SEANCE DU 7 FEVRIER 2002
PUBLICATION ET DIFFUSION
DE CERTAINS SONDAGES D'OPINION
Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 184, 2001-2002),
adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant la loi
n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de
certains sondages d'opinion. [Rapport n° 193 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter au nom du
Gouvernement modifie la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la
publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion.
Des circonstances de fait et de droit ont motivé cette initiative.
Si l'article 11 de la loi de 1977 interdit la publication, la diffusion et le
commentaire de tout sondage d'opinion ayant un rapport direct ou indirect avec
une élection ou un référendum pendant la semaine qui précède chaque tour de
scrutin ainsi que pendant le déroulement de celui-ci, on sait que cette
interdiction est cependant de plus en plus fréquemment détournée.
On se souvient notamment de l'initiative d'un organe de presse situé hors du
territoire national diffusant un sondage portant sur le second tour du scrutin
de l'élection présidentielle de 1995, la loi ne lui étant pas opposable.
Plus récemment, à l'occasion des élections législatives de 1997, certains
médias ont même indiqué à leurs lecteurs les adresses de sites Internet
étrangers donnant accès au résultat de ces sondages.
Le développement des nouvelles technologies de l'information et de la
communication est une réalité que le législateur doit prendre en compte.
Par ailleurs, les tribunaux ont longtemps considéré que les dispositions de la
loi du 19 juillet 1977 étaient compatibles avec celles de l'article 10 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales. Ainsi, le Conseil d'Etat, en 1995 et en 1999, et la Cour de
cassation, en 1996, avaient jusqu'alors débouté les requérants qui contestaient
cette compatibilité.
Par un arrêt rendu le 4 septembre 2001, la Cour de cassation est toutefois
venue modifier l'état du droit applicable. Elle a en effet jugé que les textes
fondant la poursuite instauraient une restriction à la liberté de recevoir et
de communiquer des informations qui n'était pas nécessaire à la protection des
intérêts légitimes énumérés par l'article 10-2 de la convention.
Il en résulte que la transgression des dispositions de l'article 11 de la loi
du 19 juillet 1977 ne peut plus, aujourd'hui, faire l'objet d'une sanction
pénale pourtant prévue par ce texte.
Or, comme l'a fait observer le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans sa
recommandation du 23 octobre 2001 : « La diffusion de sondages interdits
pourrait être considérée par le Conseil constitutionnel comme de nature à
altérer la sincérité du scrutin, avec les conséquences électorales que cela
pourrait comporter. »
Postérieurement à la décision de la Cour de cassation, le président du Conseil
constitutionnel a lui-même fait savoir au Gouvernement « qu'il apparaissait
extrêmement souhaitable au Conseil constitutionnel, chargé de veiller au bon
déroulement de l'élection présidentielle, que des mesures législatives claires
et dissuasives interviennent rapidement en vue d'interdire la production et la
diffusion de sondages relatifs aux résultats d'une élection au moins la veille
et le jour de chaque tour de scrutin. »
Il devenait donc indispensable de modifier la loi du 19 juillet 1997 afin de
maintenir le principe de l'interdiction de la diffusion des sondages liés à une
consultation électorale, dans la stricte mesure où l'exige la préservation de
la sincérité du scrutin.
Autrement dit, il s'agit de conjuguer ces deux exigences fondamentales que
sont la sincérité du scrutin et la liberté d'expression en veillant, mieux que
précédemment, au respect du principe de proportionnalité.
Le projet de loi du Gouvernement substitue tout d'abord à l'interdiction d'une
durée d'une semaine prévue aujourd'hui par l'article 11 de la loi du 19 juillet
1977 une interdiction qui ne commencera à courir qu'à compter de la veille du
scrutin, soit le vendredi à minuit.
En outre, il prévoit que l'interdiction s'appliquera également aux sondages
ayant déjà fait l'objet d'une publication, d'une diffusion ou d'un commentaire
avant la veille de chaque tour de scrutin.
Pourquoi cette échéance ? Outre la suggestion qui nous était faite en ce sens
par le président du Conseil constitutionnel, cette date correspond à la clôture
de la campagne audiovisuelle. Elle correspond également à la fin de la campagne
de l'élection présidentielle.
Il serait en effet paradoxal, si toute interdiction disparaissait, qu'en
publiant et en commentant des sondages, les médias puissent poursuivre le débat
électoral, alors même que les candidats eux-mêmes seraient privés de tout droit
de réponse.
Pour des raisons évidentes, notamment pratiques, cette interdiction ne fera
pas obstacle à la poursuite de la diffusion des publications parues ou des
données mises en ligne avant le vendredi à minuit. L'objet de la loi n'est en
effet ni de contraindre les gestionnaires de sites Internet à supprimer de
leurs archives accessibles au public des informations relatives à des sondages,
ni de faire cesser la mise en vente des publications, hebdomadaires, par
exemple, parues les jours précédents.
Ces informations sont, par nature, « figées » à leur date de mise en ligne ou
de diffusion. Aucun commentaire nouveau ne figurera dans ces médias pendant la
période d'interdiction et, contrairement à ce qui a pu être entendu ou lu, il
n'y aura donc pas rupture d'égalité avec la presse quotidienne soumise à cette
même interdiction.
Enfin, pour garantir que la commission des sondages pourra exercer
efficacement son contrôle, la notice que l'organisme ayant réalisé le sondage
doit lui adresser, dans la rédaction actuelle du texte, « à l'occasion » de sa
publication ou de sa diffusion, devra lui être désormais transmise « avant »
cette publication ou cette diffusion.
En effet, en l'absence de toute condition de délai posée par la loi, les
instituts de sondage avaient naturellement tendance à déposer cette notice
après la publication. Cette pratique ne facilitait pas l'intervention
éventuelle de la commission pour faire publier en temps utile une mise au point
ou une rectification.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les dispositions principales
du projet du Gouvernement.
A lire avec attention le remarquable travail de votre rapporteur, M. Patrice
Gélard, vous pouvez constater que les éléments de diagnostic et de proposition
nous sont, pour l'essentiel, communs.
Certes, il est reproché au Gouvernement d'avoir, en déposant ce projet de loi,
ignoré les travaux parlementaires qui l'ont précédé et que M. le rapporteur du
Sénat a rappelés fort opportunément dans son rapport.
Je voudrais y revenir rapidement, car le Gouvernement n'avait aucunement
l'intention d'ignorer le droit d'initiative législative tant de l'Assemblée
nationale que du Sénat.
D'abord, le projet de loi du Gouvernement n'avait pas pour ambition, dans les
circonstances de droit et de fait que j'ai rappelées, de procéder à une réforme
du droit des sondages.
En se consacrant à l'essentiel, notre souci était bien d'aborder ce débat en
ménageant les conditions du plus large consensus.
Ensuite, les travaux parlementaires n'étaient pas tous concordants.
Enfin, il nous paraissait utile, tout particulièrement en cette matière, de
recueillir préalablement l'avis du Conseil d'Etat.
J'ai néanmoins pris acte, lors des travaux préparatoires à l'examen de ce
texte par l'Assemblée nationale, de la volonté du rapporteur de contribuer,
pour sa part, au consensus que nous souhaitions en intégrant au projet des
dispositions issues des travaux parlementaires antérieurs.
C'est bien pourquoi, lors des débats, le Gouvernement, quand il n'était pas
spontanément favorable aux amendements proposés, s'en est remis à la sagesse de
l'Assemblée nationale.
Le texte qui vous est maintenant soumis représente la synthèse de ces apports
du Gouvernement et de chacune des deux assemblées.
Les conditions me semblent dès lors pleinement réunies pour une approbation
définitive, parce que conforme, du texte. Chacun, dans sa responsabilité, aura
contribué à atteindre l'objectif que nous visions à l'occasion d'un débat qui,
s'il se conclut ce jour, n'aura par ailleurs pas chargé l'ordre du jour du
Parlement plus que ne l'aurait fait toute autre méthode.
(Applaudissements
sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'intervention du
ministre, il ne me reste plus grand-chose à dire, d'autant qu'il m'a semblé
s'être assez largement inspiré du rapport de notre commission et de celui qui a
été présenté à l'Assemblée nationale.
Je regrette toutefois que nous n'ayons pas été plus rapides et que nous
n'ayons pas adopté en temps voulu la proposition de loi, adoptée à l'unanimité
le 17 mai 2001, qu'avaient déposée nos estimés collègues MM. Hoeffel et
Jolibois, et votre serviteur.
Je regrette également que la disposition qui avait été présentée par le groupe
socialiste concernant les élections locales n'ait pas été retenue parce qu'elle
soulève un vrai problème dont il faudra sans doute reparler à l'avenir.
Mais, pour l'essentiel, il était temps, effectivement, que l'on revienne sur
la loi du 19 juillet 1977. Je note à cet égard que, si la Cour de cassation
n'avait pas statué ainsi, dans son arrêt du 4 septembre 2001, il est
vraisemblable que nous n'aurions pas été appelés à modifier la législation sur
les sondages, alors que nous avions agi depuis le mois de mai 2001 et que nous
avions réitéré notre proposition le 16 janvier 2002 lors de la discussion du
projet de loi relatif à la démocratie de proximité.
Ces remarques préliminaires étant faites, je ne m'appesantirai pas, ayant déjà
présenté ce texte en mai 2001, qui a de nouveau suscité des interventions lors
de l'examen du projet de loi sur la démocratie de proximité. Par conséquent,
non bis in idem,
en l'occurrence
non ter in idem
. Ce n'est pas la
peine d'insister plus longtemps sur ce qui a été de nombreuses fois répété dans
cette enceinte.
Rappelons seulement que la législation du 19 juillet 1977 est devenue obsolète
et que nous devons tirer les conséquences de la décision de la Cour de
cassation.
Je ferai une remarque sur ce point : trop souvent, aujourd'hui, la Cour de
cassation se substitue au législateur parce que celui-ci n'est pas intervenu en
temps utile.
Il est vrai que l'arrêt de la Cour de cassation n'interdit pas une certaine
réglementation des sondages, et je pense que le projet de loi que nous
examinons aujourd'hui coïncide parfaitement avec les dispositifs de cet
arrêt.
Nous proposons tout simplement - c'est ce que, d'ailleurs, les instituts de
sondage et les organes de presse ont, toujours respecté - que la veille du
scrutin la presse soit neutre.
Il suffit de regarder les journaux de province : la veille d'un scrutin, ils
se limitent à présenter la photographie des candidats et à rappeler l'essentiel
de leur programme ; ils ne vont pas plus loin.
A mes yeux, une déontologie s'impose d'elle-même tant aux sondeurs d'opinion
qu'aux organes de presse ; elle consiste à ne pas intervenir dans la dernière
ligne droite de la campagne. Je pense donc que les recommandations du président
du Conseil constitutionnel et de la commission des sondages ainsi que la prise
de position du Conseil supérieur de l'audiovisuel nous incitent à mettre en
place un mécanisme simple et abordable par tous. C'est l'objet du texte de loi
qui a été adopté par l'Assemblée nationale et qui nous est soumis
aujourd'hui.
Quelle en est l'économie ? Elle est claire : interdiction de publier des
sondages la veille et le jour du scrutin. A cela, il y a une raison simple : si
l'on publie des sondages jusqu'à la dernière minute, c'est-à-dire jusqu'à la
clôture du scrutin, les droits des candidats ne sont plus respectés, car le
droit de réponse ne pourra être exercé et la commission des sondages ne pourra
pas exiger de rectifications, elle n'en aura pas le temps. Or il est nécessaire
que le droit de réponse puisse s'exercer.
Cette remarque étant faite, je m'interroge : que se passera-t-il quand un
candidat battu par son adversaire de quelques voix seulement déposera un
recours devant le Conseil constitutionnel en mettant en avant que les sept ou
huit voix qui lui manquent sont dues à un sondage qu'il a estimé tendancieux ?
Je n'aimerais pas être à la place des membres du Conseil constitutionnel qui
auront alors à se prononcer, surtout s'il s'agit d'une élection présidentielle.
L'ajournement d'une telle élection pour cette raison aurait en effet des
retombées médiatiques particulièrement négatives !
J'en viens à quelques point secondaires.
D'abord rien n'interdit à un candidat à l'élection présidentielle ou aux
élections législatives de faire réaliser pour son compte des sondages à la
dernière minute, sous réserve que ceux-ci ne soient pas publiés. Cela s'est
toujours fait et continuera à se faire.
Ensuite, il est vrai que l'on ne peut ni maîtriser l'information sur le Net,
ni contrôler
Le Soir
de Bruxelles ou
La Tribune de Genève.
Mais,
soyons sérieux, le nombre d'électeurs touchés par ce type d'information est
tout de même extrêmement faible ! La plupart de nos concitoyens ne se
précipiteront pas pour obtenir les toutes dernières prévisions électorales.
Enfin, la loi que nous examinons aujourd'hui n'est peut-être qu'une loi
transitoire qu'il conviendra ensuite d'améliorer, mais il nous faut néanmoins
l'adopter, et vite, si nous ne voulons pas nous retrouver dans un système de
non-droit à la veille de l'élection présidentielle, ce qui ne serait pas
tolérable.
Je pense que, même en l'état, elle obligera les organes de presse et les
instituts de sondage à la prudence : je suis en effet convaincu qu'ils
hésiteront beaucoup à publier un sondage d'opinion à la veille d'un scrutin,
d'autant qu'ils courent le risque d'être désavoués le lendemain ! C'est la
raison pour laquelle je suis optimiste.
Je tiens, en outre, à souligner que les députés ont amendé le projet de loi en
tenant très largement compte des dispositions que nous avions votées au Sénat,
notamment en ce qui concerne le rôle de la commission des sondages et la place
que cette institution doit tenir.
Surtout, et c'est l'aspect positif, je crois que le peuple français est majeur
dans son comportement électoral. Il sait maintenant comment utiliser les
sondages. Et il sait aussi que ceux-ci ne sont que des photographies
instantanées, comportant par conséquent une marge d'erreur que les spécialistes
estiment à 5 % et tentent de corriger par des méthodes internes.
Enfin, la publication des sondages jusqu'au vendredi, c'est-à-dire jusqu'à
l'avant-veille, permettra peut-être aux Français d'affiner leur point de vue ;
mais ils peuvent aussi ne pas tenir compte de ces prévisions et être
parfaitement majeurs face au scrutin !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, et comme vient de le dire
excellemment M. Gélard, ce projet de loi a pour objet d'adapter la législation
relative à la publication des sondages afin de la mettre en conformité avec les
nouveaux moyens de communication et de tirer toutes les conséquences d'une
récente décision de la Cour de cassation.
La proximité des échéances électorales - les présidentielles et les
législatives - rendait son adoption urgente. Il aurait en effet été
irresponsable de se retrouver, à la veille d'une élection aussi importante,
dans un état de non-droit, de vacuité juridique.
Vous vous êtes efforcé, monsieur le ministre, de trouver une solution
équilibrée au problème posé en cherchant à concilier la liberté d'expression et
la nécessaire information de l'opinion avec la sincérité du scrutin.
Il est vrai que, lors des dernières élections législatives, les journaux qui
avaient enfreint la disposition de la loi de 1977 n'avaient pu être condamnés.
Il était donc d'autant plus nécessaire de légiférer à nouveau que le
développement d'Internet a bouleversé les conditions de publication et d'accès
aux sondages, et créé une inégalité entre les citoyens qui peuvent accéder aux
informations disponibles sur ces nouveaux supports et les autres.
Ce texte est positif. C'est pourquoi nous nous réjouissons qu'un large accord
se soit dégagé tant à l'Assemblée nationale qu'au sein de la commission des
lois du Sénat, et j'espère qu'il en sera de même, dans un instant, dans cet
hémicycle.
Ne perdons pas de vue la finalité du texte : quel que soit le délai, les
sondages ne sont qu'un instrument. Gardons-nous d'instaurer une sorte de
démocratie d'opinion dans laquelle les acteurs de la vie politique
s'efforceraient de coller aux attentes de l'opinion telles que les révéleraient
les sondages. L'opinion est une construction, ce n'est pas une donnée qui va de
soi. On réduirait la politique à un jeu de miroirs, et tous tiendraient alors
le même discours. Or, ce que l'on attend des acteurs politiques, c'est qu'ils
disent ce qu'ils pensent, qu'ils fassent progresser le débat démocratique et
qu'ils avancent des solutions, des propositions qui leur tiennent à coeur.
M. le rapporteur l'indiquait, ce texte connaîtra sans doute des prolongements
en raison des disparités qui existent. M. Gélard soulignait que peu de citoyens
peuvent accéder à Internet ou aux médias étrangers. Or, en raison du principe
d'égalité, la discrimination, ou la différence de situation, demeure
inacceptable.
Par ailleurs, il est probable que le nombre de personnes ayant accès aux
informations diffusées soit par la presse étrangère, soit par Internet, soit
par les deux, ira croissant. Monsieur le ministre, il sera par conséquent
utile, à l'avenir, de réfléchir, peut-être à la faveur de l'expérience, sur
l'article 2 et de nous interroger sur l'interdiction faite de commenter les
sondages existant depuis six mois, depuis quatre mois, depuis huit jours, alors
que pourront toujours être diffusés les commentaires et informations publiés
avant le vendredi. C'est une question délicate, car il n'est pas facile de
trouver le bon équilibre. Il faudra sans doute revenir sur certaines
dispositions pour tâcher de les améliorer, étant entendu que ce n'est pas là
chose aisée.
Je terminerai par un aspect très important du projet de loi, celui qui vise à
mieux préciser les modalités d'élaboration et de diffusion des sondages. Trop
de personnes prennent les sondages pour argent comptant, si je puis dire, alors
que, les moindres rudiments de science statistique nous l'enseignent, les
marges d'erreur sont considérables et ne sont jamais diffusées. Elles devraient
pourtant l'être ; cela permettrait d'avoir une vision parfaitement objective
des informations apportées par ces sondages.
Cela étant dit, monsieur le ministre, le groupe socialiste votera votre projet
de loi tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale, les dispositions
apportées par cette dernière s'inspirant, comme l'a rappelé M. Gélard, des
travaux du Sénat. Nous souhaitons que l'unanimité dont ce texte a fait l'objet
au sein de la commission des lois trouve sa traduction lors du vote final
qu'émettra notre assemblée.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en moins
d'un mois, notre assemblée doit examiner une nouvelle fois la législation
relative aux sondages électoraux. Mais il ne s'agit pas, aujourd'hui, de
s'interroger ni même de nier l'évidence : les études d'opinion existent et
elles sont publiées par le biais des nouveaux moyens d'information - réseaux
câblés de télévision, télévision par satellite et Internet - jusqu'aux heures
qui précèdent les scrutins.
Il ne s'agit pas non plus de critiquer les sondages électoraux en eux-mêmes.
Ils participent, d'une certaine manière, à la vie démocratique. Ils sont source
d'information pour les citoyens et un moyen d'élaborer ou de préciser d'une
stratégie pour les partis politiques.
Je tiens à rappeler que les parlementaires s'étaient opposés, en 1997, à la
restriction de la publication des sondages.
Au cours des vingt-quatre dernières années, la crise de la politique s'est
accentuée, nourrie par trop de désillusions et d'affaires politico-financières
et judiciaires. Cette crise constitue la toile de fond sur laquelle vient se
greffer le phénomène de l'abstention.
Ce contexte est peu favorable au débat d'idées, et les tentatives de
bipolarisation de la vie politique écartant toute alternative réelle pour les
citoyens se renforcent. La présidentialisation de notre système politique
pousse dans cette direction.
La campagne électorale qui s'engage n'échappe pas, hélas ! à cette règle.
D'emblée, deux candidats sont placés en pole position. Ils sont si
incontournables qu'ils n'ont nul besoin de se déclarer.
Cette évolution de la vie politique n'est pas sans poser des problèmes. Elle
met fondamentalement en cause le pluralisme.
En effet, peut-on nier que l'utilisation à répétition de sondages depuis
plusieurs mois en lieu et place du débat d'idées joue un rôle dans
l'établissement d'un vote par procuration ?
Il s'agit, ici - je l'ai précisé voilà un instant - non pas de mettre en cause
l'existence des sondages eux-mêmes, mais bien d'alerter sur leur maniement.
J'appelle donc à une plus grande rigueur déontologique et à une désacralisation
des sondages qui, rappelons-le, peuvent comporter une marge d'erreur, comme
nous l'avons constaté en 1995, lors des dernières présidentielles. Ils ne sont
qu'un instrument, comme l'a rappelé Jean-Pierre Sueur. Nous pouvons faire
pleinement confiance aux citoyens qui, déjà, sont d'une grande prudence face à
la déferlante de chiffres souvent contradictoires. Ils sont majeurs, je dirai
même vaccinés !
La seule bonne raison qui pourrait justifier une interdiction des sondages
avant une élection serait l'impossibilité de réparer le préjudice en cas de
manipulation de l'opinion publique à partir d'un sondage biaisé. Mais il
revient à la commission des sondages de vérifier la loyauté des sondages et de
prendre les décisions qui s'imposent afin d'assurer leur objectivité et leur
qualité. Elle a tous pouvoirs pour faire appliquer la loi.
De plus, ladite commission devra veiller au respect du principe
constitutionnel qu'est l'égalité devant la loi concernant la publication des
sondages la veille et le jour du scrutin. On sait que, dernièrement encore, un
certain nombre de journaux se sont inquiétés.
Cela ne doit pas pour autant nous exonérer, nous, parlementaires, de faire
preuve d'une grande vigilance à l'égard d'outils qui peuvent être détournés de
leur fonction originelle.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ces remarques étant faites, les
membres du groupe communiste républicain et citoyen voteront le projet de loi
qui nous est soumis.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen. - M. Sueur applaudit également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er A