SEANCE DU 24 AVRIL 2001


M. le président. La parole est à M. Darcos, auteur de la question n° 1052, adressée à Mme le secrétaire d'Etat au logement.
M. Xavier Darcos. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question porte sur les difficultés de gestion auxquelles est sérieusement confronté l'office public d'HLM de Périgueux, que je préside ; j'imagine d'ailleurs que d'autres offices publics d'HLM se trouvent dans la même situation.
Les difficultés de gestion résultent de deux causes majeures.
D'une part, l'office doit faire face à des locataires indélicats qui quittent leur logement sans préavis, sans remettre les clefs qui leur ont été confiées et, bien entendu, sans payer de loyer.
Les actes d'incivisme sont de plus en plus fréquents, ce qui a un coût pour la collectivité. A cet égard, je citerai quelques exemples qui vous permettront de mesurer l'ampleur du problème : loyers non payés, défaut d'assurance, non-présentation du locataire aux convocations de l'office public d'HLM ; loyers non payés suivis d'abandon du domicile ; absence du locataire, forte consommation d'eau due à la non-fermeture des robinets, procédure d'expulsion interminable pour impayés en cours ; locataire quittant son logement en laissant le réfrigérateur débranché, ce qui entraîne un problème d'insalubrité dans tout l'immeuble sans que l'on puisse avoir accès à l'appartement ; locataire qui dépose les clefs de son logement dans la boîte aux lettres de l'office sans que l'on sache de quel appartement il s'agit ; procédures engagées par l'office d'HLM auprès du tribunal d'instance de Périgueux pour récupérer le logement, etc.
Plusieurs années sont parfois nécessaires pour récupérer un logement abandonné. Les procédures sont lentes et coûteuses ; elles encouragent les mauvais payeurs, qui savent que la loi les protège.
Ainsi, l'article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 stipule qu'« en cas d'abandon du domicile, le contrat de location continue à bénéficier à un certain nombre d'ayants droit ».
Il convient donc de dissocier le locataire confronté à une difficulté passagère de paiement de loyers de celui qui, par son irresponsabilité, cause un préjudice à la collectivité.
C'est la raison pour laquelle il me paraît urgent de mieux définir la notion d'abandon de domicile et de prévoir que, en cas de relance de loyers impayés par lettre recommandée restée sans réponse, la cause résolutoire de résiliation doit s'appliquer en fixant un délai maximum de récupération des lieux.
En d'autres termes, je souhaiterais, madame le secrétaire d'Etat, que le juge puisse disposer d'outils juridiques adaptés afin de mettre un terme aux exemples sus-mentionnés, qui ne sont pas rares et qui font ressortir un blocage et un vide juridique. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour combler ces lacunes ?
D'autre part, l'office rencontre des difficultés de gestion dues à des logements laissés vacants après le décès d'un locataire ; voilà un autre casse-tête !
L'article 1324 du nouveau code de procédure civile dispose qu'un mois après le décès du locataire, lorsqu'il n'y a pas d'héritier connu, le juge du tribunal d'instance peut autoriser le propriétaire des locaux sur lesquels ont été apposés des scellés à procéder à ses frais à l'enlèvement des meubles.
Or il existe un décalage entre le droit et la pratique, et les juges sont confrontés à des difficultés d'interprétation de la loi dont les contours sont indécis.
Je voudrais vous soumettre, là encore, quelques exemples signalés par l'office public d'HLM de Périgueux : le fils d'un locataire a renoncé à la succession, mais le juge n'a pu appliquer l'article 1324 du nouveau code de procédure civile du fait de l'existence de deux soeurs et d'un frère ; l'office a dû entreprendre de difficiles démarches pour contacter les héritiers éventuels en vue d'une renonciation à succession.
Autre exemple : un locataire décédé a eu deux filles d'une union ; la mère, contactée par l'office public d'HLM, et le tribunal n'ont pas réagi, et une enquête du procureur est toujours en cours.
Dernier exemple : un locataire vivant seul et dont la soeur réside aux Etats-Unis est décédé, mais l'office d'HLM n'arrive ni à contacter cette soeur ni à récupérer le logement.
Autrement dit, en l'état actuel, la législation n'est pas applicable ; des biens vacants sont gelés parfois plus d'un an sans que l'office puisse pénétrer dans les lieux ou en reprendre possession, alors que la ville de Périgueux ne peut satisfaire les 1 200 demandes annuelles d'un logement social.
Ce constat est-il acceptable ?
Je souhaite donc, madame le secrétaire d'Etat, connaître votre position sur une amélioration de la rédaction actuelle de l'article 1324 du nouveau code de procédure civile, en vue de prévoir, d'une part, un délai maximum de six mois permettant au bailleur d'un bien locatif laissé vacant à la suite du décès du preneur de récupérer ce bien et, d'autre part, une clause stipulant que, en cas d'héritier connu, et après relance par lettre recommandée demeurée infructueuse, la clause résolutoire du bail s'applique efficacement en cas de non-paiement des loyers.
Je souhaiterais, enfin, connaître les conditions d'indemnisation d'un bailleur qui ne perçoit plus de loyer pour un bien sur lequel il a été apposé les scellés et que vous me confirmiez que les services des domaines chargés de la gestion de ce bien continuent à l'assurer après le décès du locataire. En effet, il paraît difficile d'exiger d'un bailleur de se substituer aux obligations locatives d'assurance qui sont imposées au preneur.
A l'ensemble de ces questions importantes, j'attends de votre part, madame le secrétaire d'Etat, des éléments de réponse précis, et je vous en remercie par avance.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur les difficultés de gestion de l'office public d'HLM de Périgueux - mais j'ai bien compris que, au-delà du cas de cet organisme, vous souhaitiez engager un débat un peu plus en profondeur et plus général - du fait de l'application des dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, qui prévoient, en cas de décès du locataire ou d'abandon du domicile, le transfert du bail au profit de personnes déterminées.
Vous estimez que ces dispositions encourageraient les mauvais payeurs et seraient préjudiciables aux bailleurs, et qu'elles devraient donc être redéfinies ou modifiées.
Tout d'abord, je souhaite rappeler que les dispositions législatives relatives au transfert du bail visent avant tout à protéger les membres de la famille du locataire qui vivaient avec lui au moment du décès ou de l'abandon du domicile, et qu'il n'est pas envisagé, ni même de mon point de vue envisageable, de remettre en cause cette protection.
Cette protection ne s'applique que dans des cas précis.
En effet, la notion d'abandon de domicile a été précisée par la jurisprudence de manière constante comme un départ brusque et imprévisible, dont la réalité est appréciée par la justice en cas de contestation. Il me paraît d'ailleurs fondamental de laisser au juge le soin de se prononcer sur ce point.
Par ailleurs, en cas de décès du locataire, il résulte de l'application de la loi du 6 juillet 1989 que le contrat de location ne fait pas partie de la succession puisqu'il est transféré à des personnes déterminées et que, en l'absence de ces dernières, le contrat est résilié de plein droit.
Par conséquent, en cas de transfert du bail, le bénéficiaire de ce transfert se substitue de plein droit dans les droits et obligations du locataire défunt.
Si le bail ne peut être transféré - et c'est plutôt ce cas que visait votre propos, monsieur le sénateur -, le contrat est résilié, et il appartient au bailleur de demander aux héritiers une indemnité d'occupation pendant tout le temps où les meubles du défunt demeurent dans le logement.
S'il n'y a pas d'héritier connu, les dispositions de l'article 1324 du nouveau code de procédure civile s'appliquent : le bailleur peut être autorisé par le juge à faire enlever les meubles du défunt en faisant l'avance des frais correspondants.
Si j'ai bien entendu votre interpellation, monsieur Darcos, vous considérez que les mécanismes juridiques soit sont trop longs, soit mettent dans l'embarras les organismes d'HLM.
Je voudrais d'abord rappeler que les bailleurs disposent de nombreux moyens pour se prémunir contre un éventuel défaut de paiement soit du loyer, soit des travaux induits par une détérioration dans le logement : le versement du dépôt de garantie lors de l'entrée dans les lieux, qui peut être récupéré par le bailleur au moment où ce dernier constate les défauts dont vous avez fait état, la caution d'un tiers, le versement des aides personnelles au logement en tiers payant, ainsi que des dispositifs plus récents comme le LOCA-PASS, qui offre la garantie du 1 % logement pour le paiement des loyers et des charges en cas de défaillances telles que celles que vous avez indiquées.
Monsieur le sénateur, je serais très intéressé de disposer de chiffres un peu plus précis concernant l'office public d'HLM de Périgueux pour pouvoir, avec la fédération des offices ou l'ensemble de l'union des HLM, évaluer sur l'ensemble du territoire national l'éventuelle ampleur des problèmes que vous soulevez, et regarder avec ces organismes si des stratégies de gestion de proximité, voire quelques ajustements législatifs s'ils se révélaient indispensables, ne permettraient pas de régler la situation, tout en conservant les mêmes protections aux ayants droit et aux membres de la famille vivant sous le toit soit d'un locataire défunt, soit d'un locataire parti de façon anormale.
M. Xavier Darcos. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
Ma question ne visait pas, bien entendu, à remettre en cause la protection apportée aux ayants droit, en particulier aux personnes de la même famille qui habitaient sous le toit du locataire. Mon propos portait, pour parler clair, sur les gens de mauvaise foi et sur les personnes qui ont littéralement disparu.
Vous avez évoqué le recours au juge ; nous le connaissons, et c'est précisément ce recours qui nous inquiète. En effet, je le répète, les délais sont si importants qu'il y a actuellement, à Périgueux, une quinzaine, voire une vingtaine, d'appartements inoccupés et inoccupables dans l'attente d'une décision de justice.
J'aurais donc souhaité que l'on puisse trouver un procédé plus rapide que celui qui consiste à avoir recours à une décision de justice lorsque, d'évidence, il y a soit mauvaise foi des payeurs, soit disparition pure et simple des héritiers supposés et inconnus.

RÉPARATIONS EN FAVEUR DES ENFANTS
DE DÉPORTÉS NON JUIFS