SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Loi de finances pour 2001.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
M. Alain Lambert, président de la commission des finances.
Outre-mer (p. 2 )
MM. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances ; Rodolphe
Désiré, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ;
Philippe Nogrix, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales,
pour les aspects sociaux ; José Balarello, rapporteur pour avis de la
commission des lois, pour les départements d'outre-mer ; Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les territoires
d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie ; Georges Othily, Mme Danielle
Bidard-Reydet, MM. Claude Lise, Edmond Lauret, Marcel Henry, Lylian Payet.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
Mme Lucette Michaux-Chevry, M. Victor Reux.
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
Crédits des titres III à VI. - Adoption (p.
4
)
Article 62 (p.
5
)
MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat, Philippe Nogrix, rapporteur
pour avis.
Adoption de l'article.
M. le président.
Suspension et reprise de la séance (p. 6 )
3.
Financement de la sécurité sociale pour 2001.
- Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
7
).
Discussion générale : Mme Ségolène Royal, ministre délégué à la famille et à
l'enfance ; MM. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires
sociales ; Guy Fischer, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Lucien Neuwirth.
Clôture de la discussion générale.
Question préalable (p. 8 )
Motion n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes Gisèle Printz, le
ministre délégué. - Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le
rejet du projet de loi.
4.
Modification de l'ordre du jour
(p.
9
).
5.
Contraception d'urgence.
- Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire (p.
10
).
Discussion générale : M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour le Sénat de la
commission mixte paritaire ; Mme Ségolène Royal, ministre délégué à la famille
et à l'enfance.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p.
11
)
Vote sur l'ensemble (p.
12
)
M. Jacques Bimbenet, Mmes Gisèle Printz, Odette Terrade, M. Charles
Descours.
Adoption de la proposition de loi.
M. le président.
Suspension et reprise de la séance (p. 13 )
6.
Communication relative à une commission mixte paritaire
(p.
14
).
7.
Loi de finances pour 2001.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
15
).
Anciens combattants (p. 16 )
MM. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Marcel
Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Bernard
Joly, Guy Fischer, Gilbert Chabroux, Mme Nelly Olin, MM. Rémi Herment, Hubert
Durand-Chastel, Michel Pelchat, Aymeri de Montesquiou, Mme Gisèle Printz, MM.
Philippe de Gaulle, Marcel-Pierre Cléach.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens
combattants.
Crédits des titres III et IV. - Rejet (p.
17
)
Article 51. - Adoption (p.
18
)
Article 52 (p.
19
)
Amendement n° II-11 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur
spécial, le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité.
Rejet de l'article.
Article 53 (p. 20 )
Amendement n° II-12 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur
spécial, le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 53 (p. 21 )
Amendement n° II-13 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur
spécial, le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité.
Amendement n° II-14 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur
spécial, le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité.
Article 53 bis (p. 22 )
MM. le rapporteur pour avis, le secrétaire d'Etat.
Adoption de l'article.
Article 53 ter (p. 23 )
MM. le rapporteur spécial, le rapporteur pour avis.
Amendement n° II-15 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur
spécial, le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité.
Adoption de l'article.
Article 53
quater.
- Adoption (p.
24
)
Article additionnel après l'article 53
quater
(p.
25
)
Amendements n°s II-9 de M. Francis Grignon et II-10 de Mme Gisèle Printz. - M.
Francis Grignon, Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur spécial, le secrétaire
d'Etat. - Irrecevabilité des deux amendements.
MM. le rapporteur spécial, le président.
8.
Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle
(p.
26
).
9.
Dépôt d'une proposition de loi organique
(p.
27
).
10.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
28
).
11.
Ordre du jour
(p.
29
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
LOI DE FINANCES POUR 2001
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2001 (n° 91, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 92
(2000-2001).]
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous avons achevé hier soir la
discussion de la première partie de la loi de finances, et nous engageons
maintenant la discussion de la deuxième partie.
Nous avons voulu, pour cette deuxième partie, un processus modernisé, pour
donner à la discussion budgétaire plus de rythme, plus de réactivité, plus de
concision aussi.
Le projet de budget de l'outre-mer est le premier qui va être examiné. Mes
chers collègues, messieurs les rapporteurs spéciaux, messieurs les rapporteurs
pour avis, je vous fais confiance pour suivre la voie que nous avons voulu
emprunter, celle, je le répète, de la concision, de la vivacité des débats,
celle des questions posées au Gouvernement.
J'espère que le Gouvernement sera, lui aussi, au rendez-vous de cette
modernisation, pour que la discussion budgétaire soit vraiment un temps
politique important, majeur de notre vie parlementaire, mais aussi de la vie
politique dans notre pays.
Par avance, je vous remercie les uns et les autres du soin que vous allez
prendre à participer à cette modernisation. Je souhaite que ce premier budget
soit le budget de l'exemple !
(Applaudissements.)
OUTRE-MER
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'outre-mer.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Torre,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
M. le secrétaire d'Etat, n'étant pas
intervenu à l'occasion du débat sur le projet de loi d'orientation relatif à
l'outre-mer, je n'avais pas encore eu l'occasion de vous féliciter. C'est
maintenant chose faite.
J'en profite également pour saluer votre prédécesseur, qui nous laisse ici un
bon souvenir.
Je présenterai tout d'abord deux remarques destinées à mettre en perspective
les montants sur lesquels nous nous prononcerons tout à l'heure.
Première remarque : depuis plusieurs années, l'écart entre le montant du
budget que nous votons et le montant réel des dépenses de secrétariat d'Etat à
l'outre-mer est d'environ 1 milliard de francs, soit près de 20 % de ce
budget.
Cet écart ne résulte pas principalement de fonds de concours ou d'ouvertures
de crédits nouveaux en collectif budgétaire ; il découle plutôt de reports de
crédits : le secrétariat d'Etat ne parvient pas à dépenser tous ses crédits.
Les principaux postes de report sont les chapitres consacrés aux
investissements, mais aussi les emplois-jeunes. Il y a donc des difficultés
pour créer des emplois-jeunes outre-mer ! Nous aimerions vous entendre sur ce
point, monsieur le secrétaire d'Etat.
Seconde remarque : les deux chapitres « réservoir » de ce budget de
l'outre-mer brouillent sa lisibilité.
Ainsi, dans le budget que nous avons voté en 1999, les crédits du titre IV
représentaient 51 % des crédits, et ceux du titre VI, 29 %. Après répartition
de ces deux chapitres « réservoir », la teneur des titres IV et VI a été
profondément modifiée. Cela ne contribue pas, vous en conviendrez, à la clarté
du débat budgétaire. La Cour des comptes s'est d'ailleurs manifestée sur ce
point.
Après ces considérations d'ordre technique, j'en viens à l'examen du budget
que vous nous proposez pour 2001.
Il augmente d'environ 6 %. Contrairement à l'année dernière, cette
augmentation est une augmentation réelle, et non le résultat de changements de
structures.
Ce budget est un budget en faveur de l'emploi certes, mais surtout un budget
en faveur de l'emploi aidé.
Les aides à l'emploi, regroupées au sein du FEDOM, le fonds pour l'emploi dans
les départements d'outre-mer, augmentent de 588 millions de francs. C'est plus
que le montant total de l'augmentation du budget du secrétariat d'Etat - 393
millions de francs - à structure constante. La priorité en faveur des aides à
l'emploi se traduit donc par la diminution des crédits consacrés à d'autres
actions en faveur de l'outre-mer.
Au sein des aides à l'emploi, ce sont les emplois-jeunes qui se taillent la
part du lion. Ils bénéficient de 214 millions de francs supplémentaires, soit
plus de la moitié de l'augmentation totale des moyens du secrétariat d'Etat.
Vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Sénat n'a jamais été un
partisan enthousiaste des emplois-jeunes. Mais, au-delà de cette remarque de
principe, je constate que les crédits en faveur des emplois-jeunes n'ont
jusqu'ici pas été totalement consommés et qu'ils ont donné lieu à des reports
sur l'exercice suivant. En 1999, 100 millions de francs affectés à ce domaine
ont même été annulés.
Dès lors, aviez-vous vraiment besoin de consacrer autant d'argent aux
emplois-jeunes ? Prévoyez-vous une augmentation sensible de la demande dans ce
domaine ? Telle est ma première question !
Deuxième question : pourquoi ne pas avoir, dans le projet de budget pour 2001,
procédé de la même façon que l'année dernière ? En 2000, vous avez financé les
emplois-jeunes par rédéploiement. Pourquoi les financer en 2001 par une
augmentation nette de moyens que vous n'êtes pas du tout certain d'utiliser
?
Outre un coût croissant et très élevé des emplois-jeunes, ce qui frappe dans
votre budget, ce sont les problèmes de consommation des crédits des fonds
d'investissement d'outre-mer : le FIDOM, le fonds d'investissement des
départements d'outre-mer, et le FIDES, le fonds d'investissement pour le
développement économique et social des départements d'outre-mer.
Ces reports de crédits signifient que les actions ne sont pas réalisées aussi
vite que prévu. Il faut donc y regarder de plus près et, notamment, étudier
pourquoi les cofinanceurs locaux ont du mal à mettre en place leur part des
financements.
Il est surprenant de constater que les dépenses de ces fonds sont très
largement contractualisées. Je m'interroge donc : lorsque l'Etat signe des
contrats, s'assure-t-il que les actions inscrites dans ces contrats sont
réalisables dans des délais normaux ?
Je voudrais également signaler, en passant, que le fonctionnement de ces fonds
ne correspond plus du tout à leur vocation initiale. Les textes précisent
qu'ils sont gérés par des comités de gestion. En réalité, près des neuf
dixièmes des actions financées par les fonds ne sont même pas discutées par le
comité, soit, pour l'immense majorité, qu'elles aient été contractualisées,
soit qu'elles aient été directement décidées par le cabinet du Premier
ministre.
Je voudrais maintenant traiter de trois dispositions de la loi d'orientation
qui devraient entrer en vigueur en 2001.
Si j'en crois le chiffre cité par le rapport Fragonard, l'Etat consacre chaque
année plus de 8 milliards de francs à la sur-rémunération des fonctionnaires en
poste outre-mer. Huit milliards de francs, c'est plus que le budget total de
votre secrétariat d'Etat !
Je ne reprends pas ici la démonstration des inconvénients de ces
sur-rémunérations, je vous renvoie une fois encore au rapport Fragonard. Je me
bornerai à me féliciter que le Parlement ait pris l'initiative de réduire ces
surrémunérations. Si la loi d'orientation est appliquée, les indemnités
d'éloignement devraient être supprimées dès le printemps 2001.
Le 7 novembre dernier, au Sénat, vous avez évoqué, monsieur le secrétaire
d'Etat, la suppression des primes d'éloignement « dans la forme que l'on
connaît aujourd'hui ». Je voudrais vous dire que nous serions contrariés si
vous supprimiez les primes actuelles pour les recréer sous une autre forme !
Je voudrais aussi rappeler à nos collègues que ces primes ne représentent
qu'une faible part des sur-rémunérations, environ quatre fois moins que les
majorations de traitement dont bénéficient également les fonctionnaires
d'outre-mer.
La deuxième disposition de la loi d'orientation qui a retenu notre attention
est l'alignement en trois ans du RMI.
Comme beaucoup de mes collègues, je suis assez réservé sur l'opportunité de
cette mesure. Je ne suis pas insensible à l'objectif d'égalité entre tous les
citoyens, quel que soit l'endroit où ils résident. Je sais également que le
niveau du RMI de métropole est déjà faible et que la majoration du RMI
outre-mer, pour ses bénéficiaires, « ne sera pas du luxe », si j'ose dire.
Néanmoins, dans des économies où l'objectif principal de la politique de
l'emploi est d'encourager le retour à l'activité des personnes au chômage, je
ne suis pas sûr que des revalorisations sensibles du RMI aillent dans le sens
de l'objectif visé.
En outre, j'observe que les conséquences de cette décision pour le budget de
l'Etat ne seront pas neutres. Si j'ai bien compris, l'Etat va payer deux fois :
une fois pour financer l'alignement du RMI et une seconde fois en ne faisant
pas disparaître la créance de proratisation. L'alignement du RMI, dans les
trois ans, pourrait donc se traduire par une augmentation des dépenses
publiques d'environ 800 millions de francs.
De surcroît, les départements, du fait de la loi, devront payer. En effet, si
le montant du RMI augmente, le montant des crédits que les départements sont
obligés de consacrer au volet « insertion » augmenteront eux aussi,
mécaniquement. Or, à ce jour, et malgré les initiatives de la commission des
affaires sociales au moment de l'examen par le Sénat de la loi d'orientation,
rien n'est prévu pour leur compenser cette augmentation de dépenses. Ma
question est donc la suivante, et elle est claire : y aura-t-il un jour une
compensation ?
Puisque nous parlons des collectivités locales, il me semble également
nécessaire de rappeler, mes chers collègues, que la loi d'orientation prévoit
que la solidarité en faveur des communes d'outre-mer sera financée par ponction
sur les ressources des communes défavorisées de métropole, je m'exprime là en
tant que sénateur représentant aussi bien les collectivités territoriales
d'outre-mer que celles de métropole.
Je m'explique : la majoration de la dotation forfaitaire des communes
d'outre-mer sera financée par un relèvement sur la dotation d'aménagement de la
DGF des communes de métropole, donc sur la dotation de solidarité urbaine et
sur la dotation de solidarité rurale.
Quarante millions de francs, ce n'est pas beaucoup au regard des quelque 80
milliards de francs que représente la DGF des communes ; mais c'est beaucoup
pour la seule dotation d'aménagement, compte tenu des tensions actuelles pesant
sur la répartition de la DGF. Pour fixer des ordres de grandeur, j'indiquerai
simplement que, en 2000, la dotation d'aménagement a progressé de moins de 100
millions de francs et qu'elle avait augmenté de moins de 200 millions de francs
en 1999.
Mais je voudrais poursuivre sur un constat positif cette fois.
Je me félicite que le Gouvernement se soit converti à la logique des aides
fiscales à l'embauche et à l'investissement et ait finalement décidé de ne pas
remettre en cause les dispositifs mis en place par les précédentes
majorités.
Le projet de loi d'orientation reprend les exonérations de charges sociales de
l'ancienne loi Perben et, constatons-le, les étend très largement, puisque les
salariés concernés seront non pas 43 000, mais plus de 100 000.
L'article 12 du projet de loi de finances pour 2001, quant à lui, reconduit,
en le corrigeant des dérives constatées et des dérives possibles, le dispositif
d'aide fiscale à l'investissement outre-mer. J'y vois la traduction d'un
dialogue constructif s'agissant des mesures à mettre en oeuvre pour favoriser
le développement de l'outre-mer.
Autre signe d'échange constructif : vous semblez - à moins que je ne m'abuse,
monsieur le secrétaire d'Etat - vous êtes rallié à une proposition qui fut à
l'origine celle du Sénat s'agissant de la bidépartementalisation de la Réunion.
Ce ralliement n'est-il que provisoire ? C'est la question que nous nous
posons.
Avant de conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais vous indiquer
que j'ai proposé à la commission des finances du Sénat d'adopter les crédits de
l'outre-mer. Toutefois, je ne puis m'empêcher de me poser beaucoup de
questions.
Le budget est lui-même en sensible augmentation, ce qui peut apparaître comme
un élément positif. Mais pensez-vous que soient véritablement réunies les
conditions d'un développement harmonieux et durable de l'outre-mer ? En effet,
à une économie déjà sous perfusion vous proposez d'intensifier la perfusion par
les emplois-jeunes, les emplois aidés et la défiscalisation confirmée.
Pensez-vous que tous les efforts consentis soient adaptés à l'ampleur des
problèmes posés : immigration, démographie, taux de chômage sans commune mesure
avec celui de la métropole ?
Sur ces sujets de fond, nous sommes disposés à engager avec vous un dialogue
en dehors des traditionnels débats budgétaires ou discussions
institutionnelles.
Cela étant dit, et sous le bénéfice des observations que j'ai formulées, je
vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de l'outre-mer qui
sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Désiré, rapporteur pour avis.
M. Rodolphe Désiré,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'examen des crédits destinés au ministère de l'outre-mer pour 2001 est
l'occasion pour nous de mesurer les efforts du Gouvernement en faveur de ces
départements et territoires ultramarins.
Avec un budget nettement en hausse - 6,81 milliards de francs en moyens de
paiement, en progression de 6,94 % au lieu de 1,8 % de l'an dernier - le
Gouvernement complète, il faut s'en féliciter, une panoplie de mesures et
d'outils destinés à relancer la croissance outre-mer. Le Gouvernement honore
ainsi les promesses qu'il nous avait faites l'an dernier.
S'il faut toutefois signaler quelques lacunes et imperfections - dont nous
espérons qu'elles pourront être améliorées dans le futur - disons, pour le
moment, que nous pouvons être globalement satisfaits.
En effet, l'année 2000 voit l'adoption et la mise en place de plusieurs
dispositifs qui rendent le terrain propice à une reprise forte de la
croissance.
Tout d'abord a été adoptée une loi d'orientation comportant un volet
économique et social notable, dont les premiers financements sont déjà intégrés
dans le projet de budget pour 2001.
L'effort majeur pour les aides à l'emploi - 290 millions de francs - devrait
renforcer les dispositifs emplois-jeunes, les contrats d'accès à l'emploi, les
contrats emploi-solidarité et les contrats d'insertion par l'activité.
Le dispositif pérenne d'exonérations et d'allégements des cotisations
patronales, qui s'élève à 3,5 milliards de francs, succédera, à compter du 1er
janvier 2001, au dispositif Perben, mis en place en 1994.
Le Gouvernement s'engage également, à travers les contrats de plan
Etat-région, à hauteur de 5,6 milliards de francs pour la période 2000-2006,
dont 1,36 milliard de francs est à la charge de votre ministère.
Cela constitue le volet français des engagements européens, qui ont doublé par
rapport à la période précédente et atteindront un peu plus de 21 milliards de
francs dans le cadre de l'objectif 1.
Enfin, l'article 12 du projet de loi de finances pour 2001 met en place pour
six ans un mécanisme d'incitation fiscale à l'investissement outre-mer plus
équilibré et orienté vers le soutien à l'investissement productif, ce dont il
faut se réjouir.
Le mécanisme du crédit d'impôt rend ce dispositif plus attractif pour
l'ensemble des contribuables. Surtout, des mesures spécifiques sont mises en
place pour les petites entreprises à travers un crédit d'impôt reportable et
éventuellement remboursable
in fine,
encourageant l'épargne de
l'outre-mer à s'investir outre-mer. Il est également très opportun d'encourager
la rénovation des hôtels existants. Mais il ne faudra pas oublier que ce
dispositif ne facilite pas la construction d'hôtels neufs haut de gamme, en
nombre encore insuffisant dans les départements français d'Amérique, plus
particulièrement à la Martinique.
Pour rattraper leur retard de développement, les départements d'outre-mer ont
besoin d'investissements lourds, tant privés que publics, très supérieurs à
leurs moyens propres de financement.
Ainsi, pour être véritablement performant, ne conviendrait-il pas de mettre en
oeuvre toute une série d'instruments financiers pour accompagner les
entreprises ? Je pense au fonds de garantie et aux sociétés de capital-risque.
Pourquoi ne pas lancer en métropole un fonds pour le développement de
l'outre-mer ouvert aux petits porteurs et permettant de financer de manière
durable et solidaire les besoins financiers considérables de ces territoires
?
Plus généralement, il faut savoir que beaucoup reste à faire pour surmonter
les handicaps structurels de l'outre-mer, dont certains sont reconnus comme
handicaps permanents par l'Europe : éloignement, insularité, étroitesse des
marchés...
Une croissance conjoncturelle, seule, ne résoudra rien, ne serait-ce que sur
le plan du chômage. C'est tout le système qu'il faut réformer et les
évaluations doivent être poussées afin de trouver des solutions susceptibles de
nous faire rattraper sur le plan économique le niveau moyen des régions de
l'Union européenne.
En effet, nos économies restent sous-capitalisées, ce qui justifie très
largement qu'elles restent éligibles à l'objectif 1, le PIB moyen des
départements d'outre-mer ne représentant en gros que 55 % du PIB moyen des
régions européennes.
Les départements d'outre-mer présentent encore les caractéristiques de régions
mal développées. Le décalage demeure entre une demande de consommation soutenue
par les surrémunérations des fonctionnaires et la croissance des transferts
sociaux, et une offre faible, freinée par une production de biens et de
services insuffisante. Il n'y a pas eu accumulation du capital dans ces pays,
qui sortent à peine du système de plantations post-colonial.
Ajoutons la persistance d'un coût du crédit plus élevé qu'en métropole, 2 à 3
points de plus en moyenne, qui constitue indéniablement un frein
supplémentaire, même si le différentiel s'est atténué depuis 1996. L'impact
psychologique du taux de base bancaire demeure ; il était encore, au 1er mars
2000, de 7,09 % à la Réunion et de 9,18 % en Martinique contre 6,30 % en
métropole. Le coût du crédit est encore aggravé par la situation déséquilibrée
des entreprises et par la fragilité des établissements de crédit. La mise en
place de moyens spécifiques permettant de renforcer les fonds propres des
entreprises serait donc souhaitable.
Enfin, en dehors des problèmes financiers que nous avons à résoudre, il nous
faut aussi poursuivre dans la voie des réformes de structure pour adapter le
droit commun aux spécificités de ces départements.
Ainsi la réforme administrative constitue-t-elle une ardente nécessité :
l'autorité de l'Etat n'est pas suffisamment déconcentrée et les contraintes
qu'entraîne la multiplicité des services extérieurs débilite toute initiative
locale et freine l'adoption de tout projet d'une certaine envergure.
Par exemple, la méthode de programmation des sommes allouées au titre des
fonds structurels européens à travers l'allocation de la réserve de performance
et l'évaluation à mi-parcours suivie d'une adaptation éventuelle des documents
de programmation entend privilégier les projets qui sont performants et qui
aboutissent.
Ce sont les Etats membres qui restent les interlocuteurs de la Commission au
niveau européen : il faudrait donc que les services de l'Etat - ce qui n'est
pas toujours le cas - se mobilisent rapidement pour aider et soutenir les
projets pouvant être financés sur les fonds européens. Il serait souhaitable,
par ailleurs, que les collectivités territoriales puissent être secondées par
des bureaux d'ingénierie spécialisés.
Il faut avoir à l'esprit que, pour rattraper ces retards structurels,
l'outre-mer a besoin de la mise en oeuvre de plans à long terme, sur vingt ans,
comme pour les autres régions ultrapériphériques de l'Europe.
Mes chers collègues, je terminerai par une remarque personnelle. L'Union
européenne a autorisé l'élaboration d'un cadre juridique spécifique pour les
régions ultrapériphériques ; c'est l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Reste
à inventer, sur le plan national, des potentialités identiques pour les DOM
dans le cadre de l'article 73 de la Constitution.
Compte tenu de ces observations, monsieur le président, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a donné un
avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'outre-mer.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Nogrix, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nogrix,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les aspects
sociaux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, année après année, le budget de l'outre-mer tend à se transformer en
un budget d'intervention sociale ; 2001 n'échappe pas à la règle. Le projet de
budget qui nous est aujourd'hui soumis se révèle en effet être la simple
traduction budgétaire de la loi d'orientation pour l'outre-mer, qui comportait,
elle aussi, un important volet social.
Le budget augmentera donc, à structure constante, de 6,2 % pour atteindre 6,8
milliards de francs. J'observe que, sur les 393 millions de francs de crédits
supplémentaires, 325 millions de francs sont justement inscrits pour permettre
la mise en oeuvre de la loi d'orientation.
Pourquoi inscrire dès le mois de septembre dans des documents budgétaires les
crédits correspondant à un projet de loi qui n'est toujours pas entré en
vigueur ? On aurait pu facilement y déceler une certaine désinvolture vis-à-vis
du Parlement. Pourtant, telle n'est pas notre analyse, monsieur le secrétaire
d'Etat. Au contraire, la commission des affaires sociales se félicite de cette
inscription, qui permettra, je l'espère, une application rapide de la loi -
cela vous évitera de prendre des notes pour me répondre !
(Sourires.)
Une action rapide est plus que jamais nécessaire devant la dégradation
continue de la situation sociale de l'outre-mer. Les DOM n'ont que peu
bénéficié de la reprise de l'emploi. Le taux de chômage se stabilise à des
niveaux très élevés, de l'ordre de 30 % en Martinique et en Guadeloupe, 22 % en
Guyane et 35 % à la Réunion, cela malgré les fortes créations d'emplois
générées par les économies ultramarines, puisque le secteur privé a créé plus 5
% par rapport à 1999.
Parallèlement, la montée de l'exclusion se confirme. Fin 1999, le nombre
d'allocataires du RMI atteignait 127 000, soit une progression de 7 % en un an.
Une telle évolution est d'autant plus inquiétante qu'elle s'est poursuivie, au
premier semestre 2000, à un rythme de 3,1 %, alors que le nombre d'allocataires
diminuait parallèlement de 1,4 % en métropole. Le décrochage avec la métropole
ne fait donc que s'accentuer. On estime que 16,4 % de la population des
départements d'outre-mer vit du RMI, contre moins de 3 % pour la métropole,
donc cinq fois moins.
Quel impact aura le budget qui nous est proposé sur cette situation ?
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Aucun !
M. Philippe Nogrix,
rapporteur pour avis.
La commission des affaires sociales, qui aurait
souhaité une loi d'orientation plus ambitieuse en matière sociale, ne peut être
qu'inquiète.
S'agissant de l'emploi, les crédits du FEDOM augmentent certes de 25 %, mais
cet effort ne doit pas faire illusion.
D'une part, la loi d'orientaiton se traduira par une multiplication des
dispositifs financés par le FEDOM. Trois nouvelles mesures viennent s'ajouter
aux sept déjà existantes. On peut espérer, bien sûr, que cela permettra à la
politique de l'emploi de s'adapter à la diversité des situations. Mais on peut
surtout craindre que cela ne se traduise par une faible lisibilité du
dispositif et un saupoudrage des aides. Le Sénat avait préconisé de cibler
l'effort budgétaire sur les allégements de charges.
D'autre part, la réorientation du FEDOM vers le secteur non marchand
s'intensifie. Seulement 22 % des crédit sont consacrés à l'insertion dans le
secteur marchand contre 33 % pour la montée en charge des emplois-jeunes. Ces
emplois, rappelons-le, apparaissent pourtant très mal adaptés au contexte
spécifique de l'outre-mer, car la situation financière des collectivités
locales rendra très problématique leur pérennisation.
Dans ces conditions, notre commission ne peut s'associer à la politique de
l'emploi que propose ce budget. Elle estime, en revanche, souhaitable de la
réorienter vers le secteur marchand.
Elle préconise de concentrer les moyens dans trois directions.
D'abord, il s'agit de relancer les contrats d'accès à l'emploi, seuls contrats
d'insertion spécifique au secteur privé, suffisamment longs - ils s'étalent sur
dix-neuf mois en moyenne - pour permettre une insertion durable dans le monde
professionnel. Or le projet de budget en restreint les crédits.
Ensuite, il convient de favoriser les actions de formation professionnelle des
jeunes et, en premier lieu, les formations par alternance, qui restent trop peu
développées. En 1999, moins de 7 000 jeunes ont conclu un tel contrat. La
suppression des primes des contrats d'apprentissage et des contrats de
qualification que prévoit le projet de loi de finances sera néfaste pour
l'outre-mer et risque de porter un coup d'arrêt définitif à des dispositifs
utiles mais fragiles. Nous voulons des précisions sur l'application de ces
mesures dans les DOM.
Enfin, il faut renforcer les politiques d'insertion, car moins d'un quart des
allocataires du RMI entrent aujourd'hui dans un tel dispositif. Le Gouvernement
devrait mener une politique plus dynamique d'intéressement. Seuls 5 % des
allocataires du RMI dans les DOM en bénéficient, contre près de 14 % en
métropole. L'allocation de retour à l'activité permettra, je l'espère, des
améliorations. Mais je regrette que le Gouvernement n'ait pas retenu la
proposition du Sénat, plus volontariste, de la « convention de retour à
l'emploi ».
A la différence de la politique de l'emploi, la politique du logement, second
volet des crédits sociaux, peut être considérée comme le parent pauvre de la
loi d'orientation. Or la situation du logement paraît très dégradée :
insuffisance globale de l'offre, inquiétante persistance d'un habitat
insalubre, existence de véritables « bidonvilles ».
Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire de mener une politique du
logement ambitieuse. Le budget présenté n'en donne, hélàs ! pas les moyens.
Si les crédits de la ligne budgétaire unique augmentent de 3,5 %, les
dotations globales en faveur du logement, lorsqu'on rajoute la part de la
créance de proratisation, baissent, elles, d'environ 9 %.
La réalité est à la fois simple et douloureuse : les crédits en faveur du
logement, qu'il s'agisse des crédits inscrits dans le projet de loi de finances
ou des crédits effectivement disponibles, sont en baisse, car la diminution de
la créance de proratisation n'est pas intégralement compensée. Le Gouvernement
s'était pourtant engagé à réaliser cette compensation. Notre commission déplore
vivement un tel manquement à la parole donnée et elle le déplore d'autant plus
que ce mauvais procédé joue contre deux politiques qui lui apparaissent
pourtant comme prioritaires outre-mer : l'insertion et le logement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, lors de votre audition devant notre commission,
vous aviez qualifié ce budget de « très bon budget ». Vous l'aurez compris, je
ne peux partager cette analyse.
La rapidité de la mise en oeuvre de la future loi d'orientation ne saurait
masquer le manque d'ambition de votre budget face aux problèmes de l'emploi, du
logement et de l'insertion.
Pour ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis
défavorable sur l'adoption du budget de l'outre-mer pour 2001, s'agissant de
ses aspects sociaux.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Balarello, rapporteur pour avis.
M. José Balarello,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour les départements d'outre-mer.
Monsieur le président, mes chers
collègues, la commission des lois, consultée pour avis, s'est réunie le 22
novembre 2000, après vous avoir reçu, monsieur le secrétaire d'Etat, afin
d'examiner les crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, abondés par ceux
qui proviennent des ministères de l'intérieur et de la justice.
Elle s'est interrogée sur l'adéquation de ces crédits à un exercice efficace
des fonctions régaliennes de l'Etat : activité des juridictions, fonctionnement
du système pénitentiaire, contrôle de l'immigration clandestine, gestion de ses
fonctionnaires.
Nous avons également dressé le bilan de l'intégration régionale et
territoriale, puis l'intégration à l'Union européenne.
Enfin, à la suite du récent vote de la loi d'orientation pour l'outre-mer,
nous avons analysé les perspectives d'évolution institutionnelle ou statutaire
dans les départements d'outre-mer, mais aussi à Saint-Pierre-et-Miquelon et à
Mayotte.
Il convient de signaler que notre rapport fait suite à deux missions sur place
de membres de la commission des lois, l'une en Guyane et aux Antilles, emmenée
par le président Larché, l'autre à la Réunion et à la Mayotte, que j'avais
l'honneur de conduire. Précisons que l'ensemble des ministères contribuent à
l'effort financier en faveur de l'outre-mer, effort qui atteint en 2001 un
montant de 50,11 milliards de francs, soit une progression de 9,60 %. Le
secrétariat d'Etat à l'outre-mer intervient pour 10,83 %, le ministère de
l'intérieur pour 17,2 % et celui de la justice pour 1,7 %.
Il est certain que, au regard des besoins, notamment en matière d'équipement
pénitentiaire, de palais de justice et d'emploi, ce budget est insuffisant.
Observons cependant que le soutien à l'emploi représente la part la plus
importante du budget du secrétariat d'Etat à l'Outre-mer : 39 %.
En revanche, la politique d'aide au logement - comme l'a dit notre excellent
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, il y a un instant
- est insuffisante compte tenu de l'évolution démographique des DOM : 15 000
logements neufs seulement seront financés en 2001.
Les crédits de paiement provenant du ministère de l'intérieur et de la
décentralisation connaissent une forte progression : de 15,18 %.
Les crédits du ministère de la justice augmentent de 75,49 % en autorisations
de programme et de 7,3 % en crédits de paiement.
La commission des lois n'a pas manqué d'évoquer les difficultés des
départements d'outre-mer, confrontés à une aggravation de la délinquance, à une
évolution inquiétante du trafic de drogue dans la zone Caraïbe, à un
blanchiment d'argent sale très important dans la partie néerlandaise de
Saint-Martin, qui abrite neuf casinos, contrôlés en grande partie par la Mafia.
Monsieur le secrétaire d'Etat, une action diplomatique très vigoureuse doit
s'exercer sur les Pays-Bas à ce sujet, tant de la part de la France que de
celle de l'Union européenne, pour y mettre fin. Nous comptons sur vous pour
régler ce problème avec Bruxelles.
A la Réunion, les crimes et délits ont augmenté de 59,3 % entre 1984 et
1997.
Les départements d'outre-mer sont confrontés également à une augmentation
supérieure à la moyenne nationale de l'activité des juridications - surtout en
matière civile, fort heureusement ! -, laquelle s'exerce dans des palais de
justice généralement dans un piètre état, modernisés trop lentement d'après ce
que nous avons pu constater sur place.
Il en va de même des établissements pénitentiaires, dont le taux global
d'occupation est de 128 %. Celui de Saint-Denis, où la mission de la commission
des lois s'est également rendue, est certainement le pire de France, avec, de
surcroît, un taux d'occupation de 210,9 % !
Certes, le Gouvernement a annoncé en octobre 2000 un vaste programme de
réhabilitation et de construction, qui concerne également l'outre-mer. Je
m'étonne cependant que, d'après les renseignements que j'ai eus, à la Réunion,
le site n'ait pas encore été choisi. Nous souhaiterions que, à l'échelon local,
on se mette d'accord sur un site.
Nous ne pouvions manquer d'aborder également un des problèmes majeurs de
l'outre-mer : la persistance d'une immigration difficilement contrôlable,
malgré quelques évolutions positives. Cette immigration est évidemment due à un
niveau de vie et de protection sociale élevé par rapport à celui des Etats
environnants : par exemple, en 1996, le PIB par habitant était de 13 121
dollars américains en Martinique, contre 664 dollars américains en Haïti, soit
près de vingt fois plus.
Devant cette situation, nos moyens en hommes et en matériel pour garder nos
frontières, souvent très étendues, notamment en Guyane, sont tout à fait
insuffisants, d'autant qu'il s'agit généralement de frontières fluviales et
maritimes.
On ne saurait passer sous silence les apports très importants de l'Union
européenne aux départements d'outre-mer, consentis en application de l'article
299-2 du traité d'Amsterdam, avec les programmes POSEIDOM et surout les fonds
structurels, lesquels passent de 12 milliards de francs à plus de 22 milliards
de francs pour la période 2000-2006. Une attention toute particulière devra
toutefois être portée sur l'utilisation des financements croisés. Les sommes
mobilisées atteignent 37 milliards de francs sur la période, avec l'aide de
l'Etat, des régions et des départements.
S'agissant des surrémunérations des fonctionnaires, elles grèvent lourdement
le budget des collectivités locales, la prime d'éloignement venant d'être
supprimée.
Quant aux perspectives d'évolution intitutionnelle ou statutaire des
différents départements et territoires, elles doivent être adaptées à chaque
situation locale. Nous regrettons que la loi d'orientation pour l'outre-mer du
15 novembre 2000, dont j'étais le rapporteur au Sénat, ne soit pas suffisamment
ambitieuse sur le plan institutionnel.
Les événements de la nuit de lundi à mardi en Guyane, monsieur le secrétaire
d'Etat, nous inquiètent. Ils doivent vous amener à vous interroger. Nous avions
essayé d'envisager, par anticipation, des solutions dans notre rapport sur le
projet de loi d'orientation.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis
favorable quant à l'adoption des crédits consacrés aux départements d'outre-mer
et aux deux collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon
pour 2001.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du
projet de loi de finances permet à la commission des lois de faire le point sur
la situation de quatre de nos collectivités d'outre-mer - la
Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, Wallis-et-Futuna et les Terres australes et
antarctiques françaises - dans les domaines relevant de sa compétence : réforme
institutionnelle, actualisation du droit applicable, évolution de la
délinquance, activités et moyens des juridictions et liens d'association avec
l'Union européenne.
Avant d'aborder ces différents points, je formulerai, monsieur le secrétaire
d'Etat, deux observations préalables.
Premièrement, les « jaunes » nous sont fournis très tardivement, ce qui nuit à
l'examen des crédits : il ne peut être aussi approfondi qu'il serait
souhaitable.
Deuxièmement, les fluctuations de la nomenclature budgétaire - trois
modifications ont été apportées en cinq ans ! - ne facilitent pas, vous en
conviendrez, les comparaisons d'une année à l'autre.
L'effort global en faveur des territoires d'outre-mer et de la
Nouvelle-Calédonie s'élève à près de 11,5 milliards de francs pour 2001, en
légère progression par rapport à l'année précédente, comme d'ailleurs la
fraction du budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer qui leur est consacrée,
laquelle représente 12 % de ce total.
Il faut rappeler que la forte progression du budget de l'outre-mer profite
essentiellement, pour les raisons que nous connaissons, aux départements
d'outre-mer.
En ce qui concerne le volet institutionnel, s'agissant de la Nouvelle
Calédonie, on peut se réjouir que la mise en place des institutions se soit
poursuivie au cours de la présente année. Toutefois, monsieur le secrétaire
d'Etat, demeure le problème du gouvernement collégial : la notion de
collégialité fait en effet l'objet de différentes interprétations selon les
partis politiques. Il serait hautement souhaitable que, lors de la prochaine
réunion du comité des signataires, qui aura lieu au mois de décembre 2000 ou au
début de l'année prochaine, le dialogue entre les divers partenaires puisse
déboucher sur une véritable solidarité gouvernementale. Cela répondrait à
l'esprit qui avait présidé au vote de la loi relative à la
Nouvelle-Calédonie.
Le dispositif des lois du pays fonctionne bien : quatre lois ont été adoptées,
d'autres sont en préparation.
Nous devons nous féliciter aussi de l'accord conclu sur le dossier minier au
mois de juillet 2000, avec pour objectif le rééquilibrage économique entre les
provinces, dont la nécessité est affirmée par l'accord de Nouméa.
L'accident d'hélicoptère qui a coûté la vie à Raphaël Pidjot et à une partie
de l'état-major de la société minière du Sud-Pacifique a suscité une grande
émotion en Nouvelle-Calédonie. Nous nous associons, bien entendu, aux
condoléances qui sont adressées aux familles de ces dirigeants, en souhaitant
que l'action qu'ils avaient menée puisse se poursuivre.
En ce qui concerne la Polynésie française, nous attendons le nouveau statut ;
mais la mise en oeuvre des dispositifs institutionnels de 1996 se poursuit dans
de bonnes conditions. Les procédures de demandes d'avis au Conseil d'Etat sur
la question de la répartition des compétences sont régulièrement utilisées.
Cependant, un conflit d'interprétation semble subsister en matière de transport
aérien. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous apporter quelques
éclaircissements sur cette question ?
J'en viens au volet policier et judiciaire.
En Polynésie française, on constate une régression de la délinquance, sauf en
matière de trafic de stupéfiants. Cette situation s'explique par la conduite
d'une véritable politique de prévention fondée sur une multiplication des
interpellations pour détention de stupéfiants, laquelle se traduit par une
augmentation des faits constatés. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
En revanche, en Nouvelle-Calédonie, on observe une augmentation de la
délinquance, notamment chez les mineurs, et on note l'apparition d'une
délinquance plus professionnelle et organisée.
S'agissant de l'activité judiciaire, nous ne pouvons pas nous réjouir,
monsieur le secrétaire d'Etat, puisque les éléments qui nous sont fournis sont
totalement lacunaires, voire inexistants pour certaines juridictions. Dans ces
conditions, le contrôle du Parlement ne peut pas s'exercer. En ce qui concerne
les îles de Wallis-et-Futuna, j'insisterai à nouveau sur la nécessité d'aboutir
à un accord régissant les relations de ce territoire avec la
Nouvelle-Calédonie, où vivent près de vingt mille Wallisiens et Futuniens. Je
vous rappelle que la date butoir pour la conclusion de cet accord avait été
fixée au 31 mars 2000. On devrait quand même parvenir à cet accord, qui est
indispensable pour rassurer les habitants de Wallis-et-Futuna.
Enfin, en vue de la révision du régime d'association des pays et des
territoires d'outre-mer à l'Union européenne, qui vient de faire l'objet d'une
proposition de la Commission européenne, nous demandons instamment au
Gouvernement de veiller à ce que la spécificité des pays et territoires
d'outre-mer français soit prise en compte, en particulier pour nuancer le
principe de non-discrimination en matière de liberté d'établissement.
Telles sont les quelques observations que je pouvais formuler dans le délai de
cinq minutes qui m'était imparti.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois émet un avis
favorable à l'adoption des crédits concernant les territoires d'outre-mer et la
Nouvelle-Calédonie.
(Applaudissements.)
M. le président.
J'indique au sénat que, compte tenu, de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 36 minutes ;
Groupe socialiste, 30 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 24 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu pour 40
minutes au maximum.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque j'ai analysé le projet de budget que
vous avez l'honneur de soumettre à notre examen, il m'est revenu cette pensée
de l'un de nos aînés, et non des moindres, qui, en substance, se serait exprimé
ainsi, commentant la politique de l'outre-mer de l'un de vos prédécesseurs : «
Outre-mer : la politique des petits pas s'apparente à celle des faux pas. » Il
s'agissait d'Aimé Césaire.
En effet, votre volonté affichée de progrès n'a d'égale que la timidité des
dispositifs de votre projet de budget, dont le millésime méritait plus
d'audace.
Si l'on s'en tient à une approche purement quantitative des éléments qui nous
sont soumis, votre budget se caractériserait par une progression de 6,94 %,
dans un contexte qui se veut nouveau, celui de la mise en oeuvre d'une loi
d'orientation pour l'outre-mer, et une somme de 325 millions de francs apparaît
au budget au titre d'une première dotation.
Les autres volets de votre politique budgétaire, tels que le soutien au
logement, la création et le financement de fonds spécifiques - fonds de
coopération régionale, d'une part, fonds de promotion des échanges éducatifs,
sportifs et culturels, d'autre part - l'exonération des charges patronales de
sécurité sociale, pour un montant prévisionnel de 3,5 milliards de francs,
ainsi qu'un dispositif fiscal en remplacement de la loi Pons, dite « loi Paul
», participeraient de cette même volonté d'inscrire le développement de
l'outre-mer comme priorité nationale.
Mais l'ensemble de ces mesures manquent de lisibilité. Les priorités n'y sont
pas inscrites avec assez de force. Votre ligne directrice apparaît trouble,
sans doute par défaut de référence à un modèle précis de développement ou à une
quelconque perspective humaine.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le problème de l'outre-mer est spécifique,
complexe, et la solution ne peut être que de nature politique différenciée. En
fait, votre budget pour l'outre-mer aurait, à notre sens, le plus grand besoin
d'un projet mobilisateur qui le sous-tende. Pour la Guyane, c'est le contenu du
pacte de développement adopté par les assemblées guyanaises.
Peut-on vouloir faire tout et parfois le contraire de tout, et le tout en même
temps : soutenir la demande et l'offre avec la même vigueur ; engager la
réduction du coût du travail et l'alignement du revenu minimum d'insertion
outre-mer de manière concomitante ; engager une démarche décentralisatrice
d'envergure sans une déconcentration à la mesure de cette ambition ?
Voilà pour le manque de lisibilité.
Ce fonctionnement s'apparente, à mon sens, à un fonctionnement par vitesse
acquise. Mais il y va aussi de la crédibilité de la procédure budgétaire
engagée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, faut-il d'abord rappeler que votre budget ne
rassemble pas l'ensemble des crédits consacrés par l'Etat à l'outre-mer, loin
s'en faut ?
Ainsi les exonérations de charges patronales de sécurité sociale, pour un
montant de 3,5 milliards de francs, pièce maîtresse de vos engagements, nous
renvoient-elles au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité.
Que dire aussi du nouveau dispositif fiscal de soutien à l'investissement en
remplacement de la loi Pons, inscrit, lui, dans le projet de loi de finances
pour 2001 ? L'on sait enfin que le Conseil constitutionnel a été saisi d'une
demande tendant à déclarer non conformes à la Constitution les articles 1er,
42, 43 et 62 de la loi d'orientation pour l'outre-mer.
C'est le sens même de la présentation de votre budget qui pourrait être
légitimement mis en cause : budget de report et de coordination, donc budget
sans marge de manoeuvre significative...
Il en aurait été tout autrement si le Parlement, et singulièrement la Haute
Assemblée, avait eu la possibilité de pouvoir proposer, en recettes comme en
dépenses, les modifications qui exprimeraient ses propres orientations
budgétaires. Aussi comprendrez-vous que nous appelions de nos voeux la réforme
de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ainsi que la révision de l'article 40 de la
Constitution, qui privent actuellement le Parlement de tout pouvoir de contrôle
effectif sur les finances publiques.
Une telle réforme revaloriserait la fonction parlementaire en général et
permettrait enfin aux élus d'outre-mer d'intervenir avec plus de dignité dans
le débat s'agissant des crédits alloués à leurs territoires ultramarins. Elle
nous permettrait aussi, dans ces territoires, de rompre avec la règle des trois
« l » : la liturgie d'abord, la litanie ensuite, la léthargie enfin, que nous a
enseignée l'illustre parlementaire et président du Conseil que fut Edgar
Faure.
S'agissant d'abord de la liturgie, la procédure et peut-être la « procession
budgétaire », avec quelques reposoirs, semblent en outre-mer participer d'une
cérémonie aux rites sempiternellement inchangés, à l'image sans doute des mêmes
thèmes abordés, des mêmes questions soulevées, des mêmes engagements formulés
et non tenus pour l'essentiel.
Seule la distribution des rôles semble changer, selon que l'on appartienne à
l'opposition ou que l'on soutienne la majorité existante.
Il faut certes des rites, et je suis de ceux qui en observent dès lors qu'ils
sont au service du progrès et non de l'immobilisme.
Nous avons dit « liturgie », mais aussi « litanie ». Et voici venir les
doléances de l'outre-mer, longues énumérations plaintives et monotones d'hommes
et de femmes élus du peuple dont les prières ne sont que trop peu entendues.
Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, pour ne pas déroger à la coutume, je
vous rappellerai ; moi aussi, les doléances de la majorité des élus de Guyane,
à l'échelon tant national que local.
Ils réclament la création d'une cour d'appel de plein exercice, d'autant que
la loi réformant les cours d'assises ne pourra être appliquée en Guyane, compte
tenu de la structure de la chambre détachée de la cour d'appel de
Fort-de-France ; la création d'un tribunal de grande instance sur les rives de
Saint-Laurent-du-Maroni dans l'ouest guyanais ; la création d'un dispositif
particulier pour la gestion de la forêt domanial et le transfert de la
propriété aux collectivités guyanaise - ce dispositif a été proposé par le
Sénat et, à deux reprises, rejeté par votre majorité à l'Assemblée nationale -,
ainsi que le prévoit une proposition de loi que j'ai déposée. Vous le voulez
pour la Corse, mais vous hésitez pour la Guyane.
Ils réclament aussi la mise en place de dispositions particulières pour les
communes sans fiscalité.
Ils souhaiteraient obtenir une réponse quand à la concrétisation du projet
sucrier.
Enfin, ils réclament également une desserte aérienne plus équilibrée dans leur
pays, ne se limitant pas au simple Paris-Cayenne, qui isole des communes telles
que Grand-Santi-Papaichton Maripasoula, Saul et Saint-Georges, au mépris de la
continuité territoriale.
Au nom de l'égalité, monsieur le secrétaire d'Etat, ne serait-il pas temps
également que soient appliquées en Guyane les dispositions de la loi du 6 mars
1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les
mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit
applicable outre-mer qui prévoit, dans son alinéa 5°, le remboursement des
médicaments indispensables en prophylaxie et en thérapeutique palustre, ratifié
le 14 décembre 1999 par l'Assemblée nationale, complétant ainsi le deuxième
alinéa de l'article L. 753-4 du code de la sécurité sociale ?
A l'heure où les premières victimes de la « vache folle » suscitent
légitimement un grand émoi sur le plan national, est-il acceptable de continuer
de mourir du paludisme en Guyane, loin, il est vrai, des caméras de ces
télévisions où « les minorités visibles » sont invisibles ?
Devant la faible détermination des réponses qui sont apportées par le
Gouvernement à toutes nos requêtes, il n'est pas surprenant qu'un sentiment de
léthargie semble peser sur l'outre-mer, et plus particulièrement sur la
Guyane.
Vous semblez, monsieur le secrétaire d'Etat, vouloir maîtriser et la
procédure, et le calendrier, et l'opportunité des mesures à prendre.
Comment ne pas dire maintenant à la représentation nationale que des
événements graves se déroulent actuellement en Guyane ? Et je condamne toutes
les exactions commises de part et d'autre, particulièrement les brutalités des
forces de répression.
Le
Komité pou nou démaré la Guyane
a démontré sa capacité à mobiliser
la population pour le soutien au pacte de développement. Aujourd'hui, et
précisément en ce moment, le
Komité
doit démontrer aussi sa capacité à
retrouver la sérénité. Les élus responsables de notre pays, mandatés par les
électeurs, sont chargés de traduire auprès du Gouvernement leurs souhaits
légitimes.
J'ai l'intime conviction que le Gouvernement est prêt à entendre les élus de
notre pays pour envisager une évolution institutionnelle. Alors, monsieur le
secrétaire d'Etat, par votre réponse, vous rassurerez la communauté guyanaise.
La démarche doit être transparente et fondée sur un dialogue clair avec les
élus du suffrage universel.
Il est clair que pour atteindre certains objectifs, dont les lois du pays, il
faudra envisager une révision constitutionnelle. Une mission se rend en Guyane
à cet effet. J'ai rendez-vous avec les participants lundi.
Le document d'orientation appelé « pacte de développement » doit être décliné
dans une proposition de loi ou un projet de loi, après que les assemblées
guyanaises l'auront adopté ; ce sera la base de référence de toute discussion
avec le Gouvernement.
Il est temps que les forces de l'ordre regagnent leur caserne et que les
militants rejoignent leur demeure pour que la paix et la sérénité
reviennent.
Je ne surprendrai personne, monsieur le secrétaire d'Etat, en rappelant que
l'Indochine, après la terrible guerre, a gagné son indépendance. Qui était aux
affaires de la France ? Lorsque les troubles et les événements malheureux ont
éclaté en Afrique et à Madagascar, qui était aux affaires de la France ?
Lorsque, en novembre 1954, « la Toussaint des énigmes », en Algérie, éclatent
les premiers événements, qui était aux affaires de la France ?
L'histoire de la séparation de la France avec ses colonies nous rappelle, à
plusieurs reprises, que c'est lorsque les socialistes sont aux affaires que
celle-ci a lieu, parce que vous voulez toujours passer ou faire passer en force
vos options, au détriment de la traduction légitime des aspirations
qu'apportent devant vous les élus nationaux de l'outre-mer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans leur grande majorité, les élus de Guyane
répondront à votre invitation du 18 décembre prochain. Toutefois, nous
apprécierions que vous nous précisiez aujourd'hui la date de votre venue en
Guyane pour poursuivre, ainsi que l'avait souhaité votre prédécesseur, le
dialogue avec la délégation guyanaise. Nous le pouvons, nous le devons, pour la
communauté guyanaise.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
après avoir excusé mes amis Paul Vergès et Robert Bret, retenus dans leurs
départements pour des raisons impératives, je souhaite souligner les caractères
positifs du projet de budget pour les départements et territoires d'outre-mer,
mais aussi quelques insuffisances.
Les graves événements qui se sont déroulés voilà quarante-huit heures en
Guyane démontrent les difficultés économiques et sociales qui écrasent toujours
et encore les collectivités territoriales de la République.
Le débat d'aujourd'hui sera certainement l'occasion, monsieur le secrétaire
d'Etat, de vous faire partager notre analyse de la situation guyanaise et de
vous demander de nous indiquer les pistes que vous envisagez pour répondre à
cette inquiétude, voire à cette colère.
La gauche guyanaise fait le lien entre les difficultés économiques et sociales
et les insuffisances de la loi d'orientation de l'outre-mer sur le plan de la
réforme institutionnelle, insuffisances que mon ami Robert Bret avait
soulignées à l'occasion de l'examen de ce projet de loi.
Le débat budgétaire sur l'outre-mer pose toujours un problème de perception.
Problème de perception dans l'espace, car il est difficile d'analyser une
politique budgétaire disséminée sur un territoire géographique aussi vaste.
Problème de perception quantitative, car il faut rappeler que le budget de
l'outre-mer ne concerne que 10 % environ des interventions de l'Etat dans ce
domaine, 90 % étant disséminées entre les différents ministères. Il est évident
que cette difficulté nuit beaucoup à la lisibilité de l'action du
Gouvernement.
Nous espérons que les discussions en cours pour l'amélioration de la procédure
de discussion budgétaire au Parlement permettront de progresser sur ce
point.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le budget de l'outre-mer progresse de près de 7
% cette année, et c'est une bonne chose. Cet effort de la collectivité
nationale devenait urgent. Nous apprécions également que les crédits dégagés,
notamment ceux qui concernent les financements des priorités en matière
d'emploi, résultent d'une augmentation nette des crédits disponibles, et non
d'une redistribution de crédits comme c'était le cas l'an dernier.
La montée du chômage, particulièrement forte chez les jeunes, les phénomènes
d'exclusion qui en résultent malgré la réalité de la solidarité dans les
familles qui vivent dans les départements et territoires d'outre-mer et, en
conséquence, la croissance de l'insécurité dans nombre de départements et
territoires sont frappants. Je pense en particulier aux Antilles. Tout ces
phénomènes nécessitent un effort sans précédent de la nation pour permettre le
développement durable de ces régions.
Cet effort est d'autant plus nécessaire que la poussée de la mondialisation
libérale « bouscule » et affaiblit les départements et territoires d'outre-mer.
Les difficultés actuelles de la production sucrière et de la production de la
banane en sont des exemples criants.
L'aide de la métrople, mais aussi de l'Europe, est essentielle pour leur
permettre de résister aux pressions des multinationales, notamment
américaines.
Sur ce point, n'est-il pas urgent d'envisager la réévaluation de l'aide
compensatoire aux producteurs locaux de bananes ?
De même, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous indiquer
l'intervention que vous envisagez auprès de l'Union européenne pour préserver
le système des quotas et de garantie des prix qui prévaut pour la production
sucrière ?
Je ne passerai pas en revue les différents aspects de ce budget ; cela a été
fait avec talent par mes amis François Asensi et Ernest Moutoussamy à
l'Assemblée nationale.
Je tiens cependant à approuver la forte progression des fonds pour l'emploi
dans les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Nous approuvons la forte progression des crédits en faveur des emplois-jeunes,
à savoir 21,4 millions de francs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comment envisagez-vous l'avenir de ces
emplois-jeunes ? A l'instar du débat qui se développe en métropole, quelles
pistes peuvent-elles êtres envisagées pour l'intégration ou la prorogation de
ces emplois ? C'est la stabilité même des départements et territoires
d'outre-mer qui est conditionnée par l'avenir de sa jeunesse.
Nous approuvons la fin du dispositif de défiscalisation de la loi Pons et son
remplacement par la procédure prévue à l'article 12 de la première partie du
présent projet de loi de finances. Cette défiscalisation ne profitera plus aux
seuls contribuables concernés par la tranche la plus élevée de l'impôt sur le
revenu.
Nous connaissons tous les dérives, souvent frauduleuses, auxquelles avait
donné lieu la loi Pons. La plus grande justice fiscale du dispositif de
remplacement constitue une avancée importante, mais il sera nécessaire d'être
très vigilant pour éviter toute dérive.
La question du climat aurait pu être mieux prise en compte dans le cadre de la
préparation budgétaire. Mon ami Paul Vergès a présenté et fait adopter, par le
Sénat, une proposition de loi créant un observatoire des changements
climatiques. Paul Vergès a souligné les risques majeurs auxquels vont être
exposés les départements et territoires d'outre-mer dans les décennies à venir
si l'Occident persévère dans sa désunion dangereuse pour l'avenir même de
l'humanité.
Des crédits importants devraient être mis à la disposition des départements et
territoires d'outre-mer pour leur permettre de faire face à ce problème. Ces
crédits devraient aider ces départements et territoires à être la tête de pont
d'une nouvelle coopération avec les pays du tiers-monde, si exposés à ces
bouleversement futurs.
Il me paraît impératif, monsieur le secrétaire d'Etat, d'engager une réflexion
en ce sens pour la prochaine loi de finances. Les avis des experts concordent :
le temps nous est compté.
La question du logement que je souhaitais aborder devient encore plus cruciale
dans ce contexte. La résorption de l'habitat insalubre, nécessaire pour les
habitants, est une urgence face aux intempéries croissantes. L'urbanisation
croissante de certains départements génère un type d'habitat précaire qui ne
peut en aucune manière résister aux catastrophes naturelles.
Nous vous demandons, monsieur le secrétaire d'Etat, de veiller à ce qu'un
effort soit fait dans ce domaine dès l'année prochaine.
La prise en compte des besoins des départements et territoires d'outre-mer est
certaine dans le projet de budget qui nous est soumis. Cette prise en compte ne
doit pas être seulement économique et sociale, elle doit aussi être
institutionnelle. Nous soutiendrons tous les efforts pour en finir avec une
certaine unité de traitement et pour permettre une meilleure prise en compte
des réalités locales par l'élaboration de nouveaux statuts. Cela doit aussi
être le cas pour Wallis-et-Futuna.
Au regard de ces quelques remarques sur fond d'analyse positive, les sénateurs
du groupe communiste républicain et citoyen voteront le projet de budget de
l'outre-mer qui nous est proposé par le Gouvernement.
M. le président.
La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, au
moment d'aborder l'examen du budget de l'outre-mer, il est bien difficile de ne
pas avoir présents à l'esprit les événements douloureux et inquiétants que
vient de connaître la Guyane.
Je saisis pour ma part cette occasion pour exprimer ma sympathie à tous mes
amis guyanais et leur dire combien je souhaite que soit au plus vite retrouvé,
chez eux, le chemin du dialogue et soigneusement évité tout ce qui pourrait
entretenir l'engrenage de la violence.
Mais je ne peux, en même temps, m'empêcher de souligner à quel point existe,
dans nos départements d'outre-mer, un terreau favorable à la survenue de tels
événements.
Ce terreau est formé par l'intrication de trois facteurs fondamentaux :
l'inadaptation des institutions, le mal-développement des territoires et le
mal-être des hommes.
La tentation a toujours été grande, ici, pour les responsables politiques de
se voiler la face, de se satisfaire d'explications superficielles et faussement
rassurantes. La tentation a toujours été grande de privilégier le conjoncturel
au détriment du structurel, de sous-estimer la marque de l'histoire et le poids
des réalités géographiques et culturelles.
C'est dire, par conséquent, combien il convient, je le crois sincèrement, de
se féliciter du parti pris par M. Lionel Jospin d'appréhender et de traiter
autrement les problèmes de nos départements d'outre-mer.
Il faut en finir, notamment, avec deux erreurs majeures : l'une consiste à
croire que le mal-développement et le mal-être ne relèvent que de traitements à
base de mesures économiques et sociales ; l'autre réside dans le fait de
considérer que ce qui est bon pour un département d'outre-mer est forcément bon
pour les trois autres.
C'est ce qui fait toute l'originalité de la loi d'orientation qui vient d'être
votée par le Parlement. Elle associe en effet - et cela est sans précédent - un
important volet économique et social et un important volet institutionnel. Un
volet institutionnel dont l'importance doit être évaluée avant tout au regard
des perspectives d'évolutions statutaires différenciées des départements
d'outre-mer désormais ouvertes et, surtout, des garanties démocratiques
offertes, dans ce cadre, aux peuples concernés.
Par conséquent, vous comprendrez que je me sois appliqué à dénoncer le
comportement de tous ceux qui se sont livrés à une série de batailles
d'arrière-garde pour retarder l'application du texte, pour tenter de le
dénaturer en l'amputant de parties essentielles, voire pour essayer de le faire
rejeter en soutenant, par exemple, à l'Assemblée nationale, une motion tendant
à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Vous comprendrez, bien sûr, que je puisse actuellement porter un jugement
véritablement sans complaisance sur ceux qui ont cru devoir aller encore plus
loin, en introduisant un recours devant le Conseil constitutionnel.
Ils ont, ce faisant, délibérément pris le risque de faire censurer non
seulement les articles incriminés du volet institutionnel, mais aussi certains
articles du volet économique qui ont déjà été contestés ici même.
Mais surtout, ils ont, avec une confondante désinvolture, développé, à l'appui
de leur saisine, une argumentation allant carrément à contresens des positions
qu'ils avaient défendues au cours des débats.
C'est ainsi qu'ils demandent au Conseil constitutionnel de censurer les
dispositions concernant la coopération régionale qu'ils ont pourtant votées et
même amendées !
Et alors que, ici même, on les a entendu reprocher au Gouvernement la timidité
du texte sur le plan institutionnel - et ils récidivent ce matin - alors qu'on
les a entendu déclarer, à l'instar du Président de la République, que le statut
départemental a fait son temps, ils ont signé sans scrupule un texte dont je me
permets de vous lire seulement une phrase caractéristique. Faisant référence à
l'article 1er, qui dispose que la loi « accorde aux assemblées locales des DFA
la capacité de proposer des évolutions statutaires » et qu'elle pose dans ce
cadre « le principe de la consultation des populations sur les évolutions qui
seraient envisagées », ces collègues tiennent en effet le propos suivant : «
Ces dispositions constituent non un aménagement limité des compétences des
régions et des départements d'outre-mer, mais aboutissent à opérer une
différenciation excessive de ceux-ci par rapport aux collectivités
métropolitaines. »
« Cela se passe de commentaires », est-on tenté de dire, et c'est peut-être,
après tout, ce qui explique le silence complice des alliés indépendantistes de
la déclaration de Basse-Terre !
Mais cela n'est certainement pas sans conséquences dans nos départements. En
effet, qui ne voit qu'il y a là de quoi ajouter à un sentiment d'impatience,
voire d'exaspération, déjà bien perceptible, un sentiment cette fois de révolte
!
Qui ne perçoit, de surcroît, que la mise en cause très claire du principe de
la consultation des populations sur toute éventuelle évolution statutaire est
de nature à semer une légitime inquiétude dans l'esprit de nos compatriotes des
départements d'outre-mer, qui, dans leur immense majorité, sont, on le sait,
extrêmement attachés à ce principe ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, si je me suis permis cette longue digression
qui, dans le contexte actuel, avait, me semble-t-il, sa raison d'être, c'est
que je ne compte pas me livrer à une analyse détaillée de votre projet de
budget. Il s'agit manifestement d'un bon budget, et je me félicite qu'il
progresse de près de 7 %.
Je me félicite plus encore du choix qui a été fait d'afficher très nettement
le développement économique et l'emploi comme première priorité et que, dans ce
cadre, aient été inscrits les crédits destinés à tenir les engagements de la
loi d'orientation.
Le logement constitue, comme il se doit, le deuxième poste de dépenses avec
950 millions de francs en crédits de paiement, soit une hausse de 3,5 %.
Malheureusement, je dois à ce sujet vous exprimer une très grande inquétude.
Les crédits de la ligne budgétaire unique rencontrent, en effet, de sérieux
problèmes de consommation dus, pour une bonne part, à des causes
structurelles.
Une fois de plus, je tiens à dénoncer en la matière la lourdeur des
procédures, leur rigidité et leur inadaptation.
Pour la Martinique, le phénomène est encore aggravé cette année par une
utilisation très stricte par la direction départementale de l'équipement des
atlas communaux des risques comme documents de référence pour la délivrance des
permis de construire.
Ainsi, au 15 novembre 2000, seulement 27 % de la ligne budgétaire unique
étaient consommés.
Une réforme s'impose donc d'urgence concernant les mécanismes décisionnels
ainsi que les procédures de mise en oeuvre avec, notamment, la mise en place
d'une véritable programmation pluriannuelle.
S'agissant du FIDOM, je constate avec satisfaction qu'il augmente de 15 % en
crédits de paiement et de 55 % en autorisations de programme. Les crédits vont
financer les contrats de plan Etat-région et, pour les départements
d'outre-mer, la participation de l'Etat à la nouvelle génération de ces
contrats sera portée à 5,6 milliards de francs, ce qui est appréciable.
Mais le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer doit évidemment s'apprécier
dans le contexte plus général dans lequel il s'inscrit : celui de l'effort
global de l'Etat en direction des départements d'outre-mer et des collectivités
territoriales, effort qui augmente de 9,6 % pour atteindre un peu plus de 50
milliards de francs ; celui du document unique de programmation 2000-2006 dans
lequel l'Europe va engager plus de 21 milliards de francs ; celui de la loi
d'orientation dont le seul volet concernant les exonérations de charges
patronales représentera un effort budgétaire de quelque 3,2 milliards de francs
par an ; celui, enfin, du nouveau dispositif de soutien fiscal à
l'investissement qui devrait maintenir un effort budgéraire du même ordre que
le dispositif précédent mais qui, grâce à des avantages fiscaux mieux étudiés
et plus favorables aux entreprises locales, devrait avoir un effet de levier
plus efficace sur l'économie.
Ce sont donc, il faut le souligner, des masses financières particulièrement
importantes qui vont pouvoir être mises au service du développement des
départements d'outre-mer. Pour qu'elles portent tous les fruits attendus, il
reste évidemment à souhaiter que tous les acteurs concernés, tant privés que
publics, fassent preuve en la matière du plus grand dynamisme.
Avant de terminer mon intervention, je voudrais, monsieur le secrétaire
d'Etat, attirer votre attention sur trois dossiers qui m'apparaissent
particulièrement préoccupants.
Il s'agit premièrement des transports interurbains. Vous connaissez l'acuité
du problème posé par un grand nombre d'artisans transporteurs qui demandent,
compte tenu de leur âge, une cessation d'activité.
Faire droit à leur demande légitime, c'est évidemment faciliter la réduction
du nombre de véhicules en circulation et donc contribuer à rationaliser le
système. Mais cela nécessite la mise en place d'un important volet social qu'il
est absolument indispensable de faire figurer dans le futur texte annoncé à
l'article 19 de la loi d'orientation.
Le deuxième dossier concerne les recettes des collectivités locales des
départements d'outre-mer. Celles-ci apparaissent manifestement de plus en plus
insuffisantes au regard des besoins à satisfaire et même des seules obligations
légales à assumer.
Je me contenterai de citer un exemple relatif au conseil général que je
préside : avec une dotation générale de décentralisation de 477 millions de
francs, il nous faut couvrir 800 millions de francs de dépenses d'aide sociale
!
Il faudra bien, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une telle situation fasse
l'objet d'une évaluation sérieuse afin que des solutions appropriées puissent
le plus rapidement possible être mises en oeuvre.
Le troisième dossier concerne la filière de la banane. Je sais que vous avez
obtenu de la commission européenne qu'elle inscrive en priorité le dossier de
l'Organisation commune des marchés à l'ordre du jour de ses travaux, afin de
bénéficier de la période de la présidence française.
Mais cela ne suffit pas - vous le comprenez, je pense - à calmer les légitimes
inquiétudes des professionnels de ce secteur. Il importe donc que le
Gouvernement maintienne une pression constante sur ses partenaires européens
pour éviter l'effondrement d'une filière dont on connaît actuellement
l'importance économique dans nos départements antillais.
Puisque j'évoque l'Europe, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais vous
interroger. Le Gouvernement a déposé, au mois de décembre 1999, un mémorandum.
Depuis, nous attendons des mesures d'application de l'article 299-2 du traité
d'Amsterdam relatif aux régions ultrapériphériques.
A quelques jours du sommet de Nice et à un mois de la fin de la présidence
française de l'Union européenne, pouvez-vous m'indiquer l'état d'avancement du
dossier, c'est-à-dire les mesures d'application qui sont envisagées par la
Commission pour permettre la mise en oeuvre concrète de l'article 299-2 du
traité d'Amsterdam dont l'objet, nous le savons, est de mettre en place les
dispositions particulières visant à compenser les handicaps structurels des
régions ultrapériphériques ?
Le projet de budget que vous soumettez à notre examen, monsieur le secrétaire
d'Etat, est indiscutablement bon, et je le voterai évidemment sans
hésitation.
Il s'inscrit par ailleurs, et fort heureusement, dans un effort budgétaire
global qui, par son ampleur, et quelles que soient les insuffisances que l'on
peut relever ici et là, ne laisse pas beaucoup de prises aux critiques de
l'opposition, ...
M. Philippe Nogrix,
rapporteur pour avis.
Si !
M. Claude Lise.
... en dehors des critiques systématiques dont certains se font, on le sait,
une spécialité.
M. Philippe Nogrix,
rapporteur pour avis.
Oh là là !
M. Claude Lise.
Mais l'ampleur d'un effort budgétaire ne suffit pas à garantir l'efficacité
d'une politique, et, dans les départements d'outre-mer, nous le savons mieux
que beaucoup d'autres.
C'est pourquoi je préfère, en conclusion, saluer essentiellement la nouvelle
démarche qu'a choisi d'adopter l'actuel gouvernement et qui, à côté du
développement des territoires, vise à répondre à la demande de responsabilités
et de dignité des femmes et des hommes.
C'est cette démarche qui, avant tout, suscite une très grande attente dans nos
départements d'outre-mer et qu'il s'agit de ne décevoir à aucun prix.
M. le président.
La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à
structure constante, le projet de budget pour l'outre-mer s'élève à 6,7
milliards de francs pour l'année 2001, en augmentation de 6,2 %.
Ce pourcentage paraît satisfaisant, mais il est trompeur.
Ainsi, les crédits en faveur de l'emploi et de l'insertion augmentent
comptablement de 372 millions de francs, représentant 94 % de la hausse globale
du budget. On aurait donc pu s'attendre à ce que le Gouvernement s'attaque
enfin sérieusement au fléau qui mine les départements d'outre-mer : je veux
parler du chômage et, en particulier, du chômage des jeunes.
Hélas ! non. Si 214 millions de francs de plus sont consacrés aux
emplois-jeunes, cela ne veut pas dire que le nombre des nouveaux contrats va
sensiblement augmenter : 3 000 contrats de plus, soit moins de 1 500 pour la
Réunion, ce chiffre étant à comparer aux 10 000 jeunes arrivant chaque année
sur le marché du travail dans mon île.
L'importance réelle, mais relative, des crédits consacrés aux emplois-jeunes
cache, en outre, un difficulté majeure : la situation des jeunes non diplômés
qui, à la Réunion, ne sont pas concernés par le dispositif emplois-jeunes.
En effet, ces contrats emplois-jeunes sont, par sélection naturelle, tous ou
presque tous confiés aux jeunes diplômés. Et les non-diplômés, qui sont les
plus nombreux, doivent se répartir les miettes, c'est-à-dire les contrats
emploi-solidarité, les contrats d'insertion par l'activité, les contrats
emplois consolidés et les contrats d'accès à l'emploi, dont les volumes
stagnent ou régressent !
Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, vous pouvez avancer une baisse de 2 %
du chômage à la Réunion. Mais peut-on vraiment se réjouir d'un tel « succès »
quand notre taux de chômage de 36 % demeure, et de loin, le record en France en
la matière ?
Que dire aussi de la précarité des emplois-jeunes et des nombreux contrats
emplois consolidés qui arrivent à expiration ? Ces « bombes sociales » que
sont les contrats emplois-jeunes et les contrats emplois consolidés arrivant à
expiration dans quelques mois vont bientôt exploser, car, en réalité, rien
n'aura été entrepris pour pérenniser ces emplois, que les budgets de nos
collectivités locales ne peuvent pas supporter.
Ces nombreux jeunes nous interpellent quotidiennement, monsieur le secrétaire
d'Etat, car ils voient chaque jour leur horizon se noircir un peu plus.
Je le répète, la solution est ailleurs. Il faut absolument s'attaquer
sérieusement au problème du chômage des jeunes de l'outre-mer pour un programme
spécifique, justifié par la situation alarmante de ces territoires.
Il faut redéployer une grande partie des crédits disponibles vers le secteur
productif, afin que les jeunes soient véritablement formés et que, à vingt-cinq
ans, ils ne soient pas condamnés à l'assistance que, comme ils me le disent
tous les jours, ils refusent !
Je vous renvoie ici à la proposition de loi n° 134 que j'ai déposée en
novembre 1997, qui proposait des solutions autofinancées à cette difficulté
majeure. En effet, c'est par la production, notamment pour l'export, que nous
nous en tirerons, et non par des mesures provisoires qui n'ont pour but que de
reporter la difficulté à plus tard...
Concernant le logement, j'ai noté avec satisfaction, monsieur le secrétaire
d'Etat, que, malgré la chute de la créance de proratisation, les crédits
affectés au logement social ne baissaient pas, du moins en autorisations de
programme.
Cet effort, réel, du Gouvernement ne doit toutefois pas cacher l'insuffisance
globale des crédits affectés : 11 300 logements neufs sont programmés pour
l'ensemble des départements d'outre-mer. Mais, pour la seule Réunion, il nous
en faudrait 10 000 par an pendant dix ans. Le combat pour un habitat digne et
décent est loin d'être gagné !
S'agissant du RMI, nous regrettons que le Gouvernement ait encore refusé
l'alignement immédiat qu'aucun argument sérieux ne justifie aujourd'hui.
Le premier faux argument invoqué est le coût budgétaire : 860 millions de
francs.
Et alors ? Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d'Etat, que la dépense
publique outre-mer est de 40 % inférieure à celle de la métropole. Je vous
rappelle que les seuls Réunionnais « envoient » en métropole chaque année 1 500
millions de francs liés aux jeux de hasard, dont 500 millions de francs de
taxes.
Je vous rappelle aussi que la suppression décidée de la prime d'éloignement
des fonctionnaires enlèvera plus d'un milliard de francs à l'économie de
l'outre-mer.
Le deuxième faux argument invoqué est le travail au noir.
Certes, et heureusement, dirai-je, le travail au noir existe, car, sans lui,
la marmite aurait explosé depuis longtemps !
Mais on peut étudier des mesures - j'en ai proposé dans ma proposition de loi
précitée - pour permettre de concilier la nécessaire justice sociale, et le non
moins nécessaire respect de la loi.
Je reste quand même optimiste au sujet de cet alignement des prestations
sociales. Les élections arrivent à grands pas, et la population des
départements d'outre-mer, de la Réunion en particulier, saura vous obliger
bientôt, monsieur le secrétaire d'Etat, à mettre en oeuvre cet alignement dans
un délai acceptable. Pourquoi pas au 30 juin 2001 ? Rendez-vous est pris.
Vous aimez beaucoup citer le Président Chirac quand cela vous arrange. Je vous
rappelle donc que M. le Président de la République s'est dit favorable à cet
alignement.
Je me réjouis, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'inscription d'une somme de
21 millions de francs à votre budget au titre de la coopération régionale.
L'idée d'inscrire les départements d'outre-mer dans leur environnement régional
est intéressante, mais il faut aller plus loin pour aider les populations
étrangères environnantes à vivre mieux chez elles.
Dans l'océan Indien, l'embargo criminel organisé par l'Organisation de l'unité
africaine, dont l'efficacité est patente, embargo soutenu par la France depuis
Mayotte, asphyxie l'île d'Anjouan, avec des conséquences dramatiques sur les
plans humanitaire, économique, écologique et social.
Nous, Français, nous sommes complices de ces exactions, contraires aux droits
de l'homme.
Des barques, fabriquées pour six personnes, mais qui en contiennent jusqu'à
quarante, chaque soir - je dis bien « chaque soir » ! - quittent Anjouan pour
l'« eldorado » mahorais. Et la France, hypocrite, ne compte que les morts
survenues dans le calme et bleu lagon de Mayotte, fermant volontairement les
yeux sur les centaines - j'insiste sur ce chiffre - de cadavres de jeunes, de
mères de famille, qui pourrissent dans les eaux comoriennes et
internationales.
Avec cette immigration illégale, Mayotte, qui compte aujourd'hui 160 000
habitants dont 50 000 Anjouanais, au dire du préfet, en comptera 250 000 en
2010 et 350 000 en 2020, dont peut-être 150 000 étrangers, et ce pour une île
de 400 kilomètres carrés. Où allons-nous, monsieur le secrétaire d'Etat ?
J'ose espérer, monsieur le secrétaire d'Etat, que des fonds de coopération
seront utilisés pour aider ces gens-là à vivre mieux chez eux, et non pour
faire de la belle île de mon excellent collègue Marcel Henry un camp
retranché.
Les Anjouanais ne sont pas des nomades. S'ils quittent leur île, c'est qu'ils
ont faim, qu'ils sont malades, et ce en partie à cause de la France, qui
soutient l'embargo criminel de l'Organisation de l'unité africaine.
Il faut pour cette population une aide médicale, une maternité, des semences,
des vaccins pour les enfants, les mamans et le cheptel qui est en train d'être
décimé par le charbon et par la douve !
Cela coûtera très, très nettement moins cher que d'envoyer des gardes mobiles
à Mayotte, territoire qui détient, je pense, le record de France des
expulsions.
Puisque l'occasion m'en est donnée, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais
vous dire, s'agissant de l'épineux problème du créole à l'école, que, là
encore, comme pour la bidépartementalisation, les familles réunionnaises, n'en
veulent pas.
Un sondage, paru ce matin même dans le journal de l'île de la Réunion -
décidément, vous n'avez pas de chance avec les sondages ! - montre en effet que
seuls 47 % de la population sont favorables à votre projet et que 30 %
seulement des Réunionnais et des Réunionnaises voient dans l'enseignement du
créole à l'école une aspiration authentique de la population.
Votre projet accroîtra la fracture sociale et divisera, là encore, comme pour
la bidépartementalisation, les Réunionnais en deux. Pourquoi cet entêtement
néfaste ?
Votre comportement dans ce domaine n'est pas démocratique, monsieur le
secrétaire d'Etat, et si vous persistez, nous vous ferons reculer sur ce
dossier aussi.
Que l'on se serve du créole pour apprendre le français, d'accord. Mais nous ne
saurons que faire, demain, de jeunes diplômés du CAPES ou de la maîtrise de
créole ! Une telle démarche isolera encore plus mon île et réanimera les
tentations indépendantistes. Est-ce cela que vous voulez ?
Sinon, renoncez, monsieur le secrétaire d'Etat et écoutez la voix de la
population que je représente ici, car c'est la voix de la raison face à celle
de l'aventure.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je terminerai mon intervention en vous
rappelant l'urgence qu'il y a à trouver une solution à la situation sociale des
12 000 employés communaux non titulaires.
Tous les six ans, avant les municipales, monts et merveilles sont promis à ces
personnes, dont le dévouement est reconnu. Certes, l'obstacle au règlement de
ce problème est principalement d'ordre financier, mais notre fonction publique
territoriale ne peut plus, au troisième millénaire, accepter en son sein ces «
parias » d'un autre siècle, taillables et corvéables à merci.
Sous ces réserves, qui se veulent constructives, je vous surprendrai, monsieur
le secrétaire d'Etat, en votant votre budget, ...
M. Georges Othily.
Ah !
M. Edmond Lauret.
... premièrement pour ses mesures économiques en faveur de nos petites
entreprises, dans le prolongement de la loi Perben voulue par Jacques Chirac et
imposée par le gouvernement Balladur ; deuxièmement pour saluer votre effort de
stabilisation des crédits en matière de logement social.
(Applaudissements
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Henry.
M. Marcel Henry.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on
dit souvent, à juste titre, que le vote du budget est l'acte politique par
excellence, celui qui permet au Gouvernement de rendre compte de son action et
de présenter ses projets, celui où se distinguent normalement, au sein du
Parlement, l'opposition et la majorité, celui qui nous donne l'occasion, dans
nos institutions, d'évaluer les engagements gouvernementaux à la mesure de la
réalité dans nos collectivités locales.
En application de cette conception du débat budgétaire, je suis obligé de vous
faire part, monsieur le secrétaire d'Etat, de mon ferme désaccord avec l'action
du Gouverment à Mayotte.
Je précise d'emblée que cette opposition ne vous vise personnellement en rien
puisque vous venez d'entrer en fonction, que vous nous laissez espérer - ce que
vous me confirmerez peut-être aujourd'hui - une très prochaine visite dans
notre île et que l'une de vos premières annonces aura été relative à
l'augmentation de notre programme de constructions scolaires.
Je n'ai donc aucun préjugé à votre égard, mais l'action gouvernementale n'est
pas divisible et je veux dire très clairement ici que, pour Mayotte, elle est
mauvaise : mauvaise quant au débat sur le statut, mauvaise quant au financement
du développement, mauvaise quant à la situation économique et au climat social
qui en résultent.
Notre débat intervient comme pour ponctuer une année marquée par de nombreux
épisodes de la confrontation sur la question du statut de Mayotte.
Voilà un an, votre prédécesseur, après deux ans et demi d'expectative, lançait
à la hussarde une consultation du conseil général et des conseils municipaux
pour engager le processus de consultation de la population et jeter à la trappe
la départementalisation de Mayotte, réclamée par la population depuis quarante
ans, promise par la loi depuis vingt-quatre ans et par les deux responsables de
l'exécutif plus récemment.
C'était un mauvais coup, et il a réussi. Pour l'heure, à force de divisions
organisées, de manoeuvres, de pressions, d'alliances incongrues, d'amalgames et
de fausses promesses, on a réussi à convaincre une majorité de Mahorais
d'approuver l'accord passé en janvier dernier entre le Gouvernement et trois
partis politiques locaux.
Pour parvenir à ce résultat, on a pris tant d'engagements devant la
population, on a - disons les choses nettement - tant travesti la vérité qu'il
faut bien aujourd'hui déchanter.
Les réunions que vous avez provoquées à Paris pour élaborer le projet de loi
sur le futur statut de collectivité départementale en ont révélé la réalité.
Il s'agit d'un statut hybride, désavantageux à tous égards, et dont il faudra
évaluer, le moment venu, la conformité improbable à la Constitution.
Aucun des avantages individuels et collectifs du statut départemental n'y
figurera ; nous en subirons, en revanche, les inconvénients.
Le seul objectif de ce statut est bien de permettre ce que le Gouvernement a
affirmé être une priorité, c'est-à-dire l'insertion de Mayotte dans son
environnement régional ou, pour parler franchement, son rapprochement politique
avec les Comores, ce que les Mahorais refusent avec la dernière énergie.
Telle est la réalité de votre projet de loi, et la population, à laquelle on
avait tant promis, comprend brutalement ce que, pour sa vie quotidienne, le
statut de collectivité départementale signifie.
L'annonce d'une décentralisation renforçant les pouvoirs, et donc la
responsabilité des élus locaux sans aucun moyen pour y faire face, signifie la
frustration sociale programmée, et celle-ci commence à s'exprimer.
La réforme du système de l'immatriculation foncière se traduit par une
multiplication des frais de mutation et annonce explicitement l'introduction
d'une nouvelle fiscalité communale, alors que les Mahorais, à revenu égal,
paient déjà plus d'impôts directs et indirects que leurs compatriotes de
métropole ou des DOM.
Un décalage immense entre le discours sur la répression et l'immigration
clandestine ou le travail clandestin et la pratique quotidienne du
laisser-aller, ou même de l'encouragement de ce mouvement, submerge et ruine
tous les équilibres sociaux de Mayotte et tend, de façon résolue, à effacer la
singularité de son destin politique.
Voilà tout ce que les Mahorais retiennent aujourd'hui du projet de nouveau
statut dans l'ordre juridique !
Au moins pourraient-ils être rassurés si la contribution financière de l'Etat
leur démontrait, pour les engagements anciens, ou leur annonçait, pour les
débuts du futur statut, une réelle volonté de les amener, même progressivement,
même avec des adaptations, au niveau des départements d'outre-mer. Il n'en est
rien !
En février dernier, votre prédécesseur est venu à Mayotte pour y faire la
publicité - je devrais dire la propagande - de son projet de collectivité
départementale. Il a, plusieurs fois, annoncé qu'au titre du plan Mayotte
bénéficierait d'une enveloppe, jamais atteinte, de 4 milliards de francs.
Cette présentation de l'engagement de l'Etat n'était pas loyale : elle
laissait entendre que la dotation de 4 milliards de francs était liée au vote
des Mahorais sur le statut, ce qui était faux ; elle occultait la disparition
de la convention spécifique Etat-Mayotte qui, à côté du contrat de plan,
permettait jusque-là de rattraper un peu de notre retard ; elle amalgamait des
crédits d'investissement et des dépenses de fonctionnement sans rapport avec
les règles habituelles de la planification ; elle annonçait l'abondement des
crédits d'Etat par l'intervention à Mayotte des fonds structurels européens ;
alors qu'on sait aujourd'hui que cette perspective n'existe pas ; elle
semblait, surtout, annoncer des financements immédiats.
Qu'en est-il ? Aucun financement au titre du plan commençant au 1er janvier
2000 - et qui n'a été signé qu'en septembre - n'est mis en place ni ne le sera
prochainement : le préfet de Mayotte vient d'annoncer que les premiers effets
s'en feraient peut-être sentir au second semestre de 2001, voire plus tard.
Les entreprises n'ont plus de commandes. Elles sont contraintes de débaucher
massivement. Les deux plus gros entrepreneurs du secteur du bâtiment et des
travaux publics sont obligés de reprendre à leurs sous-traitants locaux les
marchés qu'ils leur abandonnaient jusque-là avec parcimonie. Les délais de
réalisation des constructions publiques, raccourcis par le retard dans la mise
en place des crédits, imposent le recours à des matériaux, à des matériels, à
des techniciens et à des savoir-faire importés au détriment des entreprises
mahoraises.
Du fait de cette véritable syncope dans notre développement, plusieurs
institutions sociales importantes sont bloquées par le patronat et par un
syndicat ouvrier qui refusent cette situation. Il en va ainsi de la médecine du
travail, de la formation professionnelle, de la commission consultative du
travail et, peut-être demain, de la caisse de prévoyance sociale.
Cette situation illustre le fait que la paritarisme social, par ailleurs tant
prôné à Mayotte, ne fonctionne pas lorsqu'il n'y a rien à redistribuer,
lorsqu'il n'y a pas de grain à moudre.
La population, elle, découvre avec stupéfaction, puisqu'on lui avait dit et
promis le contraire, que votre projet de loi statutaire ne comportera aucune
disposition sur la hausse et l'alignement du SMIC, l'indemnisation du chômage,
l'alignement des allocations familiales, le relèvement des retraites à un
niveau décent, l'intégration des fonctionnaires locaux dans des cadres d'Etat,
la création, même progressive, du RMI, l'instauration de l'allocation de parent
isolé - que les femmes mahoraises sont obligées d'aller chercher en métropole
ou à la Réunion - ou encore la création d'une véritable allocation scolaire.
Il n'y a rien de tout cela dans le projet de loi statutaire. La collectivité
départementale était un mirage, et la population commence à gronder, comme le
font déjà les entreprises.
En une année, l'action - ou quelquefois l'inaction - du Gouvernement a, en
effet, perturbé profondément le climat économique et social de Mayotte.
Les entreprises ne sont pas seulement inquiètes à raison de la conjoncture
budgétaire, elles sont plus largement préoccupées de leur avenir même.
Mayotte est livrée en pâture aux appétits extérieurs. Le discours officiel
porte sur la responsabilité des Mahorais, sur leur prise en charge en qualité
d'acteurs de leur propre développement, mais la réalité est exactement inverse.
Tandis qu'à tous les niveaux de l'encadrement public les fonctionnaires
expatriés supplantent les jeunes cadres mahorais, des pans entiers de
l'économie sont offerts à des entreprises extérieures, notamment réunionnaises.
Le développement très intempestif de la grande distribution profite à la
Réunion ; la privatisation du service des hydrocarbures, qui fonctionne bien et
qui rapporte de l'argent au budget local, est prévue au profit d'une entreprise
réunionnaise ; l'importation de matériaux de construction ou l'usinage du riz,
secteurs où travaillent depuis longtemps des entreprises mahoraises, doivent
être - nous dit-on - rééquilibrés en faveur de nouveaux acteurs réunionnais,
qui n'ont pris aucune part aux risques économiques et politiques du passé.
Libéralisation et privatisation des services publics sont, à Mayotte, les
dogmes étranges du Gouvernement, à condition qu'elles profitent à la Réunion,
dont les patrons créent aujourd'hui trois sur quatre des entreprises nouvelles
de Mayotte. C'est au point qu'un mensuel de Saint-Denis a pu récemment titrer :
« Mayotte : le nouvel Eldorado des Réunionnais ».
Les entrepreneurs mahorais voient également se détériorer rapidement le climat
social, jusque-là relativement paisible. Les frustrations, les déceptions et
les exigences sont à la mesure des promesses qui ont été faites. Notre préfet
ne craignait pas de déclarer, dans un journal local, la semaine dernière : «
Pendant la campagne pour la consultation, les candidats ont fait beaucoup de
promesses, aux citoyens aujourd'hui de leur demander des comptes. »
Qui a encouragé les signataires de l'accord de janvier avec le Gouvernement à
faire ces promesses ? Qui a alimenté les ambiguïtés et les équivoques sur le
contenu financier et social du nouveau statut ? Qui a laissé entendre que le
seul vote du 2 juillet provoquerait un déferlement d'argent et d'emplois à
Mayotte ? Qui donc, si ce n'est le Gouvernement et ses alliés locaux ?
Aujourd'hui, Mayotte, ancien volcan par la géologie, est animée par une lave
sociale brûlante et potentiellement éruptive. Les revendications les plus
légitimes - adductions d'eau, transport scolaire - n'étant pas satisfaites,
elles donnent lieu à des barrages routiers incessants, accompagnés
d'affrontements physiques entre les forces de l'ordre et la population. Voilà
deux semaines, les stagiaires des organismes de formation professionnelle
étaient descendus dans la rue car il n'y avait plus de crédits pour payer leurs
indemnités de stage. Depuis septembre, une série de grèves incontrôlées a
frappé plusieurs entreprises mahoraises. Les artisans, les agriculteurs, les
petits commerçants menacent, eux aussi, de descendre dans la rue, car ils ont
l'impression que le développement se joue sans eux. Plus généralement, c'est
toute une partie de la jeunesse et toutes les catégories les plus défavorisées
de la population qui ont aujourd'hui le sentiment de se trouver dans une
impasse et d'avoir été trompées.
On pensait que la mise en oeuvre du projet gouvernemental concernant Mayotte
avait été rondement menée. Mais le temps nécessaire pour susciter la
désillusion aura été plus court encore que le temps des illusions
entretenues.
Mayotte réclame aujourd'hui, avec une force chaque jour plus grande, que
soient tenus tous les engagements pris. Or rien n'indique qu'ils le seront.
Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je voterai contre le projet de
budget que vous nous présentez.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est M. Payet.
M. Lylian Payet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une
fois n'est pas coutume, le Parlement aura eu à plusieurs reprises, en cette
année 2000 qui s'achève, l'occasion de se pencher sur la situation de
l'outre-mer : après le vote de la loi d'orientation qui a provoqué de nombreux
débats passionnés, voire passionnels, pas toujours dans l'intérêt exclusif du
développement durable de nos départements d'outre-mer, notamment de la Réunion,
le présent projet de loi de finances prévoit, en son article 12, un nouveau
mécanisme d'aide fiscale à l'investissement qui remplacera, à compter du 1er
janvier prochain, le dispositif actuel, qui venait à échéance.
Il s'agit donc d'une année riche en dispositions en faveur des départements
d'outre-mer, dont certaines, originales, sont inscrites dans la loi
d'orientation. Il convient maintenant de veiller à leur application, au travers
notamment des moyens financiers mis à disposition. Nous comptons sur vous,
monsieur le secrétaire d'Etat, pour accélérer la mise en oeuvre de tous les
dispositifs, afin qu'aucun retard ne puisse être constaté.
S'agissant du projet de loi de finances pour 2001, les crédits du secrétariat
d'Etat à l'outre-mer progressent de plus de 6 % à structure constante - c'est
l'affichage - ce qui est nettement plus appréciable que la maigre augmentation
d'à peine 2 % constatée l'an dernier.
Mais cette évolution, encore très insuffisante au regard des problèmes que
nous affrontons, s'explique principalement par la prise en compte de la charge
budgétaire supplémentaire liée à la loi d'orientation, soit 325 millions de
francs. Il aurait donc logiquement été inconcevable qu'il n'en soit pas ainsi
!
La priorité donnée à l'emploi et à l'insertion qui est affichée depuis
plusieurs années par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer et qui s'est exprimée
notamment par le vote de la loi d'orientation s'impose en fait comme une
évidence lorsque l'on connaît la situation économique et sociale des
départements d'outre-mer, qui n'arrivent toujours pas à tirer parti de
l'embellie de la conjoncture en France métropolitaine : en 1999, le nombre des
chômeurs n'a ainsi diminué que de 0,3 %, alors qu'il baissait de 5 % en
métropole. Le taux de chômage - structurellement plus important outre-mer et
trois fois supérieur à celui de la métropole - menace directement la cohésion
sociale, favorise la délinquance des jeunes et engendre un certain « mal-vivre
».
Les crédits alloués au financement des actions tendant à favoriser le
développement de l'emploi sont regroupés au sein du FEDOM, qui représente près
de 40 % des crédits du ministère. Ce taux, je le souligne, est intéressant. Il
est en outre à noter que les exonérations de cotisations patronales, qui sont
également destinées à encourager les créations d'emploi, sont prises en charge
par le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité.
L'augmentation du montant des crédits du FEDOM, qui atteint plus de 25 %, se
justifie principalement par la mise en oeuvre des dispositifs nouveaux créés
par la loi d'orientation, tels que les projets initiative-jeunes, les
allocations de retour à l'activité ou bien encore les congés-solidarité.
Je déplore cependant, comme l'an passé, la stagnation des mesures d'insertion
dans le secteur marchand et la place croissante accordée aux emplois-jeunes.
En effet, les emplois-jeunes, pour utiles qu'ils soient - et je vous rappelle,
mes chers collègues, que, à la Réunion, plus de la moitié des jeunes de moins
de vingt-cinq ans sont au chômage - ne sont qu'un pis-aller, en raison de
l'incertitude qui plane sur la sortie de ce dispositif.
Il conviendrait plutôt de réorienter les crédits vers le secteur marchand,
beaucoup plus productif en termes de création de postes salariés et où les
jeunes trouveront des débouchés. Or le financement des contrats d'insertion par
l'activité, des contrats d'accès à l'emploi, des contrats de retour à l'emploi
et autres contrats emplois consolidés n'absorbe que 22 % des crédits du
FEDOM.
Les mesures d'insertion visant les bénéficiaires du RMI sont financées par une
part de la créance de proratisation, laquelle est destinée à disparaître, en
raison de l'alignement progressif du montant du RMI sur celui qui est en
vigueur en métropole. Cette évolution est injustifiable eu égard à la situation
qui prévaut à la Réunion.
A ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat, je réitère la question que je vous
ai posée à mainte reprise, notamment voilà trois semaines, lors du débat sur le
projet de loi d'orientation, à propos du calendrier définitif de cet alignement
programmé sur trois ans.
Vous connaissez mon engagement en faveur d'un alignement immédiat du montant
du RMI sur son niveau métropolitain, au nom du principe de l'égalité entre les
citoyens. Mais le Gouvernement en a décidé autrement ; vous avez cependant
indiqué à plusieurs reprises, vous aussi, que le délai de trois ans était un
maximum et que, d'ici à la fin de l'année, vous annonceriez le calendrier
définitif : êtes-vous en mesure de le faire aujourd'hui, 30 novembre 2000 ?
N'attendez pas trop, monsieur le secrétaire d'Etat. Si votre annonce
intervenait pour les fêtes de Noël, elle serait considérée comme un cadeau. Or
les Réunionnais réclament l'application d'un droit et n'attendent pas de
cadeau, et vous feriez donc un mauvais père Noël.
(Sourires.)
Une autre part de la créance de proratisation du RMI vient alimenter la LBU,
la ligne budgétaire unique, destinée à financer le logement outre-mer, seconde
priorité de ce projet de budget.
Or, force est de constater que l'augmentation apparente des crédits de la LBU
ne résulte en fait que de la compensation de la baisse de la créance de
proratisation, ce qui signifie qu'aucun effort supplémentaire ne sera consenti
en ce domaine. C'est un habillage cousu au gros fil qui ne trompe personne.
Pourtant, la situation du logement dans les DOM est toujours aussi gravement
préoccupante. Savez-vous, mes chers collègues, que, à la Réunion, pour faire
face à l'évolution démographique, il faudrait construire, d'ici à 2010, 90 000
logements sociaux nouveaux, soit une moyenne de 10 000 par an ? Mais, l'an
dernier, seuls 5 000 logements ont pu être construits. Savez-vous que la
pénurie de logements entraîne une inflation des loyers, dont les montants sont
comparables, dans certaines villes de la Réunion, à ceux qui sont pratiqués
dans la région parisienne ?
Outre ces domaines prioritaires que sont l'emploi et le chômage, je
souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, évoquer brièvement, en me
contentant de les énumérer car vous les connaissez déjà, d'autres problèmes qui
se posent à la Réunion et que, je l'espère, vous aurez à coeur de résoudre
rapidement, avec l'aide de vos collègues du Gouvernement.
Je voudrais d'abord évoquer le statut des employés communaux : dans mon
département, 13 000 agents des collectivités locales ne sont pas titulaires de
la fonction publique territoriale. Une solution doit être trouvée avec les
maires, qui sont eux aussi responsables de cette situation.
Je voudrais aussi parler de la pêche, secteur menacé par les quotas imposés,
qui privilégient en fait nos voisins.
Je voudrais enfin mettre l'accent sur la situation de nos prisons, indigne de
la patrie des droits de l'homme.
En conclusion, je dirai simplement que ce projet de budget, malgré ses
imperfections et ses insuffisances, donne à la future loi d'orientation pour
l'outre-mer les moyens d'être mise en application et que, à ce titre, il ne
saurait être rejeté.
Je le voterai, en regrettant toutefois que la bidépartementalisation...
MM. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis,
et Georges Othily.
Ah !
M. Lylian Payet.
... ne soit pas au rendez-vous. Je suis en effet de ceux qui pensent que la
synergie qu'aurait permise la conjonction du budget pour 2000, des dispositions
de la loi d'orientation et de la bidépartementalisation aurait été très
profitable au développement durable de notre île, objectif que, tous, nous
cherchons à atteindre. Des intérêts politiques partisans ont changé la donne,
et je le regrette. Monsieur le secrétaire d'Etat, voici donc ma dernière
question : avez-vous « enterré » la bidépartementalisation, ou est-elle encore
d'actualité ?
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean Faure remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la
présidence.)PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget que vous nous présentez
contient incontestablement des mesures intéressantes. Cependant, ces mesures,
aussi intéressantes soient-elles, sont nettement insuffisantes. Je ne fais pas
d'obstruction systématique, vous le savez, mais je suis également incapable de
flatterie systématique : cette disposition ne fait pas partie de mon patrimoine
génétique.
(Sourires.)
Je prône et j'emploie le langage de la vérité, surtout
lorsqu'il s'agit de l'outre-mer.
Vous venez de vous en rendre compte, monsieur le secrétaire d'Etat, les
problèmes de la Guyane ne sont pas ceux de la Martinique, ni ceux de la
Guadeloupe, ni ceux de la Réunion ou de Saint-Pierre-et-Miquelon, et je
pourrais multiplier les exemples pour le montrer.
Nous étions en droit d'espérer, après les déclarations importantes de votre
prédécesseur, qu'une volonté politique émane de ce projet de budget. Or, comme
l'a dit tout à l'heure M. Othily, nous sommes face à un budget technique et
sans ambition.
Il masque des vérités et il prévoit, certes, des augmentations. Mais que
croyez-vous que ces augmentations puissent faire à un ouvrier agricole de
Marie-Galante qui vit dans une case sans eau, sans électricité, tandis que sa
fille, au lycée, travaille sur Internet ? Nous pouvons bien jongler avec les
chiffres, pour lui, la réalité reste cruelle : il est exclu et il ne voit pas
le chemin qui lui permettra d'échapper à cette indignité.
On parle de responsabilité, mais je crois que le moment est venu de considérer
les hommes et les femmes de l'outre-mer comme des êtres responsables et
majeurs, qui en ont assez d'être traités comme des enfants ayant besoin de la
tutelle permanente de la métropole.
Sans prôner une rupture des liens qui nous unissent dans la liberté et la
fraternité, il faut reconnaître qu'on ne peut pas gérer la Guadeloupe comme on
gère la région parisienne. Or, ce budget tend à intégrer les départements et
territoires d'outre-mer dans une sorte de droit commun. Pourquoi ?
En matière de défiscalisation, c'est, certes, le droit de ce Gouvernement
comme de tout autre de changer de texte, de passer de la loi Pons à la loi
Paul. Mais un examen plus attentif fait apparaître que vous décidez de mettre
en place 50 % d'exonération pour l'ensemble du territoire de la Guadeloupe.
Selon M. le secrétaire d'Etat, c'est pareil. Selon moi, pas du tout !
Jarry, qui est situé dans une zone attractive, n'a pas les mêmes besoins que
Marie-Galante !
Il fallait cibler le dispositif de défiscalisation, en prenant en compte
l'aménagement du territoire et en prévoyant les zones prioritaires de
développement qui s'imposaient. Cela n'a pas été fait.
Par ailleurs, quelle politique ce budget propose-t-il en matière d'emploi ?
Certes, vous vous targuez d'une augmentation. Mais vous savez très bien,
monsieur le secrétaire d'Etat, que le FEDOM est géré par vous, et que nous n'y
avons pas accès !
On annonce une augmentation de 100 millions de francs pour l'emploi. Mais 100
millions de francs pour l'ensemble des départements d'outre-mer, cela ne
représente rien !
Il y a deux philosophies. Il y a celle qui consiste à pratiquer outre-mer une
politique d'assistanat, avec un RMI qui engendre le non-travail, le jeu, la
violence... C'est la politique actuelle. Et il y a une politique en faveur de
la dignité, qui consiste à remettre nos compatriotes au travail.
Comme M. le rapporteur l'a souligné dans son excellent rapport - et j'avais
l'impression qu'il connaissait l'outre-mer parfaitement - plus on prend des
mesures sociales attractives, plus on attire vers nous les habitants des îles
les plus pauvres de la Caraïbe, ils viennent chez nous, où les conditions
d'installation sont très simples ; pour se faire soigner dans nos hôpitaux,
pour bénéficier des avantages que la France accorde.
Toute cette faune venue de la zone hollandaise, on la retrouve sur nos
trottoirs ! A Pointe-à-Pitre, par exemple, vous avez intérêt à appeler une
prostituée et lui donner cent balles... pour qu'elle surveille votre
voiture.
Voilà la situation de non-droit dans laquelle on se trouve outre-mer ! Et tout
cela, avec la bénédiction de l'Etat et sous son contrôle !
Quand j'achète des rosiers à Paris et que je les emporte en avion, en
Guadeloupe, par décision du ministère de l'agriculture, je dois les remettre à
la douane pour contrôle ! Mais les Haïtiens entrent chez moi avec de la banane,
de la patate douce, des citrons, sans aucun contrôle ! Ils vendent de la
marchandise notoirement volée sur le trottoir, sans aucun contrôle ! Et sous la
marchandise, il y a la drogue, il y a le crack, il y a de tout... toujours sans
aucun contrôle !
A la moindre revendication, au moindre désordre, une troupe de gens envahit
les rues.
Et lorsque l'on essaie de tenir dans ce département un langage réaliste, on se
fait traiter d'indépendantiste. Votre prédécesseur m'a traitée
d'indépendantiste parce que j'ai essayé d'instaurer dans mon département un
langage de vérité, parce que j'ai dit qu'il y en avait assez de séparer nos
compatriotes en deux catégories : ceux qui ont le monopole de la vérité et ceux
qui ne comptent pas. Je considère que tout le monde a sa part de vérité.
Que constatons-nous ? Nous constatons que vous êtes prêt à partir tout de
suite à la Réunion parce qu'il y a du désordre, qu'un projet de loi est élaboré
pour la Corse parce que, là-bas, on tue des préfets. Mais lorsque nous, nous
essayons, dans la sagesse et la sérénité, de bâtir par nous-mêmes un projet, on
nous prend pour des mineurs et l'on semble nous dire : vous ne pouvez pas bâtir
un projet pour l'outre-mer ; laissez-nous faire !
Eh oui, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est ce que j'ai entendu ! Et quand
votre prédécesseur a dit que la loi d'orientation, c'était Delgrès et
Schoelcher qui étaient revenus, toute la population a ri, même les gamins de
six ans. Il faut tenir compte des mutations !
La mutation, elle ne se produit pas seulement en métropole ! Elle est encore
plus forte chez nous, et ce pour deux raisons. D'une part, nous sommes dans la
Caraïbe et la présence américaine n'y est pas négligeable. D'autre part, nous
sommes attachés, plus qu'ailleurs, à l'authenticité de nos racines.
Donner le RMI à certains, prévoir quelques mesures pour des acteurs
socioprofessionnels, c'est très bien ! Mais pour régler le problème de fond du
chômage, il faut arrêter ce système pervers du RMI, qui engendre le travail au
noir. Des planteurs de bananes ou de canne sont eux-mêmes RMistes et font venir
des Haïtiens pour couper la canne ou cueillir la banane. Voilà comment se pose
le problème en Guadeloupe !
Et ceux qui osent tenir ce langage, on essaye de leur taper dessus. Je crois
pourtant que le courage c'est de dire la vérité. Le courage d'affronter la
réalité des problèmes, aujourd'hui, c'est une vertu politique. Le camouflage
n'aura jamais un résultat positif.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous continuez à distribuer le RMI pour que
les gens jouent au loto et aux dominos, et que l'argent retourne en métropole,
vous annihilez tout esprit de créativité.
Il n'y a plus d'artistes. Il n'y a plus de chanteurs. Il n'y a plus rien. Plus
personne ne crée : on attend le facteur. Si c'est cela votre politique, je ne
peux pas être d'accord, parce que je suis, moi, partisante du travail. Je pense
que c'est encore une valeur sacrée, une valeur qui permet à l'homme de se
rendre compte jusqu'où il peut aller.
Ce qui me fait plus mal encore, c'est la destruction de la famille, les
atteintes très graves qui sont portées à l'un des piliers les plus forts de la
société guadeloupéenne, la famille.
La femme est un support indiscutable, et nous allons le démontrer aux
prochaines élections. Nous allons montrer que des femmes, en Guadeloupe, sont
déterminées à se battre pour la paix et la sécurité.
Comment tolérer que, devant les écoles, des gamins de neuf ans se « shootent »
et que la réponse soit : il n'y a pas assez de policiers ? Est-ce une solution
?
Comment accepter que les crédits en faveur du sport aient diminué, monsieur le
secrétaire d'Etat ? Pourquoi nous empêcher d'affronter dignement la Jamaïque,
alors que nous faisons flotter le drapeau français et résonner
la
Marseillaise
dans les compétitions internationales qui ont lieu dans la
Caraïbe ?
Laura Flessel est originaire de Guadeloupe, que je sache. Et je pourrais citer
bien d'autres noms de sportifs fameux.
Les crédits consacrés au sport sont des crédits extrêmement importants, parce
que le sport est un facteur de réinsertion de ceux qui se sentent exclus et qui
ont besoin de vivre à travers cet espoir que représente le sport. Pourtant, ces
crédits, ils diminuent, et j'en suis désolée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je veux aussi vous faire part publiquement - et
je prends mes responsabilités - du sentiment de mépris qu'ont ressenti nos
compatriotes à Sydney quand la Fédération française a traité avec un peu de
dédain nos entraîneurs antillais. Ce sont les entraîneurs antillais qui ont
fait Laura Flessel, Christine Aron et les autres ! Ce n'est pas parce qu'on est
une vedette de télévision qu'on entraîne mieux les jeunes ! Ce comportement
aussi est inacceptable. C'est ce comportement également qui crée un climat
inacceptable en métropole.
En matière d'éducation, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la région
Guadeloupe reste très pénalisée - j'ignore pourquoi - bien que le Gouvernement
fasse une très grande publicité en faveur de ses lycées lorsque les étudiants
manifestent.
On nous a promis des prêts à taux zéro. Nous avons déposé ce que nous croyions
être un excellent dossier pour un lycée de plus de 6 000 élèves ; les rapports
de la commission technique indiquent que cet établissement présente un danger ;
pourtant, nous ne parvenons pas à obtenir un prêt pour le scinder.
Je voudrais également parler de la politique du logement.
Tous mes collègues jugent que 11 000 logements c'est peu. Pour ma part, je
dirai plutôt : simplifiez les procédures, rétablissez au plus vite la formule
du guichet unique qui permettait aux demandeurs de logement, aux constructeurs,
au BTP de travailler ensemble.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je n'ai pas l'habitude de pleurnicher, et je ne
le ferai pas davantage aujourd'hui. Pourtant, vous refusez d'admettre que la
Guadeloupe est un archipel. Alors que la Corse a toujours bénéficié de la
continuité territoriale avec le continent, la Guadeloupe, qui n'a jamais
réclamé la continuité territoriale avec la métropole, n'a jamais obtenu la
continuité territoriale de Pointe-à-Pitre vers Saint-Martin, Saint-Barthélemy,
Marie-Galante, La Désirade et les Saintes.
L'Assemblée nationale a réaffecté les fonds de transport aux marinas de Gosier
et de Saint-François. Pour notre part, nous déciderons la semaine prochaine
d'affecter ces fonds aux transports publics car nous ne pouvons pas accepter
qu'un ouvrier agricole ou qu'un écolier de Marie-Galante paie 100 francs par
jour pour se rendre à son école ou sur son lieu de travail et que la région
Guadeloupe ne perçoive aucune aide à ce titre.
Je relève également que les crédits de l'outre-mer ne tiennent pas compte de
la réalité des 40 % affectés aux agents territoriaux de nos régions.
Mais il y a mieux, quand on compare avec la Martinique - cela ne doit pas
heurter mes collègues de la Martinique ; loin de moi l'idée de contester leurs
dotations.
Chacun connaît la superficie et la population de la Martinique. Or je constate
que les crédits alloués, par exemple à l'enseignement scolaire, sont proches de
3 milliards de francs pour la Martinique tandis qu'ils n'approchent que les 2
milliards de francs pour la Guadeloupe.
Ne sait-on pas, à Paris, qu'il y a plus d'écoles en Guadeloupe qu'en
Martinique, que la Guadeloupe, c'est Saint-Martin, Saint-Barthélemy,
Marie-Galante, Terre-de-Bas, Terre-de-Haut ? La géographie, on l'oublie !
C'est en raison de toutes ces mesures discriminatoires, du refus de
reconnaître le caractère archipelagique de la Guadeloupe, avec ses conséquences
sur le transport, en raison de la réponse négative sur les lycées et de la
faiblesse de nos dotations que, sans faire d'obstruction systématique, sans
voter contre, je m'abstiendrai sur le projet de budget pour l'outre-mer.
Car ce projet de budget comporte des éléments intéressants, monsieur le
secrétaire d'Etat, et je souhaite me tromper.
J'ai la prétention peut-être - est-ce de l'orgueil ? - de dire que je connais
bien la Guadeloupe, que je connais très bien ma région. Je vous donne
rendez-vous sur place, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous vous rendrez compte
que les mesures que vous avez accordées en matière fiscale et sociale ne vont
pas répondre aux besoins, à l'attente des populations.
Depuis cinq ans, nous avons accordé plus de 300 millions de francs
d'exonération d'octroi de mer à nos entreprises ; cela ne s'est traduit par
aucune création d'emploi. Je suis donc obligée de remettre les exonérations
d'octroi de mer à plat et de les subordonner à la création d'emplois.
Dans nos régions, vous êtes confronté, monsieur le secrétaire d'Etat, à une
situation extrêmement grave. Vous ne pouvez y remédier ni avec des déclarations
intempestives, ni en soutenant un clan contre d'autres clans, ni en multipliant
les interventions des CRS. Le moment est venu d'ouvrir avec l'outre-mer un
dialogue de responsabilité fondé sur la dignité des peuples. La tendance au
paternalisme dominateur ne s'harmonise plus avec la revendication profonde du
respect de l'homme guadeloupéen dans sa dignité.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
projet de budget, doté de 6,81 milliards de francs, est en hausse de 6,94 % par
rapport à celui de la loi de finances initiale de l'année en cours.
La progression de 442 millions de francs s'explique par l'important
accroissement des crédits affectés aux emplois-jeunes, ainsi que par les
dépenses prévues dans le cadre du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer,
qui sont regroupées en majeure partie dans l'augmentation des crédits du FEDOM,
lequel enregistre une progression de 26 %, soit 588 millions de francs.
Votre projet de budget sera donc le premier budget de la loi d'orientation
dont le volet économique et social pourra s'appliquer à la collectivité
territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Ce n'est sûrement pas la panacée, mais il nous apportera un important soutien
dans l'attente de l'instauration d'une activité économique plus pérenne et qui
devrait être de nature, à condition que tous les bénéficiaires observent la
règle du jeu, à réduire le coût du travail, donc celui de la vie, et à
favoriser l'emploi, qui est notre préoccupation majeure.
Je ne reviendrai pas sur ces mesures qui ont été déclinées et largement
débattues ces derniers temps au Parlement.
Néanmoins, je regrette à ce sujet que le Gouvernement ne se soit pas rallié à
la position votée par le Sénat portant exonération des charges patronales au
seuil de vingt salariés au lieu de dix.
Pour le secteur du bâtiment et des travaux publics, il aurait également mieux
valu l'intégrer à 100 %. On aurait fait preuve de plus de réalisme si on avait
pris en compte les handicaps qui pèsent sur ce secteur, pas uniquement dans ma
collectivité, cela va de soi.
Je tiens maintenant à insister sur quelques thèmes propres à
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Nos difficultés structurelles ne se sont pas aplanies au cours de la décennie
précédente, qui a été marquée, dès son début, par l'effrondement de notre pêche
industrielle.
L'apport de cette dernière en matière d'emploi, de trafic et de manutention
portuaire, ainsi que de bénéfice à l'exportation, n'a pas été remplacé par la
diversification de la pêche artisanale. Même si celle-ci s'est bien développée,
elle reste limitée du fait des quotas que nous attribue le Canada.
Je tiens en l'occurrence à relativiser et à actualiser les données exposées
par le rapporteur M. Rodolphe Désiré. S'il y a eu augmentation des quotas pour
1999, le Canada les a réduits d'un tiers - ce n'est pas rien ! - pour 2000. Et
sur l'ensemble des totaux admissibles de captures, des TAC, pour toute la
région, nous n'avons droit qu'à 16,5 % soit 3 300 tonnes, ce qui représente
huit fois moins qu'en 1989 pour la pêche artisanale et la maigre pêche
industrielle confondue.
Le nombre des demandeurs d'emplois s'est accru de 6 %.
Le déficit commercial s'est accru également et le taux de couverture, qui
s'était effondré à quelques points seulement au milieu de la dernière décennie,
s'est hissé à 13,6 % en 1999, soit bien loin des 48 % de la fin des années
quatre-vingt.
Malgré une saine gestion des finances de la collectivité au cours des six
dernières années, jusqu'en mars dernier, en conjonction avec des initiatives
nombreuses et menées à bien en matière de diversification économique, nos
problèmes de fond n'ont pas été résolus.
La dette a augmenté, le port est vide et l'arrêt de la mise en libre pratique
vers l'Europe, le transbordement douanier, n'a fait qu'aggraver la situation
budgétaire même si telle n'est pas apocalyptique. Les inquiétudes du secteur du
bâtiment doivent être prises en considération.
Sur la pêche, monsieur le secrétaire d'Etat, j'attends une action forte du
Gouvernement en faveur de la défense de nos intérêts dans les discussions avec
Ottawa sur les quotas, puisque c'est l'élément essentiel depuis l'accord de
1994.
Une nouvelle réflexion doit être amorcée sur cet accord, avec comme objectif,
notamment, le remplacement du chalutier canadien qui pêche pour notre compte,
par un chalutier battant notre pavillon et adapté à la nouvelle configuration
de la pêche dans l'archipel.
En tout cas, lors des prochaines rencontres du conseil consultatif
franco-canadien, il est impératif que la France parvienne à obtenir de nos
interlocuteurs plus de souplesse, en particulier pour permettre à nos navires
de pêcher le quota significatif de thon rouge auquel ils ont droit, et ce dans
des conditions acceptables pour eux.
S'agissant du transbordement douanier, je vous demande, monsieur le secrétaire
d'Etat, profitant jusqu'en janvier prochain de la présidence française de
l'Union européenne, de relancer les feux, Saint-Pierre-et-Miquelon ayant
toujours travaillé dans une transparence totale en la matière. On peut donc
reprendre cette pratique du transbordement douanier.
Venons-en à la défiscalisation. Dans le projet de loi de finances, l'article
12 dessine le nouveau dispositif fiscal propre aux investissements
outre-mer.
En ce qui concerne Saint-Pierre-et-Miquelon, le taux pivot donnant droit à la
réduction d'impôt est porté à 60 % dans un souci de prise en compte de nos
handicaps structurels, principe dont je ne peux que me féliciter.
Sur le champ des investissements éligibles, je note qu'il serait étendu à la
rénovation hôtelière ainsi qu'aux secteurs de l'informatique et des logiciels,
mais qu'en sont exclues les activités d'exportation, qui ont pourtant besoin
d'un soutien vigoureux.
Le nouveau dispositif est favorable aux PME soumises à l'impôt sur le revenu,
notamment du fait du report possible sur quatre ans de la réduction. Mais je
m'interroge sur son impact pour les opérations de faible montant qui demandent
des ressources venant de l'extérieur et qui sont montées par les petites
entreprises à la taille des petites collectivités.
D'ailleurs, en ce qui concerne l'important secteur du logement,
Saint-Pierre-et-Miquelon, tout comme Mayotte et les autres territoires
d'outre-mer, se trouve exclu du nouveau texte.
Il en va de même en matière d'investissements productifs, qui, eux aussi, sont
réservés aux résidents de France.
Ce sont là deux discriminations négatives que comporte aussi le système
actuellement en vigueur.
La spécificité fiscale de la collectivité territoriale de
Saint-Pierre-et-Miquelon constitue un autre obstacle.
Finalement, nous aurons peu accès au nouveau dispositif !
Il y a là un vaste chantier à creuser pour faire émerger une adaptation
profitable à l'archipel qui permettrait d'attirer une épargne défiscalisée mise
à la portée de ceux qui, localement, veulent s'investir et investir pour
développer leur propre économie. J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que
vous pourrez nous y aider.
En effet, plus que jamais, la question des investissements est d'actualité
dans l'archipel compte tenu du nouveau contexte généré par la recherche
d'hydrocarbures à notre porte, en zone française, par les compagnies Exxon,
Mobil et Gulf.
C'est la troisième fois que j'interviens à cette tribune pour demander au
Gouvernement de boucler le cahier des charges indispensable à la concession par
l'Etat à la collectivité territoriale de ses compétences en matière
d'exploration et d'exploitation des ressources de notre zone économique
exclusive.
Alors que se déroulent des discussions décisives avec les compagnies
étrangères, il devient urgent que cet objectif soit atteint au plus vite. La
poursuite du projet de construction des trois navires d'assistance aux
plates-formes est suspendue à cette inconnue.
J'en viens à ma deuxième remarque.
J'insiste particulièrement sur la vigilance et le soutien le plus ferme dont
doit faire preuve le Gouvernement s'agissant de l'exigence de réciprocité à
tous égards pour ce qui a trait aux opérations d'assistance aux plates-formes
pétrolières au large de l'archipel, si les tout prochains forages se révèlent
fructueux. Il faut absolument que nos navires puissent circuler dans la zone en
toute liberté et réciprocité. Le renouveau du port de Saint-Pierre en dépendra.
Ce pourrait être un volet important en matière de retombées économiques et
d'emploi.
Ma troisième remarque est suscitée par ces développements potentiels ainsi que
par une actualité maritime récente et concerne l'absence à
Saint-Pierre-et-Miquelon d'une antenne du ministère de l'environnement.
Dans les circonstances que l'on peut prévoir, il me semble important pour le
futur de pallier cette lacune, tout comme il est important, sur un autre plan,
d'accorder une attention particulière à la formation professionnelle des jeunes
en raison des perspectives économiques nouvelles.
Sur le plan social, compte tenu du maintien élevé du taux du dollar, qui
renchérit le coût de la vie et dont dépendent nos importations, j'appelle aussi
votre attention sur la nécessité de revaloriser les retraites du secteur privé,
d'autant que nous sommes en présence d'une « fracture sociale » de plus en plus
perceptible.
Autre question récurrente : la régularisation de la situation des
fonctionnaires, magistrats et militaires en poste à Saint-Pierre-et-Miquelon au
regard de leur couverture sociale, précisément pour leur affiliation à la
caisse de prévoyance locale.
Ce dossier, qui traîne depuis une décennie, a fait l'objet d'un recours devant
la juridiction administrative et le décret qui posait problème, celui du 22
juillet 1999, vient d'être récemment annulé en Conseil d'Etat. Il doit être
remplacé par un nouveau décret, dont le projet a été élaboré par les
représentants des fonctionnaires intéressés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de soutenir leur action auprès
de vos collègues du Gouvernement afin que les nouvelles dispositions souhaitées
constituent une réaffirmation du statut des fonctionnaires en poste dans
l'archipel, ce qui a été totalement ignoré depuis 1991 malgré de nombreuses
interventions.
Je reviens brièvement sur une question qui n'a guère évolué et qui touche le
domaine de l'organisation judiciaire. Il s'agit de l'absence de titulaire à la
présidence du tribunal de première instance de la collectivité.
Cette situation, qui dure depuis des années, ainsi que je l'avais déjà
souligné, n'est pas un facteur favorable à un bon rendu de la justice ;
j'espère que vous contribuerez à la normaliser, en collaboration avec votre
collègue Mme la garde des sceaux.
Enfin, dans le domaine culturel, je veux signaler les problèmes que rencontre
la chaîne Réseau France Outre-mer, à cause de la retransmission de son signal
RFO 1 sur le Canada francophone par l'intermédiaire du câblo-opérateur CANCOM,
à partir de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les menaces de procédure dont elle est
l'objet sont d'autant plus inquiétantes que la retransmission touche près de
300 000 foyers francophones.
Par ailleurs, CANCOM projette de véhiculer, en partenariat avec RFO et Canal
Savoir, les cours de langue française dispensés au Francoforum, notre institut
d'enseignement du français accédité auprès des universités de Caen et de
Poitiers, lequel constitue un pôle majeur en progression du développement de
notre tourisme culturel.
Pour le rayonnement de notre archipel, de notre langue et de notre culture, il
me semble que la « maison mère » de la francophonie, vocable par lequel nos
amis canadiens désignent la France, doit se préoccuper de cette question et
apporter tout son soutien à notre société de radiotélévision d'outre-mer. Dans
ce domaine aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, votre action comptera.
En conclusion, compte tenu des aspects positifs qu'il contient, je voterai
votre projet de budget pour la collectivité territoriale que je représente.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Jean Faure au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord remercier les cinq
rapporteurs, MM. Torre, Désiré, Balerello, Hyest et Nogrix, de leurs rapports,
qui vont au fond des sujets intéressant l'outre-mer.
Nous avons déjà eu l'occasion, voilà quelques jours, d'échanger en commission
nos arguments. Je vais maintenant m'efforcer de répondre à vos principales
observations, et cela conformément au souhait que vous avez exprimé tout à
l'heure, monsieur le président de la commission des finances, celui d'un débat
sincère et direct. Je ferai donc en sorte, au jeu de la vérité, de ne pas être
en retard sur Mme Michaux-Chevry !
Je commencerai bien sûr, puisqu'il s'agit d'une discussion budgétaire, par la
vérité des chiffres. Mais je n'oublierai pas, soyez-en sûrs, la réalité vécue
par les femmes et les hommes de l'outre-mer, car c'est bien cette vérité-là qui
doit fonder notre politique.
Je suis heureux, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous présenter pour la
première fois, aujourd'hui, le projet de budget du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer pour 2001. Il se présente assurément sous de bons auspices et,
au-delà des critiques tout à fait normales et légitimes, et des éléments
d'appréciation que vous avez parfois portés contre ce budget, je me réjouis de
voir que les rapporteurs, à l'exception de l'un d'entre eux, ont appelé votre
assemblée à voter ces crédits et que la plupart des membres du Sénat qui se
sont exprimés ce matin - quel que doive être leur vote dans quelques instants -
ont relevé les progrès marqués par la loi de finances pour 2001 et ont aussi
bien compris qu'il s'agissait de traduire dans les faits ce qui est ressorti de
l'important débat qui a occupé pendant plusieurs mois tant l'Assemblée
nationale que le Sénat, le débat sur le projet de loi d'orientation pour
l'outre-mer.
Je commencerai par répondre très directement à M. Torre.
Selon vous, qu'est-ce qu'un bon budget pour l'outre-mer ?
Ce n'est pas seulement un budget en augmentation, même s'il est important,
voire agréable, pour moi, de rappeler que son taux de croissance, de près de 7
% pour 2001, est le troisième des budgets, après ceux des ministères de la
ville et de l'environnement. Depuis le début de la législature, il a augmenté
de 22 %, à périmètre constant, progression qui est considérable, au-delà des
mouvements d'un budget à l'autre et des changements de nomenclature, dont
certains d'entre vous, à juste titre, ont parfois déploré la complexité. Cette
progression quantitative ne doit donc pas, à elle seule, déterminer votre
jugement et, tout à l'heure, votre vote.
Un bon budget, ce n'est pas non plus seulement une loi de finances qui
comporte de nouveaux moyens pour l'outre-mer, même si ce projet de budget
présente - c'est vrai pour d'autres budgets que celui que je défends devant
vous - des avancées considérables et, je le crois aussi, sans précédent.
Permettez-moi de les rappeler, car elles sont de nature à éclairer les
orientations qui sont désormais les nôtres en faveur de l'outre-mer.
La première concerne le nombre des contrats de plan entre l'Etat et les
régions de l'outre-mer, en nette progression : la plupart sont signés, les
autres vont l'être.
La deuxième est, dans le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité,
une mesure qui sera une formidable bouffée d'oxygène pour les communes
d'outre-mer : l'exonération de charges patronales de sécurité sociale - nous en
avons parlé dans cet hémicycle voilà quelques semaines - dans la limite de 1,3
SMIC. Cette disposition concernera près de 95 % des entreprises de l'outre-mer
et s'appliquera à partir du 1er janvier 2001. C'est bien la preuve, si besoin
était, de la volonté du Gouvernement de s'engager en faveur de l'outre-mer sans
perdre de temps entre les intentions que nous manifestons, le vote du Parlement
du projet de loi qui en résulte et sa traduction concrète dans les départements
d'outre-mer. Cette disposition représentera, dans le budget de Mme Guigou, un
montant en année pleine de 3,5 milliards de francs.
Cet acte législatif majeur que représente la loi d'orientation pour
l'outre-mer, notamment son volet économique et social - nous reviendrons
peut-être tout à l'heure sur son volet institutionnel - est une preuve de plus
de la détermination du Gouvernement. L'inscription dans le budget de l'emploi
de cette mesure est vraiment la traduction la plus visible et la plus massive
du choix politique fait par le Gouvernement dès le budget pour 2001.
Voilà quelques jours, vous avez aussi adopté à l'unanimité, comme à
l'Assemblée nationale - je m'en rejouis d'autant plus que ce sujet a donné lieu
à des polémiques dans le passé -, l'article 12 du projet de loi de finances qui
met en place un nouveau dispositif d'aide fiscale à l'investissement se
substituant à la loi précédente, dite « loi Pons ». Ce nouveau régime d'aide
sera plus juste et plus efficace, donc moins critiquable et sans doute plus
durable. Il évitera peut-être que, dans quelques années, au Sénat comme à
l'Assemblée nationale, des parlementaires ne s'opposent de nouveau sur l'idée
même d'un soutien fiscal à l'outre-mer, cela parce que nous aurons su proposer,
après une longue concertation avec le Parlement et les acteurs
socioprofessionnels, un dispositif qui sera aussi, je le crois, un tournant
dans les modalités concrètes du soutien de l'Etat à l'investissement dans les
départements et territoires d'outre-mer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si ce budget mérite d'être adopté, c'est
parce que, au-delà de l'effort consenti à travers les crédits et de mon
secrétariat d'Etat et d'autres ministères, c'est parce qu'il permet de répondre
concrètement à des objectifs clairs.
Le premier de ces objectifs, comme je l'ai dit devant vos commissions, c'est,
bien entendu, l'application de la loi d'orientation pour l'outre-mer.
En effet, monsieur Nogrix, qu'aurait dit le Parlement si, après l'intense
débat qui nous a longuement occupés, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale,
après qu'eurent été affirmées des orientations aussi fortes, le Gouvernement
n'en avait pas tiré la traduction budgétaire dès la loi de finances pour 2001 ?
Il aurait été bien désinvolte à l'égard du Parlement de ne pas donner à
l'outre-mer les moyens de voir se concrétiser les mesures décidées, et ce dès
le début de l'année 2001. Cela vaut pour les allégements de charges patronales,
que j'ai déjà évoquées, mais également pour les autres dispositions, notamment
celles qui visent à soutenir l'emploi et le développement local.
Ainsi, dès le début de l'année 2001, nous serons en mesure, avec les élus et
les forces économiques et sociales de ces départements, de mettre en oeuvre la
loi d'orientation.
Les actions financées par ce projet de budget visent prioritairement au
soutien de l'emploi et du développement économique parce que c'est la première
réponse à l'exclusion.
J'ai bien noté, dans les interventions des uns et des autres, le souhait de
voir, au-delà des nécessaires mesures sociales, la politique du Gouvernement en
faveur de l'outre-mer produire un effet de levier sur un certain nombre de
projets de développement économique. J'évoquerai, à cet égard, les crédits du
FEDOM, qui augmentent de 25 % et qui permettront, comme l'a souligné M. Désiré,
de financer des actions d'insertion ainsi que les nouvelles mesures prévues par
la loi d'orientation.
Il y a là une orientation tout à fait essentielle, dépassant les sensibilités
qui se sont exprimées, dépassant aussi certaines incompréhensions ou
malentendus, car nous unissent une même appréciation des difficultés de
l'outre-mer et une même volonté de les surmonter.
Je ne pense pas, moi non plus, qu'il soit envisageable un instant de faire
l'impasse sur un développement durable pour l'outre-mer.
On ne sait pas assez que les économies de l'outre-mer enregistrent, par
rapport à leur population, des taux de créations d'emplois plus forts que
l'économie métropolitaine. En fait, la crise de l'emploi que connaissent les
départements d'outre-mer depuis plusieurs années, avec des taux de chômage deux
à trois fois supérieurs à celui de la métropole, résulte largement de l'arrivée
sur le marché du travail d'un très grand nombre de jeunes nés pendant la
période de forte croissance démographique, celle des années soixante-dix et
quatre-vingt.
Puisqu'on peut commencer à dresser un bilan de l'action du Gouvernement en la
matière, je dirai que, malgré les handicaps structurels, les actions qui ont
été menées au cours des dernières années ont déjà porté leurs fruits : on
enregistre ainsi une baisse du chômage de 5 % au cours de la dernière année
dans les départements d'outre-mer.
Je suis d'autant plus heureux de le souligner ici que la vision qui est donnée
de l'outre-mer à Paris, non par les parlementaires de l'outre-mer, mais par un
certain nombre de commentateurs ou d'intervenants dans le débat public,
notamment à l'Assemblée nationale, est souvent très « stigmatisante ».
Il existe bien, aujourd'hui, une dynamique de croissance dans les départements
d'outre-mer. Les économies d'outre-mer ont, elles aussi, des domaines
d'excellence, tel le rythme des créations d'emplois, que je viens d'évoquer.
Sans que soit comblé totalement le fossé considérable qui existe, à cet égard,
entre les départements d'outre-mer et la métropole, des évolutions tout à fait
significatives commencent ainsi à se dessiner.
Mon ambition, qui est aussi celle de l'ensemble du gouvernement de Lionel
Jospin, est de continuer à faire baisser le chômage, en particulier celui des
jeunes, en conjuguant les aides à l'emploi et le soutien aux entreprises.
Je voudrais maintenant répondre aux principales observations formulées par les
rapporteurs.
M. Henri Torre a regretté que, malgré la hausse du RMI en 2001, les actions
financées par la créance de proratisation continuent de bénéficier du même
montant d'aide.
Monsieur le sénateur, qu'aurait été la réaction des parlementaires si cet
engagement n'avait pas été tenu ?
Le Gouvernement s'était, en effet, engagé à maintenir l'effort financier dans
les secteurs prioritaires que sont l'insertion et le logement social, et cela
malgré l'augmentation du RMI et l'évolution mécanique de la créance de
proratisation.
Tous les rapporteurs ainsi que nombre de représentants de l'outre-mer
soulignent l'ampleur des besoins dans ces domaines ; c'est pourquoi je crois
que nous devons au contraire nous féliciter que l'Etat n'ait pas pris prétexte
du relèvement du RMI pour relâcher son soutien aux populations les plus
fragiles de l'outre-mer.
Par ailleurs, vous avez, monsieur le rapporteur spécial, affirmé que
l'alignement du RMI sur trois ans entraînerait, pour les départements
d'outre-mer, une charge supplémentaire de 860 millions de francs. Permettez-moi
de considérer que cette appréciation est un peu excessive.
En réalité, la hausse du RMI est prise en charge par le budget de l'emploi.
Les départements, quant à eux, financent des actions d'insertion à hauteur de
16,25 % du montant du RMI effectivement versé dans le département l'année
précédente. Cela représente globalement, pour les quatre départements
d'outre-mer, au maximm 142 millions de francs.
Pour éviter cette augmentation, le Gouvernement a prévu, vous l'avez sans
doute observé, des mesures tendant à favoriser le retour à l'activité des
RMistes en leur accordant une allocation de retour à l'activité - l'ARA - qui
vient s'ajouter au salaire, de manière à permettre la sortie volontaire du
dispositif des RMistes âgés de cinquante ans ayant de faibles chances de se
réinsérer, et cela moyennant le versement d'un revenu de solidarité. C'est
d'ailleurs un amendement de votre collègue Claude Lise qui permettra à plus de
12 000 RMistes d'accéder dès 2001 à une situation améliorée.
La loi d'orientation prévoit, en outre, le renforcement des contrôles, avec la
possibilité de suspendre le versement de l'allocation lorsque le bénéficiaire
perçoit un revenu non déclaré ou ne fait pas un effort tangible et réel
d'insertion.
L'objectif du Gouvernement est bien d'inverser les tendances à la progression
du RMI dans les départements d'outre-mer. Ainsi, les conseils généraux ne
subiront pas de hausse des crédits d'insertion.
Beaucoup d'entre vous ont abordé la question des emplois-jeunes. Ceux-ci ont
été souvent combattus dans leur principe même, et pas seulement au sein de
votre assemblée.
Je précise, tout d'abord, que les emplois-jeunes font l'objet d'un très bon
taux de consommation outre-mer, ce dont vous avez semblé douter, monsieur
Torre. Leur nombre représente 6 % du total national, alors que les moins de
vingt-cinq ans de l'outre-mer représentent environ 3,6 % du total national de
cette classe d'âge. Au 31 octobre 2000, ce sont plus de 14 000 emplois-jeunes
qui ont été créés outre-mer, dont 9 800 imputés sur le budget du secrétariat
d'Etat à l'outre-mer, 4 253 étant pris en charge par le ministère de
l'éducation nationale et le reste - des adjoints de sécurité - relevant du
ministère de l'intérieur.
Au-delà du scepticisme qu'a parfois suscité l'institution des emplois-jeunes,
au-delà des craintes qui ont pu se manifester quant à leur utilisation, il
apparaît que les élus, les associations ou les établissements publics qui les
ont recrutés, tant outre-mer qu'en métropole, émettent un jugement extrêmement
positif, d'ailleurs à l'image du jugement que les jeunes portent eux-mêmes.
M. Philippe Nogrix,
rapporteur pour avis.
Bien sûr ! Vous leur donnez un SMIC au lieu du RMI
!
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Mais ce n'est pas négligeable, monsieur le sénateur
!
Si le jugement des jeunes est positif, ce n'est pas seulement parce que,
pendant cinq ans, ils ont la possibilité de percevoir un revenu - ce qui est
tout de même une façon d'entrer dans la vie, d'entamer la « décohabitation » -
mais c'est aussi parce que cela leur permettra, dans la suite de leur parcours
professionnel, de faire état d'une véritable expérience professionnelle.
M. Philippe Nogrix,
rapporteur pour avis.
Ça, c'est à voir !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Combien d'entre vous, après avoir parfois marqué leur
scepticisme à l'égard des emplois-jeunes, ont finalement eu recours à ce
dispositif sur le terrain, dans leur commune, dans leur département ?
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez également évoqué les primes et
sur-rémunérations des fonctionnaires affectés outre-mer.
Il s'agit d'un système qui repose sur des textes anciens. Une modernisation
était et reste nécessaire, c'est incontestable. Je ferai simplement observer
que, depuis dix ans, beaucoup de gouvernements s'y sont essayés, sans succès ;
cela montre que le dossier est délicat.
Certains éléments de sur-rémunération sont, en effet, pleinement justifiés par
les déménagements, les déplacements en avion et, parfois, par le coût élevé du
logement.
Certaines de ces primes et sur-rémunérations sont également nécessaires pour
stimuler les candidatures dans les départements d'outre-mer et pour favoriser
la circulation de tous les agents publics dans l'ensemble de notre pays.
L'intention du Gouvernement est, bien sûr, de respecter le vote du Parlement
s'agissant de la prime d'éloignement, mais en menant, j'y insiste, une large
concertation avec les organisations syndicales et en prévoyant un régime
transitoire.
J'en viens à l'intervention de M. Philippe Nogrix, qui considère que les
crédits pour 2001 du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le
FEDOM, relèvent plus d'un souci d'affichage politique que des réalités de la
gestion politique de l'emploi.
Je lui rappellerai qu'il convient d'apprécier la politique que conduit le
Gouvernement en faveur de l'outre-mer, et plus particulièrement des DOM, en
prenant en compte non seulement le budget du secrétariat d'Etat, dont j'ai la
responsabilité, mais également le projet de loi d'orientation dans son
ensemble, dont beaucoup de mesures trouvent leur traduction financière à la
fois dans le budget que vous examinez aujourd'hui et dans le budget du
ministère de l'emploi et de la solidarité : c'est le cas de l'abaissement du
coût du travail par les exonérations des charges patronales de sécurité
sociale. C'est ainsi, à mon sens, qu'il faut appréhender le projet de budget
qui est soumis à votre appréciation.
Il y a là une volonté d'affirmer que la priorité accordée à l'emploi doit se
traduire dès l'année 2001 dans le budget de l'Etat.
S'agissant de la suppression de la taxe d'apprentissage dans les entreprises
de plus de dix salariés et de la prime des contrats de qualification, je
partage, monsieur Nogrix, votre inquiétude. Je suis d'ailleurs intervenu en ce
sens auprès de ma collègue Mme Guigou pour obtenir que les départements
d'outre-mer ne soient pas concernés par cette disposition. Je vous rappelle
cependant que 95 % des entreprises des départements d'outre-mer ont moins de
onze salariés et qu'elles ne sont donc de toute façon pas affectées par cette
mesure.
Quant à la stagnation des formations en alternance depuis 1994, elle témoigne
de la faible capacité des entreprises des DOM à accueillir, en raison de leur
fragilité et de l'étroitesse de leur encadrement, des stagiaires titulaires
d'un contrat en alternance. Si aucune mesure spécifique n'a été prévue dans le
projet de loi d'orientation, c'est qu'il n'est pas apparu nécessaire de créer
un nouveau dispositif qui viendrait rendre plus complexe encore le paysage de
la formation. Il semblait préférable d'améliorer de façon significative les
conditions générales de l'économie des départements d'outre-mer, ce qui est
fait par l'ensemble des dispositions que nous avons proposées et que le
Parlement a adoptées.
La politique d'aide au logement, qui constitue une autre priorité majeure du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer, a fait l'objet d'observations de la part de
plusieurs de vos rapporteurs, en particulier de MM. Balarello et Nogrix.
Les interrogations portent, notamment, sur les conséquences de l'alignement du
RMI sur les crédits ouverts. L'ampleur de l'augmentation est contestée et, dans
le même temps, les rapporteurs regrettent que cet engagement soit tenu. Je
décèle donc quelques contradictions.
Pour mesurer la progression réelle des autorisations de programme destinées à
la politique du logement, il convient de comparer la totalité des enveloppes
budgétaires qui sont affectées au logement social en gestion 2000 et en gestion
2001.
En tenant compte de l'ensemble des abondements intervenant en cours d'année, y
compris ceux de la créance de proratisation, l'augmentation réelle des moyens
atteindra plus de 4 % en 2001 en autorisations de programme, ce qui est très
significatif. La parole du Gouvernement est tenue, il n'y a pas de doute
là-dessus.
Il est vrai que la progression des crédits de paiement est moins importante,
vos rapporteurs l'ont souligné ; mais cela résulte de la prise en compte des
reports importants qui sont constatés depuis plusieurs années et qui ont
atteint 230 millions de francs à la fin de l'exercice 1999. Il était de bonne
gestion pour le Gouvernement de vous proposer de procéder ainsi.
Pour donner une vision d'ensemble des actions de l'Etat en faveur du logement
outre-mer, je souhaite rappeler que l'intervention de la ligne budgétaire
unique est complétée par le maintien des taux préférentiels de TVA pour les
opérations de logements locatifs sociaux, ce qui représente un effort de 150
millions de francs par an, et par l'intervention de l'Agence nationale pour
l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, en faveur des propriétaires bailleurs. Au
total, les sommes consacrées au logement, au travers de ces différents
mécanismes, atteindront 1,8 milliard de francs en 2001.
J'ajoute, car je sais que ce sujet préoccupe plusieurs d'entre vous, que les
agences dites « des 50 pas géométriques » dans les départements d'outre-mer
auront les moyens de fonctionner dès l'année prochaine grâce à la taxe spéciale
d'équipement, leur principale ressource. En effet, dans l'attente de la
perception de cette taxe, à l'automne 2001, j'ai demandé l'inscription, dans la
loi de finances rectificative pour 2000, d'une subvention pour couvrir les
dépenses du premier exercice de chacune de ces agences.
Je souhaite également répondre aux questions de M. Balarello portant sur la
sécurité et la justice dans les départements d'outre-mer.
Face à la délinquance, je rappellerai - bien entendu, ce n'est pas la seule
réponse - que les effectifs de la police nationale affectés outre-mer ont
augmenté de 15 % de 1997 à 2000, avec notamment le recrutement d'adjoints de
sécurité, dont l'effectif doit atteindre un chiffre supérieur à 530 en 2001. En
outre, une compagnie départementale d'intervention supplémentaire a été
implantée en Martinique et un commissariat annexe a été créé à Gosier, en
Guadeloupe. Les mesures de sécurité ont également été renforcées en Guyane, au
cours des dernières années.
En ce qui concerne la justice, je souhaite évoquer aussi l'effort accompli par
la Chancellerie - Elisabeth Guigou, d'abord, Marylise Lebranchu, qui a pris le
relais ensuite - en faveur des départements d'outre-mer. En effet, ce budget
augmentera de 7,5 % en 2001, pour atteindre 833 millions de francs en crédits
de paiement. En autorisations de programme, la hausse s'élève à 75 %, et ce
pour répondre à la nécessité impérieuse de rénover ou de créer des maisons
d'arrêt dans plusieurs départements d'outre-mer. Les missions parlementaires de
l'Assemblée nationale et du Sénat qui ont visité ces établissements ont
confirmé l'appréciation que portait le Gouvernement sur leur nécessaire
rénovation.
A la Réunion, la construction d'une nouvelle prison est programmée pour 2001,
ce qui permettra la fermeture de la maison d'arrêt de Saint-Denis.
En Guadeloupe, la maison d'arrêt de Basse-Terre doit être reconstruite et
agrandie. Le projet sera mis au point en 2001 et sa mise en oeuvre devrait
intervenir dès 2002.
En Guyane, la remise en état de la prison de Rémire-Montjoly, partiellement
détruite en 1999, est achevée.
Pour Mayotte, un schéma directeur de restructuration des structures
pénitentiaires est en cours de réalisation.
Par ce budget, il s'agit de financer des créations d'emplois dans tous les
secteurs : services judiciaires, protection judiciaire de la jeunesse et
administration pénitentiaire.
M. Désiré a évoqué les difficultés de développement économique des DOM. De
nombreux outils ont été mis en place par le Gouvernement. Il s'agit tout
d'abord du fonds DOM, dispositif de garantie qui s'est substitué à la société
de gestion des fonds de garantie des DOM, la SOFODOM. Ce remplacement était
rendu nécessaire en raison de l'incompatibilité du système avec les normes
européennes. Par ailleurs, celui-ci était jugé insuffisamment performant par
les acteurs économiques.
Le fonds DOM vise à faciliter l'accès au financement bancaire des entreprises
locales, notamment les très petites entreprises, créatrices d'emplois, qui ne
pouvaient bénéficier auparavant des garanties de la SOFODOM.
Par ailleurs, le Gouvernement étudie actuellement les conditions de relance
des fonds régionaux de participation. Ce dispositif de soutien sera destiné
essentiellement aux petits projets.
A un moment où la conjoncture économique s'améliore en Europe, en métropole et
outre-mer, des résultats positifs peuvent être attendus de l'ensemble des
modalités d'intervention récemment adoptées pour renforcer la croissance
économique des départements d'outre-mer. Bien entendu, je sais - et plusieurs
d'entre vous l'ont dit - que ces dispositifs viennent compléter ceux que les
collectivités locales ont d'ores et déjà souhaité mettre en place.
M. Balarello a évoqué la question des sur-rémunérations, - j'y ai répondu tout
à l'heure - mais aussi la difficulté pour les communes de titulariser leurs
agents en situation de statut précaire.
Il est vrai que les employés communaux occupant des emplois précaires
atteignent souvent les deux tiers des effectifs. Le Gouvernement - je l'ai dit
devant vous à plusieurs reprises - est particulièrement attentif à cette
situation. M. Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de
l'Etat, a signé, le 10 juillet dernier, un protocole d'accord avec les
formations syndicales des trois fonctions publiques, qui a conduit à
l'élaboration d'un projet de loi, dont vous aurez à débattre prochainement.
Pour apporter une solution à la situation des agents des collectivités
territoriales, je suis en mesure de préciser, si c'était nécessaire, que les
titularisations peuvent intervenir sans concours pour les agents précaires qui
occupent des emplois de catégorie C. Il n'y a donc pas d'obstacle juridique.
Pour procéder à ces titularisations, les communes doivent disposer d'emplois
vacants. Les titularisations pourront intervenir à l'échelle 1, conformément à
un avis qui avait été rendu par le Conseil d'Etat.
Ces dispositions permettront aux communes d'offrir des emplois permanents à
certains de leurs salariés. Je mesure, bien sûr, l'effort que cela représente.
Je suis persuadé que c'est dans une approche pluriannuelle de ce problème que
nous pourrons ensemble trouver la réponse à cette question, qui est
particulièrement sensible, notamment à la Réunion, mais aussi, je le sais, dans
l'ensemble des départements d'outre-mer.
M. Désiré a relevé que les crédits de paiement du fonds d'investissement pour
le développement économique et social, le FIDES, connaissent une augmentation
faible, alors que les autorisations de programme progressent de 20 %.
Cela résulte également, comme sur un autre sujet que j'évoquerais, tout à
l'heure, de l'importance des crédits reportés, qui étaient en effet
considérables à la fin de l'année dernière.
Je tiens cependant à souligner que le Gouvernement a décidé une forte
progression de sa contribution au financement des contrats de développement
pour les pays et territoires d'outre-mer ; M. Hyest y sera sensible.
L'augmentation s'élève à 22 %, avec une enveloppe annuelle qui a été portée de
610 millions à 746 millions de francs.
S'agissant de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte, j'indiquerai à MM. Reux
et Henry que l'enveloppe annuelle augmente de 45 %. Je reviendrai tout à
l'heure, monsieur Henry, sur l'appréciation que vous portez sur l'action de
l'Etat en faveur de Mayotte, mais, d'ores et déjà, je vous invite à noter que
l'enveloppe des contrats de plan et des contrats de développement a progressé
de façon considérable.
Pour répondre aux préoccupations de M. Hyest relatives aux rapports des pays
et territoires d'outre-mer avec l'Union européenne, je lui indiquerai que j'ai
été conduit, lors de la conférence qui s'est tenue à Bruxelles le 16 novembre
dernier, à faire connaître tant au commissaire européen chargé de ce dossier -
je l'ai trouvé un peu timoré sur ce point - qu'aux représentants des pays et
territoires d'outre-mer présents mon appréciation sur l'avant-projet de
décision qui nous était présenté.
La proposition de la Commission comporte des points positifs, et plusieurs
élus présents l'ont relevé : elle prend en effet en compte la diversité des
pays et territoires d'outre-mer ; elle prévoit, dans des conditions qui restent
d'ailleurs à préciser, une gestion du fonds européen de développement du type
de celle du FEDER et la mise en place d'un fonds spécial pour les pays et
territoires d'outre-mer, sans toutefois en préciser la date de mise en oeuvre,
ce qui m'apparaît évidemment comme une grave lacune. J'ai également salué
l'évolution positive que connaît l'enveloppe du neuvième fonds européen de
développement pour quelques-uns des pays et territoires d'outre-mer, notamment
Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte.
J'ai appelé l'attention du commissaire européen sur le souhait du Gouvernement
de voir fonctionner de manière effective le dispositif proposé par la
Commission pour remplacer le système du transbordement. J'ai également insisté
pour qu'il assure les fonctions de développement économique de la
collectivité de Saint-Pierre-etMiquelon.
Actuellement, on observe donc un certain nombre d'allers et retours sur cette
proposition de la Commission. Toutefois, je tiens à vous assurer - car cette
intervention est très récente - de ma détermination à continuer d'agir,
notamment sous la présidence française, auprès de la Commission.
Vous avez ensuite évoqué la situation en Nouvelle-Calédonie et la nécessité
que ce territoire connaisse, au-delà de la phase d'apprentissage de ses
nouvelles institutions, une étape harmonieuse de son développement économique.
Nous partageons, bien sûr, cette volonté de rééquilibrage et d'amélioration du
fonctionnement de ses institutions, autour de cette idée de collégialité, que
j'ai eu l'occasion d'évoquer lors d'un récent déplacement en
Nouvelle-Calédonie.
Je suis extrêmement soucieux que nous puissions prochainement réunir - cela a
été envisagé, bien sûr - les signataires de l'accord de Nouméa pour faire le
point à la fois sur les engagements qui avaient été pris par les uns et les
autres, sur le fonctionnement des institutions et sur l'accord particulier
entre la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna. Je souhaiterais d'ailleurs que
cet accord puisse être signé à l'issue de cette réunion. En tout cas, le
Gouvernement ne se dérobera pas aux engagements qu'il a pris dans le cadre de
cette relation, à laquelle il faut veiller avec beaucoup d'attention, entre
Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie.
A ce point de mon propos, mesdames, messieurs les sénateurs, et après vous,
monsieur Hyest, je voudrais évoquer un instant la mémoire de Raphaël Pidjot,
tragiquement décédé avant-hier, avec plusieurs membres de son équipe et
d'autres personnes, lors d'un accident d'hélicoptère en Nouvelle-Calédonie.
A l'occasion de ma rencontre avec Raphaël Pidjot lors de mon déplacement en
Nouvelle-Calédonie, j'avais souligné son action dans le rééquilibrage de
l'économie calédonienne. Je souhaite devant vous, mesdames, messieurs les
sénateurs, rendre hommage à un homme de grande qualité, très attaché à son
pays, et qui laisse, c'est vrai - le président Paul Néaoutyine me l'a confirmé
encore hier matin - un grand vide. Il était, au sein du monde kanak, l'un de
ceux qui portaient l'espoir, la vision, me semble-t-il, d'une
Nouvelle-Calédonie apaisée, comprenant que le développement et l'évolution de
ce territoire passaient également, et surtout, par le développement économique.
Il en était l'un des acteurs les plus éminents.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué également l'un des principaux dossiers
actuellement à l'étude par le Gouvernement et qui concerne, là encore, la
Nouvelle-Calédonie : il s'agit d'une opération de soutien fiscal à
l'investissement pour trois avions que souhaite acquérir la compagnie Aircalin.
L'un de ces appareils est destiné au remplacement d'un avion existant, les
autres consolideront la flotte concernée, notamment dans la relation entre la
Nouvelle-Calédonie et le Japon.
Pour ma part, je suis profondément persuadé de l'intérêt de ces
investissements pour le développement de la Nouvelle-Calédonie, notamment en
matière touristique. Les dernières procédures nécessaires ont été obtenues de
la part du congrès de Nouvelle-Calédonie et du gouvernement voilà seulement
quelques jours. Il s'agit maintenant de vérifier l'équilibre d'ensemble de ce
projet, qui fait l'objet, comme je vous l'ai indiqué, des ultimes études.
L'investissement est en effet considérable, puisqu'il s'élève à près de 1,8
milliard de francs pour ces trois appareils.
Le Gouvernement souhaite pouvoir donner au gouvernement de Nouvelle-Calédonie
une réponse dans les plus brefs délais sur ce dossier.
Monsieur Othily, vous m'avez interrogé, et même interpellé, sur un certain
nombre de points de caractère général et sur d'autres dossiers plus
particuliers. Je voudrais bien sûr vous répondre sur le point qui suscite en
effet au sein de votre assemblée - d'autres l'ont évoqué - une inquiétude que
je partage et qui est tout à fait légitime.
Vous avez, monsieur le sénateur, condamné la violence et appelé à la sérénité.
Je vous en donne acte. Je déplore, comme vous, les incidents qui sont
intervenus au cours des derniers jours à Cayenne. En effet, en Guyane comme
ailleurs, seul le dialogue démocratique permettra des avancées substantielles
en matière statutaire : la république ne peut connaître d'autres voies en ce
domaine. Le dialogue démocratique en Guyane, c'est aussi le dialogue tolérant
entre les élus guyanais. Depuis hier, ce dialogue est renoué et c'est une
démarche que je veux saluer, et dont vous vous êtes, vous-même, fait l'écho
tout à l'heure.
Vous avez confirmé, comme d'ailleurs l'ont fait auprès de moi les principaux
élus guyanais, votre souhait d'une rencontre prochaine. Vous avez confirmé, ce
matin, votre intention de participer à la table ronde du 18 décembre prochain à
Paris. Je dirai à ceux de vos collègues qui sont moins au fait que vous du
processus engagé en Guyane que cette table ronde vient après plusieurs
rendez-vous utiles et fructueux entre la Guyane et le Gouvernement, et qu'elle
vient aussi avant d'autres rendez-vous indispensables en 2001 et qui, je n'en
doute pas, seront utiles et fructueux dans l'avancée de ce processus.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne nierai jamais les difficultés de la
Guyane. Je les connais. J'en ai l'écho par nombre de ceux qui s'intéressent à
l'avenir de ce département. Je ne serai jamais aux côtés de ceux qui remettent
en cause l'effort de solidarité comme le soutien au développement de la Guyane.
Je crois que la Guyane doit échapper durablement à la tentation de la violence
et qu'elle peut le faire si chacun, dans le rôle qui est le sien, est capable
de saisir cette occasion historique de faire avancer la question statutaire de
ce département.
Pendant tout le débat sur la loi d'orientation - et vous en avez été témoin
ici, au Sénat - il a en effet été question d'une évolution différenciée et
choisie pour les départements d'outre-mer. La Guyane ne doit pas être à l'écart
de cette évolution. Elle en a d'ailleurs, comme d'autres départements, montré
le chemin, en engageant, à plusieurs reprises, avec le Gouvernement ou au sein
même des assemblées locales, un dialogue, que je crois fondateur. Encore
faut-il maintenant que nous soyons en situation de le poursuivre. J'y
travaille. Nous allons avoir plusieurs rendez-vous.
Je les ai proposés conformément aux engagements pris par M. Jean-Jack
Queyranne. J'aborde ces discussions sans exclusive. Le Gouvernement, par ma
voix, entend bien, en direction de la Guyane, respecter ses engagements,
poursuivre le dialogue avec tous et, je le répète, sans exclusive.
A plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion - et vous y avez fait allusion ce
matin, monsieur le sénateur - de reconnaître l'importance du pacte de
développement. Ce pacte a été adopté par le conseil régional et par le conseil
général - c'est ce qui lui donne véritablement sa légitimité - et il
constituera bien évidemment un document de référence essentiel lors des
rencontres que nous aurons ensemble, à Paris comme en Guyane, en Guyane comme à
Paris. Oui ! monsieur le sénateur, je me rendrai bientôt en Guyane. Je suis
impatient. Je m'y rendrai au mois de janvier, comme je l'ai annoncé, pour
prendre un premier contact avec l'ensemble de la Guyane, avec ses difficultés,
que je ne nie pas, avec ses espoirs, que je suis bien sûr, au nom du
Gouvernement, prêt à entendre et auxquels je veux apporter des réponses. Nous
allons, je n'en doute pas, poursuivre efficacement ce dialogue, qui a été
engagé depuis plus d'un an avec les élus de la Guyane et qui connaîtra une
étape importante en décembre.
Monsieur le sénateur, vous vous êtes interrogé à nouveau sur la philosophie de
la loi d'orientation en matière de développement économique. Fallait-il
soutenir l'offre ou la demande ? Je vous renvoie la question : faut-il choisir
entre l'offre et la demande ? Faut-il choisir entre le soutien aux entreprises
et le maintien de mécanismes de solidarité, que, parfois, dans nos débats, on
qualifie un peu trop vite de mécanismes d'assistance ?
Je l'ai dit souvent depuis trois mois : je n'appellerai jamais assistanat ce
que l'on appelle solidarité en métropole. C'est tout simplement le rappel du
principe d'égalité des droits, auquel, en effet, aucune évolution statutaire ne
doit porter atteinte. L'évolution institutionnelle des départements d'outre-mer
ne doit pas se faire contre l'égalité des droits et contre la mise en oeuvre
normale de la solidarité nationale. S'il y avait, à cet égard, quelques
ambiguïtés - et il y en a parfois dans les propos que j'entends - je tiens à
les dissiper.
En Guyane, comme dans l'ensemble des départements d'outre-mer, il faut agir
sur l'offre, c'est-à-dire abaisser le coût du travail, rendre plus compétitives
les entreprises de l'outre-mer, et c'est à ce prix, madame Michaux-Chevry,
qu'elles pourront embaucher. A cet égard, il faut un effort de l'Etat, des
dispositifs de protection sociale et de prélèvements sociaux ainsi que des
collectivités locales. Ce sont ces trois efforts conjugués qui permettront le
développement des entreprises de l'outre-mer, notamment en Guadeloupe, y
compris à Marie-Galante, auxquelles vous tenez et auxquelles je suis d'avance
attaché car je pense que nous nous y retrouverons bientôt. C'est bien ce triple
effort qui est nécessaire. Il faut agir sur l'offre pour rendre les entreprises
de l'outre-mer plus compétitives dans un environnement régional qui est, en
effet, particulièrement difficile. Elles sont exposées à des situations de
concurrence qui ne sont pas comparables à celles que l'on connaît en
métropole.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, excusez-moi de vous interrompre un instant.
Permettez-moi de vous faire observer que vous vous exprimez depuis
quarante-six minutes. Or, un engagement de modération avait été pris par
tous.
Nous pouvons, si vous le souhaitez, interrompre nos travaux et vous pourrez
poursuivre votre propos après le déjeuner...
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Non, monsieur le président.
S'agissant de la Guyane, il me semble important de fournir au Sénat, qui est
bien sûr sensible aux incidents récents, quelques éléments d'appréciation et
des précisions sur la volonté du Gouvernement. Mais je serai plus concis dans
les réponses qui suivront.
Il fallait donc, monsieur Othily, agir sur l'offre comme sur la demande, en
améliorant le montant du revenu minimum d'insertion. Plusieurs d'entre vous
m'ont interrogé sur ce point, notamment les représentants de la Réunion. S'ils
se séparent sur certains sujets, au moins, eux, convergent sur le fait de voir
aligné le plus rapidement possible - et c'est l'objectif du Gouvernement - le
revenu minimum d'insertion dans les départements d'outre-mer. Je me suis engagé
à donner prochainement - il s'agit non pas d'un cadeau mais simplement du
respect d'un engagement - le calendrier de l'alignement du revenu minimum
d'insertion. J'espère, à ce titre, pouvoir répondre très bientôt et de manière
positive à votre attente.
M. Othily m'a interrogé sur le projet sucrier en Guyane. Nous sommes
aujourd'hui, là aussi, dans les ultimes expertises de ce projet, qui est
considérable. Le Gouvernement, qui entend bien sûr soutenir tous les projets
structurants pour la Guyane, souhaite prendre en compte l'ensemble des éléments
des projets. Vous le savez, une démarche est menée auprès des autorités
européennes pour clarifier certains aspects de ce dossier, notamment dans le
domaine des quotas. Il s'agissait d'en assurer l'équilibre économique. J'ai
demandé à l'ensemble de mes collègues, notamment au ministre de l'économie et
des finances, que la position du Gouvernement soit arrêtée, là aussi, avant la
fin de l'année.
La desserte aérienne en Guyane fait l'objet de l'attention du Gouvernement,
monsieur Othily. La convention avec la compagnie Air Guyane a été prolongée
pour trois mois afin d'éviter la rupture du service. Les discussions se
poursuivent entre la compagnie, la région et l'Etat pour déterminer les
meilleures conditions pour l'avenir.
Mme Bidard-Reydet et M. Lise se sont rejoints sur deux dossiers qui sont tout
à fait essentiel : la banane et le sucre.
En ce qui concerne la banane, nous avons, là aussi, un bras de fer difficile
avec les Etats-Unis. Les prises de position récentes de la Commission sont de
nature a rassurer, au moins provisoirement, puisque le système actuel sera
prolongé avec quelques améliorations. Nous entendons nous employer à un examen
concomitant du volet externe et du volet interne de l'Organisation commune des
marchés, OCM, comme le souhaitent les producteurs antillais. C'est dans le
cadre de ce second volet que nous rechercherons des solutions aux réelles
difficultés de ces producteurs.
S'agissant du sucre, Jean Glavany, le ministre de l'agriculture et de la
pêche, a clairement pris position en faveur d'une reconduction du régime à
l'identique dans ses principes, dans ses mécanismes et dans ses dimensions, et
ce pour une durée de six ans. Il l'a fait savoir au commissaire Fischler dans
une lettre qu'il lui a adressée le 29 septembre 2000.
La France défendra, vous n'en doutez pas, au Conseil des ministres de
l'agriculture, la préservation de l'Organisation commune des marchés du
sucre.
Monsieur le président, sans aller trop au-delà de l'engagement qui avait été
pris, je voudrais répondre à M. Claude Lise, car il s'agit d'une question
d'actualité dont je voudrais donner la primeur à votre assemblée, ce qui vous
conduira peut-être, monsieur le président, à un peu d'indulgence à mon
égard.
M. le président.
Mon indulgence est grande : déjà dix minutes !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Vous avez, monsieur Lise, évoqué l'attente des
départements d'outre-mer à l'égard de l'Union européenne pour l'application du
traité d'Amsterdam, et notamment de son article 299.
Depuis hier, nous connaissons la position de la Commission européenne, qui a
adopté un certain nombre de propositions de règlement. Je veux le souligner,
ces propositions sont des réponses très positives pour les départements
d'outre-mer, s'agissant des trois dossiers qui nous préoccupent et sur lesquels
vous aviez eu l'occasion, les uns et les autres, d'attirer l'attention du
Gouvernement.
En ce qui concerne la révision du POSEIDOM, le programme d'options spécifiques
à l'éloignement et à l'insularité des départements d'outre-mer, le projet de
règlement de la Commission répond à l'essentiel des demandes que nous avions
formulées, notamment dans le memorandum du Gouvernement. Les régions et les
départements d'outre-mer avaient également milité en ce sens.
Le règlement relatif aux fonds structurels permettra, si la proposition de la
Commission est adoptée, de relever le taux d'intervention de ces fonds. Notons
également le relèvement de 35 % à 50 % du coût éligible des fonds pour les
investissements dans les petites et moyennes entreprises.
S'agissant des questions agricoles, nous avons également obtenu que les taux
d'intervention sur les investissements dans les exploitations agricoles soient
portés, dans les départements d'outre-mer, de 50 % à 75 %. D'autres
progressions des taux d'intervention sont également significatives en matière
de pêche. Je suis donc heureux de vous faire part de ces informations. Je
tiens, bien sûr, à votre disposition des informations plus complètes.
C'est le résultat efficace de l'action conjointe de tous. A cet égard, je
voudrais saluer l'engagement du commissaire Barnier, qui a été très présent
dans cette discussion, les relances répétées auprès de la Commission du Premier
ministre, que j'avais saisi dès le mois de septembre, et du Président de la
République, avec lequel nous nous en sommes récemment entretenu. C'est une
excellente nouvelle pour les départements d'outre-mer.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de m'avoir permis, aujourd'hui, de
faire le point sur ce sujet devant la représentation nationale.
Face à la faible consommation des crédits en matière de logement en
Martinique, le préfet, à ma demande, a reçu l'ensemble des partenaires du
logement social pour relancer ce processus. Nous aurons sans doute à nous
interroger plus au fond, peut-être en mettant en place une mission
d'inspection, sur les raisons de ce retard.
J'ai déjà répondu en grande partie aux questions soulevées par M. Lauret.
S'agissant du problème des jeunes et de la précarité, la loi d'orientation
apporte des réponses en termes non pas d'assistance, mais de coups de pouce
donnés aux projets des jeunes, pour permettre à ces derniers une meilleure
insertion professionnelle et des parcours de formation. Le projet
initiative-jeunes s'adressera à eux dès le début de l'année 2001.
Quant au CAPES de créole, dont Jack Lang et moi-même avons annoncé récemment
la mise en oeuvre progressive, je tiens à dire très fermement et solennellement
que ce dispositif d'enseignement qui sera proposé aux familles sera, bien
évidemment, facultatif. Il s'agit d'une reconnaissance et d'une valorisation de
la culture de la Réunion, comme d'ailleurs de celle des autres départements
d'outre-mer. Des dispositifs, d'ailleurs assez proches, existent en métropole
pour les langues régionales ; pourquoi, dès lors, en exclure le créole ? Je
vous rassure néanmoins, monsieur le sénateur : la maîtrise de la langue
française reste bien la préoccupation majeure de l'école. Mais ce sujet ne doit
pas nous diviser. Notre République étant forte, l'accueil de la diversité et la
reconnaissance de la pluralité des cultures de l'outre-mer représentent une
chance que chacun doit saisir.
M. Henry estime que les Mahorais n'ont pas les réponses attendues aux
engagements pris. Monsieur le sénateur, je note que votre intervention dans
cette enceinte était beaucoup plus sévère que vos propos et votre engagement
dans les nombreuses réunions de concertation que j'ai eu à mener depuis le mois
de septembre. Par conséquent - je vous le dis en toute courtoisie - je ne peux
pas accepter cette affirmation.
Mayotte avait été oubliée depuis vingt-cinq ans, comme vous le savez mieux que
quiconque. Le projet de statut de collectivité départementale a été élaboré.
Vous avez participé, avec l'ensemble des parlementaires et des élus locaux, à
ce processus.
Ce projet sera présenté au conseil général de Mayotte la semaine prochaine.
L'évolution vers la décentralisation et le rapprochement du statut
départemental au cours de la décennie à venir est possible.
S'agissant de l'effort de l'Etat, je vous rappelle très simplement que
l'ensemble des crédits d'Etat pour la période 2000-2004 s'élèvent à plus de 5
milliards de francs. Au-delà du contrat de plan, d'autres mesures ont été
annoncées - vous avez eu l'amabilité de les rappeler -, notamment en matière de
constructions scolaires.
En ce qui concerne les attentes sociales, je ne les méconnais pas, et nous en
avons parlé à de nombreuses reprises. Je vous rappelle que le Gouvernement,
avec l'accord du comité de suivi de Mayotte, a décidé de mettre en oeuvre les
mesures sociales par ordonnance, dans le courant de l'année 2001. Il s'agit
donc non pas de manoeuvres dilatoires, mais, bien au contraire, d'aller plus
vite.
M. Payet a évoqué la bidépartementalisation de la Réunion pour déplorer que,
pour des raisons de procédure parlementaire et donc de risques
constitutionnels, cette réforme ait dû, au moins provisoirement, être retirée
de la discussion du Parlement.
Cette réforme est bonne, et je le souligne d'autant plus volontiers que je
n'en suis pas l'inspirateur. Mais, l'ayant examinée, j'en ai compris toutes les
dimensions alors que, trop souvent, elle a été déformée dans son inspiration et
mal expliquée quant à ses conséquences. Combien de fois a-t-on dit - et pas
seulement M. Lauret - que cette réforme avait pour objectif de créer des postes
supplémentaires de conseillers généraux alors qu'il n'y en a pas un de plus
?
Cette réforme est donc bonne, car elle permet une organisation des services
publics vers plus de proximité, un meilleur équilibre du développement
économique de l'île, une répartition plus satisfaisante des équipements sur
l'ensemble de la Réunion, qui comptera plus d'un million d'habitants d'ici à
une quinzaine d'années. Dans ce domaine, l'initiative parlementaire est
souhaitable - je n'ai cessé de le dire -, et je l'attends donc dans les termes
que j'avais indiqués à l'Assemblée nationale.
Madame Michaux-Chevry, je ne vous répondrai pas sur un terrain général, car
nous aurons l'occasion, avant la fin de l'année, j'espère, de nous retrouver à
la Guadeloupe, et ce sera peut-être là l'occasion d'avoir une discussion plus
au fond sur les véritables enjeux de l'outre-mer. Je répète que je n'ai pas une
approche cosmétique de ces questions. J'entends bien que nous traitions
ensemble - il n'y a pas d'approche possible sans l'action conjointe des
collectivités et de l'Etat - un certain nombre de dossiers.
Vous avez évoqué la nécessité de traiter de façon plus spécifique ou
privilégiée telle ou telle partie de votre région, notamment les îles, et, au
sein de ces dernières, les îles Marie-Galante.
Je ne suis pas hostile à une telle approche, bien au contraire, même si ce
n'est pas dans la loi portant soutien fiscal pour l'outre-mer que nous pouvions
le faire. Dans ce texte, nous avons en effet voulu favoriser ceux des
départements ou territoires d'outre-mer qui connaissaient le plus de
difficultés : c'est Mayotte, monsieur Henry, c'est Saint-Pierre-et-Miquelon,
monsieur Reux, c'est la Guyane, monsieur Othily, ou Wallis-et-Futuna. Pour la
Guadeloupe, qui, elle, est dans le régime général de ce soutien fiscal, il
était difficile de s'orienter vers un éclatement excessif des taux de soutien
fiscal.
En revanche, le contrat de plan ou l'intervention régionale permettent de
sélectionner ceux des territoires qui rencontrent plus de difficultés ou qui
sont les plus vulnérables, et l'Etat peut bien sûr intervenir dans le cadre de
cette contractualisation avec votre collectivité.
(Exclamations.)
Vous avez évoqué le plan d'action en faveur des lycées, sujet que nous avons
abordé récemment en tête-à-tête.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Ce n'était pas en tête-à-tête !
(Sourires.)
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Pardonnez-moi cette confidence, qui vient à la fin de
mon propos !
Vous attendez, je le sais - et l'Etat ne se dérobera pas -, le déblocage pour
la durée du plan d'une enveloppe globale de 100 millions de francs de prêts à
taux zéro pour la région de la Guadeloupe.
Immédiatement après cette conversation en tête-à-tête, et en prévision de
votre intervention d'aujourd'hui, j'ai saisi Jack Lang, ministre de l'éducation
nationale. Il m'a précisé qu'il attendait encore quelques éléments en
provenance de vos services : programme quadriennal des travaux de construction,
programme annuel des travaux envisagés, etc. Je ne souhaite pas allonger mon
propos en détaillant ces modalités administratives, mais sachez que ces
renseignements ont été demandés par le préfet de la Guadeloupe au mois de juin.
Il convient maintenant de les fournir rapidement pour que nous puissions vous
donner très vite cette réponse, que je souhaite positive.
S'agissant de la baisse - elle est d'ailleurs très faible - des crédits de la
jeunesse et des sports, elle s'explique par le fait que les crédits du fonds
national pour le développement du sport réservés à l'outre-mer n'ont pas été
intégrés dans le fascicule jaune, intervenu avec retard, comme M. Hyest l'a
rappelé tout à l'heure très justement.
Mais la répartition nationale de ce fonds n'a pas encore eu lieu. Je souhaite
donc que, lorsqu'elle sera faite, la Guadeloupe, dont je connais l'excellence
en matière sportive - et vous l'avez d'ailleurs justement rappelée -,
enregistre en fin de compte non pas une régression, mais une progression.
(Mme Michaux-Chevry s'exclame.)
Enfin, M. Reux a évoqué le secteur de la pêche. Nous avons, notamment avec nos
amis et voisins canadiens, un débat difficile sur ce point, et il s'agit de
bien défendre les intérêts historiques de Saint-Pierre-et-Miquelon dans ce
domaine. J'aurai la semaine prochaine, à Saint-Pierre-et-Miquelon - sauf si les
conditions météorologiques étaient vraiment trop défavorables, monsieur le
sénateur -, l'occasion de poursuivre ce débat avec vous ; mais vous savez déjà
quel est mon engagement sur les dossiers de Saint-Pierre-et-Miquelon depuis mon
arrivée rue Oudinot, notamment dans le domaine qui intéresse très directement
la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Voilà, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs
les sénateurs, les points essentiels que je souhaitais développer devant vous,
en réponse, conformément aux souhaits de M. le président de la commission des
finances, à vos interrogations sur le projet de budget de l'outre-mer pour
2001.
Pour conclure, je voudrais simplement souligner que les mots de « dignité » et
de « responsabilité » ont été prononcés ce matin par plusieurs d'entre vous,
par M. Lise comme par Mme Michaux-Chevry, par exemple. Au-delà des chiffres,
j'y vois bien sûr, de la part de ceux qui représentent l'outre-mer ici ce
matin, une attente. J'y vois aussi, de la part du Parlement, une volonté qui
s'est exprimée, notamment, par la loi d'orientation pour l'outre-mer, mais qui
s'exprimera aussi par ce budget.
Je vois aussi dans ces mots de « dignité » et de « responsabilité », que le
Gouvernement reprend bien sûr à son compte quand on parle de l'outre-mer, un
code de conduite et peut-être même un code d'honneur pour nous tous.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées de l'union
centriste et du RDSE. - Mme Michaux-Chevry applaudit également.)
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Sénat est toujours sensible au fait que les
ministres prennent le temps de répondre à chacun des orateurs.
Nous avons cependant mal commencé, ce matin, l'expérimentation que nous
proposait M. le président de la commission des finances, puisque vous avez
parlé pendant une heure cinq ! Le Sénat est maintenant largement informé, et je
ne doute pas qu'un certain nombre de réponses, y compris en Guadeloupe, seront
apportées notamment aux problèmes scolaires qui ont été évoqués.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze
heures, sous la présidence de M. Paul Girod.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour
2001 concernant l'outre-mer.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'outre-mer
et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 35 509 644 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Philippe Nogrix.
Je m'abstiens !
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 421 018 185 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Philippe Nogrix.
Je m'abstiens !
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 37 300 000 francs.
« Crédits de paiement : 14 180 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
M. Philippe Nogrix.
Je m'abstiens !
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 211 086 000 francs.
« Crédits de paiement : 676 145 000 francs. »
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
M. Philippe Nogrix.
Je m'abstiens !
(Ces crédits sont adoptés.)
Je vais appeler en discussion l'article 62, qui est rattaché pour son examen
aux crédits affectés à l'outre-mer.
OUTRE-MER
Article 62
M. le président.
« Art. 62. - Dans le II de l'article 38 de la loi de finances rectificative
pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998), l'année : "1999" est remplacée par
deux fois par l'année "2001". »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Torre,
rapporteur spécial.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez évoqué ce
matin les agences pour la mise en valeur des zones des cinquante pas
géométriques.
Je souhaiterais obtenir quelques précisions à ce sujet : nous avons voté, en
1996, la création de ces agences ; mais, en 1998, vos prédécesseurs nous ont
demandé un délai pour leur mise en place. Nous avons alors accédé à leur
demande. Avons-nous eu raison ? Je l'ignore !
En y regardant de plus près, nous nous sommes rendus compte que ces agences
étaient loin de fonctionner. Comment s'expliquer un tel retard dans la mise en
oeuvre d'une disposition législative ? Les inconvénients en ont d'ailleurs été
soulignés avec justesse par les rapports de M. Lise au Sénat et de M. Tamaya à
l'Assemblée nationale !
Que s'est-il passé depuis 1998 ? Devons-nous considérer aujourd'hui que les
agences fonctionneront en 2001 ?
Avant de nous prononcer sur l'article 62, nous vous serions reconnaissant,
monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir nous éclairer.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur spécial, j'assume, sur ce point
comme sur bien d'autres, la totale continuité de l'Etat.
Nous constatons, en effet, un retard indéniable dans la mise en oeuvre des
textes d'application de la loi de 1996 relative à la zone des cinquante pas
géométriques aux Antilles. La mise en oeuvre de ce texte a cependant réclamé
quatre ans, en raison de la réelle complexité de cette matière.
Dès janvier 1997, une commission a été créée, sous la présidence d'un
conseiller à la Cour des comptes, afin d'examiner les projets de textes et de
proposer des modifications ou des améliorations. Cette commission n'a pas
chômé, puisqu'elle s'est réunie une quinzaine de fois jusqu'à la fin du premier
semestre de 1999.
Aujourd'hui, l'ensemble du dispositif réglementaire est disponible et le
dernier décret relatif à l'aide exceptionnelle est actuellement soumis à la
signature du Premier ministre. Il paraîtra dans les jours prochains.
Notre préoccupation commune est que ce dispositif soit opérationnel. A cette
fin, ainsi que je vous l'ai indiqué ce matin, le projet de loi de finances
rectificative qui vous sera prochainement soumis inclut une avance pour le
financement du démarrage de ces agences en 2001. Nous pourrons, de la sorte,
anticiper le vote par chacun des conseils d'administration de ces agences du
montant de la taxe spéciale d'équipement, qui constituera leur principale
ressource.
Nous avons donc collectivement pris, je le reconnais, un peu de retard dans la
mise en oeuvre de ce dispositif, mais j'ai souhaité que ce retard ne soit pas
dommageable et que, dès 2001, les agences puissent fonctionner.
M. Philippe Nogrix,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nogrix,
rapporteur pour avis.
Monsieur le président, la présentation des crédits
relatifs à l'outre-mer est telle qu'il est difficile de s'y retrouver.
La commission des affaires sociales, qui a examiné ces crédits, a constaté que
les attributions qui ont été opérées ainsi que les objectifs qui ont été fixés
ne correspondent pas à ce que souhaitent les populations des départements
d'outre-mer.
C'est la raison pour laquelle elle a émis un avis défavorable sur les titres
IV et VI.
Je précise donc que je souhaitais m'abstenir sur les titres III et V, mais
inviter nos collègues, au nom de la commission des affaires sociales, à voter
contre les titres IV et VI.
M. le président.
Soit ! Mais les votes sont déjà intervenus, monsieur le rapporteur pour avis
!
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 62.
(L'article 62 est adopté.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'outre-mer.
Mes chers collègues, avant de suspendre la séance, je vous indique que cet
après-midi va être un peu chaotique, puisque nous allons nous retrouver à seize
heures pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001, puis les conclusions de la commission mixte
paritaire sur la proposition de loi relative à la contraception d'urgence. Or
il est peu probable que la discussion de ces deux textes nous conduise jusqu'à
la suspension du dîner.
Nous interromprons cependant à nouveau nos travaux, pour ne les reprendre
qu'après le dîner, pour l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les anciens combattants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai déjà dit hier à Mme le secrétaire d'Etat
au budget combien nous semblait curieuse, de la part du Gouvernement, cette
manière de « saucissonner » le temps dont dispose le Sénat pour examiner le
budget, ...
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est vrai !
M. le président.
... temps qui est constitutionnellement de vingt jours, non seulement en
introduisant en plein milieu de la discussion budgétaire des textes qui n'ont
rien à voir avec le budget, mais aussi en dégageant pour leur discussion des
créneaux horaires qui n'ont rien à voir avec ce qu'ils devraient être
normalement.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est tout à fait anormal !
M. le président.
Cela signifie, en réalité, que l'on est en train de raccourcir la durée de la
discussion budgétaire au Sénat, ce que la présidence ne peut tolérer.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre maintenant nos travaux ;
nous les reprendrons à seize heures, comme je viens de l'indiquer.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à seize
heures.)
M. le président. La séance est reprise.
3
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2001
Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 108, 2000-2001), adopté
avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. [Rapport n°
109 (200-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué à la famille et à l'enfance.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous abordons ce
jour la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2001.
Le Gouvernement a déjà eu l'occasion d'exposer les avancées contenues dans son
texte, qui permet de faire bénéficier nos concitoyens du rétablissement des
comptes de la sécurité sociale. En effet, après les déficits sans précédent qui
ont marqué l'époque des gouvernementsBalladur et Juppé, nous avons su redresser
la situation : on nous avait légué un « trou » de 51 milliards de francs en
1996, et, pour 2001, c'est un excédent de plus de 4 milliards de francs qui est
prévu !
Ce redressement est lié, bien sûr, à la croissance de l'économie, dont ce
gouvernement a su créer les conditions et qu'il a accompagnée par une politique
économique et sociale cohérente ; mais nous le devons également à la réforme du
financement de la sécurité sociale, qui repose moins sur les revenus du travail
et davantage sur les politiques structurelles mises en oeuvre pour maîtriser
les dépenses.
C'est grâce à cette bonne santé retrouvée de la sécurité sociale que nous
pouvons envisager des progrès très importants pour notre protection sociale,
qui profiteront à tous les habitants de ce pays.
Ainsi, les retraités pourront bénéficier du retour à l'excédent de la branche
vieillesse et des fruits de la croissance, avec une revalorisation importante
de leurs pensions. Au-delà de cette mesure de justice sociale, nous préparons
l'avenir en augmentant considérablement les ressources du fonds de réserve pour
les retraites, qui disposera, fin 2001, de 50 milliards de francs.
Pour les familles, le Gouvernement met en place, sur ma proposition, le
renforcement des aides à la petite enfance, par le biais du fonds
d'investissement, l'augmentation de l'aide à la famille pour l'emploi d'une
assistante maternelle agréée, l'AFEAMA, l'accroissement de plus de 10 % des
moyens du fonds d'action sociale de la CNAF, la Caisse nationale d'allocations
familiales, l'amélioration et la simplification des aides aux logements, grâce
à une enveloppe de 6,5 milliards de francs sur deux ans, enfin une nouvelle
prestation familiale reconnaissant un droit au congé avec allocation pour les
parents d'enfants gravement malades.
En matière d'assurance maladie, d'accidents du travail et de maladies
professionnelles, nous continuons à améliorer la couverture de nos concitoyens,
tout en maîtrisant l'évolution des dépenses. Je ne citerai à cet égard que la
création de la couverture maladie universelle, dont nous allons encore
augmenter le nombre de bénéficiaires en 2001.
Enfin, je rappellerai l'avancée sociale que constituent les réductions de
contribution sociale généralisée et de contribution pour le remboursement de la
dette sociale accordées aux personnes dont les revenus sont les plus faibles,
qu'elles soient salariées, au chômage ou retraitées.
Lors de l'examen du texte en première lecture, le Sénat a décidé de remettre
en cause des avancées sociales très importantes pour les Français, qui avaient
été proposées par le Gouvernement et par la majorité de l'Assemblée nationale.
Ainsi, il a modifié profondément ce projet de loi, non seulement en limitant
considérablement sa portée, mais aussi en supprimant des mesures importantes
que les Français attendent, s'agissant en particulier des familles.
Au final, c'est la cohérence d'ensemble de notre texte qui a été altérée,
mais, heureusement, l'Assemblée nationale a d'abord rétabli l'article 2. Le
Sénat l'avait en effet supprimé, privant ainsi les personnes aux revenus les
plus modestes des diminutions de CSG et de CRDS prévues à leur profit,...
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Non !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
On a proposé autre
chose !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
... qui se traduiront par une augmentation des
salaires nets concernés dès janvier 2001.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame la ministre, m'autorisez-vous à vous interrompre ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Non.
J'avais suivi ce débat très attentivement, je m'en souviens très bien !
L'Assemblée nationale a tout aussi heureusement rétabli les articles 9 à 12,
relatifs au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale, le FOREC, car la majorité sénatoriale s'y était
opposée,...
M. Jean Delaneau,
président de la commission.
Avec raison !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
... comme elle s'oppose à tout ce qui a trait au
passage aux 35 heures, qui ont pourtant permis de créer 250 000 emplois à ce
jour.
Enfin, elle a montré toutes ses contradictions en supprimant à la fois
l'article fixant l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM,
au motif que celui-ci ne serait pas respecté,...
M. Jean Delaneau,
président de la commission.
Il n'a jamais été respecté !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
... et tous les mécanismes de régulation et de maîtrise
médicalisée des dépenses. Comprenne qui pourra !
Je regrette donc que la majorité sénatoriale n'ait pu résister à la tentation
du maximalisme, qui l'a conduite à supprimer les trois dispositions
essentielles que je viens d'évoquer.
En premier lieu, elle ne pouvait ignorer l'irréalisme de sa contre-proposition
d'une forme d'« impôt négatif » se substituant à l'allégement de CSG et de CRDS
proposé par le Gouvernement et approuvé par l'Assemblée nationale, ce qui
revenait à alourdir encore les transferts sociaux, dont, parallèlement, la
droite sénatoriale ne cesse de déplorer le poids.
En second lieu, la bataille que la majorité sénatoriale a menée sur les
articles 10 et 11 du texte voté par l'Assemblée nationale, et qui s'est conclue
par la suppression desdits articles, n'a pas été d'une grande utilité. En
effet, je pense que ce n'est pas servir la qualité de notre débat public et de
notre démocratie que de prolonger à l'excès le combat que la droite sénatoriale
a engagé avec constance contre les 35 heures, mais sous l'angle très réducteur
de leur financement.
M. Jean Delaneau,
président de la commission.
On n'a pas fini ! On en reparlera !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
En conséquence, sur les matières financières qui
composent la première partie du projet de loi comme sur les autres volets de
celui-ci, je souhaite que nous nous en tenions à la rédaction rétablie en
seconde lecture par l'Assemblée nationale, tout simplement parce que c'est
cette version qui porte les intérêts des Français, en particulier des plus
défavorisés d'entre eux, et des familles, sujet que je connais bien.
Cela étant, la commission mixte paritaire qui s'est réunie le 20 novembre
dernier n'a pas permis de rapprocher votre point de vue de celui des députés
sur des mesures pourtant essentielles pour les Français. Je me félicite donc de
ce que l'Assemblée nationale ait redonné en seconde lecture toute sa substance
et toute sa cohérence à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale,
qu'elle a encore contribué à améliorer, s'agissant par exemple du fonds
d'indemnisation des victimes de l'amiante que nous voulons créer.
C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je forme le voeu que cette
nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale soit
l'occasion d'une discussion constructive, car, au-delà des aspects financiers,
qui sont bien sûr importants dans un tel texte, c'est bien une autre vision et
une autre conception de la sécurité sociale que le Gouvernement propose, celles
d'une sécurité sociale confortée dans sa place au coeur des solidarités entre
les personnes, entre les familles, mais aussi entre les générations.
J'espère, monsieur le rapporteur, que j'aurai été entendue.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Jean Delaneau,
président de la commission.
Vous entendrez vous-même autre chose !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Madame la ministre,
comme vous avez été un peu polémique au cours de votre intervention, je vais
l'être aussi et vous inviter à lire le compte rendu d'un entretien avec M.
Claude Evin, paru dans
La Croix
du 16 novembre 2000.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Bonne lecture !
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est une excellente lecture, en effet ! Mais peut-être
n'appartenez-vous pas au même courant que M. Evin...
Quoi qu'il en soit, au journaliste qui lui demandait son opinion sur
l'exonération de CSG que vous avez évoquée, M. Evin a fait la réponse suivante
: « Bien sûr, je comprends les raisons qui ont conduit à l'exonération de la
CSG d'une partie des Français qui ne paient pas d'impôt, afin qu'ils
bénéficient aussi des fruits de la croissance. J'aurais toutefois préféré qu'on
trouve d'autres mécanismes, comme le crédit d'impôt ou l'allocation
compensatrice sur le revenu. »
Madame la ministre, je vous invite donc à mettre un peu d'ordre dans votre
majorité, d'autant que vous êtes, d'une certaine façon, particulièrement bien
placée pour le faire...
(Sourires.)
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
C'est un expert qui parle !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Pardonnez-moi, mais je n'ai peut-être pas la même influence
sur ma majorité !
M. Guy Fischer.
Vous êtes trop modeste !
M. Charles Descours,
rapporteur.
En tout cas, ce que nous avons proposé, c'est d'instaurer un
crédit d'impôt, lequel existe dans d'autres pays. Je vous signale que M. Evin,
ancien ministre de la santé, suggère également cette solution, et je déplore
que l'on ne vous ait pas montré cet article avant que vous n'interveniez : cela
vous aurait évité de critiquer la majorité sénatoriale sur ce point.
Cela étant, je me réjouis, madame la ministre, de votre présence au banc du
Gouvernement pour cette nouvelle lecture du projet de loi de financement de la
sécurité sociale.
Toutefois, je ne peux que m'étonner de l'absence de Mme la secrétaire d'Etat à
la santé, qui exerce sa tutelle sur un budget de 700 milliards de francs, et
a fortiori
de celle de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité,
qui est responsable d'un budget de 2 000 milliards de francs !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le
rapporteur ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je vous en prie, madame la ministre. Pour ma part, j'accepte
d'être interrompu.
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, avec l'autorisation de M. le rapporteur.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur,
mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais excuser Mmes Guigou et Gillot.
Je pensais que vous aviez été informés de leur absence ce jour, puisqu'elles
participent actuellement, à l'Assemblée nationale, à la discussion du projet de
loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
Elles défendent donc en ce moment même les droits des femmes.
M. Jean Delaneau,
président de la commission.
C'est le Gouvernement qui fixe l'ordre du
jour !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame la ministre, je remercie votre cabinet d'avoir pris
contact avec moi pour m'annoncer que c'était vous qui viendriez aujourd'hui au
Sénat. Je m'en suis réjoui, et ce que je vais dire n'est donc pas dirigé contre
vous. Je déplore que, pour Mme Guigou, l'IVG ait plus d'importance qu'un budget
de 2 000 milliards de francs !
(Mme la ministre délégué s'exclame.)
De plus, elle a dit à l'Assemblée nationale que nous avions pris des positions
politiciennes. A cet égard, je ferai observer que, premièrement, l'habitude
républicaine est de ne pas critiquer une assemblée devant l'autre et que,
deuxièmement, nos positions ne sont absolument pas politiciennes ; nous sommes
l'opposition, nous avons des opinions différentes de celles de la majorité, et
c'est tout à fait normal !
Je tenais à dire cela du haut de cette tribune, d'autant que, comme vous le
savez, mes chers collègues, Mmes Guigou et Gillot n'ont pu être entendues que
pendant une heure et quart par la commission lors de la présentation de ce
projet de loi, ce qui a amené M. Delaneau à s'étonner par écrit de cette hâte.
Je vous prie d'excuser mon agacement, madame la ministre, mais je trouve qu'il
a quelques motifs.
J'en viens maintenant au fond du débat.
Je rappelle que, en première lecture, nous avions été saisis d'un projet de
loi qui comportait soixante articles et que le Sénat avait adopté une position
conforme à celle de l'Assemblée nationale pour dix-neuf d'entre eux. Par
ailleurs, il avait modifié seize articles sans en remettre en cause l'économie
générale : je pense notamment à l'article 42, relatif aux travailleurs de
l'amiante.
En revanche, huit articles avaient été amendés d'une manière plus profonde, et
nous avions introduit dix articles nouveaux, en contrepartie, en quelque sorte,
de la suppression de dix-sept articles. Ces suppressions avaient porté
essentiellement sur les dispositifs conduisant à « ponctionner » la sécurité
sociale au profit du financement des 35 heures et sur les dispositions fiscales
introduites à tort, à notre sens, dans ce projet de loi.
Des « cavaliers sociaux », comme l'abrogation de la loi Thomas, figuraient
également parmi ces dix-sept articles supprimés : nous avions souhaité éviter
au Conseil constitutionnel une surcharge de travail, puisqu'il aura à se
prononcer d'ici à Noël prochain.
La commission mixte paritaire, réunie le lundi 20 novembre dernier, n'a pas
réussi à se mettre d'accord sur un texte commun. Elle a échoué sur l'article 2,
visant à instaurer un mécanisme de réduction dégressive de CSG et de CRDS sur
les revenus d'activité, comme vous nous l'avez rappelé à l'instant, madame la
ministre. En revanche, nous n'avons pas échoué sur l'article 1er, dépourvu de
toute valeur normative. Les présidents de la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale et de la
commission des affaires sociales du Sénat avaient jugé bon de le réserver,
comme nous le faisons d'habitude.
En nouvelle lecture, alors que cinquante et un articles restaient en navette,
l'Assemblée nationale n'en a adopté que quatre conformes : l'article 4
bis
, enrichi par un amendement de précision de notre collègue Louis
Boyer, l'article 26, relatif au régime de sécurité sociale des marins, amélioré
par un amendement de notre collègue Marie-Madeleine Dieulangard, et les
articles 27 et 40, qui avaient fait l'objet d'amendements rédactionnels des
rapporteurs du Sénat.
L'Assemblée nationale a supprimé les dix articles additionnels introduits par
le Sénat, parmi lesquels je citerai plus particulièrement les articles 3
bis
A, qui prévoyait une compensation à la CADES des exonérations de
CRDS, l'article 14
ter
, résultant d'un excellent amendement de notre
collègue Annick Bocandé, visant à maintenir les allocations familiales pour le
dernier enfant à charge des familles ayant élevé trois enfants ou plus, ou
encore les articles 45
bis
et 45
ter
, qui assuraient un
fonctionnement plus transparent de la commission des comptes de la sécurité
sociale.
L'Assemblée nationale est revenue mot pour mot à son texte adopté en première
lecture sur les vingt-sept articles modifiés ou supprimés par le Sénat, ne
prenant pas en compte, par exemple, un excellent amendement de notre collègue
Guy Fischer à l'article 17, et elle a apporté des modifications - le plus
souvent mineures - à dix articles.
La navette a réellement porté sur trois articles.
Il s'agit d'abord de l'article 20, relatif au répertoire national des
pensions.
Nous avions vivement attiré l'attention du Gouvernement sur l'absence de prise
en compte des recommandations de la CNIL, alors même que l'exposé des motifs de
cet article faisait référence à un avis favorable de cette commission ;
l'Assemblée nationale a rétabli un article plus conforme à cet avis
prétendument favorable.
Il s'agit ensuite de l'article 42, pour lequel le dispositif de « provisions »
versées par le fonds Amiante a été retenu, mais seulement cette modification.
En effet, l'Assemblée nationale s'est refusée à suivre le Sénat dans ses
propositions pour améliorer le sort des victimes de l'amiante. Elle a maintenu
- vous avez eu l'air de vous en réjouir dans votre intervention initiale,
madame la ministre - un système sans précédent de transaction juridique
forcée.
Nous ne pouvons que déplorer cette attitude, qui était dénoncée par l'ensemble
des associations qui s'occupent des victimes de l'amiante. Nous avons tous été,
les uns et les autres, destinataires d'un nombre de télécopies innombrables qui
marquaient leur opposition à cette façon de faire. Nous considérons donc que
l'Assemblée nationale n'a pas voulu que les victimes de l'amiante bénéficient
des mêmes droits juridiques que les victimes du sang contaminé.
Il s'agit enfin de l'article 45, relatif au plan comptable des organismes de
sécurité sociale, pour lequel l'Assemblée nationale a accepté un amendement de
précision du Sénat.
Les autres modifications ne relèvent pas du jeu de la navette mais constituent
des ajustements que, suite à des remords, l'Assemblée nationale a apportés à
son propre texte de première lecture.
Je voudrais, à ce propos, citer l'exemple de la loiThomas, à l'article 19
A.
En première lecture, l'Assemblée nationale, portée par un élan vieux de trois
ans, a supprimé totalement cette loi. Puis, s'étant aperçue
a posteriori
que ladite loi comportait également un certain nombre de dispositions
nécessaires à la poursuite de l'activité, en nouvelle lecture, avec l'accord du
Gouvernement, moins idéologue et plus réaliste, l'Assemblée nationale n'a fait
qu'abroger partiellement la loi Thomas. Nous ne sommes d'ailleurs pas certains
que le Conseil constitutionnel aquiesce. L'Assemblée nationale, en nouvelle
lecture, n'a donc fait que bégayer par rapport à sa première lecture.
Je dénoncerai maintenant et à nouveau deux nouvelles « tuyauteries » ajoutées
par l'Assemblée nationale.
La première vise à compenser à la CADES la seule exonération de CRDS des
chômeurs non imposables par une diminution du versement de la CADES à
l'Etat.
L'Etat ne s'arrête pas là : il s'autofinance en dimuant à due concurrence de
350 millions de francs la subvention d'équilibre au BAPSA. Le BAPSA, en
compensation, reçoit lui-même une affectation supplémentaire de contribution
sociale de solidarité sur les sociétés - la fameuse C3S. Le perdant - parce
qu'il faut bien un perdant dans cette politique digne du sapeur Camember -
c'est le fond de solidarité vieillesse, qui bénéficie aujourd'hui des excédents
de C3S.
Le perdant de second rang est le fonds de réserve des retraites, dont le
Gouvernement, par la voix du Premier ministre, explique qu'il faut le renforcer
pour aider à passer la période extrêmement difficile que nous allons connaître
pour les retraites d'ici à 2020.
La seconde tuyauterie est plus simple à comprendre.
Le FOREC, le fameux fonds destiné à financer les 35 heures, bénéficie d'une
augmentation de la fraction des droits sur les tabacs, qui avait déjà été, en
première lecture, abondamment octroyée au FOREC au lieu de la CNAM. On passe de
96,8 % à 97 %, soit 100 millions de francs de moins pour la Caisse nationale
d'assurance maladie et 100 millions de francs de plus pour le financement des
35 heures.
Je considère que les recettes prévues au bénéfice de l'assurance maladie pour
financer la CMU ont été retirées à la CNAM pour la plus grande part, un an et
demi après le vote de cette loi.
Madame la ministre, au-delà des prises de position politique qui peuvent
légitimement nous opposer, le financement de la sécurité sociale est déjà
complexe, mais la volonté politique du Gouvernement de ne pas vouloir financer
le FOREC, le fonds de financement des exonérations sociales liées en partie aux
35 heures, le complexifie au-delà du raisonnable. Nous l'avons dénoncé l'année
dernière et cette année encore en première lecture. Cela se fait au mépris de
la loi de 1994 qui pose comme principe que toute exonération de cotisations
sociales décidée par l'Etat est compensée par l'Etat. Cette complexité est
encore accrue dans cette nouvelle lecture.
Je voudrais attirer solennellement l'attention du Sénat, du Gouvernement et,
si possible, de l'opinion. A ce niveau d'obscurité des montages financiers,
c'est vraiment - je le pense profondément, et M. Le Garrec ne semble pas loin
de le penser aussi - de pratiques anti-démocratiques qu'il s'agit. On ne peut
plus expliquer au Parlement et, au-delà, aux Français un financement qui est
pour eux capital.
J'insiste, madame la ministre, pour que vous usiez de votre influence auprès
du Gouvernement, et au-delà si vous le pouvez, pour que cessent ces pratiques.
C'est la démocratie qui est en jeu !
Je rappelle que le Sénat s'était opposé en première lecture à la ristourne
dégressive de la CSG, à l'absence de compensation des exonérations de CRDS, au
financement de la réduction du temps de travail par les organismes de sécurité
sociale et, vous l'avez rappelé à l'instant, à l'ONDAM, soit quatre mesures qui
restent évidemment présentes dans le texte qui nous est transmis en nouvelle
lecture.
Nous pensions d'ailleurs que trois de ces quatre dispositions n'auraient pas
dû se trouver dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La première de ces dispositions est la ristourne dégressive de CSG, que vous
avez fustigée, madame le ministre, dans votre intervention. Il s'agit d'une
mesure fiscale qui a été imposée au ministère des affaires sociales par le
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, chacun le sait. La
remise en cause de l'universalité du financement de la protection sociale est
une grave erreur politique.
Je voudrais poursuivre la lecture de cet intéressant article de Claude Evin,
ancien ministre du gouvernement Rocard, qui termine ainsi son article : ...
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
C'est une bonne référence !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Le courant Rocard fait tout de même partie de la majorité
jospinienne ?
(Mme le ministre acquiesce.)
C'est bien ce qui me semblait !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
C'est pour cela que je vous dis que c'est une bonne
référence !
M. Charles Descours,
rapporteur.
« ... Ce qui me gêne dit Claude Evin, c'est qu'on n'ait pas
vraiment eu de débat sur cette question pourtant fondamentale. » Il est
formidable ce Claude Evin ! Vraiment, il confirme tout ce que nous avons dit !
Pourquoi ne l'avez-vous pas écouté ?
Nous pensons donc qu'un prélèvement social ne peut être l'instrument d'une
politique fiscale.
Le dispositif gouvernemental pose en outre un certain nombre de problèmes de
constitutionnalité. Mais, là encore, nous saisirons le Conseil constitutionnel,
et nous verrons bien.
Nous avions proposé un mécanisme alternatif de crédit d'impôt. Je viens de
m'expliquer longuement, compte tenu des propos que vous avez tenus tout à
l'heure.
Le Gouvernement, en première lecture, nous avait expliqué que ce n'était pas
une mesure immédiate, mais qu'elle serait lisible dès le mois de janvier 2001.
Comme j'ai mauvais esprit, j'ai compris que, si ce n'était pas lisible en
janvier 2001, c'est-à-dire deux mois avant les élections cantonales et
municipales, ce n'était pas une bonne mesure... Mais les réponses ne m'ont pas
semblé de fond.
Le financement de la réduction du temps de travail par les organismes de
sécurité sociale constitue le second point de désaccord. C'est ce que nous
avons appelé les « tuyauteries » du projet de loi.
Je voudrais être tout à fait clair à ce sujet, notamment vis-à-vis de vous,
madame la ministre : il serait faux de dire que le Sénat refuse la loi relative
à la réduction du temps de travail. La loi du 19 janvier 2000, dite loi des 35
heures, est désormais une loi de la République, et elle s'impose à nous comme à
tous.
Nous nous opposons simplement au financement de cette loi par les excédents de
la branche famille - et vous qui êtes chargée de ce domaine au Gouvernement
devriez y être sensible - et du fonds de solidarité vieillesse. Nous pensons
que le financement des 35 heures, qui relève de la politique de l'emploi, doit
être inscrit non pas en loi de financement de la sécurité sociale mais en loi
de finances, sous forme d'une dotation budgétaire compensant intégralement aux
organismes de sécurité sociale les pertes de recettes liées aux exonérations de
charges sociales.
En première lecture, nous avions du reste réintégré dans les cotisations
effectives des recettes du projet de loi le coût de l'extension des
exonérations prises en charge par le FOREC.
Le troisième point de désaccord concerne le financement de la dette
sociale.
Nous estimons que l'Etat doit compenser à la CADES les exonérations de dette
sociale. Si la CADES a vraiment « deux ans d'avance », comme on nous le dit,
dans ses remboursements, nous souhaiterions qu'elle termine ses opérations...
avec deux ans d'avance. Décider d'exonérations sans compensation revient à
reporter sur les générations futures - vous êtes mère de famille nombreuse,
madame la ministre ! -, une nouvelle fois, la charge de financer demain nos
générosités d'aujourd'hui.
Le quatrième point de désaccord concerne, cette fois, un élément central de la
loi de financement : l'ONDAM.
Nous avions refusé en première lecture de le voter. Nous l'avons fait en
pleine connaissance de cause, en raison de deux éléments.
D'abord, l'ONDAM, depuis quatre ans, est toujours dépourvu de tout contenu en
matière de santé publique. Je pense d'ailleurs que ce point recueille le
consensus.
Ensuite, cet ONDAM n'est même pas comptable : une fois voté, il « vit sa vie
», ce qui lui fait perdre une grande part de sa crédibilité. Je rappelle que le
Gouvernement a modifié de lui-même l'ONDAM par le plan « hôpital » du mois de
mars - j'y reviendrai dans un instant. Or ce n'est pas une prévision que vote
le Parlement, mais un objectif !
Ainsi, la volonté du Parlement est bafouée, et le Sénat ne peut pas accepter
une telle dérive. Là aussi, il s'agit de la démocratie.
S'agissant de l'hôpital - qui n'est pas ce dont vous êtes chargée directement,
madame la ministre - j'attire votre attention sur un point qui me semble
extrêmement important, ce que montre bien l'agitation qui commence à poindre
dans les hôpitaux : le protocole hospitalier signé le 14 mars dernier, dit «
plan Aubry », prévoyait, au titre des années 2000, 2001 et 2002, des crédits
d'un montant de 2 milliards de francs chaque année pour financer les
remplacements de personnels dans les établissements de santé.
La somme de 2 milliards de francs a bien été intégrée dans le collectif de
printemps, à travers une dotation ouverte dans un nouveau chapitre intitulé «
Aide exceptionnelle au service public hospitalier ». Si j'en crois les
réactions sur le terrain - vous les avez lues dans la presse comme moi, mes
chers collègues -, on peut toutefois se demander si ces crédits sont bien
arrivés dans les hôpitaux.
En revanche - c'est encore plus grave -, je constate que rien de tel n'a été
prévu dans le projet de loi de finances pour 2001, le chapitre « Aide
exceptionnelle au service public hospitalier » n'étant même pas mentionné dans
les documents budgétaires.
Lors de son audition par notre commission, Mme Guigou nous a indiqué que les 2
milliards de francs au titre de l'année 2001 seraient « ouverts en gestion 2001
», c'est-à-dire probablement dans le collectif de l'année prochaine. Nous
craignons que cette affaire ne soit repoussée aux calendes grecques. Les
personnels hospitaliers concernés, à entendre leurs réactions, sont encore plus
inquiets que nous.
Les hôpitaux ont aujourd'hui besoin de ces crédits et j'aurais préféré qu'ils
figurent d'ores et déjà dans le projet de loi de finances pour 2001. Si je le
dis, c'est pour que les personnels hospitaliers sachent que nous sommes
extrêmement attentifs aux actions qu'engagera le Gouvernement pour respecter la
parole donnée en mars 2000 par le ministre des affaires sociales de
l'époque.
Au total, si la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 était une
véritable loi de financement, débarrassée de la tuyauterie des trente-cinq
heures et de son dispositif fiscal, ainsi que de ses « cavaliers sociaux », on
s'apercevrait que reste un débat, mais un débat central, celui de la maîtrise
des dépenses de santé et de la façon dont le Parlement doit intervenir dans ce
domaine. C'est là une véritable question, qui transcende largement les clivages
politiciens. Aussi, nous regrettons vivement de n'avoir pu débattre sereinement
de notre protection sociale.
J'ajoute que l'Assemblée nationale a tenu à supprimer le dispositif introduit
par le Sénat rétablissant un diplôme de gynécologie médicale, au motif qu'il
n'aurait pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale ;
parallèlement, elle rétablissait, à titre d'exemple, l'article 36
bis,
relatif aux conditions de transmission des prélèvements aux fins d'analyse de
biologie médicale, qui n'a pas davantage sa place dans une loi de financement
de la sécurité sociale. Le purisme procédural affiché d'un côté est donc
immédiatement violé de l'autre, au mépris de l'avis des professionnels et de
leurs patients ! Je crois que certains d'entre nous y reviendront dans la
discussion générale.
Depuis la première lecture de ce texte, j'ai rencontré de nouveau les
gynécologues médicales et les femmes qui les soutiennent. Elles sont furieuses
de la position adoptée par la majorité et par le Gouvernement.
Enfin, je crois que nous devons entamer, au-delà des clivages partisans, une
véritable réflexion sur les lois de financement de la sécurité sociale qui
débouche sur une réforme de la loi organique de 1996. L'expérience de cinq lois
de financement permet désormais de préciser les contours de la réforme
essentielle souhaitée par la précédente majorité et dont la poursuite et
l'approfondissement demeurent indispensables. La simplification est un
impératif démocratique.
En attendant, parce qu'il porte atteinte à l'un des fondements de notre
protection sociale, parce qu'il organise de manière détournée le financement de
la réduction du temps de travail par les organismes de sécurité sociale, parce
qu'il laisse dériver notre système de santé, parce qu'il ne prépare pas la
France au « choc » démographique des retraites, je vous proposerai, dans un
moment, mes chers collègues, d'adopter une motion tendant à opposer la question
préalable au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 tel
qu'il nous est transmis en nouvelle lecture.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 que nous
examinons aujourd'hui en nouvelle lecture nous arrive dans une version très
proche du texte initial voté à l'Assemblée nationale.
Les députés ont en effet rétabli pratiquement dans son intégralité ce projet
de loi que vous aviez, mes chers collègues de la majorité sénatoriale,
littéralement démantelé, « taillé en pièces ».
Devant cet acharnement à démembrer le texte, il était évident que la
commission mixte paritaire était vouée à l'échec.
En ce qui concerne le financement de la protection sociale, la philosophie qui
vous inspire est résolument ancrée à droite, dans le droit-fil de l'idéologie
libérale.
Vous n'avez pas pu vous empêcher de rétablir la loi Thomas sur l'épargne
retraite, introduisant les fonds de pension et laminant au passage le système
de retraite par répartition.
Obéissant aux mêmes réflexes idéologiques, vous avez privatisé la gestion du
fonds de réserve pour les retraites, afin d'alimenter un peu plus les marchés
financiers.
Les retraites ne vous suffisant pas, vous vous êtes aussi attaqués aux
salaires.
En supprimant l'article 2, vous avez délibérément refusé une diminution de la
CSG et de la CRDS pour les salariés les plus modestes et préféré instituer un
mécanisme de crédit d'impôt inégalitaire et inapplicable.
Vous êtes systématiquement empêtrés dans vos
a priori
idéologiques, qui
vous empêchent d'envisager la moindre progression des salaires, alors que la
richesse nationale n'a jamais autant augmenté.
Tout ce qui peut constituer un progrès, si peut soit-il, vous semble
insupportable. Vous n'avez cessé de pourfendre, indirectement ou directement,
les 35 heures tout au long de nos débats. Pourtant, que vous le vouliez ou non,
les Français aspirent à plus de protection sociale, à de meilleures
rémunérations et à davantage de temps libre.
De plus, les 35 heures ont déjà un effet positif sur l'emploi et la
conjoncture, même si des problèmes demeurent.
Cette évolution de la société s'impose comme une réalité.
Vous avez été animés par la volonté de défendre d'autres intérêts. C'est
pourquoi nous avons eu le débat sur les cliniques et les laboratoires
pharmaceutiques. Et même si le rapporteur vient de parler du secteur
hospitalier, du service public, on peut se poser un certain nombre de
questions.
Cela étant, votre conception d'une libéralisation du financement de la
protection sociale a au moins le mérite de nous permettre d'exposer de façon
très claire notre vision des choses.
Nous l'avons déjà dit, nous ne sommes pas des farouches partisans de la
fiscalisation du financement de la protection sociale, autant que la reprise
économique permettrait, pour peu que l'on veuille bien examiner des solutions
alternatives - je pense en particulier à la modulation des cotisations
patronales en fonction du rapport entre la masse salariale et la richesse
produite par les entreprises - de faire face à la nécessaire augmentation des
dépenses liées à la protection sociale, dépenses qui ont, de tout temps, été
source de progrès social et de croissance économique.
Sur ce point, nous sommes obligés de réaffirmer que le texte issu des
délibérations de l'Assemblée nationale manque singulièrement d'ambition.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Il est clair que, si l'on veut réellement relever les défis qu'impose une
protection sociale de qualité, accessible à tous, il faudra mettre en place une
politique sociale plus ambitieuse qui, à notre sens, n'arrive pas à rompre tout
à fait avec la logique comptable héritée du plan Juppé.
Nous ne pouvons que déplorer, par exemple, la suppression par l'Assemblée
nationale de l'article introduit au Sénat et relatif à la création d'un diplôme
spécifique de gynécologie médicale...
(M. Lesbros applaudit.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
Très bien !
M. Guy Fischer.
...et au droit des femmes de consulter le gynécologue de leur choix.
Nous regrettons aussi que l'Assemblée nationale ait, sur le douloureux
problème des victimes de l'amiante, préféré revenir au texte initial, laissant
ainsi persister beaucoup de doutes quant à la qualité et à l'efficacité des
procédures d'indemnisation des personnes victimes de leur exposition à
l'amiante.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Très bien !
M. Guy Fischer.
De toute évidence, la volonté gouvernementale est mise en cause. Mme
Marie-Claude Beaudeau reviendra longuement sur ce sujet, à propos duquel nous
sommes en total désaccord avec la position prise par l'Assemblée nationale en
dernière lecture.
C'est d'autant plus dommageable que les maladies liées à l'amiante sont,
depuis des années, un problème majeur de santé publique.
C'est en étant pleinement conscients de ces enjeux que nous nous sommes
fermement opposés, en première lecture, à la volonté de la majorité sénatoriale
d'imposer sa vision du financement de la protection sociale.
Voilà pourquoi nous voterons contre la question préalable, qui fait table rase
du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
J'exprimerai à mon tour mon regret de voir une question préalable opposée à ce
projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Guy Fischer a exposé la position du groupe communiste républicain et
citoyen sur l'ensemble du texte. Pour ma part, j'expliquerai pourquoi nous
aurions souhaité que la discussion nous permette de rétablir l'article 42 dans
la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture, qui était, selon nous,
beaucoup plus efficace.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est d'ailleurs ce que nous ont écrit les associations de défense des
victimes depuis le débat en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
L'indemnisation des victimes de l'amiante est aujourd'hui une véritable
priorité d'ordre social. D'un point de vue humain, médical, préventif, nous
nous interrogeons sur le sort que nous entendons réserver aux personnes
contaminées par l'amiante, le plus souvent dans un cadre professionnel.
La création par le Gouvernement d'un fonds d'indemnisation des victimes de
l'amiante est une heureuse iniative. Nous nous en sommes réjouis, comme
d'ailleurs les associations de défense des victimes.
Longtemps ignorées, rejetées, ces victimes de l'amiante ont beaucoup attendu
avant que leur légitime droit à réparation soit enfin reconnu.
Cependant, madame la ministre, tout n'est pas réglé quant à la réparation
morale et financière la plus juste, la plus équitable possible, et plusieurs
points méritent tout particulièrement d'être à nouveau relevés.
Le premier concerne le délai de présentation d'une offre d'indemnisation par
le fonds à la victime ayant fait une demande : de neuf mois dans le projet de
loi initial du Gouvernement, ce délai est passé à six mois à l'Assemblée
nationale en première lecture et à trois mois au Sénat, qui, ce faisant,
reprenait le délai initialement prévu par la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale.
Nous le répétons, six mois, c'est trop long pour des malades dont les jours
sont comptés. Vous le savez, madame la ministre, mes chers collègues, les
personnes atteintes de mésothéliome peuvent « partir » en quelques mois. Ces
victimes de l'amiante, qui sont aussi des victimes de l'irresponsabilité de
certains employeurs, ont attendu bien longtemps une reconnaissance de leur
préjudice. Et nous craignons que la disposition adoptée à l'Assemblée nationale
n'aggrave leur situation en ouvrant la possibilité d'allonger le délai
d'instruction bien au-delà de six mois.
Pourquoi marginaliser une fois de plus les victimes de l'amiante en les
traitant, sur le plan du délai de présentation des dossiers au fonds, de façon
différente des victimes d'autres maladies professionnelles ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Eh oui !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Le second point sur lequel je souhaite revenir a trait à l'obstacle opposé aux
victimes dans l'accès aux actions, si nécessaires, si essentielles à leurs
yeux, pour faute inexcusable de leurs employeurs.
Ne pas reconnaître explicitement le droit des victimes indemnisées par le
fonds à engager des procédures en responsabilité est inacceptable. Une telle
disposition peut certes être envisagée comme un moyen - je cite ici Mme Gillot,
qui était au banc du Gouvernement lors de la première lecture du présent texte
à l'Assemblée nationale - « d'éviter une insécurité juridique qui serait
préjudiciable aux victimes ». Je crois que c'est aussi une atteinte au droit
fondamental d'ester en justice.
Nous ne pouvons pas admettre que le texte adopté au Sénat en première lecture,
et qui visait à ouvrir clairement toutes les voies de recours juridictionnels
aux victimes, n'ait pas été retenu par l'Assemblée nationale.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Très bien !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
La commission mixte paritaire ayant échoué, le texte qui revient en discussion
aujourd'hui en nouvelle lecture rétablit le troisième alinéa du IV de l'article
42. Nous le déplorons, tout autant d'ailleurs que nous déplorons le manque de
clarté des dispositions concernant le financement du fonds.
Premièrement, si la branche « accidents du travail » est certes excédentaire
aujourd'hui, la création du fonds entraînerait, pour la seule année 2001, une
réduction de cet excédent de 3,4 milliards de francs à 1,8 milliard de francs.
Elle fera par ailleurs supporter à tous la charge de la responsabilité de
quelques-uns.
Deuxièmement, concernant la contribution de l'Etat, la question est la
suivante : comment le fonds sera-t-il abondé ?
M. Jean Delaneau,
président de la commission.
On posera un tuyau !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je ne doute pas, madame la ministre, que, comme votre collègue l'a dit à M. le
rapporteur en première lecture à l'Assemblée nationale, « l'Etat tiendra ses
engagements ».
Des précisions sur la dotation budgétaire de l'Etat prévue auraient été fort
nécessaires ! Vous n'avez pourtant répondu ni à mes questions ni à celles de M.
le rapporteur de la commission des affaires sociales à propos de l'abondement
du fonds.
Nous sommes un peu étonnés qu'un engagement ait été pris et qu'aucune
précision ne soit apportée quant à la provenance des fonds. Nous ne pouvons pas
nous satisfaire d'un simple engagement. En matière budgétaire, les crédits
doivent être prévus, donc inscrits.
D'autres questions se posent à nous aujourd'hui, sans que, hélas ! nous
puissions en discuter. Je les évoquerai brièvement.
Pensez-vous, madame la ministre, mes chers collègues, que l'impossibilité de
juger et de condamner les employeurs fautifs donne le meilleur exemple possible
en matière de prévention des maladies ou des accidents du travail ?
Pensez-vous qu'il soit pertinent et juste de laisser aux victimes le choix
entre « le chèque ou la justice » ?
Les victimes de l'amiante sont bien souvent issues de milieux démunis. Doit-on
pour autant ne répondre à leur douleur que par une réparation financière ?
Cette question nous a été posée par ceux qui étaient présents dans les tribunes
ou par leur famille.
L'indemnisation est un grand pas, certes, mais elle ne doit pas occulter ce
que chaque victime ou chaque proche de victime réclame légitimement face à une
vie écourtée par l'amiante et par des employeurs inexcusablement fautifs : la
justice et la condamnation des responsables !
Plus généralement, enfin, il faut évoquer la question des autres maladies
professionnelles et du mode de traitement politique et financier que l'on
entend leur réserver.
Nous applaudissons à la création du fonds d'indemnisation des victimes de
l'amiante, mais nous nous interrogeons aussi sur le sort des victimes des
éthers de glycol, du benzène, du bruit, etc.
Faudra-t-il, à chaque catastrophe, créer un fonds ?
Le texte adopté par l'Assemblée nationale n'apporte pas de réponse aux
questions que se posent légitimement les victimes et leurs associations.
Le dépôt d'une question préalable par la commission nous empêche de revenir
sur ces questions tellement importantes en raison de la douleur des victimes et
de leurs proches et des préjudices considérables qu'ils ont subis.
Je persiste à croire que le texte issu des travaux du Sénat sur cet article 42
était meilleur que le texte défendu par le Gouvernement. Il apportait une
réponse plus franche, plus complète, plus efficace, puisqu'il préservait les
droits des victimes sans les réduire et qu'il confirmait les responsabilités de
l'employeur. Cela dit, nous n'opposons pas l'indemnisation et la réparation à
la faute de l'employeur.
Madame la ministre, l'article 42 adopté par le Sénat ne répondait pas
complètement, il est vrai, aux attentes des victimes ; mais l'Assemblée
nationale, en le rejetant, a tout compliqué.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, jeudi 23
novembre dernier, à l'occasion de la discussion en nouvelle lecture du projet
de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, l'Assemblée nationale,
comme mes collègues précédents l'ont indiqué, a supprimé un certain nombre
d'articles sur proposition de sa commission des affaires culturelles,
familiales et sociales, dispositions que le Sénat avait introduites après
d'intenses débats et qui répondaient à nos préoccupations en matière de
protection sociale.
Ces modifications tendaient à améliorer le sort des professionnels de santé,
mis à mal par la sortie du système conventionnel et la baisse autoritaire de
certains tarifs d'honoraires ; à tenir compte de la situation particulièrement
dramatique de certaines catégories de Français, laissés pour compte de maladies
professionnelles graves, et, enfin, à rassurer les patients sur le maintien de
leurs conditions d'accès à toutes les consultations indispensables, dans le
cadre d'une meilleure prévention, voire de dépistages, mais aussi d'une
meilleure qualité de traitements, c'est-à-dire d'une meilleure maîtrise de la
santé publique.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a mis en place un
dispositif de sanctions collectives à l'encontre des professionnels de santé.
Alors que les dispositions précédentes avaient été adoptées, profession par
profession, en fonction de la spécificité des conditions d'exercice, cette loi
a prévu, pour toutes les professions, un contenu identique de l'annexe annuelle
conclue chaque année à la suite du vote de l'ONDAM par le Parlement. On
s'aligne !
Au lieu de promouvoir une maîtrise médicalisée des dépenses de santé, cette
annexe annuelle ne joue que sur les prix et met en place un mécanisme de clés
flottantes. Des sanctions collectives peuvent donc être prises tous les quatre
mois, à la suite d'un rapport de la CNAM à l'encontre des professionnels de
santé.
Ces mesures n'atteignent en aucune façon le but recherché. Elles n'encouragent
pas l'adaptation permanente des dépenses de santé en fonction de l'évolution
des pratiques, des techniques médicales et des besoins, notamment de ceux qui
sont liés au vieillissement de la population, qui augmentent de manière
importante. Elles consistent uniquement à baisser de façon comptable les tarifs
au fur et à mesure de l'augmentation des dépenses. Cela, c'est facile !
Elles sanctionnent de manière collective, sans tenir compte des comportements
individuels, tous les professionnels de santé, punissant ainsi la plus grande
majorité qui n'a pas failli et qui ressent d'autant plus amèrement l'injustice
dont elle est l'objet.
Le Sénat avait souhaité la suppression de ce dispositif et avait décidé
d'adopter un mécanisme alternatif de maîtrise de l'évolution des dépenses
médicales, proposé par la commission des affaires sociales, faisant appel à la
responsabilité individuelle des médecins et contribuant à l'amélioration des
pratiques médicales dans l'intérêt des patients.
Assurant le maintien de la vie conventionnelle, ce dispositif était simple,
médicalisé, et présentait l'avantage de contribuer à améliorer la qualité des
soins tout en maîtrisant les dépenses.
Il était surtout régionalisé, car c'est au niveau régional que sont le mieux
appréciés les dépassements, leurs causes et les modalités de leur
résorption.
Enfin, il était efficace, puisqu'il garantissait le respect de l'objectif de
dépenses et permettait aux médecins d'amender individuellement leurs propres
pratiques professionnelles.
L'Assemblée nationale a rejeté cette disposition, empêchant ainsi une nouvelle
fois le rétablissement d'un langage de confiance avec les professionnels de
santé.
En consacrant ainsi en droit la fin des relations conventionnelles globales
avec les professionnels de santé, le Gouvernement nous fait entrer dans le
système de l'administration par l'Etat de la médecine française, que
personnellement je refuse de toutes mes forces. L'enjeu
in fine
est la
santé de nos concitoyens, trop précieuse pour être remise entre les seules
mains des administrations de l'Etat.
Seule la maîtrise médicalisée et concertée des dépenses de santé peut nous
permettre de conserver et d'améliorer la qualité des soins et la couverture
sociale des assurés.
Ainsi, madame la ministre, vous faites le choix pratiquement de l'étatisation,
choix qui sera lourd de conséquences pour notre système de protection sociale
tel qu'il existe et auquel les Français étaient profondément attachés.
Sur un autre plan, les effets néfastes de l'utilisation industrielle et
généralisée de l'amiante, qui vient d'être évoquée longuement, constitue un des
problèmes majeurs de santé publique auxquels notre pays doit faire face.
De 1980 à 1996, le nombre de victimes d'affections provoquées par une
exposition à l'amiante a été multiplié par sept. C'est seulement en 1995 que le
gouvernement de l'époque a décidé d'interdire totalement l'usage de
l'amiante.
Les travaux de désamiantage ont été engagés depuis, mais de façon encore trop
ponctuelle pour que l'on puisse affirmer que plus personne n'est exposé
actuellement à l'amiante.
C'est dans ce contexte que les attentes légitimes et la détresse des victimes
méritent des solutions équitables et répondant à un souci de justice
sociale.
Pour autant, la création du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante,
tel que nous le propose le Gouvernement à l'article 42, est-elle « la »
solution unique ? Ne faudrait-il pas aussi s'attaquer à améliorer les
conditions d'indemnisation de ces victimes par la branche accident du travail
et maladie professionnelle ?
En effet, la législation sur laquelle repose l'indemnisation des victimes du
travail, victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle,
n'assure qu'une réparation fort modeste, forfaitaire et largement inférieure
aux indemnisations que sont susceptibles d'obtenir les autres catégories de
victimes, notamment de catastrophes aériennes, de la circulation ou
d'attentats. Ce n'est pas normal et cela nous oblige aujourd'hui à créer un
fonds.
Si la réponse que le Gouvernement nous propose d'apporter est d'inspiration
généreuse, je le concède, elle présente toutefois plusieurs difficultés.
En premier lieu, le nombre des victimes ne cessant d'augmenter, le financement
du fonds doit être assuré de manière pérenne non seulement pour la part due par
les industriels du secteur et les employeurs, mais également - j'attire votre
attention sur ce point - pour la part à la charge de l'Etat employeur, ce qui
n'est pas garanti dans ce texte.
En deuxième lieu, créer un fonds spécifique pour les victimes de l'amiante,
c'est ouvrir la boîte de Pandore et cautionner la création de multiples fonds
d'indemnisation, tous plus légitimes les uns que les autres. Il est impératif
que cela n'empêche pas la nécessaire réforme du dispositif d'indemnisation des
accidents du travail et des maladies professionnelles, qui devrait assurer,
enfin, une indemnisation équitable et intégrale au préjudice effectivement
supporté par les victimes.
J'y suis d'autant plus sensible que j'approuve les démarches et les
propositions de la Fédération nationale des accidentés du travail et des
handicapés. Je connais bien la lutte menée par la Fédération des mutilés du
travail depuis près d'un siècle pour améliorer le sort et l'indemnisation des
victimes des accidents du travail et des maladies professionnelles.
En troisième lieu, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale prévoit que,
si le demandeur peut demander une réparation intégrale de son préjudice dans
des délais rapides auprès du fonds et qu'il accepte l'offre qui lui est faite,
il doit se désister de toutes actions judiciaires en indemnisation. Qu'est-ce
que cela veut dire ?
Madame la ministre, comment empêcher une personne atteinte d'une maladie
professionnelle aussi grave, qui peut dégénérer en cancer, de faire valoir ses
droits en justice comme n'importe quel citoyen ? Le travail relèverait-il d'une
catégorie mineure de citoyens ?
Cela est parfaitement illégitime. Sur un dossier aussi sensible et douloureux
que celui-ci, il est inimaginable de ne pas répondre au besoin de justice de
ceux qui souffriront dans leur chair, le reste de leur vie, des conséquences
d'une exposition à l'amiante sur leurs lieux de travail.
Ainsi, l'institution du fonds tel que nous le propose le Gouvernement n'est
pas satisfaisante et ne doit pas nous faire oublier l'absolue nécessité - j'y
insiste - d'améliorer notre politique de prévention de la santé et de la
sécurité au travail.
En revanche, - et vous n'êtes pas en cause dans ce qui va suivre, madame la
ministre - en ce qui concerne la gynécologie médicale il ne peut plus y avoir
de dialogue entre nous et Mme le secrétaire d'Etat à la santé.
Elle nous a accusés, Mme Borvo et moi-même - je suis en bonne compagnie - de «
désinformation ». Je n'accepte pas ce terme de « désinformation ». Cette
conception de la gestion de la démocratie parlementaire est en opposition
totale avec la mienne.
Je considère en effet qu'un adversaire politique a le droit de développer ses
arguments même s'ils sont contraires aux miens. Je les conteste, c'est naturel,
mais je ne mets pas en accusation publique de mensonge cet adversaire ; ce
qu'introduit perfidement le terme de « désinformation ».
En revanche, les inquiétudes légitimes des femmes sur le devenir de la
gynécologie médicale restent intactes.
J'espère qu'avec Mme le secrétaire d'Etat ou sans elle les engagements pris
par le professeur Lauret, du ministère de l'éducation nationale, et confirmés
par le professeur Nicolas seront tenus et que les femmes pourront librement
consulter leurs gynécologues médicaux, sans attente interminable.
Mes chers collègues, pardonnez-moi d'avoir fait cette mise au point, mais il
est des moments où l'on doit s'efforcer d'arrêter ces dérives qui n'ont pas
leur place dans le Parlement de la République.
Dans ces conditions, et partageant totalement la position de la commission et
de son rapporteur, le groupe du RPR votera la motion qui sera présentée dans
quelques minutes et qui tend à opposer la question préalable.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi par M. Descours, au nom de la commission, d'une motion n° 1
tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
« Considérant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2001 ne contient rien de ce qu'il devrait contenir pour permettre un débat
lucide et volontaire sur le financement de la protection sociale ; qu'il
constitue en revanche l'appendice supplétif d'une politique de l'emploi
aventureuse et d'une politique fiscale improvisée ;
« Considérant que telle a bien été la conclusion des partenaires sociaux ;
qu'en effet l'ensemble des conseils d'administration des caisses de sécurité
sociale ont émis un avis négatif à l'encontre du présent projet de loi ;
« Considérant en premier lieu qu'à travers un système de tuyauterie, compliqué
à dessein, le projet de loi vise avant tout à organiser une ponction massive
sur la sécurité sociale pour financer les 35 heures ;
« Considérant, en effet, que l'essentiel des ressources nécessaires à ce
financement est prélevé directement ou indirectement sur la branche famille et
le fonds de solidarité vieillesse ;
« Considérant qu'en définitive le budget de l'Etat ne contribue plus en aucune
manière au financement des 35 heures ; qu'il s'exonère ainsi lui-même de la
théorie - vivement contestée par les partenaires sociaux - des « retours » pour
les finances publiques de la réduction du temps de travail, dont seule la
sécurité sociale fait désormais les frais ;
« Considérant en second lieu que la loi de financement de la sécurité sociale
n'est pas seulement devenue la loi de financement des 35 heures ; qu'elle
acquiert également le statut peu enviable d'instrument d'une politique fiscale
improvisée ;
« Considérant qu'en instituant une ristourne dégressive de la contribution
sociale généralisée (CSG) le Gouvernement détourne une contribution sociale
pour poursuivre un objectif fiscal ; qu'il est significatif que cette mesure
soit au coeur des « dispositions fiscales » présentées par le ministre de
l'économie et des finances ; que, dès lors, il n'est pas étonnant qu'elle soit
désastreuse dans ses conséquences et fragile d'un point de vue constitutionnel
;
« Considérant, de même, que réduire sans compensation l'assiette de la
contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), dès la première
embellie conjoncturelle, revient à mettre le doigt dans un engrenage qui ne
peut que fragiliser la signature de la caisse d'amortissement de la dette
sociale et rendre plus coûteuse la gestion de cette dette ;
« Considérant,
a contrario,
que le projet de loi de financement ne
contient rien de ce qui devrait y figurer, rien qui puisse s'apparenter à la
mise en oeuvre de choix de santé publique, rien qui puisse résoudre le problème
à venir des retraites ;
« Considérant qu'en première lecture le Sénat a profondément modifié le projet
de loi tel que présenté par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale
;
« Considérent qu'il a tout d'abord souhaité purger le projet de loi de
l'ensemble des dispositions qui dénaturent les lois de financement de la
sécurité sociale ;
« Considérant qu'il a ainsi désarmorcé les branchements successifs, mis en
place par le Gouvernement pour financer les 35 heures au détriment de la
sécurité sociale ;
« Considérant qu'il a ce faisant rétabli les excédents de la branche famille
et du fonds de solidarité vieillesse et restauré ainsi les moyens tant de mener
une politique familiale ambitieuse que de contribuer à la garantie des
retraites ;
« Considérant, de même, qu'il a souhaité substituer à la ristourne dégressive
de CSG un mécanisme de crédit d'impôt qui trouve sa place dans le projet de loi
de finances ;
« Considérant, en outre, qu'il a supprimé un certain nombre de dispositions
étrangères aux lois de financement, telle l'abrogation de la loi relative à
l'épargne retraite, cette abrogation d'une loi non appliquée étant la
contribution paradoxale et unique du Gouvernement au défi que représente
l'avenir de nos régimes de retraite ;
« Considérant qu'en examinant le dispositif du projet de loi relevant
véritablement du champ des lois de financement de la sécurité sociale, le Sénat
a su se montrer constructif ; « Considérant qu'en première lecture il a ainsi
adopté sans modification 19 articles, qu'il en a amendé 24, améliorant en
particulier le dispositif du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante,
afin de mieux protéger ces dernières ;
« Considérant qu'il a tenu également à enrichir et à compléter le projet de
loi ;
« Considérant qu'il a ainsi proposé un statut du fonds de réserve des
retraites permettant d'assurer, sous le contrôle étroit du Parlement, un emploi
financièrement efficace et juridiquement transparent des sommes collectées ;
« Considérant de même qu'il a adopté un mécanisme de maîtrise de l'évolution
des dépenses médicales faisant appel à la responsabilité individuelle des
médecins et contribuant à l'amélioration des pratiques médicales, dans
l'intérêt des patients ; que ce dispositif a vocation à se substituer au
système actuel des lettres clés flottantes, système pernicieux, absurde et
injuste et donc au total inefficace ;
« Considérant enfin qu'il a souhaité mettre en oeuvre un dispositif assurant
une plus grande lisibilité et une plus grande sincérité des comptes sociaux, à
travers notamment la modification du rôle et des compétences de la Commission
des comptes de la sécurité sociale ;
« Considérant, en revanche, que le Sénat a décidé de rejeter solennellement
l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour 2001 ;
« Considérant que cette décision est d'une exceptionnelle gravité car cet
objectif constitue un élément central des lois de financement de la sécurité
sociale dont les auteurs de la réforme de 1996 ont voulu qu'il exprime les
priorités de notre système de soins tel qu'approuvé par le Parlement ;
« Considérant, cependant, que, dépourvu de tout contenu en santé publique,
l'ONDAM n'est aujourd'hui qu'un arbitrage comptable, inévitablement contesté,
entre les contraintes financières de l'assurance maladie et le souci des
pouvoirs publics d'apaiser les tensions que connaît notre système de soins ;
« Considérant, dès lors, que le Sénat n'a pas souhaité ratifier la dérive de
l'objectif de dépenses de 2000, ne serait-ce qu'implicitement au travers du «
rebasage » de l'objectif pour 2001, qu'il s'est en outre déclaré hors d'état de
prétendre que 693,3 milliards de francs permettront de soigner correctement les
Français en 2001 qu'il s'est refusé enfin à engager son autorité en approuvant
un objectif dont le Gouvernement s'empressera de s'affranchir quelques mois
plus tard ;
« Considérant que le Sénat a pris cette décision en toute connaissance de
cause tant la dérive observée depuis trois ans lui a semblé traduire le
dévoiement de l'ONDAM et devoir être sanctionnée clairement ;
« Considérant en effet que ce n'est pas seulement un « agrégat » qui dérive,
mais, avec lui, notre système de soins et le débat démocratique autour de la
sécurité sociale ;
« Considérant que le dévoiement de l'ONDAM constitue un point de désaccord
fondamental entre le Sénat et, sinon l'Assemblée nationale, du moins la
majorité qui soutient le Gouvernement ;
« Considérant que l'Assemblée nationale en nouvelle lecture ne s'est pas
contentée d'acter ce désaccord essentiel ;
« Considérant qu'elle a rétabli l'ensemble des circuits financiers étrangers
aux enjeux de la protection sociale et qui constituent autant de détournements
et de manipulations des recettes et des dépenses de la sécurité sociale pour
financer les 35 heures et conduire une politique fiscale au demeurant mal
ajustée ;
« Considérant, de surcroît, qu'à l'occasion de la nouvelle lecture à
l'Assemblée nationale le Gouvernement a renchéri dans cette voie en branchant
deux tuyauteries supplémentaires, la première au détriment du fonds de
solidarité vieillesse pour compenser partiellement les exonérations de CRDS, la
seconde au préjudice de l'assurance maladie pour faire face à l'augmentation
des dépenses du fonds de financement des 35 heures ;
« Considérant qu'elle n'a pas davantage hésité à maintenir un certain nombre
de dispositions qui n'ont constitutionnellement pas leur place dans des lois de
financement, telles l'abrogation de la loi Thomas ou les exonérations de CRDS
;
« Considérant, s'agissant de cette dernière mesure, que le Gouvernement a
demandé au Parlement de voter « par précaution » une mesure identique en
deuxième partie du projet de la loi de finances pour 2001 ;
« Considérant que cette démarche dénote une désinvolture inacceptable à
l'égard tant du juge constitutionnel que des votes du Parlement ;
« Considérant qu'il est pour le moins paradoxal, dans ces conditions, que
l'Assemblée nationale ait tenu à supprimer le dispositif introduit par le
Sénat, concernant la gynécologie médicale, au motif qu'il n'aurait pas sa place
dans une loi de financement de la sécurité sociale ;
« Considérant que l'Assemblée nationale a ainsi non seulement rétabli
l'intégralité des dipositions contestées par la Haute Assemblée mais qu'elle a
écarté l'essentiel des améliorations et corrections de bon sens apportés par le
Sénat, de même que la totalité des articles additionnels dont il avait souhaité
enrichir le projet de loi ;
« Considérant qu'elle a ainsi refusé de suivre le Sénat dans ses propositions
pour améliorer le sort des victimes de l'amiante et maintenu un système sans
précédent de transaction juridique forcée ;
« Considérant que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a ainsi entendu
signifier qu'elle avait dit son dernier mot dès sa première lecture ;
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, adopté avec modifications
par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie
au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, je serai bref pour présenter cette motion tendant à opposer la
question préalable.
Son texte résume les grands points de désaccord que j'ai rappelés dans la
discussion générale. Je constate qu'aucun des intervenants n'a entièrement
approuvé le projet de loi que nous a transmis l'Assemblée nationale.
Ce désaccord est assurément d'ordre politique : nous ne voulons pas que la
sécurité sociale fasse les frais de la politique des 35 heures et, à travers la
CSG, d'une politique fiscale injuste, inéquitable et improvisée ; c'est ainsi
d'ailleurs, je le répète, que s'est exprimé M. Evin.
A l'évidence, ce gouvernement considère que la sécurité sociale est la
variable d'ajustement de sa politique budgétaire et fiscale. C'est évidemment
un point de vue que nous ne partageons pas.
La commission des affaires sociales a contribué à une première clarification
des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, à travers le
principe de compensation des exonérations de cotisations sociales par le budget
de l'Etat, posé par la loi du 25 juillet 1994 et que je rappelais tout à
l'heure.
Elle a appelé de ses voeux l'instrument des lois de financement, créé par la
précédente majorité en 1996.
Elle est aujourd'hui profondément inquiète de la « dérive » induite par la
politique du Gouvernement et consistant à mélanger constamment les genres.
Ainsi que nous l'avons constaté hier, au cours de la discussion du projet de
loi de finances, Mme Parly a dû défendre la loi de financement de la sécurité
sociale ; tout cela n'est pas bon pour la démocratie. Tel est le motif
principal qui justifie le dépôt de cette question préalable.
M. le président.
La parole est à Mme Printz, contre la motion.
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à ce moment du
débat, nous voici en présence d'une question préalable sur un projet de loi qui
constitue un temps fort de l'action du Gouvernement et de la vie quotidienne
des Français. Nous n'en sommes pas étonnés !
Votre vision idéologique n'est pas la nôtre ! Vous devez vous maintenir dans
un rôle d'opposant, alors votre volonté est d'exister à travers une opposition
systématique à la politique que mène le Gouvernement.
Vous combattez ce projet de loi parce qu'il constitue « l'appendice supplétif
d'une politique de l'emploi aventureuse » et parce qu'il est « le résultat
d'une politique fiscale improvisée, dont seule la sécurité sociale fait
désormais les frais ».
Nous sommes responsables de tous les maux ! Votre mauvaise foi est telle que
je ne prendrai pas de temps sur celui qui m'est imparti pour démonter vos
arguments ! Je préfère opposer à votre motion préalable quelques indicateurs
conjoncturels et vous parler du moral des Français.
Je suis de nature pragmatique. Pour moi, comme d'ailleurs pour tous ceux qui
m'entourent, au groupe socialiste, ce sont les résultats qui comptent. Alors,
faut-il vous rappeler que, selon les sources de l'ANPE, le nombre de demandeurs
d'emploi continue de décroître ? Il a diminué de 2,4 % au mois d'octobre et de
16,9 % sur l'année et l'amélioration du marché du travail profite à l'ensemble
des demandeurs d'emploi, aux hommes comme aux femmes, aux jeunes comme aux plus
âgés.
En ce qui concerne les 35 heures, 40 293 accords ont été enregistrés depuis
juin 1988, intéressant 4 190 000 salariés et 232 000 emplois ont été créés.
Selon la SOFRES, 80 % des salariés passés à 35 heures déclarent que l'accord
qui a été signé correspond à ce qu'ils souhaitaient et que le passage aux 35
heures est positif ; 61 % d'entre eux jugent positivement l'évolution de leurs
horaires de travail ; 71 % jugent avoir gagné en qualité de vie.
En ce qui concerne les emplois-jeunes, rappelons qu'ils étaient 276 000 fin
septembre.
Selon les chiffres du régime général, faut-il rappeler qu'au 30 juin plus de 1
million de personnes bénéficiaient de la CMU, plus de 4 millions bénéficiaient
de la CMU complémentaire et que, après le basculement automatique de l'aide
médicale gratuite vers la CMU, ce sont 926 647 nouvelles inscriptions qui ont
été enregistrées, soit près de 1 million de personnes qui étaient précédemment
laissées au bord du chemin ?
Pour la première fois depuis 1985, la sécurité sociale est en excédent : la
commisssion des comptes de la sécurité sociale nous rappelle que le déficit
était de 54 milliards de francs en 1996, de 33,3 milliards de francs en 1997,
de 16,5 milliards en 1998...
M. Roland Courteau.
Eh oui !
Mme Gisèle Printz.
... et que le régime sera excédentaire de plus de 3,4 milliards de francs à la
fin de l'année.
Et n'oublions pas les avancées de la politique familiale !
Nous pourrions compléter encore ce catalogue pour démontrer que, depuis que la
gauche plurielle est arrivée au Gouvernement, la situation s'est améliorée. On
ne voit bien que ce que l'on veut bien voir !
Mes chers collègues, la politique sociale, ce n'est pas une action
politicienne ! C'est du concret, ce sont des résultats. Vous ne serez donc pas
étonnés que, au regard du bilan qui précède et des arguments que vous
développez, nous ne votions pas en faveur de votre motion opposant la question
préalable.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je dirai simplement que, si la majorité sénatoriale était suivie et
si elle avait le dernier mot, ce qui, heureusement, n'est pas le cas dans le
système parlementaire actuel l'adoption de cette motion priverait des millions
de Français des avancées que le projet de loi de financement de la sécurité
sociale leur apporte, tant dans le domaine de la santé que dans celui de la
protection des risques liés à la vieillesse que dans celui de l'aide aux
familles.
Enfin, que chacun assume ses responsabilités !...
En tout cas, je voulais publiquement rappeler toutes les avancées que
permettra ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et marquer le
retour à l'équilibre des comptes.
Certes, lorsque nous sommes arrivés aux affaires, nous n'avions pas
grand-chose à répartir, puisque vous n'aviez laissé que des déficits - en
particulier dans la branche famille.
M. Roland Courteau.
Eh oui !
M. Jean Delaneau,
président de la commission.
Et ceux de M. Bérégovoy, vous les comptez
?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il a donc fallu non seulement rétablir l'équilibre des
comptes, mais aussi engranger des excédents, puis redistribuer ces excédents
aux familles.
Je tiens à dire à M. Neuwirth, avec tout le respect que j'ai pour lui, comme
d'ailleurs pour l'ensemble des sénateurs, sur quelque travée qu'ils siègent,
que je ne peux laisser prendre à parti, comme il l'a fait, sur la gynécologie
médicale, la secrétaire d'Etat à la santé.
Vous savez quel souci elle a de rétablir dans toute son intégrité ce métier,
de permettre à toutes les femmes de pouvoir recourir à ses services. Ce souci
est d'ailleurs partagé par tout le Gouvernement puisque, le 8 mars dernier,
lors de la Journée internationale du droit des femmes, le Premier ministre
s'est engagé à veiller personnellement sur cette question. Il s'agit d'un
domaine de la médecine très important pour les femmes.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
J'ai parlé des formations, je n'ai pas parlé du reste.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
La position du Gouvernement est parfaitement claire sur
cet objectif. Evidemment, il ne peut pas résoudre les problèmes du jour au
lendemain, par un coup de baguette magique ! Entre aussi en ligne de compte la
liberté de choix des étudiants en médecine entre les différentes filières.
En tout cas, soyez-en sûr, le nécessaire est fait pour revaloriser cette
profession et pour la mettre à la disposition de toutes les femmes et de toutes
les jeunes filles !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par le Gouvernement. Je rappelle
que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 220 |
Contre | 98 |
En conséquence, le projet de loi est rejeté.
4
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
M. le président a reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement une
lettre en date de ce jour par laquelle le Gouvernement, en accord avec la
commission des lois, complète l'ordre du jour prioritaire de la séance du
mercredi 13 décembre en inscrivant les conclusions de la commission mixte
paritaire sur la proposition de loi organique destinée à améliorer l'équité des
élections à l'Assemblée de la Polynésie française, dont l'examen était prévu
initialement le mercredi 20 décembre, à quinze heures.
Acte est donné de cette communication.
L'ordre du jour des séances du mercredi 13 décembre et du mercredi 20 décembre est modifié en conséquence.5
CONTRACEPTION D'URGENCE
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 87,
2000-2001) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la
contraception d'urgence.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, madame le ministre, mes chers collègues, la commission mixte
paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion de la proposition de loi relative à la contraception d'urgence s'est
réunie le lundi 20 novembre dernier à l'Assemblée nationale.
J'ai le plaisir de vous dire qu'elle est parvenue assez aisément à un accord
sur un texte qui a été adopté à l'unanimité, ce dont, je crois, chacun d'entre
nous peut se féliciter. J'ajoute que cette commission mixte paritaire s'est
déroulée dans un climat particulièrement constructif.
Vous vous souvenez que, lors de l'examen de cette proposition de loi en
première lecture, le 31 octobre, le Sénat avait apporté un certain nombre de
modifications à l'article 1er et avait introduit un article additionnel par
l'adoption d'un amendement déposé par Mme Bardou.
S'agissant de l'article 1er, le Sénat avait souhaité préciser que la
dérogation au principe du consentement parental ne pouvait se justifier que par
un impératif essentiel : préserver les mineures d'une grossesse non désirée et
donc d'une interruption volontaire de grossesse.
Afin que la question du coût de ce contraceptif d'urgence ne soit pas un
obstacle pour certaines jeunes filles issues de milieux défavorisés, notre
assemblée avait prévu que la délivrance en pharmacie de ces contraceptifs aux
mineures s'effectuerait à titre gratuit dans des conditions fixées par voie
réglementaire. Cette disposition visait à faciliter l'accès des mineures à la
contraception d'urgence, notamment pendant les vacances scolaires.
S'agissant de la possibilité offerte aux infirmières scolaires d'administrer
aux élèves une contraception d'urgence, le Sénat avait voulu, d'une part,
rappeler les principes qui doivent guider les infirmières dans leur action,
d'autre part, définir de manière plus précise la procédure d'administration du
NorLevo aux élèves. Le texte adopté par le Sénat reprenait ainsi fidèlement
certaines des formulations retenues par la circulaire du 29 décembre 1999.
Le Sénat avait souhaité ainsi rappeler que la contraception d'urgence ne
saurait en aucun cas être un substitut à une contraception régulière et
responsable et que son usage ne saurait être banalisé.
S'agissant de la procédure proprement dite, le texte adopté par le Sénat
précisait que l'infirmière scolaire, confrontée à une demande de NorLevo,
devait tout d'abord s'efforcer d'orienter l'élève vers un médecin ou un centre
de planification ou d'éducation familiale. Si un médecin ou un centre de
planification familiale n'était pas immédiatement accessible, l'infirmière
scolaire pouvait alors - compte tenu de l'urgence si elle estimait qu'il
s'agissait d'une situation de détresse caractérisée - administrer à l'élève
majeure ou mineure une contraception d'urgence.
Le texte adopté par le Sénat prévoyait le nécessaire suivi des élèves à qui
l'on administre le NorLevo : l'infirmière scolaire devait ainsi informer
a
posteriori
le médecin scolaire des décisions qu'elle avait prises,
s'assurer de l'accompagnement psychologique de l'élève et veiller à la mise en
oeuvre d'un suivi médical, soit par un médecin généraliste ou spécialiste, soit
par un centre de planification familiale.
Le Sénat avait également adopté un article additionnel - l'article 2 - qui
prévoyait que le Gouvernement présenterait au Parlement, avant le 31 décembre
2002, un rapport dressant le bilan de l'application de la disposition
autorisant les infirmières scolaires à administrer une contraception d'urgence
aux élèves mineures et majeures, ainsi que la délivrance à titre gratuit dans
les pharmacies d'une contraception d'urgence aux mineures.
La commission mixte paritaire a retenu l'ensemble du texte adopté par le Sénat
en première lecture, à l'exception de la phrase relative à l'information
a
posteriori
du médecin scolaire.
Mme Hélène Mignon, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a estimé que cette
disposition risquait d'effrayer certaines jeunes filles qui éprouvaient le
besoin d'une très grande confidentialité pour établir un lien de confiance avec
l'infirmière. Elle a considéré, en outre, que les infirmières étaient aptes à
remplir la mission qui leur était confiée et étaient prêtes à assumer leurs
responsabilités. Elle a, par conséquent, jugé que le médecin scolaire ne devait
être appelé à intervenir qu'en cas de problèmes graves.
Votre rapporteur a précisé que cette disposition ne visait nullement à
remettre en cause la compétence des infirmières scolaires. Il a considéré que
cette disposition relevait de fait du fonctionnement interne de l'équipe
médicale au sein de l'établissement scolaire et qu'elle n'était probablement
pas indispensable dans la loi.
L'essentiel, en effet, était que le nécessaire suivi médical, ainsi que
l'accompagnement psychologique de l'élève soient mentionnés dans la loi. Le
texte qui résulte des travaux de la commission mixte paritaire est donc, à
cette phrase près, la reprise intégrale du texte que le Sénat avait adopté en
première lecture.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, d'adopter
les conclusions de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant
en discussion de la proposition de loi relative à la contraception
d'urgence.
A cet égard, madame le ministre, permettez-moi de souhaiter que les décrets
d'application de ce texte soient publiés le plus rapidement possible.
Madame le ministre, mes chers collègues, parvenu à ce point de mon
intervention, j'aurais le sentiment de manquer à mon devoir si je ne vous
faisais part d'une réflexion personnelle.
Nous vivons dans un pays que nous aimons, mais dont nous devons reconnaître
qu'il est un peu routinier, voire conservateur. Trop souvent, nous nous
contentons de regarder le monde évoluer, parfois sans nous. Nous devons réagir
à ce travers. La première leçon à tirer d'un trop grand nombre d'interruptions
de grossesse, en comparaison de ce qu'il en est à cet égard dans les pays qui
nous entourent, c'est l'échec collectif de notre société et l'échec par défaut
de l'Etat.
Encore faudrait-il comprendre ce qui se passe et anticiper sur les évolutions
futures plutôt que de courir en permanence après l'événement.
Nous sommes en réalité passés, je le crois, à côté d'une réflexion construite
sur les nouvelles donnes de la société. Nous ne pouvons ignorer le rôle
déterminant de la famille et de l'école, ensemble, dans la transmission de la
culture, mais aussi de l'éducation à la vie. Or on ne peut nier l'inégalité que
produit cette transmission par la seule famille. C'est pourquoi il faut
corriger cela avec l'école, qui, elle, s'adresse à tout le monde.
Bien sûr, quelques compromis, sur des sujets qui fâchent, seront nécessaires,
bien sûr, certains devront faire des concessions. Mais n'est-ce pas là un
modeste prix à payer par rapport à ce qui est en jeu : la fin d'une ignorance
qui aura coûté trop de larmes et de sang, trop de vies gâchées ?
(Vifs
applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué à la famille et à l'enfance.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons aujourd'hui à un moment
symboliquement fort puisque c'est le dénouement positif d'un long processus
entamé, voilà maintenant plus d'un an, au sein du système scolaire, avec le
protocole de soins par lequel j'avais en effet autorisé les infirmières
scolaires à délivrer la contraception d'urgence.
Vous le savez, ce protocole a connu un certain nombre de vicissitudes. A la
suite de la décision du Conseil d'Etat, des débats ont été engagés à travers le
pays, puis un texte a été déposé par le groupe socialiste de l'Assemblée
nationale, texte qui a donné lieu à une discussion de très grande qualité au
Sénat.
C'est pourquoi je voudrais saluer le remarquable travail accompli par votre
rapporteur ainsi que par votre commission des affaires sociales, qui va vous
permettre, dans quelques instants, je n'en doute pas, d'adopter un texte
élaboré vraiment en commun par l'Assemblée nationale et le Sénat.
Le Gouvernement tient à souligner que, sur cette importante question de
société, les clivages politiques ont été transcendés. Que les groupes
politiques qui ont témoigné leur soutien à ce texte en soient remerciés. Je
voudrais aussi rendre hommage ici au travail de Mme Hélène Mignon, rapporteure
à l'Assemblée nationale, mais surtout dire ma gratitude à M. Lucien Neuwirth,
qui a montré une nouvelle fois que les femmes pouvaient bénéficier et de ses
compétences et de son humanisme.
Vous l'avez dit à l'instant, monsieur Neuwirth par rapport au texte adopté par
la Haute Assemblée en première lecture, la commission mixte paritaire n'a
apporté qu'une seule modification : les infirmières scolaires ne seront pas
obligées d'informet le médecin scolaire de la délivrance de la contraception
d'urgence. Je pense que c'est une bonne décision, qui conforte les compétences
des infirmières scolaires. Surtout, l'obligation d'informer le médecin scolaire
aurait pu laisser entendre qu'elles n'étaient pas tenues au secret
professionnel, alors qu'elles y tiennent beaucoup, notamment lorsqu'il s'agit
des confidences qu'elles reçoivent des adolescentes.
Quoi qu'il en soit, la suppression de cette obligation ne remet nullement en
cause le travail d'équipe au sein des établissements scolaires, associant les
infirmières, les personnels sociaux, les chefs d'établissement et, bien
entendu, les médecins scolaires.
Au-delà de cette modification, ce texte permet de réaliser un certain nombre
d'avancées.
Tout d'abord, il indique clairement que la contraception d'urgence peut être
délivrée sans prescription médicale, ce qui est tout à fait nécessaire pour que
soit apportée une réponse d'urgence aux situations de détresse.
La deuxième avancée consiste à permettre l'intervention des infirmières
scolaires. Vous savez que cette disposition est très attendue par les
établissements scolaires, et la rapidité avec laquelle l'échange entre
l'Assemblée nationale et le Sénat s'est déroulé va permettre très vite
d'instituer à nouveau cette procédure dans les établissements scolaires.
Vous avez souhaité à l'instant, monsieur Neuwirth, que les décrets prévus par
le texte soient rapidement publiés. Je prends devant vous l'engagement qu'il en
sera ainsi.
Cette proposition de loi permet également un accès gratuit à la contraception
d'urgence en pharmacie.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Ça, c'est le Sénat !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Bien sûr, cette disposition sera particulièrement utile
en dehors des périodes scolaires et elle conforte la gratuité déjà acquise au
sein du système scolaire. Mais elle permettra aussi aux jeunes filles qui ne
sont plus soumises à l'obligation scolaire, souvent issues des milieux
défavorisés, d'avoir accès à cette contraception.
Enfin, ce texte s'inscrit dans la perspective de nécessaires progrès en
matière d'accès à la contraception préventive - le débat sur l'IVG nous
conduira sans doute à aborder cette question -, en matière d'éducation à la
responsabilité sexuelle, de lutte contre toutes les formes de violence
sexuelle, contre toutes les formes de banalisation des relations sexuelles, car
il faut rejeter tout laxisme en ce domaine.
C'est ce qui m'avait conduite à renforcer l'éducation civique dans le système
scolaire, mais aussi à y imposer l'éducation à la sexualité et à la vie,
éducation axée sur l'estime de soi, sur le respect des autres et sur la lutte
contre le sexisme et contre toutes les formes de violence.
L'école et les familles ont un rôle éminent à jouer et, aujourd'hui, en tant
que ministre de la famille et de l'enfance, j'entends épauler les familles dans
les responsabilités qu'elles exercent à l'égard des enfants et des adolescents,
en même temps que l'école et tous les éducateurs.
Je vous remercie donc, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du
Gouvernement, d'avoir fait diligence pour examiner ce texte qui permettra, cinq
mois après la décision du Conseil d'Etat requérant l'intervention du
législateur, de rendre la contraception d'urgence de nouveau accessible aux
jeunes filles en situation de détresse.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la
commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur
l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire.
« Art. 1er. - L'article L. 5134-1 du code de la santé publique est complété
par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les médicaments ayant pour but la contraception d'urgence et non
susceptibles de présenter un danger pour la santé dans les conditions normales
d'emploi ne sont pas soumis à prescription obligatoire.
« Afin de prévenir une interruption volontaire de grossesse, ils peuvent être
prescrits ou délivrés aux mineures désirant garder le secret. Leur délivrance
aux mineures s'effectue à titre gratuit dans les pharmacies selon des
conditions définies par décret.
« Dans les établissements d'enseignement du second degré, si un médecin ou un
centre de planification ou d'éducation familiale n'est pas immédiatement
accessible, les infirmières peuvent, à titre exceptionnel et en application
d'un protocole national déterminé par décret, dans les cas d'urgence et de
détresse caractérisée, administrer aux élèves mineures et majeures une
contraception d'urgence. Elles s'assurent de l'accompagnement psychologique de
l'élève et veillent à la mise en oeuvre d'un suivi médical. »
« Art. 2. - Avant le 31 décembre 2002, le Gouvernement présente au Parlement
un rapport dressant le bilan de l'application du cinquième alinéa de l'article
L. 5134-1 du code de la santé publique autorisant les infirmières scolaires à
administrer une contraception d'urgence aux élèves mineures et majeures ainsi
que de la délivrance à titre gratuit dans les pharmacies d'une contraception
d'urgence aux mineures. »
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction
résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la
parole à M. Bimbenet, pour explication de vote.
M. Jacques Bimbenet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite
de voter aujourd'hui un texte qui est le résultat fructueux d'un véritable
travail des deux assemblées, ce qui n'est pas toujours le cas. L'intérêt de nos
concitoyennes a été heureusement plus fort que nos divergences politiques.
En première lecture, le Sénat a amélioré le texte adopté par l'Assemblée
nationale. Je pense notamment à la délivrance en pharmacie du NorLevo à titre
gratuit. Cette mesure permet, d'une part, que le coût de ce produit ne
constitue pas un obstacle pour certaines jeunes filles issues de milieux
défavorisées et facilite, d'autre part, son accès pendant les vacances
scolaires.
Le 20 novembre dernier, la commission mixte paritaire, aux travaux de laquelle
j'ai participé, a rapidement abouti à un accord et a donc adopté à l'unanimité
le texte sur lequel nous allons finalement nous prononcer. J'en suis d'autant
plus heureux qu'il s'agit d'un texte particulièrement important, qui constitue
une avancée essentielle pour les femmes.
En effet, il ne faut pas oublier que cette proposition de loi met en relief un
véritable phénomène de société, le nombre élevé d'IVG : environ 220 000 par an.
Je souhaite que ce dispositif évite aux femmes, et surtout aux adolescentes, de
se retrouver dans une situation de grande détresse face à une grossesse non
désirée, car le recours à l'IVG n'est pas un choix : c'est toujours un
drame.
Toutefois, j'insiste sur ce point, l'accès à la contraception d'urgence ne
doit pas en banaliser l'usage. Cette proposition de loi n'est qu'une étape dans
la bataille que nous devons mener pour que le nombre d'IVG diminue.
Ainsi que l'a rappelé mon collègue Bernard Joly en première lecture, il est
nécessaire d'entreprendre une véritable politique de prévention afin
d'améliorer l'éducation sexuelle des jeunes.
Certes, le Gouvernement a lancé, le 12 janvier dernier, une campagne sur la
contraception. Malheureusement, elle est passée pratiquement inaperçue. De
plus, l'effort des pouvoirs publics dans ce domaine s'est concentré, au cours
des années 1984 et 1985, sur la prévention du sida et des maladies sexuellement
transmissibles, si bien que les jeunes qui entretiennent une relation durable
et qui sont sûrs de leur fidélité négligent l'usage du préservatif, sans penser
au risque de grossesse.
La bataille que nous engageons pour que le recours à la contraception
d'urgence ait un caractère exceptionnel et que le nombre d'IVG diminue est
longue et ardue, mais il est de notre devoir de la mener à terme.
C'est dans cet esprit que le groupe du Rassemblement démocratique et social
européen votera le texte adopté par la commission mixte paritaire.
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au nom du
groupe socialiste du Sénat, je voudrais exprimer devant vous ma satisfaction
présente et mes espoirs pour l'avenir dans le domaine des droits des femmes.
Ma satisfaction tient à ce que nous nous apprêtons à voter les conclusions de
la commission mixte paritaire sur la contraception d'urgence, ce qui signifie
que les deux assemblées sont parvenues à un accord sur un texte important et,
surtout, vécu comme prioritaire.
Une nouvelle étape est donc en passe d'être franchie concernant la
contraception puisque l'accès à la contraception d'urgence pour toutes les
femmes, indépendamment de leur situation sociale ou de leur âge, reçoit ainsi
une base légale.
Cette nouvelle étape est une réponse essentielle en vue de pallier les trop
nombreuses situations de détresse que vivent les jeunes filles et qui,
malheureusement, perdurent.
Cependant, ne nous y trompons pas, même si nous venons ensemble de mener une
noble bataille, nous devrons continuer de concentrer nos efforts, car d'autres
progrès sont encore à accomplir, des progrès tout aussi primordiaux pour les
jeunes filles d'aujourd'hui et les femmes de demain, afin que leur sexualité ne
soit plus culturellement vécue comme un tabou, mais surtout pour que leur soit
reconnue la maîtrise de leur fécondité et qu'elles puissent toutes, un jour,
s'approprier la contraception et son contrôle.
Cela passera nécessairement par une réelle éducation à la sexualité de la
jeune fille, bien sûr, mais aussi du jeune homme, des familles, bref, de la
société tout entière.
Il va de soi que le groupe socialiste du Sénat votera les conclusions de la
commission mixte paritaire, qui sont tout à fait conformes à ses voeux.
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout
d'abord à féliciter nos collègues députés et sénateurs qui, en commission mixte
paritaire, ont réussi à trouver un accord sur ce texte concernant la
contraception d'urgence.
Je constate avec satisfaction que les conclusions de cette commission mixte
paritaire s'inscrivent dans la continuité de l'esprit constructif qui a
accompagné les débats en première lecture, que ce soit à l'Asssemblée nationale
ou au Sénat.
Il est très encourageant, à l'heure où la politique pâtit d'un certain
discrédit, de voir que les femmes et les hommes politiques ont su passer outre
leurs querelles politiciennes et leurs positions idéologiques pour prendre en
compte l'intérêt des jeunes filles.
Le texte qui a fait l'objet d'un accord prend la juste mesure de la détresse
rencontrée par les adolescentes lorsqu'elles sont confrontées à une grossesse
non désirée.
Je rappellerai brièvement les chiffres. Chaque année, 10 000 adolescentes
âgées de quinze à dix-huit ans doivent faire face à une grossesse non désirée ;
6 700 d'entre elles ont recours à une IVG. Et celles qui sont issues des
milieux les plus défavorisés sont plus que les autres confrontées à ce
douloureux problème.
Pour prendre en compte cette angoisse - car, derrière les chiffres, il y a des
adolescentes qui souffrent -, il fallait que la législation évolue. C'est
désormais chose faite.
Le texte autorise la délivrance sans autorisation médicale préalable de la
contraception d'urgence. En cela, il reconnaît l'évolution de la société et
prend en compte les progrès scientifiques intervenus dans le domaine de la
contraception depuis la loi Neuwirth de 1967.
D'autre part, grâce à l'esprit constructif qui a régné lors de nos débats au
Sénat, le texte est enrichi sur un point très important puisqu'il précise que
la délivrance de la contraception d'urgence s'effectue à titre gratuit dans les
pharmacies.
Nous avions exprimé, lors de l'examen du texte par le Sénat, notre attachement
à cette mesure ; nous n'étions d'ailleurs pas les seuls. Aussi sommes-nous
satisfaits que la commission mixte paritaire l'ait maintenue.
En ce qui concerne la délivrance de la contraception d'urgence par les
infirmières scolaires, nous nous félicitons que le texte reconnaisse le rôle
éducatif essentiel joué par les infirmières scolaires et le lien privilégié
qu'elles savent nouer avec les jeunes.
Pour que cette mesure porte pleinement ses fruits, il conviendra maintenant de
concentrer nos efforts sur l'augmentation des effectifs de cette profession,
même si nous reconnaissons que le nombre de postes d'infirmière scolaire a
augmenté l'an dernier et augmentera aussi en 2001.
Enfin, le texte précise dans l'article 2 que le Gouvernement devra présenter,
avant le 31 décembre 2002, un rapport dressant le bilan de la délivrance de la
contraception d'urgence par les infirmières scolaires et, à titre gratuit, dans
les pharmacies. Nous souscrivons à cette volonté.
En fait, le seul point qui modère un peu notre satisfaction concerne le
problème de l'accès à la contraception d'urgence en dehors des périodes
scolaires. Nous avions proposé d'étendre l'autorisation de délivrer la pilule
du lendemain par les infirmières exerçant dans les centres de vacances agréés
et nous regrettons de ne pas avoir été entendus sur cet aspect de la
contraception d'urgence. Nous pensons, en effet, que cette mesure constituerait
un complément utile allant dans le sens d'une continuité avec la période
scolaire.
Cela étant dit, nous considérons que ce texte est un volet important de la
lutte des femmes et des jeunes filles pour la maîtrise de leur fécondité. Il
permettra à de nombreuses adolescentes en situation de détresse de ne pas
débuter leur vie amoureuse et sexuelle par le traumatisme d'une interruption
volontaire de grossesse ou d'une grossesse non désirée.
Par conséquent, nous approuvons les conclusions de la commission mixte
paritaire sur la proposition de loi relative à la contraception d'urgence.
Enfin, je dirai que le groupe communiste républicain et citoyen souhaite
ardemment que soit rapidement mise en place, par les différents ministères
concernés, une importante campagne d'information sur la contraception en
direction de la jeunesse, seule réelle prévention contre les grossesses
précoces chez les adolescentes.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Après les précédents intervenants, je veux moi aussi me féliciter du fait que
la commission mixte paritaire soit si rapidement parvenue à un accord sur les
dispositions qui nous sont soumises aujourd'hui. Il lui a fallu aussi peu de
temps qu'à la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour aboutir à un désaccord ! Cela prouve que les mêmes
parlementaires qui étaient en désaccord sur un sujet ont pu être, tout de suite
après, en accord sur un autre sujet !
Je me félicite aussi de la qualité du débat que nous avons eu. Je commence à
avoir un certain nombre d'années d'expérience en tant que parlementaire et j'ai
pu constater que, sur les sujets de société - je pense notamment aux lois sur
la bioéthique, dont nous avons débattu voilà quelques années - nous parvenions
parfois à dépasser les clivages partisans. Sur la contraception d'urgence, nous
avons eu un vrai débat et l'accord auquel la commission mixte paritaire est
parvenue en illustre la qualité.
Cependant, si, comme d'autres intervenants, je me réjouis de ce que le texte
que nous votons aujourd'hui évitera à des femmes et à des jeunes filles le
recours à une interruption volontaire de grossesse, je regrette que 220 000
femmes doivent encore y faire appel chaque année dans notre pays, soit
pratiquement le même nombre qu'avant les lois Neuwirth et Veil. Comme l'a dit
M. Neuwirth voilà un instant, ce nombre démontre que nous avons échoué, et la
responsabilité n'est pas imputable à ce gouvernement, elle est collective.
En effet, le nombre d'IVG en France est quasiment égal au nombre total d'IVG
pratiquées dans les cinq ou six pays qui nous entourent.
Le problème est réel ! Il faut engager une réflexion approfondie sur le sujet,
car le système ne fonctionne pas correctement.
Comme vous le savez, je suis chirurgien et je peux dire que trop d'hôpitaux ne
disposent pas de centres d'IVG convenables. Au CHU de Grenoble, l'Etat - ou la
direction - je ne sais pas exactement, mais peu importe ! - vient de fermer un
centre de consultation de la femme.
Je vous ai d'ailleurs écrit à ce sujet, madame le ministre, ou à Mme Aubry, je
ne sais plus précisément.
Dès lors, que l'on ne s'étonne pas de ne pas voir le nombre d'IVG diminuer.
Il est de notre responsabilité d'hommes et de femmes politique d'examiner ce
problème, qui marque un échec de notre société vingt-cinq ans après les lois
qui ont fondé une contraception moderne dans notre pays.
Comme Lucien Neuwirth, je déplore l'ignorance qui, curieusement, règne dans ce
domaine. Même les associations qui nous interrogeaient mêlaient la prolongation
du délai légal pour pratiquer une IVG et la contraception d'urgence. Au
demeurant, le Gouvernement aurait pu lui-même éviter cette confusion dans le
projet de loi qui nous sera soumis dans quelques jours. Il s'agit pour le moins
d'une méthode pédagogique complètement nulle ! L'ignorance est donc entretenue
par les uns et les autres.
J'ai également été surpris de constater qu'un grand nombre d'associations
considéraient le NorLevo comme une pilule abortive. C'est ahurissant ! C'est
vraiment une pilule contraceptive. Sur le plan éthique, la différence est de
taille !
Cela dit, je me réjouis que, grâce à l'autorité de Lucien Neuwirth, nous
soyons parvenus à un accord.
Je précise pour conclure que le groupe du RPR du Sénat votera, dans sa
majorité, les conclusions de la commission mixte paritaire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction
résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons de nouveau interrompre nos travaux.
Madame le ministre, je vous fais, vous aussi, l'émissaire auprès du
Gouvernement d'un message que j'ai déjà délivré à trois ministres successifs,
déplorant que, en plein milieu du débat budgétaire, qui nous est limité par la
Constitution, nous ayons des interruptions comme celle de cet après-midi,
d'abord par l'intrusion de textes qui n'ont rien à voir avec le débat
budgétaire, ensuite par une mauvaise coordination : nous allons, en effet,
interrompre maintenant nos travaux alors que nous aurions pu aborder l'examen
du budget des anciens combattants dès à présent.
Pour essayer de faire en sorte que la séance de ce soir n'empiète pas sur
celle de demain matin, je vous propose, mes chers collègues, de reprendre nos
travaux à vingt et une heures.
Il n'y a pas d'opposition ?...
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à vingt et
une heures.)
M. le président. La séance est reprise.
6
COMMUNICATION RELATIVE
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur l'épargne salariale n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.
7
LOI DE FINANCES POUR 2001
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale.
ANCIENS COMBATTANTS
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les anciens
combattants.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en cette soirée, il m'appartient, une
fois encore, de m'exprimer au titre de la commission des finances du Sénat sur
les crédits du secrétariat d'Etat aux anciens combattants.
L'adossement du secrétariat d'Etat aux anciens combattants au ministère de la
défense et le transfert consécutif de certains crédits, tels les frais de
fonctionnement des services ou les crédits d'équipement des établissements sous
tutelle ou encore les crédits d'entretien et de la réparation des sépultures,
ne simplifie pas la lecture de ce projet de budget.
Quoi qu'il en soit, le chiffre que nous retiendrons est celui de 23,8
milliards de francs, soit 1,3 % de moins que l'année passée, chiffre auquel il
convient d'ajouter 951 millions de francs inscrits au budget de la défense. Que
le monde combattant ait souhaité ne voir aucune diminution des crédits en
francs constants paraît légitime. Certes, le nombre des parties prenantes
diminue plus vite que les crédits du secrétariat d'Etat aux anciens
combattants, mais les économies qu'on peut en tirer paraissent bien dérisoires
au regard des attentes pressantes du monde combattant.
M. Hilaire Flandre.
Tout à fait !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
N'oublions jamais que le temps joue contre le monde
combattant et que toute mesure différée conduit fatalement à priver
définitivement certains d'entre eux des réparations auxquelles leur sacrifice
devrait leur donner naturellement accès.
J'en veux pour exemple la question de la retraite anticipée dont nous avons
parlé, évalué le coût pendant des années et qui est obsolète aujourd'hui.
Si le Gouvernement avait voulu s'amender de ces tergiversations dilatoires, il
aurait dû marquer le coup avec la retraite du combattant, soit en anticipant le
versement à soixante-deux ans ou à soixante-trois ans pour atteindre dans un
délai raisonnable l'âge de soixante ans, soit en augmentant l'indice afin d'en
augmenter le montant : 2 780 francs par an, c'est moins de 250 francs par mois
!
Permettez-moi de considérer que votre crainte de se rapprocher ainsi des
pensions de vieillesse liées à la vie professionnelle me paraît bien infondée.
La retraite du combattant reste et restera toujours l'expression d'une
reconnaissance de la nation et n'a rien à voir avec la retraite versée au terme
d'une vie professionnelle.
En parlant de manoeuvres dilatoires, je ne puis oublier le cas des
Reichsarbeitsdienst,
les RAD et des
Krieghilfsdienst,
les KHD. Il
n'aura échappé à personne que, après avoir attendu l'engagement de la fondation
« Entente franco-allemande », vous avez attendu le comptage des bénéficiaires
pour conclure que le Gouvernement n'avait pas à cofinancer l'indemnisation.
N'est-ce pas là gagner du temps ? J'en veux pour preuve vos propos, monsieur
le secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Voilà un an, dans les mêmes
circonstances, vous faisiez état, à cette tribune, de l'« échec » que
constituait le traitement de ce dossier, sans remettre en cause le bien-fondé
de la démarche. Il y a trois semaines, lors du débat à l'Assemblée nationale,
vous avez déclaré ceci : « A aucun moment, je n'ai dit que l'Etat apporterait
de l'argent. » Je veux aussi penser aux grandes oubliées de la guerre que sont
les veuves, à qui l'on reconnaît le droit à une assistance sociale, mais aucun
droit à réparation, alors que, compte tenu de leurs efforts et de leur
abnégation, elles en sont bien créancières.
Certes, le projet de budget que vous soumettez à notre approbation n'est pas
dénué de mesures positives, que nous apprécions d'ailleurs à leur juste
valeur.
Toutefois, je qualifierai certaines d'entre elles de « demi-mesures », car,
tout en offrant un effet d'annonce « appréciable », elles ne vont pas jusqu'au
bout de la démarche. C'est ainsi que l'attribution de la carte du combattant
aux rappelés ayant passé quatre mois sur le territoire algérien nous
satisferait totalement si les rappelés du Maroc et de la Tunisie y étaient
officiellement associés. Vous savez comme moi, monsieur le secrétaire d'Etat,
que, aux engagements verbaux et à la bonne foi d'un ministre - et, monsieur
Masseret, je connais votre honnêteté intellectuelle - il est toujours
préférable d'opposer à l'administration des écrits clairs, précis et
incontestables. J'espère aussi que les conséquences budgétaires de cet
élargissement auront été mieux « calibrées » que les fois précédentes.
(M.
le secrétaire d'Etat sourit.)
Vous souriez, je n'en dirai pas plus.
Le rattrapage de la valeur du point des pensions militaires d'invalidité pour
les grands invalides nous comblerait s'il n'était différé, pour le solde, à
l'année prochaine. N'oublions pas que le handicap qui a gâché leur vie en les
frappant en pleine jeunesse n'a pas attendu un an pour s'abattre sur eux.
Alors, il semble mesquin, dans de telles circonstances, de tenter de gagner du
temps, d'autant que l'effort financier pour solder ce contentieux n'est pas
insurmontable puisqu'il est évalué à 35 millions de francs.
Sur la décristallisation des pensions et retraites des anciens combattants
d'outre-mer, je vous avouerai que je suis un peu perplexe, et même hésitant.
Certes, vous avez déposé et fait voter à l'Assemblée nationale un amendement
prévoyant la levée de la forclusion sur les attributions de retraite ; mais je
ne vois pas en quoi cet article ajoute quoi que ce soit à la jurisprudence du
Conseil d'Etat, qui n'a jamais eu besoin d'être transcrite dans la loi pour
être respectée.
Je crains surtout que, ce faisant, vous ne graviez en revanche dans le marbre
le maintien de la cristallisation des taux de réparation, pensions et
retraites.
M. Michel Pelchat.
Tout à fait !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Or, les calculs que vos services ont établis à ma
demande pour réactualiser les chiffres de 1998 publiés par la Cour des comptes
- je rappelle d'ailleurs que la Cour des comptes elle-même, pourtant si
soucieuse des deniers publics, considère que la décristallisation est une
question d'équité - ces calculs, disais-je, - évaluent à 66 millions de francs
en tout et pour tout le coût non pas de la décristallisation, mais du seul
rattrapage du niveau de vie des pensions et retraites des combattants des trois
pays du Maghreb.
Vraiment, si ces chiffres sont exacts, leur montant est dérisoire au regard
des économies liées à la disparition progressive des bénéficiaires. Il est
surtout dérisoire au regard d'une responsabilité et d'une exigence qui sont
celles de la France, et de la France seule. Franchement, monsieur le secrétaire
d'Etat - je le dis à nouveau cette année, comme tous les ans -, je ne comprends
pas qu'on ne fasse rien !
(M. le secrétaire d'Etat sourit.)
Vous
souriez, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous nous connaissons bien, et je sais
que tout ce que je dis, vous le pensez aussi !
(Rires.)
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Pas tout !
(Nouveaux rires.)
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Mais nous allons y arriver !
Concernant l'article 53
quater
nouveau, issu d'un amendement de nos
collègues députés tendant à mettre en place une « commission d'étude de la
revalorisation des pensions, chargée de proposer les mesures d'ordre législatif
et réglementaire permettant la revalorisation des rentes, des retraites et des
pensions des anciens combattants de l'outre-mer », je soulèverai la réserve que
je porte à ce type de commission dont l'efficacité est liée, comme vous le
savez, à la volonté politique profonde de ceux qui les mettent en place.
Ayant moi-même récemment déposé une proposition de loi visant à décristalliser
la seule retraite du combattant, je ne m'opposerai bien évidemment pas au
principe de cette commission, bien que j'en connaisse les limites.
Plus flagrant encore, le décret du 13 juillet 2000 instaure une indemnisation
au profit des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions
antisémites et ignore les orphelins de fusillés, de déportés politiques ou de
résistants juifs ou non. Cette mesure, largement médiatisée par le Premier
ministre et coûteuse puisqu'elle représente 200 millions de francs - c'est le
chiffre qui m'a été communiqué -, certes prélevés sur les crédits des services
généraux du Premier ministre, emporte l'assentiment de tous sur le principe.
Elle laisse tout de même un goût amer d'injustice envers les exclus du
dispositif.
Je considère enfin que l'effort que vous vous félicitez de faire en faveur de
la mémoire est bien insuffisant. L'augmentation des crédits est d'abord très
largement optique, soit qu'elle rattrape des mesures financées l'an dernier sur
la réserve parlementaire, soit qu'elle corresponde à des transferts en
provenance de la défense.
L'effort réel réalisé cette année en faveur de l'entretien et de la rénovation
des sépultures ne permettra en aucune façon de résorber l'incroyable retard
accumulé sur le plan de rénovation 1997-2000.
Enfin, permettez-moi de regretter que rien n'ait été fait pour revaloriser le
montant dérisoire accordé aux communes et aux associations qui procèdent à
l'entretien des carrés militaires dans les cimetières communaux : nous sommes
toujours à huit francs par tombe, ce qui est, avouez-le, ridicule. J'ai
constaté moi-même, à l'occasion d'une mission effectuée dans les départements
de l'Est, que cette situation n'est plus admissible.
Ce projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, étant peut-être le dernier
que nous défendons l'un et l'autre à ces places - sait-on jamais ? -
j'achèverai mon propos sur une note positive.
Sans m'autoriser à faire le bilan de votre action, je souhaite toutefois vous
remercier des avancées que vous doit le monde combattant. Je ne reviendrai pas
sur les mesures passées, me contentant de présenter les mesures positives que
j'ai retenues de l'arbitrage budgétaire pour les crédits de 2001.
Je n'insisterai pas sur l'article 51 du projet de loi de finances concernant
les rappelés d'Algérie ni sur l'article 52 relatif aux pensions d'invalidité
des grands invalides que la commission des finances a votés, sous réserve des
observations que je vous ai faites voilà quelques instants.
L'article 53 du projet de loi de finances relevant le plafond de la retraite
mutualiste à 110 points a, lui aussi, reçu l'agrément de la commission,
laquelle regrette cependant que les promesses d'un ancien candidat n'aient pas
été tenues.
Abordant cette question de la retraite mutualiste, je tiens à saluer
l'adoption, par l'Assemblée nationale, d'un amendement devenu l'article 53
bis
qui exclut du secteur marchand la gestion de la retraite
mutualiste.
C'est une disposition prudente que votre rapporteur spécial soutient
totalement sur le fond. Toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, j'attire votre attention sur le fait que le projet de loi habilitant
le Gouvernement à réformer le code de la mutualité par ordonnance est encore en
navette et que nous ignorons si cet article sera compatible avec le droit
communautaire.
L'attribution du TRN, le titre de reconnaissance de la nation, aux militaires
présents sur les territoires algériens et indochinois au-delà de la date
officielle de cessation des combats, soit jusqu'au 2 juillet 1964 pour les
anciens d'Afrique du Nord et au 10 octobre 1957 pour les anciens d'Indochine,
constitue une disposition positive.
Nous attendions cette mesure depuis longtemps. Elle n'est que justice pour les
intéressés, car on ne peut ignorer les risques qu'ils ont encourus durant cette
période charnière.
Je mettrai également au crédit de votre action, monsieur le secrétaire d'Etat
- même si vous l'avez fait un peu tardivement par le biais d'amendement à
l'Assemblée nationale - l'augmentation de 15 millions de francs des crédits
d'action sociale de l'ONAC, l'Office national des anciens combattants et
victimes de guerre, d'autant plus que 5 millions de francs sont destinés à des
actions spécifiques en faveur des veuves d'anciens combattants.
Je profiterai de l'occasion qui m'est donnée de mettre en valeur la mission
sociale de l'ONAC pour insister sur le fait qu'elle ne doit en rien être
confondue avec le droit à réparation que constitue l'ensemble des mesures que
nous défendons, le directeur de l'ONAC et moi-même, et dont la spécificité est
justifiée par les circonstances de leur obtention.
L'Etat ne vient pas au secours des anciens combattants, il est débiteur de
leur droit à réparation. Je tiens à ce que cela soit bien noté, car c'est
important pour les intéressés.
Les deux établissements sous tutelle, l'ONAC et l'INI, l'Institution nationale
des invalides, voient leurs moyens de fonctionnement abondés de près de 8
millions de francs entre crédits budgétaires et ressources propres.
Toutefois, et bien que ces crédits relèvent désormais du budget de la défense,
je vous ferai part de mon inquiétude quant à la sous-consommation chronique des
crédits d'équipement, essentiellement en ce qui concerne les travaux de
sécurité qui paraissent pourtant bien urgents dans les maisons de retraite de
l'ONAC.
Répondant à notre collègue député François Rochebloine, qui s'inquiétait du
sort des non-salariés en cessation d'activité exclus du dispositif du fonds de
solidarité, vous avez pris l'engagement de « faire évoluer par circulaire
l'interprétation de l'adverbe "involontairement" », pusqu'il faut être privé
involontairement de son activité pour accéder aux aides du fonds et que,
jusqu'à présent, l'interprétation restrictive de ce terme excluait les
commerçants, artisans, agriculteurs et autres non-salariés ayant déposé leur
bilan.
Qu'en est-il trois semaines plus tard ? Vous allez certainement nous donner
une réponse !
J'achèverai mon intervention sur un souhait qui ne grève pas le budget de la
nation et auquel vous ne pourrez pas opposer l'article 40, monsieur le
secrétaire d'Etat. Il concerne la médaille accordée aux anciens d'Afrique du
Nord. Il y a là une inégalité préjudiciable entre les titulaires du TRN. Ne
pourriez-vous en prévoir l'extension à tous les titulaires de ce titre ? Pas
d'article 40, monsieur le secrétaire d'Etat !
Il me reste, enfin, à vous indiquer la position de la commission des finances
au regard des mesures positives mais bien frileuses que vous nous soumettez au
travers de ce projet de budget pour 2001.
La commission - vous la connaissez aussi bien que vous me connaissez, monsieur
le secrétaire d'Etat - serait toute prête à voter ce budget si vous acceptiez
de consentir quelques efforts sur quelques-uns des points mentionnés
précédemment. En l'absence de quoi, elle se verra contrainte de proposer le
rejet de votre budget.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous me
pardonnerez si je suis obligé de répéter certains des propos que mon ami
Jacques Baudot vient d'exposer avec beaucoup de talent. Mais il est vrai que,
anciens combattants, nous avons l'habitude de répéter les choses : à force de
les répéter, peut-être serons-nous un jour entendus !
L'examen annuel du budget des anciens combattants est un moment important. Il
est, pour la représentation nationale, l'occasion d'apprécier les conditions
d'expression de la reconnaissance de la nation envers ceux qui ont consenti de
lourds sacrifices pour notre pays, mais aussi de faire, le cas échéant, des
propositions pour garantir ou améliorer l'exercice de cette légitime
reconnaissance.
A cette aune, le projet de budget pour 2001 apporte certaines - mais rares -
satisfactions. Il souligne surtout, par ses lacunes, l'urgence qu'il y a à
apporter des réponses concrètes aux attentes les plus vives et les plus
justifiées du monde combattant.
Certes, le budget pour 2001 diminuera moins que ceux qui l'ont précédé, notre
collègue Jacques Baudot vient d'en parler dans son excellente intervention.
J'observe toutefois que cette moindre réduction des crédits tient finalement
moins à une actions volontariste du Gouvernement qu'à l'application pure et
simple des évolutions démographiques. Car, contrairement à certaines idées
reçues, le nombre de parties prenantes à la dette viagère tend désormais à
augmenter. La diminution du nombre de pensionnés est, en effet, plus que
compensée par la forte progression du nombre de titulaires de la retraite du
combattant. La troisième génération du feu arrive aujourd'hui massivement à
l'âge de soixante-cinq ans, ce qui lui permet alors de prétendre à la retraite
du combattant.
Dans ce nouveau contexte démographique, l'évolution des crédits budgétaires ne
permettra qu'une simple reconduction
a minima
des actions en faveur des
anciens combattants.
Je n'entrerai pas ici dans une analyse détaillée des crédits : le temps
m'étant compté, je présenterai simplement deux observations sur ces crédits.
S'agissant des crédits relatifs à la réparation, je souhaite insister sur la
situation de l'Institution nationale des invalides, l'INI. Celle-ci demeure
fragile, sa subvention de fonctionnement n'augmentant que de 1,8 %.
Au moment où l'INI doit revoir sa politique des ressources humaines pour
prendre en compte la fin du service national obligatoire et où l'établissement
public se lance dans la préparation d'une réforme importante qui passe par une
nouvelle accréditation et qui se traduira par la participation au service
public hospitalier, il n'est pas évident que cette subvention permette de
conforter réellement la situation de cet établissement, dont le rôle est
pourtant essentiel.
S'agissant de la politique de solidarité, la commission des affaires sociales
s'inquiète des évolutions pour le moins erratiques de la subvention d'action
sociale de l'ONAC.
Dans sa version initiale, le projet de budget prévoyait une diminution de plus
de 3 % des crédits d'action sociale, alors même que l'office est de plus en
plus fréquemment sollicité pour attribuer des secours individuels. Il apparaît
en effet bien souvent comme l'ultime solution pour de nombreux ressortissants -
notamment des veuves - parfois confrontés à des situations dramatiques du fait
des failles de la politique de solidarité en faveur du monde combattant.
Certes, le Gouvernement a finalement accepté, à l'Assemblée nationale, de
majorer de 15 millions de francs les crédits d'action sociale de l'ONAC, mais
cette initiative tardive ne suffira pas à apaiser la crainte initialement
suscitée.
La commission des affaires sociales ne peut comprendre la tentative du
Gouvernement de restreindre ces crédits alors qu'aucun dispositif de solidarité
alternatif n'est proposé. Aussi, elle ne peut que réitérer sa proposition
d'utiliser une partie des fonds libérés par l'extinction progressive du fonds
de solidarité pour financer de nouvelles actions de solidarité : je constate
que de nombreux allocataires du fonds se retrouvent dans une situation précaire
à la sortie du dispositif et qu'ils sont alors dans la nécessité de se tourner
vers l'ONAC.
S'agissant des mesures nouvelles, le tableau est tout aussi contrasté. Elles
apparaissent, en effet, très en retrait par rapport aux attentes du monde
combattant, mais aussi par rapport aux avancées que vous nous aviez laissé
espérer, monsieur le secrétaire d'Etat.
A ce propos, je tenais à saluer votre action personnelle qui, sur de nombreux
sujets, a permis des avancées non négligeables, notamment pour la troisième
génération du feu. Je constate cependant que vous avez encore bien du mal à
vous imposer dans les arbitrages budgétaires, et je le regrette.
Parmi ces mesures nouvelles, certaines vont dans le bon sens, et je ne peux
que m'en féliciter. Je pense ici à l'assouplissement des conditions
d'attribution de la carte du combattant aux rappelés en Algérie et à
l'extension des périodes retenues pour la délivrance du titre de reconnaissance
de la nation.
D'autres, cependant, restent très partielles et peuvent être considérées comme
insuffisantes.
Ainsi, la revalorisation des pensions des plus grands invalides gelées entre
1991 et 1995 se poursuit. La commission des affaires sociales aurait cependant
souhaité que le retour à la parité soit définitif dès 2001.
De même, le plafond majorable de la retraite mutualiste a été relevé, mais le
rythme reste bien lent et nous sommes encore loin de l'indice 130, qu'il
importe d'atteindre à terme.
D'autres mesures, enfin, restent ambiguës et la commission des affaires
sociales souhaiterait obtenir de votre part, monsieur le secrétaire d'Etat, des
éclaircissements.
C'est le cas pour l'article 53
ter
du projet de loi de finances, qui
concerne la levée de la forclusion pesant sur la retraite du combattant pour
les anciens combattants d'outre-mer. Mais j'aurai l'occasion d'y revenir au
moment de l'examen des articles.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, ces mesures nouvelles restent
parcimonieuses, même si elles vont parfois dans le bon sens. Elles sont surtout
loin de répondre aux attentes les plus vives du monde ancien combattant !
Quatre d'entre elles apparaissent prioritaires aux yeux de la commission des
affaires sociales.
Premièrement, nous tenons à insister tout particulièrement sur la situation
souvent très préoccupante des veuves, qu'il s'agisse des veuves de guerre ou
des veuves d'anciens combattants. En témoigne, par exemple, le quasi-doublement
du nombre de veuves secourues par l'ONAC entre 1997 et 1999. Vous venez de
lancer, monsieur le secrétaire d'Etat, une concertation avec le monde
combattant sur ce sujet. Je m'en félicite, et j'espère qu'elle aboutira dans
les meilleurs délais. Toutefois, je me permets d'attirer votre attention sur un
point : la politique en faveur des veuves ne peut se résumer à une simple
politique d'action sociale et doit nécessairement s'inscrire dans le cadre du
droit à réparation. C'est un principe auquel nous sommes très attachés.
Deuxièmement, il me semble nécessaire d'étudier plus avant la possibilité d'un
abaissement progressif de l'âge d'attribution de la retraite du combattant,
comme le signalait M. Baudot. Le coût budgétaire en est certes élevé, mais il
pourrait être pour partie compensé par le « recyclage » des crédits du fonds de
solidarité.
Troisièmement, la commission des affaires sociales considère particulièrement
urgent d'apporter une réponse à la grave question - que vous connaissez
particulièrement bien, monsieur le secrétaire d'Etat - de l'indemnisation des
incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, les RAD-KHD.
Aussi, je vous demande solennellement d'inscrire dès à présent des crédits afin
de permettre à la fondation Entente franco-allemande de faire de même.
Je sais que vous allez évoquer, monsieur le secrétaire d'Etat, un imbroglio
juridique. Le droit doit cependant s'adapter aux exigences de l'équité !
Quatrièmement, enfin, la commission des affaires sociales s'interroge sur la
récente mesure décidée par le Premier ministre en faveur de l'indemnisation des
orphelins des juifs morts en déportation. Il s'agit là d'une mesure de justice.
Nous nous demandons toutefois s'il ne serait pas légitime de l'étendre à
l'ensemble des orphelins des victimes du nazisme, qu'il s'agisse des non-juifs
ou des juifs qui ne sont pas morts en déportation.
Je souhaiterais d'ailleurs que vous nous apportiez quelques précisions sur les
indemnisations intervenues depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en
faveur des orphelins. Nous connaissons l'un et l'autre ce problème, monsieur le
secrétaire d'Etat : des indemnisations ont été accordées à certains, mais elles
sont largement insuffisantes, M. le président de la commission des affaires
sociales le sait bien.
Vous le voyez, monsieur le secrétaire d'Etat, de trop nombreux chantiers
restent ouverts. Nous espérions que des progrès significatifs auraient pu être
faits dès 2001. Le projet de budget ne comporte que de trop faibles
avancées.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable
à l'adoption des crédits relatifs aux anciens combattants.
Elle a, en revanche, émis un avis favorable à l'adoption des articles 51, 52,
53 et 53
quater,
et s'en remettra à la sagesse du Sénat, sous réserve
des explications du Gouvernement, pour l'article 53
bis,
qui a trait à
la mutualité, et l'article 53
ter,
relatif à la décristallisation.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, les remarques que je me suis
permis d'exposer,...
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Brillamment !
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
... au nom de la commission des affaires sociales.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 25 minutes ;
Groupe socialiste, 19 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 20 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu pour 30
minutes au maximum.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la diminution des effectifs des pensionnés
aurait dû permettre, avec un budget identique en francs constants, de régler
des questions qui sont en souffrance depuis des années. Je ne doute pas que
vous vous êtes employé à maintenir le cap, mais, toujours est-il que les
arbitrages ont réduit les crédits du secrétariat d'Etat aux anciens combattants
et victimes de guerre.
Pourquoi, en effet, ne pas laisser au budget les sommes libérées par la
disparition des ayants droit, afin que ceux qui sont encore en vie puissent
percevoir la réparation que leur doit la nation ? Ils sont de moins en moins
nombreux dans les générations du feu les plus anciennes. Les uns et les autres
sont tout à fait conscients de cela. C'est pourquoi il est indécent de
marchander la reconnaissance de sacrifices qui, eux, ont été sans retenue.
A cet égard, le dossier des grands invalides est un parfait exemple.
L'article 52 du présent projet de loi de finances introduit une revalorisaiton
de 3 %, qui permet un rattrapage, mais celui-ci n'est que partiel. Le retard
aurait pu être comblé en utilisant une partie du différentiel, s'il avait été
conservé.
Cette mesure, comme l'espèrent les plus gravement atteints, se traduit-elle
par un réajustement de la valeur du point qui, pour ces pensions de mutilés,
était encore, cette année, inférieure à la valeur appliquée à toutes les autres
rentes ? Il en résultait des réelles distorsions dans le paiement du fait de
l'application de valeurs différentes alors que les indices étaient les
mêmes.
Une autre catégorie de personnes relevant de votre secrétariat d'Etat aurait
pu bénéficier, monsieur le secrétaire d'Etat, d'une mise à niveau de revenus ;
ce sont les veuves. Souvent, les pensions qui leur sont servies sont au-dessous
des minima sociaux. Là non plus, ce n'est pas décent. Il s'agit non pas d'un
secours, d'une allocation de solidarité, mais de la reconnaissance de droits.
Ces veuves aussi ont eu leur vie brisée et ont consacré tout leur temps à
assister de grands blessés. Il conviendrait de s'en souvenir et de matérialiser
le devoir de mémoire qu'elles méritent.
Par ailleurs, lorsqu'une demande de révision de taux d'invalidité en cas
d'aggravation de l'état a été formulée avant le décès du pensionné, il serait
normal d'en faire bénéficier sa veuve. Actuellement, cette démarche est
considérée comme nouvelle et n'est pas prise en compte. Pourtant, la situation
a bien été vécue par le couple.
Il me semblait que, l'année dernière, vous aviez pris l'engagement, monsieur
le secrétaire d'Etat, de revoir l'ensemble du dispositif. Or, ce projet de
budget ne traduit rien de tel. L'urgence est réelle, car, dans bien des cas, la
reversion n'est pas automatique, et parfois elle n'est pas prévue. Reste
également en suspens le sort financier des veuves et des orphelins de
déportés.
Enfin, le relèvement de la retaite mutualiste reste en deça du taux espéré par
les bénéficiaires. Pour rattraper partiellement le pouvoir d'achat initial du
plafond majorable, ce dernier doit être porté à 10 000 francs au 1er janvier
2003. Or, pour atteindre ce seuil, l'augmentation annuelle doit être de dix
points. L'article 53 ne prévoit que la moitié. De plus, certaines
interrogations se font jour sur l'opportunité de cette mesure, pouvant
interférer avec la refonte du code de la mutualité, dans laquelle le Parlement
tient à jouer son rôle.
Certes, de nouvelles dispostions attendues figurent dans ce projet de budget,
mais la déception est toujours à l'aune des attentes, et certaines sont
cruelles. Les plus faibles sont souvent les plus dignes et les plus effacés. Ne
les oublions pas dans cette croissance que l'on dit retrouvée !
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous voudrez bien excuser mon franc-parler, qui
me fait qualifier votre budget de « moins mauvais budget présenté depuis des
années ». Certes, je prends en compte votre action opiniâtre et je connais les
contraintes qui vous sont imposées. Pourtant, je ne vous décernerai pas encore
un satisfecit, mais dirai, comme nombre de nos collègues de l'Assemblée
nationale : « Peut mieux faire ! »
Aujourd'hui, plus encore que l'an dernier, la reprise de la croissance aurait
permis d'avancer sur des contentieux qui, depuis de très nombreuses années,
grèvent les relations des associations avec le secrétaire d'Etat à la défense
chargé des anciens combattants.
Or, ce budget « manque de souffle », même s'il se borne à diminuer ses crédits
de 1,32 % seulement en francs courants, pour une diminution de la population
pensionnée de 4 %.
Qu'en est-il donc de ce budget que vous nous proposez, amélioré par quelques
amendements adoptés le 3 novembre dernier par l'Assemblée nationale ? J'en
retiendrai très honnêtement les avancées.
La mesure « phare » de ce budget est sans conteste l'octroi de la carte du
combattant pour les rappelés. Le fait de retenir une présence minimale de
quatre mois permettra à 44 000 personnes de se voir attribuer la carte du
combattant et de percevoir la retraite du combattant. Cette mesure
particulièrement bienvenue est chiffrée à 118 millions de francs.
Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, vous voudrez bien nous préciser si
cette mesure s'étend à la Tunisie et au Maroc, donc à l'ensemble de l'Afrique
du nord. Ce serait justice, me semble-t-il, que d'accorder à ces combattants
les mêmes réparations pour les mêmes faits de guerre.
A l'article 52, nous constatons un nouveau rattrapage en vue de la remise à
parité des pensions des plus grands invalides de guerre pour un montant de 21
millions de francs.
A l'article 53, nous assistons à un relèvement du point du plafond donnant
lieu à majoration de la retraite mutualiste, qui passe de 105 à 110 points.
Je me félicite de l'extension attendu du titre de reconnaissance de la nation
aux combattants en Algérie du 2 juillet 1962 au 1er juillet 1964, aux
combattants en Indochine du 11 août 1954 au 1er octobre 1957.
Je souhaite également souligner notre satisfaction à l'annonce de
l'augmentation des crédits affectés à la mémoire : c'est un bel effort, qu'il
convient de saluer, même s'il est sujet à interprétation.
J'approuve la consolidation des moyens des deux établissements publics : l'INI
et l'ONAC. C'est ainsi que ce dernier voit ses crédits d'action sociale
augmentés de 5 %, soit 15 millions de francs, par amendement gouvernemental.
Cette mesure permettra d'améliorer sensiblement les actions de solidarité
prioritaires et de poursuivre la remise aux normes des maisons de retraite.
Le Gouvernement a également supprimé la forclusion des droits nouveaux pour la
retraite du combattant à soixante-cinq ans des anciens combattants des
ex-colonies titulaires de la carte du combattant ; ceux-ci pourront désormais
bénéficier de la retraite du combattant, mais cristallisée ! Cet amendement
mérite quelques explications. Nous ne voudrions pas qu'une telle mesure se
retourne contre les ayants droit, et nous attendons du Gouvernement qu'il
l'étende aux veuves.
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements visant, d'une part, à inscrire
dans le code de la mutualité la garantie d'indépendance des mutuelles d'anciens
combattants à l'égard des groupes d'assurance et des banques, d'autre part, à
créer une commission d'étude sur la décristallisation des pensions des
combattants originaires d'anciens protectorats ou colonies.
Je tiens également à faire part de notre satisfaction s'agissant des réponses
que vous avez apportées à des problèmes auxquels est particulièrement sensible
le monde combattant.
Ainsi, vous avez déclaré devant l'Assemblée nationale avoir été chargé par le
Gouvernement d'étudier l'extension de la juste mesure d'indemnisation des
orphelins de parents juifs déportés raciaux morts en déportation à l'ensemble
des orphelins de parents déportés, résistants, internés. Je vous précise qu'il
convient de ne pas oublier les orphelins de parents fusillés ou massacrés par
les nazis.
Par ailleurs, s'agissant du rapport de la Cour des comptes, qui préconisait de
gommer la spécificité du droit à réparation au nom d'impératifs budgétaires, je
vous remercie d'avoir très clairement et fermement écarté cette suggestion en
déclarant ce rapport « sans portée pratique ».
Malgré ces avancées, qu'il convient honnêtement de saluer, force est de
constater que le compte n'y est pas.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je présenterai tout à l'heure à notre
assemblée quelques amendements significatifs de l'effort supplémentaire qui
vous est demandé par les associations, que le groupe communiste républicain et
citoyen soutient et que la croissance rend par ailleurs modestes.
La nouvelle étape de rattrapage pour les pensions des plus grands invalides de
guerre ne peut me satisfaire. Il faut mettre un terme à cette injustice une
fois pour toutes. C'est pourquoi je réclamerai tout à l'heure l'abrogation de
l'article L. 114
bis
du code des pensions militaires d'invalidité.
Je rappelle également la revendication du monde combattant de voir verser une
retraite du combattant dûment revalorisée aux titulaires de la carte du
combattant à l'âge de soixante ans, et non plus soixante-cinq ans. Une première
étape pourrait être soixante-deux ans.
S'agissant du problème de la décristallisation des pensions, j'y reviendrai
tout à l'heure, de même que je reviendrai sur les mesures indispensables en
faveur des incorporés de force.
Je souhaite évoquer à nouveau une revendication ancienne, qui porte sur le
reclassement indiciaire des fonctionnaires ayant servi en Afrique du nord.
M. le président.
Monsieur Fischer, il vous faut conclure, malheureusement !
M. Guy Fischer.
Pour terminer, j'indiquerai que je souhaiterais enfin vous entendre sur le
mémorital de la guerre d'Algérie, dont l'inauguration est prévue à Paris en
2002. Quelle plus belle reconnaissance de la nation que de l'inaugurer en cette
année du quarantième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie ?
Par ailleurs, j'aspire à ce qu'enfin une date commémorative soit retenue pour
le monde combattant, souhaitant pour ma part que ce soit le 19 mars.
Je reviendrai tout à l'heure sur tous ces problèmes.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. le président.
Mes chers collègues, si je vous appelle au strict respect de vos temps de
parole, c'est simplement parce que le Sénat siège demain matin, à neuf heures
trente ; nous devons donc impérativement en avoir fini cette nuit à zéro heure
trente !
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est donc le quatrième budget que vous
présentez. Les années se suivent ; elles se ressemblent d'une certaine manière
: chaque année, votre budget paraît insuffisant face à l'ampleur des demandes.
Chaque année apporte cependant des mesures nouvelles qui, ajoutées les unes aux
autres, représentent un effort très important et témoignent de l'intérêt et de
l'attachement que vous portez aux anciens combattants.
Le budget que vous nous présentez pour 2001 ne peut pas être dissocié de ceux
des années précédentes. Il constitue une nouvelle étape, avec de nouvelles
avancées.
Si l'on prend le dossier de la guerre d'Algérie et le contentieux qui existait
avec les anciens d'Afrique du Nord, il faut souligner les améliorations qui ont
été obtenues année après année.
En 1997, vous avez proposé que la carte du combattant soit attribuée aux
militaires qui ont fait dix-huit mois de service en Afrique du Nord. L'année
suivante, cette durée a été abaissée à quinze mois. Puis nous sommes passés à
douze mois. Il restait le problème des rappelés : il sera réglé en 2001 pour
ceux qui ont passé au moins quatre mois en Algérie, et vous vous êtes engagé
devant l'Assemblée nationale à résoudre de la même manière, par circulaire, le
cas des rappelés au Maroc et en Tunisie. Le processus est finalement arrivé à
son terme.
De même, le titre de reconnaissance de la nation a été accordé aux militaires
ayant servi en Algérie jusqu'au 2 juillet 1962 dans le budget précédent et il
sera maintenant accordé aux militaires qui ont servi jusqu'au 1er juillet 1964.
Des anciens d'Afrique du Nord demandeurs d'emploi pourront ainsi bénéficier du
fonds de solidarité et de l'allocation de préparation à la retraite.
Il faut également se féliciter de la reconduction du dispositif de
l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE.
Toujours au sujet de la guerre d'Algérie - et nous savons le rôle que vous
avez joué dans la reconnaissance officielle en tant que guerre - il y a, par
contre, un dossier qui n'évolue pas assez vite, c'est la construction à Paris,
près de la tour Eiffel, d'un mémorial national, qui aurait une valeur
symbolique forte. Les anciens d'AFN souhaitent qu'il soit réalisé au plus tard
pour le quarantième anniversaire du cessez-le-feu. L'inauguration de ce
mémorial, vous le savez bien, est très attendue ; elle sera l'occasion de
rendre un hommage solennel aux anciens combattants d'Afrique du Nord ; c'est
une justice qui leur est due ; il y va aussi de leur honneur et de leur
dignité.
Sur un autre sujet, celui de la retraite mutualiste du combattant, il faut,
comme sur les autres dossiers, souligner les avancées : le plafond majorable
est passé en quatre ans de 90 à 110 points. Cela fait 22 % d'augmentation.
Certains trouvent que ce n'est pas suffisant. On pourrait effectivement aller
encore plus loin et plus vite. Mais il faut quand même constater le
résultat.
Votre projet de budget permet aussi de franchir une nouvelle étape dans la
remise à parité des pensions des plus grands invalides. Mais, très sincèrement,
nous aurions souhaité que le rattrapage soit achevé en 2001.
C'est un problème douloureux. Nous avons bien noté votre engagement pour 2002,
mais nous éprouvons un certain malaise devant cette injustice qui touche des
personnes si gravement atteintes qu'elles sont incapables d'accomplir seules
les actes élémentaires à leur survie.
Il nous semble aussi que l'on pourrait aller beaucoup plus vite sur d'autres
dossiers, comme celui des pensions des anciens combattants originaires des
anciennes colonies ou des protectorats.
A l'Assemblée nationale, vous avez fait voter un amendement qui permettra
d'accorder la retraite du combattant « cristallisée » aux anciens combattants
de ces ex-pays colonisés qui remplissent les conditions requises. C'était
nécessaire.
Mais il reste - les orateurs qui m'ont précédé l'ont souligné - la question de
la « cristallisation », qui mérite toute notre attention. C'est sans aucun
doute un problème complexe, mais il faut réaliser une avancée en termes de
pouvoir d'achat et envisager une mesure équitable pour ces anciens combattants
qui ont combattu pour la France, particulièrement pour ceux du Maghreb, qui
sont actuellement parmi les plus défavorisés.
Il faut aussi avancer d'une manière significative sur le dossier des veuves,
particulièrement des veuves d'anciens combattants. Comme les veuves de guerre
et les veuves des grands invalides, elles ressortissent à l'ONAC, mais elles ne
bénéficient pas de prestations.
Vous avez engagé la discussion sur ce dossier avec les anciens combattants
dans le cadre de groupes de travail. Les crédits sociaux de l'ONAC ont été
majorés lors de la discussion à l'Assemblée nationale. Vous avez vous-même,
monsieur le secrétaire d'Etat, présenté un amendement pour que cette « rallonge
» soit votée, une partie devant aller aux actions de solidarité en faveur des
veuves d'anciens combattants.
Ce problème particulièrement sensible est évoqué dans toutes les assemblées
générales des associations d'anciens combattants. Ne serait-il pas possible,
d'une manière générale, d'adopter des dispositions qui permettraient de venir
en aide à tous ceux et à toutes celles dont la vie quotidienne est
particulièrement difficile ? A Strasbourg, devant le congrès de la Fédération
nationale des anciens combattants en Algérie, la FNACA, vous avez évoqué un
dispositif, un fonds « qui commencerait modestement et qui augmenterait
progressivement, au bénéfice des veuves et des anciens combattants qui
connaîtraient dans leur vie quotidienne un certain nombre de difficultés, avec
des critères bien adaptés, bien réfléchis ». Vous avez aussi parlé de mesures «
ciblées ». Cette idée a-t-elle fait son chemin ? Ces critères ont-ils été
précisés ?
Toujours au sujet de l'ONAC, il faut se féliciter qu'il bénéficie des crédits
nécessaires pour mettre en conformité ses maisons de retraite et assurer leur
réhabilitation. Je pense en particulier à celle qui est située à Anse, près de
Lyon. C'est aussi un problème auquel les anciens combattants sont très
sensibles.
Mais si, d'une façon générale, il y a eu des avancées très importantes, il
reste des dossiers qui n'ont guère évolué, comme celui des incorporés de force
dans des formations paramilitaires allemandes. Gisèle Printz évoquera ces
dossiers, comme elle le fait tous les ans.
Il y a aussi le problème de l'indemnisation de tous les orphelins de déportés,
sans aucune distinction, comme vous l'avez vous-même souhaité, monsieur le
secrétaire d'Etat. Nous attendons que des engagements soient pris à ce sujet
par le Gouvernement, c'est-à-dire par vous-même, ce soir.
Enfin, il faut se féliciter de l'augmentation, cette année encore, des crédits
consacrés à la politique de la mémoire, même si, pour une bonne part, cette
augmentation est due à des transferts internes entre ministères. Il faut
toujours plus de crédits pour les actions pédagogiques et la formation à la
citoyenneté.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, il y a eu cette affaire malencontreuse
de la proposition de loi n° 2576 relative à « la reconnaissance du 11 novembre
comme journée de la mémoire des victimes civiles et militaires des guerres »,
déposée à l'Assemblée nationale le 15 septembre 2000 par quinze députés du RPR.
La conséquence en aurait été la suppression des commémorations nationales du 8
mai 1945 et du 11 novembre 1918, auxquelles se substituait cette journée unique
du souvenir.
Nous ne pouvons pas oublier qu'en 1975 le 8 mai avait bel et bien été rayé des
commémorations nationales pour n'y être réintroduit que six ans plus tard, en
1981, par le président Mitterrand.
M. Roland Courteau.
C'est vrai !
M. Gilbert Chabroux.
Ne faut-il pas redire haut et fort, au moment où nous allons aborder un
nouveau siècle, que le devoir de mémoire implique le maintien des grandes
commémorations nationales à leurs dates historiques, chacune avec sa
spécificité ? Le 8 mai est et restera toujours l'anniversaire de la victoire
sur le nazisme. Comment pourrions-nous ne pas commémorer une telle date ?
Victor Hugo disait : « Les souvenirs sont nos forces. Ils dissipent les
ténèbres. Ne laissons jamais s'effacer les anniversaires mémorables. Quand la
nuit essaie de revenir, il faut allumer les grandes dates comme on allume les
flambeaux. »
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous savons que vous êtres très attaché à ce
devoir de mémoire, et avec vous à la tête du secrétariat d'Etat aux anciens
combattants, nous ne craignons pas de revenir vers les ténèbres.
Le groupe socialiste salue chaleureusement votre action et il vous apporte son
entier soutien.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Le budget qui nous est présenté aujourd'hui accuse, comme d'habitude, une
nouvelle baisse, inlassablement expliquée par la diminution du nombre d'anciens
combattants, et, comme chaque année, je le regrette, trouvant cet argument bien
indécent.
En cette période de relance économique, rien ne justifie cette diminution de
1,3 %. Une fois encore, Bercy dicte la conduite à suivre et ne semble pas prêt
à entendre les légitimes revendications des anciens combattants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je sais combien vous vous impliquez dans la
défense des droits des anciens combattants. Je suis d'autant plus désolée que
les nouveautés paraissent bien rares à la lecture de ce projet de budget.
Nous avions tous constaté la baisse des crédits d'action sociale de l'ONAC,
dont les veuves d'anciens combattants dépendent en grande partie. Votre projet
de budget ne comporte aucune mesure nouvelle concernant ces dernières.
L'Assemblée nationale a majoré ces crédits, notamment en faveur des veuves,
c'est une bonne chose.
Si les veuves ne peuvent évidemment pas prétendre au titre d'ancien
combattant, elles n'en ont pas moins vécu les conflits et elles en ont été
victimes.
Seules, elles ont assumé toutes les charges familiales du fait de la
mobilisation de leur mari. Il était inadmissible, dans le contexte actuel, que
rien ne soit prévu pour ces femmes. Certes, elles n'ont pas lutté concrètement
pour la France, mais leur combat, le combat de tous les jours lorsque leur mari
était mobilisé, mérite une meilleure reconnaissance de notre part. Il est
aujourd'hui urgent que les veuves d'anciens combattants puissent bénéficier
d'une pension de réversion. Cela apporterait une maigre compensation à celles
qui sont dans une situation précaire.
Les crédits du fonds de solidarité pour les anciens combattants d'Afrique du
Nord et d'Indochine diminuent de 11,3 % ; cela s'explique par le fait que les
bénéficiaires sortent du dispositif pour faire valoir leur droit à pension à
taux plein. Mais il est regrettable que la diminution du nombre de
bénéficiaires ne serve pas à faire entrer dans le dispositif les commerçants et
les chômeurs. Encore une fois, les crédits sont purement et simplement
supprimés au lieu d'être redistribués.
Cette année encore, la question de la retraite du combattant reste sans
réponse, et la retraite anticipée n'est presque plus d'actualité en raison de
la diminution du nombre de bénéficiaires.
Le monde combattant souhaite bénéficier d'une retraite à partir de soixante
ans. Il conviendrait d'étudier cette question et d'y apporter rapidement une
réponse.
Je tiens également à insister sur la nécessaire décristallisation des
prestations versées aux anciens combattants des pays d'outre-mer, qui, pour
certains, sont dans une situation de grande précarité. Dans son rapport public
du mois de juin 2000, la Cour des comptes, pourtant peu disposée à voir
dépenser l'argent public, préconise une plus grande équité de traitement. De
plus, ces pensions n'arrivent pas toujours à destination des bénéficiaires. En
dépit de vos engagements, monsieur le secrétaire d'Etat, aucune mesure à ce
sujet ne figure dans votre budget.
L'article 53
ter
tend à lever les forclusions appliquées à tort par
l'administration. Cette disposition est aujourd'hui plus que nécessaire.
Nous avons un devoir moral envers ces personnes, un devoir moral qu'aucun
Gouvernement à ce jour n'a su assumer suffisamment pour prendre en compte de
façon réaliste les services rendus à la nation.
Il est juste que les anciens combattants d'outre-mer qui atteignent l'âge de
65 ans puissent eux aussi bénéficier de la retraite du combattant.
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que la commission chargée de
réfléchir sur la « décristallisation » saura apporter des réponses, même si je
reste sceptique quant à son utilité réelle.
J'en viens à l'indemnisation des incorporés de force dans les formations
paramilitaires allemandes par alignement sur l'indemnisation des incorporés de
force dans l'armée allemande.
Je vous avais déjà fait part de cette urgence l'année dernière et vous aviez
pris des engagements. Le recensement étant terminé depuis plus d'un an, la
fondation Entente franco-allemande n'attend plus que l'aide financière de
l'Etat pour répondre aux 10 000 demandes qu'elle-même financera en grande
partie.
Je regrette qu'une fois encore rien n'apparaisse dans votre budget et qu'une
fois encore les engagements n'aient pas été tenus. De nouveau, je vous demande
de mettre en place cette indemnisation au plus vite pour les personnes qui sont
aujourd'hui dans des situations catastrophiques.
Enfin, je me réjouis de la mesure d'indemnisation créée par le décret du 13
juillet 2000 concernant les orphelins de déportés juifs morts en camps de
concentration durant la Seconde Guerre mondiale.
Toutefois, vous n'intégrez pas dans ce dispositif les orphelins des déportés
non juifs, les fusillés ou massacrés, ce dont je m'étonne. L'iniquité d'une
telle mesure n'est justifiée en rien. Je ne pense pas, monsieur le secrétaire
d'Etat, que la douleur des uns fut plus importante que la douleur des autres,
et il est indigne d'établir une telle distinction entre les victimes de
l'Allemagne nazie.
Finalement, les seuls points positifs de votre projet de budget correspondent
aux articles rattachés.
En premier lieu, l'attribution de la carte du combattant aux rappelés
d'Algérie répond à une demande très insistante des associations. Cette mesure
légitime va dans le bon sens.
Je m'étonne toutefois, et je le regrette, que les rappelés de Tunisie et du
Maroc ne fassent pas partie du dispositif, et cette mesure ne répond pas à la
situation particulière des maintenus.
Il est aujourd'hui urgent de prendre en compte le temps passé en Tunisie et au
Maroc, même après l'indépendance, pour l'obtention de la carte du
combattant.
L'indice de référence pour la retraite mutualiste du combattant passe de 105 à
110. Je tiens à rappeler que cette revalorisation était plus que souhaitable.
Mais le rattrapage du point de pension pour les grands invalides n'est pas
achevé. La revalorisation des pensions de grands invalides est poursuivie à
hauteur de 3 %, alors que ces dernières avaient été gelées entre 1991 et 1995.
Le retour à la parité n'est malheureusement pas définitif en 2001.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vouliez que cette question soit réglée
pour le budget 2001 ; malheureusement, avec 36 millions de francs, nous sommes
encore bien loin des 70 millions de francs attendus.
De nombreuses associations souhaitent que le rattrapage définitif à l'indice
130 soit achevé à la fin de 2001. Il serait donc opportun que cette loi de
finances fixe l'indice de référence à 120 points. Je ne peux que soutenir une
demande si légitime.
Il semblerait également que vous refusiez d'en finir avec la mise à parité des
pensions des grands invalides puisque, à taux d'invalidité égal, selon le
conflit, le pensionné est plus ou moins indemnisé.
Enfin, le titre de reconnaissance de la nation est étendu aux anciens
combattants ayant servi en Indochine jusqu'au 1er octobre 1957 et en Algérie
jusqu'au 1er juillet 1964. Je salue le bien-fondé d'une telle mesure, qui était
aussi attendue.
Ces mesures nouvelles doivent aujourd'hui être bien accueillies et méritent
largement notre approbation. Il est vrai qu'elles correspondent à une demande à
laquelle il était urgent de répondre. Je regrette sincèrement qu'elles soient
si rares dans ce budget.
J'en viens, enfin, à la difficile question d'une date commémorative de la
guerre d'Algérie. La reconnaissance de l'état de guerre l'année dernière
implique que le Gouvernement prenne ses responsabilités et réponde à l'attente
des anciens combattants d'Afrique du Nord.
Le choix de cette journée devra certes recueillir l'approbation de l'ensemble
des associations. Toutefois, vous n'êtes pas sans savoir que les cérémonies
commémoratives à la mémoire des victimes se déroulent déjà, dans de nombreuses
villes de France, le 19 mars et qu'il serait difficile, voire inconcevable pour
ces villes de faire un autre choix.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget présente, certes, quelques points
positifs qu'il convient de souligner, et je connais votre engagement. Je
m'interroge toutefois sur la décence de présenter un tel projet lorsque l'on
sait que notre pays va terminer l'année avec une croissance de 3,8 %.
Nos priorités ne paraissent pas être les mêmes. Je pensais,
a priori
à
tort, que le monde combattant aurait pu, lui aussi, bénéficier des fruits de la
croissance. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je suivrai l'avis
émis par la commission des affaires sociales pour le vote de ce budget.
(Applaudissement sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
comme l'an dernier, le projet de budget des anciens combattants et victimes de
guerre a été élaboré dans un contexte exceptionnel de croissance. Dès lors, mes
collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même ne pouvons que déplorer,
une fois de plus, la baisse de 1,32 % dont il est l'objet, alors que le budget
de 2000 était déjà lui-même en diminution de 1,97 %, et celui de 1999 en
diminution de 2 %.
Toutes les associations d'anciens combattants confondues réclament unanimement
que ce projet de budget ne soit pas à nouveau en baisse au nom de la diminution
des parties prenantes, car, véritablement, seule semble compter l'évolution de
la démographie des pensionnés.
L'an dernier, nous nous étions réjouis de l'adoption à l'unanimité par le
Parlement de la proposition de loi visant à reconnaître - enfin ! - la réalité
de l'état de guerre en Algérie, ainsi que les combats du Maroc et de la
Tunisie. Longtemps attendue, cette reconnaissance a constitué un geste
hautement symbolique et réparateur, après des années de silence et
d'indifférence.
Reste aux livres d'histoire, notamment aux manuels scolaires mis à la
disposition de notre jeunesse, d'intégrer avec la plus grande objectivité cette
page sombre de notre histoire.
Nous pouvions alors penser que les anciens combattants d'Afrique du Nord
allaient enfin être traités dans des conditions de stricte égalité avec ceux
des conflits antérieurs. A propos, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en est-il
du mémorial national de la guerre d'Algérie ? Quel site prestigieux avez-vous
choisi ? Sera-t-il bien érigé en 2002, l'année du quarantième anniversaire de
la fin de la guerre d'Algérie ? Si vous pouviez éviter la date du 19 mars, je
serais de ceux qui applaudiraient à cette mesure.
L'an dernier, j'avais également regretté que le budget pour 2000 ait maintenu
le préjudice subi par les anciens combattants et victimes de guerre
d'outre-mer, du fait de la loi de cristallisation, en ce qui concerne notamment
les combattants marocains, algériens et tunisiens, par rapport aux combattants
des autres pays d'Afrique et de Madagascar.
Aucune évolution n'était intervenue en dépit de vos engagements, monsieur le
secrétaire d'Etat ; c'est la raison du dépôt de la proposition de loi de mon
collègue de l'Union centriste Jacques Baudot, que j'ai bien évidemment
cosignée. Il nous a en effet semblé indispensable de faire un geste en
direction des ressortissants d'Etats autrefois liés à la France et ayant accédé
à l'indépendance, pour leur témoigner la reconnaissance de notre pays. Ce geste
pourrait prendre la forme d'un rétablissement des intéressés dans leur droit à
la retraite du combattant ouvert à ceux qui, titulaires de la carte, ont
combattu pour notre pays.
Or qu'elle n'a pas été notre satisfaction lorsque, lors de l'examen du projet
de budget des anciens combattants pour 2001 à l'Assemblée nationale, le 3
novembre dernier, vous avez proposé, par amendement, de mettre un terme à la
cristallisation des pensions versées aux anciens combattants originaires
d'Indochine, d'Afrique du Nord, d'Afrique équatoriale et d'Afrique occidentale
françaises qui ont versé leur sang pour notre pays. Lorsque l'on prend en
compte le pouvoir d'achat résultant de ces pensions dans ces différents pays,
on ne peut qu'être choqué de voir qu'une interprétation administrative
restrictive interdise l'ouverture de droits nouveaux en s'appuyant sur la
cristallisation.
C'est donc une bonne nouvelle, monsieur le secrétaire d'Etat, et nous ne
pouvons que nous réjouir d'avoir été entendus, puisque l'amendement du
Gouvernement qui va dans le sens de notre proposition de loi concernera 11 000
personnes du Maghreb et 3 000 dans les autres anciennes colonies. L'injustice
est ainsi réparée et le groupe de l'Union centriste ne peut que s'en
féliciter.
Par ailleurs, vous avez également proposé par amendement de majorer de 15
millions de francs les crédits d'action sociale de l'Office national des
anciens combattants.
Ces deux mesures de dernière minute tentent vraisemblablement de faire passer
la « pilule » de la diminution récurrente des crédits de votre projet de
budget. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons que les approuver.
Avec mes collègues de l'Union centriste, nous nous félicitons de la mesure
prise en faveur des rappelés avec l'extension de la carte du combattant par
application d'un coefficient 3 au temps passé en Afrique du Nord. Ainsi, avec
quatre mois de présence en Afrique du Nord, les rappelés pourront bénéficier
désormais de l'attribution de la carte du combattant. Il s'agit là d'un
complément utile à la mesure d'assouplissement des conditions d'attribution que
nous avions votée l'an passé.
Ensuite, l'attribution du titre de reconnaissance de la nation, au-delà du 2
juillet 1962 et jusqu'au 1er juillet 1964 pour l'Afrique du Nord, de même que
jusqu'au 1er octobre 1957 pour l'Indochine, ne peut que nous réjouir.
Si la discussion budgétaire permet de dresser un bilan, elle doit aussi être
l'occasion de rappeler les attentes, malheureusement récurrentes, des anciens
combattants et les problèmes non résolus.
Si l'on en juge par votre présentation budgétaire, 2001 ne sera pas l'année du
règlement définitif, en une seule fois, du contentieux relatif aux pensions des
plus grands invalides de guerre. Nous le regrettons. Vous vous étiez pourtant
engagé, monsieur le secrétaire d'Etat, à un règlement définitif en 2000. Les
plus grands invalides de guerre sont toujours en attente de l'abrogation totale
de l'article L. 114
bis
du code des pensions militaires d'invalidité et
des victimes de la guerre.
Rappelons que cet article est à l'origine du paiement des pensions des mutilés
les plus gravement atteints sur la base d'une valeur annuelle du point
inférieure à la valeur officielle appliquée à toutes les autres pensions :
75,66 francs par point au lieu de 81,46 francs, soit un écart de 5,8 francs
pour les indices supérieurs à 4800. Il en résulte que, selon la date de
concession de la pension, deux mêmes indices de pension peuvent être payés à
des valeurs différentes. C'est pour cette raison que les plus grands invalides
de guerre réclament l'abrogation totale de l'article L. 114
bis
du code
des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Qu'en
est-il, monsieur le secrétaire d'Etat, de vos promesses de l'an dernier ?
S'agissant de la retraite mutualiste, le plafond qui nous est proposé cette
année n'est relevé que de 5 points, passant de 105 à 110. A ce rythme, il sera
sans doute difficile d'atteindre les 130 points promis pour 2002 par le
candidat Lionel Jospin. Cela risque de ne jamais permettre de rattraper le
retard accumulé.
Enfin, comment ne pas manifester notre déception quant aux suites données à
certaines revendications parfaitement légitimes et relevant du droit à
réparation ?
Il s'agit du mode de calcul du rapport constant et de la date d'attribution de
la retraite du combattant. Pourquoi refuser de l'anticiper alors qu'il y aurait
là une réelle mesure compensatoire après le refus d'accorder une véritable
retraite anticipée pour la troisième génération du feu ? L'abaissement
progressif de l'âge à partir duquel cette retraite pourrait être attribuée
était parfaitement envisageable.
Monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en est-il du versement de la retraite du
combattant dès l'âge de soixante ans et de sa revalorisation progressive de
l'indice 33 à l'indice 48 des pensions militaires d'invalidité en compensation
de la retraite professionnelle anticipée, promise et jamais accordée ?
Par ailleurs, il n'existe aucune véritable avancée nouvelle en faveur des
veuves de guerre. Nous attendons toujours une amélioration significative des
pensions des veuves de pensionnés, qui ont consacré leur carrière et leur vie à
assister un grand blessé et qui sont ressortissantes de l'ONAC depuis 1991.
Quant aux crédits du fonds de solidarité pour les anciens combattants d'Afrique
du Nord et d'Indochine, qui servent à venir en aide aux plus modestes d'entre
eux, ils sont en diminution de 11,3 %, ce que nous trouvons quelque peu
choquant.
Autre question, monsieur le secrétaire d'Etat : qu'en est-il de la mise en
oeuvre des recommandations en matière de psychotraumatisme de guerre ou encore
de l'octroi de la campagne double aux fonctionnaires et assimilés, conformément
au principe d'égalité des droits entre les générations du feu ?
Sans être totalement décevant, ce budget est cependant loin d'être à la
hauteur des attentes légitimes du monde combattant. Les deux excellents
rapporteurs de la commission des finances et de la commission des affaires
sociales, nos collègues Jacques Baudot et Marcel Lesbros, ont d'ailleurs émis
un avis défavorable sur les crédits de votre budget pour 2001. Comment
pouvaient-ils faire autrement ?
Il est dommage que vous n'ayez pu saisir, cette année, l'opportunité d'une
conjoncture économique aussi favorable, qui n'est sans doute pas près de se
reproduire, pour proposer aux anciens combattants un budget enfin digne
d'eux.
En conclusion, je dirai que, au-delà des clivages politiques, nous réclamons
plus de justice, plus de reconnaissance pour tous ceux qui se sont battus -
j'en étais - et qui ont risqué leur vie pour notre pays. Le devoir de mémoire
devrait être matérialisé chaque année dans le budget avec infiniment plus de
reconnaissance et de respect.
Enfin, il ne faut pas oublier nos amis les harkis, ces combattants qui n'ont
pas obtenu, jadis, de la part de la communauté nationale, la reconnaissance
qu'ils méritaient.
Leur rôle et leur sacrifice pour la France ne doivent pas être oubliés et ils
doivent figurer, eux aussi, dans les livres scolaires, comme les héros des
guerres que la France a livrées pour la liberté.
Nous avons également pour eux un devoir de mémoire, de respect et de
reconnaissance.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Il vous faut conclure, hélas, mon cher collègue.
M. Rémi Herment.
L'an dernier, lors de l'examen du budget des anciens combattants, vous m'aviez
répondu, monsieur le secrétaire d'Etat, que les solutions relevaient non pas de
votre département ministériel, mais de celui du ministère de l'emploi et de la
solidarité. Les harkis sont pourtant bien des anciens combattants, au même
titre que des anciens combattants d'Afrique du Nord. Monsieur le secrétaire
d'Etat, quelles mesures significatives ont pu être prises avec votre collègue
du ministère de l'emploi et de la solidarité en faveur des harkis rapatriés,
d'une part, de leurs enfants, d'autre part ?
La France s'honorerait en faisant un geste significatif qui démontrerait sa
reconnaissance envers d'anciens frères d'armes, qui ont été les grands
sacrifiés de la guerre d'Algérie.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je ferai
porter essentiellement mon propos sur les questions intéressant les anciens
combattants expatriés.
Je me référerai, tout d'abord, aux voeux exprimés par la commission des
anciens combattants du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Le premier concerne l'alignement des retraites des anciens combattants
indochinois et africains sur celles de Djibouti, qui s'élèvent à 1 020 francs
par an.
Le deuxième voeu touche à l'alignement des taux de pension des anciens
combattants de nos ex-communautés, notamment les Algériens réfugiés politiques
en France, sur ceux de la métropole durant leur séjour en France.
Le troisième voeu est relatif aux monuments et cimetières français à
l'étranger. Des crédits suffisants doivent être alloués à leur entretien.
L'état dégradé de certaines nécropoles est très mal perçu dans de nombreux pays
très attachés au culte des morts. Le rapatriement ou le regroupement des restes
de nos anciens militaires n'étant pas possible partout, il convient
d'entretenir décemment toutes leurs tombes, auxquelles des hommages sont
régulièrement rendus lors de nos fêtes nationales, le 14 Juillet et le 11
Novembre en particulier.
Enfin et surtout, la commission des anciens combattants du Conseil supérieur
des Français de l'étranger s'est à nouveau préoccupée du problème de la
décristallisation, demandant que des réévaluations de pension soient réalisées
en se référant en particulier à certaines pensions qui s'élèvent toujours à
3,14 francs au Vietnam par point de pension.
Ne convient-il pas, monsieur le secrétaire d'Etat, de mettre fin à l'actuelle
interprétation administrative qui s'oppose à la reconnaissance de droits
nouveaux ?
Par ailleurs, cette année encore, j'insisterai sur le devoir de mémoire. Le
projet de budget pour 2001 a vu ses moyens sensiblement renforcés, avec une
augmentation de 40 %, ce qui représente 19 millions de francs. Le chapitre des
subventions, en particulier, passera de 5 millions de francs à 18 millions de
francs, soit une évolution de 258 %.
La direction de la mémoire, du patrimoine et des archives poursuit l'action de
l'ancienne délégation à la mémoire en s'adressant en priorité aux jeunes
générations, sans oublier l'information historique.
Le développement des partenariats avec les associations et les écoles est tout
à fait souhaitable pour insister sur les devoirs de chacun envers la patrie et
sensibiliser chacun à ses responsabilités de citoyens. Avec la fin du service
national, remplacé par l'armée professionnelle, cette action est encore plus
nécessaire pour contribuer à renforcer le lien armées-nation.
La construction de l'Union européenne rend également plus importante la
connaissance de la brillante histoire de notre pays, des sacrifices des
générations antérieures. En effet, un ou plusieurs membres de chaque famille
française ont participé aux batailles de 1914-1918, à la campagne de France de
1940, ont été prisonniers de guerre, se sont engagés dans la Résistance ou ont
été internés dans des camps de concentration. De nombreux Français également
ont vécu les drames indochinois et africain.
A ce sujet, je dois dire que l'assouplissement des conditions d'attribution de
la carte du combattant aux rappelés d'Afrique du Nord et l'extension du titre
de reconnaissance de la nation aux anciens combattants ayant servi en Indochine
jusqu'au 1er octobre 1957 constituent deux excellentes mesures nouvelles, dont
le monde combattant vous remercie.
Enfin, en ce qui concerne la majoration légale des rentes viagères au conjoint
d'un ancien combattant décédé titulaire d'une retraite mutualiste du
combattant, ainsi que la majoration du plafond de la retraite mutualiste à 10
000 francs, pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvoir donner
satisfaction à la France mutualiste ?
Malgré son insuffisance, je voterai le budget des anciens combattants pour
l'année 2001, afin de soutenir ceux qui ont défendu la patrie.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pelchat.
Monsieur Michel Pelchat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien noté que ce projet de budget nous est
présenté après la publication du rapport de la Cour des comptes préconisant de
gommer la spécificité du monde combattant au nom d'impératifs budgétaires. Je
vous sais donc gré d'avoir, de façon catégorique, écarté l'idée d'une
éventuelle application de ces recommandations, que je qualifierai de «
choquantes ».
Cela étant, comme vous le disiez vous-même au début de ce mois, lors de la
discussion du budget des anciens combattants à l'Assemblée nationale, à propos
du dossier des anciens combattants des ex-territoires d'outre-mer, « aucune
avancée n'est prévue dans le projet de budget pour 2001, à l'exception notable
de la levée de la forclusion au bénéfice des titulaires de la carte de
combattant, qui percevront, à partir du 1er janvier 2001, [...] la retraite du
combattant ». Vous avez même énuméré toutes les mesures qui n'ont toujours pas
été prises pour rendre justice à ces oubliés de la France, telles que le
traitement de la forclusion touchant notamment les reversions des pensions au
bénéfice des veuves, ainsi que l'examen des mécanismes qui pourraient permettre
de revaloriser les prestations versées au titre du code des pensions militaires
d'invalidité aux soldats de ces anciennes colonies.
C'est pourquoi, si je souhaite exprimer une satisfaction face à la levée de la
forclusion de la retraite du combattant, je tiens à préciser qu'elle ne
constitue qu'une timide avancée, timide parce que le taux de cette retraite
sera le taux cristallisé, timide parce que rien n'a encore été fait pour
décristalliser les pensions des combattants de nos anciennes colonies.
N'oublions pas que cette levée de la forclusion n'est que l'esquisse du
rétablissement d'un droit qui avait été supprimé !
Faudra-t-il attendre que ces hommes qui se sont donnés à la France soient tous
décédés pour qu'on leur attribue ce qui leur est dû, à l'instar de la Légion
d'honneur qui fut donnée l'an passé à ce tirailleur sénégalais de cent quatre
ans, quatre-vingt-deux ans après la fin des combats et, malheureusement, le
lendemain de sa mort ?
Quelle honte pour notre pays que ces comptes d'apothicaire ! L'ouvrier
marocain de chez Renault a-t-il une retraite réduite sous prétexte qu'il est
marocain et qu'il est retourné vivre dans son pays ? L'ancien combattant qui a
risqué sa vie pour la France, qui a été blessé, a-t-il moins de valeur que
l'employé d'une entreprise française ? Cette question mérite pour le moins
d'être posée.
M. Roland du Luart.
Il a raison !
M. Michel Pelchat.
J'ai déposé au mois de mai dernier sur le bureau du Sénat une proposition de
loi, qui a d'ailleurs été cosignée par de nombreux collègues, dont l'objet est
de permettre l'attribution de la nationalité française aux ressortissants des
ex-territoires d'outre-mer ayant combattu dans une unité de l'armée française
et ayant été gravement blessés au combat, comme nous l'avons fait pour les
légionnaires. Elle sera discutée, je l'espère, au cours de cette session et, je
l'espère aussi, adoptée à une très forte majorité !
Ce budget prévoit une augmentation substantielle des crédits en faveur de la
politique de la mémoire - de 5,1 millions de francs on passe ainsi à 18,27
millions de francs. Mais de quelle mémoire parlons-nous ?
A l'heure où ce que l'on appelle le « devoir de mémoire », cité à plus ou
moins bon escient - je me réfère à quelques propos tenus récemment -, il me
paraît particulièrement indécent, et je sais que je me répète en disant cela,
de traiter par le mépris les anciens combattants des ex-territoires
d'outre-mer, notamment les harkis, ces laissés-pour-compte qui, depuis
trente-huit ans, souffrent du dédain de la France, ce pays pour lequel ils ont
choisi de se battre parce que c'était leur pays, parce qu'ils se croyaient
français en droit et donc en devoir !
A titre d'exemple, je voudrais vous dire ce soir toute la détresse d'une femme
qui est décédée avant-hier tragiquement ; je vous l'apprends peut-être,
monsieur le secrétaire d'Etat. Elle s'est sentie humiliée et abandonnée par ce
pays que son défunt mari, tirailleur sénégalais, de nationalité française -
nationalité acquise après quatre ans de procédure - commandeur de la Légion
d'honneur, a servi pendant de si nombreuses années. Je l'ai dit hier à votre
cabinet, monsieur le secrétaire d'Etat. Il s'agit de Mme Bourama Dieme, de
nationalité vietnamienne - c'était peut-être là son tort.
Je lui avais fait parvenir, voilà quelques jours, une lettre du ministre de la
défense, que vous aviez saisi à ma demande pour que sa pension de veuve ne soit
pas cristallisée. Voici la réponse, cinglante parce que purement administrative
et inhumaine, qui m'a été adressée : « L'intéressée ne possédant pas la
nationalité française, sa pension a été cristallisée au taux en vigueur à la
date du décès de son époux, ainsi que le prévoit la réglementation. Seule
l'obtention de la nationalité française permettrait à Mme Dieme de voir ses
droits reconsidérés. Au cas particulier, les conséquences financières de ce
"taux cristallisé" représentent actuellement une diminution annuelle de la
pension de 638 francs. »
Ce n'était pas le montant de la pension qui était en cause, c'était la nature
du traitement dont elle bénéficiait.
A l'épouse d'un militaire français, grand patriote, grand combattant de
l'armée française, commandeur de la Légion d'honneur, on discute 638 francs
!
Cette femme avait dix enfants, fils de héros, tous de nationalité française et
vivant en France.
Je vous le dis, monsieur le secrétaire d'Etat, je ressens cela comme une honte
pour notre pays. En tout cas, voilà un devoir de mémoire qui ne me semble pas
rempli.
Alors que ce projet de budget marque une diminution de 1,32 % par rapport à
l'an passé, alors que notre pays termine cette année avec une croissance de 3,8
%, il n'y a, selon moi, pas lieu de se féliciter de cette diminution au motif
qu'elle serait inférieure à celle du nombre des bénéficiaires, qui est de 4 % !
Il y a lieu, au contraire, de regretter amèrement cette diminution quand tant
de problèmes afférents au monde des anciens combattants demeurent et ne sont
toujours pas en voie d'être résolus.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que pour toutes les
autres raisons que je viens d'évoquer, je ne pourrai pas voter le projet de
budget que vous nous présentez ce soir.
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
projet de budget des anciens combattants, en baisse de 1,32 %, laisse un
sentiment d'inachevé. La poursuite de l'exécution de nombreuses mesures
décidées les années précédentes rendait pourtant indispensable un maintien des
crédits inscrits au budget de 2000. De plus, on peut regretter, d'une part, la
lenteur de la mise en place de ces mesures et, d'autre part, le retard pris en
ce qui concerne la refonte du code de la mutualité.
Néanmoins, je me réjouis de l'attribution, par l'article 51, de la carte du
combattant aux rappelés d'Algérie, et de l'attribution du titre de
reconnaissance de la nation aux anciens combattants présents sur le théâtre des
opérations après la fin officielle des combats, c'est-à-dire jusqu'au 1er
juillet 1964 en Algérie et jusqu'au 1er octobre 1957 en Indochine. On peut se
féliciter de l'assouplissement des conditions d'attribution de ces titres, ce
qui permettra à près de 1 100 000 ayants droit de bénéficier de la retraite du
combattant. Remarquons toutefois que cette augmentation est due essentiellement
à l'arrivée de la troisième génération de feu à l'âge de soixante-cinq ans.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget s'inscrit, certes, dans la durée,
mais les anciens combattants ont un sens aigu du temps qui passe. Si les
mesures contenues dans le présent budget traduisent la poursuite des efforts
entrepris les années précédentes, la revalorisation des retraites mutualistes,
par exemple, fixe cette année le plafond majorable à 110 points. Quand
atteindra-t-on l'objectif des 130 points ?
Par ailleurs, il n'est pas juste que les anciens combattants participent au
financement des 35 heures ! L'évolution du point d'indice des pensions et
retraites du combattant et celle des traitements de la fonction publique sont
mises en parallèle. Par conséquent, la modération salariale due à la réduction
du temps de travail dans la fonction publique aura des conséquences sur le
montant des retraites.
Vice-président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, j'avais
attiré l'attention de votre collègue M. Moscovici sur le fait que tous les
parlementaires étaient préoccupés par le recours aux ordonnances pour la
refonte du code de la mutualité. En effet, un tel texte, qui appartient au
domaine de la loi, ne devrait pas être approuvé sans consultation préalable du
Parlement. Il n'est pas acceptable que le manque de rigueur d'un gouvernement
sous lequel la situation s'est aggravée se traduise par un contournement du
Parlement.
La spécificité de la retraite mutualiste est une caractéristique à laquelle
tient le monde combattant. Il appartient aux élus de rester vigilants sur le
respect du principe mutualiste.
Enfin, j'évoquerai le devoir de mémoire, qui, à tous, nous tient tant à coeur.
Une politique de la mémoire dynamique est explicitement mise en avant dans le
projet de loi de finances pour 2001, ce qui est essentiel pour que les
générations futures développent leur sens civique et soient prêtes à servir
leur patrie.
Les avancées du projet de budget pour 2001 sont réelles, mais encore
insuffisantes. Le monde combattant méritait des crédits supplémentaires pour
qu'enfin le rattrapage de nombreuses mesures soit effectif. C'est pourquoi je
suivrai l'avis de la commission.
(Applaudissements sur les travées du RDSE,
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
C'est la quatrième fois, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous venez devant
le Sénat présenter votre budget. Il y a peu, je vous ai entendu dire qu'il
faudrait changer plus souvent de secrétaire d'Etat aux anciens combattants pour
qu'il ne devienne pas répétitif.
(Sourires.)
En ce qui concerne ce projet de budget, je ne peux que me féliciter, ainsi que
la plupart de mes collègues, de votre présence devant nous. En effet, même si
ce projet de budget baisse légèrement en francs courants, des progrès sont, une
fois de plus, réalisés dans un certain nombre de domaines, ce qui témoigne de
votre attachement au monde des anciens combattants.
Mon collègue Gilbert Chabroux ayant évoqué ces nouvelles avancées,
j'insisterai sur un certain nombre de points particuliers.
Auparavant, il me semble néanmoins utile de rappeler que les crédits affectés
aux anciens combattants regroupent à la fois les subventions de fonctionnement,
le droit à réparation et les subventions touchant aux actions de mémoire, les
autres crédits - investissements, fêtes, cérémonies - étant, quant à eux,
inscrits au budget de la défense.
D'autre part, si la baisse du nombre des pensionnés reste forte, les crédits
de la retraite du combattant sont augmentés pour prendre en compte l'arrivée
massive des anciens combattants d'Afrique du Nord, ce qui ne peut assurément
que les satisfaire, d'autant que, pour la première fois, l'article 51 permettra
l'attribution de la carte du combattant aux rappelés d'Algérie, tout d'abord,
puis, nous le souhaitons, aux rappelés en Tunisie et au Maroc.
A cela, il faut ajouter que le titre de reconnaissance de la nation sera
accordé aux anciens d'Algérie jusqu'au 2 juillet 1964, au lieu du 2 juillet
1962, et aux anciens d'Indochine jusqu'au 1er octobre 1957, au lieu du 11 août
1954.
Vous le reconnaîtrez avec moi, mes chers collègues, ces mesures étaient
attendues par le monde combattant depuis fort longtemps, mais c'est vous,
monsieur le secrétaire d'Etat, qui les mettez en place, et nous vous en sommes
très reconnaissants.
Sur ce budget, beaucoup a été dit. C'est pourquoi, au lieu de reprendre ses
aspects positifs ou négatifs, je souhaite aborder un certain nombre de sujets
qui me tiennent à coeur.
Tout d'abord, je pense que la situation des veuves d'anciens combattants
mérite tout particulièrement notre attention et justifie totalement les 15
millions de francs déjà inscrits dans le budget, sur l'initiative d'Henri
Emmanuelli et de Didier Migaud, pour abonder les crédits de l'ONAC en faveur
des anciens combattants les plus démunis, dont font partie les veuves.
Vous avez mis en place des groupes de travail pour étudier très attentivement
le problème des veuves et pour prendre en compte leur sort, en particulier
celui des veuves des plus grands invalides qui n'ont pu travailler étant donné
le handicap de leur époux et n'ont pas cotisé en vue d'une retraite. Je serai
donc très attentive aux conclusions de ces groupes de travail, qui devraient
permettre de préparer dans les meilleures conditions pour ces femmes le projet
de budget pour 2002.
Outre le sort des veuves des plus grands invalides, celui des veuves de
guerre, des veuves sans droit, doit être, lui aussi, amélioré. Pour cela, il
est absolument nécessaire que le secrétariat d'Etat et le Gouvernement majorent
le fonds de solidarité en faveur de celles-ci. Nous comptons sur vous, monsieur
le secrétaire d'Etat.
Le deuxième problème à propos duquel je souhaite intervenir est celui des plus
grands invalides. Si je ne peux qu'approuver la nouvelle étape du réalignement
des pensions en 2001, il me semble tout de même regrettable que le rattrapage
n'ait pu être réalisé en une seule fois pour être enfin achevé en 2001.
Nous nous trouvons là devant des cas particulièrement douloureux et, si nous
avons bien noté votre engagement pour 2002, nous avons tous un sentiment
d'injustice devant le gel des pensions de ces personnes qui, seules, ne peuvent
accomplir les tâches les plus quotidiennes et les plus élémentaires de la
vie.
Le troisième point que je veux aborder est celui de la cristallisation des
pensions touchées par les anciens combattants ressortissants des pays placés
jadis sous la souveraineté française. Nous n'avons que trop tardé à leur
exprimer notre juste reconnaissance pour les services qu'ils ont rendu à la
nation. Nous avons envers eux un devoir moral, et tous les gouvernements qui se
sont succédé depuis 1990 n'ont pas pris en compte ce problème de façon
satisfaisante.
S'il n'est rien de tel que l'oubli pour faire des économies, je me félicite de
l'adoption de l'amendement n° 100 présenté par le Gouvernement à l'Assemblée
nationale : la forclusion décrétée en 1995 est annulée et les demandes de
retraite des anciens combattants des pays d'Afrique du Nord et des anciennes
colonies françaises sont déclarées recevables. Ce n'est que justice !
J'espère que la mise en place de ce dispositif se fera rapidement. Pouvez-vous
nous éclairer à ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat ?
N'oublions pas cependant que le problème de la cristallisation des pensions,
sans doute très complexe, mérite que l'on s'en préoccupe très rapidement et que
ceux qui ont combattu pour la France, notamment les anciens combattants du
Maghreb, arrivent à obtenir la juste compensation, en termes de pouvoir
d'achat, de leur engagement vis-à-vis de notre pays. L'Assemblée nationale a
décidé de constituer une commission d'étude sur le sujet. Pouvez-vous nous dire
où en est votre réflexion, monsieur le secrétaire d'Etat, sur ce délicat
problème ?
Un autre point me préoccupe tout particulièrement, qui touche à
l'Alsace-Moselle. Il s'agit, vous vous en doutez, de la situation des
RAD-KHD.
Ces incorporés de force dans les organismes paramilitaires allemands, arrachés
à leurs familles dès l'adolescence, furent tous contraints de prêter serment à
Hitler. Les hommes furent employés dans des opérations de soutien ou de génie
militaire, les femmes furent utilisées partout où l'effort de guerre allemand
le nécessitait. Après six mois, les hommes étaient versés dans la Wehrmacht et
les femmes, sous commandement et surveillance militaires, étaient traitées
comme des esclaves. Nombre d'entre elles se retrouvèrent au sein d'unités
combattantes de la Flack, de la Luftwaffe, de la marine ou de l'armée de
terre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, lors de l'accord du 31 mars 1981 entre le
Gouvernement de la République française et celui de la République fédérale
d'Allemagne, la Fondation Entente franco-allemande a commis une erreur en
écartant de l'indemnisation les anciens incorporés de force dans les
RAD-KHD.
Depuis, ceux-ci contestent la discrimination dont ils font l'objet et
souhaitent l'extension de l'indemnisation par la Fondation Entente
franco-allemande.
Dès la fin de 1997, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez demandé à la
fondation d'envisager de prélever sur le produit de ses intérêts financiers une
somme permettant d'indemniser les anciens des RAD-KHD. Le conseil
d'administration de la fondation a donné son accord sur le principe mais en
l'assortissant d'une condition : que l'Etat participe à cette indemnisation.
C'est pour cette raison que nous avons déposé un amendement, mon collègue Roger
Hesling et moi-même, qui, s'il était adopté, permettrait de clore ce douloureux
dossier.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne voudrais pas conclure sans évoquer un
sujet grave et qui n'est pas très bien compris de nos concitoyens. Je veux
parler du décret du 13 juillet 2000 qui fixe une mesure de réparation pour les
orphelins de parents victimes de persécutions antisémites.
Bien sûr, je comprends l'intention, et personne ne la conteste. Pourquoi,
toutefois, ne pas étendre cette mesure aux orphelins de déportés résistants ?
Eux aussi ont souffert. Or, dans la douleur, il ne doit pas y avoir de
discrimination.
Ma dernière question, monsieur le secrétaire d'Etat, portera sur la
possibilité d'instaurer une journée d'hommage national pour les citoyens,
connus ou inconnus, qui ont participé à la résistance à l'occupant et à Vichy,
qui ont contribué à la victoire de la liberté et de la République sur le
nazisme, le fascisme, le racisme et l'antisémitisme. Qu'en pensez-vous ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, avec vous, les anciens combattants retrouvent
le respect et la reconnaissance qui leur sont dus. Votre budget permet, une
nouvelle fois, de réaliser un certain nombre d'avancées. Des questions restent
en suspens, et je les ai évoquées. Cependant, lorsque le positif dépasse le
négatif, il faut en être satisfait. Aussi mes collègues du groupe socialiste et
moi-même voterons-nous votre budget.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, faute que vous ayez pu
être présent à notre séance de questions orales du mardi 14 novembre dernier,
je vous demande de bien vouloir confirmer ce que votre collègue M. Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur, m'avait répondu à votre place de façon
positive, semble-t-il.
Comme vous le savez, afin de réparer, au moins par principe, les épreuves
incomparables supportées par les anciens combattants et l'impossibilité pour
eux de souscrire une retraite durant le temps où tous les autres ont pu le
faire normalement, on a attribué à ces anciens combattants la possibilité de
souscrire volontairement une retraite spécifique.
Cette retraite, dont la capitalisation n'est pas fiscalisable, est
actuellement cotisée depuis 1924 auprès d'un organisme public, la Caisse
autonome de retraite des anciens combattants, ou CARAC, par plus de 290 000
adhérents, pour un minimum entièrement défiscalisé de 8 534 francs pour l'année
2000.
Pour tendre, avec un retard sensible, à un indice de pension évalué à 130 et
pour mettre à jour cette rente en fonction du coût de la vie, la loi de
finances a majoré de 80 à 200 francs presque chaque année ce plafond
défiscalisé. Seule une petite minorité d'anciens combattants se trouve à ce
minimum ou en dessous. Presque tous effectuent des versements supplémentaires
pour « suivre » l'évolution de ce plafond.
Par bonne gestion de la CARAC, par reversement des produits, par
arrondissement des sommes versées, par réversion au conjoint, par bonification
de capitaux, dont 15 % en général par l'Etat, ces versements ont pour
conséquence l'obtention d'un nouveau montant de rente qui excède le plafond,
jusqu'à obtenir - ce qui n'est pas étonnant après trente ou quarante ans de
cotisations - près du double de la retraite défiscalisable.
La fraction de rente excédentaire est alors soumise à la fiscalité des rentes
viagères à titre onéreux.
En conséquence, la CARAC adresse chaque année à chacun de ses adhérents une
déclaration d'arrérages leur permettant d'effectuer leur déclaration annuelle
d'impôt sur les revenus en y indiquant le nouvel âge d'entrée en jouissance de
chaque nouveau titre de retraite correspondant au dernier versement.
Cette procédure n'a jamais été mise en cause par personne depuis des
décennies, jusqu'à ce que, cette année, les adhérents concernés se voient
attribuer par certains centres des impôts des redressements fiscaux basés sur
une date d'entrée en jouissance à la date initiale de la première retraite,
comme si celle-ci était à capital définitif, soit généralement entre cinquante
et cinquante-neuf ans et non d'après l'année du dernier investissement de
l'intéressé.
Cette nouvelle position de certains centres des impôts paraît, aussi bien à la
CARAC qu'aux intéressés, dénuée de tout fondement. On ne peut pas attribuer à
un adhérent d'âge
y
à son dernier versement une fiscalisation
correspondant à des éléments constitutifs de rente d'un âge
x
antérieur
en appliquant simplement l'article 158-6 du code général des impôts comme s'il
s'agissait de la rente d'une base définitive d'un cotisant ordinaire et non pas
d'un capital spécifique modifié chaque année en compensation, en réparation des
épreuves d'un ancien combattant.
Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir examiner ce
problème avec votre collègue des finances, de manière que la question soit
réglée avant le 31 décembre prochain, date limite des recours fiscaux des
intéressés et de l'établissement de leur déclaration d'impôt de l'année. Je
vous remercie de votre bienveillante attention.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
anciens combattants présents aujourd'hui dans nos tribunes, notamment les
fantassins, savent combien il est difficile et dangereux d'être un serre-file,
le dernier de la section. Ce soir, je suis le dernier de la section...
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Non, ce sera moi le dernier !
M. Marcel-Pierre Cléach.
... avant M. le secrétaire d'Etat !
(Sourires.)
C'est d'autant plus
difficile que les sénateurs qui m'ont précédé sont tous des spécialistes. Par
ailleurs, presque tout a été dit. Enfin, l'examen du budget des anciens
combattants est toujours délicat sur le plan technique, et émouvant.
Ce budget n'est pas comme les autres. Il ne peut se résumer à une succession
de chiffres et à un amalgame de crédits. Il a une autre vocation, plus large :
incarner le droit à réparation et répondre au devoir de solidarité de la nation
envers les anciens combattants.
Aussi, je ne m'attarderai pas sur les chiffres, les rapporteurs en ont tous
les deux déjà parlé avec précision. Je me bornerai à constater que les crédits
diminuent une nouvelle fois de 1,3 %.
Mais je ne considère pas que cette baisse soit en elle-même un problème. Elle
ne le serait pas si ne subsistaient encore de nombreuses questions en suspens.
Leur importance rend à mes yeux nécessaire un redéploiement, au moins partiel,
des crédits libérés chaque année par l'inéluctable diminution des parties
prenantes.
Votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, apporte quelques réponses aux
attentes du monde combattant : l'attribution de la carte du combattant étendue
aux rappelés d'Algérie ; le titre de reconnaissance de la nation désormais
ouvert à ceux qui ont servi en Indochine au-delà du 11 août 1954 et, en
Algérie, au-delà du 2 juillet 1962 ; la revalorisation du plafond majorable de
la rente mutualiste, également appréciable, même si on peut la juger trop
lente.
J'observe aussi avec satisfaction la sensible majoration des crédits consacrés
au programme de rénovation des sépultures, qui avait pris un important retard.
Il était nécessaire que l'Etat assume sa responsabilité en ce domaine, trop
longtemps laissée à la charge des communes ou du Souvenir français.
Je m'interroge cependant sur l'état d'avancement du mémorial de la guerre
d'Algérie. Je pense que vous nous répondrez tout à l'heure sur ce sujet. Cette
initiative, qui permettra de concrétiser la reconnaissance de la nation à ceux
qui sont morts pour la France durant cette guerre, doit bénéficier du soutien
de tous. Il serait souhaitable que le mémorial puisse être inauguré en 2002,
comme cela a été prévu, pour la célébration du quarantième anniversaire de la
fin de la guerre d'Algérie. Or nous n'en sommes encore qu'à la phase des
études. Les délais pourront-ils être tenus, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Ces mesures, utiles et attendues, ne peuvent cependant suffire à masquer les
lacunes ou les ambiguïtés de votre budget.
J'insisterai ici sur les trois questions qui ont tout particulièrement retenu
l'attention du groupe d'études des sénateurs anciens combattants ces derniers
mois.
Je regrette, tout d'abord, que le rattrapage du gel des pensions des plus
grands invalides ne soit pas intégral en 2001. Une année supplémentaire sera
encore nécessaire. Il s'agit là pourtant d'une élémentaire question d'équité,
d'une application pure et simple du droit à réparation. Je ne peux comprendre
que le Gouvernement « joue la montre », en tout cas donne cette impression,
pour réaliser des économies de « bouts de chandelle » un peu sordides et ne
s'inscrive pas plus volontairement dans une démarche de retour à l'équité.
Cette évocation des plus grands invalides, dont nous connaissons tous la
situation humainement très difficile, m'amène à aborder la situation de
l'Institution nationale des invalides, que notre groupe d'études a visitée
dernièrement. Son rôle est essentiel. Mais elle est aujourd'hui confrontée à de
nouveaux défis : le vieillissement de ses pensionnaires tend à devenir une
charge de plus en plus lourde et elle prépare activement son accréditation
auprès des organismes d'assurance maladie pour intégrer à part entière le
service public hospitalier.
Dans ce contexte, je m'étonne de la très faible progression des crédits qui
lui sont consacrés dans ce projet de budget. Pouvez-vous nous garantir,
monsieur le secrétaire d'Etat, qu'ils seront suffisants pour permettre à
l'institution d'aborder avec sérénité les défis à venir ?
Ma seconde interrogation - je rejoins ici mon collègue Bernard Joly - concerne
les veuves.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, de trop nombreuses veuves sont
aujourd'hui frappées par la précarité. L'an passé, près de 8 000 d'entre elles
ont dû recourir au soutien financier de l'ONAC. Cette situation douloureuse est
inacceptable et elle exige des réponses fortes.
Certes, vous avez abondé les crédits d'action sociale de l'ONAC en leur
faveur. Mais cela reste très insufissant. Il importe que la concertation que
vous venez de lancer avec le monde combattant se traduise par des mesures
concrètes dès le prochain budget.
Sur ce point, je ne peux que partager la position de la commission des
affaires sociales. La réforme à venir ne pourra se contenter d'être une simple
extension de l'action sociale. C'est, là encore, une question de dignité. La
diversité des situations impose des réponses adaptées à chaque catégorie de
veuves, qu'il s'agisse des veuves des grands invalides, des veuves de guerre ou
des veuves d'anciens combattants.
Ma dernière interrogation porte sur la décristallisation.
Je ne vous rappellerai pas la dette morale qu'a contractée la France à l'égard
de nos anciens combattants de l'outre-mer ; nous la connaissons tous. Le
présent budget semble proposer une avancée en ce domaine en levant la
forclusion qui pèse sur l'attribution de la retraite du combattant.
Je crains toutefois que cette mesure n'entretienne une ambiguïté.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
Effectivement !
M. Marcel-Pierre Cléach.
D'abord, il ne s'agit que d'une « première étape » dans la voie de la
décristallisation et non d'un point d'aboutissement. Nous ne voudrions pas que
cette première étape occulte ou reporte la nécessaire revalorisation des
pensions d'invalidité et de retraite du combattant déjà « cristallisées ». Vous
aviez proposé, monsieur le secrétaire d'Etat, d'étudier une décristallisation
sur le fondement des disparités accumulées en termes de pouvoir d'achat. La
plupart d'entre nous vous avions suivi sur ce point ; cela me semble être une
bonne base de réflexion, notamment pour les anciens combattants du Maghreb.
Nous vous encourageons donc à poursuivre en ce sens.
Surtout, des doutes apparaissent - et les deux rapporteurs l'ont souligné -
sur la portée réelle de la mesure. Etait-elle juridiquement nécessaire alors
que le Conseil d'Etat vient de préciser que la législation actuelle ne s'oppose
pas à l'attribution de la retraite du combattant ? Ne risque-t-elle pas, à
l'inverse, de fermer définitivement la porte à toute demande de réversion ou de
majoration des pensions d'invalidité et d'entériner ainsi une forclusion de
fait ?
Ces questions sont lourdes de conséquences et appellent de votre part,
monsieur le secrétaire d'Etat, des réponses précises et des assurances.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR,
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Mesdames,
messieurs les sénateurs, si vous le voulez bien, je répondrai non pas par
orateur mais par thème aux différentes questions que vous avez abordées. En
fait, ces questions recouvrent l'intégralité des interrogations du monde
combattant.
Je commencerai par annoncer une bonne nouvelle à destination de votre collègue
l'amiral de Gaulle, avant d'être le méchant père fouettard brandissant les
foudres de l'article 40 lorsque nous passerons à l'examen des amendements.
Je ne vous prends pas en traître ! J'annonce tout de suite la couleur !
(Sourires.)
M. Guy Fischer.
Ça promet !
M. Marcel-Pierre Cléach.
Ça simplifie le débat !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Amiral, je vous confirme les propos qui ont été tenus
en mon nom, le 14 novembre dernier au matin, par François Huwart. Je ne vous
cacherai pas que cette réponse a été validée par le ministère de l'économie,
des finances et de l'industrie. Par conséquent, les circulaires nécessaires
seront adressées à l'ensemble des directions des services fiscaux pour qu'il
n'y ait pas deux poids deux mesures s'agissant du sujet que vous avez
évoqué.
La première des questions abordées a trait, naturellement, à la réduction du
budget de mon secrétariat d'Etat : pourquoi ne pas profiter de la disparition
progressive des parties prenantes pour maintenir le budget à son niveau de
l'année précédente et permettre ainsi de répondre à des problèmes qui ne sont
pas résolus ?
Il n'y a ni mesquinerie ni indécence de ma part à présenter un budget en
légère diminution par rapport à celui de l'année précédente. Ce budget des
anciens combattants doit prendre sa place dans l'ensemble du budget de l'Etat.
Il a fait l'objet de négociations avec l'ensemble des membres du Gouvernement
et avec le Premier ministre. C'est donc dans cet esprit de concertation que
l'on cherche à avancer des réponses. Elles ne sont pas à la hauteur des
espérances, mais, chaque année, ainsi que quelques-uns d'entre vous l'ont
remarqué, des avancées sont réalisées et des réponses sont apportées, de sorte
que l'on se trouve sur une ligne traditionnelle.
Certains ont bien voulu reconnaître que le projet de budget pour 2001 était
plutôt meilleur...
M. Guy Fischer.
Moins mauvais !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
... ou moins mauvais... que les années précédentes.
Je pense qu'il en ira malheureusement ainsi pour vous au fil des ans.
Mais prenez conscience que la France - j'insiste toujours sur ce propos -
tient à marquer son respect et sa reconnaissance au monde combattant : quelles
que soient les majorités en position de gouverner, le monde combattant ne
laisse jamais la nation indifférente.
Des exemples très récents, et notamment un débat ayant trait à la guerre
d'Algérie, nous ont amenés d'ailleurs à témoigner cette reconnaissance.
On peut reconnaître ensemble que l'exigence de vérité sert toujours la
démocratie, que c'était une guerre qui se déroulait en Algérie, comme vous avez
d'ailleurs bien voulu l'indiquer par un vote en 1999, et que la guerre est un
facteur de destruction de la part d'humanité qui existe en chacun de nous. En
Algérie, il y a eu torture, personne ne le conteste, et la nation tout entière
le sait.
M. Auguste Cazalet.
Le FLN aussi a torturé !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Cela a été dit, monsieur le sénateur, par le Premier
ministre, mardi, devant l'Assemblée nationale : Lionel Jospin a indiqué que, si
des exactions avaient été commises par nos adversaires à l'encontre de nos
soldats, des harkis notamment, ce constat, qui constitue en lui-même une
condamnation, ne nous dispense pas de nous appliquer à nous-mêmes les valeurs
de la République française. Mais ce travail de mémoire doit aussi être fait,
c'est vrai, par les intéressés.
Je veux rappeler ici - c'était le sens de mon propos - que les 1 700 00
soldats qui ont combattu en Algérie ne sont pas des tortionnaires. Ils ont fait
leur travail, ils ont répondu à l'appel de la nation en participant à une
guerre qui ne correspondait peut-être pas à leur analyse, à leur sentiment. Et
il faut aussi dire, comme l'a fait M. le Premier ministre, que, au moment du
putsch des généraux, ces soldats étaient présents en Algérie pour défendre la
République.
M. Jean Delaneau.
Merci de le dire !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Ce débat en entraîne un autre. Il est possible que des
hommes ayant assisté ou participé à ces gestes contraires aux valeurs de la
République en éprouvent encore aujourd'hui une douleur profonde, repensant à
ces éléments cachés, à ce non-dit. Il faut que la nation partage avec ceux qui
ont envie de parler ce fardeau enfermé dans leur mémoire.
Cela m'amène à parler des psychotraumatismes de guerre, parce que c'en est un
que d'avoir vécu ces événements, de les avoir enfouis dans sa mémoire et de ne
pas pouvoir les partager avec d'autres.
Mais je tiens à dire que, aujourd'hui, tout cela ne serait pas possible, car
l'éthique est au coeur de la formation de nos militaires, et nous le voyons
bien à l'occasion des opérations dans lesquelles nos soldats sont engagés au
service de la paix et du rétablissement de la démocratie.
Tel est le rappel que je voulais faire au moment de l'examen de ce budget, car
le budget de la France est un acte de reconnaissance et de respect envers ces
combattants.
S'agissant du dossier plus technique de la retraite du combattant, la
revendication à soixante ans s'est substituée à la demande de retraite
anticipée, qui est en effet, madame Olin, un dossier qui est plutôt derrière
nous aujourd'hui.
Vous connaissez les arguments que j'ai développés, et ils ont été rappelés par
les deux excellents rapporteurs : il ne faut pas assimiler la « retraite » du
combattant à la retraite professionnelle versée à partir de soixante ans.
Permettez-moi de vous faire observer que, jusqu'à présent, cette question
n'avait pas réellement figuré dans le cahier revendicatif alors que la durée de
vie des bénéficiaires de cette retraite à partir de soixante-cinq ans était
beaucoup plus réduite qu'aujourd'hui, où la durée de vie moyenne des hommes se
situe autour de soixante-quinze ans.
Par ailleurs, si l'on augmentait de 300 francs par an la retraite actuelle du
combattant, soit à peine plus de 28 francs par mois, le coût budgétaire serait
à peu près de 310 millions de francs. Ce n'est pas une raison, me
direz-vous...
Je préfère travailler autrement, comme je l'ai déjà indiqué. Si vous en êtes
d'accord, nous en parlerons au mois de mars, ou au mois d'avril, au moment où
s'élaborera le projet de budget pour 2002. Je prendrai mes responsabilités et
je proposerai probablement que la retraite du combattant soit versée à soixante
ans pour tout ancien combattant ayant un revenu mensuel inférieur à 7 500
francs.
(M. le rapporteur spécial marque sa désapprobation.)
Peut-être
me rétorquerez-vous que ce n'est pas satisfaisant ; mais cette proposition
pourrait permettre d'augmenter singulièrement le pouvoir d'achat d'hommes qui
peuvent connaître des difficultés dans leur vie quotidienne.
Je vous donne là une piste de réflexion pour recycler de façon intelligente
les sommes budgétaires libérées par la disparition physique d'un certain nombre
d'ayants droit. Mais le débat est ouvert.
M. Hilaire Flandre.
En 2002, il n'y aura pas beaucoup d'ayants droit !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Si ! Cette mesure concerne plus de 40 000 personnes.
Ce n'est pas rien que d'améliorer le sort de 40 000 anciens combattants dans
notre pays. Cela constituerait un signe, un témoignage de reconnaissance.
Le
Reichsarbeitsdienst
et le
Krieghilfsdienst
ont été évoqués à
plusieurs reprises. Dans ce dossier, j'ai péché, je l'avoue, par optimisme. En
effet, au point de départ de ma réflexion, je voulais me tourner vers la
fondation Entente franco-allemande, qui avait reçu de la part de l'Allemagne
une somme importante pour indemniser les incorporés de force, les Allemands
n'ayant pas fait de distinction entre les incorporés de force dans la Wehrmacht
et les incorporés de force dans des organisations paramilitaires,
l'incorporation de force dans les organisations paramilitaires précédant
l'incorporation de force dans la Wehrmacht.
Mon souci était donc d'obtenir de l'argent de la part de la fondation Entente
franco-allemande. Le conseil d'administration de cette dernière s'est réuni et
a déclaré qu'il allait faire un geste, mais que l'Etat devrait aussi
participer. Et là, j'avoue avoir péché par optimisme, ou par naïveté, car j'ai
cru que nous trouverions un terrain d'entente ou un moyen budgétaire approprié.
Or, je le reconnais, ce n'est pas encore le cas aujourd'hui.
Comme Jacques Baudot l'a souligné, mes arguments ont parfois évolué.
S'agissant de ce dossier, j'en reviens à ma première idée, à savoir que c'était
aux Allemands d'indemniser les incorporés de force et que l'objet même de la
fondation Entente franco-allemande était de le faire. Mais, lors du vote par
l'Entente d'un article de ses statuts qui aurait pu permettre l'indemnisation
des incorporés de force dans les organisations paramilitaires, un oubli a été
commis. Et maintenant, on demande au budget de la France de financer une
indemnisation qui, à l'origine, devait être uniquement supportée par
l'Allemagne. Cela me pose effectivement un problème juridique que je pensais
pouvoir résoudre, que je n'ai pas encore résolu, mais sur lequel je reviendrai
à la charge au cours de l'année 2002.
J'en viens aux veuves, dont il existe trois catégories : les veuves des grands
invalides, les veuves de guerre et ce que j'appelle « les veuves sans droit »,
c'est-à-dire les veuves d'anciens combattants titulaires de la carte d'ancien
combattant mais n'ayant aucun titre à réparation. Il n'est pas question de
faire de ces « veuves sans droit » des veuves à droit à réparation. Par
conséquent, la seule façon de traiter la situation de ces veuves consiste, par
le canal de l'Office national des anciens combattants, à faire jouer la
solidarité et non pas à demander l'élargissement d'un droit à réparation que
personne ne peut objectivement envisager.
J'ai mis en place trois groupes de travail sur ces trois questions - les
veuves de grands invalides, les veuves de guerre et les veuves sans droit - non
pas pour gagner du temps, mais avec l'espoir de faire émerger des
propositions.
Toutefois, à chaque fois que j'ouvre un groupe de travail avec un vrai souci
d'aboutir, je sais par avance que les propositions que je pourrai faire ou
retenir seront vraisemblablement inférieures à toutes les aspirations et à
toutes les attentes, de sorte que je me pose quelquefois la question : faut-il
que j'ouvre un dossier loyalement, en sachant que les réponses que je vais
apporter seront par avance insuffisantes ? Je livre cela à votre réflexion.
En tout cas, c'est avec une véritable intention de disposer de quelques
propositions significatives que j'ai soumis ces dossiers à une négociation avec
le monde combattant.
On m'a interrogé sur la question des rappelés.
Le projet d'article 51 fait référence à l'article L. 253
bis
du code
des pensions militaires, notamment à la mesure prise par la loi de finances de
1998, laquelle prévoit qu'une durée de service en Algérie d'au moins douze mois
permet d'obtenir la carte d'ancien combattant.
Ainsi rédigé, ce texte peut vous laisser penser qu'on laisse de côté le Maroc
et la Tunisie. Mais il a toujours été convenu entre nous - cela a été
effectivement appliqué - que l'expression « service en Algérie » incluait aussi
les services effectués au cours des périodes d'insécurité en Tunisie et au
Maroc jusqu'aux dates d'indépendance. Puisque le texte figurant dans le projet
de budget pour 2001 élargit cette disposition aux appelés, son champ
d'application sera le même que celui de la mesure initiale. Une circulaire sera
envoyée début janvier aux services pour le préciser. Par conséquent, le droit à
la carte du combattant sera le même pour les rappelés et pour les soldats ayant
fait douze mois en Algérie, même si une partie de ces douze mois ou de ces
quatre mois s'est déroulée au Maroc ou en Tunisie.
En ce qui concerne les plus grands invalides, il est vrai que j'ai indiqué ici
même, l'an dernier, que je souhaitais clore ce contentieux en 2001. Comme vous
l'avez vu, cet engagement n'est pas réalisé, compte tenu des arbitrages
budgétaires qui se font à 10 millions de francs près à un moment donné. Je dois
donc faire des choix dans une enveloppe budgétaire, fruit de ces arbitrages, et
j'essaie d'inclure le maximum de choses pour donner la plus grande satisfaction
au monde combattant. J'ai renoncé à faire en un an ce qui me demandera deux
ans. Mais soyez assurés que le budget de 2002 réglera définitivement le
contentieux des grands invalides.
J'en viens à la décristallisation.
Ne confondez pas forclusion et décristallisation. Le projet de budget pour
2001 ne comporte pas de mesures de décristallisation.
M. Michel Pelchat.
Malheureusement !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Il n'y en a pas ! Il y a uniquement une mesure de
levée de forclusion.
La forclusion porte sur trois éléments : l'attribution de la carte du
combattant, la réversion aux veuves et l'aggravation. On fait un pas sur la
levée de la forclusion pour la carte du combattant, c'est-à-dire que l'ancien
combattant titulaire à l'âge de soixante-cinq ans de la carte d'ancien
combattant ou l'ayant eue à un moment donné aura droit, à partir du 1er janvier
2001, à sa retraite d'ancien combattant au taux cristallisé. Au taux
cristallisé ! Que les choses soient bien claires !
Pourquoi cette mesure, alors que les tribunaux nous condamnaient de fait à
payer ? Il y avait, en fait, un certain nombre de réticences qu'il a fallu
lever. Et c'est ainsi que les choses se sont passées.
C'est une première mesure, qui ne vaut pas pour solde de tout compte et qui
n'accrédite nullement l'idée qu'il ne doit pas y avoir de décristallisation,
puisque je suis au contraire favorable à une décristallisation partielle sur la
base du pouvoir d'achat.
Nous allons rouvrir ce chantier, en nous fondant non plus sur les SMIC locaux,
mais sur des indices comparés de pouvoir d'achat, paramètre plus affiné émanant
de l'Organisation des Nations unies.
J'ai laissé passer presque par inadvertance, je l'avoue, la création, à
l'Assemblée nationale, d'une commission devant examiner ce dossier et faire des
propositions. C'était en fin de discussion, et je devais sûrement être un peu
distrait : je m'en suis remis à la sagesse de l'Assemblée nationale pour la
création de cette commission, à laquelle je souhaite pour ma part que soient
associés des membres de la Haute Assemblée, car ce travail doit être conduit
avec l'ensemble des parlementaires.
Par ailleurs, mon département ministériel a lui-même participé, au côté d'Erik
Orsenna, à la réalisation d'un film sur la dette. Voilà qui démontre que nous
considérons qu'il s'agit d'un réel problème de morale et d'équité ! En tout
cas, il n'est pas question de baisser les bras, et ne considérez surtout pas
que l'avancée réalisée en 2001 constitue un solde de tout compte : le dossier
reste ouvert.
En ce qui concerne le décret du 13 juillet 2000, chacun connaît les arguments
que l'on peut avancer aujourd'hui pour justifier l'indemnisation versée au
bénéfice des orphelins juifs de parents morts en déportation : on le sait bien,
les juifs étaient recherchés pour être exterminés en qualité de juif, compte
tenu de leur confession. L'enfant juif était recherché pour être éliminé ! Mais
nous ne pouvons établir des comparaisons entre la douleur d'un orphelin de
résistant et celle d'un orphelin de déporté juif.
Une mesure a été prise en faveur de ces enfants et je suis tout à fait
d'accord, monsieur le rapporteur pour avis, pour créer un groupe de travail
afin d'examiner le sort de tous les orphelins victimes de la déportation qui
n'auraient pas été pris en compte. Nous devons d'ailleurs intégrer aussi dans
cette réflexion les orphelins des fusillés sur le territoire français !
Comme l'a effectivement demandé M. le rapporteur spécial, nous devons procéder
à une véritable remise à plat du sort réservé aux orphelins après 1945. Non pas
pour gagner du temps, mais pour isoler les situations appelant réellement des
réponses, même si celles-ci ne donnent pas nécessairement satisfaction aux
intéressés sur l'ensemble des sujets évoqués.
S'agissant de la mémoire, il est vrai que l'aide aux communes - 8 francs par
tombe ! - est bien modeste, mais il est vrai aussi que cette question n'a
quasiment jamais fait débat, même si elle est évoquée dans le rapport de M.
Jacques Baudot. Je reconnais toutefois que ce sujet ne nous a pas mobilisés au
cours des trois dernières années.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Si ! Les communes, les maires !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je parle en effet de l'aide aux communes.
Il faut en tout cas conduire la politique de la mémoire et la développer
autour du thème de la construction de la citoyenneté des jeunes générations,
qui ne doivent pas ignorer ce qu'a été l'histoire de ce pays au cours du xxe
siècle ni l'ensemble des sacrifices consentis et des douleurs surmontées pour
que la France soit une démocratie, un Etat de droit, un pays libre,
relativement prospère, non sans difficultés, certainement, mais un grand pays
organisé autour des valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité.
Toutes les jeunes générations sont comptables de cette histoire et doivent
l'intégrer pour prendre en compte l'ensemble de leurs responsabilités de
citoyens actuels ou futurs dans le cadre du xxie siècle, de cette nouvelle
civilisation qui s'offre à nous aujourd'hui.
Ce devoir de mémoire, nous devons donc le conduire sur l'initiative de l'Etat,
mais en étroite relation avec les collectivités territoriales, parce que c'est
un travail qu'il faut mener en proximité avec les jeunes, là où ils vivent
aujourd'hui.
M. Auguste Cazalet.
Très bien !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Concernant la retraite mutualiste, jamais aucun
engagement n'a été pris pour atteindre dans la durée de la législature
l'objectif de 130 points : cela n'a jamais été dit nulle part ! Mais nous
avançons régulièrement.
J'ai noté les craintes que vous avez exprimées les uns et les autres
concernant les ordonnances. A ce sujet, j'ai travaillé en faveur du monde
combattant, hier auprès de Mme Aubry, aujourd'hui auprès de Mme Guigou, avec
qui j'ai rendez-vous le 11 décembre prochain.
M. Jean Delaneau.
Ce sont des promesses électorales !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Parmi les sujets que nous évoquerons figure le rappel
de cette question, qui me semble avoir été bien intégrée par le département
ministériel, mais aussi la question de nos maisons de retraite, celle de notre
école de rééducation de Béziers, ou encore les relations que doivent entretenir
l'Institution nationale des invalides et la sécurité sociale, car cette
dernière nous doit de l'argent.
La relance de l'ONAC, établissement public est au coeur de la réforme qui a
conduit le département ministériel des anciens combattants à trouver sa place
au sein du ministère de la défense. Ce nouvel élan doit se concrétiser par des
réalités budgétaires, financières, par des moyens humains sur le terrain et par
des initiatives, notamment en termes de mémoire.
S'agissant de l'action en direction de nos maisons de retraite, un conseil
d'administration est convoqué prochainement, mais je vous prie de croire que
l'ONAC n'est pas menacé, qu'il a un réel avenir. En tout cas, telle est ma
volonté politique : nous allons même lui conférer certaines responsabilités qui
sont actuellement assumées par nos directions interdépartementales. C'est un
signe de la grande confiance que nous accordons ainsi à l'Office national des
anciens combattants.
S'agissant de l'attribution de la médaille à l'ensemble des titulaires du
titre de reconnaissance de la nation, nous avons saisi la Grande Chancellerie
depuis plus de deux ans maintenant. Il lui appartient de décider, mais je
souhaiterais que vous puissiez toutes et tous intervenir dans ce sens, afin
qu'une médaille soit affectée à chaque titre de reconnaissance de la nation,
selon le conflit auquel on fait référence. Si la Grande Chancellerie se rend
compte que cette opinion est partagée par tous, nous pourrons progresser.
S'agissant de la Cour des comptes, vous avez pu constater que les propositions
qui ont été faites n'ont pas été retenues.
Quant au rapport constant, le système institué par M. Michel Charasse, alors
secrétaire d'Etat au budget, me paraît bon. Un nouveau mode de calcul a été
proposé par le monde combattant, mais je ne suis pas persuadé qu'il soit
meilleur que le système actuel. Nous en débattrons cependant, mais je crois
que, à l'heure où l'on envisage d'augmenter le traitement des fonctionnaires,
le système mis en place par M. Charasse est préférable.
S'agissant du mémorial de la guerre d'Algérie, la situation est maintenant
claire. Le monde combattant a choisi un emplacement à Paris, quai Branly. Il
est vrai que, au cours de l'été, nous avons eu des incertitudes quant à la
capacité de la dalle de soutenir l'édifice, mais nous avons depuis reçu des
informations rassurantes. J'ai adressé à ce sujet un courrier à M. le maire de
Paris, qui m'a répondu que cette proposition tenait toujours. Nous restons donc
sur cette hypothèse, l'objectif étant d'inaugurer ce mémorial en 2002. Je
laisserai à mon successeur, le cas échéant, le soin de fixer la date
définitive, et je pourrai toujours lui donner le conseil de ne pas choisir une
date qui diviserait le monde combattant. Mais je n'en dirai pas plus...
Voilà qui nous renvoie, évidemment, au choix qui a été évoqué par certains,
les uns prônant la date du 19 mars, les autres celle du 11 novembre, ou toute
autre date...
M. Hilaire Flandre.
N'importe quelle date, sauf le 19 mars !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Non, monsieur le sénateur ! Il ne faut pas raisonner
ainsi, car c'est pratiquer l'exclusion. Il importe, au contraire, de trouver
une date qui rassemble.
M. Michel Pelchat.
Exactement !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Quoi qu'il en soit, pour l'instant, je n'ai pas
abouti, effectivement, à obtenir un accord sur une date qui fédérerait le monde
combattant. Mais il ne faut pas désespérer !
La question des psychotraumatismes de guerre a été abordée. C'est un dossier
qui progresse, et qui est même au coeur d'un des sujets d'actualité que j'ai
évoqués tout à l'heure.
Le Premier ministre, qui avait reçu l'an dernier le monde combattant, avait
marqué un réel intérêt sur ce point de la question des traumatismes de guerre.
Nous entendons poursuivre nos efforts, et une nouvelle circulaire, corédigée
entre l'administration et le monde combattant, a été publiée. Nous devons
maintenant aller un peu plus loin.
La campagne double, c'est un sujet de discussion très compliqué.
Quant aux harkis, le département ministériel gère leur mémoire : le harki a
exactement les mêmes droits que tout soldat qui relève du code des pensions
militaires d'invalidité, il n'y a aucune différence à ce titre. Cependant,
certains harkis ont connu de réelles difficultés sociales, compte tenu de la
façon dont ils ont été accueillis et intégrés - ou non intégrés - dans la
société française.
Si ces difficultés relèvent d'une politique générale, en revanche, la question
de la mémoire est du ressort du département ministériel. A ce sujet, nous
avançons à petits pas, nous organisons des colloques et, pour la première fois,
des harkis ont été invités à déposer une gerbe, à l'occasion du 11 novembre.
Par ailleurs, nous allons recenser avec eux les lieux où il conviendrait de
déposer des plaques commémoratives, respectant en cela l'article 1er de la loi
de 1994, adoptée sur l'initiative de votre ancien collègue Roger Romani, et qui
témoigne de la reconnaissance de la nation à l'endroit des harkis.
Je reconnais que ces pas en faveur de la mémoire sont modestes et qu'ils ne
peuvent régler les problèmes sociaux posés par l'insertion. Mais, à cet égard,
je ne dispose pas des moyens budgétaires ou juridiques pour répondre à ces
questions. Il appartient à la France d'agir, à travers sa politique de la
ville, sa politique sociale, sa politique d'intégration, sa politique
d'insertion, etc.
Mme Printz a proposé d'instaurer une journée d'hommage national en faveur des
citoyens ayant participé à la Résistance. Nous avons déjà beaucoup de dates
commémoratives dans notre pays ! Pour la Résistance, il y a déjà le 18 juin,
référence à l'Appel du général de Gaulle. Il y a aussi le 8 mai, journée du
souvenir de la déportation.
J'essaie, pour ma part, de lancer l'idée d'un débat, chaque année, au sein de
l'éducation nationale, sur quelques textes de référence renvoyant à la
Résistance, afin de créer des temps forts. Mais je ne suis pas sûr qu'il faille
encore ajouter des dates aux dates, l'important étant de faire vivre celles qui
existent déjà auprès de toute la collectivité nationale. On est, en effet,
surpris de constater la faible participation de nos concitoyens aux diverses
commémorations !
M. Michel Pelchat.
Absolument !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Et, quand on demande aux jeunes de venir devant les
monuments aux morts, on n'obtient pas un franc succès !
Plutôt que d'ajouter de nouvelles dates commémoratives qui risqueraient
d'éloigner les jeunes de ces réalités, renforçons nos actions sur de grandes
dates, faisons référence aux textes de la Résistance, ne serait-ce que parce
qu'ils sont fondateurs du redressement de la République française. Nous aurons
alors rendu hommage à toutes ces femmes et à tous ces hommes qui ont permis à
la France d'être aujourd'hui un pays libre et démocratique, un Etat de droit
susceptible de faire vivre les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité,
ces valeurs qui constituent la devise de la République française.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant les anciens
combattants et figurant à l'état B.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 7 793 466 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 178 062 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion les articles 51 à 53, 53
bis
, 53
ter
et
53
quater
, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits des anciens
combattants, ainsi que, en accord avec la commission des finances, les
amendements n°s II-13 et II-14, qui tendent à insérer un article additionnel
après l'article 53, et les amendements n°s II-9 et II-10, qui tendent à insérer
un article additionnel après l'article 53
quater
.
Article 51
M. le président.
« Art. 51. - Le dernier alinéa de l'article L. 253
bis
du code des
pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est complété par
une phrase ainsi rédigée : "Pour les militaires rappelés en Algérie, cette
durée est fixée à quatre mois". »
Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix l'article 51.
(L'article 51 est adopté.)
Article 52
M. le président.
« Art. 52. - Le dernier alinéa de l'article L. 114
bis
du code des
pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est complété par
une phrase ainsi rédigée : "Leur revalorisation, dans les mêmes conditions, au
1er janvier 2001, est de 3 %". »
Par amendement n° II-11, M. Fischer et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent :
I. - Dans le texte présenté par cet article pour compléter le dernier alinéa
de l'article L. 114
bis
du code des pensions militaires d'invalidité et
des victimes de la guerre, de remplacer le taux : « 3 % » par le taux : « 7 %
».
II. - Pour compenser l'augmentation du prélèvement sur recettes résultant du I
ci-dessus, de compléter ce même article par un paragraphe additionnel ainsi
rédigé :
« ... - L'augmentation du prélèvement sur recettes résultant de l'augmentation
du taux de la revalorisation des pensions d'invalidité est compensée à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Mes chers collègues, cet amendement, dont j'ai déjà évoqué le dépôt lors de
mon intervention liminaire, a pour objet de mettre un terme définitif à
l'injustice qui frappe ceux que nous appelons les plus grands invalides de
guerre, qui perçoivent des pensions dont le montant peut varier jusqu'à 10
%.
Cette disparité résulte du gel institué par l'article 114
bis
du code
des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. C'est la
raison pour laquelle, par le présent amendement, nous proposons son
abrogation.
Un effort de 21 millions de francs, même s'il est supérieur à celui de l'an
dernier, n'est pas suffisant. Nous estimons que le rattrapage, évalué à 53
millions de francs, doit se faire en une seule fois, avec l'abrogation pure et
simple de cet article.
Nous avons bien entendu votre engagement, monsieur le secrétaire d'Etat, mais,
selon nous, c'est la seule façon de réparer le préjudice matériel et moral qui
porte atteinte à la dignité de cette catégorie de combattants.
Aussi, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je me suis expliqué voilà quelques instants à la
tribune sur mes intentions.
Je rappellerai simplement que les deux tiers du chemin ont été parcourus dans
cette loi de finances pour 2001. Il reste encore un bout de chemin à accomplir,
mais il ne le sera pas par le biais de cet amendement, à l'encontre duquel
j'invoque l'article 40 de la Constitution.
M. le président.
M. le rapporteur spécial, l'article 40 de la Constitution est-il applicable
?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-11 n'est pas recevable.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 52.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par
assis et levé, n'adopte pas l'article 52.)
Article 53
M. le président.
« Art. 53. - Au dernier alinéa de l'article L. 321-9 du code de la mutualité,
les mots : "à l'indice 105" sont remplacés par les mots : "à l'indice 110".
»
Par amendement n° II-12, M. Fischer et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent :
I. - Dans cet article, de remplacer l'indice : « 110 » par l'indice « 120
».
II. - Pour compenser l'augmentation du prélèvement sur recettes résultant de
l'application du I ci-dessus, de compléter ce même article par un paragraphe
additionnel ainsi rédigé :
« ... - L'augmentation du prélèvement sur recettes résultant du relèvement de
l'indice de référence du plafond majorable de la retraite mutualiste est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Cet amendement, dont nous connaissons déjà le sort, a pour objet de relever le
plafond de la rente mutualiste du combattant pour le porter de 110 points
d'indice des pensions militaires d'invalidité, comme le préconise l'article 53,
à 120 points d'indice.
Vous n'êtes pas sans savoir, mes chers collègues, que les revendications du
monde combattant portent sur le relèvement de ce plafond à 130 points d'indice
des pensions militaires d'invalidité.
J'avais déjà déclaré l'an dernier, ici-même, que le rythme d'évolution de ce
plafond ne permettrait pas d'atteindre l'indice 130 d'ici à 2002. Je n'y
reviendrai donc pas, sinon pour dire que nous attendons sur ce point un geste
significatif du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si le budget 2001 des anciens combattants était
voté sans diminution par rapport à celui de l'an dernier, ce geste - à notre
sens - facile à réaliser honorerait le gouvernement de la France.
C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de vous prononcer en
faveur de ce relèvement plus important du plafond de la rente mutualiste du
combattant en adoptant notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement travaille dans l'intérêt général de
notre pays. C'est un Gouvernement « honorable », pour reprendre l'expression de
Guy Fischer, qui connaît d'ailleurs très bien les efforts qui ont été réalisés,
depuis trois années maintenant, pour revaloriser l'indice de référence de la
retraite mutualiste : 26 % d'augmentation, ce n'est pas négligeable !
Il faudra continuer dans cette voie lors des budgets futurs.
Dans le budget 2001, nous poursuivons notre effort au même rythme que les
années précédentes. C'est un rythme significatif. C'est le rythme voulu par le
Gouvernement.
Cela étant, j'invoque avec regret - toujours avec regret ! - l'article 40 de
la Constitution à l'encontre de cet amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 de la Constitution est-il
applicable ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-12 n'est pas recevable.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 53.
(L'article 53 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 53
M. le président.
Par amendement n° II-13, M. Fischer et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 53, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - La valeur du point d'indice cristallisé applicable à la pension
d'invalidité et à la retraite du combattant est réévaluée de 20 % en Algérie,
en Tunisie, au Maroc, au Cambodge, au Laos et au Vietnam.
« II. - L'augmentation du prélèvement sur recettes résultant de l'application
du paragraphe I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une
taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Notre amendement porte sur le douloureux et récurrent problème de la
cristallisation des pensions des anciens combattants venus défendre notre pays
au cours des deux dernières guerres mondiales.
Ces soldats, issus d'Afrique noire, du Maghreb, d'Indochine ou d'autres
colonies, ont particitpé courageusement à la défense et à la libération de la
France.
Or, la loi de finances pour 1960, du 26 décembre 1959, qui a institué la
cristallisation des pensions, dispose qu'à compter du 1er avril 1961 les
pensions, rentes ou allocations viagères imputées sur le budget de l'Etat ou
d'établissements publics dont sont titulaires les nationaux des pays ou
territoires ayant appartenus à l'Union française ou à la Communauté, ou encore
ayant été placés sous le protectorat ou la tutelle de la France, seront
remplacées par des indemnités calculées sur la base des tarifs en vigueur à la
date de leur transformation.
Concrètement, dès 1962, la cristallisation s'appliquait à la quasi-totalité
des Etats d'Afrique noire et aux trois Etats du Maghreb.
En 1979, ces dispositions sont devenues applicables au Sénégal, au Gabon, au
Tchad et à la République centrafricaine.
En ce qui concerne les Etats d'Indochine, devenus indépendants - je pense au
Vietnam, au Cambodge et au Laos -, les pensions ont été cristallisées dès
1959.
Aujourd'hui, la cristallisation des pensions se traduit par une très grande
disparité de la valeur du point de pension. Par exemple, elle est de 45,05
francs à Djibouti contre 7,77 francs au Maroc et en Tunisie et 3,14 francs au
Vietnam. En métropole, elle s'élève à 81,46 francs.
Cette disparité selon les pays s'explique par les différentes dates d'accès à
l'indépendance de nos anciennes colonies et par les revalorisations ponctuelles
intervenues de façon distincte selon les pays.
De plus, une forclusion pèse sur les demandes nouvelles portant sur
l'attribution de la retraite du combattant, sur la réversion de la pension
d'invalidité ou sur la reconnaissance de l'aggravation d'une invalidité. Un pas
vient d'être fait.
Cette situation est intolérable pour ces anciens combattants venus de leur
pays d'origine pour défendre le nôtre lors des deux dernières guerres
mondiales.
Vous le savez, mes chers collègues, ces bataillons venus des anciennes
colonies françaises étaient bien souvent en première ligne lors des combats et
ont payé un très lourd tribut au cours de ces conflits.
Nous souhaitons vivement que la reconnaissance de la nation à leur égard
puisse aussi s'exprimer par une revalorisation substantielle de la valeur du
point d'indice cristallisé applicable à la pension d'invalidité et à la
retraite du combattant.
Nous proposons donc que cette valeur soit augmentée de 20 % pour les anciens
combattants venus d'Algérie, de Tunisie, du Maroc, du Cambodge, du Laos et du
Vietnam.
Cette mesure est, selon nous, l'effort minimum que nous devons faire pour eux.
Aussi, avant de discuter de l'institution d'une commission chargée de réfléchir
sur la décristallisation, prévue par l'article 53
quater
, commission que
nous appelons de nos voeux, je vous invite, mes chers collègues, à adopter
notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Défavorable, pour les raisons que j'ai indiquées tout
à l'heure.
Le Gouvernement est conscient de la réalité des situations évoquées par Guy
Fischer. Je vais reprendre le travail que j'avais abordé sous l'angle des SMIC
locaux en retenant peut-être un indice plus judicieux défini par l'organisation
des Nations unies pour identifier les décrochages et qui permettra à la
commission qui va être créée de présenter ses propositions.
En attendant, je souhaite le maintien du
statu quo
, seulement modifié
par l'amendement levant la forclusion pour la retraite du combattant.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, j'invoque également,
l'article 40 de la Constitution à l'encontre de cet amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 de la Constitution est-il
applicable?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-13 n'est pas recevable.
Par amendement n° II-14, M. Fischer et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 53, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le quatrième et dans le dernier alinéa de l'article L. 256 du code
des pensions militaires d'invalidité, la mention "65 ans" est remplacée par la
mention "62 ans". »
« II. - L'augmentation du prélèvement sur recettes résultant de l'application
du paragraphe I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une
taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts. »
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Cet amendement a pour objet d'abaisser à soixante-deux ans la condition d'âge
requise pour bénéficier de la retraite du combattant.
Vous le savez, mes chers collègues, les associations d'anciens combattants
réclament depuis longtemps l'abaissement à soixante ans de l'âge requis pour
prétendre à la retraite du combattant, en conformité avec la retraite du régime
général.
Cette retraite a été instituée en 1932 au profit des anciens combattants
titulaires de la carte du combattant en témoignage de la reconnaissance
nationale.
Il s'agit non pas d'une retraite professionnelle, mais de la traduction
pécuniaire d'une récompense versée à titre personnel et, par conséquent, non
reversible en cas de décès.
Une évaluation du surcoût de cette mesure a été réalisée par les services du
SEDAC à partir des effectifs des contingents ayant servi en Afrique du Nord,
c'est-à-dire des appelés nés entre 1937 et 1941 inclus. Le résultat de cette
évaluation fait apparaître un surcoût de 4,3 milliards de francs répartis sur
six exercices budgétaires.
Il n'est bien sûr pas dans notre intention de nier l'importance des sommes en
jeu. Cependant, ces sommes doivent être rapprochées du chiffrage établi par la
commission tripartite chargée d'évaluer le coût de la retraite anticipée pour
les anciens combattants d'Afrique du Nord, instituée par le décret n° 95-906 du
9 août 1995 : estimé à 151 milliards de francs sur huit ans et demi, celui-ci
avait conduit le Premier ministre de l'époque à ne pas mettre en oeuvre la
mesure. J'avais d'ailleurs déposé une proposition de loi, qui est venue en
discussion devant notre assemblée, sur ce sujet.
Ce rappel permet de relativiser la revendication du monde combattant portant
sur l'abaissement de l'âge nécessaire pour percevoir la retraite du combattant,
revendication qui ne nous semble en aucun cas irréaliste. J'ajoute que
plusieurs associations d'anciens combattants, réunies dans le Front uni, ont
exprimé le souhait de voir l'âge requis pour percevoir la retraite du
combattant abaissé à soixante-deux ans.
La disposition que nous vous proposons d'adopter serait un premier pas en ce
sens et donc un signe fort envoyé au monde combattant.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
La commission des finances est favorable à cet
amendement.
Je demande cependant à M. le secrétaire d'Etat de ne pas ouvrir, en avril ou
mars prochain, « loyalement », selon ses propres termes, un dossier sur ce
sujet comme il en avait l'intention, en particulier en mettant en balance le
social et le droit à réparation.
Nous, ce qui nous intéresse, c'est la réparation et non le social !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je respecte la revendication exprimée au travers de
cet amendement. Mais je dirai à la fois à Guy Fischer et à Jacques Baudot que
cet amendement induirait une dépense de 2 milliards de francs. Une telle somme
ne peut être négligée, même si l'argument financier n'est pas décisif.
A propos du débat sur la différence entre droit à réparation et solidarité, je
demande que chacun réfléchisse. Selon moi, le droit à réparation ne sera pas
élargi dans les années à venir et, si l'on veut réellement apporter des
réponses concrètes, ayant un réel impact financier, à celles et à ceux qui,
dans le monde combattant, sont en difficulté - je pense aux anciens combattants
qui vivent difficilement chaque fin de mois, ainsi qu'aux veuves - ne serait-il
pas plus judicieux de s'interroger sur la manière dont on peut « recycler » au
mieux et au maximum des sommes libérées par la disparition progressive des
ayants droit ?
Le droit à réparation, le Gouvernement ne le conteste pas. La meilleure preuve
que je puisse en donner, ce sont les réponses que j'ai apportées aux
prétentions de la Cour des comptes.
Cela dit, j'invoque l'article 40.
M. le président.
L'article 40 est-il applicable ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il est applicable, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-14 n'est pas recevable.
Article 53 bis
M. le président.
« Art. 53
bis.
- Le premier alinéa de l'article L. 321-9 du code de la
mutualité est ainsi rédigé :
« Donnent lieu à une majoration de l'Etat dans les conditions fixées par
décret les rentes constituées soit directement par les mutuelles ou les unions
de mutuelles régies par le livre II, soit par les mutuelles ou les unions de
mutuelles opérant auprès de la Caisse nationale de prévoyance au profit : »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
L'article 53
bis
réaffirme la spécificité de
la retraite mutualiste du combattant en excluant les entreprises d'assurance du
champ des organismes habilités à la gérer. En tant que rapporteur de la
commission des affaires sociales, je suis soucieux de préserver la spécificité
de ce régime de retraite et je ne peux que partager les préoccupations
exprimées au travers de cet article.
Pour autant, je ne suis guère convaincu par sa rédaction, pour le moins
approximative, voire hasardeuse. Sa portée me semble être purement symbolique
et l'article n'être qu'un signal adressé au Gouvernement.
La commission s'interroge, par ailleurs, sur la compatibilité de cet article
avec le droit européen.
Elle s'interroge, enfin, sur la procédure retenue. Notre assemblée vient, en
effet, d'habiliter le Gouvernement à refondre le code de la mutualité par
ordonnance, et le Gouvernement inscrira à l'ordre du jour des travaux du
Parlement le projet de loi de ratification de cette ordonnance.
Il me semble dès lors qu'il serait plus judicieux d'attendre l'examen de ce
futur projet de loi pour prendre, le cas échéant, les mesures législatives
appropriées afin de garantir la spécificité de la rente mutualiste.
Pour l'instant, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais que vous
précisiez les mesures que vous comptez prendre dans l'ordonnance à venir en
faveur de la rente mutualiste.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Ce n'est pas le Gouvernement qui a déposé cet
amendement lors de la discussion du budget des anciens combattants devant
l'Assemblée nationale, ce sont les parlementaires. Faisant écho à des
interventions des sociétés mutualistes d'anciens combattants, un certain nombre
de vos collègues ont voulu envoyer un signal au Gouvernement en le mettant en
garde contre le fait que l'ordonnance visant à adapter notre droit à des
directives communautaires ne doit pas réduire la spécificité des caisses de
retraite mutualiste du monde combattant.
Devant l'Assemblée nationale, au nom du Gouvernement, j'ai fait remarquer que
cet amendent ne me paraissait pas pertinent au moment de la préparation de
l'ordonnance, et je m'en suis remis ensuite à la sagesse de l'Assemblée
nationale. Les députés, toutes tendances confondues, ont voté ce texte. Le
Gouvernement l'a interprété comme un signal : attention ! il ne faut pas que la
concurrence prévue par la Commission européenne mette à mal la spécificité de
nos caisses de retraite mutualiste des anciens combattants.
J'ai bien reçu ce message et je l'ai transmis au ministre des affaires
sociales de l'époque, Mme Aubry.
Notre souci est bien de préserver la spécificité de ces caisses.
Soyez convaincus que je veille au grain, que je serai vigilant sur les
modalités juridiques de transcription de la directive européenne dans notre
droit. Je le répète : nous n'avons pas l'intention de mettre à mal les
mutuelles ou les unions de mutuelles.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
Au vu des explications de M. le secrétaire d'Etat,
nous voterons cet article, qui permet d'avoir toute garantie sur la spécificité
de la retraite mutualiste.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 53
bis.
(L'article 53
bis
est adopté.)
Article 53 ter
M. le président.
« Art. 53
ter.
- L'article 71 de la loi de finances pour 1960 (n°
59-1454 du 26 décembre 1959) et l'article 26 de la loi de finances
rectificative pour 1981 (n° 81-734 du 3 août 1981) sont complétés par un alinéa
ainsi rédigé :
« La retraite du combattant pourra être accordée, au tarif tel qu'il est
défini ci-dessus, aux anciens combattants qui remplissent les conditions
requises postérieurement à la date d'effet de cet article. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il s'agirait plutôt d'enlever du travail au Conseil
d'Etat.
(M. le secrétaire d'Etat fait un signe d'assentiment.)
Il importe d'être conscient du fait que cet article ne constitue pas une
première étape vers une « décristallisation », comme vous l'avez dit, monsieur
le secrétaire d'Etat.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
Je partage entièrement les considérations de notre
ami Jacques Baudot. Nous allons continuer à oeuvrer dans ce sens.
M. le président.
Par amendement n° II-15, M. Fischer et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent de compléter le texte présenté par cet article
pour compléter l'article 71 de la loi de finances pour 1960 et l'article 26 de
la loi de finances rectificative pour 1981 par un second alinéa ainsi rédigé
:
« Elle sera accordée dans les mêmes conditions aux veuves, en matière de droit
à pension de réversion et aggravation de pension concédée. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Notre amendement a pour objet d'étendre aux veuves la levée de la forclusion
pour les retraites d'anciens combattants des ressortissants des Etats
anciennement sous souveraineté française.
Nous avons déjà évoqué, à l'occasion de notre intervention concernant la «
décristallisation » des pensions, le douloureux problème de la forclusion qui
s'applique aux demandes nouvelles d'attribution de la retraite du combattant
pour les anciens combattants des anciennes colonies françaises.
Nous pensons que la levée de cette forclusion ne peut être cohérente que si
l'on précise clairement que les veuves doivent en bénéficier elles aussi.
Ce ne serait que justice tant il est nécessaire d'améliorer la situation des
veuves de tous les anciens combattants.
Nous pensons qu'il est temps, mes chers collègues, de reconnaître à leur juste
valeur les sacrifices consentis par les soldats venus de nos anciennes colonies
et d'accorder à leurs veuves le droit à pension de réversion, ainsi que de
prendre en compte l'aggravation des situations en cas de pension déjà concédée.
Mais nous avons compris que c'était un autre problème...
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
La commission des finances a émis un avis
favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je terminerai, bien sûr, par invoquer un certain
article 40.
Mais je tiens à rappeler ce qu'a dit M. Jacques Baudot : il n'y a pas de
mesure de « décristallisation » dans le budget pour 2001, il n'y a que la levée
d'une des trois forclusions, celle qui nous paraissait poser un problème
éthique important.
Ce n'est qu'un pas sur un chemin qui est beaucoup plus long, un chemin que je
veux suivre jusqu'à son terme, parce qu'il y va de l'honneur de la France. Mais
il convenait d'abord de lever les forclusions qui pèsent de façon anormale.
Je n'ai d'ailleurs aucun mérite à le dire, puisque nos propres tribunaux l'ont
déjà fait remarquer : le Conseil d'Etat dans un avis récent sur la retraite du
combattant et un certain nombre de jugements sur la réversion aux veuves. La
moindre des choses est donc d'appliquer le droit et la jurisprudence.
C'est un premier pas, et il y en aura d'autres.
Je remercie à cette occasion les sénateurs, les parlementaires en général,
pour tout le travail qu'ils accomplissent au service du monde combattant.
Cela étant, s'agissant de la proposition qui est formulée, parce que je n'ai
pas de réponse budgétaire sur ce point, j'invoque l'article 40 de la
Constitution.
Je vois déjà le titre de demain dans
La Voix du combattant :
« Masseret
et l'article 40 ! ». J'imagine déjà le sort qui me sera réservé dans les jours
à venir dans la presse du monde combattant !
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 de la Constitution est-il
applicable ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-15 n'est pas recevable.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 53
ter.
(L'article 53
ter
est adopté.)
Article 53 quater
M. le président.
« Art. 53
quater
. - Il est institué une commission d'étude de la
revalorisation des pensions chargée de proposer les mesures d'ordre législatif
et réglementaire permettant la revalorisation des rentes, des retraites et des
pensions des anciens combattants de l'outre-mer.
« Cette commission comprend des représentants des associations d'anciens
combattants et des administrations concernées, deux députés et deux
sénateurs.
« Elle remettra ses propositions sous la forme d'un rapport au Premier
ministre dans un délai de six mois suivant son installation. Ce rapport sera
transmis au Parlement.
« Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret. »
-
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 53 quater
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° II-9, MM. Grignon, Hoeffel,Lorrain, Richert, Eckenspieller,
Haenel et Hethener proposent d'insérer, après l'article 53
quater,
un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'Etat s'engage à indemniser les Alsaciens-Mosellans incorporés de
force dans les organisations paramilitaires du régime nazi.
« II. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont compensées à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° II-10, Mme Printz et M. Hesling proposent d'insérer, après
l'article 53
quater,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les personnes incorporées de force dans les organisations
paramilitaires allemandes font l'objet d'une indemnisation de la part de l'Etat
en complément de celle versée par la fondation de l'Entente
franco-allemande.
« II. - Un arrêté fixera le montant de cette indemnisation complémentaire.
« III. - La tranche supérieure de l'impôt de solidarité sur la fortune sera
majorée à due concurrence. »
La parole est à M. Grignon, pour présenter l'amendement n° II-9.
M. Francis Grignon.
A partir de 1942, les responsables nazis ont incorporé de force dans des
organisations para-militaires des jeunes hommes et des jeunes femmes d'Alsace
et de Moselle. Je n'entrerai pas dans les détails, notre collègue Mme Printz a
longuement traité le sujet tout à l'heure. Il s'agit de ce qu'on appelle chez
nous le RAD et le KHD, c'est-à-dire le
Reichsarbeitsdienst
et le
Kriegshilfsdienst.
Leurs contraintes passées justifient aujourd'hui la réparation des préjudices
moraux et matériels.
Le présent amendement vise, en conséquence, à la mise en place, de façon
effective, de l'indemnisation de ces jeunes d'Alsace et de Moselle.
Je rappelle d'abord que c'est un droit pour ces incorporés de force et que la
loi française est très précise à cet égard.
La loi du 31 décembre 1953, devenue l'article L. 239-2 du code des pensions
militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui dipose que « les
Alsaciens et Lorrains incorporés de force par voie d'appel dans le service
allemand du travail et leurs ayants cause sont assimilés aux incorporés de
force dans l'armée allemande et bénéficient des dispositions du livre Ier du
code et seront assimilés aux bénéficiaires des articles L. 231 et L. 232 en cas
d'infirmité ou de décès imputable au service accompli dans le service allemand
du travail ».
Je rappelle aussi que, le 25 juin 1998, la fondation Entente franco-allemande
a adopté, dans une décision déterminante, « le principe d'une contribution à
l'indemnisation des RAD. Le niveau de cette contribution sera fixé en fonction
du nombre des bénéficiaires éventuels et de l'engagement gouvernemental à
compléter cette contribution ».
On peut donc considérer que l'oubli est réparé. Quel que soit le montant
retenu de l'indemnisation pour les RAD et les KHD, qui pourrait être étalée sur
deux ou trois ans, il n'est pas de nature à remettre en cause les grands
équilibres économiques. Cette indemnisation aurait plutôt une portée symbolique
et morale. Il ne faudrait pas en effet que des Français âgés maintenant nous
quittent en ayant le sentiment d'avoir été des Français de seconde zone.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande par conséquent de bien vouloir
entendre, par la voix d'un sénateur qui a eu la chance de naître après la
guerre, l'appel de ceux qui ont subi, en Alsace-Moselle, la contrainte et le
joug de l'occupant.
Comme je ne doute pas que vous allez invoquer l'article 40 de la Constitution
- vous l'avez indiqué dans votre propos luminaire -, permettez-moi de vous
donner, afin que nous sachions bien de quoi nous parlons, quelques chiffres à
titre indicatif.
Ce sont 9 000 dossiers qui seraient concernés. Pour l'indemnisation des
incorporés de force dans l'armée, il a été attribué 9 100 francs par incorporé.
Je vise, moi, les incorporés de force dans le travail. Il est bien clair que ce
n'est pas à moi de fixer le montant de l'indemnisation mais, si elle
représentait la moitié de celle des incorporés de force dans l'armée - encore
une fois, ce n'est qu'une hypothèse -, le coût total serait de 40 millions à 50
millions de francs - vous voyez qu'elle ne se chiffre pas en milliards pour le
Gouvernement ! -, dont la moitié pourrait être prise en compte par l'Entente
franco-allemande.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, êtes-vous toujours décidé
à invoquer l'article 40 de la Constitution alors que vous auriez le pouvoir,
dans le cadre des négociations avec le gouvernement allemand, de revenir sur
cet oubli en demandant des financements complémentaires pour une indemnisation
qui n'a pas été accordée en son temps ? J'ajoute que c'est la dernière qui
pourra être demandée. Elle est spécifique et justifiée par tous les textes.
M. le président.
La parole est à Mme Printz, pour présenter l'amendement n° II-10.
Mme Gisèle Printz.
Cet amendement a pour objet de réparer une injustice concernant les incorporés
de force dans des organisations paramilitaires allemandes. Cela concerne de 8
000 à 9 000 personnes, comme l'a très bien dit mon collègue M. Grignon
Si les incorporés de force dans la Wehrmacht ont été indemnisés, il n'en pas
été de même pour les jeunes hommes et femmes d'Alsace-Moselle, région annexée
de fait par le Reich, qui ont été incorporés de force dans des organisations
paramilitaires nazies. Ils n'ont reçu aucune indemnisation après l'accord du 31
mars 1981 entre le gouvernement français et celui de la République fédérale
d'Allemagne.
Je ne m'étendrai pas davantage, m'étant déjà expliquée sur ce sujet. C'est
dans un esprit de justice et d'équité que cet amendement a été déposé.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Avis favorable sur les deux amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais encore
abuser un peu de votre patience sur ce sujet que nous connaissons bien, nous,
les Alsaciens-Mosellans, et qui est difficile.
Il est vrai, monsieur Grignon, qu'une telle indemnisation ne représenterait
pas une somme importante, mais des sommes peu importantes additionnées font, au
total, une somme qui, elle, est très importante ! C'est un peu le principe des
petits ruisseaux qui font les grandes rivières. A chaque fois que l'on me
présente une revendication, on me précise toujours que la mesure ne coûtera pas
grand-chose. Mais, mises bout à bout, les revendications représentent des
sommes non négligeables pour le budget ! Voilà pour ce qui est de l'approche
budgétaire.
Pour le reste, il est vrai que le plus simple serait, encore aujourd'hui, de
modifier le règlement intérieur de la fondation Entente franco-allemande, parce
que c'est à partir d'un article de ce règlement que les hommes et les femmes
incorporés dans le RAD ou le KHD ont été exclus de l'indemnisation.
Lorsque je les ai interrogées, les autorités allemandes m'ont bien indiqué
qu'elles n'avaient donné aucune orientation particulière. Elles ont versé le
montant de l'indemnité sans faire de distinction entre les incorporés de force
dans l'armée - la Wehrmacht - et les incorporés de force dans les organisations
paramilitaires. C'est le conseil d'administration de la fondation elle-même qui
a décrété qu'on excluait les uns et qu'on retenait les autres.
Depuis, vous le savez comme moi, il existe un contentieux terrible et une
opposition fantastique entre les uns et les autres, au point que la décision du
28 juin 1998 a été prise par six voix pour et six voix contre. C'est donc la
voix du président qui a été prépondérante. Ceux qui ont voté pour sont les
représentants de l'administration - direction interdépartementale des anciens
combattants, direction de l'Office national des anciens combattants - et cela à
ma demande.
Très honnêtement, j'espérais que la question serait réglée par la fondation
Entente franco-allemande, qui disposait des resources suffisantes pour
indemniser les 8 000 ou 9 000 ayants droit à hauteur de 4 000 francs.
J'ajoute que, lorsque le problème a été posé en 1998, on m'avait affirmé que
le nombre de parties prenantes ne dépasserait pas 1 500. Mais dès qu'on a parlé
d'indemnisation, le nombre de demandes a augmenté très rapidement. En effet,
tant qu'il n'y a pas d'intérêts financiers en jeu, on ne se découvre pas. Mais
dès lors qu'existe la possibilité de recevoir une indemnisation, on se fait
connaître. C'est humain ; nous ferions la même chose !
Aujourd'hui, je ne baisse pas les bras mais, à l'occasion des arbitrages
budgétaires, je n'ai toujours pas trouvé les quarante ou cinquante millions de
francs nécessaires pour régler correctement le sort des personnes relevant du
RAD et du KHD. Or, tant que je ne disposerai pas d'une telle somme, je ne
pourrai pas répondre positivement à cette demande.
J'espère que la fondation Entente franco-allemande pourra mettre en oeuvre sa
propre décision. Le conseil d'administration pourrait faire un geste, sous
forme d'un versement d'indemnités sur la base des décisions prises le 28 juin.
De mon côté, je continue à chercher une réponse de l'Etat.
Monsieur le président, j'en suis le premier désolé, d'autant que je connais
particulièrement bien l'un des trois départements concernés, la Moselle... mais
je suis contraint d'invoquer l'article 40... même si la proposition de Mme
Printz consiste notamment à financer une telle indemnisation par un relèvement
de la tranche supérieure de l'impôt sur la fortune !
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 de la Constitution est-il
applicable ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, les amendements n°s II-9 et II-10 ne sont pas
recevables.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, le Sénat n'avait nullement
l'intention de rejeter l'article 52, qui majore le taux des pensions des très
grands invalides. Je pense que tout le monde l'avait bien compris.
En conséquence, la commission des finances demandera une deuxième délibération
à l'issue de l'examen des articles de la deuxième partie, et je suis sûr que
cet article 52 sera alors adopté.
M. le président.
La présidence en a été la première étonnée.
Nous avons terminé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les anciens combattants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues je vous remercie de la
discipline dont vous avez fait preuve en matière de temps de parole et qui nous
a permis, malgré les péripéties de la journée du 30 novembre, de terminer nos
travaux à une heure raisonnable.
8
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
CONSTITUTIONNELLE
M. le président.
J'ai reçu de M. Michel Dreyfus-Schmidt une proposition de loi
constitutionnelle portant suppression de la Cour de Justice de la
République.
La proposition de loi constitutionnelle sera imprimée sous le n° 113,
distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
9
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE LOI ORGANIQUE
M. le président.
J'ai reçu de M. Michel Dreyfus-Schmidt une proposition de loi organique
déterminant les conditions d'application de l'article 68-2 de la
Constitution.
La proposition de loi organique sera imprimée sous le n° 114, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
10
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel une proposition de
loi relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires
et au contrôle général des prisons.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 115, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
11
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, vendredi 1er décembre 2000, à neuf heures trente, quinze
heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 91 et 92, 2000-2001) (M. Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Equipement, transports et logement :
V. - Tourisme :
Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 27)
;
M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 94, tome XVI).
I. - Services communs.
II. - Urbanisme et logement :
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexes n°s 20 et 21)
;
M. Jacques Bellanger, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (urbanisme, avis n° 94, tome XV) ;
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (logement, avis n° 94, tome XIV) ;
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales (logement social, avis n° 96, tome IX).
III. - Transports et sécurité routière (et article 60
bis
) :
1. Transports.
2. Sécurité routière.
3. Routes.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial (transports, rapport n° 92, annexe n°
22) ;
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial (routes et sécurité routière (rapport n°
92, annexe 23) ;
M. Georges Berchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (transports terrestres, avis n° 94, tome XVIII) ;
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (routes et voies navigables, avis n° 94, tome XIII).
4. Transport aérien et météorologie.
Budget annexe de l'aviation civile :
M. Yvon Collin, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 24) ;
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (aviation civile et transport aérien, avis n° 94, tome
XIX).
IV. - Mer (et article 60
ter
) :
M. Claude Lise, rapporteur spécial (marine marchande, rapport n° 92, annexe n°
25) ;
M. Marc Massion, rapporteur spécial (ports maritimes, rapport n° 92, annexe n°
26) ;
Mme Anne Heinis, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 94, tome XX).
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen
des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2001
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2001 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie,
non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2001
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
2001 est fixé au vendredi 8 décembre 2000, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 1er décembre 2000, à zéro heure dix.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ERRATA
Au compte rendu intégral de la séance du 16 novembre 2000
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2001
Page 6170, 2e colonne, 1er alinéa, 3e et 4e lignes :
Au lieu de :
« organismes »,
Lire :
« organisations ».
Page 6170, 2e colonne, 3e alinéa (2°) :
Au lieu de :
« De l'évolution du niveau »,
Lire :
« De l'évolution, du niveau ».
Page 6220, 1re colonne, 7e alinéa, 2e ligne :
Au lieu de
: « permettre un délai »,
Lire :
« permettre un débat ».
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 30 novembre 2000
SCRUTIN (n° 22)
sur la motion, présentée par M. Charles Descours au nom de la commission des
affaires sociales, tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2001, adopté par l'Assemblée
nationale.
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 318 |
Pour : | 220 |
Contre : | 98 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Contre :
17.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
17.
Contre :
4. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, Yvon Collin et
Gérard Delfau.
Abstention :
1. _ M. André Boyer.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Girod, qui présidait la
séance.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Contre :
77.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
7.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstention
André Boyer.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.