SEANCE DU 2 JUILLET 2002
MESSAGE
DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
M. le président. J'ai reçu de M. le Président de la République la lettre suivante :
« Paris, le 1er juillet 2002.
« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous informer que j'ai décidé, en application de l'article
18 de la Constitution, d'adresser, demain mardi 2 juillet 2002 au Parlement, un
message.
« Je vous serais reconnaissant d'en donner lecture à votre Haute Assemblée à
l'occasion de sa séance de seize heures.
« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments
les meilleurs.
« Signé : Jacques Chirac. »
Je vais donner lecture du message de M. le Président de la République.
(Mmes et MM. les membres du Gouvernement ainsi que Mmes et MM. les sénateurs
se lèvent.)
« Mesdames et messieurs les sénateurs,
La nation s'est prononcée. Elle m'a confié un nouveau mandat. J'ai nommé le
Gouvernement de la France. L'Assemblée nationale a été élue. Une politique
nouvelle a commencé d'être appliquée. L'action est engagée.
« Nos compatriotes ont exprimé leur exigence de liberté, de dialogue et de
respect. Ils ont dit leur besoin d'un Etat efficace pour lutter contre la
violence, le chômage et la précarité. Ils ont manifesté leur volonté de
retrouver les chemins de la croissance, de l'emploi et de la puissance
économique.
« Ils se sont dressés pour défendre les valeurs de la République. Au nom des
droits de l'homme, la jeunesse s'est rassemblée. Avec elle, c'est toute la
nation qui a lancé un appel à la vigilance et à l'engagement. Cet appel a été
et sera entendu. J'en suis le garant.
« Réunis en session extraordinaire par la nécessité et l'urgence de l'action,
il vous revient de donner sans délai force de loi à la volonté nationale.
« Chacun connaît aujourd'hui la situation de la France, qui doit être regardée
avec lucidité et détermination.
« Notre pays n'a pas le choix de rester immobile dans un monde en mouvement,
dynamique, mais aussi instable.
« Au sursaut démocratique des Français doit répondre un véritable sursaut
politique pour rendre à l'action publique sa force et son efficacité.
« Tel est mon devoir aujourd'hui, tel est le devoir du Gouvernement, tel est
notre devoir à tous. Ce sursaut de la volonté politique, il vous appartient,
vous aussi, de l'incarner au service de la France et des Français.
« Dès le milieu de l'été, vous aurez adopté des textes essentiels pour
renforcer l'autorité de l'Etat, garantir la sécurité des Français, restaurer la
compétitivité de la France et assurer la solidarité nationale.
« Notre démocratie a le devoir de se rendre plus proche des attentes des
Français. C'est ainsi que l'abstention reculera. Les institutions de la
République sont un bien précieux. C'est en les faisant vivre au service de tous
que chacun de nos concitoyens ressentira le besoin de participer par son vote
aux grands choix de la nation.
« Le contrat passé avec les Français implique une exigence de résultats. Du
respect de cette exigence dépendra leur confiance.
« Chaque année, avant la fin de la session ordinaire, le Gouvernement rendra
compte de la mise en oeuvre des engagements pris devant le pays, annoncera les
étapes suivantes de son action, engagera sa responsabilité devant l'Assemblée
nationale et sollicitera l'approbation par le Sénat d'une déclaration de
politique générale.
« En démocratie, le Gouvernement doit pouvoir s'appuyer sur une majorité
cohérente et stable. Ce sera désormais le cas. Mais une démocratie apaisée doit
aussi faire toute sa place à l'opposition. Je serai attentif au respect de cet
impératif qui est au coeur du dialogue républicain. »
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. le président.
« Les exigences de l'action au service de l'intérêt national seront lourdes,
les obstacles à franchir seront nombreux. Mais je sais que chacun d'entre vous
a conscience de l'ampleur et de la difficulté de la tâche.
« Garantir la sécurité des personnes et des biens, protéger nos concitoyens
contre les atteintes croissantes portées à l'environnement, prévenir les
risques alimentaires et les dangers industriels.
« Préserver et consolider notre protection sociale. Assurer l'avenir des
retraites. Donner un nouveau souffle à notre système de santé.
« Protéger les plus faibles, faire reculer le chômage, combattre la pauvreté
et l'exclusion, lutter résolument contre les discriminations, qui contredisent
tout ce qui fait la force de l'idéal français.
« Permettre aux Français de travailler et d'entreprendre sans entraves, de
réaliser leurs projets, de réussir, de profiter des fruits de leurs efforts.
Ouvrir ainsi à la France un nouvel espace de création, d'activité, de
croissance et d'emploi.
« Enfin, redonner toute sa force et sa réalité au principe d'égalité des
chances. Faire le pari de l'intelligence, perfectionner notre système éducatif,
combattre l'illettrisme, faire reculer l'échec scolaire, organiser la formation
tout au long de la vie.
« Depuis deux mois, le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin agit sans
relâche. Demain, il s'assurera de votre confiance pour poursuivre l'action
engagée au service des Français.
« Un profond changement est nécessaire dans les méthodes de l'action
publique.
« L'exigence de la responsabilité doit se traduire par le renforcement des
pouvoirs de contrôle du Parlement. Dans le prolongement direct des principes
consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, je souhaite
que le Parlement se donne désormais réellement les moyens d'évaluer l'action
publique. Ceux qui votent la loi doivent pouvoir s'assurer de sa bonne
application par le Gouvernement et l'administration. La représentation
nationale n'épuise pas sa mission au service de la volonté générale quand elle
a énoncé le droit.
« Le moment est venu par ailleurs de reprendre la longue marche, si souvent
contrariée, vers la décentralisation, pour mettre en place une nouvelle
architecture des pouvoirs. Les décisions intéressant nos concitoyens devront
désormais être prises au niveau le plus proche des réalités. J'appelle à un
grand débat national sur les libertés et les responsabilités locales. Je
souhaite une réforme profonde du titre XII de notre Constitution, qui traite
des rapports de l'Etat et des collectivités locales, en métropole comme
outre-mer.
« Nous devons également inscrire dans notre pratique et notre droit la
priorité donnée au dialogue social. Les partenaires sociaux seront
systématiquement invités à négocier sur les grandes réformes qui intéressent
les relations du travail, avant toute initiative législative du
Gouvernement.
« La loi doit fixer un cadre et des règles essentielles, en veillant à la
simplicité de leur application. Mais il faut désormais que notre droit fasse
toute leur place au contrat et à la liberté individuelle.
« Enfin, trop longtemps différée, la réforme de l'Etat s'impose aujourd'hui
comme un impératif majeur. L'administration et les services publics doivent
accélérer leurs efforts de modernisation, réformer leurs habitudes pour que
l'Etat soit plus efficace, que ses procédures soient plus souples et que la
qualité du service rendu aux Français réponde pleinement aux exigences de nos
compatriotes.
« Une démocratie apaisée, une cohésion nationale renforcée, un dynamisme
économique retrouvé, une capacité de défense confortée donneront à notre pays
les moyens de participer davantage aux progrès de l'Union européenne et de
s'engager plus encore pour nos idéaux universels, pour la maîtrise de la
mondialisation, pour la solidarité avec les pays pauvres et pour la sauvegarde
de notre planète.
« Fidèle à sa vocation, la France oeuvrera avec détermination à l'apaisement
des tensions dans un monde trop souvent injuste et brutal, ainsi qu'au
rapprochement des peuples, au dialogue des cultures et à la paix.
« Mesdames et messieurs les sénateurs,
« La politique de la France doit être portée par une grande ambition
nationale. Une ambition partagée. Une ambition à la mesure des attentes
qu'expriment nos compatriotes. Une ambition digne de notre peuple et de son
histoire.
« Respectueux du mandat que les Français m'ont donné, je serai respectueux des
prérogatives qui sont les vôtres.
« Garant de l'unité nationale, j'entends être le gardien vigilant d'une
exigence : celle de l'efficacité d'une action publique que je veux attentive
aux besoins de toutes et de tous.
« Que chacun, ayant mesuré sa responsabilité, accomplisse sa mission au
service du peuple français !
« Vive la République, Vive la France ! »
Le Sénat donne acte à M. le Président de la République de son message, qui
sera imprimé sous le numéro 341 et distribué.
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