Séance du 14 décembre 1998
M. le président. Par amendement n° 29, M. Charasse et les membres du groupe socialiste proposent d'insérer, après l'article 15 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le 1° de l'article 81 du code général des impôts est complété comme suit :
« Toutefois, lorsque leur montant est fixé par voie législative ou réglementaire, ces allocations sont toujours réputées utilisées conformément à leur objet et ne peuvent donner lieu à aucune vérification de la part de l'administration. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Dans l'hypothèse où l'article qui vient d'être rejeté par suite de l'adoption de l'amendement de suppression reviendrait quand même à l'Assemblée nationale - on ne sait jamais (Sourires), il faut faire attention à tout - moi je persiste à penser qu'il faut que l'on précise dans la loi que l'allocation pour frais d'emploi, lorsqu'elle est fixée par la loi ou par voie réglementaire, ne peut pas donner lieu à justifications à la demande de l'administration des impôts.
En effet, c'est l'autorité publique qui en fixe le montant et il est établi selon la nature de la fonction et les frais qu'elle est censée entraîner. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi il y aurait à fournir des justificatifs, d'autant plus que nous savons qu'une profession au moins, c'est-à-dire celle de journaliste, échappe à cette obligation. Et, monsieur le secrétaire d'Etat, les frais d'un journaliste - je demande d'ailleurs à voir lesquels - ce n'est pas seulement de payer des sources, ce doit être aussi tout un tas d'autres choses, et j'ai même tendance à penser que, quand il faut payer des sources très cher, c'est le directeur du journal qui paie plutôt que le journaliste lui-même.
En tout cas, moi, je ne vois pas pourquoi, à 45 000 francs, un maire est obligé de justifier et, à 50 000 francs, un journaliste ne l'est pas, surtout quand on sait lequel des deux fait la morale à l'autre !
Par conséquent, j'estime qu'il est de bonne précaution - que ce système d'allocation pour frais d'emploi soit d'ailleurs adopté ou non, peu importe ! - de décider que désormais ces allocations lorsqu'elles sont fixées par l'autorité publique - pas lorsqu'elles sont fixées par un patron privé, c'est autre chose - n'ont pas à donner lieu à justificatif quant à leur utilisation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout évolue, et l'avis de la commission n'échappe pas à ce mouvement.
Tout à l'heure, la commission souhaitait évidemment s'en tenir à la position qu'elle avait adoptée lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances. Le Sénat en a disposé autrement. Maintenant, il faut tirer les conséquences du vote qui a été émis précédemment sur l'amendement n° 3 de M. Charasse.
En fait, cet amendement n° 29 complète la position que nous avons déjà prise majoritairement. Avant d'exprimer l'avis définitif de la commission à son sujet, j'aimerais connaître l'avis du Gouvernement.
Je pense, pour ma part, qu'il est intéressant et habile de distinguer deux types d'allocations de frais d'emploi : d'une part, celles qui sont attribuées par l'employeur, qui doivent être utilisées conformément à leur objet, en application de l'article 81 du code général des impôts, et qui sont naturellement soumises à contrôle ; d'autre part, celles qui résultent de dispositions législatives ou réglementaires, qui sont réputées être utilisées conformément à leur objet et qui ne peuvent donner lieu à aucune vérification.
Dès lors que cela concerne bien l'ensemble des professions, conformément au vote qui a été émis tout à l'heure, il me semble logique de suivre la proposition qui est soumise au Sénat.
Cependant, je le répète, avant de confirmer un avis dont vous sentez bien, mes chers collègues, qu'il est plutôt positif, je souhaite entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. En cet instant, je l'avoue, l'Oise et la Seine m'apparaissent comme des cours d'eau bien sinueux ! (Sourires.) M. le rapporteur général, avec toute la subtilité qu'on lui connaît, décrit des méandres dans lesquels, personnellement, je me perds un peu !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le Sénat a tranché !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Pour ce qui me concerne, je vais droit vers l'océan de l'équité fiscale, et j'ai donc le même point de vue sur cet amendement qu'à propos de l'amendement précédemment présenté par M. Charasse. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 29.
M. le président. Tout à l'heure, M. Marini avait également suivi le même raisonnement puisqu'il avait déjà demandé à entendre votre avis, monsieur le secrétaire d'Etat ! (Sourires.)
Puis-je maintenant vous demander l'avis définitif de la commission sur cet amendement, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat, monsieur le président.
M. le président. Voilà qui est encore plus subtil ! (Nouveaux sourires.)
Quant au Gouvernement, sa position est donc tout à fait défavorable.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement se prononce paisiblement contre cet amendement, monsieur le président.
M. Michel Charasse. Et si les maires avaient la carte de journaliste, quelle serait la position du Gouvernement ? (Nouveaux sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 15 bis.
Articles 16 et 16 bis à 16 nonies