SEANCE DU 29 JUILLET 2002
M. le président.
L'amendement n° 3, présenté par M. Oudin, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La commission des comptes des transports de la nation remet un rapport
annuel au Gouvernement et au Parlement retraçant et analysant l'ensemble des
flux économiques, budgétaires et financiers attachés au secteur des
transports.
« Ce rapport annuel :
« - récapitule les résultats socio-économiques du secteur des transports en
France, en termes notamment de production de richesse et d'emplois ;
« - retrace l'ensemble des contributions financières, fiscales et budgétaires
versées aux collectivités publiques par les opérateurs et usagers des
transports ;
« - retrace l'ensemble des financements publics en faveur des opérateurs et
usagers des transports, en distinguant clairement les dépenses consacrées au
fonctionnement du secteur des transports de celles consacrées à
l'investissement ;
« - met en valeur les résultats obtenus par rapport aux moyens financiers
publics engagés ;
« - récapitule la valeur patrimoniale des infrastructures publiques de
transport en France. »
La parole est M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Je relisais récemment un rapport qui a été approuvé à l'unanimité par la
commission des finances du Sénat et que j'ai eu l'honneur de présenter. Ce
rapport est intitulé : « Le financement des infrastructures de transport :
conduire la France vers l'avenir ». Je suppose que chacun en a pris
connaissance avec intérêt.
Comme on peut le lire à la page 80 dans un chapitre intitulé : « Quelles
propositions pour l'avenir ? », nous pensions à la commission des finances, que
vous aviez alors l'honneur de présider, monsieur le ministre : « La priorité
absolue doit être la consolidation et la clarté des comptes. »
Cet amendement s'inscrit dans la logique la plus stricte des propositions que
la commission des finances avait à l'époque adoptées.
Le secteur des transports tient une place essentielle dans notre vie
quotidienne, dans le fonctionnement de nos entreprises commerciales et
industrielles et dans la structuration de nos territoires.
La demande globale de transports augmente au même rythme que la croissance
économique, mais connaît un développement plus rapide dans certains
modes-aérien, autoroutier concédé. Aucune projection à long terme ne fait
apparaître le moindre ralentissement de cette demande de transports qui est, de
surcroît, stimulée par la mondialisation des échanges, l'élargissement et
l'approfondissement de l'espace européen et la mobilité croissante de nos
sociétés, et surtout de nos systèmes productifs, c'est-à-dire de nos
entreprises. Les préoccupations de sécurité, de fiabilité, de respect de
l'environnement sont de plus en plus importantes et nécessitent des
investissements accrus.
La satisfaction d'une demande croissante et le coût de plus en plus lourd des
infrastructures nécessitent des investissements considérables dans les domaines
des transports et, surtout, dans le secteur ferroviaire. Nous avons encore des
sueurs froides en pensant au coût du tunnel Turin-Milan, par exemple.
Tous les pays européens, la France en particulier, se heurtent à des
difficultés très importantes pour financer le développement et l'entretien de
leurs infrastructures de transports. Or les activités de transport en France
génèrent des recettes très importantes pour l'Etat, qui perçoit notamment la
taxe sur la valeur ajoutée des activités de transport, la taxe intérieure sur
les produits pétroliers, des prélèvements sur les péages autoroutiers - le
tiers de 40 milliards de francs ! - les dividendes et l'impôt sur les sociétés
versés par les sociétés concessionnaires d'autoroutes, etc.
Dans le même temps, le fonctionnement du réseau de transports et le
développement des infrastructures exigent un soutien financier public toujours
plus important, notamment, pour le secteur ferroviaire - et c'est légitime -,
alors que l'importance de la dette ferroviaire - 258 milliards de francs - et
l'abandon du mécanisme de l'adossement pour la construction de nouvelles
liaisons autoroutières restreignent les capacités d'investissement public.
Afin que les parlementaires soient mieux informés, dans l'esprit de la loi
organique du 1er août 2001 et des dispositions qui ont été adoptées pour les
comptes de la sécurité sociale, le présent amendement tend à demander à la
commission des comptes des transports de la nation, organisme placé auprès du
ministre chargé des transports, de remettre au Gouvernement et au Parlement un
rapport annuel retraçant et analysant l'ensemble des flux économiques,
budgétaires et financiers du secteur des transports.
Je crois avoir entendu tout à l'heure M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie dire qu'il fallait remettre de l'ordre dans les
comptes. Cet amendement a précisément pour objet de demander au Gouvernement
d'informer davantage le Parlement sur la remise des comptes dans le secteur des
transports.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini
rapporteur.
Chacun connaît l'attachement de notre collègue Jacques Oudin
à plus de volontarisme dans le domaine du financement des grandes
infrastructures de transport. En tant que rapporteur spécial pour les questions
de transport, il a souhaité, et c'est bien logique, utiliser ce débat pour nous
faire partager les convictions qui sont les siennes.
Le dispositif de cet amendement a pour objet de mettre en valeur l'importance,
en termes économiques et financiers, du secteur des transports pour la
collectivité nationale, et, également d'obtenir des éléments d'information
complémentaires sur les moyens financiers publics accordés aux infrastructures
de transport, alors que de nombreux projets sont à financer, qu'il s'agisse de
projets ferroviaires, routiers ou fluviaux.
Notre collègue Jacques Oudin va poursuivre naturellement ses travaux en
qualité de rapporteur spécial. La commission pense très sincèrement que la mise
en place du rapport sollicité serait, pour les travaux du rapporteur spécial et
pour la commission dans son ensemble, un point d'appui très utile nous
permettant de mieux exercer les responsabilités qui nous ont été confiées.
Telle est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert
ministre délégué.
Le décret du 2 septembre 1992 prévoit que la
commmission des comptes des transports de la nation examine un rapport établi
par l'INSEE et les services du ministère des transports sur la situation du
secteur des transports. Cette commission se réunira d'ailleurs le 20 septembre
prochain pour débattre du rapport relatif à l'exercice 2001.
Toutefois, comme le souligne M. Oudin, le rapport actuel de la commission des
comptes des transports doit être un document de référence aussi complet que
possible, à l'image du rapport de la commission des comptes de la sécurité
sociale. Les améliorations qu'il suggère permettraient d'y parvenir. Bien
entendu, le rapport pourrait être transmis au Parlement si celui-ci y a
convenance.
Le Gouvernement n'est pas, je dois le reconnaître, totalement convaincu quant
à l'absolu nécessité de dispositions législatives pour y parvenir. Aussi, M.
Oudin ne m'en voudra pas de lui dire - je fais appel à dix années de relations
au sein de la commission des finances - que, n'ayant pas eu le temps de
consulter mon collègue M. Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la
mer, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 11.
L'amendement n° 11, présenté par MM. Poniatowski, Larcher et Auban, Mme
Beaudeau, MM. Billard, A. Boyer, Branger et Braun, Mme Brisepierre, MM.
Calmejane, Carrère, Cazalet, César, Charasse, Clouet, Collin, Cornu, Demilly,
Doligé, Doublet, Dufaut, A. Dupont, Dussaut, Flandre, François, Girod et
Goulet, Mme Gourault, MM. Gouteyron, Grillot, Guené, Hérisson, Lanier, Le Cam,
Legendre, Le Grand et du Luart, Mme Létard, MM. Madrelle, Martin, Mathieu,
Miraux, Moinard, de Montesquiou, Natali, Oudin, Pelchat, Pelletier, Pépin,
Pintat, Revet, Revol, Trillard, Trucy, Valade, Vantomme et Vasselle, est ainsi
libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La redevande cynégétique "gibier d'eau", instituée par l'article R.
223-26 du code rural, n'est plus perçue à compter du 1er juillet 2003.
« II. - Il est institué une taxe additionnelle aux droits sur le tabac visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, dont le montant est fixé
pour compenser les pertes de recettes résultant du présent article et le
produit affecté à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. »
La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Cet amendement, cosigné par une soixantaine de sénateurs siégeant sur toutes
les travées de cette assemblée, est identique à un amendement qui avait été
présenté par une quarantaine d'entre nous à l'occasion de l'examen de la loi de
finances pour 2002 et qui avait été adopté à l'unanimité en décembre 2001, je
tenais à le rappeler.
Cet amendement a pour objet de supprimer la redevance cynégétique « gibier
d'eau », qui est d'un faible montant, puisqu'elle s'élève à 96 francs. Cette
suppression tient à plusieurs raisons.
D'abord, c'est que cette redevance n'est pas affectée majoritairement à des
actions conformes à son objet. Instituée en 1977, elle était principalement
destinée à apporter un complément de financement à l'Office national de la
chasse de l'époque, afin de lui permettre de réaliser notamment des études sur
la faune sauvage. Or, alors que le produit de cette redevance représentait
presque 20 millions de francs, soit 2,9 millions d'euros, à peine le quart de
cette somme est effectivement utilisé à cette fin. Le reste est une ressource
supplémentaire qui permet tout simplement à l'ONC d'effectuer d'autres
tâches.
Nous sommes bien conscients qu'en supprimant cette redevance nous retirons une
petite ressource à l'ONC. C'est pour cela que la mesure est gagée. Mais je
pense que ce sera inutile, car l'ONC s'est lancé dans un processus de
fonctionnarisation de ses 1 700 agents.
Autrement dit, ce que les chasseurs acquittaient par le biais du permis de
chasser sera dorénavant pris en charge par l'Etat, très vraisemblablement à
partir de 2003...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vraiment, cela va dans le bon sens...
M. Ladislas Poniatowski.
... et l'ONC disposera donc vraisemblablement de toutes les ressources dont
elle aura besoin.
Ne payaient cette redevance que les chasseurs de gibier d'eau en France, soit
environ 400 000 personnes. Ce sont les chasseurs les plus modestes puisqu'ils
ne chassent que le gibier d'eau. Mais ils chassent plus tôt que les autres
chasseurs et finissent de chasser bien après eux. Lorsque la redevance avait
été adoptée, la période de chasse s'étendait, en effet, du 14 juillet à la fin
du mois de mars. Aujourd'hui, même si une petite menace pèse sur les dates
d'ouverture et de fermeture, la période de chasse a diminué de plus de trois
mois pour cette catégorie de chasseurs. Cet élément justifie tout à fait la
suppression de cette redevance.
J'espère que cet amendement subira le même sort que celui qu'il a subi en
décembre dernier, c'est-à-dire qu'il sera adopté à l'unanimité.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Comment la commission s'opposerait-elle à un aussi
bel élan ? Compte tenu du grand nombre de signatures émanant de tous les
groupes politiques de cette assemblée,...
M. Jacques Oudin.
C'est un tir groupé !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... comment pourrions-nous contrecarrer un mouvement
consensuel !
Il est vrai que le Sénat avait adopté à l'unanimité un amendement identique à
l'occasion de la discussion de la loi de finances pour 2002 et que la
commission des finances avait émis un avis favorable sur cet amendement que
l'Assemblée nationale avait, hélas ! ensuite rejeté.
Que le groupe « chasse » reprenne la même argumentation est logique, et que la
commission des finances ne se déjuge pas l'est tout autant. Toutefois, nous
insistons sur le fait que l'Office national de la chasse, comme toutes les
entités du secteur public, devra sans doute faire quelques efforts de gestion
pour adapter ses structures à ses missions, même si les dispositions prises
sous l'ancien gouvernement lui ont permis, comme M. Poniatowski l'a rappelé, de
recruter un grand nombre de fonctionnaires, ce qui, assurément, va encore
charger la barque de ce secteur de l'administration et des comptes publics.
Enfin, à chaque jour suffit sa peine ! Aussi, dans l'immédiat, la commission
des finances, confirme son avis favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
La proposition de suppression au 1er juillet de la
redevance « gibier d'eau », perçue au profit de l'Office national de la chasse
et de la faune sauvage ne suscite pas de désaccord de fond de la part du
Gouvernement, puisqu'il s'agit d'une simplification, comme l'a dit tout à
l'heure M. Ladislas Poniatowski.
Le Gouvernement rappelle toutefois que cette suppression peut avoir un effet
sur l'équilibre financier de l'office, dont la situation est déjà déficitaire.
J'aurais préféré que nous étudiions cette question lors de l'examen du projet
de loi de finances pour 2003, et que nous prenions à cette occasion quelques
précautions, afin que l'équilibre financier dudit office ne soit pas menacé. Si
le Sénat décidait, ce soir, d'adopter cet amendement, il ne faudrait pas que
nous nous sentions quittes pour autant de cette obligation qui est la nôtre de
faire en sorte que l'équilibre financier de l'office soit assuré. C'est la
raison qui me conduit à m'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je voudrais réagir aux propos de
M. le rapporteur général et de M. le ministre délégué au budget.
Cette mesure de simplification doit probablement contribuer à réduire les
charges de l'Office national de la chasse. Je voudrais cependant qu'il soit
bien clair ce soir que nous avons un devoir de cohérence par rapport à ce que
nous disons depuis ce matin de l'équilibre des comptes publics. Tous ceux
d'entre nous qui ont quelque influence sur l'Office national de la chasse
doivent veiller à ce que cette économie soit financée par l'institution, sans
qu'en aucune façon il soit fait appel au budget de l'Etat.
Nous devons, les uns et les autres, en particulier les signataires de cet
amendement, nous porter garants du respect de ce principe.
MM. Ladislas Poniatowski et Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement lève
le gage.
M. Hilaire Flandre.
Très bien !
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° 11 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 11.
L'amendement n° 14, présenté par M. Doligé, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« A. Dans le V
bis
de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre
1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, les taux :
"60 %", "40 %" et "20 %" sont remplacés (deux fois), respectivement, par les
taux : "75 %", "50 %" et "25 %".
« B. A la fin du V
bis
de l'article 12 de la loi n° 96-987 précitée,
les taux : "30 %", "20 %" et "10 %" sont remplacés par les taux : "37,5 %", "25
%" et "12,5 %".
« C. Dans le dernier alinéa du I de l'article 14 de la loi n° 96-987 précitée,
les taux : "60 %", "40 %" et "20 %" sont remplacés, respectivement, par les
taux : "75 %", "50 %" et "25 %".
« D. Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions des A, B
et C ci-dessus, l'article 12 de la loi n° 96-987 précitée est complété par un
paragraphe ainsi rédigé :
« VIII. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité
sociale du dispositif de suppression progressive des exonérations de
cotisations patronales prévues au V
bis
du présent article et au I de
l'article 14 est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
« E. Dans la deuxième phrase du premier alinéa du I de l'article 44
octies
du code général des impôts, les taux : "40 %", "60 %" et "80 %"
sont remplacés par les taux : "25 %", "50 %" ou "75 %".
« F. Dans le cinquième alinéa du I
ter
de l'article 1466 A du code
général des impôts, les taux : "60 %", "40 %" et "20 %" sont remplacés (deux
fois), respectivement, par les taux : "75 %", "50 %" et "25 %".
« G. Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions des E et F
ci-dessus, après le I
ter
de l'article 1466 A du code général des
impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« I
ter
A. - La perte de recettes résultant pour les collectivités
territoriales du dispositif de suppression progressive de l'abattement de taxe
professionnelle prévu au cinquième alinéa est compensée à due concurrence par
une augmentation de la dotation globale de fonctionnement. La perte de recettes
résultant pour l'Etat de l'alinéa précédent et du dispositif de sortie
dégressive de l'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés,
pour les entreprises bénéficiant du dispositif prévu au premier alinéa du I de
l'article 44
octies
est compensée à due concurrence par la création
d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A" ».
La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé.
Mon amendement n'a bien sûr rien à voir avec le précédent, mais il est de la
même veine que beaucoup de ceux qui ont été présentés ce soir : c'est un
amendement d'appel.
Comme vous pouvez le constater ce soir, monsieur le ministre, les
parlementaires, en particulier les sénateurs, attendent beaucoup du
Gouvernement : leurs nombreux amendements d'appels sont souvent autant d'appels
au secours !
En effet, nos collectivités locales sont dans des situations souvent
délicates, tout comme parfois le Gouvernement, puisque j'ai cru comprendre tout
à l'heure qu'il faisait appel à nous pour le BAPSA. Donc, chacun à notre tour,
nous essayons de nous soutenir pour nous sortir de situations parfois fort
difficiles.
Tout à l'heure, l'un de nos collègues, M. Moreigne, a parlé d'effets pervers.
Je dois dire que l'expression était assez pudique s'agissant de couvrir
quelques erreurs commises par le passé dont nous avons à subir les effets.
Notre collègue M. Ladislas Poniatowski évoquait la somme de 2,8 millions
d'euros pour cette taxe. J'indique, à titre d'information, que le surcoût de
l'APA pour mon département s'élève à 18 millions d'euros ! Vous voyez, les
échelles de valeur et ce que le gouvernement précédent était capable de faire
pour imposer certaines collectivités sans mesurer forcément l'ampleur des
catastrophes qui devaient nécessairement en résulter, comme on le voit
aujourd'hui.
Je vais vous parler des zones franches urbaines, monsieur le ministre. Nous
avons évoqué ce sujet lors de la dernière discussion budgétaire. Nous avions
alors proposé un dispositif de sortie progressive, dite sortie « en sifflet »,
pour les entreprises et tous ceux qui bénéficiaient d'un certain nombre
d'avantages dans ces zones, avantages dont nous avions pu constater l'heureux
effet.
Le Gouvernement avait accepté le principe de cette sortie en sifflet sur trois
ans, au rythme de 60 % la première année, 40 % la deuxième année, 20 % la
troisième et dernière année. Nous avions, nous, proposé des taux supérieurs,
précisément 75 %, 50 % et 25 %.
Cet amendement a pour objet de vous proposer de retenir ces taux, que nous
avions déjà adoptés en décembre dernier. S'agissant cependant d'un amendement
d'appel, le but est surtout de solliciter l'avis du Gouvernement de manière à
pouvoir revenir sur le sujet en ordre de bataille lors de la prochaine
discussion budgétaire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est une vraie question sur un sujet
d'importance.
Mes chers collègues, il y a bien des entrepreneurs qui, dans le cadre du
régime des zones franches urbaines, ont pris le risque de créer, qui un
commerce, qui un atelier, qui une petite entreprise dans des secteurs
véritablement difficiles.
Tout récemment, notre collègue Pierre André, sénateur de l'Aisne, a, dans un
excellent rapport, dressé l'état des lieux des zones franches urbaines et des
succès remportés. On peut voir que cette initiative, prise dans la loi de 1996
portant pacte de relance pour la ville, a été réellement efficace, pour
l'activité économique comme pour l'insertion sociale des jeunes issus des
quartiers défavorisés.
Au cours des cinq dernières années, jusqu'aux élections présidentielle et
législative, il a été de bon ton, du côté de la majorité d'alors, de dauber sur
les zones franches et de contester les résultats obtenus, plus encore, de
contester la méthode qui consistait à créer, par un régime incitatif,
l'environnement nécessaire pour que des chefs d'entreprise, des investisseurs
puissent réaliser leur projets.
Le Sénat avait, à l'époque, défendu avec détermination ces zones franches
urbaines.
Ce dispositif - il suffit, pour s'en convaincre, de consulter le rapport de M.
Pierre André - a très largement rempli le rôle qui lui avait été imparti.
La loi de finances pour 2002 a prévu, dans des conditions que le Sénat n'avait
pas approuvées, la sortie du dispositif des zones franches urbaines, mais une
sortie que l'on peut considérer aujourd'hui comme exagérément brutale. En
d'autres termes, des responsables d'activités économiques voient, dès l'année
2002, se dégrader leur situation en termes de charges sociales comme en termes
de charges fiscales. Il est à craindre que cette dégradation ne soit à
l'origine de réductions d'activités, voire de suppressions d'emplois dans des
secteurs qui déjà sont caractérisés par toutes sortes d'éléments pénalisants.
D'où l'appel de notre collège et ami Eric Doligé qui sollicite, monsieur le
ministre, une sortie plus progressive du régime de la zone franche urbaine.
Au demeurant, nous pouvons espérer que ce dispositif sera réévalué dans son
principe par le Gouvernement. En effet, nous avons cru comprendre que le
Président de la République et le Premier ministre s'intéressaient très
précisément aux résultats obtenus par les zones franches urbaines. Peut-être,
au-delà de 2002, connaîtrons-nous, avec l'année 2003, un dispositif permettant
de renouer avec l'esprit dans lequel les zones franches urbaines avaient été
conçues en 1996.
De ce fait, monsieur le ministre, il faudra traiter le hiatus de l'année 2002
et, surtout, délivrer aux entrepreneurs des secteurs concernés le message
qu'ils attendent et leur permettre de disposer de la visibilité à laquelle ils
ont droit.
La commission des finances souhaite donc que le Gouvernement communique à la
Haute Assemblée les éléments d'information susceptibles de répondre aux
interrogations de notre collègue Eric Doligé.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ainsi que M. le rapporteur général vient de le
rappeler, M. le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a
indiqué que les zones franches urbaines avaient démontré leur efficacité et que
le dispositif serait étendu. Le rapport de votre collègue Pierre André renforce
cette conviction.
Il reste cependant à préciser certaines modalités, compte tenu des contraintes
non seulement budgétaires mais aussi communautaires que nous ne pouvons pas
sous-estimer. Le Gouvernement y travaille avec beaucoup d'application et mon
collègue Jean-François Copé s'en assurait encore à l'instant, car il croit, lui
aussi, beaucoup à ce dispositif. Ce travail devrait aboutir le plus vite
possible - j'ai bien entendu l'apppel de M. le rapporteur général s'agissant de
l'exercice 2002 -, pour que nous soyons en mesure de définir les modalités du
futur régime.
Compte tenu de cette réponse, je souhaiterais que M. Doligé consente à retirer
son amendement. A défaut, dans la rédaction actuelle, je serais contraint de
demander à la Haute Assemblée de le rejeter.
M. le président.
L'amendement n° 14 est-il maintenu, monsieur Doligé ?
M. Eric Doligé.
Ma position ne vous surprendra pas, monsieur le président : je le retire. Je
ne voudrais pas faire de la peine à M. le ministre et le contraindre à
solliciter le rejet de mon amendement !
On a beaucoup parlé de confiance, notamment M. Mer tout à l'heure, et je fais
confiance au Gouvernement pour que ce dossier soit réexaminé très sérieusement
dans quelques mois.
M. le président.
L'amendement n° 14 est retiré.
L'amendement n° 29, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les membres du Gouvernement reçoivent un traitement brut mensuel égal
au total des indemnités allouées aux membres du Parlement en vertu de
l'ordonnance portant loi organique n° 58-1210 du 13 décembre 1958 relative à
l'indemnité des membres du Parlement.
« Le traitement du Premier ministre est égal à celui des ministres majoré de
60 %.
« Ces traitements sont soumis à l'impôt sur le revenu et aux cotisations
sociales obligatoires à concurrence du montant de l'indemnité parlementaire et
de l'indemnité de résidence, dans les conditions fixées par le premier alinéa
de l'article 80
undecies
du code général des impôts.
« II. - Le Premier ministre fixe par décisions individuelles le montant de
l'allocation mensuelle pour frais d'emploi attribuée à chaque membre du
Gouvernement pendant qu'il exerce ses fonctions pour couvrir ceux des frais
inhérents à ses fonctions qui, en raison de leur nature, ne peuvent pas être
pris en charge par les budgets des ministères concernés.
« Cette allocation pour frais d'emploi est au moins égale au montant le plus
élevé de l'allocation pour frais d'emploi dite « indemnité représentative de
frais de mandat » allouée aux membres du Parlement. Comme celle allouée aux
parlementaires, cette allocation n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu et
aux cotisations sociales obligatoires et le deuxième alinéa du 1° de l'article
81 du code général des impôts lui est également applicable.
« III. - Les membres du Gouvernement bénéficient pendant qu'ils sont en
fonction d'un régime au moins équivalant à celui accordé aux membres du
Parlement en ce qui concerne :
« - d'une part, les transports ferroviaires et aériens en France
métropolitaine et outre-mer ;
« - d'autre part, les dépenses de communications téléphoniques qui ne peuvent
pas être prises en charge par les budgets des ministères intéressés.
« Ces avantages en nature ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu ni aux
cotisations sociales obligatoires.
« IV. - Les indemnités visées à l'article 5 de l'ordonnance portant loi
organique n° 58-1099 du 17 novembre 1958 pour l'application de l'article 23 de
la Constitution sont égales au traitement défini au I. Ces indemnités sont
soumises à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales obligatoires dans
les mêmes conditions que ce traitement conformément à l'article 80
undecies
du code général des impôts.
« V. - Les crédits nécessaires à la mise en oeuvre des II et III sont inscrits
sur un chapitre unique, distinct de celui des traitements, salaires et
rémunérations diverses, du budget des services généraux du Premier ministre,
qui en assure l'ordonnancement.
« VI. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 8
mai 2002. »
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Le Parlement contrôle l'action
du Gouvernement, mais il doit aussi veiller à ce que la République traite
dignement les membres du Gouvernement. Or, force est de le constater, le
précédent gouvernement n'a pas procédé à la régularisation des moyens mis à la
disposition des membres du Gouvernement. Cet amendement vise donc à remédier à
ce problème.
Certes, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin aurait pu prendre l'initiative
de procéder lui-même à cette régularisation, mais il avait certainement
d'autres tâches plus urgentes, et plus contraignantes, dans ses priorités. Quoi
qu'il en soit, nous avons le devoir de veiller à la dignité, à l'indépendance
des membres du Gouvernement. C'est à cette nécessité que répondait l'amendement
déposé par notre collègue M. Michel Charasse, amendement qui tendait à aligner
les moyens mis à la disposition des ministres sur ceux qui sont mis à la
disposition des membres du Parlement.
La commission des finances, qui a examiné en début d'après-midi les
amendements, a émis, à la majorité, et sans opposition, un avis favorable sur
l'amendement de M. Charasse. Au moment où nous nous prononcions sur ces
amendements, nous pensions que l'examen de ce texte s'achèverait peu avant le
dîner. Il en est advenu différemment, mais nous avons eu des échanges tout à
fait intéressants auxquels nous avons eu raison de consacrer autant de temps.
Reste que l'amendement de M. Charasse n'a pas pu venir en discussion avant la
suspension. M. Charasse ayant des engagements pris de longue date, il n'était
pas en mesure de défendre l'amendement dont il était le seul signataire. Aussi,
monsieur le président, en début de soirée j'ai souhaité que vous différiez la
reprise de nos travaux afin de pouvoir réunir la commission des finances. Avec
M. le rapporteur général, nous sommes convenus de présenter, au nom de la
commission des finances, l'amendement initialement déposé par M. Michel
Charasse.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
La commission des finances a
donc décidé ce soir, sans opposition, de soumettre au Sénat cet amendement.
M. Emmanuel Hamel.
Vive Michel Charasse !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission des finances reprend donc l'amendement
de M. Michel Charasse dans son texte même, sans en modifier un mot ni une
virgule.
Il s'agit de promouvoir un mécanisme parfaitement transparent, un mécanisme
simple selon lequel la rémunération des membres du Gouvernement comprendrait,
en premier lieu, un traitement brut mensuel égal aux indemnités des
parlementaires, en second lieu, une allocation mensuelle pour frais d'emploi,
fixée par référence à l'indemnité équivalente des parlementaires pour frais de
mandat.
Il s'agit pour la commission de faire en sorte que le régime de rémunération
des membres du Gouvernement repose sur toutes ces dispositions, et sur ces
dispositions seulement. La transparence ferait ainsi des progrès tout à fait
réels et les responsabilités, si difficiles, de membre du Gouvernement
pourraient être exercées quelle que soit la situation patrimoniale individuelle
de chaque membre du Gouvernement,...
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... ce qui, dans une République, paraît être un
objectif tout à fait raisonnable qui, nous semble-t-il, doit être clairement
fixé dans la loi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Il est exact que le précédent gouvernement n'avait pas
mis en place, au 1er janvier 2002, de régularisation des moyens mis à la
disposition des membres du Gouvernement, laissant à son successeur le soin de
résoudre la difficulté. Il est tout aussi exact que la transparence est
indispensable.
A ce jour, l'actuel gouvernement n'a pas pris d'initiative pour traiter cette
question, considérant qu'elle n'entrait pas, vous le comprendrez, dans ses
priorités immédiates, et faute de temps, il n'a pas été en mesure d'expertiser
le détail de votre proposition. Dans ces conditions, je ne peux ni m'opposer à
l'amendement n° 29 ni l'accepter. Il ne me reste donc plus qu'à m'en remettre à
la sagesse du Sénat, dans l'attente de la réunion de la commission mixte
paritaire.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 29.
M. Gérard Miquel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel.
La situation des membres du Gouvernement, tout le monde s'accorde sur ce
point, est difficile.
En effet, M. Jospin a supprimé les fonds secrets, et cela était nécessaire. Il
a réglé la question pour les membres des cabinets ministériels, mais l'a
laissée en suspens pour les ministres.
L'amendement n° 29, qui a d'abord été présenté par M. Michel Charasse, a été
brièvement examiné par la commission. Nous constatons que sa rédaction appelle
probablement certaines améliorations. En effet, le sujet est délicat, et nous
devons être très vigilants, car la presse, orale ou écrite, ne manquera pas
s'en faire l'écho.
Au paragraphe II de l'article que tend à insérer cet amendement, il est
précisé que « le Premier ministre fixe par décisions individuelles le montant
de l'allocation mensuelle pour frais d'emploi », et l'alinéa suivant dispose
que « cette allocation pour frais d'emploi est au moins égale au montant le
plus élevé de l'allocation pour frais d'emploi dite "indemnité représentative
de frais de mandat" allouée aux membres du Parlement ».
Existerait-il des niveaux différents de l'indemnité représentative de frais de
mandat ? De plus, pourquoi préciser « au moins égale » ? Si je lis bien, cela
signifie aussi qu'elle peut être bien supérieure !
En tout état de cause, si l'amendement n° 29 est mis aux voix dans la
rédaction qui nous est proposée ici, le groupe socialiste ne participera pas au
vote.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 29.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 11.
Vote sur l'ensemble