Séance du 2 novembre 1999
RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS
DE TRAVAIL
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 22, 1999-2000),
adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la
réduction négociée du temps de travail. [Rapport n° 30 (1999-2000.)]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président, je suis
réellement désolée du report de cette séance, qui, croyez-le bien, n'était pas
prévu.
En effet, Mme Gillot devait me représenter à l'Assemblée nationale, mais - au
demeurant, je le sais, cela n'excuse en rien mon retard - elle a dû se rendre à
Bruxelles pour participer à une réunion relative à l'embargo sur le boeuf
britannique. Il est très important, vous en conviendrez, que la santé publique
de nos concitoyens soit défendue sur ce dossier. Ainsi, bien que toutes les
précautions aient été prises pour qu'elle puisse me remplacer cet après-midi,
il n'en a finalement rien été puisque la Commission a convoqué cette réunion à
dix-sept heures malgré nos interventions pour qu'elle soit repoussée.
Je comprends très bien vos observations, monsieur le président, et je tenais à
m'expliquer devant les membres de la Haute Assemblée pour qu'ils ne voient pas
dans ce contretemps une marque de désobligeance de la part du Gouvernement à
l'égard du Sénat.
M. le président.
Dont acte !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mesdames, messieurs les
sénateurs, nous allons débattre ensemble, plusieurs jours durant, de la
réduction du temps de travail. Je souhaite, bien évidemment, que ce débat se
déroule dans un climat serein. Rien n'est moins productif qu'une discussion où
les arguments s'effacent devant les slogans ; je crois que nous sommes tous
d'accord sur ce point. C'est pourquoi je viens devant vous avec des arguments
destinés à vous convaincre de l'intérêt, plus encore, de l'importance de la
réduction de la durée du travail pour nos concitoyens et pour l'emploi.
Je voudrais tout d'abord remercier M. le président de la commission des
affaires sociales et l'ensemble des commissaires pour leur travail sur ce
texte.
Comme vous le savez, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs,
le Gouvernement a, depuis deux ans, fixé une priorité absolue à son action :
l'emploi. Il a dit clairement que rien ne l'en détournerait et qu'aucune piste
ne serait négligée pour réduire le chômage.
Un tel objectif est exigeant. Il a fallu remettre le pays en marche en
favorisant la reprise de la consommation et de la croissance. Il a fallu que
l'Etat prenne ses responsabilités, aussi bien dans les choix budgétaires que
dans le choix des politiques à mener. Ainsi, nous avons fait porter nos efforts
sur les emplois de demain, sur leur émergence, sur leur financement, notamment
dans les nouvelles technologies, mais aussi dans les emplois jeunes.
Puis, nous nous sommes engagés sur cette piste de la réduction de la durée du
travail, qui n'est pas la réponse au problème du chômage mais qui est une
réponse parmi d'autres. Les résultats d'ores et déjà obtenus montrent que cette
réponse est tout à fait opportune.
Parallèlement, nous mettons en oeuvre une grande réforme tendant à la baisse
des charges patronales.
De la sorte, nous aurons vraiment mis notre pays sur l'ensemble des voies qui
visent à rendre l'économie plus solidaire parce que nous sommes convaincus
qu'une économie plus solidaire est aussi une économie plus performante.
Le bilan de la première loi votée voilà maintenant un an montre que l'emploi
est bien au rendez-vous de la réduction du temps de travail. Nombre d'entre
nous en étions persuadés, cela s'inscrit maintenant dans les faits.
Les engagements de création ou de maintien des emplois, dans les accords de
branche, atteignent aujourd'hui 13 000 emplois : 85 % de ces emplois sont des
embauches, 15 % des emplois préservés.
Ces chiffres démentent les pronostics les plus pessimistes, j'ajouterai que
c'est la réalisation des hypothèses les plus optimistes - 3 % à 3,5 % de
productivité, 2 % à 2,5 % de modération salariale accompagnée d'aides de l'Etat
- qui ont permis d'atteindre ces résultats.
On ne peut pas parler d'effet d'aubaine, comme je l'ai entendu faire de-ci
de-là, puisque les études statistiques qui ont été menées montrent que 10 %
seulement des emplois ainsi créés l'auraient été sans lien direct avec la
réduction du temps de travail.
Je précise que ces études établissent des comparaisons entre entreprises de
même secteur, ayant la même situation financière, certaines ayant réduit la
durée du temps de travail et d'autres ne l'ayant pas fait. Tous les trimestres,
nous continuerons à présenter des statistiques de même nature.
Si la réduction de la durée du travail crée donc des emplois, elle est aussi
source d'un nouvel équilibre entre la vie professionnelle et la vie
personnelle. Cela correspond d'ailleurs à la préoccupation le plus souvent
exprimée par nos concitoyens lorsqu'on les interroge sur leurs attentes face à
la réduction de la durée du travail.
Il ne s'agit évidement pas de remettre en cause le travail : celui-ci permet
non seulement de « gagner sa vie » mais il est aussi et peut-être surtout le
moyen d'être reconnu socialement, d'avoir une place dans la société, d'être
autonome, de ne pas être assisté ; il est le témoignage de ce qu'on est capable
d'apporter aux autres.
Le travail est aujourd'hui, nous le savons, pour beaucoup de femmes et
d'hommes de notre pays, le moyen par excellence d'insertion dans notre société.
En cette fin de xxe siècle, le travail peut en même temps être un moyen
d'épanouissement, et c'est là un point essentiel. Cela suppose que soient
amélioré les conditions de la vie au travail. Or, dans beaucoup de cas, c'est
la négociation qui a rendu cette amélioration effective.
Libérer du temps pour soi, pour ses proches ou pour la collectivité, c'est là
une des très fortes aspirations que nos concitoyens expriment.
Ceux dont la durée du travail a été réduite nous expliquent que leur souci
premier est de consacrer le temps ainsi libéré à leur famille, à leurs proches
: ils sont près de 70 % à exprimer cette priorité.
Du temps pour soi, c'est bien sûr du temps pour le sport, pour la culture,
pour les loisirs. Mais c'est aussi du temps pour la formation et du temps pour
les autres. A cet égard, je pense au bénévolat dans la vie associative, à
l'engagement dans la citoyenneté, au temps consacré à des personnes âgées, à
des personnes handicapées. Selon les enquêtes, 40 % des Français souhaitent
pouvoir consacrer du temps libre à la pratique d'une activité sociale.
La réduction de la durée du travail est donc attendue à la fois pour le temps
qu'elle permet de libérer et pour la création d'emplois, qui est l'objectif
numéro 1 du Gouvernement.
Il est au moins un point sur lequel la loi de 1998 n'est contestée par
personne : elle a permis de lancer dans notre pays un grand mouvement de
négociation sociale, mouvement sans précédent, il faut bien le dire. Cette loi
a donné l'impulsion initiale en fixant des durées légales et maximales, mais en
promouvant la méthode de la négociation.
A ce jour, ont été signés 17 000 accords d'entreprise, couvrant 2,3 millions
de salariés, et 112 accords de branche, couvrant 8 millions de salariés.
Quand nous interrogeons ceux qui ont signé et qui pratiquent aujourd'hui les
35 heures, les réponses sont très largement positives, aussi bien du côté des
chefs d'entreprises que de celui des salariés. Ainsi, 84 % des chefs
d'entreprise et 85 % des salariés qui sont passés aux 35 heures se déclarent
satisfaits ou très satisfaits de l'accord sur la réduction de la durée du
travail qu'ils ont signé. De même, 81 % des chefs d'entreprises considèrent que
leur entreprise fonctionne mieux après qu'avant, tandis que 85 % des salariés
considèrent qu'ils vivent mieux. Enfin, la plupart d'entre eux déclarent être
fiers d'avoir pu contribuer à la création d'emplois.
La négociation s'est donc développée quantitativement, mais je crois qu'elle a
aussi fait émerger une nouvelle qualité des rapports dans l'entreprise entre
les salariés et le chef d'entreprise. Il était essentiel que les chefs
d'entreprise et les salariés puissent s'exprimer sur leurs contraintes
respectives et trouver des solutions afin d'améliorer le fonctionnement de
l'entreprise et de permettre aux salariés de mieux vivre au-dedans comme en
dehors de l'entreprise. Parallèlement, il fallait trouver - et ce n'est pas
facile - les moyens de financer cette réduction de la durée du travail afin
qu'elle soit porteuse de création d'emplois.
Des garanties nouvelles ont été obtenues, dans une meilleure maîtrise des
souplesses ; je pense, par exemple, à la modulation, assortie de délais de
prévenance ou de calendriers prévisionnels.
Un sujet aussi difficile que la réduction de la durée du travail des cadres,
dont chacun disait il y a un an qu'il était quasiment impossible de le traiter,
a été traité dans 80 % des accords. C'est précisément sur ces accords que nous
nous fondons dans la seconde loi.
De la même façon, sur les aspects liés à la formation, les négociations ont
permis de traiter des problèmes qui n'avaient pas pu être réglés auparavant,
que ce soit par la négociation ou par la législation.
Cette seconde loi s'inspire donc largement de ces négociations. Ce sont les
accords signés qui sous-tendent le projet de loi qui vous est aujourd'hui
soumis.
J'ai, bien entendu, étudié le contre-projet que la majorité de la Haute
Assemblée entend soumettre aux Français. Ce contre-projet supprime des points
clés de la démarche engagée depuis dix-huit mois et conduirait purement et
simplement, s'il était adopté, à stopper durablement le processus de
négociation et de réduction de la durée du travail.
J'ai été quelque peu étonnée de cette position dans la mesure où, à
l'Assemblée nationale, dans les rangs mêmes de l'opposition, nombreux sont ceux
qui, s'ils contestent la méthode, reconnaissent que la réduction de la durée du
travail est aujourd'hui une voie indispensable si nous souhaitons réduire le
chômage. Les résultats enregistrés ces derniers mois le démontrent d'ailleurs
abondamment.
Le signal des 35 heures a été indiscutablement efficace. Dans un premier
temps, les accords « de Robien » ont pris une nouvelle vitalité puisque,
jusqu'en juin 1998, 500 de ces accords ont été signés. Ensuite, avec l'entrée
en vigueur de la loi du 13 juin 1998, 2 500 accords ont été passés.
Les résultats sont là !
Je note que le contre-projet élaboré au Sénat est en deçà même du dispositif «
de Robien », que vous aviez pourtant approuvé voilà quelques années.
Vous proposez par ailleurs de supprimer l'allégement des charges sociales qui
va au-delà du financement des 35 heures, allégement que vous aviez non
seulement appelé de vos voeux mais qui faisait l'objet d'une proposition de loi
que vous avez votée en juin dernier.
Cet allégement qui, je vous le rappelle, va aller jusqu'à 1,8 fois le SMIC,
est attendu depuis des années aussi bien par l'artisanat, le commerce, les
petites entreprises et les entreprises de services que par les entreprises
soumises à la concurrence internationale, notamment dans des secteurs qu'on a
beaucoup défendus ici même. Dès lors, je ne comprends vraiment pas pourquoi cet
allégement disparaît du contre-projet sénatorial.
Mais j'en viens au projet de loi tel qu'il vous est soumis par le Gouvernement
après une première lecture à l'Assemblée nationale.
Nous avons conservé, dans la seconde loi, les conditions vertueuses de la
démarche qui ont assuré le succès de la première étape.
Tout d'abord, il s'agit d'une méthode fondée sur la confiance envers la
négociation, d'un mode d'emploi du passage aux 35 heures qui laisse toute sa
place à la négociation, qui permet l'implication maximale des salariés et des
chefs d'entreprise. Car nous avons bien vu que c'est de la négociation
qu'émergent des solutions adaptées à la réalité de chaque entreprise.
Des milliers d'accords sur mesure sont aujourd'hui signés, que la loi se doit
non seulement de reconnaître mais de favoriser pour l'avenir.
Nous avons aussi recherché un meilleur équilibre entre la loi et l'accord, en
confortant l'accord dans de nombreux domaines comme le mode de « rémunération »
des heures supplémentaires : soit sous forme financière, soit sous forme de
repos compensateur. De même, le type de modulation est simplifié et repose
largement sur la négociation. Quant aux formes de travail à temps partiel qui
existent aujourd'hui, elles sont largement dues à la négociation collective.
Par ailleurs, à la suite du vote d'un amendement à l'Assemblée nationale, la
voie de la négociation a été confortée par la nécessité d'engager une
négociation préalable sur les 35 heures pour les entreprises qui veulent
s'engager dans un plan de licenciements. Il s'agit d'ailleurs en fait de
généraliser une procédure déjà appliquée.
La méthode ainsi définie vise également à ne laisser personne sur le bord de
la route. Je l'ai dit tout à l'heure, l'ensemble des salariés doivent être
concernés, y compris les cadres.
Si l'on en croit les sondages réalisés auprès de nos concitoyens, les cadres
constituent la catégorie qui est aujourd'hui la plus demandeuse de réduction de
la durée du travail.
Le malaise des cadres dont on parle depuis longtemps est encore plus
perceptible chez les jeunes. Pour ces derniers, le travail est essentiel à leur
épanouissement personnel, mais leur vie est tout aussi importante. C'est cet
équilibre, qui est sans doute mieux trouvé dans d'autre pays que dans le nôtre,
que nous devons rechercher.
De même, les travailleurs précaires ou les travailleurs à temps partiel ne
sauraient être exclus d'un tel mouvement. Je me réjouis d'ailleurs de constater
que, dans de nombreux accords, ce sont les travailleurs précaires que l'on
embauche en priorité, ou que c'est aux travailleurs à temps partiel qui le
souhaitent qu'on propose d'abord d'augmenter la durée de leur travail.
Or, nous le savons, dans notre pays, la moitié environ des travailleurs à
temps partiel affirment qu'ils ont choisi ce type de travail, alors que l'autre
moitié considère qu'il est subi. Dans ce domaine, la liberté de choix doit
prévaloir, ce qui est loin d'être aujourd'hui le cas, mais qui commence à
devenir une réalité dans un certain nombre d'entreprises.
L'adhésion des salariés à l'accord est essentielle. A partir du moment où nous
lions la baisse des charges sociales à un accord sur la durée du travail, nous
avons souhaité que cet accord soit légitimé, soit à travers la signature par un
ou plusieurs syndicats majoritaires, soit à travers une consultation aussi
large que possible des salariés. D'ores et déjà, pour les accords aujourd'hui
signés, dans 90 % des cas, les salariés disent avoir été consultés sur le
contenu de l'accord.
C'est une démarche démocratique que l'on comprend bien de la part des
organisations syndicales, tant la durée du travail touche l'organisation de la
vie personnelle de chacun : les attentes des salariés doivent donc être
écoutées.
Enfin, dans ce second projet de loi, nous avons mis en place un financement
qui optimise l'effet sur l'emploi : j'ai dit combien les hypothèses les plus
optimistes des instituts macro-économiques étaient aujourd'hui devenues
réalité. Tous les accords qui ont été signés sont là pour le prouver.
Nous souhaitons que les conditions de financement favorables à l'emploi,
notamment l'allégement des charges sociales, puissent perdurer afin que le
nombre des créations progresse encore.
En résumé, les conditions de la réussite des 35 heures sont les suivantes :
négociation, adhésion des chefs d'entreprise comme des salariés, financement
qui optimise l'effet sur l'emploi.
Deuxième grand axe de ce projet de loi : rechercher un meilleur équilibre
entre le rôle dévolu à la loi et la place laissée à la négociation.
Tout d'abord, il revient à la loi de fixer un cap, de déterminer la règle du
jeu et de préciser les garanties concernant les salariés ; mais elle doit aussi
laisser la place à la négociation. La loi définit un cadre, une méthode pour le
passage aux 35 heures, les durées légales et maximales, enfin, les limites et
les contreparties des souplesses demandées aux salariés par les entreprises.
La discussion à l'Assemblée nationale a permis de conforter encore les mesures
prévues par le projet de loi en diminuant la durée maximale de travail de 46
heures à 44 heures sur douze semaines et en majorant les heures supplémentaires
de 50 % à partir de la quarante-troisième heure.
Ensuite, l'effet emploi sera consolidé par le présent projet de loi. Là aussi,
il a été reconnu, lors du débat à l'Assemblée nationale, que si les baisses des
charges sociales devaient avoir pour contrepartie une réduction de la durée du
travail, la réalité de cette réduction comme la réalité des emplois sauvés et
sauvegardés devaient être contrôlées.
Le Gouvernement s'est engagé à présenter un bilan national de l'application de
la loi à la commission nationale de la négociation collective - il est de bonne
démocratie de vérifier l'utilisation des fonds publics en matière d'emploi - au
sein de laquelle les organisations syndicales et patronales pourront en
débattre, puis au conseil de surveillance du fonds de financement de la réforme
des cotisations patronales et, bien évidemment, au Parlement, qui sera ainsi
totalement informé par l'ensemble des avis qui auront été annexés au rapport du
Gouvernement.
Ce projet de loi ouvre également de nouveaux espaces à la négociation, tout en
simplifiant la réglementation. Ceux qui lisent la réglementation sur la durée
du travail sont souvent étonnés de sa complexité. Je ne prétendrai pas qu'elle
est aujourd'hui limpide, mais elle est simplifiée par rapport à ce qu'elle
était dans le passé ; c'est un point sur lequel tout le monde s'est accordé à
l'Assemblée nationale. Il existait, par exemple, trois sortes de modulation ;
il n'y en a plus qu'une aujourd'hui, avec un délai de prévenance bien
défini.
S'agissant du travail à temps partiel, la jurisprudence et la législation se
contredisaient parfois, ce qui posait problème. Nous avons prévu un certain
type de temps partiel qui correspond aux besoins des entreprises et qui apporte
d'autant plus de contreparties que des incertitudes existent dans la
définition, notamment, des horaires et des périodes travaillées.
En ce qui concerne le travail des cadres, comme je l'ai dit tout à l'heure,
nous nous sommes appuyés sur les accords d'entreprise, qui distinguent trois
catégories de cadres : premièrement, les cadres dirigeants, dont les horaires
ne peuvent être ni prédéterminés ni décomptés et qui ne seront pas soumis aux
mesures sur la durée du travail ; deuxièmement, les cadres suivant un horaire
collectif, qui seront soumis au droit commun - comme le veut d'ailleurs la
jurisprudence actuelle - soit environ 58 % des cadres ; enfin, troisièmement,
les cadres appartenant à la catégorie intermédiaire et qui, en raison de leurs
fonctions d'encadrement, de leur poids hiérarchiques du type de travail qui est
le leur - fonctions commerciales, intervention sur les marchés financiers - ne
peuvent voir décompter clairement leur durée du travail et pour lesquels de
nouvelles formes de réduction du temps de travail doivent être trouvées.
Dans le rapport écrit, figurent des éléments qui laissent à penser que nous
nous sommes peut-être mal expliqués. Le présent projet de loi fixe un plafond
maximal de 217 jours travaillés. Mais ce n'est qu'une possibilité ! Rien
n'empêche les entreprises - et un certain nombre l'ont fait - de réduire, y
compris pour les cadres, la durée du travail hebdomadaire ou mensuelle. Ce
n'est que lorsque le choix est donné de prendre des jours de congés et de
réduire la durée du travail sur l'année que le projet de loi fixe un
maximum.
Pour ce qui est de la formation, elle ne devra pas souffrir de la diminution
de la durée de présence dans l'entreprise. Moins de temps de travail ne doit
pas signifier moins d'opportunités de formation pour les salariés. Le projet de
loi prévoit la possibilité d'accorder aux salariés de nouvelles possibilités de
développement des compétences. Il ne s'agit toutefois que du premier volet du
projet de loi que prépare Mme Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et
à la formation professionnelle, et qui vise à mettre en place un droit à la
formation tout au long de la vie.
Cette réforme s'appuie sur les accords déjà signés. Elle permet que des
formations, notamment personnelles, assurées à la demande de salariés, puissent
être effectuées en partie sur le temps de travail, à condition qu'un accord
collectif assorti d'un accord individuel ait été signé et que ces formations
soient financées par l'entreprise.
De la même manière, le projet de loi prévoit des dispositions spécifiques pour
les petites et moyennes entreprises, tant en termes de délais que de modes de
réduction de la durée du travail. Nous avons, là aussi, travaillé de manière
extrêmement positive, me semble-t-il, avec l'Union professionnelle artisanale.
Celle-ci reconnaît dans la réduction de la durée du travail accompagnant la
baisse des charges, qui dépasse le coût de la réduction de la durée du travail,
le moyen, en modifiant leurs conditions de travail, d'être plus attractifs
vis-à-vis des jeunes : aujourd'hui, ceux-ci se détournent d'entreprises où,
souvent, la durée hebdomadaire du travail atteint quarante-cinq, voire
cinquante heures.
Ce projet de loi est l'occasion de recréer des emplois, de moderniser les
activités artisanales et commerciales, activités dont nous connaissons le rôle
majeur, notamment dans la cohésion de nos villes, dans la vie, tout simplement,
de nos centres-villes et dans la pérennisation d'un certain nombre de métiers
pour lesquels il est parfois difficile de recruter des jeunes.
Enfin, ce texte tend à garantir le maintien et la progression de la
rémunération des salariés payés au SMIC. Aux termes des accords, 100 % des
salariés payés au SMIC voient leur durée du travail maintenue. Le projet de loi
prévoit un mécanisme - il s'agira d'un complément différentiel mensuel - qui
évoluera non seulement en fonction de l'indice des prix, mais également comme
la moitié de l'augmentation du salaire mensuel national. Nous reprenons donc la
même formule que pour le SMIC horaire.
En ce qui concerne les autres salariés, 90 % des accords ont prévu le maintien
des salaires, avec une modération salariale de 2 % à 2,5 % qui peut
s'échelonner entre un an et trois mois.
Tels sont les acquis de cette négociation.
Enfin, la réduction de la durée du travail est liée à la réforme de
l'allégement des cotisations patronales.
Nous avions toujours annoncé que les aides incitatives à la réduction de la
durée du travail seraient accompagnées d'une aide structurelle couvrant le coût
de la réduction de la durée du travail et permettant de boucler le mécanisme de
réduction de la durée du travail.
Cette aide structurelle, de l'ordre de 4 500 francs en moyenne, par an et par
salarié, s'élèvera à 40 milliards de francs pour les cinq années à venir si
l'ensemble des entreprises passent, effectivement, à 35 heures.
Mais nous avons souhaité aller plus loin en confortant encore les baisses de
charges - je rappelle que la ristourne « Juppé-Balladur » coûte aujourd'hui
environ 40 milliards de francs - et en modifiant le dispositif tel qu'il était
prévu. Le dispositif antérieur, qui limitait les allègements à 1,3 fois le SMIC
- et encore, pas tout à fait, puisqu'il n'aboutit à aucune réduction des
charges sociales - avait un effet de « trappe à bas salaire », que l'on observe
d'ailleurs très clairement aujourd'hui dans les résultats des évolutions
salariales.
Par ailleurs, en limitant les allègements à 1,3 fois le SMIC, le dispositif
n'était ni assez souple ni assez large dans l'espace. Aussi avons-nous prévu
des allègements plus amples et plus dégressifs : ils s'élèvent jusqu'à 1,8 fois
le SMIC. Nous considérons donc qu'au-delà des 40 milliards de francs liés à la
compensation de la réduction de la durée du travail, il faut accentuer encore
la baisse des charges d'un montant global de 65 milliards de francs.
Le coût total de 105 milliards de francs comprend donc les 40 milliards de
francs relatifs aux aides - conditionnées par le passage à 35 heures et les 65
milliards de francs correspondant aux mesures d'allègement du coût du travail
sur les bas et moyens salaires.
Toutefois, contrairement à ce qui s'était fait précédemment, nous avons
souhaité que cette réduction des charges sociales donne lieu à une contrepartie
en matière d'emplois. C'est la raison pour laquelle l'ensemble du dispositif
est lié à un accord de réduction de la durée du travail créant ou préservant
des emplois.
Comment financer cette réforme ?
(Exclamations sur les travées du RPR.)
C'est un grand sujet que vous connaissez bien puisque, après avoir annoncé
plusieurs fois la baisse des charges, vous n'y avez jamais procédé faute d'en
avoir trouvé le financement.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Nous avions demandé aux partenaires sociaux d'envisager, dans une logique
dite d'« activation des dépenses passives » - vocable qu'ils avaient eux-mêmes
utilisé - une participation de l'UNEDIC et des différents organismes de
protection sociale
au prorata
des retours financiers dus aux créations
d'emploi. Il s'agissait tout simplement de faire en sorte que cette opération
soit neutre pour eux : ni gain ni perte en termes de cotisations sociales ou de
moindres dépenses.
Je rappelle que les partenaires sociaux ont défendu cette thèse lorsqu'ils ont
signé l'accord instituant l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE,
accord qui a été salué sur l'ensemble de ces travées, me semble-t-il.
De même, après avoir mis en place des conventions de coopération avec les
entreprises, nous avons voulu continuer, aujourd'hui, dans cette logique
d'activation des dépenses passives en finançant les charges concernant les
chômeurs qui sont embauchés dans les entreprises pendant un certain temps.
Certaines organisations s'étaient même exprimées très clairement pour le
financement de la réduction de la durée du travail de cette manière. Aussi nous
étions-nous inscrits dans cette logique pour une partie de ce financement.
L'Etat en a d'ailleurs tiré toutes les conséquences en inscrivant, dans le
budget de l'emploi pour 2000, 4,3 milliards de francs au titre de l'apport de
l'Etat lié aux entrées fiscales en raison de la réduction de la durée du
travail.
Comme vous le savez, les organisations patronales et syndicales n'ont pas
souhaité entrer dans cette logique.
M. Alain Gournac.
C'est le moins que l'on puisse dire !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il faut savoir changer de mode
de financement en l'absence d'accord ! Lorsqu'on tient au paritarisme et à la
consultation, il faut savoir modifier les possibilités techniques de
financement dès lors que l'objectif n'est pas perdu de vue. Or l'objectif reste
le même : nous réduisons la durée du travail et nous baissons les charges
sociales, c'est-à-dire que nous continuons dans la voie que nous nous sommes
fixée.
Il ne sera donc pas fait appel aux contributions des employeurs et des
salariés au travers des organismes paritaires. Ainsi que je m'y suis engagée
devant l'Assemblée nationale. Lors de la discussion du projet de loi de
financement de la sécurité sociale, un amendement déposé au Sénat tend à
annuler le dispositif de l'article 11, qui prévoit cette contribution des
employeurs et des salariés.
Par ailleurs, il a été proposé de procéder à certains ajustements pour
financer la réduction de la durée du travail et la baisse des charges. Je
rappelle que les 105 milliards de francs prévus sur cinq ans correspondent à la
fois aux 40 milliards de francs relatifs à la réduction de la durée du travail
et aux 65 milliards de francs concernant la baisse des charges. Peu de
gouvernements prévoient cinq ans à l'avance le moyen de financer une telle
réforme et je me réjouis que nous anticipions ainsi les évolutions !
M. Charles Revet.
Vous ne serez plus là pour la mettre en oeuvre ! Enfin... votre Gouvernement
!
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je ne serai peut-être plus là,
monsieur le sénateur, mais vous devez savoir qu'il m'a fallu trouver 7
milliards de francs le jour où j'ai pris mes fonctions pour financer la
première année d'application de la « ristourne Juppé-Balladur », mesure qui
datait de six mois et dont le financement n'était pas prévu pour l'année
suivante !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Nous verrons où nous serons ! En tout cas, vous trouverez, grâce à notre
politique, les financements nécessaires si jamais nous n'étions plus là. Mais
les Français sauront tirer toutes les conséquences de l'amélioration de la
situation du chômage et de celle de la sécurité sociale !
Pour l'an 2000, nous avons proposé que les 7 milliards de francs qui auraient
pu provenir de l'UNEDIC soient financés par la taxe sur les heures
supplémentaires, qui doit rapporter environ 7 milliards de francs - peut-être
un peu plus.
Nous avons également proposé - c'est une mesure structurelle qui pourra
perdurer - que la part provenant de la sécurité sociale soit financée par le
transfert d'une partie des droits sur les alcools qui bénéficient au fonds de
solidarité vieillesse, le FSV, vers le fonds de réduction des charges sociales.
Je rappelle que le FSV est aujourd'hui largement excédentaire.
Les droits sur les alcools rapportent entre 11 et 12 milliards de francs, ce
qui, à terme, est la somme que nous souhaitions voir provenir de la sécurité
sociale. Il s'agit donc là d'une solution pérenne au financement de la baisse
des charges, qui ne touche pas directement aux contributions patronales et
syndicales, comme l'ont souhaité les partenaires sociaux.
Cette méthode a reçu l'accord des organisations syndicales. Je me réjouis
d'ailleurs que, comme je l'avais souhaité le 7 septembre dernier devant la
commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, l'Etat et l'UNEDIC
continuent d'oeuvrer pour clarifier les rapports entre l'Etat et cette
institution. Au vu des contentieux passés - dus tant aux uns qu'aux autres, du
reste - il serait utile que nous puissions préciser, pour l'avenir, ce qui
relève de la solidarité nationale et ce qui dépend de l'indemnisation du
chômage. J'espère que les négociations qui vont s'engager pour améliorer le
système d'indemnisation du chômage, aussi bien entre les partenaires sociaux
qu'entre l'Etat et l'UNEDIC, nous permettront de trouver, dans les mois à
venir, des solutions pérennes qui rendront nos rapports avec l'UNEDIC meilleurs
qu'ils ne l'ont été par le passé.
Aussi, disons les choses simplement : sur le total de 105 milliards de francs
d'exonérations, nous avons entre 85 milliards et 90 milliards de francs de
ressources d'ores et déjà fixés et connus pour les cinq ans qui viennent.
Reste à réfléchir aux 12 à 13 milliards de francs...
M. Jean Arthuis.
Plutôt 15 milliards !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... ou 15 milliards de
francs...
Plusieurs sénateurs du RPR.
Vingt milliards !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Permettez, messieurs : sur les
12 ou 13 milliards de francs qui proviennent de la sécurité sociale, nous avons
la possibilité de maintenir la formule retenue cette année, à savoir le
transfert des droits sur les alcools.
Pour les 15 à 20 milliards de francs restants - oui ! - il nous faut
effectivement continuer à discuter avec le régime d'assurance chômage ou
trouver d'autres solutions, si nécessaire.
M. Alain Gournac.
C'est une broutille !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Oh, vous savez, trouver 20
milliards de francs sur les cinq ans à venir, c'est moins difficile que de
trouver 7 milliards de francs en six mois, tâche urgente à laquelle j'ai dû
m'atteler quand je suis arrivée à la tête de ce ministère, pour financer la
ristourne Juppé ! Et, au surplus, c'est beaucoup moins que les 24 milliards de
francs de déficit que nous avait laissés la loi Balladur sur la famille !
(Protestations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et sur ceraines
travées du RDSE.)
M. Henri Weber.
C'est pourtant la vérité, chers collègues !
M. Jean Chérioux.
Mais êtes-vous sûre d'avoir cinq ans ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Une telle réforme de la baisse
des charges patronales, qui est attendue depuis trente ans par les entreprises
de notre pays, mérite que nous recherchions des sources de financement,
d'autant que les résultats se traduisent très rapidement sur les chiffres du
chômage. Or, nous savons bien que c'est l'attente majeur de nos concitoyens.
Même si les résultats enregistrés aujourd'hui sont tout à fait bons, nous
sommes bien placés, au Gouvernement, pour savoir qu'il reste 2,6 millions de
personnes inscrites à l'ANPE, dont beaucoup attendent la mise en oeuvre de ces
mesures. Le chemin est encore long pour arriver au plein emploi, auquel, du
moins je l'espère, nous aspirons tous.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je n'ai jamais dit qu'il était facile de
faire les 35 heures. D'ailleurs, s'il était si aisé de réduire le chômage, cela
se saurait ! En tout cas, le Gouvernement tout entier est déterminé, derrière
le Premier ministre, à atteindre l'objectif premier que Lionel Jospin a
lui-même fixé pour son action, et pas seulement dans ses discours : l'emploi. A
cette fin, deux axes majeurs se présentent à nous : la réduction de la durée du
travail et la baisse des charges sociales.
Ces deux axes me paraissent mériter un débat serein et le plus démocratique
possible. Sachez que, pour ce qui me concerne, c'est ce à quoi je m'attacherai.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, le Gouvernement a déposé, le
28 juillet dernier, un projet de loi relatif à la réduction négociée du temps
de travail.
M. Josselin de Rohan.
« Négociée » ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Ce projet de loi, sensiblement amendé et complété par une
dizaine d'articles supplémentaires, a été adopté par l'Assemblée nationale le
19 octobre dernier.
La discussion de ce projet de loi intervient dix-huit mois après l'examen d'un
autre projet de loi relatif, déjà, à la réduction du temps de travail. La loi
du 13 juin 1998 fixait en effet un principe : son article 1er prévoyait que la
durée légale du travail serait abaissée à 35 heures par semaine à compter du
1er janvier 2002 et, l'on s'en souvient, dès le 1er janvier 2000 pour les
entreprises dont l'effectif est de plus de vingt salariés. Ce nouveau projet de
loi met en oeuvre ce principe, puisqu'il abaisse effectivement la durée légale
du travail à compter du 1er janvier 2000, les entreprises de moins de vingt
salariés conservant un délai supplémentaire de deux ans.
Je souligne que l'abaissement de la durée légale du travail ne se traduit pas
mécaniquement par une baisse de la durée effective du travail. Son effet est
indirect, puisqu'il a pour conséquence un renchérissement du coût du travail
pour l'entreprise qui ne réduirait pas la durée collective du travail. Dans ce
cas, les heures de travail comptabilisées au-delà de la durée légale seraient
considérées comme des heures supplémentaires,...
M. Jacques Peyrat.
Eh oui !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
... dont la rémunération est majorée, le salarié bénéficiant,
bien entendu, de repos compensateurs.
Le débat que nous engageons aujourd'hui ne porte pas, je le rappelle, sur le
principe de la réduction du temps de travail.
Bien sûr, chacun d'entre nous porte un regard particulier sur l'importance à
accorder à la réduction du temps de travail. Mais les faits sont là :
l'opposition actuelle a beaucoup oeuvré pour favoriser une réduction du temps
de travail négociée en considérant que, dans un contexte de chômage massif,
aucune piste ne devait être négligée.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Très bien !
M. Alain Gournac.
Nous n'avons pas attendu !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Le Sénat a toujours été en pointe dans cette démarche,
notamment lors de la discussion de la loi du 11 juin 1996 dite « loi Robien »,
qui incitait les entreprises à réduire la durée collective du temps de travail.
Des aides publiques importantes avaient été proposées afin de compenser les
coûts induits par la réorganisation et afin d'inciter ainsi à la création ou à
la préservation d'emplois.
Il y a dix-huit mois, le Sénat a voté les propositions de la commission qui
privilégiaient une nouvelle fois une réduction volontaire du temps de travail
selon un barème révisé de la « loi Robien » afin de maîtriser le coût
budgétaire du dispositif, de préférence à un abaissement de la durée légale du
travail. Votre rapporteur avait d'ailleurs déclaré, mes chers collègues, à
cette occasion : « Librement négociée, associée à une souplesse indispensable à
la compétitivité de l'économie, la réduction du temps de travail peut sans
doute créer des emplois ou en préserver dans certaines entreprises, en fonction
du contexte qui est propre à chacune, contexte économique, contexte social,
contexte psychologique également, c'est-à-dire volonté commune. »
Peut-on dire pour autant que notre différence ne relève que d'une question de
méthode ? Je ne le crois pas.
Le Gouvernement considère en effet que la réduction du temps de travail
constitue le principal outil pour créer plus d'emplois que ne le permet la
seule croissance.
Pour le Sénat, et pour son rapporteur en particulier, la croissance n'est pas
une donnée exogène sur laquelle nous n'aurions aucune prise compte tenu de
l'étroitesse des marges budgétaires et monétaires et qu'il s'agirait de
compléter en recourant à la généralisation de la réduction du temps de travail.
La croissance, c'est-à-dire l'activité économique, est, pour nous, largement
dépendante de l'organisation des entreprises et du marché du travail.
Dans ces conditions, la réduction du temps de travail trouve son utilité comme
outil au service du chef d'entreprise et comme enjeu de la négociation
collective.
Notre débat porte donc non pas principalement sur un principe - la réduction
du temps de travail - ou sur une méthode - l'abaissement de la durée du travail
- mais plutôt sur une vision de la société et de l'économie.
M. Serge Franchis.
Très bien !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Aujourd'hui, un premier bilan de la loi du 13 juin 1998 est
disponible. Il est, bien sûr, trop tôt pour se prononcer sur le bilan de
l'abaissement de la durée légale du travail, puisque ce dernier ne sera une
réalité qu'au 1er janvier prochain.
Pourtant, cela ne signifie pas qu'un bilan intermédiaire ne soit pas possible.
Je n'entends pas engager là, madame la ministre, un débat sur des chiffres, qui
sont toujours difficiles à manipuler.
Depuis deux ans, la France est en effet le seul pays au monde à avoir engagé
une démarche de réduction de la durée légale du travail. Cette question est
devenue l'alpha et l'oméga du débat économique et de la négociation collective.
Aucune autre réforme d'envergure n'a été menée, que ce soit en termes
d'allégement de cotisations sociales, de flexibilité, de réforme du marché du
travail ou encore de formation professionnelle.
Dans ces conditions, en considérant, d'une part, le bilan de la loi du 13 juin
1998 et, d'autre part, les résultats obtenus par les autres grands pays
européens, il semble possible de porter un premier jugement sur la validité de
l'option choisie par le Gouvernement.
Mon constat rejoint celui de la plupart des partenaires sociaux : le bilan de
la loi du 13 juin 1998 ne peut pas sérieusement être considéré comme
satisfaisant.
M. Alain Gournac.
Ah ça non !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Reprenons les chiffres annoncés par le Gouvernement au début
du mois de septembre et que vous avez confirmés il y a un instant, madame la
ministre : environ 120 000 engagements de création d'emplois, dont près de 18
000 emplois préservés et près de 19 000 créés par le secteur public. C'est bien
peu compte tenu des moyens mis en oeuvre par le Gouvernement pour inciter
l'ensemble des entreprises françaises à signer un accord !
M. Henri Weber.
Il y a un début à tout !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Quinze mille accords signés au 1er septembre 1999 ! Cela
signifie que 98,8 % des entreprises occupant au moins un salarié n'ont pas
signé d'accord de réduction du temps de travail. On compte 2,2 millions de
salariés couverts par un accord, ce qui signifie que 90 % des salariés du
secteur marchand ne sont pas couverts par un accord.
M. Alain Gournac.
Et on dit que cela marche bien ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Enfin, il est à noter que les 120 000 engagements de création
ou de préservation d'emplois ne représentent que 0,58 % des effectifs actuels
du secteur marchand. Je rappelle à cet égard que la croissance, à elle seule, a
généré la création effective de 500 000 emplois dans le secteur marchand.
Le bilan n'est donc pas à la hauteur des enjeux, avec 3 millions de chômeurs,
un chômage de longue durée qui se maintient, une segmentation du marché du
travail qui se confirme. Il l'est d'autant moins que l'on peut émettre quelques
doutes sur la présentation des résultats de la loi du 13 juin 1998.
Le Gouvernement annonce que les accords ont permis la création ou la
préservation de 120 000 emplois et chacun se réjouit de cette contribution
positive à la réduction du chômage. Toutefois, il faut souligner que 6 des 15
000 accords concernent à eux seuls près de 600 000 des 2,2 millions de salariés
couverts par un accord d'entreprise ou d'établissement, soit 27,5 % du total
des effectifs concernés. Ces accords ont été signés par EDF, TDF, la SNCF, le
conseil général de la Nièvre, les Mines de potasse d'Alsace et La Poste.
D'aucuns pourraient dire que la prise en compte de ces structures publiques
biaise sensiblement le bilan.
M. Jacques Peyrat.
Cela paraît évident !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Il est clair, aujourd'hui, que les 85 000 créations d'emplois
annoncées - hors secteur public et hors emplois « préservés » - ne constituent
que des promesses d'embauches qui restent encore à réaliser, comme vous l'avez
reconnu, madame la ministre, lors de votre audition par la commission des
affaires sociales.
Je vous ai demandé, madame la ministre, à partir d'un questionnaire écrit,
combien d'emplois avaient été effectivement créés au 1er octobre 1999. Je
souhaite vous remercier pour les réponses que vous avez bien voulu m'apporter,
car elles méritent toute notre attention.
Les réponses à ce questionnaire, qui figurent en annexe du rapport, sont en
effet éloquentes. Le Gouvernement estime à environ 30 000 à 40 000 les emplois
déjà créés par l'ensemble des accords. Par ailleurs, sur les 6,3 milliards de
francs qui avaient été inscrits au budget en 1998 et en 1999 pour financer la
loi du 13 juin 1998, seuls 784 millions avaient été consommés à la fin du mois
de septembre 1999.
Les faits sont là : 120 000 annonces de création ou de préservation d'emplois
contre 30 000 à 40 000 créations effectives !
Mais combien de ces emplois relèvent de l'effet d'aubaine ?
Le Gouvernement les estime à 15 000. Ce chiffre doit être rapproché des 85 000
emplois créés ou préservés par des entreprises ayant signé un accord aidé
compte tenu des 18 800 emplois relevant du secteur public et des 16 300 emplois
créés ou préservés par des entreprises qui n'ont reçu aucune aide financière,
ce qui représente déjà un effet d'aubaine d'environ 18 % et ramène à 70 000 les
promesses d'emplois des entreprises ayant signé un accord « Aubry ».
Pourtant, on ne peut encore considérer ce chiffre de 70 000 créations
potentielles d'emplois comme une bonne approximation. Il apparaît en effet que
la technique retenue par le Gouvernement pour mesurer les effets d'aubaine est
pour le moins contestable.
Dans le rapport présenté le 20 septembre dernier, le Gouvernement explique, en
effet, que la mesure de l'effet d'aubaine a été obtenue en comparant les
entreprises ayant signé un accord « Aubry » avec celles qui, appartenant à un
même secteur et ayant une taille comparable, n'ont pas signé d'accord. Les
experts du ministère de l'emploi estiment que la rupture observée dans
l'évolution des effectifs de ces entreprises constitue une mesure de l'effet
sur l'emploi de la réduction du temps de travail.
Le raisonnement, développé à la page 13 du tome I du bilan, serait correct si
l'on ne constatait pas avec étonnement, à la page 6 du tome II, dans les
annexes, un graphique tout à fait intéressant, et bien peu mis en valeur, qui
explique que l'évolution des deux catégories d'entreprises examinées par les
services du ministère différait déjà entre 1990 et 1996, c'est-à-dire avant le
vote de la loi Robien et bien avant celui de la première loi Aubry.
Tout cela signifie que, bien qu'appartenant à un même secteur et ayant la même
taille, les entreprises ayant signé un accord ne sont pas comparables à celles
qui n'en ont pas signé. L'évolution de l'emploi dans les entreprises
signataires est spontanément plus favorable.
(Mme le ministre
s'exclame.)
Paradoxalement, les données rassemblées dans les annexes du rapport publié le
20 septembre par le Gouvernement démontrent que l'effet d'aubaine joue à plein
et que les entreprises qui ont signé un accord en promettant d'embaucher
étaient celles qui avaient déjà tendance à embaucher, c'est-à-dire celles qui
bénéficiaient d'un avantage compétitif.
Quelle est, dans ces conditions, la véritable mesure de l'effet d'aubaine ?
Le Centre des jeunes dirigeants estime que 50 % des emplois créés relèvent de
l'effet d'aubaine ; les chambres de commerce et d'industrie parviennent à une
estimation de 70 %, tandis que Bernard Brunhes considère que la quasi-totalité
des embauches réalisées relève de l'anticipation, c'est-à-dire littéralement de
l'effet d'aubaine. Ces estimations ramèneraient à un nombre compris entre 25
000 et 43 000 les engagements relatifs à des créations ou des préservations
d'emploi en vertu de la loi du 13 juin 1998. Il pourrait donc exister un
rapport de un à quatre entre les emplois nouveaux qui n'auraient pas existé
sans la loi et les emplois annoncés. Ramenés au nombre des créations effectives
d'emplois tel que les estime le Gouvernement, cela signifierait que seuls 10
000 emplois nouveaux auraient été créés du fait de la loi du 13 juin 1998 sur
les 30 000 à 40 000 recensés par le Gouvernement à la fin du mois de septembre
1999.
M. Claude Domeizel.
C'est vous qui le dites !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Je rappelle de nouveau, à cet égard, que la croissance, à
elle seule, a généré la création effective de 500 000 emplois dans le secteur
marchand.
Ces chiffres limitent considérablement l'impact des 35 heures sur l'évolution
de l'emploi, ce que confirme l'analyse de l'évolution du chômage chez nos
voisins européens.
Le taux de chômage français, supérieur à 11 %, est, en 1999, parmi les plus
élevés de l'ensemble de l'Union européenne. Je crois que seule l'Espagne est
derrière nous. Ce taux est aujourd'hui de 7 % en Suède, 6,5 % en Irlande et au
Royaume-Uni, 4,5 % au Portugal, en Autriche et au Danemark, 3,3 % aux Pays-Bas.
Cette comparaison n'est pas à l'avantage de notre politique de l'emploi ! La
France, en effet, est le pays, parmi ceux qui avaient les plus hauts taux de
chômage en 1997, à avoir obtenu les moins bons résultats depuis deux ans en
termes de réduction du chômage.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Henri Weber.
Première nouvelle !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Je suis content de vous apprendre quelque chose !
(Sourires.)
En deux ans, la Suède, l'Irlande et la Finlande, qui connaissaient des taux de
chômage compris entre 10 % et 12 %, ont réduit celui-ci de 20 % à 33 %, contre
seulement 11 % pour la France. Seule l'Italie a fait moins bien que nous.
Peut-on le rappeler ? C'est le seul pays qui a manifesté un intérêt pour les 35
heures et qui a, d'ailleurs, depuis longtemps, renoncé à une politique
d'abaissement généralisé de la durée du travail.
Il apparaît clairement, au terme de cette analyse du bilan réalisé par le
Gouvernement, que les emplois ne sont pas au rendez-vous de la loi du 13 juin
1998.
Cette loi n'a pourtant pas été sans conséquence. La centaine d'accords de
branche et les 15 000 accords d'entreprise sont une réalité. Sous la contrainte
exercée par la perspective de la seconde loi, les partenaires sociaux ont
négocié ce dont les entreprises avaient besoin : la flexibilité. Cette loi a
fait « tomber les tabous » sur l'organisation du travail. Les salariés ont dû
accepter la flexibilité contre une amélioration des conditions de travail et
une réduction du temps de travail. Les accords signés ont prévu dans plus de 42
% des cas la fluctuation des horaires, dans 25,2 % le redéploiement des
qualifications des salariés et dans 21 % l'augmentation de l'amplitude
d'ouverture.
Les partenaires sociaux sont pourtant peu nombreux à considérer le bilan de la
loi du 13 juin 1998 comme satisfaisant.
Les désaccords entre le Gouvernement et les partenaires sociaux portent sur
quatre points : la capacité de ce dispositif à créer des emplois, l'ouverture
inopinée d'un débat sur la représentativité syndicale, l'articulation du second
projet de loi avec les accords déjà signés et la question du financement. On
pourrait ajouter la question de l'application des 35 heures aux trois fonctions
publiques, qui pose un problème de coût considérable.
L'article 2 de la loi du 13 juin 1998 appelait les partenaires sociaux « à
négocier d'ici les échéances fixées à l'article 1er » - 2000 ou 2002 selon la
taille de l'entreprise - « les modalités de réduction effective de la durée du
travail adaptées aux situations des branches et des entreprises ».
Les employeurs considèrent que les entreprises ont joué le jeu et que chacun a
négocié selon les exigences de sa profession, dans un dialogue parfaitement
classique. Or il semble bien que les accords étendus ne soient pas
opérationnels, le Gouvernement ayant refusé ce que demandaient les entreprises
concernant le régime des cadres, la durée du travail en cas d'annualisation, le
développement de la formation en dehors du temps de travail, ou encore le
nombre d'heures supplémentaires effectivement applicable.
La question de la validité des accords est essentielle. Vous venez de
rappeler, madame la ministre, votre position, qui consiste à considérer que le
projet de loi s'inspire largement des accords conclus et que les accords de
branche étaient tous pris en compte à l'exception des clauses illégales ; vous
l'avez d'ailleurs dit devant la commission des affaires sociales. Vous savez
que la commission des affaires sociales proposera un important amendement
tendant à valider l'ensemble des accords pour une durée de cinq ans. Ce
faisant, il s'agit simplement, pour elle, de tirer les conséquences des
négociations ouvertes par la loi du 13 juin 1998.
Le Gouvernement est face à ses propres contradictions. Il a incité, voilà
dix-huit mois, les partenaires sociaux à faire preuve d'imagination, à innover
et, aujourd'hui, le sort de ces accords négociés devrait dépendre de nouvelles
orientations définies par le Gouvernement
a posteriori,
selon un nouveau
principe de « rétroactivité sociale ».
Les chefs d'entreprise, dans ces conditions, peuvent dénoncer facilement le
double jeu du Gouvernement, qui exerce un droit de regard sur le contenu des
accords tout en précisant que les dispositions étendues « ne préjugent pas le
contenu de la seconde loi ».
Il apparaît aujourd'hui non seulement que les partenaires sociaux n'ont pu
négocier ce qu'ils souhaitaient, c'est-à-dire - je cite de nouveau les termes
de l'article 2 de la loi du 13 juin 1998 - « les modalités de réduction
effective de la durée du travail adaptées aux situations des branches et des
entreprises », compte tenu des réserves et des exclusions soulevées par le
ministère de l'emploi lors de l'extension, mais qu'il leur faudra encore
renégocier certains accords sur des clauses fondamentales, compte tenu des
dispositions figurant dans le présent projet de loi.
Autant la loi du 13 juin 1998 a pu être présentée comme une loi-cadre sur la
réduction du temps de travail, autant ce nouveau texte constitue un recadrage
brutal, compte tenu, notamment, des amendements souvent très contraignants
adoptés en première lecture à l'Assemblée nationale.
On peut rappeler les principales dispositions du projet de loi.
L'article 1er est sans doute le plus emblématique, puisqu'il confirme le
principe de la réduction de la durée légale à 35 heures au 1er janvier 2000
pour les entreprises de plus de vingt salariés et au 1er janvier 2002 pour les
autres.
L'article 2 modifie le régime des heures supplémentaires pour tenir compte de
l'abaissement de la durée légale prévu par l'article 1er.
L'article 3 unifie et simplifie le régime des modulations autour des 35
heures.
L'article 4 pérennise la possibilité d'organiser la réduction du temps de
travail sous forme de journées ou de demi-journées de repos.
L'article 5 distingue trois catégories de cadres.
L'article 6 modifie le régime du temps partiel.
L'article 11 prévoit des allégements de cotisations sociales pour les
entreprises ayant conclu un accord de réduction du temps de travail.
L'article 12 définit le barème d'allégement de cotisations sociales.
L'article 14 valide les accords conclus avant l'entrée en vigueur de cette
nouvelle loi, mais seulement pour un an.
L'article 15 traite des conséquences du refus par un salarié d'accepter une
modification de son contrat de travail consécutive à la réduction du temps de
travail.
L'article 16 garantit les revenus des salariés rémunérés au niveau du SMIC et
passés aux 35 heures.
L'étendue des dispositions du projet de loi comme leur complexité, notamment
en ce qui concerne le régime des heures supplémentaires, illustrent bien le
recadrage opéré par le Gouvernement à l'occasion de ce projet de loi. Il s'agit
non plus seulement d'abaisser la durée légale du temps de travail mais aussi de
renforcer l'encadrement par le code du travail du pouvoir de gestion des chefs
d'entreprise.
Le débat à l'Assemblée nationale a d'ailleurs pris un tour très idéologique.
L'objectif de création d'emplois est clairement passé au second rang derrière
la dimension sociale.
Vous avez déclaré, madame la ministre, que « les enjeux de la loi étaient
clairs : non seulement rechercher un meilleur équilibre quantitatif entre le
temps de travail, le temps pour soi, le temps pour les autres, mais aussi
améliorer la qualité de la vie de travail comme de la vie personnelle » à
travers le sport, le bricolage, le jardinage, la culture, la flânerie, etc.
Vous avez inscrit le projet de loi - je vous cite encore - « au coeur des
grandes luttes sociales de notre pays pour l'amélioration des conditions de
vie, pour la défense et le développement de l'emploi ». Je vous renvoie à la
page 6858 du
Journal officiel
des débats de l'Assemblée nationale,
séance du 5 octobre dernier.
A débat idéologique, texte idéologique, serait-on tenté de répondre. Il
apparaît en effet que l'adoption des nombreux amendements présentés quelquefois
conjointement par la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales de l'Assemblée nationale, les membres du groupe socialiste et les
membres du groupe communiste a sensiblement durci le texte. Par ailleurs, des
articles additionnels ont été adoptés sans rapport avec la réduction « négociée
» du temps de travail, qui réécrivent de nombreuses dispositions du code du
travail.
Le plus emblématique de ces ajouts « idéologiques » est sans doute
l'amendement à l'article 1er, déposé par la commission et les membres du groupe
socialiste, qui impose aux employeurs projetant un plan social d'engager
préalablement une négociation tendant à la conclusion d'un accord de réduction
du temps de travail.
Ces durcissements sont perceptibles tout au long du texte. La définition du
travail effectif - article 1er - a été modifiée pour inclure « le temps
nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses ainsi que
certains temps d'habillage et de déshabillage ».
Les horaires d'équivalence ont été strictement encadrés - article 1er
quater -
de même que les astreintes - article 1er
quinquies.
Le
délai de prise du repos compensateur a été réduit de six mois par un amendement
à l'article 2.
La durée maximale du travail hebdomadaire a été abaissée à 44 heures par un
article additionnel 2
bis.
Un repos hebdomadaire de 35 heures a été créé par un article additionnel 2
ter,
sans possibilité de dérogation, contrairement à ce que prévoit la
directive européenne.
Le régime unique de modulation de l'article 3 a été durci par un amendement
qui prévoit que l'accord doit préciser les données économiques et sociales
justifiant le recours à la modulation.
Un article 4
bis
a renforcé les modalités de contrôle du repos
dominical.
La catégorie des cadres dirigeants de l'article 5 a été strictement
délimitée.
Par ailleurs, des conditions supplémentaires pour obtenir le bénéfice des
allégements de cotisations sociales prévus à l'article 11 ont été
introduites.
Les modifications apportées par l'Assemblée nationale ont toutes privilégié le
renforcement et le durcissement de l'ordre public social, de préférence à
l'élargissement du champ d'intervention des partenaires sociaux.
Comme toujours avec ces « grandes lois » sur le renforcement des garanties
accordées aux salariés, il apparaît que les résultats contredisent parfois,
pour ne pas dire souvent, les objectifs. Non seulement ces lois ont tendance à
privilégier l'amélioration des conditions de travail des salariés en place au
détriment des perspectives d'emploi pour les chômeurs, mais il fait peu de
doute que les contraintes imposées aux chefs d'entreprise les amèneront à
augmenter encore la productivité, la substitution du facteur capital au facteur
travail, et donc à pénaliser l'emploi salarié.
Au-delà d'un principe - la réduction du temps de travail - et d'une méthode -
l'abaissement de la durée légale du travail - il existe donc une véritable
rupture entre la vision de la société qui porte ce projet de loi et les
convictions profondes que partagent la majorité des membres de notre
commission. Les 35 heures, bien qu'elles aient constitué la vingt-troisième des
cent dix propositions de François Mitterrand en 1981, n'avaient pas été
appliquées, la durée légale ayant été ramenée de 40 à 39 heures. Toutefois,
l'idée a demeuré. En 1982, deux des inspirateurs du présent projet de loi, MM.
Yves Barou et Jacques Rigaudiat, écrivaient déjà que la réduction du temps de
travail était la seule voie permettant d'éviter la solution néolibérale. Ils
considéraient que « travailler deux heures par jour, et 40 000 heures tout au
long de sa vie, ce vieux rêve de l'humanité, était aujourd'hui à notre portée
». Ils concluaient que « le droit à la paresse était d'abord une conquête à
réaliser avant d'être une jouissance à savourer ».
Sans dénier l'importance des loisirs pour les salariés, votre rapporteur
souhaite réaffirmer aujourd'hui combien le travail reste un principe de liberté
indispensable à la cohésion de la société, et vous l'avez rappelé voilà un
instant, madame la ministre. Comme l'observe très justement Max Weber, la
division du travail qui caractérise nos économies contraint chaque individu à
travailler pour les autres et constitue ainsi un puissant facteur d'unité et de
solidarité.
Plutôt que de considérer le travail comme une aliénation, je préfère penser
avec Hannah Arendt que « la condition humaine du travail est la vie elle-même
». Je rappellerai à cet égard les termes de la première phrase du cinquième
alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Chacun a le
devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. »
M. Henri Weber.
Excellente citation !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Comme j'ai essayé de le démontrer, je ne crois pas que notre
commission puisse accepter ce texte en l'état. Nos objections sont fondées.
Elles se trouvent par ailleurs aujourd'hui renforcées par les incertitudes qui
entourent le financement du dispositif.
Au Sénat, le 29 juin 1998, lors du débat sur la proposition de loi tendant à
alléger les charges sur les bas salaires, dont le premier signataire était M.
Christian Poncelet, alors président de la commission des finances, Mme Nicole
Péry, secrétaire d'Etat, avait déclaré - vous le voyez, nous avons de bonnes
lectures - que le Gouvernement n'avait pas souhaité poursuivre cette politique
d'allégement des charges pour trois raisons : le niveau des charges ne
constituait pas selon lui un obstacle certain à l'emploi, l'efficacité des
allégements de charges lui semblait relative et le financement d'un tel
dispositif lui apparaissait comme difficile.
Il est aujourd'hui entendu que le Gouvernement est revenu sur ses deux
premières objections - il reconnaît que le coût du travail constitue bien un
obstacle à l'emploi et que les allégements de charges sont efficaces - mais il
semble que le troisième point relatif au financement lui pose toujours un
problème, et je le comprends.
Le Gouvernement a en effet prévu dans le présent projet de loi un allégement
de cotisations sociales spécifique pour les entreprises signataires d'un accord
de réduction du temps de travail ayant abaissé la durée collective du travail à
35 heures au plus. Tout emploi inscrit dans ce cadre donnera droit, à partir de
l'an 2000, à un abattement de cotisations patronales compris entre 21 500
francs par an au niveau du SMIC et 4 000 francs à 1,8 SMIC et au-delà. Les
entreprises qui ne seront pas éligibles au nouveau dispositif contineront de
bénéficier de la ristourne dégressive sur les bas salaires, dite ristourne
Juppé.
Le financement des allégements de cotisations sociales et des aides « 35
heures » est assuré par un fonds de financement créé par l'article 2 du projet
de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2000 et auquel se
réfère le paragraphe XVI de l'article 11 du présent projet de loi.
Ce fonds a une double mission : financer les aides accordées aux entreprises
passant aux 35 heures et financer les allégements de charges sociales sur les
bas salaires.
Le suivi des modalités de financement de ce fonds constitue une vraie prouesse
puisqu'elles ne cessent de changer depuis une dizaine de jours.
Ce fonds est alimenté par des recettes d'origines diverses. Il bénéficie tout
d'abord d'une fiscalité affectée, pas moins de trois prélèvements : droits sur
les tabacs, contribution sociale sur les bénéfices et taxe générale sur les
activités polluantes. Ce fonds bénéficie également, dans la rédaction adoptée
sans modification par l'Assemblée nationale et que nous examinons aujourd'hui,
de contributions de l'Etat, de l'UNEDIC et des régimes de sécurité sociale.
En 2000, le financement de la ristourne Juppé sur les bas salaires actuelle
est assuré par 85,5 % des droits sur les tabacs dans la limite de 39,5
milliards de francs.
L'extension de la ristourne Juppé actuelle sur les bas salaires serait
financée par l'agrégation improbable de la taxe générale sur les activités
polluantes - 3,2 milliards de francs - et de la contribution sociale sur les
bénéfices des sociétés - 4,3 milliards de francs.
Les 17,5 milliards de francs résultant directement des 35 heures devaient être
financés en 2000 par une contribution de l'Etat, une contribution des régimes
de protection sociale et une contribution de l'UNEDIC.
Par ailleurs, il convient de rappeler que le produit de la contribution de 10
% sur les quatre heures supplémentaires entre trente-cinq et trente-neuf
heures, payée par les entreprises dont la durée collective du travail n'a pas
été abaissée à trente-cinq heures, est affecté au fonds. Mais cette taxe ne
peut en aucun cas constituer une recette comptable pérenne. Le Gouvernement
avait d'ailleurs prévu initialement de la considérer comme une réserve de
trésorerie.
Le financement du fonds à terme nous semble encore moins défini. Dans l'exposé
des motifs de l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité
sociale, il est précisé que « les dépenses seraient de l'ordre de 100 à 110
milliards de francs par an ». Le coût proprement dit des 35 heures atteindrait
alors 40 milliards de francs - vous l'avez rappelé voilà un instant, madame le
ministre, et nous ne sommes pas en opposition sur ce chiffre - et l'extension
de la « ristourne Juppé », 25 milliards de francs. Les 40 premiers milliards de
francs d'allégements seraient toujours financés par les tabacs, et les 25
milliards de francs supplémentaires le seraient par la taxe générale sur les
activités polluantes et par la contribution sociale sur les bénéfices des
sociétés. La contribution des organismes sociaux et de l'Etat était estimée à
40 milliards de francs.
Votre rapporteur, comme, je crois, la majorité des membres de la commission,
ne pouvait qu'être très défavorable à ce plan de financement.
L'affectation des droits sur les tabacs à un fonds de financement mélangeant
allégements et aides pérennes au passage aux 35 heures ne répond en rien à un
impératif de santé publique.
La contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, dont l'affectation au
fonds de financement est proposée à l'article 3 du projet de loi de financement
de la sécurité sociale, est, en fait, une majoration déguisée de l'impôt sur
les sociétés. Le produit de la taxe générale sur les activités polluantes est
détourné de son objet, qui devrait être la réparation des dommages causés à
l'environnement.
Par ailleurs, votre rapporteur estime que demander des contributions à la
sécurité sociale et à l'UNEDIC pour financer des allégements de charges et la
réduction du temps de travail constitue un détournement de la finalité des
ressources de ces régimes, compte tenu des ambiguïtés qui entourent la notion
de « recyclage » des bénéfices à attendre des créations d'emplois dans le cadre
des 35 heures.
Les régimes sociaux et les partenaires sociaux ont réaffirmé en juillet et en
septembre leur opposition à cette contribution. En maintenant son dispositif
jusqu'à la première lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a pris le
risque de mettre fin au paritarisme dans les régimes sociaux, ce qui est très
grave.
Au surplus, ces contributions présentaient le caractère d'impositions. Chacun
le sait, le législateur est seul compétent pour fixer les règles concernant «
l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute
nature », conformément à l'article 34 de la constitution du 4 octobre 1958.
Si l'annonce par le Gouvernement de l'abandon du principe d'une contribution
de la part des régimes sociaux et de l'assurance chômage doit être saluée comme
un « retour à la raison », elle ne laisse pas moins la question du financement
en suspens.
Le Gouvernement a annoncé que cette contribution serait remplacée par une
fraction des droits de consommation sur les alcools au détriment du fonds de
solidarité vieillesse, dont les excédents étaient jusqu'alors destinés à
l'alimentation du fonds de réserve pour les retraites.
Il manquera huit milliards de francs dès l'an prochain ; il manquerait une
vingtaine de milliards de francs à terme. Ce projet de loi ne paraît donc pas
financé en totalité.
Afin de ne pas être accusé de préférer les 35 heures aux retraites, le
Gouvernement a décidé, par un amendement à l'article 10 du projet de loi de
financement de la sécurité sociale, adopté par l'Assemblée nationale,
d'affecter au fonds de réserve des retraites 49 % du prélèvement social de 2 %
sur les revenus du patrimoine et les produits de placements.
Ce prélèvement social était affecté à la caisse nationale d'allocations
familiales, la CNAF, à la caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV et à
la caisse nationale d'assurance maladie, la CNAM. La fraction affectée à la
CNAM passerait de 28 % à 8 %, celle de la CNAF de 22 à 13 % et celle de la CNAV
de 50 à 30 %.
Les organismes de sécurité sociale contribueront ainsi, de manière certes
indirecte, au financement des 35 heures, non pas par un prélèvement classé dans
leurs « dépenses », mais par une perte de recettes.
On notera que la loi portant création de la couverture maladie universelle, la
CMU avait prévu que la CNAM bénéficierait de 28 % de ce prélèvement, dans le
cadre du financement de la couverture maladie universelle. Le financement de la
CMU est remis en cause avant même le début d'entrée en vigueur de cette
réforme. La CNAM financera de manière indirecte les 35 heures, au détriment de
la CMU.
Ce nouveau tour de passe-passe financier, s'il est bien exact et s'il n'y a
pas erreur de lecture, est bien entendu inacceptable pour la commission des
affaires sociales, qui dénonce une tentative visant à rétablir le principe
d'une contribution des régimes sociaux au financement des 35 heures.
Le rapporteur que je suis prend acte des reculs et des hésitations du
Gouvernement. Il vous propose d'apporter une solution radicale aux problèmes
posés par ce projet de loi en modifiant ce dernier selon quatre principes.
Le premier axe est la suppression des dispositions relatives à l'abaissement
de la durée légale du travail. Il s'agit de l'article 1er, mais aussi des
articles 2 - le régime des cadres - 11 - l'allégement des charges s'il y a
réduction du temps de travail - 12 - le barème de l'allégement - 16 - le double
SMIC - et 17 - les 35 heures dans le secteur agricole.
Le deuxième axe est la correction des dispositions adoptées à l'Assemblée
nationale pour durcir le texte. Il s'agit de supprimer ou d'amender les
articles 1er
bis
- les contreparties à l'aménagement du temps de travail
- 1er
ter
- la modification de la durée du travail effectif - et 4
bis
- le renforcement du contrôle du travail dominical.
Le troisième axe est l'enrichissement des dispositions non liées à
l'abaissement de la durée légale du travail.
Des amendements importants sont notamment proposés aux articles 3 - le régime
unique de modulation - 6 - le travail à temps partiel - et 9 - le compte
épargne-temps.
Enfin, le quatrième axe est le développement de la négociation collective et
la garantie de l'application des accords. Quatre amendements visant à créer des
articles additionnels vous seront proposés.
Le premier de ces amendements tend à appeller les partenaires sociaux à
participer à une conférence nationale sur le développement de la négociation
collective.
Le deuxième a pour objet de valider pour cinq ans les clauses des accords
conclus en application de la loi du 13 juin 1998.
Le troisième vise à valider l'accord signé par les partenaires sociaux le 8
avril 1999 qui reconduit le mandatement tel qu'il avait été défini par l'accord
interprofessionnel de 1995.
Enfin, le quatrième de ces amendements tend à prévoir que les établissements
du secteur sanitaire, social et médico-social pourront bénéficier de l'aide
prévue par la première loi Aubry jusqu'en juin 2000 afin de tenir compte des
contraintes spécifiques auxquelles doivent faire face ces établissements du
fait de la procédure d'agrément.
Telles sont les propositions que la commission vous proposera d'adopter par
voie d'amendements.
Ces propositions ont pour objet de réhabiliter le dialogue social et la
confiance dont peuvent se prévaloir les partenaires sociaux dans la recherche
de l'intérêt général en matière d'emploi, d'organisation du temps de travail et
de protection sociale. Depuis deux ans, les partenaires sociaux ont pu
légitimement se sentir dessaisis par l'intervention du législateur.
Aujourd'hui, la commission vous propose de revenir sur les dispositions du
projet de loi qui matérialisent cette méfiance envers les partenaires sociaux.
Elle vous propose également de préparer l'avenir en favorisant le développement
d'un droit de la durée du travail qui reposerait principalement sur des
dispositions conventionnelles.
Il s'agit d'une autre démarche que celle qui est privilégiée par le
Gouvernement, une démarche qui pourrait mener à l'adoption par le Sénat d'une
loi très différente de celle qui a été votée par l'Assemblée nationale : une
loi à la fois plus modeste parce qu'elle s'appuie principalement sur la
négociation collective et plus ambitieuse parce qu'elle repose sur les femmes
et les hommes qui, quelles que soient leurs fonctions, font avancer notre
économie et assurent le développement de notre société.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 59 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 39 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 26 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dix-huit mois
après l'entrée en vigueur de la loi du 13 juin 1998 qui a permis de relancer le
processus séculaire et continu de la réduction du temps de travail, nous
engageons à nouveau le débat sur un projet phare de la gauche plurielle visant
à généraliser et à mettre en oeuvre, à compter du 1er janvier 2000,
l'abaissement effectif à 35 heures par semaine de la durée légale du
travail.
Depuis des années, le mouvement syndical, les salariés étaient porteurs d'une
telle revendication.
Conçue non seulement comme un moyen efficace de lutter contre le chômage, la
réduction du temps de travail doit être aussi et avant tout un facteur
d'amélioration des conditions de travail, de bien-être, de meilleure maîtrise
du temps.
Certains, résolument hostiles par principe à cette idée novatrice pour
l'évolution de notre société, considèrent que la réduction du temps de travail
est « en train de développer dans le pays la culture de la paresse » ! Je
n'invente rien, ces propos ayant été tenus par un député ! Les chômeurs, les
salariés précaires à temps partiel, les cadres apprécieront !
D'autres, conscients que les entreprises ne peuvent faire l'économie d'une
réflexion globale sur leur organisation, se servent de la réduction du temps de
travail comme d'un alibi pour aménager le temps de travail, le moduler,
l'annualiser, en somme le « flexibiliser ».
« Librement négociée, associée à une souplesse indispensable de l'économie »,
telles sont les conditions posées à la réduction du temps de travail ! Oui aux
conditions nouvelles de disponibilité quasi permanentes imposées aux salariés,
aux amplitudes horaires débridées, aux heures supplémentaires non payées ; le
tout sans garanties ni contreparties réelles !
Je rappellerai qu'actuellement près d'un salarié sur deux travaille le samedi,
régulièrement ou non ; un travailleur sur quatre serait contraint de travailler
le dimanche.
En fait, aucune réflexion d'envergure, aucun dialogue sur un projet commun de
développement ne viennent contrarier l'objectif de baisse du coût du travail ;
il s'agit le plus souvent, et en s'appuyant sur un volant de main-d'oeuvre
précaire non négligeable, d'optimiser les marges en produisant en flux
tendu.
Ces dernières années, les entreprises ont usé de l'excuse du chômage de masse,
de la concurrence pour obtenir toujours plus de déréglementation, de
flexibilité. Au sein d'une même entreprise se côtoient de plus en plus des
salariés à temps plein, à temps partiel, en pluri-activité. Consécutivement à
l'intensification du travail, les souffrances tant physiques que mentales font
des ravages. Pour autant, cette souplesse prétendument nécessaire a-t-elle
engendré de l'emploi stable et correctement rémunéré ? Certainement pas !
Entre 1993 et 1997, la part de l'emploi temporaire - contrats à durée
déterminée et intérim - a représenté 87 % de la croissance en emploi. La
précarité a explosé. Le rapport capital-travail s'est profondément dégradé. La
masse salariale n'a cessé de baisser.
L'étude annuelle de l'INSEE sur les « revenus et patrimoines des ménages »,
publiée en octobre, est riche d'enseignements sur le niveau de vie des
personnes payées au SMIC : ainsi, 63 % de ces salariés ont perçu, en fait, au
titre de 1996, moins que l'équivalent d'un SMIC annuel imposable. Le temps
partiel, les périodes d'inactivité en sont la cause.
Voilà le résultat de votre laissez-faire, de votre positionnement sur un
registre ultra-libéral !
La croissance en emplois était finalement inexistante, et toute négociation
était jusqu'à ces dernières années bien souvent impossible, voire dans
l'impasse.
Contrairement à vous, nous pensons qu'une action volontariste est plus que
justifiée dans le domaine de l'emploi et que c'est à la loi d'impulser, de
fixer un cadre, un socle solide de droits et de garanties servant en l'espèce
d'appui, de levier aux négociations des 35 heures.
Plus généralement, nous attendons de l'Etat qu'il intervienne pour réguler la
sphère économique.
L'annonce simultanée faite, début septembre, par le groupe Michelin d'un
nouveau plan de restructuration prévoyant à la clé la suppression de 7 500
emplois en Europe et d'excellents résultats a évidemment suscité une vive
indignation, de fermes condamnations.
Mais au-delà, à nouveau, des questions de fond ont été pointées concernant les
conséquences de la mondialisation, l'efficacité des fonds publics distribués,
la pression insupportable des marchés financiers et les mécanismes possibles de
régulation.
Malgré la baisse des chiffres du chômage, l'amélioration notamment de l'emploi
des jeunes et des chômeurs de longue durée, ce dont nous nous réjouissons, des
conjonctures mondiale et nationale plus favorables, la rentrée sociale est
marquée par des inquiétudes fortes.
Pour y répondre, les parlementaires communistes ont rappelé l'urgence de
réformes législatives visant non seulement à lutter contre le développement du
travail précaire mais aussi à s'attaquer aux licenciements économiques.
Le débat en deuxième lecture, à l'Assemblée nationale, sur la deuxième loi
relative à la réduction négociée du temps de travail a permis d'apporter un
début de réponse, notamment avec l'adoption de l'amendement Michelin.
Le traitement que vous réservez à cette disposition - la suppression - les
commentaires qu'elle suscite de la part de la majorité de la commission des
affaires sociales du Sénat témoignent que, pour certains, les licenciements
sont un mal nécessaire !
A l'inverse, nous comptons saisir toutes les opportunités pour que cette
disposition soit non pas une simple réponse de circonstance, mais un prélude à
une réforme de la procédure des licenciements économiques.
Je rappelle que nous avons déposé une proposition de loi visant à prévenir les
licenciements, en faisant réellement de ces derniers un ultime recours pour
l'employeur et en renforçant notamment les droits des comités d'entreprise et
des syndicat ; cette proposition de loi se nourrit des avancées de la
jurisprudence en ce domaine.
Pour en terminer sur ce point - mais j'aurai l'occasion d'y revenir lors de
l'examen de l'article 15 - j'attire l'attention du Gouvernement sur le fait
qu'il serait dangereux, sous couvert de sécurisation juridique, de permettre le
contournement des obligations auxquelles les employeurs sont tenus de par la
loi du 27 janvier 1993 ou des jurisprudences Framatome et Majorette. Qu'il
s'agisse d'un licenciement économique direct ou détourné, la règle qui doit
demeurer est celle de l'élaboration d'un plan social, du contrôle par les
représentants du personnel et par le juge en amont.
Les exigences sociales réalistes et légitimes, exprimées notamment à
l'occasion de la manifestation du 16 octobre dernier, rappellent combien il est
impérieux que le Gouvernement continue de se servir de différents leviers pour
combattre le chômage.
Aujourd'hui, l'aberration, ce ne sont pas les 35 heures, comme se plaisent à
le rappeler inlassablement le MEDEF ou certains parlementaires de droite, qui
jurent de défaire cette loi dès qu'ils en auront l'occasion. L'aberration,
c'est le non-emploi, le sous-emploi, les millions de chômeurs, les journées de
travail « à rallonge », les semaines « marathon » ! L'aberration, c'est le
développement de la précarité, de la grande pauvreté, de la misère.
L'aberration, c'est cette France duale qui se construit sous nos yeux.
Je partage pleinement le point de vue de M. Cazettes qui, concernant le
rassemblement organisé par le MEDEF, a dit y retrouver « des accents archaïques
de l'époque du début du siècle, quand il s'agissait d'interdire le travail de
nuit des enfants ».
Les parlementaires communistes ont fait le choix des 35 heures, ils ont été à
l'origine de cette problématique et l'ont portée.
Nous partageons les ambitions, les enjeux de cette loi qui doit permettre de
créer ou de préserver des emplois stables pour donner tout son sens à
l'objectif du plein emploi, de dégager du temps libre pour les salariés - du
temps réellement maîtrisé pour les loisirs, la famille, la vie associative - et
d'améliorer les conditions de travail en réorganisant celui-ci au sein de
l'entreprise, tout en permettant la promotion de l'égalité professionnelle et
des droits des salariés.
Après un an d'application de la première loi sur la réduction du temps de
travail, des accords de branche et d'entreprise extrêmement divers ont été
conclus en fonction des réalités et des rapports de forces existants. Ce qui a
pu être accepté dans une branche, dans le cadre d'accords souvent minoritaires,
voire très minoritaires - comme pour la banque ou la chimie - a souvent été
rejeté dans biens d'autres.
L'étude de la direction de l'animation, de la recherche, des études et des
statistiques, la DARES, annexée au bilan et au rapport d'analyse du ministère
de l'emploi et de la solidarité, révèle qu'une fois sur deux, en cas d'accord,
la modulation des horaires est la monnaie d'échange du passage aux 35
heures.
Cette augmentation des amplitudes horaires, cette souplesse accrue qui va de
pair avec des postes à temps partiel et des bas salaires ont fait irruption
dans les entreprises et dans des secteurs précédemment peu coutumiers de cette
organisation du travail. En revanche, là où ces modalités s'appliquent déjà,
les négociations sur les 35 heures ont permis de réduire et de mieux planifier
ces dernières.
L'accord dans le textile, signé par tous les syndicats en octobre 1998, en
témoigne. Il nous enseigne aussi que, dans un secteur dit « sinistré », des
avancées peuvent être obtenues et qu'il est possible, même dans des petites
entreprises, d'avoir une vraie réduction du temps de travail avec maintien des
rémunérations et création d'emplois ! Il s'agit donc de négocier.
Le MEDEF fait de la résistance, comme vous, messieurs de la majorité
sénatoriale, qui mettez tout en oeuvre pour vider de son sens la réduction du
temps de travail.
Quant à nous, nous avons travaillé pour enrichir le texte proposé par le
Gouvernement, voire en infléchir l'équilibre.
Notre intention n'est pas de corseter, de durcir le texte, mais tout
simplement de réaffirmer et renforcer des garanties légales afin d'assurer une
négociation plus équilibrée.
Pour que cette revendication sociale majeure des salariés soit effectivement
facteur de progrès tant économique que social et soit réellement à la hauteur
des attentes des Français, les parlementaires communistes ont amendé ce
texte.
Concernant les modalités sociales de passage aux 35 heures, nous avons fait un
certain nombre de propositions visant toutes à ce que la réduction du temps de
travail soit la plus riche possible en emplois et la moins propice à la
flexibilité.
Certains points du texte ont évolué en ce sens. Je pense notamment à
l'intégration des temps de pause, d'habillage et de repas dans le temps de
travail effectif lorsque les salariés demeurent à la disposition de
l'employeur, ou encore à la majoration de 50 % des heures supplémentaires dès
la quarante-troisième heure au lieu de la quarante-septième heure, comme le
prévoyait initialement le texte.
Par ailleurs, dans le cadre de la modulation, un délai de prévoyance et une
consultation du comité d'entreprise ont été instaurés.
L'abattement de 30 % des charges sociales pour le temps partiel sera supprimé
en 2001, mais les aides restent acquises pour les contrats en cours.
Un dépassement régulier des horaires de travail prévu dans le contrat à temps
partiel pourra entraîner sa révision.
Sur le SMIC, enfin, les salariés des entreprises nouvelles pourront bénéficier
du SMIC réévalué à condition qu'un accord soit signé. Toutefois, à défaut, ils
en seront exclus.
Nous n'entendons pas ici minimiser les améliorations sensibles apportées au
texte. Par nos amendements et nos interventions, nous ciblerons toutefois les
points qui demeurent insuffisants ou qui appellent des précisions. C'est ainsi
que mon amie Nicole Borvo interviendra spécifiquement sur le problème des
cadres.
Nous insisterons également sur la question de l'application de la réduction du
temps de travail dans la fonction publique, sur la période transitoire qui joue
contre l'emploi, sur les dangers de la banalisation de la modulation et de
l'annualisation du temps partiel - que certains décrivent comme un choix assumé
par une majorité de femmes ! - mais aussi sur le SMIC, la formation
professionnelle et la sécurisation juridique.
Je tiens à m'arrêter sur les ajouts importants apportés à l'article 11
concernant le financement.
Sur des points sensibles tels que la subordination des aides à un engagement
de création ou de préservation de l'emploi, ou encore les droits nouveaux dans
le contrôle de l'utilisation des aides et le suivi des engagements pris dans
les accords, il était capital que le texte initial évolue. Nous nous en
réjouissons.
Depuis quelques jours, il est acquis que les organismes sociaux ne
contribueront pas à financer les 35 heures. C'est aussi un pas positif !
Toutefois, la question essentielle du choix opéré privilégiant la baisse du
coût du travail reste posée. Nous avancerons notre proposition d'un financement
alternatif favorisant l'emploi et les dépenses de formation.
Nous verrons, tout au long des débats, que les solutions que vous préconisez
tendent toutes à promouvoir des outils de flexibilité tels que la modulation,
le travail à temps partiel ou le compte épargne temps et à valider, comme le
demande le MEDEF, les clauses illégales des accords conclus en application de
la première loi.
A l'évidence, votre état d'esprit est beaucoup plus tourné vers la
déréglementation et le démantèlement du code du travail que vers la
construction au service du progrès social.
Vous laissez le champ libre aux négociations, tout en écartant le principe
majoritaire !
En supprimant treize articles - tout ce qui concerne la réduction du temps de
travail ! - vous faites de ce projet de loi un texte sur la réorganisation du
travail, sur la flexibilité, en fait un texte de déréglementation, sans oublier
de revendiquer allégements et exonérations sans conditions au nom du « toujours
plus » !
Vous comprendrez que nous ne pourrons que nous opposer vivement à un tel texte
et voter contre un projet de loi complètement dénaturé.
(Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, prenant la
parole au nom de la majorité de mes collègues du groupe du Rassemblement
démocratique et social européen, je ne peux m'empêcher d'évoquer la discussion
ici-même de la première loi relative aux 35 heures, celle du 13 juin 1998, qui
avait montré le caractère ambitieux et singulier du projet gouvernemental :
ambitieux, parce qu'il est évidemment difficile d'imposer à toutes les
entreprises travaillant en France une obligation générale et uniforme ;
singulier parce que nos partenaires européens ne partagent pas du tout cette
orientation et regardent avec détachement, voire amusement - nous l'avons
constaté lors du dernier sommet de Cologne - notre expérience.
M. Jacques Peyrat.
Exactement !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Permettez-moi d'abord de rappeler, madame la ministre, que, contrairement à
certains, j'ai toujours pensé que la réduction de la durée du temps de travail
pouvait constituer un moyen parmi d'autres de la lutte contre le chômage. Avec
mon excellent collègue M. Gérard Larcher, nous avions d'ailleurs, dès 1994,
tenté d'inscrire dans la loi sur l'emploi - après un débat très difficile, vous
vous en souvenez sans doute, mes chers collègues - une première expérimentation
de la réduction de la durée du travail ; puis nous avons soutenu le projet
élaboré par nos collègues de l'Assemblée nationale avec M. de Robien et
d'autres parlementaires, mais je rappelle toutefois qu'il s'agissait d'une
réduction négociée, facultative et qui donnait lieu à aide publique pour les
seules créations d'emplois.
M. Jacques Peyrat.
Ah oui ! C'était différent !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Depuis lors, l'actuel gouvernement est allé beaucoup plus loin, en dépit de
nos avertissements. Et si, madame la ministre, je tiens à saluer la fermeté de
vos convictions et la continuité de votre pensée, je ferai néanmoins porter mon
intervention sur les quatre points les plus discutables du projet de loi qui
nous est soumis aujourd'hui, quatre points sur lesquels je tiens à prendre date
car ce gouvernement - ou celui qui le suivra - sera obligé de rechercher plus
ou moins rapidement des compromis, voire de modifier ses positions.
Le premier point concerne les petites et moyennes entreprises et l'obstination
du Gouvernement à leur appliquer la réduction du temps de travail à 35 heures,
à taxer les heures supplémentaires, et à le faire tout de suite dès lors
qu'elles emploient plus de vingt salariés.
C'est, pour moi, le défaut le plus grave du projet de loi, et ce pour trois
raisons.
Tout d'abord, il est impossible à une PME, qui fait souvent travailler des
spécialistes, d'acquérir une flexibilité suffisante du temps de travail,
surtout si le recours au travail à temps partiel est rendu plus difficile, ce
que propose le Gouvernement dans son projet de loi.
Ensuite, il est dangereux d'imposer des règles rigides au seul secteur de
l'économie productive qui soit créateur net d'emplois et générateur de
recettes, tant pour les régimes sociaux que pour les caisses publiques.
Enfin, il est contraire à nos engagements européens de fixer le seuil à vingt
salariés alors que, pour la Commission et pour l'ensemble de nos partenaires,
la petite et moyenne entreprise devra comporter demain entre cent et deux cents
salariés. C'est donc, bien entendu, bien au-delà de vingt salariés qu'il
faudrait mettre en oeuvre une législation plus contraignante.
Ce n'est pas parce qu'il y a eu chez Michelin des déclarations mal calculées
et mal calibrées
(Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen)...
Mme Hélène Luc.
Il ne s'agissait pas seulement de déclarations !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... qu'il faut que l'ensemble des entreprises de moins de vingt salariés en
subissent les conséquences !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centristre, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
J'ajoute, mes chers collègues, que les innombrables activités
associatives employant plus de vingt salariés entrent directement dans le champ
d'application de la loi, ce qui va nous poser à tous, nous qui sommes
gestionnaires de collectivités, de sérieux problèmes de financement dès l'année
prochaine. Mais, bien entendu, personne n'en a jamais parlé !
M. Jacques Peyrat.
Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Le deuxième point sur lequel il me paraît difficile de vous suivre, c'est le
SMIC.
J'avais indiqué dès la discussion de la première loi, madame la ministre, que
la fixation du SMIC serait essentielle après la réforme pour le succès ou
l'échec de la loi.
M. Jacques Peyrat.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Il fallait, en effet, concilier deux exigences contradictoires, dont la
première était de ne pas réduire le pouvoir d'achat des salariés payés au SMIC,
car il ne s'agit pas dans cette affaire de reculer, et la seconde de ne pas
majorer le SMIC de 11 %, car, cette majoration de charges sociales et
salariales pesant sur les entreprises, elle risquait de créer de nouvelles
poches de chômage, surtout dans le contexte actuel où l'inflation est presque
nulle.
A cet égard, la solution que vous avez acceptée à l'Assemblée nationale me
paraît tout à fait aberrante. En effet, maintenir le salaire au niveau du
passage à trente-cinq heures en octroyant un complément différentiel de salaire
va dans le sens de la complexité et augmente le coût du projet pour l'Etat.
M. Alain Gournac.
Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Différentes situations coexisteront ainsi pendant plusieurs années dans les
entreprises et, ce qui me paraît le plus grave, la création d'entreprises
nouvelles sera, une fois de plus dans notre pays, contrariée par ce dispositif,
comme si nous avions assez de créateurs d'entreprises et comme si nous étions
suffisamment riches pour nous permettre de repousser les nouvelles technologies
!
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mon sentiment est qu'une autre solution aurait été possible : garantir le
salaire net actuellement payé pour trente-neuf heures au nouveau SMIC à
trente-cinq heures, mais réduire le montant des charges sociales en intégrant
les ristournes « Juppé et Balladur ». C'était sans doute trop simple, mais il
faudra bien y venir un jour !
Le troisième point de désaccord concerne la négociation collective.
L'excellent exposé de mon ami M. Souvet, rapporteur de la commission des
affaires sociales, me permettra d'être bref sur ce sujet, car ce dernier a
parfaitement illustré le problème.
Le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale, durci par un certain nombre
d'amendements - et j'ai entendu que M. Fischer souhaitait encore en rajouter
-...
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... va tout à fait à l'inverse de la négociation collective : on privilégie
l'aspect législatif, on supprime les marges de manoeuvre et on impose à des
négociateurs qui ont déjà signé des accords de revenir à des clauses qui sont
contraires au présent texte. On ne peut plus dire qu'il s'agit d'une réduction
négociée de la durée du travail !
S'il est souhaitable que le dialogue social soit, comme vous l'avez souligné,
madame la ministre, encadré par des prescriptions législatives, on ne peut pas
supprimer des accords entiers au motif qu'ils ne sont pas conformes à l'idée
que le Gouvernement se fait du fonctionnement des entreprises !
M. Jacques Peyrat.
Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade.
La commission des affaires sociales a longuement examiné tous ces aspects. Je
crois que la voie dans laquelle la majorité plurielle s'est engagée avec vous,
madame la ministre, comporte un risque, à savoir qu'à force de légiférer dans
le détail, on suscitera des contentieux très nombreux et que, finalement, c'est
la chambre sociale de la Cour de cassation qui élaborera une jurisprudence
s'appliquant à tous. Par conséquent, et la négociation collective et le
Parlement auront perdu leurs prérogatives au profit, une fois de plus, de la
justice, et l'on nous dira que puisque telle est la jurisprudence, il faut
l'appliquer !
(M. Jacques Machet approuve.)
Le quatrième et dernier point que je voudrais évoquer concerne bien
entendu, madame la ministre, le coût du dispositif.
Si je voulais plaisanter - ce qui n'est pas mon habitude - je dirais que ce
dispositif relève davantage des tribulations du sapeur Camember que de la
réflexion logique et sérieuse d'un gouvernement soucieux d'assurer son
financement à hauteur de 100 milliards de francs par an.
(M. Jacques Machet applaudit.)
M. Henri Weber.
Facile !
M. Charles Descours.
On y reviendra !
M. Jean-Pierre Fourcade.
En effet, on creuse un trou, on en bouche un autre, et l'on modifie des flux
de recettes puisque les partenaires sociaux, qu'il s'agisse du patronat ou des
syndicats, ont bien sûr refusé que les régimes sociaux financent la réduction à
trente-cinq heures de la durée du temps de travail.
Toutefois, vous aboutissez quand même à ce résultat, par le biais de la
diminution du montant des affectations aux différentes caisses du produit de
cette fameuse redevance de 2 % que vous avez évoquée, madame la ministre. Cela
étant - et c'est à mes yeux plus grave que de creuser des trous pour en combler
d'autres - ce financement complémentaire de quelques dizaines de milliards de
francs risque d'amener la disparition des marges de manoeuvre dont nous aurions
besoin au cours des prochaines années pour alléger la fiscalité qui pèse sur
les ménages et sur les entreprises. En effet, comme nous serons obligés, qu'on
le veuille ou non, de nous aligner sur les taux de prélèvement pratiqués par
nos principaux partenaires de l'Union européenne, il faudra déployer des
trésors d'imagination...
M. Henri Weber.
Nous en avons !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... pour supprimer des dépenses. A cet égard, le texte que nous examinons me
semble aller dans le mauvais sens, car son entrée en vigueur nous obligera à
relever encore le taux des prélèvements fiscaux supportés par les ménages ou
par les entreprises.
Je sais bien, madame la ministre, que votre dispositif prévoit l'intégration
des suppressions ou des réductions de charges sociales, ce qui représente un
montant total de 65 milliards de francs - à rapprocher des 40 milliards de
francs que coûtera la réduction de la durée du temps de travail. Cependant, le
Sénat vous avait proposé une formule infiniment plus simple que tous ces
mécanismes qui s'emboîtent comme des poupées gigognes.
A nos yeux, la solution consistait en effet à accorder une franchise de
charges sociales de 1 000 ou 2 000 francs par salarié, ce qui est important
s'agissant des rémunérations voisines du SMIC, mais dérisoire eu égard aux
salaires des cadres, qui sont beaucoup plus élevés.
Or on m'avait expliqué, à l'époque, que l'octroi d'une franchise de 1 000
francs par salarié représentait une perte de recettes de 35 milliards de
francs, et que le coût d'une franchise de 2 000 francs atteignait 70 milliards
de francs, soit un montant voisin des 65 milliards de francs que j'évoquais à
l'instant !
Par conséquent, il serait plus simple d'adopter le système de la franchise.
Cela permettrait d'éviter la mise en oeuvre de tous ces mécanismes complexes
difficiles à comprendre.
Je voudrais conclure en ne dissimulant pas, mes chers collègues, l'inquiétude
que je ressens à la lecture des rapports rédigés par tous les experts
compétents, qu'ils soient issus du Fonds monétaire international, de l'OCDE, de
la Commission européenne ou de différentes banques. Tous estiment en effet que
le droit du travail est, en France, trop rigide et peu propice à la création
d'entreprises, notamment dans le secteur essentiel des nouvelles technologies.
La question qui me hante est de savoir si nous ne sommes pas en train, pour
atteindre un objectif social louable, celui de la réduction de la durée du
travail, de compromettre nos perspectives de développement économique et de
réduction du chômage. Pour n'avoir pas voulu réformer à temps le système de
financement de la sécurité sociale, ne sommes-nous pas en voie de nous
singulariser en Europe et dans le monde ?
C'est pour essayer d'apaiser cette inquiétude et de remettre un peu d'ordre
dans ce texte confus qui nous vient de l'Assemblée nationale que, avec la
majorité de mes collègues du groupe du RDSE, j'apporterai mon soutien aux
amendements présentés par la commission des affaires sociales.
(Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur celles des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste).
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mer
chers collègues, en adoptant, en juin 1998, la loi d'orientation et
d'incitation relative à la réduction du temps de travail, nous souhaitions
épauler les partenaires sociaux, afin que la relance du dialogue dans les
entreprises puisse déboucher à la fois sur la création d'emplois, sur une
amélioration des conditions de travail des salariés et sur un renforcement de
la compétitivité de nos entreprises.
Il est inutile, mes chers collègues, de s'enferrer dans de vaines polémiques
alors que les faits parlent aujourd'hui d'eux-mêmes.
En effet, cette initiative a permis à l'évidence de redynamiser un mouvement
de négociation collective - ce que vient d'ailleurs de relever le FMI - preuve
que le volontarisme politique, dans cette sphère, n'est pas une ingérence
relevant des vestiges d'un étatisme tout-puissant.
Vendredi dernier, nous avons pris connaissance des dernières statistiques
relatives au chômage, qui poursuit sa décrue au rythme de près de 9 % sur un
an. En deux ans, plus de 400 000 personnes ont ainsi trouvé un emploi.
C'est donc à la lumière de ces trois années d'expérimentation, incluant la
mise en oeuvre de la « loi Robien », que nous sommes amenés aujourd'hui à
redéfinir et à stabiliser certaines références essentielles de notre
législation du travail.
En effet, ces premières négociations nous ont révélé, par exemple, que les
cadres exprimaient eux aussi de fortes aspirations en matière de réduction du
temps de travail. De plus, des difficultés sont apparues au détour, notamment,
du calcul du temps de travail effectif, de la modulation ou du temps
partiel.
L'abaissement de la durée légale du travail est, vous l'avez réaffirmé, madame
la ministre, un outil au service de la création d'emplois. Mais cela
s'accompagne de mutations qui ne doivent pas se traduire par une précarisation
de la situation des salariés, et c'est pourquoi le projet de loi aménage de
nouvelles garanties.
Parallèlement, le Gouvernement entend poursuivre la réforme des cotisations
sociales au travers du nouveau dispositif d'allègement des cotisations
patronales, qui s'articule avec la réduction négociée du temps de travail.
Enfin, et même si cet aspect peut sembler ne pas relever du domaine
législatif, cette réforme nous renvoie à la question fondamentale du temps
libéré.
J'aborderai donc successivement ces quatres dimensions du texte dont nous
entamons aujourd'hui l'examen.
Afin de favoriser l'emploi, la loi de 1998 liait l'octroi du bénéfice des
aides au respect de critères chiffrés en termes d'embauches et d'ampleur de la
réduction du temps de travail. Les accords signés à l'échelon tant niveau des
branches que des entreprises concernent désormais plus de deux millions de
salariés et engagent la création de plus de 120 000 emplois.
La nature de ces emplois est tout aussi importante et instructive que leur
nombre. En effet, 75 % de ces embauches ont été réalisées sous forme de
contrats à durée indéterminée. Cela a permis par exemple de pérenniser des
contrats d'intérim ou des CDD.
Un cinquième de ces recrutements concernent des jeunes de moins de vingt-six
ans, et la conjonction de cette tendance et de la mise en oeuvre du programme «
nouveaux emplois - nouveaux services » permet d'envisager plus favorablement
l'insertion des jeunes sur le marché du travail.
Le projet de loi que nous examinons prévoit donc des dispositions autorisant
la poursuite et l'amplification de la lutte contre le chômage.
Ainsi, le dispositif d'incitations financières vise à pérenniser le système
d'aides qui atteindra 4 000 francs par salarié concerné par la réduction du
temps de travail.
Parallèlement, le nouveau mécanisme d'allégement des cotisations patronales
est lié à l'engagement, pris dans l'optique de l'accord négocié, de créer ou de
préserver des emplois. Cette exigence a été rappelée clairement lors des débats
à l'Assemblée nationale, qui a souhaité, par ailleurs, que les employeurs
négocient un accord de réduction du temps de travail avant de recourir
éventuellement à la mise en oeuvre d'un plan social.
Par un système d'aides qui joue pour des salaires atteignant jusqu'à 1,8 fois
le SMIC, le Gouvernement entend privilégier l'embauche de salariés que l'on dit
« moins qualifiés », dont les rémunérations sont en tout cas parmi les moins
élevées et qui travaillent principalement dans les industries de main-d'oeuvre,
dans le commerce ou l'artisanat.
Cela fait des années que l'on stigmatise le poids des cotisations sociales sur
les bas salaires et l'entrave à l'emploi qu'il représente : en prévoyant un
allégement qui pourra atteindre 21 500 francs par salarié payé au SMIC, soit 26
% de la rémunération brute, vous démontrez, madame la ministre, la
détermination du Gouvernement à intervenir également sur ce front.
M. Henri Weber.
Très bien !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Dans le prolongement de la première loi, le dispositif d'aides est renforcé
dès lors que les partenaires s'engagent dans une démarche de réduction à
trente-deux heures de la durée du travail, dans le cadre, notamment, d'une
semaine de quatre jours, qui favorise indéniablement un mode d'organisation
dont l'efficacité, au regard de la création d'emplois, est plus immédiate.
Alors que notre pays renoue avec la croissance, certains secteurs de notre
économie, qui sont pourtant de véritables gisements d'emplois, connaissent de
sérieux problèmes de recrutement. Je pense notamment ici au secteur du bâtiment
: les artisans souhaitent sincèrement attirer des jeunes, tout en étant
parfaitement conscients que le nombre important d'heures travaillées et la
pénibilité de certaines tâches peuvent rebuter.
Vous avez souhaité trouver des solutions adaptées, madame la ministre : ainsi,
les entreprises de moins de vingt salariés qui anticiperont le passage aux 35
heures en procédant par étapes accéderont à des aides au prorata de la
réduction de la durée du travail. En outre, une majoration des allégements a
été prévue.
L'année dernière, lors de nos débats, nous pressentions que la gestion des
heures supplémentaires serait cruciale pour l'optimisation ou, au contraire,
pour la limitation de l'effet de la réduction du temps de travail sur l'emploi,
certaines déclarations venant d'ailleurs confirmer nos craintes.
A cet égard, le projet de loi prévoit de maintenir un contingent annuel de 130
heures et de le plafonner à 90 heures en cas de modulation. Le seuil de
déclenchement sera progressivement abaissé, afin d'accompagner ce changement de
régime.
J'en viens maintenant à la réforme des cotisations sociales, qu'accentue le
projet de loi. Nous y reviendrons plus longuement lors du prochain débat sur le
financement de la sécurité sociale, mais je veux insister ici sur le fait que
c'est un gouvernement de gauche qui a amorcé cette mutation en instaurant la
contribution sociale généralisée, la CSG, et que c'est également un
gouvernement de gauche qui, aujourd'hui, poursuit la réforme des cotisations
patronales.
Cette réforme prévoit un élargissement et une diversification de l'assiette de
calcul des prélèvements. Le Gouvernement a souhaité tenir compte des réactions
des partenaires sociaux, qui n'entendaient pas que l'UNEDIC ou la sécurité
sociale participent au financement des 35 heures.
Le plafonnement du bénéfice de ces allégements aux salaires inférieurs ou
égaux à 1,8 fois le SMIC - ce qui représente tout de même 70 % des salariés du
secteur marchand - a fait dire ici même à des élus de l'opposition que la mise
en oeuvre de ce mécanisme induirait un effet « trappe à bas salaire ».
Permettez-moi de dire, mes chers collègues, que cet argument sonne
particulièrement faux dans la bouche de ceux qui ont instauré une ristourne sur
la base de 1,3 fois le SMIC !
Cet allégement est subordonné à la signature d'un accord collectif. Les
modalités de négociation et de consultation, qui varient selon la taille de
l'entreprise, posent parfois question, car elles renvoient au problème de la
légitimité controversée d'un accord signé par une organisation syndicale
minoritaire ou par un salarié mandaté.
A ce propos, le projet de loi permet de concilier la réaffirmation du rôle des
organisations majoritaires et la reconnaissance de la validité des accords
signés par une organisation minoritaire ou par un salarié mandaté. Dans ce cas,
la loi, tirant les enseignements des premiers accords, prévoit une consultation
des salariés afin de s'assurer de leur adhésion.
De plus, les débats de l'Assemblée nationale ont abouti sur ce point à ce
qu'une consultation, en amont de la signature de l'accord, puisse être
organisée afin de prévenir des conflits inextricables qui résulteraient de
l'application d'un accord signé sans l'adhésion des salariés.
Le projet de loi va également permettre de renforcer les garanties apportées
aux salariés.
Sur ce point, je ne souscris absolument pas à l'analyse de notre rapporteur,
qui tend à opposer le renforcement de la protection des salariés au sein de
l'entreprise à l'amélioration des perspectives d'embauche des chômeurs.
La première des garanties est celle qui est apportée en matière de maintien du
niveau de rémunération pour les salariés payés au SMIC ; cette sécurité a été
étendue aux nouveaux recrutés ainsi qu'aux salariés des entreprises
nouvellement créées.
Les négociations sur la durée du travail reposent, on le sait, sur la
recherche d'un équilibre entre l'amélioration de la compétitivité des
entreprises, le dégagement de plages horaires suffisamment significatives en
termes de temps libéré et l'augmentation des effectifs.
Ces transactions menées au sein des branches ou des entreprises se traduisent
le plus souvent par un accroissement des marges de manoeuvre pour les
entreprises. L'organisation d'une modulation sur quatre semaines, les nouvelles
modalités entourant les repos compensateurs en sont des illustrations
concrètes.
Il est donc de la responsabilité du Gouvernement et du législateur de
redéfinir les garde-fous auxquels peuvent prétendre les salariés, afin d'éviter
que cette conquête sociale que représente la réduction du temps de travail ne
se traduise par des dérapages et par une fragilisation de leur situation.
C'est dans cette démarche que s'inscrit la clarification de la notion de temps
de travail effectif. Il est précisé dans quelle mesure les pauses peuvent être
intégrées dans ce décompte ; il en est de même des temps d'habillage, des
astreintes, ou des régimes d'équivalence.
Le nouveau dispositif de modulation est simplifié ; il fixe un plafond annuel
de 1 600 heures et repose sur un accord collectif qui, à l'instigation de nos
collègues, devra préciser les « données économiques et sociales justifiant le
recours à cette modulation », afin d'éviter certaines dérives dans
l'utilisation de cette possibilité supplémentaire de souplesse.
Ce projet de loi est par ailleurs l'occasion de poursuivre l'entreprise de
moralisation du temps partiel, dont la définition est considérablement élargie
en raison de l'intégration de la directive européenne du 15 décembre 1997 dans
notre droit.
Comment en effet invoquer le temps partiel choisi si, parallèlement, on ne
prévoit pas de lutter contre la précarité qui le caractérise encore aujourd'hui
?
Ainsi, son instauration sera assujettie à la signature d'un accord collectif
ou, à défaut, à la consultation des représentants du personnel.
La loi organise une meilleure anticipation des horaires et assortit les
changements de planning de contreparties ; d'ailleurs, le refus d'accepter de
telles modifications ne constituera pas une faute ou un motif de
licenciement.
Ce projet permet également d'apporter des réponses aux attentes de nos
concitoyens afin de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.
La majoration du paiement des heures complémentaires au-delà d'un certain
plafond permettra d'enrayer les dérives.
Enfin, pour éviter le développement de temps partiels sur des durées trop
restreintes et assurer une rémunération suffisante, les allégements ne seront
pas ouverts aux contrats dont la durée est inférieure à la moitié de la durée
collective.
D'une façon plus générale, je relève avec satisfaction que la nécessité de
mettre en place un suivi des accords a été rappelée à plusieurs reprises. C'est
primordial pour apprécier l'effectivité de l'abaissement du temps de travail et
le respect des engagements en matière de création d'emplois. C'est aussi
important pour mesurer les incidences de ces aménagements sur l'intensification
de la charge de travail et, indirectement, sur l'état de santé des salariés.
Il sera nécessaire de se doter, madame la ministre, des moyens suffisants pour
assurer ce suivi.
Je terminerai mon propos en évoquant la question du temps libéré, dont vous
dites, madame la ministre, qu'il doit être « un temps de liberté ».
Que faites-vous de vos 35 heures ? C'est la question qu'a posée une
organisation syndicale particulièrement volontariste dans ce domaine. En effet,
loin de n'être qu'une question sujette à de médiocres boutades, la réforme
ambitieuse dont nous débattons est aussi l'occasion de réfléchir à un meilleur
équilibre entre la sphère privée et la vie au travail.
Or, dès lors que nous voulons que la réduction du temps de travail
s'accompagne corrélativement d'une amélioration de la qualité de la vie, les
élus que nous sommes se doivent d'imaginer, en coopération avec les acteurs de
la société civile, de nouvelles réponses aux aspirations de nos concitoyens.
Nous le faisons déjà au travers de cette loi en fixant des garanties afin que
les périodes libérées soient suffisamment significatives pour en permettre un
plein profit, en évitant que des changements de planning trop soudains ne
compromettent la jouissance de ce temps libéré. Nous le faisons également en
ouvrant la possibilité aux accords collectifs de prévoir des stipulations
spécifiques pour les salariés exerçant des activités bénévoles, ou en
réaménageant les modalités du compte épargne temps pour qu'il puisse, par
exemple, être utilisé par ceux qui le souhaitent afin de dégager du temps pour
un enfant ou un proche dépendant.
Nous devons également nous pencher sur la façon dont nos cités vont accueillir
ces nouveaux espaces.
Déjà, les professionnels du tourisme, forts du précédent qu'a constitué la
cinquième semaine de congés payés et de ses incidences, notamment sur les
vacances d'hiver, réfléchissent aujourd'hui à de nouvelles activités qui
pourraient s'inscrire dans des plages horaires parfois de plus courte durée.
Déjà, le secteur associatif se mobilise autour de nouvelles orientations pour
ses actions d'animation et de médiation.
Ces nouvelles pistes de développement sont autant d'opportunités pour créer
des emplois dans ces domaines.
Aux collectivités locales, il revient de penser à de nouveaux fonctionnements
pour les services qu'elles assurent.
Permettez-moi enfin d'insister sur ce moment privilégié que représentent les
négociations sur le temps de travail pour faire évoluer les conceptions
touchant aux rôles respectifs des femmes et des hommes, en particulier au sein
de la famille.
A chacun d'être vigilant afin que ces nouvelles possibilités offertes en
matière d'aménagement individuel du temps de travail n'aboutissent pas à figer
davantage des partages traditionnels totalement dépassés à l'orée du xxie
siècle.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons
avoir ces prochains jours des discussions forcément techniques. Avant de les
engager, je conclurai en vous faisant part de l'analyse que faisait récemment
dans un quotidien un professeur de philosophie, M. Thierry Pacquot. Selon lui «
le temps libéré n'est aucunement un résidu, ce qui reste après le transport, le
travail, les commissions, mais une exigence, celle de la dignité humaine, de la
maîtrise la moins incomplète possible du destin de chacun ».
M. Jean-Luc Mélenchon.
Voilà !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
C'est en ce sens que la loi que vous nous proposez, madame la ministre, et que
nous défendons, porte un véritable projet de société. Les sénateurs socialistes
revendiquent pleinement cette dimension de leur travail de législateur.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac.
Pas nous !
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, je voudrais tout d'abord saluer le travail tout à fait
remarquable de notre commission des affaires sociales, rendre hommage à Louis
Souvet, son rapporteur, à son président et à tous ses membres.
Madame la ministre, je voudrais, si vous le permettez, en ce début de
discussion, faire justice de l'évocation du passé.
Tout à l'heure, vous avez cru devoir nous rappeler dans quelles circonstances
les gouvernements de MM. Juppé et Balladur ont dû tenter de trouver des
solutions. Vous souvenez-vous de ce qu'était la situation des finances de la
sécurité sociale et de l'UNEDIC au mois de mars 1993 ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Oui, très bien !
M. Jean Arthuis.
Le Sénat, à l'époque, avait conduit une mission d'information ; je ne vous
rappellerai pas les chiffres...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si, rappelez-les !
M. Jean Arthuis.
Cela doit nous inspirer une certaine humilité.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Alain Gournac.
Bravo !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je les rappellerai !
M. Jean Arthuis.
Les déficits cumulés de la sécurité sociale et de l'UNEDIC s'élevaient à près
de 100 milliards de francs !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Et quatre ans plus tard à 270
milliards de francs avec vous !
M. Jean Arthuis.
Nous entamons aujourd'hui la discussion d'un projet de loi dont l'impact
demeure aléatoire, dont le financement est virtuel, mais dont les effets
pervers et les contraintes seront malheureusemeent bien réels.
Son titre même nous apparaît un peu trompeur. S'agit-il encore vraiment de
proposer aux entreprises et aux salariés français de pouvoir opter pour une
réduction « négociée » de leur temps de travail ?
M. Alain Gournac.
Ah oui ! négocié !
M. Jean Arthuis.
Ne sommes-nous pas déjà entrés dans un processus d'asservissement de
l'économie nationale, réduite à se soumettre sans voie de recours ni marge de
décision à des règles générales, à des règles impératives ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
Il en faut !
M. Jean Arthuis.
Cette loi d'enfermement, nous ne pouvons nous y résigner. Le groupe de l'Union
centriste ne peut admettre que, dans le gouvernement d'une nation, la doctrine
prenne le pas sur le pragmatisme. Il ne peut admettre que le dialogue social
soit bafoué, que toute possibilité d'aménager le temps de travail dans un cadre
législatif souple soit désormais écartée. Plus grave encore, il ne peut
accepter que l'on dissimule au citoyen, au contribuable, le coût réel de cette
aventure,...
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean Arthuis.
... que l'on masque aux parlementaires, par des volte-face ou des
approximations, les modalités précises de financement de ce passage aux 35
heures.
Exacerbation des contraintes, mépris de la négociation, coût exorbitant de la
loi... ce sont les trois reproches majeurs que l'on doit faire.
M. Henri Weber.
A qui ?
M. Jean Arthuis.
Mais avant de les développer, je voudrais vous dire un mot de l'Europe.
Décidément, la France se singularise douloureusement dans cette affaire,...
M. Henri Weber.
Mais non !
M. Jean Arthuis.
... tandis que ses partenaires européens privilégient une souplesse
législative dans l'aménagement du temps de travail.
Sommes-nous donc à ce point condamnés à subir une sorte d'« exception
française » pénalisante, qui ferait de notre pays un territoire à part, hors
des évolutions du monde, à contre-courant des transformations économiques et
sociales qui imprègnent l'Europe ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR. -
Protestations sur les travées socialistes.)
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Jean Arthuis.
Comment pourra-t-on, dans ces conditions, concilier la construction européenne
et la singularité française ?
Oui, chers collègues, cette loi apparaît terriblement contraignante. Son
contenu est autoritaire et uniforme. Il ne peut évidemment répondre aux
besoins, extrêmement diversifiés, de tous les modes de travail, de toutes les
activités, de toutes les entreprises, de toutes les composantes du tissu
économique et social.
Chacun peut comprendre les inquiétudes des salariés, des chefs d'entreprise,
qui se demandent comment ils vont bien pouvoir appliquer une loi qui exclut la
reconnaissance des spécificités de leur travail, la reconnaissance de tout ce
qui forme la richesse économique du pays.
Dans certains secteurs professionnels, dans certaines zones géographiques, les
entreprises recherchent vainement aujourd'hui des collaborateurs - par exemple
dans le secteur du bâtiment. Quelles réponses leur apporterez-vous avec votre
loi, madame la ministre ?
De par ses contraintes mêmes, nous entrevoyons déjà l'un des effets pervers de
la loi. Sa complexité et sa rigidité ne peuvent qu'entraîner un renforcement
des contrôles de l'administration. Qui pourrait d'ailleurs blâmer cette
dernière ? Comment faire autrement s'il faut vérifier la bonne application de
la loi ?
J'hésite à poursuivre plus avant.
Nous sommes devant un risque d'arbitraire. Or nous savons bien que cet
arbitraire, avec le contentieux qui pourra en résulter, relèvera des tribunaux,
que nous contribuerons ainsi à engorger un peu plus.
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Henri Weber.
C'est terrifiant !
M. Jean Arthuis.
C'est bien aux tribunaux que reviendra la lourde charge d'apporter une
clarification pour l'application d'un texte terriblement complexe !
(Murmures sur les travées socialistes.)
Pourquoi ne pas faire confiance aux acteurs économiques ? Pourquoi ne pas
avoir tenté d'expérimenter avant que d'imposer ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Il s'agit bien de cela, mes chers collègues. Cette loi marginalise
complètement le dialogue social. La négociation ? Pour quoi faire ? On décide
d'en haut, on supportera en bas ! Les entreprises qui ont fait le choix
d'abaisser le temps de travail entre la première loi, votée en juin 1998, et la
discussion de ce second texte devraient considérer que tous leurs efforts sont
réduits à néant.
C'est une conception étrange de la démocratie et de la loi. Les 118 accords
déjà signés ne peuvent ainsi disparaître ! Croyez bien que nous y veillerons
tout particulièrement.
Je rappellerai également que les errements sur le financement de cette loi sur
les 35 heures ont même, un temps, failli mettre à bas le paritarisme, sur
lequel, me semble-t-il, est fondée la gestion de la sécurité sociale, de
l'assurance-chômage et des régimes de retraite complémentaires.
Il semble que des rendez-vous aient été pris à cet égard. Ainsi, j'ai cru
comprendre que le paragraphe XVI de l'article 11 donnerait lieu à des
précisions de la part du Gouvernement.
Je souhaite profondément que la réduction du temps de travail soit non pas un
but en soi, mais bien un élément parmi d'autres de la volonté politique de
favoriser la création d'emplois et la cohésion sociale.
Mais, hélas ! comment ne pas en douter à la lecture de votre projet de loi,
madame la ministre ? Quelle est la part de la croissance ? Quelle est la part
de l'effet d'aubaine ?
M. Gournac s'en souvient - il la présidait - nous avions constitué, voilà
quelque temps, une commission d'enquête pour tenter d'appréhender les
conséquences d'une réduction autoritaire du temps de travail. Nous n'avions pu
obtenir aucune précision, sinon qu'au fil des auditions l'utopie conçue par
certains devenait bien maigre au vu de la loi, et nous n'avions pu établir
aucune corrélation entre la réduction autoritaire du temps de travail et la
création d'emplois.
Je voudrais vous dire combien les propos tenus voilà un instant à la tribune
par Louis Souvet sont parfaitement éclairants. Ils constituent notre référence.
Il n'y a pas eu d'ambiguïté de la part de notre rapporteur, et je salue son
objectivité.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean Arthuis.
J'en viens au financement de cette loi, et j'avoue toute ma perplexité. Nous
allons discuter d'un texte dont les modalités ont évolué après son vote à
l'Assemblée nationale et avant notre débat. Singulière méthode de gouvernement,
vous en conviendrez !
M. Michel Mercier.
Ah oui !
M. Jean Arthuis.
A défaut d'inconséquence, reconnaissez que c'est faire bien peu de cas de la
représentation nationale !
M. Henri Weber.
D'autres s'obstinent dans l'erreur !
M. Jean Arthuis.
Bien sûr, il vous a fallu reculer devant l'indignation légitime des
partenaires sociaux, choqués que la sécurité sociale ou l'UNEDIC soient
détournées de leur objet afin de servir de « pompe à phynance » aux 35 heures.
Mais cet épisode tragi-comique démontre surtout l'impréparation, ou peut-être
l'absence d'une déontologie élémentaire dans la comptabilité publique.
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac.
Oui !
M. Jean Arthuis.
Nous sommes inquiets. L'aggravation de la cherté du travail en France ne va
pas nous rendre compétitifs face à nos voisins européens.
M. Henri Weber.
Voilà plus d'un demi-siècle que l'on entend ça !
M. Jean Arthuis.
De plus, entre les baisses de charges et son financement direct, le coût
exorbitant de cette loi vous a apparemment obligés à un jeu de bonneteau fiscal
et budgétaire.
MM. Jacques Peyrat et Josselin de Rohan.
Très bien !
M. Jean Arthuis.
Le Gouvernement a en effet composé un assortiment hétéroclite d'impôts et
taxes, souvent détournés de leur objet, afin de financer la mise en place des
35 heures.
Au total, ce sont, en l'an 2000, quelque 65 milliards de francs qui seront
nécessaires. La montée en charge inévitable les années suivantes conduira à
dépasser les 100 milliards de francs - 105 milliards de francs, avez-vous
précisé tout à l'heure, madame la ministre - dont le financement n'est pas
assuré. C'est un engagement sur les générations futures que le Sénat, vous le
comprendrez, ne peut cautionner à la légère, et ce d'autant moins que la
confusion qui en résulte entre le projet de loi de finances et le projet de loi
de financement de la sécurité sociale prend une ampleur alarmante. En
transférant des dépenses et des recettes de l'un à l'autre, vous avez brouillé
la nature et les objectifs des deux budgets. Pour extraire de la loi de
finances les dépenses relatives aux 35 heures, vous avez créé un fonds de
financement auquel sont affectées des recettes détournées de leur objet.
Vous avez ainsi introduit une grande confusion dans les comptes publics. La
première conclusion que nous en tirons au Sénat, c'est qu'il n'est désormais
plus possible de disjoindre ces deux discussions fiscales, celle du financement
de la sécurité sociale et celle du budget de l'Etat.
Je souhaite maintenant parcourir rapidement les grandes lignes du financement
des 35 heures, examiner les recettes qui y sont affectées.
On y trouve tout d'abord les droits sur les tabacs. Plus étonnant, y figure
dorénavant une fraction des droits sur les alcools. C'est la conséquence de
l'abandon d'une ponction sur la sécurité sociale,...
M. Jacques Machet.
Eh oui !
M. Jean Arthuis.
... dont nous ne pouvons que nous féliciter, bien entendu. A ce propos, je me
contenterai de citer le dessin malicieux paru récemment à la « une » d'un grand
quotidien du soir : hier, le cafetier disait à son client : « Un petit dernier
pour la route ? » ; demain il lui lancera : « Un petit dernier pour les 35
heures ! »
Mais ce n'est pas tout. En détournant au profit des 35 heures cette fraction
de taxe sur les alcools jusque-là destinée au Fonds de solidarité vieillesse,
vous mettez davantage en péril la retraite par répartition. Car vous ôtez au
fonds de réserve pour les retraites - seul îlot d'action dans un océan
d'inertie - une partie des maigres ressources qui lui avaient été affectées et
dont la précarité et l'insuffisance sont déjà notoires. Votre responsabilité
est lourde en la matière.
Autre recette : la surtaxe de l'impôt sur les sociétés.
La contribution sociale sur les bénéfices est recouvrée auprès des entreprises
soumises à l'impôt sur les sociétés. Dans certains secteurs, par exemple dans
l'agriculture, il en résultera une source supplémentaire de discrimination, car
toutes les entreprises ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés.
Intervient aussi la fameuse écotaxe, ce nouvel impôt issu de la TGAP élargie.
Nous attendons sur ce point des informations complémentaires. Au final, le
Gouvernement ne peut que chercher à élargir l'assiette de la TGAP s'il veut
parvenir à financer le coût des 35 heures, et cela au détriment de la lutte en
faveur de l'environnement. L'augmentation des prélèvements est bien la seule
constante que l'on peut relever !
Reste la taxation revisitée des heures supplémentaires, qui, outre son
inapplicabilité progressive, n'est que la solution hâtive de repli trouvée par
le Gouvernement pour compenser l'abandon d'une ponction sur l'UNEDIC.
Enfin, le financement direct des 35 heures serait, en apparence, bouclé avec
des crédits versés par l'Etat.
Avant de conclure, je voudrais insister sur une lacune grave : lorsque l'on
mesure la complexité et la fragilité du dispositif mis en place tant bien que
mal pour financer les 35 heures dans l'économie marchande, on ne peut
s'empêcher de s'interroger sur l'application de ces mêmes 35 heures à
l'ensemble de la sphère publique. Quelle en est l'échéance pour les services de
l'Etat, pour les collectivités territoriales, pour les hôpitaux publics ? Quel
en sera le coût ? Une telle omission est incompréhensible, inacceptable. Nous
avons besoin pour légiférer d'y voir clair !
Après cet inventaire à la Prévert, c'est le scepticisme, pour ne pas dire la
consternation, qui prévaut. Ce projet de loi n'est pas acceptable en l'état,
tant il suscite d'interrogations et de problèmes, tant il a, selon nous, de
conséquences prévisibles fâcheuses.
Ce qui va guider le vote du groupe de l'Union centriste, madame la ministre,
c'est la volonté de répondre à trois préoccupations que nous jugeons
essentielles.
La première, c'est de faire vivre et de respecter la négociation au sein des
entreprises. Abandonnez donc la vieille imagerie des entreprises lieux
d'affrontement.
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est un paradis et un lieu d'affection !
M. Jean Arthuis.
La deuxième est de faire baisser le coût du travail. Les fruits de la
croissance démultiplient heureusement les ressources publiques et les
plus-values fiscales. Ces dernières doivent être affectées à la baisse non
discriminatoire des cotisations sociales. C'est ainsi que l'on créera sainement
et durablement des emplois.
Enfin, mes chers collègues, ce qui prime, c'est de parfaire les instruments
juridiques d'un authentique partenariat social pour que s'enracine une vraie
culture d'entreprise : intéressement, participation, plans d'épargne
entreprise, stock-options, offerts à l'aide de procédures transparentes à tous
les salariés et non pas à quelques-uns, épargne retraite complémentaire...
M. Guy Fischer.
Il y a longtemps qu'on n'en avait pas parlé !
M. Ivan Renar.
Il y a aussi les fonds de pension !
M. Jean Arthuis.
Nous aurons l'occasion d'y revenir dans quelques semaines lors de la
discussion des propositions de loi que nous avons ou allons déposer sur ces
thèmes.
Les orientations proposées par la commission des affaires sociales répondent à
notre attente. Nous les soutiendrons parce que nous avons la conviction
qu'elles sont de nature à créer des emplois et qu'elles donneront satisfaction
aux salariés comme aux demandeurs d'emploi. Réduire le temps de travail, oui,
mais à condition que ce soit par la négociation !
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une
heures cinquante, sous la présidence de M. Jean Faure.)