SEANCE DU 11 DECEMBRE 2001
ÉLOGE FUNÈBRE
DE MARTIAL TAUGOURDEAU,
SÉNATEUR D'EURE-ET-LOIR
M. le président.
Mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre de Martial Taugourdeau.
(Mme le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Notre collègue Martial Taugourdeau est décédé le 14 octobre dernier dans les
circonstances, à la fois communes et tragiques, qui sont celles d'un accident
de la route.
Il avait soixante-quatorze ans. Sa disparition soudaine nous a tous
profondément affectés par sa brutalité et son absurdité. Nous avons perdu un
collègue estimé, un ami, un homme de grande valeur, auquel nous étions, les uns
et les autres, attachés.
Martial Taugourdeau était né le 14 décembre 1926 en Anjou, à
Beaufort-en-Vallée, dans une famille modeste de producteurs de semences.
Après des études secondaires au lycée d'Angers, il poursuit en pleine guerre
des études de médecine à Paris. Devenu médecin généraliste, il s'installe en
1952, à la suite des hasards d'un remplacement à Dreux, à Tremblay, en
Eure-et-Loir. Il liera désormais son destin à ce village du Thymerais.
Martial Taugourdeau était médecin de campagne. Il était fier de ce métier,
qu'il concevait comme une mission et même comme un véritable sacerdoce, avec
tout ce que cette notion implique de disponibilité, de dévouement et
d'attention aux autres. Ce n'est qu'en 1985 que le poids croissant de
l'engagement politique de notre collègue le conduira, à regret, à ne plus
exercer.
Mais le métier de médecin est de ceux que l'on ne quitte jamais vraiment et
Martial Taugourdeau était resté médecin au plus profond de lui-même, certains
d'entre nous peuvent en témoigner.
Administrateur de l'hôpital de Dreux, il multipliera les engagements auprès
des hôpitaux locaux de son département ainsi que des organismes sanitaires et
sociaux. Se sentant tenu d'agir pour tous ceux qui souffrent, il soutiendra
avec force la lutte contre l'alcoolisme, ainsi que la protection sanitaire de
l'enfance.
Mais, surtout, le docteur Martial Taugourdeau avait, chevillé au coeur, un
humanisme qui le portait à l'engagement permanent.
Le respect de la personne humaine était un principe fondamental pour lui. La
clarté de ses choix, la fidélité aux engagements pris et la préservation de son
indépendance ont toujours guidé son action. L'écoute de l'autre était également
l'une de ses qualités premières.
Toute la vie de Martial Taugourdeau témoigne de ces qualités, qui en firent,
je le répète, un homme unanimement apprécié : ici, certes, mais ailleurs
aussi.
C'est ainsi que, très vite, notre collègue est adopté par la population de
Tremblay, à laquelle il dispense, avec une disponibilité totale, ses soins
attentifs. Il s'investit parallèlement dans l'action associative et syndicale à
la tête du syndicat des médecins d'Eure-et-Loir.
Très actif, simple et direct, il est vite remarqué, et c'est assez
naturellement qu'en 1959 ses concitoyens l'élisent au conseil municipal, sans
même qu'il ait fait acte de candidature.
Elu maire en 1971, il sera constamment réélu jusqu'aux élections de mars
dernier, auxquelles il n'avait pas souhaité se représenter.
Sitôt élu, Martial Taugourdeau opère une délicate fusion de six communes,
qu'il réussit, pour former Tremblay-les-Villages. Cette opération permettra de
mieux regrouper les moyens mis au service de ses administrés et de donner à la
nouvelle commune tous les éléments permettant son nécessaire développement.
Cette opération audacieuse révélera, à l'évidence, le précurseur en matière
d'innovation dans la gestion des collectivités locales que fut pendant toute sa
vie publique Martial Taugourdeau.
En 1979, notre collègue est élu conseiller général de Châteauneuf. Il accède à
la présidence du conseil général sept années plus tard. Sous son impulsion,
collèges, maisons de retraite et établissements spécialisés connaissent alors
un vaste mouvement de rénovation.
Les qualités d'homme de progrès de Martial Taugourdeau et son intérêt pour
l'innovation en matière de démocratie de proximité se manifesteront
quotidiennement à la tête de l'assemblée départementale. C'est ainsi qu'en 1990
Martial Taugourdeau initie, pour la première fois en France, une convention de
financement à options multiples. Cette innovation sera à l'origine d'une
remarquable optimisation de la gestion des finances de l'Eure-et-Loir.
Attaché à un développement harmonieux et équitable, il veille scrupuleusement
à l'équilibre des villes et des campagnes, instituant des mécanismes de
solidarité et de péréquation.
Il tirait une fierté légitime de son action à la tête du département et son
bilan, d'une efficacité exemplaire, emporte, à juste titre, une très large
adhésion.
Il avait annoncé son départ pour 2004 et travaillait à sa succession, tout en
donnant un nouvel élan à son action avec un notable rajeunissement de son
équipe.
Gaulliste de toujours, avec une fibre sociale très marquée, nourrie de son
expérience professionnelle, Martial Taugourdeau adhère en 1968 à l'Union
démocratique pour la République.
Il est élu député en 1978. Battu en 1981, il retrouve son siège en 1986 et est
réélu en 1988.
Il se définissait volontiers comme un « gaulliste de bon sens », et c'est
ainsi qu'il était perçu par ses compatriotes.
Martial Taugourdeau était consensuel, mais fidèle à ses idées. Il était
diplomate, mais volontaire. Son sens du dialogue servait avant tout sa volonté
de faire progresser les choses au service d'une conception exigeante de
l'intérêt général. Ecouter, entendre, puis décider et agir était la démarche,
éminemment parlementaire, que Martial Taugourdeau aura mise en pratique.
Prolongement naturel de son intérêt et de son engagement en faveur de la
gestion des collectivités territoriales et de la démocratie de proximité,
Martial Taugourdeau rejoint tout naturellement notre Assemblée en 1989. Il y
est nommé membre de la commission des affaires sociales.
Très vite, nous avons été nombreux à remarquer cet homme à la stature
imposante et à l'autorité certaine. Intervenant avec mesure et clairvoyance, il
siégeait parmi nous avec sagesse et chaleur. Il avait gagné le respect de
chacun d'entre nous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous
siégeons.
Toujours sensible aux questions sociales et de santé, il était largement
intervenu dans la discussion de la proposition de loi relative à la prise en
charge de l'autisme.
Père de huit enfants, Martial Taugourdeau consacrait son rare temps libre à sa
famille, que l'orphelin précoce qu'il avait été chérissait avec attention. Mais
sa maison n'en restait pas moins largement ouverte à tous ceux qui éprouvaient
le besoin d'un réconfort, d'un conseil, ou tout simplement d'un signe d'amitié.
Telle était la conception, large et ouverte, qu'il avait de sa mission au
service des autres.
Croyant profondément à la valeur du travail de proximité et à l'importance du
quotidien, il cherchait sans relâche des solutions concrètes pour les problèmes
de la vie de tous les jours qui lui étaient exposés. Les plus faibles pouvaient
compter sur son appui.
A sa famille aujourd'hui frappée par le deuil, à son épouse, à ses enfants, à
tous ses concitoyens du Thymerais, je voudrais, au nom du Sénat tout entier,
apporter le témoignage de notre profonde sympathie.
Que ses amis du RPR et ses collègues de la commission des affaires sociales
reçoivent nos condoléances émues et sincères, avec la tristesse qui les
accompagne.
Madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vous invite à observer, à
la mémoire de Martial Taugourdeau, une minute de silence.
(Mme le secrétaire
d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le Gouvernement s'associe avec respect à l'hommage solennel que le
Sénat rend aujourd'hui à Martial Taugourdeau, sénateur d'Eure-et-Loir, décédé
tragiquement, le 14 octobre, dans un accident de la route.
Martial Taugourdeau était, dans le plein sens de l'expression, un élu de
terrain. Venu de son Anjou natal, il connaissait bien, pour l'avoir maintes
fois parcourue, d'abord comme médecin de campagne puis comme maire et
conseiller général, cette région rurale située entre Dreux et Chartres et où il
s'était installé à la fin de ses études médicales.
Au contact des familles frappées par la maladie et, parfois, par l'embarras,
il acquit très vite, grâce à un profond sens du contact humain et à une grande
capacité d'être à l'écoute de la souffrance des autres, la confiance de la
population. Son action en faveur des personnes âgées, dans la lutte contre
l'alcoolisme ou pour la protection de l'enfance, était particulièrement
appréciée.
Elu conseiller municipal de sa commune de Tremblay-le-Vicomte en 1959, il en
devient le maire en 1971. Animé par le goût du concret, il réalise alors
rapidement deux projets qui lui tiennent particulièrement à coeur : la création
d'une école maternelle rurale et, dans un tout autre ordre d'idées, une fusion
de communes qui donne naissance à la collectivité de Tremblay-les-Villages.
Porté à la tête du conseil municipal, il restera le maire de cette nouvelle
commune jusqu'aux dernières élections municipales de mars 2001.
A la présidence du conseil général d'Eure-et-Loir, qu'il assumait sans
interruption depuis 1985, Martial Taugourdeau savait convaincre par le dialogue
et la recherche de solutions de bon sens.
Militant gaulliste convaincu, d'une sourcilleuse fidélité à ses engagements,
Martial Taugourdeau était devenu, au fil du temps, une personnalité politique
fortement ancrée sur le plan local et départemental, ce qui n'allait pas,
parfois, sans une certaine indépendance par rapport aux orientations nationales
de son parti.
Au sein de votre assemblée, où il siégeait depuis 1989 après avoir été élu à
trois reprises député, Martial Taugourdeau était membre de la commission des
affaires sociales. A ce titre, et aussi, bien sûr, en raison de sa compétence
professionnelle, il accordait une attention particulière aux questions liées à
la santé publique et à la protection sociale. On lui doit, notamment, une
proposition de loi tendant à assurer une prise en charge adaptée de
l'autisme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, par sa « force tranquille », Martial
Taugourdeau s'était acquis un respect qui dépassait largement le cercle de sa
famille de pensée. Clair dans ses choix, modéré dans son expression, il savait,
dans ses différentes fonctions électives, faire prévaloir l'intérêt général
tout en apportant une dimension humaniste à son action politique.
Au nom du Premier ministre et des membres du Gouvernement, j'exprime à son
épouse, à ses enfants et à toute sa famille mes sentiments de tristesse.
A ses amis et collègues du groupe du Rassemblement pour la République, je
transmets ma très sincère sympathie.
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants,
pendant lesquels nous serons en pensée avec celui qui nous a trop tôt
quittés.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures
cinquante.)