lieux - je pense notamment aux aéroports où sont retenues ou
détenues un grand nombre de personnes, en particulier des clandestins,
susceptibles d'être présentées à un magistrat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quand il s'agit de transporter des
individus particulièrement dangereux, ce n'est porter atteinte à personne que
de se demander qui doit se déplacer : le détenu ou le magistrat qui doit
entendre ce détenu ?
(« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs
travées du RPR, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du
RDSE.)
M. Henri de Raincourt.
C'est le bon sens !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Bien sûr, la noblesse du rôle de magistrat doit conduire à rendre
la justice dans des lieux prévus à cet effet. Mais je pose la question : qu'en
est-il dans les aéroports, lorsqu'on doit statuer ? Plusieurs dizaines de
policiers sont bloqués rien que pour Roissy-en-France. Chacun sait, notamment
M. Peyrat, ce qui est arrivé à Nice, avec un détenu particulièrement dangereux.
N'est-il pas temps de réfléchir, pour nos centres hospitaliers régionaux, à la
nécessité de disposer de chambres installées et prévues à cet effet pour des
détenus malades ?
M. Jacques Peyrat.
Bien sûr !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Ce n'est ni aux infirmières ni aux autres personnels de santé
d'encourir chaque jour des risques avec le transfert de ces détenus.
M. Jacques Peyrat.
En effet !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Nous pouvons réfléchir aux visioconférences : franchement, les
droits de la personne sont-ils mis en cause si, pour des audiences de simple
procédure, chacun peut exprimer sa position par visioconférence ? Le
transfèrement des détenus mobilise 4 000 personnes : il est désormais temps de
prendre des décisions !
M. Josselin de Rohan.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
La seconde partie de l'annexe, ce sont les nouveaux moyens
juridiques qui feront l'objet du projet de loi que vous examinerez à
l'automne.
Notre idée, c'est de restaurer l'autorité des agents de l'Etat et de renforcer
leur efficacité. Nous voulons mettre un terme, un coup d'arrêt, à l'explosion
de nouveaux types de délinquance. Il en est ainsi du vol des téléphones
portables. Les agresseurs devront vite savoir que ces vols deviennent inutiles,
parce que nous nous emploierons à faire bloquer l'usage des téléphones volés.
Cela peut paraître anecdotique, mesdames, messieurs les sénateurs, mais le vol
d'un téléphone portable s'accompagne souvent, pour arracher ce téléphone, de
violences particulièrement traumatisantes pour les victimes, qu'il s'agisse des
jeunes, des femmes ou des personnes âgées.
M. Jean-Pierre Schosteck.
En effet !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Il en va également de même des vols de voitures, qui augmentent
dans des proportions particulièrement préoccupantes, et contre lesquels nous
voulons mettre enfin en place un dispositif efficace de localisation des
véhicules volés.
Des événements récents, notamment le drame de Nanterre, ont appelé l'attention
de nos concitoyens sur la prolifération des armes en France, qui entretient par
elle-même un climat de violence propice à l'insécurité.
J'ai demandé à mes services d'entreprendre rapidement une réforme de la
législation et de son application, qui vous sera présentée à l'automne. En
premier lieu, le classement des armes entre les différentes catégories sera
revu. En deuxième lieu, aucune arme à feu susceptible de causer la mort ou des
blessures invalidantes ne pourra plus être achetée ni détenue sans un contrôle
a priori
de l'autorité administrative.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Le contrôle portera sur les antécédents judiciaires du demandeur
et sur son état de santé.
M. Jean-Claude Gaudin.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Le contrôle
a posteriori,
que nous connaissons, est
inadmissible. Seuls les honnêtes gens s'y soumettent !
En troisième lieu, les moyens seront donnés aux préfectures pour appliquer la
législation de manière beaucoup plus vigilante. Enfin, après concertation avec
les tireurs sportifs et les chasseurs, nous créerons les conditions d'une
réduction significative de la prolifération des armes sans nuire à ceux qui
utilisent pacifiquement celles-ci. Le temps de l'action est largement venu.
Je voudrais également aborder la problème de la prostitution. Il faut lutter
activement contre le proxénétisme, qui est alimenté pour près de 60 % par des
réseaux criminels étrangers. C'est un sujet très difficile.
Mais ce n'est pas parce qu'il est difficile qu'il faut s'abstenir d'en parler.
Je ne veux écarter aucune piste de travail et je souhaite prendre le temps de
la réflexion et de la concertation. Toutefois, dans le même temps, je n'ai pas
le droit de laisser se développer plus longtemps la prostitution dans nos
villes, sur la voie publique, dans les conditions que nous subissons
actuellement. A quoi sert-il de mobiliser, à juste titre, autant de moyens
contre le sida qui provoque tant de douleurs et de drames si on laisse
proliférer la prostitution dans nos villes, avec les conséquences sanitaires
que nous connaissons, et ce au vu et au su de tout le monde, sans que personne
ne réagisse, à l'exception notable des riverains qui n'en peuvent plus ?
J'entends rapidement vous proposer trois mesures.
En premier lieu, nos forces de sécurité recevront comme instruction d'utiliser
de manière systématique le dispositif répressif actuel. On n'utilise pas assez
ce qui existe. De ce point de vue, je me suis réjoui des peines sévères qui ont
été prononcées à l'endroit de deux personnes qui, porte Dauphine, livraient des
mineurs à la prostitution.
Mme Nicole Borvo.
Sanctions sévères prononcées grâce à une loi récente !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Il est venu le temps de ne plus tolérer de tels comportements.
Le délit d'exhibitionnisme peut également être retenu. Des consignes seront
données.
En deuxième lieu, je vous proposerai de vous prononcer sur l'opportunité de
recréer l'incrimination de racolage passif. Le racolage actif est punissable.
Ne pensez-vous pas qu'il y a quelque hypocrisie à faire une différence entre le
racolage actif et le racolage passif, comme si le vrai délit, c'était la
manière dont se présentait la prostitution ? C'est une hypocrisie qu'il
conviendra de lever.
Je n'ignore pas qu'en Grande-Bretagne la prostitution n'est tolérée que si
elle est le fait d'une personne indépendante, non soumise à un proxénète et
sans manifestation visible.
En troisième lieu, les prostituées étrangères en situation irrégulière seront
systématiquement éloignées, même si chaque situation individuelle devra être
traitée avec humanité. Mesdames, messieurs les sénateurs, cette mesure est
impérative si nous voulons tarir la source même d'enrichissement des réseaux
internationaux de proxénétisme. Parallèlement, les moyens de l'Office central
pour la répression de la traite des êtres humains seront renforcés. Leurs
efforts seront réorientés vers la prostitution en lieux fermés et les réseaux
de l'internet. Des officiers de liaison anti-prostitution seront implantés dans
les pays sources, notamment dans un certain nombre de pays de l'Est.
D'autres phénomènes perturbent gravement la vie sociale : je pense ainsi à la
mendicité agressive. La mendicité doit être réprimée quand elle intervient dans
un contexte menaçant, par exemple quand elle est le fait de plusieurs individus
ou lorsqu'elle s'accompagne de l'utilisation d'animaux agressifs. De même,
devra être sanctionné le comportement de ceux qui n'hésitent pas à livrer des
enfants à la mendicité. Comment ne pas être profondément bouleversé de voir des
enfants dans nos rues exploités dans ces conditions en 2002 ? Ce n'est pas
acceptable pour la République française !
M. Daniel Goulet.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Dans ces phénomènes nouveaux, j'inclus les réseaux mafieux, qui
exploitent la mendicité des plus pauvres ou des plus affligés en les faisant
venir dans notre pays. Tel a été l'objet de la réunion de travail que j'ai
tenue pas plus tard qu'hier avec le ministre de l'intérieur roumain. Dans notre
pays, la délinquance d'origine roumaine représente environ 5 % de la
délinquance. Je me rendrai le 30 août prochain à Bucarest et, ensemble, nous
allons lutter contre ce phénomène. Chacun comprend qu'on ne peut pas agir
simplement à partir de notre pays, qu'il faut aller à la source pour essayer de
comprendre et d'éradiquer. J'ajoute que, s'agissant du phénomène si préoccupant
des mineurs livrés à la mendicité et à la prostitution, il faut un accord entre
nos deux gouvernements pour que l'effort de réinsertion en France soit
poursuivi en Roumanie et pour que les jeunes interpellés en France puissent,
après leur renvoi en Roumanie, être réinsérés dans des familles d'accueil
prévues à cet effet.
Les réseaux mafieux, ces nouveaux esclavagistes - car il s'agit bien de cela !
-, devront être sanctionnés, très sévèrement, éloignés du territoire lorsqu'ils
sont étrangers. S'agissant de la délinquance d'origine roumaine, bien des
roumains qui se sont installés dans notre pays - je pense notamment à
Choisy-le-Roi - exploitent une véritable mafia. Nous n'avons pas à tolérer de
tels comportements sur le territoire national. Le ministre de l'intérieur
roumain m'a indiqué sa volonté de donner au gouvernement français autant de
visas consulaires qu'il le faudra pour renvoyer en Roumanie des délinquants
roumains qui n'ont rien à faire sur le territoire national.
M. Daniel Goulet.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Je conduirai la même opération avec d'autres pays. Je pense
notamment, pour Sangatte, à la question des Afghans, mais il y en a bien
d'autres.
D'autres comportements, parfois quotidiens, constituent, en eux-mêmes, un
facteur d'insécurité. Il en va ainsi des occupations des parties communes des
immeubles à usage d'habitation et, plus particulièrement des halls d'entrée par
des groupes d'individus faisant obstacle, délibérément, à la libre circulation
des occupants, ce qui constitue pour la population un élément déterminant
d'insécurité. M. Schosteck, en son temps, avait fait un travail tout à fait
remarquable à ce propos.
Récemment, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, un homme à la retraite m'a
dit : « Croyez-vous, monsieur Sarkozy, qu'il soit amusant de devoir baisser la
tête lorsque je rentre chez moi parce qu'il se trouve dans le hall de mon
immeuble des individus qui ne travaillent pas et dont la seule occupation est
de rendre la vie impossible à tous les honnêtes gens qui ont travaillé toute
leur vie ? Et lorsqu'on appelle la police, celle-ci n'a aucun élément pour
incriminer pénalement ce genre de comportements. »
Mme Nelly Olin.
Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Nos compatriotes les plus modestes ont le droit de voir leurs
halls d'immeubles laissés libres et ne pas être envahis pas des bandes de
délinquants ou de prédélinquants qui rendent la vie impossible à des citoyens
qui ne demandent qu'une chose : pouvoir vivre tranquillement !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
C'est cela aussi que l'on attend de nous ; c'est cela aussi la
lutte contre l'insécurité au quotidien.
(« Très bien ! » et applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je n'ignore pas que l'article 52 de la loi du 15 novembre 2001 relative à la
sécurité quotidienne prévoit que les propriétaires de ces immeubles ou leurs
représentants peuvent faire appel à la police ou à la gendarmerie pour rétablir
la jouissance paisible des lieux.
Mme Hélène Luc.
Mais oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Cependant, ce texte reste très largement inopérant dans la mesure
où aucune sanction pénale n'est prévue à l'encontre des auteurs de ces
rassemblements.
La police ne se déplace plus, car elle ne peut tout simplement que demander
poliment qu'on libère le hall d'immeuble. Et, compte tenu de la population qui
s'y trouve, la politesse n'est en général pas suffisante !
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Voilà l'évaluation à laquelle il convenait de se livrer.
M. Claude Estier.
Comment allez-vous faire, vous ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Les services de police et de gendarmerie doivent pouvoir relever
les identités des occupants et les contraindre à quitter les lieux.
Enfin, je voudrais aborder la question de l'installation des gens du
voyage...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Ah !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... contre le souhait des propriétaires publics et privés. C'est
un problème que vous connaissez bien, mesdames, messieurs les sénateurs,
quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégiez.
A cet égard, je suis parfois étonné de la différence qui existe entre
certaines pétitions de principe émises à l'échelon national et la réalité des
contacts personnels que j'ai avec tel ou tel d'entre vous.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
En effet, lorsqu'une caravane ou un rassemblement de caravanes empoisonnent la
vie d'un village ou d'un quartier, il n'y a aucune différence entre la réaction
d'un sénateur communiste, d'un sénateur socialiste ou d'un sénateur UMP.
(Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
En fait, il y a, d'un
côté, ce que l'on dit et, de l'autre, ce que l'on fait.
(« Bravo ! » et vifs
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
Je tiens à la disposition de tous ceux qui le souhaitent la liste nombreuse
des lettres indignées d'élus communistes, socialistes ou appartenant à d'autres
groupes me demandant d'envoyer des compagnies de CRS pour faire cesser le
scandale que constitue un rassemblement qui trouble l'ordre public.
Si vous voulez que je sois efficace, il faudra que, dès le mois de septembre,
vous votiez tous les textes que je vais vous proposer, au nom du Gouvernement ;
je compte sur vous.
(Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
A l'intention de ceux qui voudront s'installer contre le souhait des
propriétaires, publics et privés, nous mettrons en oeuvre des sanctions ;
ainsi, nous prendrons des sanctions contre les contraventions telles que les
branchements sauvages sur les circuits d'eau ou d'électricité.
Toutefois, je souhaite que l'on aille plus loin et que soit créée une
infraction de violation de la propriété, qu'elle soit publique ou privée,...
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Jean-Claude Carle.
Excellent !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... car une telle violation constitue en elle-même une violence
pénale et non pas civile. Cette infraction concernerait tant l'installation
sauvage des gens du voyage que les squats d'immeubles en ville.
MM. Patrick Lassourd et Jacques Valade.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Elle répondrait à cette nouvelle forme de violence qu'est le
non-respect de la propriété d'autrui.
Pour lutter contre toutes ces formes nouvelles de délinquance, des mesures
appropriées, concrètes, figureront dans le projet de loi qui sera déposé à
l'automne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous proposerons également de
sanctionner plus sévèrement les violences, menaces, outrages à l'endroit des
forces de l'ordre.
J'ai rendu visite avant-hier, à la Salpêtrière, pour lui transmettre le
soutien de la représentation nationale, à cette jeune fonctionnaire de police
récemment agressée, qui souffre d'une triple fracture de la mâchoire, après
avoir été frappée par des voyous. Je dis bien « voyou » car, lorsque l'on
frappe une femme de vingt-cinq ans à terre avec une telle violence, on n'est ni
jeune, ni vieux, ni blanc, ni noir, on n'est qu'un voyou ! Son nom, son prénom,
sa profession ou son absence de profession, son passé ne font rien à l'affaire
!
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. Dominique Leclerc.
Voilà !
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Les mots ont un sens ; il convient désormais qu'ils soient
utilisés à bon escient. Je suis toujours blessé pour les jeunes qui ont à subir
des amalgames. Je le répète, ce ne sont pas des jeunes qui ont fait cela, ce
sont des voyous !
Violer au cours d'une « tournante » une jeune femme ou une jeune fille, ce
n'est pas l'oeuvre de jeunes désoeuvrés, c'est l'oeuvre de « barbares ». Le mot
doit être utilisé au service de la sanction.
(« Bravo ! » et
applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, utilisons désormais le bon vocabulaire !
Mettons-le au service des idées justes ! Mettons aussi au service de ces idées
justes l'action appropriée, et vous verrez que les Français retrouveront
tranquillement l'envie de vivre ensemble,...
M. Dominique Leclerc.
Enfin !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... dans la paix publique, dans l'ordre républicain et qu'ils
retrouveront le chemin des urnes, car ils comprendront qu'ils ne sont plus
abandonnés devant des phénomènes qu'ils ne tolèrent plus.
Ainsi, nous vous demanderons d'accorder à la police de nouveaux moyens, pour
permettre, notamment, la surveillance permanente par caméra vidéo de certaines
zones, de façon qu'il n'y ait plus de contestations possibles entre les thèses
des uns et des autres. Je le répète, les honnêtes gens n'ont rien à craindre de
cette surveillance.
Je vous demanderai également que l'on puisse assurer la sécurité des témoins
avant et après le procès.
M. Jacques Peyrat.
Eh oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
J'ai reçu, après l'affaire des Tarterêts, les six responsables
d'associations de jeunes qui, de façon admirable, s'occupent de ce quartier.
Est-il normal que, trois jours après, le frère de l'un d'entre eux se soit
retrouvé à l'hôpital parce qu'un certain nombre de voyous l'attendaient, pour
la seule raison que son frère s'était entretenu avec moi ?
Nous avons besoin des témoins : ils doivent être défendus, protégés,
accompagnés.
Que signifie l'Etat de droit quand quelqu'un a peur de dire la vérité car il
pense que les voyous sont plus forts que l'Etat ?
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
C'est à cela aussi qu'il convient de mettre un terme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je n'ai pas peur : nous serons compris par
les Français,...
M. Dominique Braye.
Vous l'êtes déjà !
M. Jean-Claude Gaudin.
Et tant pis pour la presse !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... car c'est le langage qu'ils attendent de nous depuis bien
longtemps.
S'agissant des moyens supplémentaires, j'ai déjà parlé des effectifs mais il
faut également évoquer les moyens immobiliers.
Ainsi, nous ne pouvons plus laisser vivre nos gendarmes dans des casernements
indignes. Pour un gendarme, le logement de fonction n'est pas un luxe ; c'est
un élément d'exercice du service public.
De même, comment voulez-vous que nos policiers puissent faire un travail
efficace dans des locaux d'un autre âge, délabrés, qui ne sont plus entretenus
depuis bien longtemps ?
Je dois dire au Sénat que, dans le budget de la gendarmerie que j'ai trouvé,
il y avait de quoi payer la location des locaux jusqu'à la fin du mois d'août.
Rien n'était prévu pour les mois de septembre, octobre, novembre et décembre !
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
Telle est la situation qui nous a été laissée en
héritage.
(Vives protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Paul Raoult.
Démago !
M. Dominique Braye.
C'est la vérité !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Vous avez mal !
M. Paul Raoult.
N'importe quoi ! C'est indigne !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Si tel ou tel détient une information contraire ou est capable de
m'apporter la contradiction sur ce sujet, je suis à sa disposition, où il veut
et quand il veut.
Je regrette que, manifestement, certains sénateurs, au moment de voter le
budget de la gendarmerie, n'aient pas vu ce qu'il y avait dans ce bugdet... ou
plutôt, hélas, ce qu'il n'y avait pas !
M. Eric Doligé.
C'est de la cavalerie !
M. Jean Chérioux.
C'est dur, la vérité !
M. Paul Raoult.
Démago !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
S'agissant des moyens matériels, pour la police, nous dépenserons
100 % de crédits supplémentaires et, pour la gendarmerie, 81 % de crédits
supplémentaires.
En ce qui concerne le parc automobile, il est un département d'Ile-de-France,
l'Essonne, où, sur 250 véhicules, près de 70 sont en réparation. Franchement,
est-ce le rôle des policiers que d'être mécaniciens automobiles ? Ne peut-on
externaliser l'ensemble de ces tâches pour que les véhicules de police soient
entretenus dans les conditions de rapidité indispensables à l'efficacité de nos
forces de l'ordre ?
Pour terminer, je souhaite insister sur l'évaluation.
Vous aurez à pratiquer cette évaluation selon des modalités dont nous
parlerons tout au long du débat. Mais je souhaitais dès maintenant faire part
de la volonté du Gouvernement de publier des résultats tous les mois. Il y
aurait en effet contradiction à dire que l'insécurité est la première
préoccupation des Français et ne publier les chiffres de l'insécurité qu'une
fois par an. Qui accepterait que les chiffres du chômage ne soient publiés
qu'une fois par an ? Nous publierons donc tous les mois les chiffres de
l'insécurité et les chiffres de l'activité de la police et de la gendarmerie...
(Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo.
Quels chiffres ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... pour que chaque Français sache quelle est la réalité de notre
travail et que nous soyons jugés non pas simplement sur nos intentions, mais
aussi sur les résultats. Ces résultats, vous les aurez dans chaque département,
mesdames, messieurs les sénateurs, et dans chaque « jaune », pour que vous
puissiez répondre aux interrogations de nos concitoyens.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Toutes les semaines, tous les jours !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Il y a ceux, madame, qui ont compris le message des Français et
ceux qui n'ont rien compris à ce message !
(Vifs applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes
et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Et vous, vous n'avez rien compris au message des Français !
M. André Rouvière.
Un peu de modestie !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Cinq ans à faire preuve de naïveté ! Cinq ans à ne rien
comprendre ! Et au bout des cinq ans : 5 millions de votes pour le Front
national !
(Protestations continues sur les travées socialistes et sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. André Rouvière.
C'est de la provocation !
M. Patrick Lassourd.
Ça leur fait mal !
M. Bernard Piras.
Et Chirac, il n'a eu que 19 % !
M. Paul Raoult.
Et l'impunité de Chirac ?
Mme Nelly Olin.
Cela suffit !
M. le président.
Un peu de silence, mes chers collègues !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Nous mettrons un soin particulier à ne pas nous contenter des
chiffres de la délinquance, nous fournirons également des éléments concrets et
précis sur l'activité des services de police et de gendarmerie, sur le nombre
de personnes interpellées, sur le nombre de personnes gardées à vue, sur le
nombre de faits élucidés. Nous ne pouvons pas vous demander des moyens
supplémentaires pour les forces de l'ordre et ne pas nous engager à vous
communiquer les résultats de notre action.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Enfin, parce que nous soutenons les forces de l'ordre, nous
serons intransigeants sur le respect des valeurs républicaines et de l'éthique
républicaine imposées à ces forces de l'ordre.
M. Jean-Pierre Masseret.
Ah !
Mme Nicole Borvo.
Enfin !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
C'est parce que nous soutenons nos policiers et nos gendarmes,
qui en ont bien besoin, que nous exigerons d'eux le respect scrupuleux de
l'éthique et des valeurs qui sont celles de notre République.
M. Jean-Claude Gaudin.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Qu'il me soit permis de dire que c'est parce que l'on soutient
les policiers et les gendarmes que l'on peut être exigeant avec eux.
M. Jean-Claude Gaudin.
Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Quand on ne les soutient pas...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous avez déjà vu un ministre de l'intérieur qui ne les soutient pas ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... on ne peut pas leur demander de faire plus que ce que,
simplement, ils ont le devoir de faire.
M. Paul Raoult.
Démago !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez compris : la
volonté du Gouvernement, c'est de rétablir la tranquillité publique dans notre
pays.
(Mmes et MM. les sénateurs du RPR, du groupe des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que certains sénateurs du RDSE se
lèvent et applaudissent longuement.)
M. Eric Doligé.
Enfin la République !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
(« Bravo ! » et applaudissements sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les résultats au soir du
21 avril dernier, du premier tour de l'élection présidentielle, demeurent
présents à nos esprits et résonnent encore comme un coup de tonnerre. Nos
concitoyens nous ont adressé un message sans équivoque : « L'insécurité a
atteint dans notre pays un niveau insupportable. Après plusieurs années
d'atermoiements, il est temps de mener une politique volontariste. »
Ceux qui, par angélisme ou « naïveté », ont voulu faire croire que
l'insécurité était, au mieux, un « sentiment », au pis, un « fantasme » ont
payé ce soir-là chèrement le refus systématique et idéologique d'appréhender la
réalité sociale et l'insécurité quotidienne que subissent tous les Français.
(M. Dominique Braye applaudit.)
Le constat, en effet, mes chers collègues, est accablant. Alors que la
criminalité et la délinquance avaient régressé de manière permanente et
significative de 1993 à 1997, ces phénomènes ont connu une augmentation
exponentielle et sans précédent au cours des cinq dernières années.
En cinq ans, la délinquance n'a pas seulement crû de manière permanente,
jusqu'à dépasser pour la première fois le seuil symbolique des 4 millions
d'infractions constatées, elle a aussi muté, présentant désormais de nouvelles
caractéristiques particulièrement inquiétantes.
Cette délinquance est de plus en plus violente. Et c'est cela qui, au-delà
même des chiffres, inquiète les Français dans leur vie quotidienne. Au sein de
la délinquance de voie publique, les coups et blessures volontaires et les vols
avec violence ont connu une croissance constante, allant jusqu'à augmenter
repsectivement en 2001 de près de 10 % et de plus de 23 %.
Plus violente, cette délinquance implique en outre un nombre croissant de
mineurs. La part des mineurs dans le total des mises en cause s'est élevée
ainsi à plus de 21 % en 2001, alors qu'elle n'était que de 13 % il y a
seulement dix ans.
Cette implication des mineurs est encore plus importante pour les faits de
délinquance de voie publique, celle qui sensibilise justement le plus nos
concitoyens et qui a concerné, en 2001, plus de 36 % des personnes mises en
cause.
La troisième mutation de la délinquance concerne son extension à l'ensemble du
territoire. Longtemps cantonnée dans les zones urbaines, elle se diffuse
désormais dans nos campagnes du fait d'une mobilité accrue des délinquants.
Cette croissance de la délinquance en zone rurale peut être estimée à plus de
10 % pour la seule année 2001.
Le plus grave est sans doute le « sentiment d'impunité », bien réel celui-là,
des délinquants. Malgré l'abnégation des services de sécurité dans l'exercice
de leurs fonctions, le taux d'élucidation est en baisse constante. Et ce sont
les infractions subies le plus couramment par nos concitoyens qui, noyées dans
la masse, ont le moins de chances d'être élucidées. Moins d'un crime ou délit
sur quatre a été élucidé en 2001. Et, malgré ce chiffre déjà très bas, une
affaire élucidée sur trois sera classée sans suite du fait de l'encombrement
des juridictions.
« Il n'y a pas de fatalité à l'explosion de l'insécurité », avez-vous déclaré
vous-même, monsieur le ministre. S'il n'y a pas de fatalité, et nous en
convenons volontiers, c'est qu'il y a des causes et des solutions.
L'insécurité est la conséquence logique d'un laxisme dont les manifestations
résident dans la peur de punir et la faiblesse de l'autorité : peur de punir
qu'atteste cette emblématique circulaire de l'éducation nationale qui demandait
aux directeurs d'établissement d'éviter les sanctions ; faiblesse de
l'autorité, lorsque les objectifs d'investissement fixés par la loi
d'orientation et de programmation de 1995 ont été abandonnés, lorsque la
progression de l'agrégat « police » a stagné de 1997 à 2000 et que, dans le
même temps, les crédits d'équipement de la gendarmerie ont diminué en valeur
réelle ; faiblesse de l'autorité également lorsque la politique de proximité
n'a pu être mise en place sur le terrain faute des moyens matériels et humains
nécessaires à son application.
S'il y a des causes, et vous les avez identifiées, alors, il y des solutions.
Difficiles à mettre en oeuvre, nous n'en doutons pas, ces solutions reposent
sur un principe simple : le volontarisme.
Il ne suffit pas d'énoncer péremptoirement quelques principes. Encore faut-il
savoir s'y tenir. C'est la raison pour laquelle nous vous sommes
reconnaissants, monsieur le ministre, de venir si tôt devant notre assemblée
pour défendre ce projet de loi qui met en oeuvre les engagements pris par le
Président de la République durant la campagne électorale.
Le temps de l'action qu'appelait le Président de la République de ses voeux
est venu, et le projet de loi que vous nous soumettez tient toutes ses
promesses. Ce texte est tout à la fois ambitieux et réaliste.
Je ne reviendrai pas sur son architecture, que vous venez de développer avec
conviction et précision. Il ne se contente pas de prévoir l'allocation des
moyens humains et financiers supplémentaires aux forces de sécurité : il donne
des orientations de nature à permettre de mieux utiliser les moyens existants
et, surtout, il entre dans une logique novatrice d'évaluation de la performance
de l'action conduite.
Ainsi, le conseil de sécurité intérieure, sous l'autorité du Président de la
République, donnera les orientations au niveau national, et les conférences
départementales de sécurité déclineront au plus près des réalités du terrain
ces mêmes orientations avec, pour seule fin, l'efficacité.
Les sénateurs que nous sommes ne peuvent que souligner avec la plus grande
satisfaction l'association des élus locaux aux différents aspects de la
politique de sécurité.
Tout d'abord, les maires présideront les conseils locaux de sécurité et de
prévention de la délinquance. Cela permettra de faciliter l'échange
d'informations et de favoriser la coopération des divers intervenants locaux,
notamment dans le domaine de la prévention.
Mais, surtout, un véritable droit à l'information des maires est enfin
reconnu. La semaine dernière, lors de l'examen du projet de loi d'orientation
et de programmation pour la justice, la majorité sénatoriale rappelait avec
force les dispositions que la Haute Assemblée avait adoptées l'année dernière
afin d'instaurer ce droit des maires à l'information en matière
d'infractions.
Nous avions en effet considéré comme anormal que le maire apprenne dans la
presse certains événements survenus dans sa commune. Ainsi, votre texte
organise une information périodique sur la délinquance dans la commune au sein
du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Ces
dispositions se conjugueront avec votre décret du 17 juillet dernier, qui
oblige désormais commissaires et officiers de gendarmerie à communiquer en
temps réel au maire les actes graves de délinquance commis sur sa commune.
Sur le plan opérationnel, la réunion des policiers et des gendarmes sous
l'autorité d'un grand ministère de la sécurité intérieure, conformément aux
engagements pris pendant la campagne présidentielle, laisse augurer le meilleur
de cette association.
D'autant que les vingt-huit groupes d'intervention régionaux créés dès le 22
mai dernier pour lutter contre l'économie souterraine et composés de policiers,
de gendarmes, d'agents des douanes et des services fiscaux ont déjà prouvé, par
leur rapide mise en oeuvre, l'efficacité, la bonne volonté et le dévouement des
1 600 agents volontaires concernés. S'il n'en fallait qu'une preuve, je
rappellerais le coup de filet spectaculaire du GIR de Lille, qui a démantelé un
important réseau international de trafic de voitures volées, n'en déplaise aux
esprits chagrins qui doutaient de la capacité des différentes forces à
coordonner leurs efforts et leurs compétences.
Concernant les GIR, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que tous les
officiers de police judiciaire affectés dans les services spécialisés
d'investigation que sont les services régionaux de police judiciaire ou les
sections de recherche de la gendarmerie devraient bénéficier d'une habilitation
couvrant l'ensemble de la zone de défense ? Une telle mesure permettrait de
régler les difficultés apparues sur le terrain, s'agissant de l'habilitation
judiciaire des agents affectés dans les GIR, et correspondrait parfaitement à
votre volonté d'accroître la zone de compétences des officiers de police
judiciaire.
Dans le même esprit de coordination des savoirs, la possibilité de rapprocher
les réseaux de transmissions ACROPOL pour la police et RUBIS pour la
gendarmerie rationalisera les enquêtes judiciaires. A cet égard, ne pensez-vous
pas qu'il faille envisager, à terme, la constitution d'un réseau unique qui
intégrerait également ceux des services d'incendie et de secours ?
Aussi surprenant que cela puisse paraître, les fichiers cryptés de deux forces
ne sont pas compatibles. Au sein même des fichiers de police, les fichiers
STIC, ou système de traitement de l'information criminelle, et JUDEX, ou
fichier de rapprochement judiciaire, sont gérés distinctement par la police et
la gendarmerie sans que les agents de chaque institution aient juridiquement
accès aux fichiers de l'autre.
N'est-il pas temps de mettre fin à cette situation kafkaïenne en prévoyant la
fusion des fichiers et en y donnant accès aux agents de chaque institution ?
Le texte qui nous est soumis permettra également - c'est une de ses grandes
forces - de mieux utiliser les moyens existants en garantissant le recentrage
des personnels actifs sur leurs missions. Pour ce faire - cela répond à une
grande attente des effectifs concernés - le nombre d'emplois administratifs
sera augmenté et les tâches improductives, telles que les gardes statiques et
le transfert des détenus, seront limitées.
Par aileurs, le choix de la confiance est fait envers ceux qui veulent
prolonger leur activité. De la sorte, les gendarmes atteignant la limite d'âge
de leur grade pourront prolonger leur activité d'un an. Ainsi, leur départ en
retraite ne bouleversera pas la vie de leur brigade. Sans priver celle-ci de
leur expérience, ils pourront transmettre leurs compétences aux nouveaux
personnels.
Ce projet de loi ouvre enfin la voie d'une logique novatrice d'évaluation de
la performance de l'action conduite. Ainsi, les objectifs de performance fixés
par le Gouvernement dans la loi de finances initiale seront évalués chaque
année par un organisme extérieur et un rapport sur l'application du présent
projet de loi sera remis chaque année au Parlement.
Comme je viens de l'indiquer, les orientations de ce projet de loi donnent à
l'opinion pubique un signal fort de la volonté réformatrice de ce gouvernement,
comme de sa détermination à agir rapidement et avec efficacité.
Cela dit, je souhaite profiter de cette tribune, monsieur le ministre, pour
obtenir certaines assurances sur quelques points qui retiennent
particulièrement l'attention des membres de la Haute Assemblée, représentants
constitutionnels des collectivités locales.
Concernant la rationalisation de la répartition des zones de compétences entre
la police et la gendarmerie, la commission des lois a considéré qu'elles
permettrait de tirer le meilleur profit des moyens existants.
Pour autant, la modification de l'implantation des effectifs à l'intérieur des
zones de compétence de chaque force suscite l'inquiétude de nombreux élus
locaux. Ils souhaiteraient être assurés que la réforme ne se fera ni au
détriment de la proximité, à laquelle nos concitoyens sont attachés, ni au
détriment de l'efficacité des forces de sécurité.
S'agissant de la gendarmerie en zone rurale, des expériences de « jumelage »
de brigades ont déjà eu lieu par le passé sans donner les résultats escomptés.
Elles ont désorienté les citoyens pendant que les délinquants venus des zones
urbaines mettaient à profit les failles du système.
Pensez-vous donc, monsieur le ministre, que les communautés de brigades que
vous proposez pour mutualiser sous un même commandement les moyens de plusieurs
brigades ne provoqueront pas les mêmes effets ni n'entraîneront à terme la
disparition de casernes dans les zones de faible densité démographique et,
surtout, qu'elles permettront de maintenir la tranquillité de nos zones rurales
?
Enfin, pouvez-vous nous confirmer que ces communautés de brigades seront
créées après consultation des élus locaux et ne seront pas imposées par une
directive nationale ?
Les élus locaux s'indignent également du stationnement illégal, de plus en
plus insupportable, des gens du voyage De nombreuses communes sont confrontées
à leur stationnement hors des aires pourtant prévues à cet effet par la loi.
Trop fréquemment, et en dépit d'un arrêté d'interdiction du maire pris
conformément à la loi Besson, arrêté qui était le pendant de l'aménagement
d'aires d'accueil aux frais des contribuables locaux, les gens du voyage
refusent de stationner sur ces aires aménagées à leur intention.
Nos concitoyens vivent cette situation comme une véritable insulte aux efforts
financiers qu'ils ont consentis, sans compter que ce stationnement illégal
s'accompagne bien trop souvent de déprédations des propriétés publiques ou
privées. Il est temps de lutter contre ce fléau qui laisse les maires et chacun
d'entre nous totalement démunis.
Le projet de loi prévoit que des mesures seront prises en la matière.
L'Assemblée nationale a, en outre, prévu la saisie des véhicules en cas de
refus d'obtempérer.
Mais la véritable faille du système réside dans la longueur de la procédure
d'expulsion : il convient de l'accélérer. Les maires qui ont aménagé une aire
d'accueil ou qui ont participé au financement d'une telle aire doivent pouvoir
obtenir de manière urgente et automatique l'expulsion des gens du voyage
installés illégalement sur d'autres terrains publics ou privés situés sur le
ressort de leur commune.
Le recours à un huissier est obligatoire et la décision judiciaire est prise
contradictoirement en la forme des référés, souvent de nombreux jours après
l'installation illégale. Une fois la décision de justice prononcée, le préfet
accorde rarement l'emploi de la force publique pour procéder à l'exécution de
cette décision. Et lorsque la procédure arrive enfin à son terme, le plus
souvent, les gens du voyage sont déjà sur le départ ou partis vers un nouveau
site, où le nouveau maire concerné recommencera une procédure au point de
départ, tandis que, dans le même temps, un autre groupement s'installera sur le
terrain à peine libéré.
Ne vous semblerait-il pas souhaitable de pouvoir obtenir en urgence une
ordonnance sur requête afin d'accélérer la procédure ? Ne pensez-vous pas que
des consignes strictes devraient être données aux préfets pour que les
décisions de justice en la matière soient systématiquement et promptement mises
à exécution et pour que les forces de l'ordre soient mises automatiquement à
disposition ?
Quant au nouveau dispositif de financement et de réalisation des opérations
immobilières, il ne manquera pas d'accélérer la réalisation des opérations afin
de rattraper le retard accumulé en la matière et, surtout, il favorisera les
partenariats avec les collectivités locales.
Encore faut-il garantir fermement qu'il ne s'agit pas d'un transfert de
compétences déguisé vers les collectivités locales. Il s'agit d'une compétence
régalienne de l'Etat ! Un transfert de compétences pur et simple créerait une
inacceptable inégalité entre les collectivités les plus riches, qui seules
auraient la possibilité de financer les équipements nécessaires, et les autres,
qui se retrouveraient marginalisées alors même que celles-ci sont souvent les
plus frappées par l'insécurité quotidienne.
Par ailleurs, les communes bénéficiant actuellement de subventions pour
construire des brigades de gendarmerie afin de les mettre à la disposition de
l'Etat moyennant un loyer s'inquiètent de savoir si ce dispositif ne remettrait
pas en cause la distribution de ces subventions. Enfin, les communes qui
profiteraient des attributions du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA,
pourraient-elles également bénéficier de subventions ?
En outre, je me ferai l'écho, dans ma dernière question, des interrogations de
certains de mes collègues qui, plusieurs fois, se sont inquiétés de la question
de l'extraction et du transfert des détenus ainsi que de la garde des détenus
hospitalisés. Le président Henri de Raincourt, Aymeri de Montesquiou, notre
rapporteur pour avis de la commission des finances, nos collègues Christian
Cointat et Laurent Béteille ont successivement soulevé cette épineuse question,
la semaine passée, à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation et
de programmation pour la justice.
L'équivalent temps plein de 4 000 policiers et gendarmes est mobilisé par ces
tâches indues. Les services des petites villes dotées de prisons sont
entièrement désorganisées par leur accomplissement.
Si les policiers et les gendarmes devaient être déchargés de cette mission,
accorderait-on des moyens supplémentaires à l'administration pénitentiaire ou
aurait-on recours à des services de sécurité privé ?
Envisagera-t-on, dans des cas très spécifiques, le déplacement de magistrats,
notamment pour les zones de rétention administrative comme celle de Roissy, par
exemple ?
Enfin, pourquoi ne pas vivre avec son temps et réfléchir à l'utilisation des
nouvelles technologies qui permettraient, par exemple, d'envisager la
vidéo-conférence pour les auditions ? A n'en pas douter, les investissements
nécessaires seraient rapidement amortis compte tenu de l'économie de moyens
humains et matériels réalisée.
En ce sens, je me permettrai de citer l'exemple de notre collègue Jean-Jacques
Hyest, qui rappelait, en 1998, dans son rapport, le cas d'un prisonnier
transféré sept fois en quatorze semaines de Fleury-Mérogis à Bordeaux, chacun
de ces transfèrements coûtant près de 70 000 francs à la collectivité.
M. Jean-Jacques Hyest.
Et voilà !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des réponses que vous
apporterez à ces différentes interrogations de notre assemblée. Elles ne
manqueront pas d'assurer pleinement notre conviction que la voie tracée est la
bonne.
Ces orientations, combinées à celles qui, relatives à la délinquance des
mineurs, figurent dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour
la justice que le Sénat, première assemblée saisie, a adopté en première
lecture vendredi dernier, constituent des engagements forts pris devant la
représentation nationale.
Elles sont de nature à mobiliser les énergies afin de garantir à nos
concitoyens le rétablissement de notre sécurité. Et nous ne rappellerons jamais
assez qu'il s'agit là de la première de nos libertés.
En conséquence, dans l'attente du dépôt du projet de loi traduisant les
orientations législatives retracées dans le présent projet de loi ainsi,
naturellement, que de la présentation du projet de loi de finances pour 2003,
qui commencera à mettre en oeuvre l'augmentation des moyens programmée, parce
que ce texte reprend un grand nombre des propositions de notre assemblée, la
commission des lois et son rapporteur, mes chers collègues, vous proposent
d'adopter ce projet de loi sans modification.
M. le président.
La parole est à M. Philippe François, rapporteur pour avis.
M. Philippe François,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, le rapprochement de la gendarmerie nationale et de la police
nationale, est à mon avis, au coeur du dispositif du projet de loi
d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure que nous
examinons aujourd'hui. Il définit, en effet, le cadre juridique dans lequel les
forces de sécurité intérieure devront désormais travailler, animées par une
autorité commune, le ministre de la sécurité intérieure, réorganisées et dotées
de moyens nouveaux.
C'est la raison pour laquelle la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées a décidé de se saisir pour avis de ce projet de
loi.
Analysons, par conséquent, les modalités du rapprochement police-gendarmerie
et ses conséquences sur leur organisation territoriale respective. Essayons
également de déterminer l'impact des moyens dégagés en faveur de la
gendarmerie, tant sur la plan des effectifs que sur celui des équipements.
Félicitons-nous, mes chers collègues, de ce que la nouvelle architecture
institutionnelle de la sécurité intérieure ait pour maîtres mots la cohérence
et l'efficacité, mots fréquemment prononcés par M. le ministre lui-même.
Le rapprochement de la police et de la gendarmerie était attendu sur le
terrain depuis de nombreuses années. En le réalisant enfin, le Gouvernement a
tenu les engagements qu'il avait pris devant les Français et il répond ainsi à
leur exigence de sécurité.
Par le décret du 15 mai 2002, qui confie l'emploi et l'organisation de la
gendarmerie, pour ses missions de sécurité intérieure, au ministre de
l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - en
concertation avec le ministre chargé de la défense, qui en conserve la
responsabilité organique et l'emploi pour les missions militaires -, le
Gouvernement a ainsi précisé et infléchi une pratique républicaine définie par
le décret du 20 mai 1903 permettant au ministre de l'intérieur de « donner des
ordres » à la gendarmerie. Désormais, celui-ci en aura plus directement encore
la responsabilité afin d'organiser une meilleure collaboration avec la police
et de mieux assurer la sécurité de nos concitoyens.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées,
monsieur le ministre, est très attachée à ce que la spécificité de la
gendarmerie soit respectée et préservée dans le travail au quotidien avec la
police. Les personnels de la gendarmerie, force de police à statut militaire,
sont, comme tous les militaires, soumis à des obligations particulières : ils
sont tout d'abord astreints à un devoir de réserve, qui limite leur expression
personnelle et collective ; ils sont ensuite soumis à une obligation de «
disponibilité en tout temps et en tout lieu », dont les élus locaux connaissent
l'importance concrète. Cette obligation va d'ailleurs de pair avec celle de
loger en caserne, de telle sorte que les obligations personnelles du militaire
sont en partie partagées par sa famille.
Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à ce que le rapprochement avec la
police s'effectue sur une base paritaire valorisant les compétences respectives
et respectant les différences. C'est une très bonne décision, et je m'en
félicite.
La commission des affaires étrangères restera également attentive à ce que la
priorité donnée à la lutte contre l'insécurité n'occulte pas la place de la
gendarmerie au sein des forces armées et n'obère pas ses missions de prévôté,
de police militaire et, en cas de menace interne ou externe, de défense du
territoire. Sa capacité d'action en opérations extérieures, unanimement
reconnue comme en Bosnie ou au Kosovo, devra également être confortée. Il sera,
par conséquent, souhaitable de préserver des modalités de recrutement et de
formation purement militaires et communes aux autres armées.
Le second point de satisfaction, mes chers collègues, est que, sur le terrain,
la coordination des forces de sécurité puisse être significativement
améliorée.
La répartition des zones de compétence entre la gendarmerie nationale et la
police nationale sera réexaminée localement de manière pragmatique - vous avez
fréquemment employé ce qualificatif, monsieur le ministre - pour trouver une
meilleure cohérence opérationnelle, afin de supprimer les chevauchements. Ces
échanges de territoires entre police et gendarmerie se feront de manière
équilibrée et concertée avec les élus locaux, vous l'avez indiqué tout à
l'heure.
L'interopérabilité et la complémentarité des moyens des deux forces seront
améliorées, notamment dans les domaines des transmissions et de la police
scientifique.
En matière de transmissions, pour pallier la non-interopérabilité des systèmes
de communication de la gendarmerie et de la police, les échelons de
commandement et les unités travaillant ensemble seront dotés en priorité de «
mallettes de connexion » - terme technique dont je ne connais pas la définition
- dans l'attente d'un système unique.
En matière de police scientifique, il faudra bien, monsieur le ministre,
résoudre l'actuel dédoublement des moyens, chaque force possédant son propre
laboratoire.
Enfin, à travers la participation accrue des gendarmes aux offices centraux
et, surtout, grâce aux groupes d'intervention régionaux, une habitude de
travail en commun se développera. Ces GIR, forces d'intervention
interministérielles, symbolisent parfaitement la volonté résolue du
Gouvernement de reconquérir des zones du territoire qui sont devenues des zones
de non-droit. Nous souhaitons qu'après de premières opérations prometteuses ils
puissent devenir les fers de lance d'une lutte en profondeur contre les trafics
et la délinquance.
Outre ce nouveau dispositif institutionnel, le projet de loi d'orientation et
de programmation vise à doter les forces de sécurité de nouveaux moyens humains
et matériels au cours des cinq prochaines années. Deux chiffres marquent cette
volonté pour la gendarmerie : la création de 7 000 emplois et le déblocage de
2,85 milliards d'euros supplémentaires par rapport à 2002 sur la durée de la
loi. Au cours des cinq prochaines années, 4 800 postes seront attribués aux
missions de sécurité de proximité, 400 à la lutte contre la délinquance, 700 à
la sécurité routière, 300 à la lutte contre le terrorisme et 800 au soutien des
unités. Les 7 000 postes créés sont des postes de gendarmes de plein
exercice.
En revanche, le projet de loi ne prévoit pas d'augmenter le nombre d'emplois
budgétaires de gendarmes adjoints volontaires, même si, en mettant fin au gel
de 1 400 postes opérés par le gouvernement précédent pour financer les mesures
décidées à la hâte et dans l'urgence, fin 2001, il permettra la progression de
leur nombre sur le terrain.
Je crois opportun, à cet égard, que leur statut juridique évolue pour qu'il se
rapproche de celui des gendarmes en matière de police judiciaire. Cette
évolution ne pourrait-elle se réaliser au travers du rétablissement d'un corps
d'hommes du rang dans la gendarmerie, comme c'était le cas autrefois ?
La commission des affaires étrangères estime aussi très positive la volonté
d'accroître les effectifs sur le terrain grâce à la réduction des gardes
statiques et des transfèrements ainsi qu'à la simplification d'un certain
nombre de procédures.
Elle s'est interrogée à cet égard sur la possibilité de recourir à plus de
personnels civils pour prendre en charge diverses tâches administratives. Je me
permets de vous inviter, monsieur le ministre, à faire procéder rapidement à
une réflexion sur le sujet. Nous nous tenons à votre disposition.
Une simple augmentation des effectifs ne permettant pas à elle seule de lutter
contre l'insécurité, il est particulièrement bienvenu que le projet de loi
prévoie une évolution significative de l'emploi des forces.
Les brigades territoriales de petite taille, par groupes de deux ou trois,
passeront sous commandement unique et mutualiseront leurs moyens dans le cadre
de communautés de brigades. Ce nouveau dispositif préservera le maillage
territorial de la gendarmerie tout en améliorant sensiblement les services
apportés à la population. En effet, trop de brigades n'ont pas les effectifs
suffisants pour mener des patrouilles de jour et, surtout, de nuit et pour
avoir une réactivité satisfaisante, tout en ménageant les temps de repos des
personnels.
De plus, les 17 000 hommes des escadrons de gendarmerie mobile seront employés
plus systématiquement pour des missions de sécurité publique en soutien des
brigades territoriales dans leur zone de défense de résidence. Leurs
déplacements seront sensiblement réduits, même si, pour les missions de
maintien de l'ordre, le principe qui veut que l'on ne fasse pas du maintien de
l'ordre « chez soi » sera maintenu mais on évitera ainsi d'aller de Toulouse à
Tours, par exemple.
Enfin, l'effort fait en matière d'effectifs s'accompagne d'un effort
budgétaire tout aussi important en matière de moyens matériels.
C'est ainsi que 200 millions d'euros environ seront débloqués pour
l'équipement des personnels. Un effort équivalent sera accompli pour les
véhicules, qu'il s'agisse des véhicules des brigades, des cars des escadrons de
gendarmerie mobile ou des véhicules blindés à roue de la gendarmerie. Pour ces
derniers, vieux de plus de vingt-cinq ans, l'effort est spectaculaire. La loi
de programmation militaire présentée en conseil des ministres en 2001 n'en
prévoyait que quatre sur six ans ; les crédits dégagés par le présent projet de
loi permettront l'achat de 118 véhicules supplémentaires.
L'informatique, la bureautique et la modernisation des services en général
sera un autre axe d'effort. Il paraît inconcevable que les brigades
territoriales ne disposent ni d'Intranet ni d'internet aujourd'hui, et 150
millions d'euros supplémentaires y seront consacrés.
L'effort financier le plus important - 475 millions d'euros sur cinq ans, soit
presque la moitié des crédits d'investissement supplémentaires - sera consenti
pour le logement des gendarmes. Cela équivaut à un quasi-doublement de l'effort
financier atteint jusqu'à présent. Cet effort financier devrait permettre de
rénover 3 500 unités de logement et d'en construire 4 000 nouvelles sur cinq
ans. Il s'accompagne également d'un « rebasage » des crédits de fonctionnement
de la gendarmerie permettant de mettre fin au problème des loyers impayés que
nous, élus locaux, connaissons si bien.
Pour conclure, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, je dirai qu'il me semble que ce projet de loi d'orientation et de
programmation était un projet très attendu.
Il confirme la réorganisation des forces de sécurité intérieure pour les
rendre plus cohérentes et plus efficaces. Il s'accompagne de moyens humains et
financiers nouveaux, permettant véritablement aux forces de sécurité
d'accomplir leurs missions. L'emploi de ces forces sera lui-même modifié pour
augmenter, sur le terrain, le nombre de policiers et de gendarmes
disponibles.
Enfin, ce projet de loi s'inscrit dans une logique de résultat en soumettant
la politique suivie à une évaluation régulière, que vous avez dit mensuelle,
monsieur le ministre.
C'est pourquoi, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, je vous invite à émettre un
avis favorable sur ce présent projet de loi.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis.
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, nous devons circonscrire le feu de l'insécurité
et l'éteindre. Il faut agir rapidement, marquer une rupture avec les méthodes
et la culture du gouvernement précédent.
M. Eric Doligé.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur pour avis.
De fait, monsieur le ministre, avec détermination
et sans perdre un jour, vous avez mobilisé les 2 000 commissaires de police,
organisé les forces de l'ordre en groupes d'intervention régionaux, mis au
travail le nouveau conseil de sécurité intérieure.
De ce fait, le message que vous adresserez à nos concitoyens et aux forces de
police et de gendarmerie est clair. Vous exigez et vous obtiendrez des
résultats.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Roger Karoutchi.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur pour avis.
Pour la première fois depuis 1995, le Gouvernement
propose un débat sur les orientations et les moyens de la sécurité intérieure.
Ce projet de LOPSI, si vous me permettez d'entrée de jeu cet acronyme, entraîne
l'adhésion et redonne confiance.
C'est une réponse éloquente aux inquiétudes manifestées par nos concitoyens
lors des dernières élections. Le sentiment de peur et d'insécurité n'est pas un
fantasme réveillé par les médias à l'occasion des récentes campagnes
électorales : c'est la réalité quotidienne de trop nombreux citoyens. Or le
sentiment d'insécurité qui se diffuse dans notre société accroît la méfiance de
chacun à l'égard de l'autre et conduit souvent au racisme. C'est bien le lien
social qui est détruit par l'explosion de la délinquance.
L'insécurité n'est pas un phénomène nouveau, mais son développement récent est
inquiétant. Je reprendrai cette litanie pour souligner la gravité de la
situation :
Les délinquants sont de plus en plus jeunes et de plus en plus violents.
Les zones rurales ne sont plus épargnées. L'augmentation de la criminalité est
forte en zone « gendarmerie » : 20 % dans la Creuse entre 2000 et 2001, 17 % en
Haute-Savoie, près de 17 % dans mon département du Gers qui se rêvait à l'abri
!
Certains quartiers sont, depuis plusieurs années, de véritables zones de
non-droit. Il n'est pas acceptable que, dans notre République, des policiers en
uniforme ne puissent plus s'y rendre sans être agressés, que pompiers, médecins
et ambulanciers ne puissent plus y pénétrer sans être pris à partie par des
bandes, parfois armées, toujours agressives. Ce qui est arrivé à de jeunes
policiers, à Pantin, il y a quelques jours, en est un exemple tragique et
honteux.
Mettons-nous à la place des habitants de ces quartiers, imaginons leur vie
quotidienne. Nous ne pouvons débattre sentencieusement et ne rien faire ; nous
devons absolument agir. Il est d'autant plus urgent que ces zones soient
qualifiées de zones d'action prioritaire ou ZAP. L'action de nos forces de
sécurité s'y concentrera, avec, pour objectif, l'éradication des zones de
non-droit d'ici à cinq ans.
Aujourd'hui, tous ensemble, nous avons l'obligation absolue de rétablir l'Etat
de droit sur chaque parcelle du territoire, et ce avec une détermination sans
faille. La sécurité est la condition même de l'exercice des droits de l'homme.
« La première liberté, c'est la sécurité », rappelait le Premier ministre lors
de sa déclaration de politique générale, le 3 juillet dernier. Aujourd'hui,
l'insécurité est devenue un véritable défi pour l'Etat.
Au sentiment d'abandon que ressentent aujourd'hui nos concitoyens s'est ajouté
celui de nos forces de sécurité.
Elles ne se sentaient plus reconnues et surtout soutenues par le monde
politique. Elles avaient le sentiment que leur action était de plus en plus
entravée et vaine, alors même qu'elles travaillaient dans des conditions de
plus en plus ingrates : lenteur et complexité des procédures, trop nombreuses
affaires classées sans suite, caractère parfois symbolique des sanctions
infligées aux délinquants, autant de facteurs qui alimentaient leur sentiment
d'incompréhension, de découragement et d'exaspération. On m'a parlé dans les
commissariats de récidivistes recommençant dix, cinquante, soixante fois.
Trop souvent, les délinquants interpellés par la police étaient immédiatement
relâchés et jouissaient d'un sentiment d'impunité, faisant alors les
fiers-à-bras. Cela enlevait tout caractère dissuasif à l'arrestation. Tout le
monde connaissait cette situation mais acceptait le renoncement.
Les forces de sécurité intérieure se sentaient inutiles : il est impossible de
faire respecter le loi lorsqu'on a le sentiment de ne pas être considéré. Lors
d'une tournée avec la brigade anti-criminalité, j'ai constaté avec effarement
que des consignes étaient données pour que les barrages de police soient levés
afin d'éviter qu'un criminel en fuite ne se blesse, ce qui pourrait provoquer
des remous voire des émeutes ! Désormais, les forces de sécurité savent que le
pouvoir politique fera front.
(Exclamations sur les travées du groupe
socialiste.)
Cette inversion des valeurs est non seulement malsaine, mais destructrice pour
notre société. En conséquence, après une lancinante exaspération très longtemps
contenue, l'automne dernier a vu naître le mouvement revendicatif de policiers
le plus important depuis plus de vingt ans. Pour la première fois dans
l'histoire, des gendarmes ont défilé en uniformes, bravant ouvertement leur
obligation de réserve.
Ces messages de découragement, d'exaspération, presque de révolte, adressés
par nos concitoyens et par les forces de sécurité, appelaient un changement
radical de politique, un esprit nouveau et des résultats rapides. Il n'est plus
temps de tergiverser, l'action forte s'impose.
La lutte contre l'insécurité nécessite une volonté politique ferme, exprimée
par une majorité unie. Monsieur le ministre, les membres du Gouvernement sont
unanimement solidaires de ce projet de LOPSI, ils parlent d'une même voix et
assument pleinement les nouvelles options. C'est un gage de réussite pour faire
respecter cette politique par nos concitoyens et par les forces de police et de
gendarmerie, une réponse à la hauteur des enjeux.
La LOPSI prévoit une augmentation réelle et sans précédent des moyens de nos
forces de sécurité. Elle s'accompagne, comme le soulignait le Premier ministre,
d'une « volonté affirmée de faciliter le travail des policiers et des gendarmes
».
C'est un point essentiel, qui tranche avec la politique antérieure.
(M.
Raymond Courrière s'exclame.)
Nos forces de sécurité disposent, enfin, d'un
soutien moral et politique ! C'est la fin de la culture de « l'excuse » pour
les délinquants, au profit de celle de la juste sanction.
En particulier, il est essentiel de s'attaquer à ceux qui étalent, de manière
provocatrice, des signes de richesse acquises grâce aux revenus d'activités
délictueuses, tel le recel ou le trafic de drogue. Ces délinquants deviennent
une forme de « modèle » dont l'effet est particulièrement néfaste sur les plus
jeunes, fascinés par ces billets agités sous leurs yeux et dont l'origine n'est
pas condamnée par la société.
Or comment inciter un jeune à poursuivre des études quand on lui assène
l'exemple d'une vie si facile et opulente ? Comment le convaincre de se battre
pour entrer sur le marché de l'emploi, sachant qu'il risque de faire l'objet de
discriminations en raison de son lieu de résidence ? Les actions régulières et
dissuasives des groupes d'intervention régionaux permettront, sans aucun doute,
de mieux mobiliser les services de l'Etat et de lutter sans états d'âme contre
ces situations inacceptables qui rendent dérisoire toute initiation au
civisme.
Cette lutte sans merci qui est menée sur le terrain doit s'accompagner de la
simplification, de la modernisation des procédures et de la gestion du
ministère chargé de la sécurité intérieure. Pour que le service rendu à nos
concitoyens soit optimal, la sécurité doit constituer le domaine privilégié de
la mise en oeuvre du triptyque « expérimentation, évaluation, généralisation
».
La méthode pragmatique qui a été retenue par le Gouvernement pour mener à bien
les réformes structurelles des forces de sécurité est la bonne. Elle privilégie
le dialogue et la concertation locale, elle n'impose pas de grands schémas
nationaux, qui sont d'ailleurs toujours inadaptés aux réalités du terrain. Dans
ce dispositif, les élus locaux sont enfin associés.
M. le rapporteur de la commission des lois saisie au fond ayant détaillé les
dispositions de ce texte, je serai bref sur l'examen des articles qui nous sont
soumis et je concentrerai mon propos sur les dispositions de nature budgétaire.
Pour plus de détails, mes chers collègues, je vous invite à lire le rapport
écrit de la commission des finances.
L'article 1er approuve les orientations de la nouvelle politique de sécurité
intérieure qui sont définies dans l'annexe I. La LOPSI diffère d'autant plus
des deux précédentes lois de programmation en la matière, la loi Joxe de 1985
et la loi Pasqua de 1995, que son horizon coïncide avec celui de la
législature. L'annexe I constitue ainsi un véritable programme de gouvernement
en matière de sécurité intérieure.
En effet, elle améliore considérablement la répartition, l'organisation et la
gestion des forces de sécurité intérieure. La coordination de la police et de
la gendarmerie sous une même tutelle opérationnelle en constitue la mesure
emblématique. Cette innovation signifie-t-elle que l'imagination est enfin au
pouvoir ?
Chaque corps conservera son identité, mais cette nouvelle coordination
permettra de maintenir une extrême complémentarité, une émulation positive et
une efficacité renforcée. Ainsi, la création des communautés de brigade,
renforcera les capacités opérationnelles de la gendarmerie dans les zones
rurales, qui étaient jusqu'à présent désorganisées par les redéploiements
successifs.
Quant à l'article 2, il fixe à 5,6 milliards d'euros le montant global des
crédits supplémentaires qui sont attribués à la sécurité intérieure pour la
période 2003-2007. Le Gouvernement ne cherche pas à faire mieux avec moins de
crédits ou autant, ce qui supposerait à nouveau un simple redéploiement, il
veut faire beaucoup mieux et plus, avec beaucoup plus de crédits.
Cette programmation n'est pas détaillée année par année pour la période
2003-2007. Par une globalisation qui apporte un élément de souplesse évident,
elle optimise la répartition annuelle des crédits supplémentaires en fonction
de l'avancement concret des projets. Cette globalisation des crédits est déjà
une méthode de gestion employée avec succès par le ministère de l'intérieur
pour les dépenses immobilières des préfectures. Elle a été engagée par le
précédent gouvernement.
Ces crédits pallieront les carences actuelles de nos forces de sécurité,
s'agissant de l'insuffisance des personnels administratifs dans la police, de
la rotation trop rapide des forces de police dans les zones sensibles, de la
remise à niveau du budget de la gendarmerie, des besoins de rénovation du parc
immobilier et de renouvellement du parc automobile ou encore des besoins de
modernisation des systèmes d'information et de communication. Monsieur le
ministre, les policiers sont exaspérés que leurs communications soient
décryptées par les délinquants et que leurs voitures ne leur permettent pas de
les poursuivre.
Le projet de loi prévoit également la création de 13 500 emplois
supplémentaires dans la police et la gendarmerie. J'ai cru comprendre, monsieur
le ministre, que ces emplois ne se substitueront pas à ceux des adjoints de
sécurité et des gendarmes auxiliaires, dont l'apport sera maintenu sous une
forme ou sous une autre. Pouvez-vous nous préciser les modalités concrètes à la
fois de la création de ces nouveaux emplois et du maintien des adjoints de
sécurité et des gendarmes auxiliaires ?
Ces emplois et ces crédits supplémentaires contribueront à restaurer les
capacités opérationnelles de nos forces, mises à mal ces dernières années pour
trois raisons.
Des crédits d'investissement et de maintenance, qui servaient de variable
d'ajustement, ont été sacrifiés.
La structure des personnels a évolué au profit des moins qualifiés, provoquant
une baisse de leur qualité opérationnelle, quelle que soit la bonne volonté des
emplois jeunes.
Enfin, et surtout, les modalités de mise en oeuvre des 35 heures, conduisaient
mécaniquement, pour la seule police nationale, à une perte équivalente à 8 000
emplois équivalent-temps plein. En effet, le précédent gouvernement avait
commencé, dans un mouvement totalement absurde, comparable à celui des
Shadocks, à racheter aux policiers les jours de congés supplémentaires qu'il
leur avait donnés, et ce à un coût supérieur !
La LOPSI tranche ainsi avec ce que j'avais qualifié, à l'automne dernier, de «
paradoxe Vaillant », c'est-à-dire plus de crédits, mais, finalement, moins de
policiers sur le terrain !
J'en viens à l'article 3, qui s'inscrit dans le prolongement des efforts
budgétaires prévus pour remettre à niveau des bâtiments de la police et de la
gendarmerie. Le recours accru aux financements des collectivités locales, sur
la base du volontariat, s'inspire du dispositif mis en place en 1990 pour
l'enseignement supérieur dans la cadre du plan Université 2000. La prise en
charge directe par les collectivités locales vaut, hélas ! reconnaissance
implicite de l'incapacité de l'Etat à assumer son devoir de financement d'un
service public régalien.
Mais, pour cuisant qu'il soit, cet aveu est courageux, nécessaire, et ouvre
une possibilité supplémentaire pour changer la situation. Il faut souligner que
la collectivité pourra récupérer la TVA et bénéficier de subventions.
J'avais été particulièrement choqué par l'état de délabrement de certains
commissariats que j'ai visités en tant que rapporteur spécial des crédits de la
sécurité. Mes chers collègues, soyons donc lucides et pragmatiques ! Donnons
des conditions de travail satisfaisantes à nos forces de sécurité et des
conditions d'accueil décentes aux victimes. L'image de ces bâtiments, c'est
l'image de l'Etat. Si nous voulons que celui-ci soit respecté, l'apparence de
ces bâtiments doit être respectable.
Enfin, l'article 5 porte sur l'évaluation. Il a été entièrement réécrit par
l'Assemblée nationale, sur l'initiative de notre ancien collègue Alain
Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il prévoit
désormais trois mesures bien articulées qui anticipent sur la mise en oeuvre de
la loi organique relative aux lois de finances : définition des objectifs,
évaluation des résultats, rapport annuel présenté au Parlement.
Ce dispositif est novateur et ambitieux, mais son dernier volet me semble
devoir être complété. C'est l'un des apports notables de notre commission des
finances. En effet, il est indispensable que l'évaluation annuelle de la mise
en oeuvre de la LOPSI s'appuie sur un point de départ incontestable : comment
apprécier les évolutions sur la période 2003-2007 si l'on ne dispose pas d'une
connaissance précise de la situation de départ ? C'est pourquoi nous avons
souhaité la réalisation, d'ici au premier semestre 2003, d'un audit du
fonctionnement et de l'organisation de nos forces de sécurité intérieure en
2002. C'est une mesure indispensable pour que nos fonctionnaires puissent
exprimer au mieux leurs capacités et organiser leur travail de façon optimale.
Je vous soumettrai, pour cette raison, deux amendements sur cet article.
En conclusion, ce projet de LOPSI traduit une prise de conscience - hélas
tardive ! - du niveau d'insécurité dans notre pays. Mais elle souligne surtout
la volonté incoercible du Gouvernement de donner aux forces de l'ordre les
moyens de faire appliquer la loi. Cette volonté s'inscrit dans une nouvelle
culture administrative. C'est un texte fondateur.
Conviction, bon sens, action, lisibilité, résultats sont les mots qui restent
à l'esprit après l'analyse de ce projet de loi de programmation. Vous mobilisez
les moyens nécessaires pour que les attentes de nos concitoyens et de nos
forces de sécurité ne soient pas une nouvelle fois déçues. Monsieur le
ministre, la commission des finances sera, bien sûr, particulièrement attentive
à ce que cet effort budgétaire sans précédent de la nation soit utilisé au
mieux, mais sachez que nous soutenons pleinement vos options et votre action,
déterminantes pour l'avenir de notre pays, et pas seulement pour sa sécurité
intérieure !
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RDSE,
de l'Union centriste, du RPR, ainsi que sur celles des Républicains et
Indépendants.)
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur le président, je répondrai, bien sûr, à chacun des
orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale, mais permettez-moi de
remercier les rapporteurs pour leurs propos extrêmement positifs et très précis
sur le projet de loi.
Monsieur Courtois, je partage pleinement, bien sûr, votre analyse de la
situation. Vous l'avez compris, nous voulons donner des pouvoirs importants aux
maires en matière d'information.
Pourquoi nous focalisons-nous sur le problème de l'information ? Pour deux
raisons. Tout d'abord, celui qui a l'information peut porter un jugement précis
et mieux orienter son action. Sans l'information, le maire est démuni face à la
réalité de l'insécurité. Ensuite, nous n'envisageons pas de municipaliser la
police ou la gendarmerie, car les maires, dans leur grande majorité, ne le
demandent pas. Ce qu'ils souhaitent, c'est être informés de ce qui se passe,
afin d'orienter leur politique de prévention et non conduire opérationnellement
les forces de police ou de gendarmerie. C'est pour ces raisons que nous nous
orientons dans cette direction.
L'habilitation des officiers de police judiciaire sur la zone défense - les
propos que vous avez tenus sur ce point font écho à ceux de M. Philippe
François - est nécessaire. Nous vous le proposerons d'ailleurs dans un projet
de loi à l'automne.
S'agissant du rapprochement des réseaux ACROPOL pour la police et RUBIS pour
la gendarmerie, qui peut trouver normal que nos deux forces de l'ordre aient
deux réseaux de communication qui ne communiquent pas ? La seule description de
cette situation conclut à l'étrangeté de notre organisation ! Comment
allons-nous résoudre ce problème, monsieur Courtois ? Nous allons, à court et à
moyen terme, favoriser une interconnexion dite utile, assurée par des valises
d'interconnexion et complétée par une connexion Intranet entre les centres
opérationnels de la gendarmerie et les salles de commandement de la police.
Il faut en effet que ces deux réseaux soient interopérables ; il y va de la
sécurité de nos forces de police et de gendarmerie.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la question de la sécurité civile. Il
va de soi que les 240 000 pompiers concernés doivent, à l'avenir, pouvoir
également se brancher sur le même réseau.
Les fichiers de la police et de la gendarmerie sont pour la plupart communs,
notamment ceux qui recensent les personnes recherchées et les véhicules volés.
Le rapprochement des fichiers d'information criminelle STIC et JUDEX est
nécessaire. Nous aurons besoin d'une base législative pour ce faire.
Par ailleurs, il n'est pas normal qu'un certain nombre de délinquants sexuels
n'apparaissent pas sur le fichier des délinquants sexuels, pour des raisons qui
s'apparenteraient, nous dit-on, à la protection des droits individuels. Il faut
se poser la question de l'efficacité de ce fichier quand on sait qu'en matière
de délinquance sexuelle la récidive est, hélas ! quasiment de 100 %, compte
tenu de la faiblesse des traitements en la matière. Tous ces problèmes de
fichiers sont à étudier très précisément.
En outre, je n'ai toujours pas compris pourquoi le fait, pour un policier et
un gendarme, de demander l'ouverture du coffre d'une voiture serait
attentatoire aux libertés individuelles.
(Applaudissements sur les travées
du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Vial.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
C'est d'autant plus étrange que, lorsque cela concerne un
douanier,...
MM. Louis de Broissia et Pierre Hérisson.
Ou un garde-chasse !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... ce n'est pas attentatoire !
S'agissant de la rationalisation des zones de compétence respectives de la
police et de la gendarmerie, elle se fera par le biais d'échanges compensés,
afin qu'aucune zone ne soit sacrifiée. Je rappelle à ce titre que la zone de la
gendarmerie concerne 95 % de la superficie du territoire national.
S'agissant du problème des gens du voyage, il était censé être traité par la
loi Besson. Dans les faits, il n'en est rien !
(Marques d'approbation sur
certaines travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants. - Protestations sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
J'en appelle au témoignage de
tous les élus. Je connais des communes où, les élus ayant appliqué
rigoureusement et rapidement la loi, des terrains parfaitement aménagés
existent,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
A Neuilly ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... mais les gens du voyage ne veulent pas venir s'y
installer,...
M. Francis Giraud.
Absolument !
M. Serge Vinçon.
Très bien !
M. Paul Raoult.
Ce n'est pas vrai !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... cela pour une raison très simple : c'est payant ; or ils ne
veulent pas payer !
M. Robert Bret.
Ce n'est pas une règle générale !
M. Eric Doligé.
Bien sûr que si !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Ils s'installent donc de manière sauvage, en se branchant sur des
réseaux. Il n'est pas normal que l'on pénalise les communes qui ont fait des
efforts pour respecter la loi.
M. Pierre Hérisson.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Il me semble que nous pouvons dégager un consensus pour remédier
à ce qui n'est ni plus ni moins qu'une injustice.
Il ne me paraît pas normal non plus que les schémas concernés soient élaborés
contre l'avis même des élus, sans qu'on les consulte.
M. Pierre Hérisson.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Quand on agit par la contrainte à ce point, il ne faut pas
s'étonner que cela ne marche pas !
M. Louis de Broissia.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que si une telle méthode
marchait, cela se saurait et qu'il n'y aurait pas autant de plaintes !
Ne pas agir favoriserait un ostracisme et un amalgame qui se développent dans
des conditions spectaculaires.
Je tiens à rendre hommage à nos concitoyens, notamment à ceux qui vivent à
Sangatte, qui voient depuis trois ans et demi de très nombreux groupes de
plusieurs centaines de Kurdes et d'Afghans ne parlant pas un mot de français.
La faiblesse des réactions xénophobes prouve que nos compatriotes sont vraiment
patients ! Quels sont ceux, ici, qui pourraient dire qu'à leur place ils ne se
considéreraient pas, eux aussi, abandonnés ?
Le problème - vous l'avez compris, monsieur Courtois, c'est que - pour réagir
à l'occupation sauvage de terrains, il faut attendre une réaction de l'autorité
administrative et civile. Or la procédure est si longue que le maire a le temps
de dépenser des fortunes ! Qui plus est, quand il obtient un titre pour faire
partir les gens du voyage, ces derniers ont déjà quitté les lieux, et tout cela
n'a servi à rien ! Un maire qui avait engagé dix-neuf procédures en une seule
année m'écrit pour me demander de payer les frais de justice, estimant, non
sans quelque raison, que c'est l'Etat qui était défaillant et certainement pas
les services municipaux !
Enfin, monsieur Courtois, la création d'une incrimination pénale permettra
d'agir plus vite et plus fort.
S'agissant de l'extraction des détenus, j'ai indiqué au garde des sceaux que
j'étais prêt à mettre à la disposition de la Chancellerie les enceintes de
Coquelles, près de Sangatte, et de Roissy, cela pour permettre aux magistrats
de sièger sur place et d'éviter des transfers incessants et extrêmement coûteux
en termes de forces de sécurité. Rien que pour la ville de Marseille, il faut
cent fonctionnaires par jour ! Qui peut trouver cela raisonnable ?
Monsieur François, je vous remercie de la compétence avec laquelle vous avez
parlé de ces sujets.
Le prisme gendarmique est effectivement une bonne clé de lecture. La
gendarmerie est spécifique, et l'on ne touchera pas à l'identité de ces deux
forces que sont la police et la gendarmerie car, dans notre esprit, l'une n'est
pas supplétive de l'autre. Elles doivent donc être traitées à égalité.
Prenons l'exemple des
flash-balls
: est-il normal que les gendarmes
n'en aient pas un seul, alors que la police dispose de 1 200
flash-balls
? Mon prédécesseur lui-même en avait acquis 460. Pourquoi les gendarmes ne
peuvent-ils disposer, pour se protéger, d'une arme proportionnée à la riposte,
comme les policiers ? Pourquoi les uns ont-ils un tonfa et les autres un bâton
télescopique ?
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
L'harmonisation des matériels et le respect de l'identité de la
police et de la gendarmerie sont des points importants.
La participation des gendarmes aux offices centraux a fait l'objet d'une
protestation de la part d'un syndicat de policiers. Mais à partir du moment où
la délinquance est la même dans les zones de la gendarmerie et dans les zones
de la police, il est normal que les gendarmes bénéficient des informations des
offices centraux dirigés par les policiers et que, de la même manière, les
policiers soient associés à la cellule interministérielle de lutte contre la
délinquance itinérante, qui est tenue par des gendarmes. Il est absurde, vous
avez parfaitement raison, de priver les uns et les autres de renseignements.
S'agissant des gendarmes adjoints volontaires, ceux-ci ne sauraient remplacer,
sur le plan qualitatif, les personnels professionnels de plein exercice. Il
n'est pas souhaitable d'étendre encore leurs prérogatives. Naturellement, les
créations d'emplois viennent en sus des postes de gendarmes adjoints. Il n'est
pas indifférent que ce soit la majorité de droite et du centre qui propose à la
représentation nationale de créer des emplois de militaires de plein exercice
ou des emplois de fonctionnaires de plein exercice, et non pas des emplois de
fonctionnaires au rabais, sous la forme des adjoints de sécurité ou des
gendarmes adjoints.
(« Très bien ! » et vifs applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
Car nous pensons aussi aux effectifs de
ces personnels !
Là encore, je tiens à le souligner, il y a loin du discours aux faits. Pour
notre part, nous proposons, je le répète, de créer de vrais emplois de
militaires, de vrais emplois de fonctionnaires, et non pas des emplois de
fonctionnaires au rabais. Ce n'est pas que la qualité des adjoints de sécurité
ou des gendarmes adjoints ne soit pas en tous points excellente. C'est leur
statut qui ne l'est pas !
M. Pierre Hérisson.
Exact !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Il n'est pas indifférent que ce soit la gauche qui ait proposé un
statut de demi-fonctionnaires et que ce soit la droite qui suggère la création
de vrais postes de fonctionnaires.
(« Bravo ! » et vifs applaudissements sur
les mêmes travées.)
C'est là aussi, me semble-t-il, une réalité qu'il
convient de prendre en compte.
Par conséquent, pour répondre à votre question sans tabou, monsieur François,
je dirai que nous respectons suffisamment le monde de la fonction publique pour
créer des emplois de plein exercice, de plein salaire et de plein statut. Ne
comptez pas sur nous pour paupériser la fonction publique et encore moins la
fonction militaire. Je vous remercie de m'avoir permis de préciser cette utile
vérité.
(« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. Roland Courteau.
On verra !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur de Montesquiou, je vous remercie également de bien
distinguer, d'une part, les moyens, et, d'autre part, la réforme.
Jusqu'à présent, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme échouait parce
que les moyens y afférents n'étaient pas prévus ou que les moyens étaient
prévus et la réforme pas entreprise. Monsieur de Montesquiou, nous pourrions
citer des exemples où nombre d'emplois ont été créés sans amélioration du
service public. Vous avez très justement noté qu'avec nous c'est la réforme et
les emplois, les emplois et la réforme, pas l'un sans l'autre. Il s'agit de
l'argent du contribuable, et il est temps de procéder à des évaluations et
d'obtenir des résultats.
M. Roland Courteau.
On verra !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Qu'il me soit permis de dire que la performance existe aussi dans
la fonction publique et que nous en avons plus qu'assez de n'entendre parler de
performance et de récompense que dans le secteur privé.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Le secteur public compte des hommes et des femmes qui font plus
que les autres. Il est donc normal de les rémunérer plus que les autres.
(« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
C'est la considération pour le travail qui est réalisé !
Avec cette culture de l'évaluation et de la réforme, nous reconnaissons la
compétence et le travail du fonctionnaire. Le nivellement par le bas ne fait
pas partie de la politique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
(Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Je vous remercie de
m'avoir donné l'occasion de le préciser devant la Haute Assemblée.
Les emplois prévus seront donc pérennisés.
J'aborderai brièvement la question de la construction des gendarmeries et des
commissariats. La dotation annuelle des crédits immobiliers augmentera de 90 %
pour la police et de 80 % pour la gendarmerie.
La loi ouvrira aux collectivités qui le souhaiteront la possibilité de prendre
en charge la maîtrise d'ouvrage de certaines opérations. Cela s'accompagnera
d'une aide initiale de l'Etat, qui pourra être plus importante que dans le
système actuel, lequel est ouvert aux seules casernes de gendarmerie, aux
termes du décret de janvier 1993 : là, les commissariats seront également
concernés.
Les collectivités qui choisiront de prendre en charge la maîtrise d'ouvrage
pour aller plus vite pourront bénéficier de deux avantages.
Tout d'abord, pour accélérer le processus, la TVA versée sur ces opérations
sera remboursée en cas de commencement d'exécution avant le 31 décembre 2007,
et ce par une attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur
ajoutée.
Ensuite, la participation de l'Etat à la construction sera soumise aux règles
générales du décret de 1999 sur les subventions, et non pas aux règles plus
rigoureuses du décret de 1993. Dans le décret de 1993, la subvention est
limitée, vous le savez, à 18 % ou 20 % du coût de l'opération, alors que le
décret de 1999 permet d'aller beaucoup plus loin. Par conséquent, monsieur
deMontesquiou, la situation sera plus favorable.
Nous avons pris ces mesures pour une raison très simple. Par exemple, pour le
commissariat de Saint-Ouen que j'ai visité, voilà sept ans que les crédits ont
été votés. Du fait de ma venue, les travaux vont peut-être commencer à la fin
de cette année. Comme deux années de travaux sont nécessaires, il aura fallu
attendre neuf ans pour que ce commissariat de police soit rénové.
Je vous le dis très simplement, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que
soient les travées sur lesquelles vous siégez : personne ne peut accepter que
des crédits votés ne soient pas utilisés parce que les procédures en vigueur
empêchent de prendre des risques et des initiatives et que l'on confond la
transparence et la concurrence nécessaires avec le juridisme, les mesures
tatillonnes et l'inefficacité administrative.
(« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les mêmes travées.)
C'est bien
de cela qu'il s'agit ! Je le dis avec la plus grande force : je suis
parfaitement convaincu de la nécessité de la concurrence. Mais nous avons été
beaucoup trop loin.
M. Dominique Braye.
Et voilà !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Chacun craint que le ciel ne lui tombe sur la tête. Résultat : il
n'y a plus de problème puisqu'il n'y a plus d'initiative.
(M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
Certains quartiers doivent devenir des zones prioritaires, vous avez raison.
Tel est le rôle non seulement des GIR, mais aussi des conférences
départementales de sécurité présidées par le préfet et le procureur de la
République. Pas un centimètre carré de la République ne doit être étranger aux
forces de l'ordre.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Dans chaque département, dans chaque ville, les forces de
l'ordre, police et gendarmerie, doivent pouvoir accomplir leur tâche. Si des
problèmes se posent, elles doivent retourner sur le terrain jusqu'à ce qu'ils
soient résolus.
(« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 40 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 17 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard
Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aux termes
de l'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la
sûreté constitue un droit naturel et imprescriptible de l'homme. C'est une
affirmation fondamentale avec laquelle tous les républicains sont d'accord.
C'est malheureusement à peu près la dernière fois qu'ils le sont. Dès qu'il
s'agit de faire vivre à la fois démocratie et sécurité, les pratiques
politiques diffèrent, parce que les philosophies qui les inspirent sont en
opposition. C'est ce que montre l'histoire de l'insécurité en France depuis
trente ans.
Si la sécurité s'est imposée dans le débat politique, c'est d'abord parce que
le sentiment d'insécurité se fonde sur une réalité dramatique - le seuil des
quatre millions de faits constatés a été franchi en 2001 - qui est bien pire
que les chiffres officiels, comme le montrent les enquêtes de « victimisation
». Ainsi, au cours des années 1997-1998, 16,8 millions d'infractions auraient
été commises, contre seulement 3,408 millions enregistrées par la police sur
l'état 4001.
Les victimes s'abstiennent souvent de déclaration. Expression de la peur des
représailles ou traduction du sentiment d'inutilité du dépôt de plainte, ce
chiffre noir donne néanmoins une certaine idée de la réalité de la délinquance
dans notre pays et permet de comprendre que le sentiment d'insécurité,
décidément, n'est pas un fantasme.
La raison principale de l'exigence sécuritaire des Français, manifestée par
leur exaspération à l'occasion des dernières élections, c'est que les années
passées n'ont apporté aucune réponse politique à leur angoisse.
M. Louis de Broissia.
Eh oui !
M. Bernard Plasait.
La coupe est pleine pour tous les Français.
Le citoyen a le sentiment que la justice n'est pas juste, qu'elle est dure au
faible et faible au voyou. Il constate que la victime est moins bien traitée
que le délinquant...
M. Louis de Broissia.
Absolument !
M. Bernard Plasait.
... et que le délinquant est encouragé par le sentiment d'impunité. Au vrai,
le citoyen se sent abandonné.
Le policier ne supporte plus d'être nargué l'après-midi par le voyou qu'il a
arrêté le matin, d'être humilié par les insultes, quand il n'est pas attiré
dans un guet-apens où il est tiré comme un lapin.
Le juge n'en peut plus du grand embouteillage de la justice, qui lui fait une
réputation de laxisme.
Oui, la coupe est pleine parce qu'il n'y avait ni volonté politique ni réelle
politique de sécurité conciliant démocratie et sécurité, et s'appuyant sur le
principe de réalité pour agir avec efficacité. « Des villes sûres pour des
citoyens libres », nous avait dit excellemment la gauche en 1997 dans son titre
du colloque de Villepinte sur la sécurité. Ceux qui en avaient déduit la
conversion de la gauche ont été déçus. Le vrai-faux virage idéologique du
gouvernement précédent s'est abîmé dans le déni du réel. C'est en effet une
maladie française que de ne pas vouloir savoir.
Selon le sociologue Sébastian Roché, « l'insécurité est traitée comme une
question d'idéologie, alors qu'il s'agit pour les citoyens de leur qualité de
vie ».
Certes, la gauche a pris conscience de la réalité. Les prises de position
courageuses ont été nombreuses,...
M. Roland Courteau.
Quand même !
M. Bernard Plasait.
... mais on a assisté à une politique du discours.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Que faisons-nous depuis une heure ?
M. Patrick Lassourd.
Oui, mais vous l'avez fait pendant cinq ans !
M. Bernard Plasait.
Le ministre prononçait le mot pour ne pas avoir à faire la chose. La posture
était martiale, mais la fermeté virtuelle. Au vrai, s'il y a eu prise de
conscience de la réalité, il n'y a pas eu de révolution culturelle. Et la
culture de l'excuse domine toujours. « C'est la société qui est violente »,
nous dit Lionel Jospin. C'est donc la faute de la société, du déracinement, du
chômage, jamais de l'individu.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Il n'a jamais dit cela !
M. Bernard Plasait.
« Quand on attrape un délinquant, on est malheureux », avouait Hervé
Algalarondo. En fait, le fond de l'idéologie demeure : on veut éviter d'avoir à
punir. D'où le choix des mots : incivilité, sauvageons, jeunes... Cette «
dévaluation sémantique », c'est aussi parler délinquance quand il s'agit de
crime. Un voyou qui massacre un innocent à coups de pied, de brique, de
gourdin, ce n'est pas un jeune délinquant à sermonner, c'est un criminel qu'il
faut sanctionner sans faiblesse, comme le prévoit d'ailleurs le nouveau code
pénal.
La délinquance des mineurs est d'ailleurs ce qu'il y a de plus préoccupant.
Notre assemblée a constitué une commission d'enquête, dont vous me permettrez
de saluer la qualité des travaux conduits par nos excellents collègues
Jean-Pierre Schosteck et Jean-Claude Carle. Cette réflexion était d'autant plus
nécessaire que, de 1991 à 2001, le nombre de mineurs mis en cause dans les
crimes et délits a augmenté de plus de 73 %. En 2001, plus de 177 000 mineurs
ont été inquiétés par la police et la gendarmerie nationales.
Les conclusions de cette commission d'enquête, d'ailleurs saluées par les
commissaires de gauche, sont limpides : ce sont non pas les qualités des hommes
et des femmes, le plus souvent compétents, généreux, dévoués, qui sont en
cause, mais les systèmes, une justice erratique, une protection judiciaire de
la jeunesse sans pilote, une police bafouée. Un bel exemple d'un système fou
qui exaspère les citoyens nous est fourni par Olivier Foll : « Un mineur
multiréitérant - trente-quatre fois - pour des faits distincts n'a été déféré
que deux fois devant un magistrat, sans véritable sanction. Il a seize ans.
»
Ce mineur approche de la majorité. Un jour prochain, ses sursis tomberont, et
il connaîtra, sans doute durablement, la prison. Voilà pourquoi il n'est sans
doute pas inutile de laisser au juge la possibilité de « donner un bon coup de
pied aux fesses » à un gamin de quatorze ans pour lui éviter d'aller en prison
à dix-huit ans. Tout le monde est d'accord pour dire que, la prison, c'est ce
qu'il faut éviter. C'est pourquoi la commission d'enquête propose un parcours
éducatif qui permette de suivre sans rupture un enfant en difficulté, de la
maternelle - si c'est nécessaire - à l'âge adulte.
Mais, il faut, d'abord, revenir aux fondamentaux et retrouver le courage de
punir. « Ça commence au jardin d'enfants », disait la chanson... Dans notre
tradition, le gamin pris le doigt dans le pot de confiture recevait une tape
sur la main.
M. Roland Courteau.
Ah !
M. Bernard Plasait.
« La certitude d'être pris fait plus que la rigueur de la peine », disait
Montesquieu. Revenir à ces fondamentaux, c'est redonner ces repères que, trop
souvent, ne donnent plus ni la famille, ni l'école, ni même la rue, comme elle
le faisait dans nos villages. C'est donc mettre de la sanction dans
l'éducation, comme le préconise le rapport Carle, qui recommande aussi de
mettre de l'éducation dans la sanction. Et c'est là, monsieur le ministre, mes
chers collègues, que je voudrais vous dire mon indignation devant la mauvaise
foi...
M. Henri de Raincourt.
Ah !
M. Bernard Plasait.
... de certains responsables de gauche dans leurs critiques du projet de loi
de M. Perben que nous avons discuté ici la semaine passée.
M. Henri de Raincourt.
Ah oui !
M. Bernard Plasait.
Nous voilà revenus au débat idiot prévention contre répression. Si l'on
propose une dose de répression quand la prévention a échoué, on est aussitôt
accusé de verser dans le « tout répressif » ! Caricature, disiez-vous...
Je crois à la prévention d'abord, qui, d'ailleurs, doit intégrer la notion de
sanction. Et il est vrai que l'importance de la délinquance des mineurs est un
peu le miroir de nos échecs, malgré les milliards dépensés, et montre qu'il
faut enfin, pour l'avenir, trouver les voies et moyens d'une véritable
prévention.
Mais il est des cas - ils correspondent à ce que certains appellent les «
noyaux durs » ou les « prédateurs violents » - dans lesquels l'enfermement est
nécessaire pour protéger le mineur délinquant contre lui-même, et pour protéger
la société. Dans ces cas-là, aujourd'hui, on envoie en prison. Il y a
actuellement plus de neuf cents mineurs en prison. Ce que suggèrent les auteurs
du rapport de la commission d'enquête, avec ces centres fermés inclus dans le
parcours éducatif, et que propose le projet de loi de M. Perben, c'est une
alternative à la prison qui permettrait, pour ces cas exceptionnels, de
contraindre ceux qui refusent les dispositifs existants à se soumettre tout de
même à l'autorité et à bénéficier d'une resocialisation, en leur évitant
précisément la prison.
Refuser cette évolution au motif que l'on ne peut pas envoyer des gamins en
prison, c'est vraiment le comble de l'hypocrisie et de la mauvaise foi !
Monsieur le ministre, je me suis laissé aller à ces considérations pour redire
une fois encore l'importance et l'urgence qu'il y a à mettre fin à cette panne
de l'Etat dans la production de sécurité dont souffrent les Français.
Le risque est grand pour la démocratie d'une dérive anarchiste désespérée vers
l'autodéfense et de comportements inciviques de la part d'honnêtes gens. C'est
pourquoi je salue avec enthousiasme le projet de loi que vous nous présentez,
et qui s'inscrit dans le droit-fil des engagements du Président de la
République et du Premier ministre : c'est l'instrument d'une politique de
sécurité cohérente et responsable qui concilie démocratie et sécurité.
Régulièrement, les tenants de la citadelle des droits de l'homme exercent leur
terrorisme intellectuel pour réduire toute disposition en faveur de la sécurité
aux dimensions d'une mesure liberticide. A l'automne dernier, la discussion du
projet de loi relatif à la sécurité quotidienne leur donna l'occasion de
pousser les hauts cris, au point, d'ailleurs, que votre prédécesseur, monsieur
le ministre, fut obligé de suggérer qu'il n'était peut-être pas « attentatoire
aux libertés de lutter contre le terrorisme ». Notre éminent collègue Robert
Badinter, quant à lui, reconnut ici même que l'Etat de droit n'était quand même
pas l'état de faiblesse.
Alors, non, mes chers collègues, une loi pour la sécurité n'est pas une loi
liberticide ; c'est une loi de restauration de la démocratie.
Telle est la volonté que vous affirmez, monsieur le ministre, et nous la
partageons. A charge, bien évidemment, de nous en donner collectivement les
moyens : ils conditionnent l'efficacité de l'action à mener.
Je ne reprendrai pas le détail des mesures nouvelles contenues dans ce projet
de loi ; elles ont été brillamment exposées par MM. les rapporteurs.
MM. Jean-Claude Carle et Henri de Raincourt.
C'est vrai !
M. Bernard Plasait.
Je retiens tout de même que, d'ici à 2007, 7 000 emplois seront créés dans la
gendarmerie nationale et 6 500 dans la police.
Vous proposez également, monsieur le ministre, de modifier la doctrine
d'emploi des forces mobiles, ce qui correspond à la nécessaire évolution des
besoins en faveur de la sécurité quotidienne.
Enfin, vous vous engagez à reprendre la démarche introduite par la loi du 21
janvier 1995 en faveur de la réduction des tâches administratives.
Policiers et gendarmes doivent êtres bien formés et pourvus des équipements
matériels indispensables à l'efficacité de leur action. Sur les cinq prochaines
années, 2,2 milliards d'euros supplémentaires seront consacrés à cette action.
Il importe en particulier que le parc automobile soit renouvelé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est un minimum !
M. Bernard Plasait.
Dans le même esprit, les équipements immobiliers professionnels, tout comme
les logements de personnels, doivent désormais être à la hauteur des besoins
constatés.
Enfin, vous nous proposez de déployer et de mettre en cohérence les systèmes
de transmission et de moderniser les services au moyen d'une meilleure
utilisation des technologies de traitement de l'information.
Vous l'avez dit, monsieur le ministre, tous les maillons de la chaîne de
production de sécurité ont leur importance. Il en est ainsi du couple
police-justice, bien sûr ! Mais, surtout, il est essentiel qu'après avoir
enregistré les infractions les services de sécurité puissent mener des
investigations, identifier les auteurs, les appréhender et les déférer à la
justice. Pour améliorer le taux d'élucidation, véritable baromètre de
l'efficacité policière, il est indispensable de fixer une nouvelle architecture
institutionnelle de la sécurité intérieure et d'accorder des prérogatives
juridiques plus étendues aux agents.
Aussi la nouvelle architecture institutionnelle que vous nous proposez,
monsieur le ministre, s'articule-t-elle autour du conseil de sécurité
intérieure, de conférences départementales de sécurité et de conseils locaux de
sécurité et de prévention de la délinquance. Nous accueillons ces nouvelles
structures avec une grande satisfaction. Je comprends qu'elles donneront aux
maires un rôle de coordonnateurs de la prévention. Tous les acteurs de la
sécurité auront désormais le devoir d'informer les maires.
Par ailleurs, vous proposez une évaluation annuelle, par une instance
extérieure aux services concernés, pour mesurer les résultats obtenus par la
police et la gendarmerie.
Cela étant, la situation que nous connaissons nous oblige à restaurer
l'autorité et la capacité à agir des agents de l'Etat, ce qui implique la
dévolution de nouvelles prérogatives juridiques. Il faut, en particulier,
renforcer l'efficacité des investigations policières, ce qui, corrélativement,
obligera à intensifier la formation juridique des agents.
Et je tiens à rendre hommage aux quinze policiers et aux quatre gendarmes tués
en service en 2001, ainsi qu'à leurs 9 097 collègues blessés. Au quotidien,
trop nombreux sont les agents qui subissent provocations, insultes et
outrages.
Comment ne pas pleurer devant la sauvagerie de Pantin, où une jeune policière
qui ne faisait que son devoir a été matraquée et défigurée ? Nous avons pour
elle une pensée émue.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'auteur avait quinze ans, et non pas onze !
M. Bernard Plasait.
Monsieur le ministre, il n'y a pas de démocratie réelle sans sécurité ; il n'y
a pas non plus de sécurité acceptable sans respect des règles de la démocratie.
Le souci de chacun doit être de renforcer la répression des violences contre
les personnes.
Le discours de compréhension ne doit pas déboucher sur la faiblesse, car,
comme le disait Michel Debré, « la faiblesse attire la foudre ».
La sécurité, hélas ! est devenue l'enjeu public numéro un. Vous répondez à ce
défi en ministre responsable qui sait que l'Etat est là pour faire respecter le
pacte social, lequel consiste à protéger les honnêtes gens. Monsieur le
ministre, bravo et merci !
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
(M. Serge Vinçon remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le constat
est malheureusement bien général : la sécurité n'est plus assurée dans beaucoup
de lieux, non seulement dans les grandes agglomérations, mais aussi dans les
villes moyennes, voire dans les bourgs et dans les campagnes.
Les actes de délinquance, les vols, les agressions, les fameuses « incivilités
» se multiplient et se banalisent dans les établissements scolaires, dans les
transports, dans la rue, dans les grands magasins. Se crée ainsi un climat
propice à toutes les démagogies et à toutes les surenchères.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est bien vrai !
M. Gilbert Barbier.
En 2001, plus de quatre millions de crimes et délits ont été recensés par
l'administration. Encore ne s'agit-il que de la délinquance apparente,
c'est-à-dire celle qui a engendré plaintes et dénonciations auprès des
autorités de police et de gendarmerie. Or nous savons que la réalité est pire,
ainsi que l'a rappelé l'orateur précédent.
Tous nos concitoyens éprouvent un sentiment d'impuissance et de lassitude en
constatant l'absence de suites judiciaires à leurs démarches.
Pour être plus concret, je citerai quelques chiffres concernant la ville que
j'administre depuis vingt ans, Dole, sous-préfecture du Jura qui compte 26 000
habitants.
M. Louis de Broissia.
Très belle ville !
M. Gilbert Barbier.
Ainsi, en 2001, 2 487 faits ont été constatés - un pour dix habitants - contre
2 119 en 2000, soit une augmentation de 17,36 % en un an ! Plus précisément,
les vols à la roulotte augmentent de 32,68 %, les vols de véhicules, de 61,53
%, et les dégradations, de 39,17 %
Quant à la toxicomanie, dont on a peu parlé mais qui est une priorité retenue
au plan local, les résultats obtenus sont décevants : 25 affaires traitées
contre 67 l'année dernière.
Concernant les interpellations, sur les 435 mises en cause, on enregistre
seulement 4 écrous et 60 gardes à vue, au lieu de 93 en 2000, du fait de la loi
nouvelle, qui n'est d'ailleurs plus appliquée et qui, du reste, est
difficilement applicable. Ces faits ne font malheureusement l'objet que d'un
faible taux d'élucidation - 20,4 % - et les trois quarts ne relèvent pas de la
délinquance qui nous préoccupe.
Tels sont les chiffres ramenés à la dimension d'une commune moyenne, qui sont
peut-être plus évidents que de grandes statistiques nationales. Monsieur le
ministre, bien d'autres maires pourraient évoquer à peu de choses près les
mêmes.
Ce dossier a été au centre des campagnes électorales du printemps dernier, et
nos citoyens souhaitent ne pas être déçus. Vous l'abordez avec beaucoup
d'énergie et de pragmatisme, et je tiens à saluer votre fermeté et votre
détermination.
Monsieur le ministre, votre texte vise à accroître les effectifs et les moyens
matériels de la gendarmerie et de la police nationales. Il définit une nouvelle
architecture institutionnelle pour la sécurité intérieure. Il procède à une
réforme de la doctrine d'emploi des forces disponibles, centrée sur la
complémentarité des services, la recherche de synergies et le renforcement des
prérogatives des policiers et des gendarmes. Ainsi, votre projet de loi tend, à
répondre à une évolution préoccupante de la situation et, pourtant, à l'attente
des Français.
En effet, comment peut-on sérieusement lutter contre la délinquance lorsque
les moyens humains et matériels ne sont pas à la hauteur des besoins et lorsque
nos forces sont aussi dispersées et cloisonnées ?
Les mesures quantitatives sont, certes, importantes et primordiales, mais,
disons-le tout net, il faudra aussi améliorer le qualitatif, en assurant une
meilleure écoute des plaignants. Il arrive quelquefois que ceux-ci soient
accueillis avec une certaine nonchalance, quand ce n'est pas de l'ironie, ce
que l'on apprécie fort peu lorsque l'on vient de se faire voler ses papiers ou
sa voiture. Il ne faut pas nécessairement les décourager de porter plainte,
malgré le faible taux d'élucidation. Cette remobilisation des fonctionnaires
dans leur tâche doit faire partie du plan d'action que vous mettez en
oeuvre.
Bien entendu, j'approuve les orientations et la programmation proposées dans
les annexes. Cependant, permettez-moi, monsieur le ministre, d'exprimer une
déception. Alors que l'actuelle majorité a appelé de ses voeux, et depuis des
années, un renforcement des pouvoirs des maires dans le dispositif de lutte
contre l'insécurité, votre projet de loi reste timide ou ambigu sur ce
point.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument !
M. Gilbert Barbier.
Certes, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance
leur permettront d'être informés régulièrement des indicateurs de la
délinquance et de l'ensemble des moyens mis en oeuvre, donc d'être associés à
la définition d'une politique de prévention. Certes, l'Etat veillera à ce
qu'ils exercent leurs fonctions dans un cadre qui organise la complémentarité
avec les services de l'Etat. Mais on est bien loin des propositions qui avaient
été faites lors de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne,
adopté en mai 2001, on est bien loin du droit à l'expérimentation dans le
partage de cette compétence ou de l'institution d'une police territoriale
placée sous l'autorité du maire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il a remarqué !
M. Gilbert Barbier.
De nombreux élus étaient, tout comme moi, favorables à ces orientations.
L'Assemblée nationale a permis d'aller plus loin en ce sens, notamment en
adoptant des amendements concernant le développement des polices municipales et
la complémentarité de leurs actions avec celles des forces nationales de
sécurité. Je m'en réjouis.
Sans doute me direz-vous, monsieur le ministre, que je suis impatient et qu'il
ne s'agit aujourd'hui que de fixer des orientations qui trouveront leur
traduction dans un projet de loi à venir plus audacieux.
Cette impatience résulte essentiellement d'un sentiment d'impuissance.
Le maire se trouve en effet confronté quotidiennement au désarroi et aux
attentes de ses concitoyens. L'hôtel de ville tend à devenir le château de
jadis, à l'abri duquel venaient se placer les populations menacées par les
invasions ou par les raids des pillards. Hélas ! Le maire n'est pas le seigneur
guerrier, il n'a pas les moyens de faire face. Malgré ses pouvoirs nominaux, il
est surtout un spectateur engagé. Pourtant, son bilan sera en partie jugé sur
l'état de la sécurité dans sa commune ; même s'il n'est pas responsable en
droit, il sera sanctionné en cas d'échec.
L'ancien gouvernement s'est toujours montré hostile au renforcement des
pouvoirs du maire dans le domaine de la sécurité. Monsieur le ministre, je
souhaiterais simplement que vous me confirmiez la volonté de votre gouvernement
de le placer au coeur des actions de prévention de la délinquance et de lutte
contre l'insécurité.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que
sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, peu après
son arrivée au pouvoir en 1997, Lionel Jospin annonçait que la sécurité serait,
après l'emploi, sa deuxième priorité.
M. Eric Doligé.
Loupé !
M. Roger Karoutchi.
Nous savons tous ce qu'il en est advenu.
La période récente s'est caractérisée par une très nette accélération de la
hausse de la délinquance, laquelle avait globalement augmenté de 40 % dans les
vingt dernières années, entre 1981 et 2001, et de 17 % entre 1997 et 2001.
Au-delà des chiffres - froids - et des statistiques, parfois glacées sinon
glaçantes, il y a surtout des évolutions palpables, quotidiennes, qui marquent
l'esprit de nos concitoyens et créent ce climat d'insécurité qui n'est ni un
phénomène électoral ni un phénomène médiatique, mais qui traduit plutôt un
sentiment de lassitude, voire d'exaspération, de la part de la population.
Nous avons assisté, tous ensemble, à l'émergence de nouvelles formes de
délinquance, avec l'incroyable explosion des violences physiques, allant des
humiliations, assimilées par certains à des incivilités commises par des «
sauvageons », aux « tournantes », terme curieux, nouveau,...
Mme Nicole Borvo.
Non ! Ce n'est pas nouveau !
M. Roger Karoutchi.
... ne recouvrant rien d'autre que des viols à répétition commis, souvent en
bandes, par des « barbares », ainsi que vous l'avez justement souligné,
monsieur le ministre.
Les agressions se sont en fait multipliées, en même temps que s'étendaient les
zones de non-droit où dominent des gangs, le racket et l'économie souterraine,
souvent liée à de multiples trafics, dont celui de la drogue. Là se multiplient
les réseaux mafieux, là s'organisent des caches d'armes pour des réseaux
extrémistes ou intégristes, pour des réseaux extrémistes et intégristes.
Les agressions se sont aussi multipliées dans des secteurs jusqu'ici
paisibles, dans les zones périurbaines, dans les zones rurales. On a dû alors,
encore une fois, inventer une expression nouvelle : « la rurbanisation de la
délinquance ». Triste dictionnaire actuel !
Un autre phénomène a beaucoup marqué les Français : je veux évidemment parler
de la hausse de la part des mineurs, souvent très jeunes, dans des actes d'une
extrême violence ; on en a eu une nouvelle illustration encore récemment, -
vous le rappeliez, monsieur le ministre - avec le tabassage de trois policiers
à Pantin.
Cette augmentation de la délinquance des jeunes est plus qu'un choc : c'est
une crise, une crise de société, à laquelle nous sommes tous confrontés.
(«
Ah ! » sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo.
C'est bien vrai !
M. Robert Bret.
Sur ce point, nous sommes d'accord !
M. Roger Karoutchi.
Alors, bien sûr, personne ne veut faire « la guerre aux jeunes », comme
certains l'écrivent, ni traiter tous les jeunes comme des délinquants.
La jeunesse est à notre image, elle est notre reflet. Mais elle est aussi le
ferment de la transformation positive de notre monde, et c'est pour cela que
nous devons bouger et refuser l'immobilisme, pour ne pas être un jour amenés à
prendre conscience que l'inaction a conduit à la dérive globale d'un monde déjà
difficile vers une société de violence banalisée et normalisée. Sans angélisme
ni diabolisation, il s'agit simplement de séparer le bon grain de l'ivraie,
comme on le disait autrefois, quand tous ces termes nouveaux n'existaient pas,
il s'agit d'aider certains jeunes en difficulté, de faire confiance à la
jeunesse dans son ensemble.
Alors, oui, la sécurité est devenue une priorité absolue, et elle l'a été
pendant les dernières campagnes électorales - pour les candidats de toutes les
sensibilités politiques d'ailleurs - , parce que les Français l'attendaient, le
voulaient, l'exigeaient.
Le Président de la République a voulu lui donner du corps en créant un
ministère chargé de la sécurité intérieure qui donne à l'Etat des moyens
d'action nouveaux. C'est donc à vous, monsieur le ministre, qu'il revient
d'incarner cette vision, cette réalité d'une France plus sûre et plus humaine,
d'une France plus sereine.
Vous avez écouté, beaucoup ; entendu, beaucoup ; et vous avez décidé et porté
ce projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité
intérieure.
Je ne rappellerai pas les différentes dispositions du texte, car les orateurs
précédents l'ont déjà fait.
Je retiens cependant qu'une dotation de 5,6 milliards d'euros s'ajoute, pour
la période 2003-2007, aux crédits ordinaires, et que 13 500 emplois nouveaux
seront créés, dans la même période, au sein de la police nationale et de la
gendarmerie, dont la moitié pour la police de proximité, dont on faisait tant
cas ! Voilà du concret, avec des moyens nouveaux, avec des postes
supplémentaires.
On nous dit : affichage ! communication ! Vous répondez - et vous avez raison,
monsieur le ministre - par du concret, par un véritable effort, tangible,
visible par tous nos concitoyens dans leur quotidien.
Le Gouvernement cherche, en parallèle, à améliorer l'efficacité de l'ensemble
des forces de sécurité. Vous avez regroupé sous votre autorité, monsieur le
ministre, la gendarmerie et la police ; vous travaillez à une répartition plus
rationnelle des zones de compétence de la police et de la gendarmerie ; vous
avez créé les groupes d'intervention régionaux, les déjà fameux GIR, qui
regroupent tous les moyens nécessaires aux interventions ciblées dans les zones
sensibles, notamment dans ces fameuses zones de non-droit. Et il ne s'agit pas,
comme on peut trop souvent le lire, de créer des brigades incontrôlées !
Certains médias - ce n'étaient sans doute pas les meilleurs - ont même écrit
que l'on était en train de créer des brigades à la manière des escadrons
brésiliens. Pitié ! Où sommes-nous ? Qui sont-ils pour écrire cela ?
(Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
M. Louis de Broissia.
Bravo !
M. Roger Karoutchi.
Il ne s'agit pas de cela : il s'agit simplement de faire confiance aux hommes
et aux femmes qui servent ce pays dans la police, la gendarmerie, les douanes,
les services fiscaux, la justice, afin de coordonner leurs efforts pour le
mieux-vivre de tous ceux, notamment des plus déshérités, qui habitent dans
cessecteurs.
Dans le même temps, la nouvelle structuration autour des conférences
départementales de sécurité et des conseils locaux de sécurité et de prévention
de la délinquance permettra aux élus locaux, notamment aux maires, de jouer un
rôle plus actif et de participer à l'action globale de sécurité, qui est aussi
un facteur de démocratie locale, et, pour le dire clairement, un facteur de
démocratie.
Alors, monsieur le ministre, vous l'avez dit : oui, les collectivités locales
seront appelées à participer à cet effort ! Je le crois, parce qu'elles le font
déjà souvent d'elles-mêmes. Elles participeront à l'effort de sécurité
nationale, et elles en auront d'autant plus de retour que, grâce à vous, elles
seront enfin éligibles au fonds de compensation de la TVA, ce qui semble tout
de même être la moindre des choses pour des collectivités locales qui
s'impliquent ; il me paraît en effet tout à fait normal, classique - j'aurai
peut-être l'occasion d'y revenir tout à l'heure - qu'elles participent à la
construction des commissariats, des antennes de police, voire des logements.
Monsieur le ministre, nous ne pouvons qu'approuver la création d'une réserve
civile de la police, signe fort que le départ à la retraite n'est pas synonyme
de désengagement de leurs missions pour ceux qui y ont consacré, avec
dévouement, toute leur vie.
Je tiens aussi à vous féliciter sur un point qui correspond à votre devise :
l'action, et l'action transformée. J'en veux pour preuve, notamment - et il
s'agit là non de discours, mais de réalités -, la création, quelques jours
après votre nomination Place Beauvau, d'une police régionale des transports en
Ile-de-France. Ici même, sur mon interpellation, votre prédécesseur, M. Daniel
Vaillant, avait affirmé qu'elle était strictement impossible, qu'elle
nécessitait plusieurs étapes, qu'il fallait compter entre trois et cinq ans...
Même si, dans son for intérieur, il y était favorable, il m'avouait qu'il
n'était pas possible, pour le moment, de la mettre en place.
(M. Jean-Claude
Peyronnet proteste.)
Les Franciliens, qui ont subi, ne serait-ce que sur le réseau SNCF de la
banlieue, une augmentation des infractions et de la délinquance de 150 % entre
1996 et 2001, ont apprécié que vous ayez créé immédiatement cette police
régionale des transports et que les forces de sécurité enfin réunifiées
puissent agir sur la totalité du réseau régional.
Je n'insisterai pas sur chacun de vos efforts en matière de modernisation,
d'équipements individuels de protection, de promotion pour l'ensemble de celles
et de ceux qui participent, souvent au péril de leur vie, à l'effort de
sécurité. Je suis certain que toutes et tous sur ces travées, mes chers
collègues, quelle que soit votre couleur politique, vous vous associez aux
remerciements, aux félicitations qu'ont adressés à l'ensemble des personnels de
sécurité tous les orateurs précédents.
Votre projet de loi est donc finalement, monsieur le ministre, un texte qui va
évidemment dans le bon sens, avec équilibre, avec humanité, avec raison.
Et pourtant ! Quelle déferlante dans le propos outrancier de certains, de ceux
qui rêvent tout haut de dérapages, de ceux qui n'ont toujours pas compris, ni
rien appris. Ainsi - je me contenterai de citer quelques extraits éloquents -,
l'auteur de l'exception d'irrecevabilité à l'Assemblée nationale affirme que «
nous n'avons pas besoin de shérifs, ni de bravaches » ; que « le signal est
donc clair pour les forces de police : ils peuvent y aller, l'Etat couvrira
leurs bavures » ; que ce projet « consacre l'omnipotence de la police et fait
de tous les pauvres des délinquants ».
Ce flot de contrevérités, d'effets de manche provocateurs, pour ne pas dire
insensés, atteint l'inacceptable lorsque le même affirme, à propos de votre
projet de loi, monsieur le ministre, du texte que vous avez sous les yeux, mes
chers collègues : « En ce soixantième anniversaire de la rafle du Vél d'Hiv,
[...] nous devrions méditer sur ce à quoi peut aboutir l'arbitraire. » Voilà où
nous en sommes !
M. Dominique Braye.
C'est scandaleux !
Mme Nelly Olin.
C'est une honte !
M. Gérard Braun.
Quelle ignominie !
M. Roger Karoutchi.
Il est vrai que le même considère que l'insécurité a été amplifiée par des «
médias complaisants »...
Un sénateur du RPR.
Tout à fait !
M. Roger Karoutchi.
... et qu'il se défausse de toute responsabilité en affirmant que le reste de
la gauche n'a pas écouté ses injonctions dans les années antérieures. Comme
quoi la pluralité est parfois difficile !
M. Gérard Delfau.
Vous en savez quelque chose !
M. André Rouvière.
Nous attendons pour voir !
M. Roger Karoutchi.
A gauche, on ne sait plus vraiment.
Dans les mois qui ont précédé l'élection présidentielle, on avait l'impression
que certains, du ministre de l'intérieur lui-même, Daniel Vaillant, jusqu'à
Julien Dray, poussaient pour que leur parti, leur candidat en fassent plus pour
la sécurité.
Voici quelques autres extraits des interventions de ces dirigeants de la
gauche : « Toute la gauche a parfaitement compris les enjeux de la sécurité » ;
« Il faut sortir d'un angélisme dangereux, voire suicidaire en matière de
sécurité. »
M. Dominique Braye.
Ils sont morts !
M. Roger Karoutchi.
Et le candidat Premier ministre de s'empresser de suivre et d'annoncer dans
son programme officiel la création de centres fermés pour les mineurs, des
dispositions de comparution immédiate, l'augmentation des effectifs et des
moyens de la police nationale, la réorganisation des forces de sécurité...
Bref, plus sécuritaire que le candidat Premier ministre, tu meurs !
Pendant la campagne, les orateurs de gauche se bousculaient pour affirmer que
la droite n'avait pas l'apanage du discours sur la sécurité et que, avec la
gauche, un véritable effort serait accompli, qu'on y mettrait les moyens, qu'on
en finirait avec les malandrins !... Aujourd'hui, les mêmes qui, dans les
réunions de gauche, voilà deux ou trois mois, prônaient plus de sécurité
désignent ceux d'entre eux qui émettaient des propositions en ce sens comme
ceux qui ont fait perdre le candidat. Parler de sécurité, c'est « perdre son
âme », paraît-il !
M. Dominique Braye.
Qu'ils continuent de parler ainsi !
M. Eric Doligé.
On voit où l'on en est !
M. Roger Karoutchi.
Allez comprendre !
Faut-il revenir à une conception de la sécurité que l'on croyait dépassée et
qui faisait de la société en général la responsable de tous les maux, le seul
moyen pour elle de se faire pardonner étant de comprendre et d'expliquer, sans
prendre la moindre mesure concrète ?
Oh, je voudrais rassurer nos amis de gauche sur leurs amis de gauche ! Ils
font des efforts dans les discours, mais peu en actes !
Ainsi, le conseil régional d'Ile-de-France a voté, en 1998, sur notre
initiative, la création d'un chapitre « sécurité ». Je vous rassure : pour
l'année 2002 - il est vrai que le vice-président chargé de la sécurité n'est
autre que Julien Dray -, nous n'avons pas dépensé 20 % des crédits affectés à
ce chapitre, car chaque fois que nous faisons une demande, elle paraît
excessive. En la matière, mieux valent les discours !
En fait, la différence véritable devrait résider non pas entre la gauche et la
droite, mais dans l'analyse de la société réelle, dans le rapport avec elle. Je
n'oublie pas, personne n'oublie que nous avons connu de très grands ministres
socialistes de l'intérieur. Sans parler de sécurité ou de pratiques
sécuritaires, c'est un socialiste, Jules Moch, qui, en 1947, créa ce qui devait
devenir les CRS.
Mme Nicole Borvo.
Excellent ! Très bonne source !
M. Dominique Braye.
C'était il y a bien longtemps !
M. Roger Karoutchi.
Il était socialiste !
M. Dominique Braye.
Ils sont morts, ceux-là !
M. Roger Karoutchi.
C'est bien la preuve que, parfois, même dans ce camp-là, le réalisme peut
l'emporter ! Il n'y a pas, d'un côté, ceux qui seraient favorables au «
tout-prévention » et, de l'autre, ceux qui seraient favorables au «
tout-répression ». La coupure véritable sépare ceux qui voient le monde et la
société tels qu'ils sont - même s'ils rêvent de les transformer - et ceux qui
les voient au travers de prismes philosophiques ou de valeurs politiques sans
lien avec la réalité.
Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous présentez ne relève
d'aucune idéologie partisane. Il est la réponse claire et sereine aux
aspirations et aux attentes légitimes des Français.
Mme Hélène Luc.
Ah bon ?
M. Roger Karoutchi.
Parce que nous sommes républicains, parce que nous sommes pragmatiques, parce
que nous sommes réalistes et parce que nous croyons en la démocratie, nous
voterons ce texte.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le ministre, je souhaite centrer mon propos sur un problème de
sécurité quotidienne d'une grande importance, que l'on évoque fréquemment
depuis quelques années et que vous avez vous-même évoqué dans votre
intervention, mais qui n'en est pas moins trop souvent occulté.
Je veux parler du stationnement illégal des gens du voyage, du contrôle de
leurs activités et du contrôle de l'immigration clandestine, sujet qui, jusqu'à
présent, n'a pas été pris suffisamment au sérieux.
Ne croyez pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, que je fais une «
fixation » sur ce problème ; je veux simplement rapporter ici ce que, en tant
que vice-président de l'Association des maires de France en charge de ce
dossier, j'ai pu constater et entendre auprès des 36 700 maires de France, qui,
pour bon nombre d'entre eux, y sont confrontés au quotidien.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Pierre Hérisson.
Il faut se rendre à l'évidence, l'exaspération des maires et des citoyens ne
relève pas du sentiment ou du fantasme. La loi Besson du 5 juillet 2000
relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage n'est manifestement pas
à la hauteur du phénomène de l'itinérance, lequel s'amplifie de jour en jour,
en grande partie à cause de la précarité croissante et de la venue incontrôlée
d'étrangers provenant en particulier des pays de l'Est.
L'exaspération, monsieur le ministre, tient aussi beaucoup au comportement des
gens du voyage. Certes, la dégradation de la situation n'est pas générale, mais
il n'empêche qu'une mauvaise image colle aujourd'hui à la peau de l'ensemble de
cette population, qui a choisi de vivre en déplacement sur notre territoire et
qui compte plus de 400 000 personnes. Cette mauvaise image s'est généralisée
parmi nos concitoyens.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, votre projet de coopérer avec votre
homologue roumain pour mettre en place des mesures qui permettront d'enrayer
l'exode ne peut que me satisfaire et satisfaire les maires de France.
C'est le devoir de l'Etat, mais aussi de l'Europe, de réfléchir au problème de
l'itinérance, en coopération non seulement avec la Roumanie, mais aussi avec
l'ensemble des pays concernés, notamment avec les pays d'Europe centrale et
orientale, tant dans le cadre de l'Union européenne que dans celui de
l'Association européenne de libre-échange.
Une évidence s'impose : les schémas départementaux doivent être élaborés en
étroite collaboration avec les élus locaux. Vous avez bien voulu le rappeler
tout à l'heure, monsieur le ministre, mais beaucoup d'élus locaux vous diront
qu'il n'en a rien été dans nombre de départements.
On s'aperçoit à l'expérience que les élus locaux qui règlent le problème dans
le cadre de l'intercommunalité rencontrent un peu de moins de difficultés que
les autres. Il conviendrait donc de préciser les règles relatives aux
transferts des compétences et des moyens en la matière entre les communes et
l'intercommunalité : la notion d'intercommunalité doit être intégrée dans
l'aménagement du territoire.
Nous devons aussi nous tourner vers les instances européennes, pour que des
aides soient rapidement débloquées afin d'améliorer les conditions de vie de
ces populations sur leur territoire d'origine avant qu'elles ne se lancent dans
l'itinérance sur le territoire européen.
M. Jean-Paul Delevoye, alors président de l'Association des maires de France,
et moi-même avions rencontré le commissaire européen Michel Barnier. Ce dernier
avait sur le sujet des idées qu'il serait intéressant de reprendre pour
améliorer la situation des itinérants à la source, pays par pays.
Un des premiers problèmes à régler est l'exploitation de la misère, sujet
important que j'évoquerai brièvement.
L'exploitation de la misère par des clans mafieux qui envoient en France des
enfants, des handicapés, des femmes qu'ils obligent à mendier ou à se
prostituer pour s'enrichir doit nous faire réagir et amener l'Europe à trouver
des solutions humanitaires respectueuses de la dignité des femmes et des hommes
vivant dans l'espace européen.
On ne peut laisser perdurer cette exploitation. Il faut engager des actions
fortement répressives en direction de ceux qui la pratiquent.
Les responsabilités que j'exerce au sein de l'Association des maires de France
m'ont amené à me rendre à deux reprises en Roumanie et à prendre la mesure
d'une situation que vous allez également découvrir, monsieur le ministre. Les
tziganes ne sont pas traités en Roumanie comme des citoyens à part entière et
les conditions de vie qu'ils découvrent chez nous les font passer du Moyen-Age
au xxie siècle du jour au lendemain. Il ne faut donc pas s'étonner que le
dossier soit si difficile à traiter.
Comme tout citoyen, les gens du voyage doivent faire preuve de transparence et
respecter les lois dans des domaines comme la fiscalité, l'origine des revenus
ou l'éducation des enfants, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui pour une partie
d'entre eux. Certains ne semblent pas du tout enclins à participer à la dépense
publique, sur les aires d'accueil, par exemple, et à payer leur contribution.
Ils préfèrent stationner en dehors des aires pourtant construites pour les
accueillir. La loi Besson est alors mise en échec, car ces populations se
déplacent de plus en plus nombreuses, dépassant ainsi les capacités d'accueil
acceptables.
Vous avez bien voulu souligner tout à l'heure, monsieur le ministre, que
certains maires avaient immédiatement mis en oeuvre la loi Besson. Ils se
trouvent aujourd'hui un peu démunis face à des évolutions qu'il n'est pas
possible de contrôler.
Pour dire les choses simplement, sur les emplacements prévus pour vingt
caravanes, on assiste à des regroupements de quarante caravanes, sur les
emplacements prévus pour quarante caravanes, on assiste à des regroupements de
cent caravanes, et ainsi de suite ! C'est la preuve manifeste d'un refus
d'accepter les règles d'organisation prévues par la loi Besson.
La volonté de se marginaliser de certains fait malheureusement naître des
incidents, parfois graves, entre, d'une part, les élus, la population locale,
les forces de police et de gendarmerie, et, d'autre part, les gens du
voyage.
L'arrivée d'immigrants des pays de l'Est accentue une tendance au rejet déjà
présente. Parmi ces personnes, certaines sont dans une situation de grande
précarité, ce qui a, hélas ! souvent pour conséquence un développement de la
délinquance.
L'itinérance en tout point du territoire national et européen facilite ces
agissements, le fait que crimes et délits soient commis dans divers secteurs de
compétence géographique - de gendarmerie, de police, de juridictions -
compliquant tant la poursuite que la condamnation des délinquants, sans même
parler de l'exécution des peines.
Il est grand temps d'enrayer l'escalade et de prévoir des actions coordonnées
des forces de police, de gendarmerie, des douanes, des services fiscaux et des
tribunaux. Vous avez largement évoqué cet aspect tout à l'heure, monsieur le
ministre, et je vous en remercie.
A cet égard, je me réjouis de l'adoption par l'Assemblée nationale de
l'amendement de Mme Christine Boutin qui précise que les groupes d'intervention
régionaux sont compétents pour traiter des délits commis par les gens du
voyage. Il s'agit d'une avancée très importante dans la lutte contre ce type de
délinquance.
L'activité des gens du voyage doit être contrôlée, comme peut l'être celle de
chacun de nos concitoyens, ni plus, ni moins. Ils ne sont pas en dehors des
lois de la République et doivent de ce fait bénéficier de droits, certes, mais
aussi accepter les devoirs qu'imposent la loi républicaine de notre pays.
Le livret de circulation doit être repensé, le rattachement à une commune doit
être exigé, au même titre sans doute que la possession d'un compte bancaire
pour assurer les versements des prestations familiales et sociales.
La cellule interministérielle de liaison sur la délinquance itinérante mise en
place en 1997 au sein de la Direction générale de la gendarmerie nationale doit
être renforcée et transformée en véritable office de répression de la
délinquance itinérante et s'ouvrir à d'autres institutions, comme les diverses
associations d'élus locaux.
Nous devons nous donner les moyens d'éradiquer cette délinquance qui ternit
l'image des gens du voyage et qui rend impossible la mission confiée par la loi
dans ce domaine aux élus locaux. Nombre d'entre eux sont désemparés, voire
découragés, car ils se sentent abandonnés.
Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure
donne, grâce à un amendement de M. Alain Joyandet, des moyens juridiques
d'action supplémentaires pour faire face aux problèmes posés, notamment en
renforçant les sanctions financières et en prévoyant la possibilité de
confisquer les véhicules en cas de flagrant délit.
Je tiens à dire que, si le temps n'est pas exclusivement à la réflexion, il
n'est plus exclusivement à la répression : il faut sortir de la réflexion pour
aller vers l'action concrète sur le terrain.
L'exaspération des élus locaux est à son comble, celle de la population
également. Il faut que le Gouvernement réagisse avec vigueur.
La création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information sur les
gens du voyage ne me paraît plus d'actualité, monsieur le ministre. Le problème
est largemement connu, et les associations d'élus locaux sont à votre
disposition pour vous dire ce qu'il en est sur le terrain.
Les commissions d'enquête - le rapport qui vient d'être rendu par la
commission d'enquête sur la délinquance des mineurs le prouve - peuvent
apporter une contribution importante à la résolution des problèmes du moment,
mais, en l'occurrence, point n'est besoin d'une commission d'enquête pour
savoir comment traiter le problème des gens du voyage. Nous connaissons
parfaitement la situation et nous sommes à votre disposition pour apporter
notre contribution.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre, un texte équilibré pour l'automne sur
le problème général de l'itinérance, qui va au-delà des seuls gens du voyage.
Nous seront vigilants quant au respect de cette échéance, car, pour nos
concitoyens et pour les 500 000 élus locaux de notre pays, il y a une véritable
urgence.
Par ailleurs, en réponse à M. Philippe François, vous avez apporté tout à
l'heure des précisions tant sur le financement des casernes de gendarmerie et
des équipements que sur le fonds de compensation de la TVA. Je vous en
remercie. Reste peut-être à préciser les modalités du recours aux solutions
nouvelles que sont le crédit-bail et le crédit emphytéotique. Nous attendons en
effet quelques précisions pour engager, toujours avec le même souci de
l'efficacité, les collectivités locales dans cette direction.
Soucieux de mener à vos côtés la lutte contre toutes les formes d'insécurité,
le groupe de l'Union centriste apportera son soutien plein et entier au
Gouvernement. Il votera le présent projet de loi, monsieur le ministre : les
forces de police et de gendarmerie comme tous les fonctionnaires concernés
peuvent compter sur les élus de la nation que nous sommes pour les soutenir et
les aider dans leurs action au quotidien, action indispensable au bon
fonctionnement de notre République.
(« Très bien ! » et applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nul ne
conteste aujourd'hui le fait que l'insécurité, qui, je le précise, concerne au
premier chef les populations les plus démunies et aggrave leurs difficultés,
est une priorité qu'il convient de prendre au sérieux parce que le droit à la
sécurité des biens et des personnes est un droit fondamental garanti par la
République française.
Mais s'occuper de la sécurité nécessite une démarche politique démocratique
sur le long terme. Or, jusqu'à présent, force est de constater que les
gouvernements qui se sont succédé ont, chaque fois, pris des mesures à court
terme. Je le dis d'autant plus aisément que les sénateurs communistes,
lorsqu'ils appartenaient à la majorité gouvernementale, ont voté contre la loi
relative à la sécurité quotidienne, ce qui montre une réelle cohérence avec
leur attitude d'aujourd'hui.
A ce propos, plutôt que de légiférer dans la précipitation, n'aurait-il pas
été plus judicieux, monsieur le ministre, de procéder à une évaluation précise
des incidences de la loi relative à la sécurité quotidienne entrée en vigueur
le 15 novembre 2001 ? Je vous ai entendu, lors de votre audition, prôner la
pratique des évaluations. Je pense qu'il aurait fallu y recourir.
Le projet de loi permettra-t-il de préserver le caractère de service public de
la police nationale et de mettre en place une politique alliant la prévention,
la dissuasion et la répression, en prenant le problème de l'insécurité en amont
? Pour ma part, je suis loin de le penser.
En effet, il axe ses dispositions uniquement sur la répression, sans réflexion
de fond ni traitement social des causes de la délinquance. Or la répression, ce
n'est pas nouveau, nous connaissons ; nous savons parfaitement que ça ne
fonctionne pas.
Notre code pénal est loin d'être laxiste.
M. Dominique Braye.
Mais son application l'est !
M. Robert Bret.
N'oublions pas, en effet, qu'à l'occasion de la réforme dont il a fait l'objet
en 1992 les sanctions pénales ont été revues à la hausse. Il n'est donc nul
besoin d'en rajouter en l'espèce. Il suffit simplement d'appliquer la loi en
vigueur et de donner à la justice les moyens d'accomplir son travail. Rappelons
tout de même qu'un vol simple est puni de trois ans de prison, et le vol
aggravé de dix ans !
En revanche, donner les moyens pour une véritable politique, d'une part, de
prévention de la délinquance et de la récidive et, d'autre part, de dissuasion
nécessite des moyens humains, matériels et financiers inédits...
M. Dominique Braye.
Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
M. Robert Bret.
... dans les domaines aussi variés que l'éducation nationale, la formation,
l'emploi, la politique économique, la politique de la ville, la santé et la
jeunesse, qui sont des secteurs résolument tournés vers l'avenir.
Vous le voyez, monsieur le ministre, contrairement à vous, j'ai la faiblesse
de penser que la répression n'est pas la meilleure des préventions.
M. Eric Doligé.
Vous vous y connaissez !
M. Robert Bret.
Si tel était le cas, mes chers collègues, nous le saurions depuis un moment,
et vous aussi.
(M. Dominique Braye s'exclame.)
Au mieux, la répression
éloigne momentanément les individus indésirables et fait baisser provisoirement
la délinquance et la criminalité. Au pire, elle constitue une véritable bombe à
retardement.
La France est l'un des pays européens qui compte le plus de policiers et de
gendarmes par habitant : 394 policiers ou gendarmes pour 100 000 habitants,
même si dans plusieurs pays européens, certaines missions sont confiées au
secteur privé. On voit bien qu'il s'agit moins d'un problème de moyens que
d'orientations. Vous le savez, monsieur le ministre, vous qui, voilà un an,
dénonciez les sureffectifs à l'occasion de l'annonce par Matignon de l'embauche
de 3 000 policiers pour 2002.
(Mme Monique Cerisier-ben Guiga
applaudit.)
Force est de constater que l'orientation d'aujourd'hui ne
change toujours pas, elle va vers plus de répression sans s'attaquer aux
racines de la délinquance.
Je tiens à préciser dès à présent que je réfute l'idée sans cesse avancée
selon laquelle, puisque nous tenons de tels propos, nous serions laxistes en
matière de sécurité.
M. Dominique Braye.
Discours ringard !
M. Robert Bret.
Je rappelle, à ce propos, qu'en 1989 le groupe des sénateurs communistes et
apparenté, soucieux de s'attaquer à l'une des manifestations de la crise qu'est
l'insécurité, avait déposé sur le bureau du Sénat une proposition de loi-cadre
tendant à l'utilisation démocratique de la force publique et instituant des
dispositions déontologiques applicables aux fonctionnaires de police.
M. Dominique Braye.
En transformant les policiers en animateurs !
M. Robert Bret.
Toutefois, il est vrai que je ne suis pas prêt, au nom de la luttre contre
l'insécurité, à accepter l'inacceptable, c'est-à-dire un quelconque glissement
vers un régime policier liberticide.
(Exclamations sur plusieurs travées du
RPR.)
M. Dominique Braye.
Ça démarre !
M. Robert Bret.
Une politique sécuritaire n'a jamais fait une politique de sécurité, chers
collègues. Rien ne justifie, pas même l'exigence de sécurité, l'instauration
durable d'un appareil répressif.
M. Eric Doligé.
Voyez où vous nous avez conduits !
M. Robert Bret.
Vous nous demandez d'adopter en urgence, à l'occasion d'une session
extraordinaire qui se déroule en plein coeur de l'été,...
M. Dominique Braye.
Ce sont les Français qui le demandent !
M. Robert Bret.
... une loi d'orientation et de programmation en matière de sécurité
intérieure qui va engager le pays pour les cinq prochaines années.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais non !
M. Robert Bret.
Or on sait que les mesures annoncées ne seront opérationnelles que beaucoup
plus tard, puisqu'elles devront faire l'objet de projets de loi au plus tôt à
la session d'automne.
Aujourd'hui, il nous est donc proposé d'entériner des orientations figurant
dans des annexes qui n'ont aucune valeur normative, qui ne sont que de simples
déclarations d'intention.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Voilà !
M. Robert Bret.
Et pour couronner le tout, la commission des lois préconise d'adopter le texte
conforme pour éviter une commission mixte paritaire,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Eh oui !
M. Robert Bret.
... alors que le projet de loi a été aggravé par les députés.
Quelle image donnons-nous du Sénat en le transformant en simple chambre
d'enregistrement ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes. - Protestations sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Dominique Braye.
C'est vous qui avez déclaré l'urgence sur les textes pendant cinq ans !
Pendant cinq ans, vous n'avez fait que cela !
M. Robert Bret.
Cela vous fait peut-être mal, cher collègue Braye, mais c'est la réalité !
(M. Dominique Braye s'exclame.)
M. Pierre Hérisson.
Vous avez la mémoire courte, monsieur Bret !
M. Robert Bret.
Certes, les moyens financiers et humains débloqués sont conséquents, monsieur
le ministre, mais notons qu'ils sont prévus sur cinq ans. S'agissant, en
l'occurrence, d'une programmation quinquennale, qui nous assure aujourd'hui que
les moyens annoncés trouveront chaque année une traduction budgétaire dans la
loi de finances ? A cet égard, l'exemple de la loi de 1995 d'orientation et de
programmation relative à la sécurité, la LOPS, doit nous inciter à une certaine
prudence. En effet, alors qu'était prévue la création de 5 000 emplois
administratifs et techniques supplémentaires en cinq ans, ces derniers n'ont,
finalement, jamais été budgétisés. Vous le savez parfaitement, monsieur le
ministre, puisque, à l'époque, vous étiez ministre des finances.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Pas en 1995 !
M. Robert Bret.
Par ailleurs, vous le savez, les emplois créés en 2003-2004 ne seront pas
opérationnels tout de suite.
M. Eric Doligé.
Alors, il ne faut rien faire ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Laissez-le parler !
M. Philippe François.
C'est de la provocation !
M. Robert Bret.
Combleront-ils seulement les nombreux départs à la retraite qui se profilent
?
Le présent projet d'orientation et de programmation pèche aussi par l'absence
de réponses aux revendications des policiers : rien sur les revalorisations
salariales pour motiver les policiers à qui l'on va demander encore plus ; le
rachat des jours de RTT est plus qu'incertain.
M. Eric Doligé.
Il n'y a pas que ça dans la vie !
M. Robert Bret.
De surcroît, les policiers craignent que la réserve civile ne soit un moyen de
remettre en question le droit à la retraite. Monsieur le ministre, n'est-ce pas
également un moyen pour jouer sur les effectifs des policiers et des gendarmes
?
Outre le problème des sources de financement de l'effort, se pose surtout la
question de savoir à quelles fins ces fonds seront dégagés.
Selon moi, le problème réside moins dans l'augmentation de la délinquance que
dans les difficultés rencontrées par la police nationale pour accomplir ses
missions.
La police nationale n'est plus aujourd'hui en mesure de remplir ses missions,
et donc d'endiguer l'insécurité.
M. Dominique Braye.
A qui la faute ?
M. Robert Bret.
On a progressivement glissé d'une police de proximité vers une police
d'interpellation, qui n'intervient qu'en bout de course, c'est-à-dire
uniquement sous l'angle de la répression.
Mme Nelly Olin.
Il faut avoir les pieds sur terre, quand même !
M. Robert Bret.
Quant à la gendarmerie, comme l'indique le rapport de la commission des lois,
elle a connu ces dernières années une relative stabilité de ses effectifs sans
pouvoir bénéficier des réformes structurelles qui lui sont pourtant
indispensables, et ce à un moment où la délinquance a augmenté dans les
secteurs géographiques placés sous son contrôle, notamment dans les zones
périurbaines.
M. Dominique Braye.
Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
M. Robert Bret.
Pour autant, la réorganisation territoriale que vous envisagez, monsieur le
ministre, avec votre concept de communauté de brigades qui doit permettre de
mutualiser les moyens de plusieurs brigades, n'est-elle pas une autre façon
d'en rester au
statu quo
en termes d'effectifs ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Robert Bret.
Si, dès la fin des années soixante-dix, tous les gouvernements ont préconisé
diverses réformes, force est de constater, aujourd'hui, qu'aucune n'est
parvenue à enrayer les phénomènes d'insécurité, qu'il s'agisse de l'institution
de la parité police-gendarmerie en 1977, du plan de modernisation sociale de
1985 qui a ouvert la voie aux emplois précaires dans la police nationale avec
l'emploi des appelés du contingent, de la mise en place de la police
territoriale en 1991, de la loi de 1995 d'orientation et de programmation sur
la sécurité qui a modifié en profondeur les structures de la police nationale,
la conception de ses missions et réformé les corps et les carrières des
policiers.
Pour autant, chers collègues, peut-on dire que ces réformes ont répondu, à un
moment ou à un autre, aux besoins des citoyens en matière de sécurité et à
l'attente des personnels des forces de l'ordre ? Une réponse négative
s'impose.
En généralisant la qualité d'officier de police judiciaire, la loi de 1995 n'a
fait que contribuer à briser les compétences des services et à tirer la police
vers le bas. La loi de 1995 d'orientation et de programmation sur la sécurité,
de M. Pasqua, a cassé la capacité d'investigation de la police judiciaire.
Il est vrai que les enquêtes d'investigation - qui, à terme, donnent de bons
résultats - prennent du temps.
La police d'investigation est surtout bien moins spectaculaire que vos GIR,
monsieur le ministre, dont la légalité - tout comme leurs résultats rapportés
aux forces déployées - est plus que douteuse.
De plus, à qui ferez-vous croire que c'est grâce à l'intervention
providentielle des GIR que des saisines de stupéfiants sont réalisées alors que
l'on sait pertinemment que ce genre d'action a nécessité de longs mois
d'enquête de la part des directions spécialisées ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur.
Très bien !
M. Robert Bret.
Il ne faut pas dénaturer l'action des policiers de terrain et reléguer ceux-ci
au second plan.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Robert Bret.
Mais il est vrai que ce qui vous importe avant tout, monsieur le ministre,
c'est la visibilité immédiate de vos actions, qui sont, électoralement parlant,
plus rentables.
Or on ne s'attaque pas à un problème de société sérieux avec des
flash-balls. (Mme Nelly Olin s'exclame.)
En précisant dans l'annexe I du projet de loi que les responsables locaux de
la police judiciaire et de la gendarmerie rendront compte des résultats qu'ils
auront obtenus en matière de lutte contre l'insécurité et qu'il en sera tenu
compte pour la progression de leur carrière, vous importez en France, monsieur
le ministre, le modèle américain, avec la responsabilisation des commissaires
ou des commandants de brigade de gendarmerie, et la culture du résultat.
C'est très dangereux, car les forces de l'ordre sont incitées à faire du
chiffre, comme s'il s'agissait d'atteindre de simples objectifs commerciaux,
alors que ce sont les libertés individuelles et publiques qui sont en jeu !
(« Très bien ! » sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Pierre Hérisson.
Caricature !
M. Robert Bret.
On verra sur la distance !
L'objectif réel que vous visez relève par ailleurs plus de la stigmatisation,
de l'affichage politique, voire de la politique à grand spectacle en vue de
rassurer les Français, que d'une réelle volonté de s'attaquer de manière
efficace et en profondeur aux causes de la délinquance.
En réalité, monsieur le ministre, vous surfez sur la vague du 21 avril
dernier, dans la perspective des prochaines échéances électorales de 2004.
(Exclamations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
S'il n'y avait pas eu ce 21 avril, qui
restera gravé dans les mémoires, serions-nous en ce moment même en train de
légiférer en toute hâte sur des problèmes aussi cruciaux que la sécurité et,
hier, la justice ?
Mme Nelly Olin.
Il faut venir dans les banlieues !
M. Robert Bret.
Vous souhaitez, avec un tel projet, ramener vers vous une partie de
l'électorat de M. Le Pen. Mais prenez garde, monsieur le ministre ! A chasser
sur les terres de l'extrême droite, vous faites le lit du Front national.
(Marques d'approbation sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen. - Vives protestations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et
des Républicains et Indépendants.)
Mme Nelly Olin.
C'est tout de suite l'amalgame !
M. Pierre Hérisson.
Vous n'avez pas honte ?
M. Louis de Broissia.
Vous n'avez toujours rien compris !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Le Front, c'est Mitterrand qui l'a créé !
M. Robert Bret.
Non seulement votre projet de loi, monsieur le ministre, ne rompt pas avec les
politiques menées depuis vingt ans en France, politiques qui, je l'ai dit, ont
toutes échoué, mais il va encore plus loin dans l'escalade répressive.
Avec votre projet de loi, indissociable de celui qu'a présenté votre collègue
de la Place Vendôme - il ne propose, pour sa part, que d'enfermer nos jeunes et
de relancer la construction de prisons nouvelles - ...
M. Jean-Claude Carle.
Vous savez que ce n'est pas vrai !
M. Roger Karoutchi.
C'est caricatural !
M. Robert Bret.
... se dessine, mes chers collègues, un bien triste projet de société pour
l'avenir. En effet, c'est une véritable politique de répression, d'enfermement
et d'exclusion qui se profile !
M. Dominique Braye.
Ça va être les camps d'internement en Sibérie !
Mme Nicole Borvo.
Enfin, la Sibérie ! Bravo, il ne manquait plus que ça !
(Rires sur
plusieurs travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye.
Et les hôpitaux psychiatriques aussi ! On ne rit pas, madame Borvo, lorsqu'il
s'agit de millions de morts !
Mme Nicole Borvo.
Ça va, monsieur Braye !
M. Robert Bret.
La réalité, c'est que la délinquance, ne vous en déplaise, chers collègues de
la majorité sénatoriale, prend racine dans l'aggravation des inégalités
sociales : d'un côté la marginalisation, la précarisation, la dégradation de
l'habitat, l'échec scolaire et la mal-vie, de l'autre, l'accumulation des
richesses.
La société produit de plus en plus d'inégalités et d'exclusion, qui vont
s'accentuer encore avec les projets que vous réservez aux Français :
privatisations, diminution de postes dans la fonction publique, licenciements,
stagnation du SMIC, hausse des prix, les retraites, les contrats-jeunes.
M. Philippe François.
Tout va craquer, ne vous inquiétez pas !
M. Robert Bret.
Dans ces conditions, la répression se révèle comme le corollaire indispensable
de votre politique ultralibérale.
Mme Nelly Olin.
C'est affligeant !
M. Robert Bret.
Ce projet de loi va vous permettre de taper encore plus sur ceux qui subissent
déjà de plein fouet l'exclusion, les inégalités et les violences sociales et
économiques, qui sont réelles mais rarement évoquées.
M. Dominique Braye.
Avec de tels discours, ils feront 1,5 % aux prochaines élections !
M. Louis de Broissia.
Et encore, c'est optimiste !
M. Robert Bret.
Ma collègue Nicole Borvo développera davantage ce thème tout à l'heure
lorsqu'elle présentera la motion tendant à opposer la question préalable.
C'est ainsi que votre projet de loi stigmatise toute une partie de la
population : gens du voyage, SDF, prostituées étrangères, jeunes issus des
milieux défavorisés, parents d'enfants en rupture scolaire...
Votre projet de loi est dangereux, car il vise à réprimer non plus des crimes
ou des délits, voire des incivilités, mais « des comportements qui affectent
particulièrement la vie quotidienne de nos concitoyens...
Mme Nelly Olin.
C'est bien hypocrite de dire cela !
M. Robert Bret.
... et qui se sont multipliés au cours de ces dernières années »,...
M. Patrice Gélard.
Depuis 1997 !
M. Robert Bret.
... comme cela est écrit si pudiquement dans l'annexe.
L'insécurité a-t-elle pris une dimension si considérable qu'il soit nécessaire
de prendre des mesures aussi sécuritaires ?
M. Dominique Braye.
On ne vit pas dans le même monde ! Ecoutez les Français !
M. Robert Bret.
Je pense, au contraire, qu'il convient de replacer les questions sécuritaires
à leur juste place dans l'échelle des problèmes de notre société, notamment
derrière le chômage et les inégalités sociales.
M. Dominique Braye.
Sortez de l'immeuble de la place du Colonel-Fabien !
M. Robert Bret.
Par ailleurs, je m'interroge sur l'utilité de mettre l'accent sur la
répression des petits délinquants, qui encourent en réalité, et vous le savez
pertinemment, de petites peines de prison se révélant inutiles pour la société
comme pour l'intéressé.
Dans ces cas-là, mieux vaut mettre en pratique les peines alternatives plutôt
que l'incarcération, qui constitue une véritable école de la récidive et du
caïdat.
MM. Dominique Braye et Eric Doligé.
Al-Qaida !
M. Robert Bret.
Cela figurait dans les conclusions du rapport de la commission d'enquête
sénatoriale sur les conditions de détention dans les prisons, mais vous l'avez
oublié !
A cet égard, votre projet de loi, tout comme celui de votre collègue M.
Perben, nie en bloc le travail sérieux effectué par les députés et les
sénateurs, toutes tendances politiques confondues, sur les prisons et qui
arrivait à la conclusion, aujourd'hui vite oubliée, qu'il fallait « incarcérer
moins pour incarcérer mieux », de même qu'il contredit les conclusions
équilibrées auxquelles est parvenue la commission d'enquête sénatoriale sur la
délinquance des mineurs.
Parallèlement, la délinquance financière, dite en « col blanc », continue. Il
est vrai qu'elle se voit moins et qu'elle est moins gênante pour le commun des
mortels même si, au bout du compte, elle coûte cher à la collectivité !
Les gros trafiquants d'armes et de drogues peuvent dormir tranquilles puisque
vous préférez vous attaquer à ceux qui se trouvent au bout de la chaîne de la
délinquance mais qui sont, il est vrai, les plus voyants.
Mme Nelly Olin.
Oh !
M. Eric Doligé.
C'est vraiment honteux !
M. Robert Bret.
Je pense aux petits dealers, aux prostituées étrangères, etc.
N'est-il pas, sur le plan statistique, plus rentable d'arrêter plusieurs
petits dealers qu'un gros trafiquant de drogue ou encore dix prostituées plutôt
qu'un seul proxénète ?
Dans ces conditions, vous comprendrez qu'il nous soit impossible de voter un
tel projet de loi qui a été, de surcroît, aggravé par les députés de la
majorité présidentielle.
Outre la motion tendant à opposer la question préalable qui sera défendue par
Mme Nicole Borvo, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
proposeront la suppression de l'article 1er du texte qui renvoie les
orientations politiques du Gouvernement en matière de sécurité intérieure à une
annexe « fourre-tout » qui, comme je l'ai indiqué, n'a aucune valeur normative
et dont le détail, de surcroît, ne sera précisé qu'à l'automne.
Adopter un tel article serait donner un chèque en blanc au Gouvernement, ce
que nous refusons fermement.
Nous serons, le moment venu, particulièrement vigilants, monsieur le ministre,
quant au contenu du futur projet de loi qui devra notamment comprendre le volet
répressif annoncé dans l'annexe. Nous combattrons avec force toute disposition
renforçant le caractère d'ores et déjà répressif et discriminatoire de la
politique que vous prônez, à tort, en matière de sécurité.
(« Très bien ! »
et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Karoutchi
me permettra de corriger une petite erreur historique. En effet, c'est bien un
socialiste qui a créé les CRS, mais ce n'est pas Jules Moch, c'est un ministre
de l'intérieur qui s'appelait Adrien Tixier, qui est mort en fonction et qui
était président du conseil général de la Haute-Vienne.
M. Roger Karoutchi.
Non !
M. Dominique Braye.
Ce n'est pas la peine de se battre pour un ministre socialiste !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Au demeurant, ce n'est pas bien grave, nous en reparlerons tout à l'heure.
J'en viens à mon propos.
La campagne électorale de la droite se termine cette semaine avec l'examen de
la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Ne vous offusquez pas de ces paroles, mes chers collègues. En vérité, que
vous appliquiez votre discours répété depuis des mois, c'est tout à fait
légitime !
M. Dominique Braye.
Nous, nous entendons les Français !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je dis cela sans esprit polémique, de façon posée et réfléchie, mais avec
conviction, au vu du texte de loi qui nous est présenté et qui est
essentiellement un catalogue d'intentions.
Vous êtes encouragé à ce discours de propagande, monsieur le ministre, par le
genre particulier que constituent les lois de programmation, dont vous n'êtes
pas les inventeurs et que je ne renie pas toujours car elles peuvent avoir au
moins l'intérêt de nourrir le débat, surtout lorsque l'urgence n'est pas
déclarée, ce qui, hélas ! n'est pas le cas aujourd'hui. Mais il vaudrait mieux
en rester à l'orientation, même au simple débat d'orientation puisque aucun des
votes que nous allons émettre n'aura d'autre valeur que déclarative et que vous
renvoyez à l'automne le vote de textes normatifs qui constitueront
l'essentiel.
Par-delà la forme que présente ce projet de loi avec ses six courts articles
et ses deux longues annexes, on peut distinguer ce qui ressort de la
programmation et ce qui relève de l'orientation.
L'orientation, c'est précisément la poursuite du discours de dramatisation de
l'insécurité, dont nous ne nions pas l'existence, mais auquel vous continuez à
donner une tonalité effroyable et, géographiquement comme socialement,
universelle.
Cette présentation est excessive. Certes, elle offre le double avantage à la
fois de permettre ultérieurement de mieux valoriser les résultats que vous
obtiendrez - et je souhaite tout à fait sincèrement, monsieur le ministre, que
vous obteniez de bons résultats - et de donner l'impression qu'avant vous rien
ne s'était fait et qu'en particulier le gouvernement de la gauche plurielle
avait été d'une totale incurie, ce qui est vraiment faux ; j'essaierai de le
démontrer très rapidement tout à l'heure.
(Exclamations sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
La programmation, c'est l'annonce de deux grands chiffres sur lesquels je ne
reviens pas puisqu'ils ont été cités à plusieurs reprises. Vous savez mieux que
quiconque, monsieur le ministre, qu'il s'agit d'un effet d'annonce qui n'aura
de concrétisation qu'avec le vote des lois de finances successives, comme
l'avait excellemment fait remarquer M. Monory à propos d'une autre loi,
lorsqu'il avait dit : « Vous légiférez à crédit », formule que rappelait voilà
peu mon ami Michel Dreyfus-Schmidt.
Autrement dit, cette prétendue programmation ne nous permet pas d'y voir plus
clair, car on ne sait rien de ce qui se passera en termes budgétaires, alors
même que se prépare le projet de budget pour 2003.
En fait, cette partie de la loi, associée à quelques opérations à grand
spectacle, a surtout un intérêt politique, celui de faire accroire que ce que
l'on annonce est déjà réalisé.
Or nous avons des précédents fâcheux. Vous faites souvent référence à la loi
d'orientation et de programmation relative à la sécurité de janvier 1995. Or,
pendant les deux années qui ont suivi, donc avant la dissolution, cette loi n'a
pas connu un début d'exécution. En 1997, les crédits de la police ont diminué
de 300 millions de francs sous M. Debré, après avoir augmenté faiblemement de 1
milliard de francs en 1996.
Ces considérations rendent d'autant plus difficile à accepter les accusations
d'incurie que vous portez sur le gouvernement précédent alors même, pour ne
citer qu'un chiffre, que les effectifs de la police nationale ont augmenté de
11 % de 1997 à 2002 et que tous les départs à la retraite ont été compensés, ce
qui n'avait pas été le cas au cours de la période précédente.
En ce qui concerne la gendarmerie, monsieur le ministre, je ne comprends pas
d'où vous tirez les chiffres que vous citez. J'ai lu les trois rapports de MM.
François, de Montesquiou et Courtois, et les chiffres que j'y ai trouvés
indiquent non pas une baisse du nombre des effectifs de la gendarmerie, mais,
au contraire, une hausse. Il y aurait non pas 4 000 gendarmes en moins, mais 5
000 en plus !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
J'attends
une explication à cet égard, car nous avons besoin d'y voir un peu plus
clair.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, nous voterons contre votre texte
alors même que nous en approuvons les objectifs, même si la France est déjà
bien placée dans le peloton de tête, proche du record d'Europe en termes
d'effectifs policiers, comme le relève
La Tribune,
n'étant devancée que
par l'Espagne et l'Italie.
Il serait donc préférable d'utiliser mieux les forces de l'ordre, ce que vous
tentez d'ailleurs de faire, je le reconnais, que d'en créer de nouvelles. Mais,
va pour le développement des moyens si vous croyez que cela est nécessaire pour
atteindre l'objectif que vous vous êtes fixé et auquel nous souscrivons !
Le problème, c'est que vous serez incapable de l'atteindre. Je ne parle pas de
la rigueur budgétaire de Bercy. Je sais que, par votre persuasion et votre
efficacité, vous parviendrez à surmonter ce genre de difficultés.
Je pense à la difficulté technique : créer des postes, ce serait bien, mais
les pourvoir et former, c'est une autre affaire !
Or cette gauche, dont vous nous dites qu'elle n'a rien fait, elle a, en tout
cas, rempli les écoles et les centres de formation, désormais surchargés.
Comment allez-vous recruter, comment allez-vous former ? Combien de centres,
combien d'écoles allez-vous mettre en place dans les années à venir ? Autant de
questions simples sur lesquelles on aimerait obtenir des réponses précises.
Vous n'acceptez pas facilement l'idée que, sur un certain nombre d'objectifs,
nous pouvons nous rejoindre ; vous n'admettez pas aisément que, par bien des
côtés, vous poursuivez l'oeuvre de votre prédécesseur.
(M. François fait un
signe de protestation.)
Et ce n'est qu'au détour d'un paragraphe, en catimini, avec des pincettes,
dirait-on, que vous annoncez la poursuite de la politique de proximité initiée,
c'est vrai, par M. Pasqua, mais effectivement mise en place et considérablement
développée par ses successeurs. C'est la grande réforme de la législature
précédente en ce domaine.
Certes, cette politique monte en puissance progressivement, mais elle donne de
bons résultats ; d'ailleurs, vous la conservez. Elle est le contraire de la
politique spectaculaire, des coups médiatiques sans lendemain. Elle est à la
base de cette coproduction de sécurité qui associe tous les acteurs
susceptibles de contribuer à la lutte contre l'insécurité : la police, la
justice, les agents sociaux, l'école, le milieu associatif..., en un mot, tous
ceux qui peuvent mener une action efficace et suivie dans la politique de
prévention associée à la répression. Une des principales raisons de notre
réserve à l'égard de ce projet de loi réside dans sa tonalité par trop
exclusivement répressive.
Et que l'on ne nous accuse pas d'angélisme ! Nous ne sommes pas contre la
répression lorsqu'elle est nécessaire. Mais comment accepter cet amalgame entre
racket, drogue, nomades, prostituées - en précisant bien « prostituées
étrangères » ? Stigmatiser ainsi certaines catégories de populations n'est pas
convenable ; c'est en tout cas tout à fait inacceptable dans la loi.
Je le répète, nous ne nions pas les ravages causés par l'insécurité, notamment
parmi les plus faibles et les plus démunis. Nous affirmons - sans doute avec
vous - que la lutte contre cette insécurité est une condition de la réduction
des inégalités et que le moyen premier pour y arriver reste cette coproduction
de sécurité que j'évoquais tout à l'heure.
Quoi qu'il en soit, en aucun cas, la sécurité ne doit devenir un enjeu de
polémique politicienne. N'oublions pas, en outre, que votre politique est
indissociable des mesures que vous envisagez pour la justice, notamment à
l'intention des mineurs. Notre porte-parole a dit combien nous pensions que
vous faites fausse route, sur le plan moral sans doute, mais aussi sur le plan
de l'efficacité.
Voilà toutes les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas ce texte même
si, je le répète, nous ne nous opposerons pas à ce que soient dégagés les
moyens que vous souhaitez mettre en oeuvre.
Nous commencerons par proposer la suppression de l'article 1er. Si, par un
hasard extrême, nous n'étions pas suivis
(Sourires sur les travées du RPR,
de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE),
nous proposerions quelques amendements subsidiaires.
Permettez-moi maintenant, monsieur le ministre, de formuler quelques
commentaires sur des sujets précis et de vous poser quelques questions tout à
fait précises.
Nombre des dispositions que vous nous soumettez sont d'ordre réglementaire,
voire de simple organisation opérationnelle. Je pense aux GIR, dont nous dirons
à l'occasion qu'ils sont la suite formalisée d'une coopération déjà existante ;
je pense à l'organisation de la gendarmerie en communautés de brigades, dont
nous doutons qu'elles aient l'efficacité et l'aspect positif que vous
prétendez.
Mais il y a beaucoup plus préoccupant en ce qui concerne les moyens juridiques
destinés à parachever, comme le dit M. Courtois, la loi de 1995, à renforcer
l'efficacité des investigations policières, à mieux prendre en compte les
formes de nouvelles criminalités, etc.
Sur bien des points de la deuxième partie des annexes, nous serons très
circonspects. En effet, les textes normatifs que vous nous proposez devront,
certes, fournir les moyens pour atteindre les objectifs, mais ils devront le
faire dans le respect scrupuleux des libertés individuelles ; nous y serons
très attentifs.
Enfin - je ne prétends pas à l'exhaustivité - une autre question nous
préoccupe, sur laquelle, nous l'espérons, les débats nous rassureront. Il
s'agit des règles nouvelles introduites à l'article 3 pour la construction et
la gestion des casernes affectées aux forces de l'ordre.
Je me félicite de ce que vous avez dit verbalement sur les nouveaux moyens en
subventions que vous allez accorder aux collectivités, ainsi que sur la
récupération de TVA ; tout cela est positif. Mais nous ne voyons pas très bien
ce qu'il y a lieu de changer dans les procédures qui fonctionnent déjà, en
concertation entre les communes et l'Etat, et qui ne prennent du retard que par
l'incurie financière de l'Etat. Si vraiment vous arrivez à inscrire les
financements que vous annoncez, il n'y aura plus aucun problème et les
collectivités locales pourront réaliser les casernements nécessaires sans la
moindre difficulté.
Nous nous inquiétons, peut-être à tort, des possibilités d'affranchissement de
certaines règles de passation des marchés publics alors que l'Etat est si
attentif au respect de ces règles par les collectivités. Nous nous inquiétons
également des conséquences que cela pourrait avoir sur les règles de la libre
concurrence. Nous nous inquiétons du risque qu'il y a à masquer temporairement
une charge qui devra bien un jour finir par apparaître dans les budgets. Nous
nous inquiétons, peut-être à tort enfin, des similitudes que l'on croit déceler
avec les marchés d'entreprise de travaux publics, les METP, dont le conseiller
d'Etat Daniel Chabanol, dans un article paru en 1999, disait dans sa conclusion
: « C'est coûteux et dangereux » !
Pour terminer, monsieur le ministre, voici trois questions : l'une est
adressée au ministre de l'intérieur, au sens strict, les deux autres l'étant au
numéro deux du Gouvernement, qui a une vue globale des perspectives du budget
de la France.
Première question : je vois bien l'intérêt de certaines opérations
spectaculaires menées à grand renfort de moyens, en présence de caméras de
télévision éventuellement,...
M. Jean-Claude Carle.
Le champion, c'était M. Kouchner !
M. Jean-Claude Peyronnet.
... même si les résultats sont quelquefois médiocres.
Je vois bien l'intérêt de se montrer pour rassurer les braves gens et pour
inquiéter les autres. Je vois bien l'intérêt de montrer ses muscles ; mais
cela, même répété, est-ce suffisant ?
Que se passera-t-il à long terme ? Comment assurerez-vous une présence
quotidienne efficace dans ces quartiers difficiles ?
Par ailleurs, vous nous annoncez, monsieur le ministre, des chiffres
importants en matière de création d'emplois et d'augmentation des crédits dans
les cinq ans à venir. Selon vous, quelle devra être la croissance de notre
économie pour que ces objectifs soient atteints ?
Vous annoncez, pour votre part, la création de 13 500 postes. Votre collègue
ministre de la justice en annonce 10 680 en équivalent temps plein. Vous devez
en outre financer en année pleine les 42 000 postes de personnels soignants que
le précédent gouvernement a créés, et le ministre de la santé affirme qu'ils
sont en nombre insuffisant. Mais, dans le même temps, certains ministres - et
non des moindres : le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
le ministre délégué au budget, entre autres - ne cachent pas leur volonté de
réduire les dépenses publiques par une diminution du nombre des
fonctionnaires.
Ma troisième question est donc toute simple : sur quelles catégories ces
réductions d'effectifs vont-elles porter ?
Monsieur le ministre, nous ne nions pas l'augmentation de la délinquance,
surtout sous ses nouvelles formes. Nous ne nions pas non plus la nécessité
d'agir avec force, même si nos méthodes seraient probablement différentes des
vôtres. Nous souhaitons vivement que vous réussissiez. Veillez toutefois à ne
pas faire de promesses excessives... Attention aux rodomontades ! Il ne faudra
pas, après toutes ces promesses, décevoir la population.
(Applaudissements
sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot.
Monsieur le ministre, je dispose de trois minutes : c'est peu et c'est
beaucoup ! C'est en tout cas suffisant pour vous dire que j'approuve sans
réserve votre politique, que je salue vos efforts pour redonner de l'espoir à
notre pays, qui en a bien besoin.
Est-il nécessaire de rappeler qu'il n'existe pas de liberté réelle sans un
minimum de sécurité ?
Je voudrais cependant souligner, monsieur le ministre, qu'il ne saurait y
avoir une amélioration réelle dans le fonctionnement de notre société sans un
changement des mentalités. Il ne saurait y avoir une politique de sécurité sans
un développement de l'esprit de responsabilité.
Oui, les parents sont responsables de leurs enfants.
Oui, les enseignants sont responsables de l'instruction et du sens civique de
ces mêmes enfants.
Oui, nous devons substituer à une société d'assistanat une société de
responsabilité.
Concrètement, cela signifie que plus personne ne doit recevoir d'aide de la
collectivité sans contrepartie pour cette dernière. J'illustrerai mon propos en
prenant l'exemple du revenu minimum d'insertion.
S'il est nécessaire que des
minima
sociaux existent - et je suis
partisan de leur réévaluation - cela ne doit pas conduire à une démobilisation
de nos concitoyens, démobilisation que risque de produire une différence
insuffisante entre les revenus des actifs et ceux des inactifs.
C'est pourquoi je crois nécessaire de revaloriser l'acte de travail.
M. Gérard Le Cam.
Et donc le SMIC !
M. Philippe Adnot.
Les mesures préconisées par M. Fillon en faveur de l'emploi des jeunes non
diplômés vont dans le bon sens : tous les ministres doivent concourir à la
qualité de votre action en la confortant pour l'avenir.
La dernière minute qui me reste, monsieur le ministre, je souhaite la
consacrer au problème des gens du voyage.
Un sénateur socialiste.
Encore !
M. Philippe Adnot.
Je n'ignore rien du travail excellent déjà effectué par notre ancien collègue
Alain Joyandet ; je n'insisterai donc pas sur les différentes mesures déjà
proposées, que j'approuve.
Je souhaite simplement que nous réfléchissions sur tout ce qui concourt au
développement de rassemblements de plus en plus massifs de gens du voyage.
On peut, on doit faire mieux appliquer les ordres d'expulsion, mais - nous le
savons tous - cela reporte le problème chez les voisins. La politique des aires
aménagées était généreuse mais complètement illusoire ! Elles sont vandalisées
avant d'être ouvertes, trop petites quoi qu'il arrive.
La vérité, c'est qu'il faut s'interroger sur les raisons qui conduisent à ce
qu'il y ait de plus en plus de monde pour choisir ce mode de vie. Soyons clairs
: l'importance des rassemblements garantit l'impunité, l'incapacité d'agir des
représentants de la loi : pour déloger 200 ou 300 caravanes, il faut un
escadron ; comme il n'est pas toujours possible d'en mobiliser un,
l'intervention n'a tout simplement pas lieu.
Par exemple, aujourd'hui, dans notre pays, il est loisible aux personnes ainsi
rassemblées de prélever l'eau et l'électricité devant une gendarmerie, et ce
sans aucune crainte d'être inquiétées par quiconque. Par ailleurs, la technique
de célébration des mariages - laquelle peut durer près d'une semaine - sur ces
aires empêche l'application de toute mesure d'expulsion par les représentants
de l'Etat : même s'il y a un jugement, ils ne peuvent faire déplacer ces gens
puisqu'il s'agit d'un mariage ! La fraude est pourtant évidente.
On est également frappé par la qualité des matériels : marques de véhicules,
équipement télévisuel. Que pense le citoyen qui, lui, gagne le SMIC, paie son
camping, son eau et son électricité ? Nous savons tous que les revenus procurés
par le RMI ou certaines activités traditionnelles ne peuvent expliquer la
valeur des biens observés lors de ces rassemblements. C'est une question de bon
sens !
Monsieur le ministre, ces observations n'ont d'autre objet que de vous dire
combien nous apprécions votre combat quotidien, mené dans l'urgence,...
M. Pierre Hérisson.
Très bien !
M. Philippe Adnot.
... mais aussi combien nous souhaitons que, après avoir endigué les effets,
vous vous intéressiez aux causes.
Pour cela, il faut s'attaquer aux grands rassemblements des gens du voyage en
les rendant illégaux, sauf dérogation particulière obéissant à des critères
précis ; je pense, par exemple, à la célébration de fêtes telles que celle des
Saintes-Maries-de-la-Mer.
Il faut systématiquement rechercher l'origine des fonds qui permettent de
s'équiper luxueusement sans disposer manifestement des revenus légaux
adéquats.
Il faut non pas seulement penser à reporter sur le voisin ce qui nous gêne,
mais réduire un phénomène qui n'a rien de naturel. Un rassemblement de 100
caravanes se maîtrise ; un de 200, non !
Monsieur le ministre, si nous approuvons votre politique, nous souhaitons que
l'on traite les problèmes à leur source. Nous voulons participer avec vous au
changement de mentalité qui s'impose à notre pays.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Je veux à mon tour saluer la démarche du Gouvernement, votre démarche,
monsieur le ministre. Avec votre texte, les engagements du Président de la
République sont tenus. C'est simple, c'est lisible, c'est efficace.
J'entends certains esprit chagrins nous dire que tant les initiatives prises
sur le terrain depuis votre arrivée Place Beauvau que les mesures proposées
dans ce projet de loi auraient valeur de symbole ou ne seraient qu'affichage.
Ceux-là oublient que la politique, c'est l'expression tout à la fois de
valeurs, d'une vision et d'une volonté.
Les valeurs que nous défendons sont celles de la liberté et de la
responsabilité ; pour nous, il ne saurait y avoir des droits sans devoirs.
Notre vision, c'est non celle d'une France individualiste, explosée en de
multiples ghettos, communautés et corporations, mais celle d'une communauté de
destins, d'une France où vivent l'ensemble des femmes et des hommes différents,
dans le respect des autres, sans qu'aucun ne renonce à son identité.
La volonté, c'est celle du peuple, exprimée avec force le 21 avril, le 5 mai,
le 9 juin et le 16 juin : cette volonté que vous-même, monsieur le ministre,
incarnez par la vigueur de votre discours et la fermeté de vos actes, à savoir
la volonté non seulement d'agir, mais aussi de vous en donner les moyens.
Symboliques, les 13 500 emplois nouveaux ? Symbolique, le rapprochement de la
police et de la gendarmerie ? Symbolique, la cohérence revendiquée entre la
sécurité et la justice ? Pour la première fois, ces mesures sont chiffrées et
budgétées dans la durée. Pour la première fois également, les politiques sont
concertées, à l'exemple des projets de loi relatifs à la sécurité et à la
justice. Pour la première fois, enfin, ces politiques feront l'objet d'une
évaluation et le Gouvernement rendra compte chaque année des résultats de son
action.
Vous-même, monsieur le ministre, donnez l'exemple en publiant chaque mois les
statistiques de la délinquance et en fixant des objectifs concrets, quantifiés,
aux policiers et aux gendarmes.
M. Emmanuel Hamel.
Grand et bel exemple !
M. Jean-Claude Carle.
Voilà un discours auquel l'Etat ne nous avait pas habitués.
Reste la question de la place des élus et des collectivités locales dans la
nouvelle architecture que vous nous présentez.
Certes, les maires sont les premiers agents de l'Etat sur le territoire.
Certes, ils ont qualité d'officier de police judiciaire. Certes, la loi leur
confère des pouvoirs de police. Mais de la théorie à la pratique, il y a un
fossé !
C'est tout juste si les maires n'apprennent pas par la presse locale les
infractions, délits et crimes commis sur le territoire de leur commune, alors
que leurs prérogatives justifieraient une information en temps réel par le
procureur de la République ou par son substitut.
Contrairement à ce qui a été avancé, les maires n'ont pas vocation à devenir
des shérifs. Cependant, ils sont confrontés tous les jours à une demande
croissante de sécurité qu'ils ne sont pas en mesure de satisfaire.
Je prendrai l'exemple de l'accueil des gens du voyage, problème qu'a évoqué
avec une grande compétence mon collègue et ami Pierre Hérisson. Le gouvernement
précédent est parti de l'idée selon laquelle les élus ne voulaient pas
appliquer la loi dans ce domaine. D'où le caractère contraignant de la loi
Besson et l'omniprésence du représentant de l'Etat dans la procédure, au point
qu'on finit par se demander pourquoi l'Etat ne réalise pas directement les
aires d'accueil et ne fait pas respecter lui-même la loi.
Lors de l'examen de ce texte, j'avais mis en garde le gouvernement précédent
et exprimé mes doutes, d'une part, sur l'insuffisance des règles, d'autre part,
sur la capacité de l'Etat à faire appliquer celles qu'il a lui-même édictées.
La réalité, depuis, m'a donné raison.
J'en veux pour prendre l'exemple suivant : dans l'Essonne, des gens du voyage
se sont installés au début de l'année aux abords d'un établissement, sur un
site classé « Point et réseau sensibles ». Le sous-préfet et le préfet, pas
plus que le général de corps d'armée du commandement de la force logistique
terrestre, n'en avaient eu connaissance. Dix jours plus tard, une dizaine de
caravanes supplémentaires s'étaient installées, alors qu'une demande en référé
avait été déposée par l'établissement concerné.
A Grenoble, ce sont 150 caravanes qui ont squatté le campus de l'université
pendant près d'un an.
Dans les Yvelines, c'est un maire qui, ayant interdit l'accès à un terrain,
voit des gens du voyage foncer sur lui avec une pelleteuse qu'ils avaient
louée. La commune a dû attendre cinq semaines pour obtenir l'arrêt d'expulsion
!
En Haute-Savoie, c'est le maire de Ville-la-Grand qui est pris à partie alors
qu'il fait respecter la loi en lieu et place de l'Etat. Frappé au visage avec
une arme de poing, cet élu y a perdu partiellement l'usage d'un oeil. De même,
le maire de Thonon-les-Bains, dans des circonstances quasi analogues, a failli
être renversé par une voiture.
Quelque temps plus tard, c'est un chef d'entreprise qui a été agressé à l'arme
blanche, toujours en tentant de s'interposer.
Face à la loi du plus fort, que valent les pouvoirs de police du maire ?
Voyons la réalité telle qu'elle est : cette année, tous les schémas
départementaux auraient dû être signés. Actuellement, seuls dix-sept
départements en ont signé un, et cinquante-six en sont encore à la phase
d'élaboration. C'est d'autant plus ennuyeux que les mesures de lutte contre le
stationnement sauvage, les interdictions ou les évacuations sont conditionnées
par la mise en place de ces schémas.
Le temps de mener l'action de justice en cas d'occupation illégale et de
mobiliser l'Etat, les gens du voyage se sont déplacés de quelques centaines de
mètres et le problème n'est toujours pas réglé ! Sans compter le coût des
dégradations, à la charge des communes, et bien d'autres charges, comme le
branchement direct sur les réseaux d'eau et d'électricité communaux.
Non seulement la répétition des procédures judiciaires liées à la fréquence
des infractions se révèle coûteuse pour le budget communal mais, dans les
faits, l'intervention de la force publique a rarement lieu.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je voudrais mettre à profit l'examen du
projet de loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure pour
vous demander un nouveau débat tirant les conséquences des carences de la loi
Besson, qui aborde certes le problème de l'accueil des gens du voyage, mais
reste muette sur le contrôle financier des personnes dont le train de vie
affiché ne semble pas compatible avec leurs activités professionnelles
déclarées. J'ai bien noté que les groupes d'intervention régionaux, destinés à
lutter en particulier contre les trafics illicites et l'économie souterraine,
allaient prendre en charge les délits commis par les gens du voyage lorsqu'ils
présenteraient les caractéristiques justifiant l'intervention de plusieurs
administrations, notamment de l'administration fiscale.
Nous avons également relevé que, dans le cadre de la lutte contre les
activités lucratives non déclarées portant atteinte à l'ordre public et à la
sécurité publique, les agents des douanes, des impôts, de la concurrence et de
la répression des fraudes devraient répondre aux demandes formulées par les
officiers et agents de police judiciaire pour les renseignements de nature
financière, fiscale ou douanière sans que le secret puisse leur être opposé.
Pour faire face, notamment, aux difficultés liées à l'accueil des gens du
voyage et afin de mieux protéger la propriété privée, le Gouvernement propose
enfin de sanctionner plus efficacement le refus d'obtempérer aux injonctions
formulées à l'encontre de groupes de personnes occupant illégalement la
propriété d'autrui, qu'elle soit publique ou privée. Outre des sanctions
financières, la confiscation des véhicules ayant servi à commettre l'infraction
pourra être décidée.
Ce sont là des acquis qu'il convient de saluer. Il reste cependant des
améliorations à apporter à la loi.
Je pense notamment à l'occupation illégale de terrain, qui n'est appréhendée
aujourd'hui que sous l'angle du stationnement irrégulier et qui relève de la
compétence des tribunaux civils alors qu'elle devrait faire l'objet de
sanctions pénales.
Je pense aussi à la protection juridique des maires quand ils interviennent en
qualité d'officier de police judiciaire garant du respect de la loi sur le
territoire de la commune.
Je pense également à la simplification et à l'accélération de la procédure
d'expulsion en cas d'occupation illégale constatée,
a fortiori
lorsque
existe une aire d'accueil à proximité.
Je pense enfin à la nécessité d'être d'une sévérité exemplaire avec ceux qui
utilisent des mineurs pour commettre des délits, car ils savent que les peines
encourues par ces derniers sont plus légères. C'est d'ailleurs l'objet de
l'amendement que le Sénat a adopté, sur ma proposition, lors du débat sur le
projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice. Cela est
particulièrement vrai dans certaines communautés de nomades qui incitent ou
contraignent leurs enfants à voler ou à mendier.
Dans cette perspective, la rencontre avec votre homologue roumain va dans le
bon sens, car elle pemet de s'attaquer au problème à la source et d'apporter
des solutions à l'immigration clandestine à l'échelle européenne.
Il ne s'agit pas de tomber dans l'amalgame, comme on a pu nous le reprocher,
d'autant que, sur 300 000 à 350 000 gens du voyage, 100 000 sont des manouches
quasiment tous de nationalité française. Il est donc nullement question de
xénophobie.
Mme Nicole Borvo.
Vous faites bien de le préciser !
M. Jean-Claude Carle.
Il s'agit de faire en sorte que la loi soit la même pour tous, y compris pour
ceux qui résident momentanément sur notre territoire. Comme l'a très bien dit
M. Hérisson : « La loi, ni plus ni moins ».
Il faut en effet se mettre à la place de nos concitoyens : allez leur faire
admettre qu'il leur faut payer des frais d'huissier pour récupérer la
jouissance de leur bien, sans parler du coût probable des détériorations qu'il
aura subies !
Je vous remercie, monsieur le ministre de bien vouloir prendre en compte cette
exigence et de nous dire, durant ce débat, quelles dispositions vous envisagez
de prendre pour qu'il en soit ainsi.
Permettez-moi enfin d'évoquer brièvement les mesures que le Gouvernement veut
mettre en place pour permettre à l'éducation nationale de veiller à un contrôle
renforcé du respect de l'obligation de scolarisation. Cela va dans le sens des
propositions de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des
mineurs, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur.
J'y ajouterai deux suggestions afin d'améliorer le délai de réponse aux actes
délictueux commis par des mineurs.
Ainsi, ne pourrait-on étendre les prérogatives des brigades de prévention de
la délinquance juvénile de la gendarmerie en conférant à leurs représentants la
qualité d'officier de police judiciaire dont ils sont actuellement
dépourvus?
Par ailleurs, je suggère de réduire le délai lorsqu'on interroge le fichier
central des empreintes digitales, car ce délai peut atteindre plusieurs
semaines, voire plusieurs mois, laissant aux jeunes une longue période pour
commettre de nouveaux délits.
Derrière ma demande, il n'y a pas l'expression de je ne sais quelle dérive
sécuritaire. Au demeurant, souvent, ceux qui dénoncent cette dérive sont
ceux-là mêmes qui nous expliquaient en 1968 qu'il était « interdit d'interdire
». On en voit aujourd'hui le résultat !
Non, mes chers collègues, dans la demande de plus de sécurité et de
responsabilité, il y a simplement cette exigence, fondement de notre République
: que la loi soit la même pour tous.
Monsieur le ministre, le groupe des Républicains et Indépendants votera ce
projet de loi, qui vise à ce que chaque Française et chaque Français, en
particulier les plus modestes, puissent jouir de la première des libertés, à
savoir la sécurité.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
5