Séance du 30 novembre 1998






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 1999. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Intérieur et décentralisation

DÉCENTRALISATION (p. 2 )

MM. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Gérard Cornu, Michel Duffour, Jean-Claude Peyronnet, Jacques Legendre.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Crédits du titre III. - Vote réservé (p. 3 )

Crédits du titre IV (p. 4 )

Amendement n° II-32 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre de l'intérieur par intérim. - Adoption.
Vote des crédits réservé.

Crédits des titres V et VI. - Vote réservé (p. 5 )

SÉCURITÉ (p. 6 )

MM. André Vallet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la police et la sécurité ; René-Georges Laurin, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité civile ; Bernard Plasait, Christian Demuynck, Michel Duffour, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Jacques Hyest, Christian Bonnet, Gérard Cornu.

Suspension et reprise de la séance (p. 7 )

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

Mme Nelly Olin, M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Crédits du titre III (p. 8 )

MM. Jean Chérioux, Jean-Pierre Fourcade, le ministre de l'intérieur par intérim.
Adoption des crédits.

Crédits des titres IV à VI. - Adoption (p. 9 )

Education nationale, recherche et technologie
(suite) (p. 10 )

II. - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (p. 11 )

MM. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jacques Valade, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Georges Othily, Jacques Legendre, Ivan Renar, Claude Saunier, Pierre Laffitte, André Maman.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Crédits du titre III (p. 12 )

Amendement n° II-18 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Lambert, président de la commission des finances ; Jean-Louis Carrère, Guy Cabanel, Ivan Renar. - Adoption par scrutin public.
MM. le président, Guy Cabanel, Jean-Louis Carrère.
Adoption, par scrutin public, des crédits modifiés.

Crédits du titre IV (p. 13 )

Amendement n° II-19 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, le président de la commission, Ivan Renar, Jean-Louis Carrère, Jean-Louis Lorrain, Mme Hélène Luc, M. Guy Cabanel. - Adoption par scrutin public.
Adoption, par scrutin public, des crédits modifiés.

Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 14 )

III. - RECHERCHE ET TECHNOLOGIE (p. 15 )

MM. René Trégouët, rapporteur spécial de la commission des finances ; Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Pierre Laffitte, Lucien Lanier.

Suspension et reprise de la séance (p. 16 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

3. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 17 ).

4. Loi de finances pour 1999. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 18 ).



Education nationale, recherche et technologie
(p. 19 )

III. - RECHERCHE ET TECHNOLOGIE (suite) (p. 20 )

MM. Ivan Renar, Franck Sérusclat, Jean-Louis Lorrain.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Crédits du titre III (p. 21 )

MM. Ivan Renar, le ministre.
Amendement n° II-20 de la commission. - MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; le ministre, Ivan Renar, Franck Sérusclat, Philippe de Gaulle, Pierre Laffitte. - Adoption par scrutin public.
Adoption, par scrutin public, des crédits modifiés.

Crédits des titres IV à VI. - Adoption (p. 22 )

Anciens combattants
(p. 23 )

MM. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Philippe de Gaulle, Guy Fischer, Mme Gisèle Printz, MM. Rémi Herment, Marcel-Pierre Cléach, Bernard Joly, Mme Nelly Olin, M. Gilbert Chabroux, Mme Anne Heinis, M. Michel Pelchat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Crédits du titre III. - Adoption (p. 24 )

Crédits du titre IV (p. 25 )

Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Marc Pastor.
Adoption des crédits.

Crédits du titre V. - Adoption (p. 26 )

Article 75 (p. 27 )

M. Raymond Courrière.
Amendements n°s II-39 de la commission, II-45 de M. Lesbros, rapporteur pour avis, et II-74 de M. Fischer. - MM. le rapporteur spécial, le rapporteur pour avis, Guy Fischer, le secrétaire d'Etat, Guy Fischer, Jean Delaneau, Jean-Marc Pastor. - Irrecevabilité des amendements n°s II-45 et II-74 ; rejet, par scrutin public, de l'amendement n° II-39.
Adoption de l'article.

Article 76 (p. 28 )

MM. Jean Delaneau, Raymond Courrière, le secrétaire d'Etat.
Amendement n° II-75 de M. Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial. - Irrecevabilité.
Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 76 (p. 29 )

Amendement n° II-76 de M. Fischer. - MM. Guy Fischer, le secrétaire d'Etat, le rapporteur spécial. - Irrecevabilité.
Amendement n° II-77 de M. Fischer. - MM. Guy Fischer, le secrétaire d'Etat, le rapporteur spécial. - Irrecevabilité.

Articles 76 bis et 76 ter. - Adoption (p. 30 )

5. Ordre du jour (p. 31 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 1999

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999 (n° 65, 1988-1999), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 66 (1998-1999).]

Intérieur et décentralisation

DÉCENTRALISATION

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la décentralisation.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des incidences fiscales et budgétaires des rapports entre l'Etat et les collectivités locales a largement eu lieu lors du débat sur la première partie du projet de loi de finances. Je n'y reviendrai donc pas. J'émettrai simplement le regret que nous ayons, pendant une journée entière, délibéré sur les finances locales sans que le ministre de l'intérieur soit présent. Certes, le Gouvernement est un, mais il aurait été intéressant que vous puissiez, monsieur le ministre, participer à cette discussion.
Je crois inutile de revenir sur l'ensemble des mesures qui ont occupé nos délibérations. Le Sénat a essayé d'améliorer les textes qui lui étaient proposés, notamment l'article 27 bis, relatif à la TVA sur les terrains à bâtir lorsqu'une collectivité locale est aménageur du terrain loti, et l'article 40, grâce à l'adoption à l'unanimité de deux amendements, l'un portant sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle des établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre, l'autre émanant de notre collègue Michel Charasse, amendement sur lequel je reviendrai dans quelques instants.
Je donne acte au Gouvernement de ce qu'il a parfaitement respecté les règles relatives aux différentes dotations créées par l'Etat en faveur des collectivités locales.
Aussi, au nom de la commission des finances, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits du ministère de l'intérieur consacrés à la décentralisation, sous réserve de l'adoption d'un amendement, qui est plutôt un amendement de coordination et que je vous soumettrai tout à l'heure.
Au demeurant, le fait d'approuver les crédits n'est pas pour nous autre chose que l'autorisation donnée au Gouvernement de payer aux collectivités locales les sommes qui leur sont dues.
Je voudrais plutôt ce matin rechercher quelle philosophie inspire le Gouvernement dans ses relations avec les collectivités locales. Nous avons la chance, cette année, de pouvoir analyser ces relations à travers trois réformes qui vont peser sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales : à savoir la sortie du pacte de stabilité, qui débouche sur un contrat de croissance et de solidarité, la réforme de la taxe professionnelle et la réforme des droits de mutation à titre onéreux.
L'analyse de ces trois réformes nous amène à constater qu'en fait le Gouvernement entend reprendre un rôle essentiel dans la détermination de la fiscalité locale, en même temps qu'il compte poursuivre une politique d'encadrement des dotations de l'Etat vers les collectivités locales même s'il propose d'aménager cet encadrement en offrant une vision pluriannuelle de leurs recettes aux mêmes collectivités et s'il accepte de partager, trop chichement à notre goût, la croissance avec elles.
Le contrat de solidarité et de croissance reprend les mécanismes du pacte de stabilité, sans en corriger parfaitement les imperfections : ce sera le premier thème que j'aborderai ce matin.
Ce pacte de solidarité et de croissance entérine tout d'abord définitivement l'entrée dans notre droit du principe d'une enveloppe normée régissant les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, mêmes s'il envisage un nouvel aménagement de cette enveloppe normée.
C'est sous ces deux aspects que je souhaite analyser les propositions que le Gouvernement nous soumet dans l'article 40 et suivants du projet de loi de finances pour 1999.
J'examinerai d'abord le principe d'une enveloppe normée.
Les dotations de l'Etat aux collectivités locales, la dotation globale de fonctionnement en tête, ont leurs propres règles d'évolution, fixées par le législateur. Ces règles s'imposent au Gouvernement et il est toujours dangereux et délicat de proposer de les modifier, ces modifications ayant forcément pour conséquence de rendre moins évolutives et moins attractives, en quelque sorte, les dotations concernées, qui représentent assez souvent d'anciens impôts locaux supprimés.
Dans la plupart des cas, les taux d'évolution de ces dotations sont favorables aux collectivités locales et, bien entendu, pèsent sur le budget de l'Etat.
Pour limiter ce coût sur le budget de l'Etat, le Gouvernement a imaginé, en 1996, d'échanger en quelque sorte la limitation de l'accroissement de ces dotations - et cela de façon globale - contre une prévision pluri-annuelle garantie aux collectivités locales. C'est l'enveloppe normée avec une variable d'ajustement : la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP.
C'était déjà le principe qui présidait au pacte de stabilité. Il a été fortement critiqué parce qu'il était critiquable. Le contrat de solidarité et de croissance reprend exactement le même mécanisme fondamental, même s'il l'aménage différemment.
Le Gouvernement maintient donc le dispositif, et la DCTP continuera de jouer ce rôle de limitation de l'accroissement de la charge des dotations de l'Etat aux collectivités locales.
Il faut noter que certaines collectivités locales vont voir leur DCTP diminuer de plus de 23 % dès lors qu'elles ne seront éligibles à aucune des dotations de solidarité, la dotation de solidarité urbaine, la dotation de solidarité rurale, première part, et les deux dotations de solidarité attribuées l'une aux départements et l'autre aux régions.
On voit bien que ce mécanisme de plus en plus compliqué, certes intéressant, trouvera un jour ses limites.
Le Gouvernement, comme le gouvernement précédent d'ailleurs, s'en est bien rendu compte, et c'est la raison pour laquelle il nous propose d'aménager cette enveloppe normée et surtout la variable d'ajustement.
Le Gouvernement a envisagé des aménagements de deux ordres : d'abord, une prise en compte de la croissance ; ensuite, une modulation des évolutions négatives de la variable d'ajustement - c'est bien là du langage technocratique : cela signifie une baisse modulée de la DCTP suivant la situation dans laquelle on se trouve.
S'agissant de la prise en compte de la croissance, vous nous avez souvent dit, monsieur le ministre, que, outre les trois réunions que vous aviez organisées avec les élus locaux, elle constituait la grande innovation du contrat de solidarité et de croissance.
Ces réunions ont bien eu lieu, je vous en donne acte. Nous avons été correctement reçus, mais je ne suis pas sûr que nous ayons été entendus puisque, de la première à la dernière réunion, le langage du Gouvernement est resté à peu près le même sur le point essentiel : comment compenser la réforme de la taxe professionnelle ? Les élus locaux réclamaient le dégrèvement. Vous leur répondez par la compensation.
La prise en compte de la croissance s'effectue de manière un peu chiche. Pourquoi déconnecter les ressources des collectivités locales de la croissance du PIB, alors qu'elles coucourent largement, par le rôle essentiel qu'elles jouent dans l'investissement public, à nourrir cette croissance, comme vous l'avez vous-même souligné, monsieur le ministre, lors d'une dernière séance du comité des finances locales ?
Bien entendu, le pacte de stabilité n'intégrait pas la croissance, il n'y en avait pas à l'époque ! Aujourd'hui, vous entendez partager les fruits de cette croissance avec les collectivités locales, mais un peu trop chichement à notre goût, d'autant que - et c'est la principale critique que l'on peut faire au contrat - le problème des dépenses n'est pas abordé. Il est bien d'offrir aux collectivités locales une certaine vision de l'avenir de leurs recettes, mais il serait bon aussi de prendre en compte les dépenses.
A ce propos, je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, le sort que vous entendez réserver à l'amendement que le Sénat a adopté à l'unanimité sur l'initiative de notre excellent collègue M. Charasse. Cet amendement n'a en effet d'autre objet que de donner tout son sens au principe de libre administration des collectivités locales, en faisant en sorte qu'une dépense nouvelle obligatoire ne puisse résulter que d'une loi.
Enfin, deuxième aménagement, le Gouvernement envisage une modulation des évolutions négatives de la DCTP en fonction de la situation de la collectivité locale concernée.
Le gouvernement précédent avait décidé de renforcer uniformément de 300 millions par an, hors enveloppe normée, la DCTP versée aux collectivités locales. Vous nous proposez aujourd'hui, monsieur le ministre, de moduler la baisse en fonction de la situation de la collectivité au regard des dotations de solidarité. Nous vous avons suivi sur ce point, puisque le Sénat a adopté à l'unanimité un amendement qui fait entrer les groupements de commune à fiscalité propre dans ce système.
Toutefois, les collectivités qui n'ont pas droit aux dotations de solidarité vont chèrement payer le mécanisme de l'enveloppe normée, et je ne suis pas très sûr que l'on puisse leur expliquer qu'elles auront affaire à un contrat de croissance.
Telles sont les quelques remarques que je souhaitais formuler sur ce contrat que vous nous proposez, monsieur le ministre, et dans lequel on perçoit une filiation très forte avec le pacte de stabilité : les mécanismes fondamentaux sont les mêmes et, dans les deux cas, le Gouvernement cherche à aménager la variable d'ajustement.
J'insisterai davantage sur les deux réformes fiscales.
Sur ce point, notre analyse conclut à l'émergence d'une situation de « fiscalité octroyée ».
La réforme de la taxe professionnelle et celle des droits de mutation à titre onéreux se traduisent en effet par une prise en charge accrue par l'Etat de parts de fiscalités locales perçues à ce jour à travers l'impôt et que le projet de loi de finances pour 1999 supprime ou diminue.
Le Gouvernement avait la possibilité de respecter le pouvoir budgétaire des collectivités locales, donc leur responsabilité, en utilisant la technique du dégrèvement. Il a choisi de mettre en place des systèmes de compensation qui garantissent aux collectivités locales des évolutions de recettes sans lien avec la réalité économique locale et qui sont déresponsabilisants pour les élus locaux.
Ces compensations évolueront à peu près selon les règles qui gouvernent l'évolution de la dotation globale de fonctionnement. S'agissant de la compenstation principale, celle qui est relative à la taxe professionnelle, il est même prévu qu'elle sera « absorbée » par la DGF en 2004.
De plus, ces compensations sont en partie financées par des augmentations d'impôts qui sont souvent les mêmes impôts locaux ou des impôts similaires mais qui seront dorénavant perçus par l'Etat, celui-ci en fixant lui-même les taux.
Toutes les caractéristiques de ces compensations forment un faisceau convergent qui nous conduit à évoquer la mise en place d'une « fiscalité octroyée ». Les mécanismes techniques des deux réformes, celle de la taxe professionnelle et celle des droits de mutation, ont pour résultat de réduire la responsabilité fiscale des collectivités locales.
Je rappelle brièvement le processus : on diminue un impôt qui est largement contesté, la taxe professionnelle ; le coût apparent est important pour l'Etat ; le financement par l'Etat est réalisé en partie grâce au même impôt ou à un impôt similaire, si bien que le coût net pour l'Etat est beaucoup moins important. Dans l'opération, les collectivités locales perdent leur responsabilité fiscale sur ces impôts.
Les compensations sont alignées sur les dotations de l'Etat aux collectivités locales. Elles perdent ainsi rapidement leur lien avec l'impôt d'origine. Les collectivités locales reçoivent et répartissent une dotation mais n'exercent plus de responsabilité fiscale. L'Etat réalise, quant à lui, la péréquation à partir de la compensation de l'impôt local.
Telles sont les constatations que l'on peut faire à l'examen des deux réformes qui nous sont proposées.
Certes, le Gouvernement ne remet pas ainsi en cause la technique de la décentralisation, qui tend à faire prendre les décisions au plus près des populations et en fonction des besoins exprimés sur le plan local. Mais, de toute évidence, il remet en cause l'esprit de la décentralisation, qui veut que la décision soit prise au plus près par des élus responsables, et au premier chef en matière de fiscalité.
Au moment où le Parlement va aborder l'examen de plusieurs textes relatifs aux collectivités locales, il nous semble nécessaire de savoir dans quel esprit le Gouvernement s'engage dans la discussion de deux textes fondamentaux, et peut-être contradictoires dans leur inspiration.
Les élus locaux et les collectivités qu'ils dirigent auront-ils une marge de manoeuvre, une autonomie et une responsabilité suffisantes leur permettant de répondre de façon spécifique aux problèmes locaux, tout en respectant les orientations politiques du Gouvernement ? Ou bien ne seront-ils plus que des agents répartiteurs de dotations d'Etat ?
Bien plus que celle de savoir si le Gouvernement respecte le principe de la libre administration des collectivités locales, la question qui se pose, monsieur le ministre, est la suivante : le Gouvernement manifeste-t-il, vis-à-vis des collectivités locales et de leurs élus, une confiance telle que la responsabilité de ces derniers sera renforcée, ce qui sauverait notre république unitaire, à laquelle nous sommes attachés et qui ne peut aujourd'hui fonctionner que selon une organisation décentralisée ?
A défaut d'une telle manifestation de confiance, on ne voit pas comment, à terme, notre pays pourra rester en dehors du grand vent de fédéralisme qui souffle sur les démocraties, notamment sur les démocraties européennes. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a décidé de donner un avis favorable quant à l'adoption des crédits de la décentralisation, et les observations qu'elle formulera seront pratiquement identiques à celles qui viennent d'être exposées, d'une manière très complète, par notre collègue Michel Mercier, au nom de la commission des finances.
Nos observations sont regroupées en trois chapitres : d'abord, celles qui ont trait aux aspects financiers et fiscaux ; ensuite, des observations d'ordre plus général ; enfin, des observations relatives à l'administration territoriale de l'Etat.
La première observation de nature financière et fiscale concerne le contrat de croissance et de solidarité, qui prend la relève du pacte de stabilité.
Les deux formules ont deux caractéristiques communes : d'une part, la pluriannualité, élément de stabilité pour les collectivités locales ; d'autre part, le fait que la DCTP reste une variable d'ajustement.
La commission des lois regrette, à propos du contrat de croissance et de solidarité - et elle avait le même regret au sujet du pacte de stabilité - qu'il n'y soit pas tenu compte de l'évolution des charges imposées sans que les collectivités locales soient parties prenantes.
En évoquant l'évolution des charges imposées, je vise notamment celle des traitements de la fonction publique territoriale, que l'Etat négocie seul. Je pense aussi à ces très nombreuses normes de sécurité qui, décidées à l'échelon national, voire au-delà, constituent une charge pour les collectivités locales sans pouvoir être répercutées sur la dotation globale de fonctionnement.
La deuxième observation concerne l'indexation qui est retenue par l'Etat dans le contrat de croissance et de solidarité.
Nous nous félicitons que, en plus de l'indice du coût de la vie, une partie de la croissance soit intégrée dans l'indexation : c'est une bonne chose. La commission des lois regrette cependant que la prise en considération de la croissance ne soit, au cours de la première année, que de l'ordre de 15 %, alors que, chacun le sait, la part que prennent les collectivités locales dans les investissements publics de notre pays est considérable puisqu'elles en assument les trois quarts. Ce fait mériterait d'être, à l'avenir, davantage pris en considération dans l'intégration d'une part de la croissance dans le calcul de la DGF.
Ma troisième observation d'ordre financier et fiscal concerne la réforme fiscale.
S'agissant, d'abord, de la taxe professionnelle, le Gouvernement a décidé que la part des salaires dans les bases de cette taxe professionnelle sera progressivement prise en charge par le budget de l'Etat, avec un étalement sur une période de cinq ans.
Compte tenu des critiques très souvent entendues sur le caractère pénalisant, au regard de l'emploi, du mode de calcul de la taxe professionnelle, c'est une mesure qui peut paraître positive. Cependant, en contrepartie, elle représente incontestablement une atteinte au principe de la libre administration des collectivités locales.
De surcroît, cette réforme intervient au moment même où, dans le cadre du projet de loi sur l'intercommunalité, le Gouvernement propose l'institution de la taxe professionnelle d'agglomération. Quelles seront, en pratique, les répercussions de la présente réforme de la taxe professionnelle sur celles qui percevront, dans le futur, les communautés d'agglomération ?
J'en arrive à mes trois observations d'ordre général.
Tout d'abord, la commission des lois souhaite voir la complexité croissante des charges qui pèsent sur les élus locaux ainsi que les responsabilités accrues qu'ils doivent assumer prises en compte dans le cadre de leur statut, lequel est indissociable de la mise en oeuvre d'une véritable décentralisation.
Ensuite, la commission des lois appelle de ses voeux une simplification de l'exercice des mandats des élus locaux. Cette simplification lui paraît tout à fait nécessaire.
Elle souhaite également que, après la codification des lois dans le code général des collectivités locales, intervienne la codification de la partie réglementaire. Une grande stabilité des règles juridiques est en effet une aspiration profonde de l'ensemble des élus locaux.
Dernière observation d'ordre général : nous considérons que les deux projets de loi, l'un portant sur l'intercommunalité, l'autre sur l'aménagement du territoire, qui viendront en discussion devant le Parlement au début de l'année 1999 devront respecter la solidarité indispensable entre le milieu urbain et le milieu rural, prendre en compte le souci d'une simplification et d'une souplesse des règles applicables aux groupements de communes et tenir également compte du poids croissant de la DGF intercommunale dans le cadre de la DGF des communes, ce qui devra, le plus rapidement possible, donner lieu à une clarification.
Enfin, nous posons une interrogation sur ce que sera la notion de pays dans l'avenir, car nous avons le sentiment, monsieur le ministre, qu'à cet égard, en l'état actuel des choses, la philosophie qui inspire le projet de loi sur l'intercommunalité n'est pas exactement la même que celle qui inspire le projet de loi sur l'aménagement du territoire. Il est inutile d'ajouter que nous nous sentons plus proches de la philosophie du premier projet que de celle du second.
En conclusion, la commission des lois approuve les préconisations en matière budgétaire, s'agissant de la modernisation des préfectures et de l'indispensable déconcentration des services de l'Etat qui doit être poursuivie et approfondie. La déconcentration est, en effet, plus que jamais un principe qui doit se traduire concrètement dans les faits. Elle est indissociable de la décentralisation, une décentralisation à laquelle la commission des lois est profondément attachée et en laquelle elle exprime de nouveau sa foi. Elle veut qu'elle se poursuive et insiste sur la nécessité d'adapter les structures territoriales de notre pays compte tenu d'un environnement européen qui fait apparaître un sérieux retard en ce domaine.
Plus que jamais, il est nécessaire que l'Etat concentre son effort et ses moyens sur les fonctions fondamentales et fasse confiance aux collectivités territoriales conformément, là aussi, au principe de subsidiarité pour faire face d'une manière concrète, réaliste et pratique aux aspirations de nos concitoyens.
M. Christian Bonnet. Très bien !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis. Tel est l'esprit de l'avis de la commission des lois, un avis positif, je le rappelle, monsieur le ministre, assorti d'un certain nombre de considérations d'ordre général qui, nous le savons, sont également les vôtres. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 18 minutes ;
Groupe socialiste, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on nous parle volontiers d'une décentralisation parvenue, en âge, à la majorité ; mais majorité ne signifie pas maturité. Les collectivités locales ont grandi avec la décentralisation, en acquérant, quant à elles, de la maturité en matière de projets ou de positionnement. Toutefois, cet acquis majeur ne va pas, malheureusement, sans une certaine angoisse qui est regrettable car elle n'engendre pas le contrat de confiance que vous souhaiteriez voir se signer entre les collectivités territoriales et le Gouvernement.
L'actualité nous amène à entendre parler à tout va de « pactes » et de « contrats ». Mais, pour passer un pacte ou un contrat vertueux, il faut être deux et je crains que le projet de loi de finances que vous nous proposez ne fasse pas, en matière de décentralisation, la part belle à la confiance.
Premier investisseur, premier employeur, premier socle du lien social, les collectivités territoriales ont un réel besoin d'autonomie, financière il va sans dire, dans le choix et l'usage des ressources, mais aussi dans la marge de manoeuvre. En tant que représentants des collectivités territoriales, nous savons que, pour mettre en oeuvre les compétences confiées par les lois de décentralisation, ces mêmes collectivités ont consenti, en matière de formation professionnelle, d'apprentissage et d'aménagement scolaire, qu'il s'agisse des collèges ou des lycées, un effort financier que l'Etat était incapable de fournir.
Je suis en effet de ceux qui pensent que la perte d'autonomie fiscale des collectivités locales remet en cause l'esprit même des lois de décentralisation. Chaque jour, ces collectivités déploient un effort prodigieux d'imagination et de créativité pour rééquilibrer leurs comptes. En transférant des tâches qu'il ne pouvait assumer lui-même, l'Etat, à travers les lois de décentralisation, a demandé aux collectivités locales d'opérer, elles-mêmes, certaines opérations fiscales, sociales et économiques. La raison est bien rationnelle : chaque transfert de charge n'a pas été compensé par un transfert équivalent de recettes de la part de l'Etat.
Dans le sondage réalisé dernièrement par l'Association des maires de France et la SOFRES, intitulé « le rôle du maire face à l'insécurité », il ressort que la première préoccupation de 82 % des maires et de 70 % de leurs administrés, c'est l'emploi.
A cela, il faut ajouter que 87 % des personnes interrogées souhaitent un renforcement du rôle des collectivités locales dans le domaine de l'aide sociale. Même si, en la matière, les départements se sont bien acquittés de leur tâche, le succès a son revers. Le poids de la crise, accompagné de nouveaux transferts de responsabilités, en particulier le volet relatif au RMI depuis sa création en 1988, fait désormais de l'aide sociale un poste très lourd pour les budgets départementaux.
Les dépenses d'aide sociale continuent d'augmenter plus vite que les autres, dépassant parfois plus de 60 % des dépenses de fonctionnement. La croissance de ces dépenses, cumulée aux charges de personnels, entrave malheureusement l'investissement. Tous les conseillers généraux sont chaque année confrontés, d'une part, à l'augmentation des dépenses d'aide sociale et, d'autre part, à la diminution de l'investissement.
Nous sommes tenus par l'urgence sociale, par l'urgence de trouver des emplois, à défaut de contribuer à leur créativité, mais nous sommes de moins en moins autonomes face à une crise financière qui oblige à recentrer nos interventions. Pris sous les feux croisés de la crise économique, des besoins sociaux grandissants et d'un cadre législatif confus, les élus locaux se sentent un peu comme les passagers d'un « Titanic financier » : ils savent que la dette guette, ils n'appréhendent pas toujours les risques dictés par le non-respect des normes, qui sont de plus en plus envahissantes, mais ils sont obligés de dépenser, d'investir. A ce rythme-là, le couperet va tomber.
La centralisation déguisée de la ressource publique locale, dont fait état votre budget, monsieur le ministre, marque immanquablement la perte d'autonomie des collectivités territoriales.
Vous ne pouvez nier l'hypocrisie de la taxe générale sur les activités polluantes, hypocrisie qui a été dénoncée ici même par mes collègues la semaine dernière ; cette écotaxe centralisée est affectée au seul budget de l'Etat, alors qu'elle remplace plusieurs taxes prélevées à un échelon déconcentré.
On retrouve cette même hypocrisie quand on nous prépare à la fameuse compensation envisagée de la taxe professionnelle. Quelle autonomie aurons-nous dans le choix et l'usage des ressources s'agissant de cette taxe, qui représente pas moins d'un sixième du pouvoir fiscal des collectivités locales ?
Peut-on encore parler de décentralisation lorsque l'on s'attaque aux rémunérations des agents de la fonction publique territoriale, dont les collectivités locales ne maîtrisent pas l'évolution puisque l'Etat fixe, lui-même, les règles du jeu ? En 1999, pas moins de 4,3 milliards de francs supplémentaires sont grevés par les salaires.
De plus, que vont devenir, dans quelques années, les emplois-jeunes ? Devrons-nous avoir le sale rôle de dire à ces milliers de jeunes : « Au revoir, nous ne voulons pas de vous » ? L'Etat sera-t-il là pour rendre pérennes ces emplois ou, encore une fois, décentralisation oblige, les collectivités locales devront-elles supporter seules les conséquences ?
Confuse, opaque, complexe, votre décentralisation ressemble à un « Gulliver enchaîné » ; les collectivités territoriales sont un géant puissant, un levier de l'économie mais elles se débattent, malheureusement, dans les filets centralisateurs de l'Etat ; elles se démènent - M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis l'ont souligné avant moi - dans des méandres juridico-administratifs qui brouillent leur vision. C'est, selon moi, l'inverse d'une décentralisation réussie. Les collectivités locales ont bien mérité le titre que leur a donné un grand quotidien cette année : elles sont des « bonnes à tout faire » !
Monsieur le ministre, permettons-leur de s'administrer correctement, c'est-à-dire librement ; donnons du souffle à ce qui pourrait être une réussite ; n'attendons pas que l'euro soit mis en place pour réaliser qu'une concurrence sans fard met nos territoires en compétition. Essayons, une fois pour toutes, et alors que la dynamique peut entraîner tous les territoires, de ne pas asphyxier nos chances de réussir la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits affectés à la décentralisation pour 1999 s'inscrivent bien dans la cohérence des réformes en cours.
La crise financière mondiale, la politique monétaire choisie à l'échelon européen et le carcan du pacte de stabilité amènent nécessairement à faire preuve d'une certaine prudence quant aux perspectives de croissance.
Les compensations prévues au titre de la suppression progressive de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle ainsi que de la part départementale et régionale des droits de mutation entraînent une augmentation des crédits consacrés aux collectivités locales.
Ainsi, 20 400 millions de francs supplémentaires sont inscrits à ce titre dans le projet de budget. Toutefois, il s'agit non pas de crédits supplémentaires pour les budgets des collectivités territoriales mais plutôt d'une compensation. Si nous nous réjouissons que celle-ci soit quasi intégrale cette année, nous sommes toutefois inquiets des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle.
Cette réforme, que nous ne jugeons pas comme étant d'ailleurs a priori un élément incitateur à la création d'emplois, va fortement modifier, à l'avenir, les relations financières entre l'Etat et les collectivités.
L'article 29 de la première partie du projet de loi de finances prévoit que, à terme, en 2004, la suppression de la part salariale sera indexée sur l'évolution de la dotation globale de fonctionnement.
Le produit de la taxe professionnelle représente près de 50 % de la fiscalité locale. C'est donc la principale ressource des collectivités. Mais cette taxe est prise en charge pour 60 % par le budget de l'Etat, c'est-à-dire par les petits contribuables à travers l'impôt. Cette prise en charge nous laisse dubitatifs au regard des principes de décentralisation.
Les lois de 1982 et 1983 ont posé fortement le principe de l'autonomie des collectivités locales. Selon nous, celle-ci ne sera pas effective si les budgets communaux ne sont pas réellement maîtres de l'établissement de leurs ressources propres. Le 3 novembre dernier au Sénat, lors du débat sur la décentralisation, M. Zuccarelli rappelait, à juste raison, que toutes les difficultés économiques qui ont mis à mal les liens sociaux depuis 1982 n'étaient pas sans incidence sur les budgets des collectivités locales.
La décentralisation a étendu le champ des compétences des collectivités, qui jouent désormais un rôle primordial dans toute politique s'attaquant aux problèmes de nos concitoyens.
Plus que jamais, les collectivités territoriales doivent obtenir des moyens accrus pour répondre aux besoins économiques et sociaux de la population et pour faire face à leurs responsabilités nouvelles. D'autant que les réformes, ou les exigences légitimes, en matière de sécurité, de scolarité ou de revalorisation salariale dans la fonction publique induisent des dépenses supplémentaires qui appellent un rattrapage significatif.
Les lois récemment adoptées - celle qui concerne la lutte contre les exclusions, celle qui est relative aux emplois-jeunes ou encore celle qui a trait aux 35 heures, impliquent que les communes puissent traduire concrètement ces avancées et contribuer ainsi à la réussite des réformes engagées. C'est tout le sens de nos appréciations, voire de nos critiques et de nos sollicitations.
Nous réfutons l'idée de laisser les collectivités territoriales seules face au choix fatidique d'augmenter les impôts locaux ou de réduire les services qu'elles rendent à la population.
Quel que soit le choix fait par les municipalités, les répercussions seront subies par la population. C'est pourquoi nous considérons que l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités locales est trop insuffisant, notamment en ce qui concerne la progression de l'enveloppe globale pour 1999.
Le pacte de stabilité mis en place en son temps par le gouvernement Juppé, sans le moindre souci de concertation avec les élus locaux - votre grand mérite est d'avoir rompu avec cette pratique solitaire du pouvoir, monsieur le ministre - a provoqué un manque à gagner important pour les collectivités : 7 milliards de francs par rapport aux règles qui s'appliquaient précédemment ; 19 milliards de francs si les collectivités avaient bénéficié, à égalité avec l'Etat, des fruits de la croissance.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Parce qu'il y a eu des fruits de la croissance ?
M. Michel Duffour. Aussi, le groupe communiste républicain et citoyen ne peut que se réjouir de la mise en place du contrat de croissance et de solidarité.
Nous nous félicitons qu'il s'agisse d'un contrat, travaillé, discuté, amélioré, au fil des rencontres et des concertations avec les associations d'élus. Notre groupe est disponible pour poursuivre et approfondir ce dialogue, monsieur le ministre.
Ce contrat contribue effectivement à la solidarité, en modulant la baisse de la dotation de compensation de la taxe professionnelle en fonction des capacités financières des collectivités, mais aussi en abondant de 500 millions de francs la dotation de solidarité urbaine hors enveloppe.
Si nous sommes satisfaits que l'Etat reconnaisse enfin le rôle économique des collectivités locales, nous restons réservés sur les niveaux d'indexation retenus ou sur le maintien du rôle de variable d'ajustement de la DCTP.
La santé des collectivités locales reste fragile. La capacité de financement dégagée cette année est due à des efforts considérables de gestion, à un faible niveau d'investissement, à des hausses successives de la fiscalité locale, au gel de l'indice de la fonction publique en 1997 et à l'abaissement des taux d'intérêt qui ont permis des renégociations avantageuses de prêts.
Autant de conditions qui ne seront plus remplies en 1999 et qui motivent notre point de vue critique quant aux taux de croissance retenu pour l'évolution des dotations sans enveloppe.
Les difficultés des collectivités n'épargnent pas les élus, notamment les maires, leur moral, leurs perspectives en tant que premier magistrat. Nous sommes soucieux de toute fragilisation de ce tissu démocratique indispensable.
La crise de la fonction d'élu n'est pas sans lien avec l'augmentation des charges et des responsabilités des collectivités ni avec l'incessante baisse des moyens dont elles disposent.
Il nous semble urgent d'avancer sur la démocratisation de la vie politique, notamment sur la question du cumul des mandats et du statut de l'élu local.
Le groupe communiste républicain et citoyen a déposé une proposition de loi visant à favoriser l'exercice de la démocratie locale et à renforcer les moyens dont disposent les communes. Nous préconisons, entre autres mesures, une extension des autorisations d'absence et du droit à la formation pour permettre aux élus de mieux assumer leurs mandats. Le problème, nous le savons tous, est plus vaste et complexe, mais menons déjà à leur terme de premières mesures.
Le problème de la fiscalité locale me conduit à évoquer la coopération intercommunale, qui sera au coeur des projets sur l'aménagement du territoire et de l'intercommunalité.
Le débat sur la réforme de l'intercommunalité doit être abordé non pas d'abord à partir des inégalités de ressources entre villes, mais à partir des réels besoins et projets de développement de la coopération intercommunale librement décidée.
Il ne faut pas risquer de nous retrouver dans une loi qui viderait les communes de leur substance, de leurs ressources et leur imposerait un passage en force d'une intercommunalité qui serait alors bien mal nommée.
L'aménagement doit être au service de toute la population.
Si une nouvelle cohérence est souhaitable, la coopération à laquelle nous aspirons doit s'exercer pour des projets librement décidés sur un territoire pertinent qui peut varier selon la nature des projets, et donc ne pas toujours coïncider avec celui de la communauté d'agglomération envisagée par le projet du Gouvernement.
Il faut avancer vers le partenariat effectif. Dynamiser un véritable esprit communautaire, à travers des projets concrets, cela ne signifie pas écraser l'identité de chaque commune.
En tout état de cause, des moyens nouveaux sont nécessaires.
L'intercommunalité ne doit pas être un partage de la pénurie.
C'est pourquoi l'introduction des actifs financiers dans l'assiette de la taxe professionnelle constituerait, selon nous, un progrès réel, contribuant à recentrer les profits des entreprises sur l'investissement et sur l'emploi en France, c'est-à-dire sur une croissance réelle et non financière.
Il y a en effet une sous-fiscalisation évidente de la richesse financière.
Ces recettes permettraient d'abonder le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et, par conséquent, d'atténuer les disproportions financières entre collectivités.
Dégager des ressources nouvelles est une condition sine qua non pour la poursuite de la décentralisation.
Voilà, monsieur le ministre, quelques-unes des remarques que je tenais à faire, au nom de mon groupe, mais aussi de très nombreux élus locaux et de leurs associations, sur cette dimension du projet de budget de l'intérieur et de la décentralisation pour 1999. L'année qui vient sera particulièrement importante pour l'avenir des structures communales.
Sachez que nous prendrons toute notre place, cette année encore, de manière constructive et responsable, dans les débats qui s'engagent sur la fiscalité locale et l'intercommunalité. Aujourd'hui, nous voterons le présent projet de budget.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon groupe votera, lui aussi, le budget des collectivités locales et de la décentralisation, et en le disant je n'ai pas conscience de mettre fin à un suspense insoutenable.
Cependant, cette approbation ne va pas sans plusieurs réserves, dont certaines portent sur le fond et peuvent sans doute donner lieu à modification avant le vote définitif.
Je noterai d'abord qu'un certain nombre de mesures réformatrices vont dans le bon sens, du moins dans leur principe, sinon dans tous les aspects de leur application. J'en retiendrai trois principales.
La première, c'est la taxe professionnelle. Un effort est consenti pour limiter les conséquences négatives de cet impôt sur l'emploi. On peut en espérer un certain nombre d'emplois, sans doute essentiellement pour les plus petites entreprises, mais ce sont bien celles qui, dans les années récentes, en ont créé le plus.
La deuxième mesure réformatrice concerne la transformation du pacte de stabilité en contrat de croissance et de solidarité, établi après un certain nombre de réunions qui ont eu lieu au printemps dernier entre élus et Gouvernement. Il ne s'agit pas d'une simple évolution sémantique. Indexer les dotations sur une part de la croissance est un bon principe. Après avoir accepté la prise en compte à 20 %, au lieu de 15 %, de cette croissance, on a envie de vous dire : encore un effort, monsieur le ministre !
La troisième mesure, que j'ose à peine qualifier de réforme, concerne la taxe d'habitation. Après l'annonce d'une application rapide de la révision des bases, le Gouvernement a choisi d'établir des simulations. C'est la sagesse même. On peut simplement s'étonner qu'après tant d'années les simulations n'aient pas été réalisées. Les projections étant faites, il est à redouter que l'on ne recule compte tenu des perturbations importantes qu'entraînera, à masse égale, l'application de la révision des bases. En tout cas, on ne peut plus attendre, car les résultats remontent quasiment à une décennie et ils commencent à dater.
Avec des réformes en cours ou annoncées, auxquelles on peut peut légitimement ajouter les projets de loi portant respectivement sur l'intercommunalité, sur l'intervention des collectivités locales ou sur l'aménagement durable du territoire - qui auront nécessairement des répercussions sur les finances des collectivités locales - on peut comprendre que nous soyons plus dans une période de reconduction des ressources affectées attribuées que dans une période d'amélioration de celles-ci, et ce malgré la contribution majeure qu'apportent les collectivités locales à l'effort d'équipement de la nation.
Cette prudence, on peut la comprendre, enfin, par le constat de l'amélioration réelle des finances des collectivités : l'effet de ciseaux entre ressources et dépenses s'est réduit, les investissements ont repris, l'endettement s'est modéré, voire a franchement diminué. Tout cela est dû à la conjoncture et, en particulier, à la baisse des taux.
Je ne saurais passer sous silence un certain nombre de critiques, dont certaines ne manquent pas d'être préoccupantes. Selon le temps dont je disposerai encore, je ferai part d'un ou deux éléments d'inquiétude sur les charges pesant sur le budget des collectivités locales.
J'ai trois critiques à formuler sur ce qui fait le coeur des nouveautés de ce budget particulier, à savoir la réforme de la taxe professionnelle et le mode d'attribution des dotations de l'Etat.
La première critique est connue, elle porte sur la part croissante, et fortement croissante à la suite de la réforme de la taxe professionnelle, des dotations de l'Etat dans les ressources des collectivités locales.
On peut dire tout ce que l'on voudra, on peut faire des comparaisons avec nos voisins, par exemple l'Allemagne, mais dans un pays centralisé comme la France, il y a là sinon risque de tutelle, du moins atteinte à la libre administration des collectivités territoriales. (M. le rapporteur spécial fait un signe d'assentiment et applaudit.) Merci de m'approuver, monsieur le rapporteur spécial, mais c'est trop de m'applaudir.
La situation serait effectivement très différente si les collectivités territoriales étaient bénéficiaires du produit d'un grand impôt national, comme l'impôt sur le revenu ou la TVA - tel est le cas en Allemagne - qui est le reflet direct de la richesse nationale. Cela présenterait des risques, mais ce serait indiscutable et clair. En tout cas, en ce qui concerne la part des dotations de l'Etat dans les ressources des collectivités locales, nous avons atteint un plafond, qu'il convient de ne pas dépasser sauf à créer un réel problème, y compris peut-être sur le plan constitutionnel.
Ma deuxième critique porte sur l'évolution prévisible de la compensation de la TVA. Il est clair que le nouveau dispositif aura pour effet d'exclure des éventuelles augmentations de taux une part significative et croissante de la taxe professionnelle. Ce gel s'étendra progressivement aux bases, au fur et à mesure de l'intégration des abattements sur la part salaires dans la compensation, puis dans la DGF.
Permettez-moi à cet égard d'illustrer mon propos par l'exemple de la Haute-Vienne. Nous avons établi une simulation portant sur les cinq dernières années, selon le mode de calcul qui prévaudra pour les cinq années à venir, et nous avons estimé que dans ces conditions le produit de la taxe professionnelle aurait été inférieur de 4,7 millions de francs en 1998 à ce qu'il est, soit à peu près un point du produit des quatre taxes, et que la perte sur cinq ans aurait atteint 13,6 %, soit l'équivalent d'environ trois points de fiscalité. C'est tout de même beaucoup, même si l'on peut, comme moi, accepter l'idée qu'il s'agit là d'une contribution des collectivités à l'effort national en faveur de l'emploi au travers de l'allégement des charges supportées par les entreprises ; c'est tout de même beaucoup, surtout si l'on note que la réactualisation légale des bases, qui ne touche pas la taxe professionnelle, a pour effet mécanique de faire peser les augmentations de taux plus sur les ménages que sur les entreprises. Cela prouve, encore une fois, qu'il est urgent, pour redonner un semblant de liberté aux collectivités - elles n'en abusent pas, monsieur le ministre - de dissocier l'évolution de la taxe d'habitation et celle de la taxe professionnelle.
Ma troisième critique concerne le mécanisme mis en place traduisant la volonté du Gouvernement, volonté que l'on peut comprendre dans son principe et même approuver, de faire jouer de façon différente, en vue de moins pénaliser les collectivités locales « pauvres » par rapport aux collectivités locales « riches », la variable d'ajustement qu'est devenue la DCTP depuis l'entrée en vigueur du pacte de stabilité : après l'annonce d'une évolution de plus 2,78 %, on est passé à plus 1,67% pour remonter ensuite à plus 1,81 %, soit une baisse de 9,3 % au lieu des 11,1 % annoncés. Tout cela est clair ; ce qui l'est moins, c'est la façon dont la DCTP est devenue non seulement une variable d'ajustement mais encore une variable péréquatrice.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Jean-Claude Peyronnet. Jusque-là, la péréquation s'établissait au sein du même type de collectivités, ce qui se justifiait par la pertinence des comparaisons possibles entre collectivités. Ainsi, les communes bénéficiaires de la DSU étaient aidées par les autres communes ; certes, les bourgs-centres avaient été ajoutés ; mais enfin, malgré un empilement d'apparence assez compliqué, le fonctionnement était clair. De même, les vingt-trois départements bénéficiaires de la dotation minimale de fonctionnement étaient aidés par les autres départements, et les quatorze régions bénéficaires du Fonds de correction des déséquilibres régionaux étaient aidées par trois régions, notamment l'Ile-de-France.
Tout cela, si j'ai bien compris, est en passe de changer : toutes les collectivités locales bénéficiaires d'une compensation que je viens de citer et qui ne seraient pénalisées que de la moitié de la pénalité des autres le seraient à partir d'un « pot commun ».
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, ce n'est pas du tout transparent ! Mieux vaudrait que, comme sous le l'Ancien Régime, chaque collectivité ait ses propres pauvres !
J'ajoute que, à l'aube des temps modernes, donner aux pauvres permettait de faire son salut ! (Sourires.)
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Jean-Claude Peyronnet. Le département de la Haute-Vienne, qui voit son augmentation de DGF réduite à 0,7, aimerait bien savoir à quels pauvres il donne, considérant, par exemple, que le fait de donner à une région dont le président est soutenu par le Front national, comme la région Languedoc-Roussillon, ne lui assure pas nécessairement le salut ! (Nouveaux sourires.)
Je voulais formuler deux interrogations, mais, faute de temps, n'en exposerai qu'une seule : elle concerne les 35 heures.
Je suis de ceux qui pensent qu'il faudrait appliquer les 35 heures, avec création d'emplois, aux collectivités locales. Je suis aussi de ceux qui pensent que, malgré tout, financer les emplois sans autre forme de procès sur simples ressources fiscales n'était pas pleinement satisfaisant, et qu'une telle création d'emplois ne peut se justifier que si elle s'accompagne d'une véritable amélioration négociée du service public.
Je sais qu'une mission est en cours, mais - je me permets d'y insister - il est urgent pour nous d'en obtenir les conclusions.
Il faut en effet reconnaître que nous vivons dans un certain désordre, et le désordre, ce n'est pas la liberté !
C'est d'autant plus vrai que les collectivités, en particulier les départements, ont à gérer l'application des 35 heures dans les établissements sociaux. Si j'ai bien compris, le droit commun est applicable à ces établissements. Or les 35 heures se traduisent par une flambée des prix de journée payés par l'usager ou par les collectivités - départements et par, ricochet, communes.
Monsieur le ministre, les collectivités locales attendent des directives claires. En l'occurrence, la référence à leur liberté est fallacieuse parce que la réduction du temps de travail est une mesure nationale. Or, dans le cas présent, vous les laissez libres de l'application ou pas des 35 heures dans les établissements par l'acceptation ou non du poids accru de la masse salariale dans les prix de journée, et cela, monsieur le ministre, ce n'est pas satisfaisant.
J'évoquerai notre inquiétude qui concerne les services départementaux d'incendie et de secours et leur évolution financière préoccupante à l'occasion de l'examen des crédits consacrés à la sécurité.
Cela étant, ces réserves et ces demandes d'explication n'entacheront pas notre vote, qui, je le répète, sera positif. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est évidemment à l'occasion de l'examen du projet de budget que se vérifie la réalité de la volonté décentralisatrice d'un gouvernement.
Il s'agit de savoir si les collectivités locales disposent bien des moyens de leur action et si l'origine de ces moyens garantit la liberté et la responsabilité des collectivités ou si, au contraire, elle assujettit ces dernières et donc les déresponsabilise.
Il n'est pas inutile non plus de voir dans quel sens va le mouvement : vers plus de responsabilité, plus de clarté ou, au contraire, vers une certaine forme de recentralisation ?
Constatons tout d'abord que les collectivités locales ont fait preuve d'un sens réel des responsabilités.
Engagées en 1996 par le précédent gouvernement dans un pacte de stabilité qui a survécu à l'alternance politique de 1997, et malgré un contexte macroéconomique difficile, caractérisé par une très faible croissance et par la contribution demandée à l'effort de redressement des finances publiques, les collectivités locales ont été capables de limiter l'augmentation des dépenses de fonctionnement et d'engager leur désendettement en dégageant ainsi une nouvelle capacité de financement. L'Etat doit leur en savoir gré.
Il serait donc injuste qu'elles soient maintenant pénalisées parce que leur situation s'est améliorée d'une manière certes inégale selon les collectivités mais, dans l'ensemble, raisonnable et vertueuse. Il faut au contraire reconnaître, comme le fait M. le rapporteur, que le contrat de croissance et de solidarité, qui aurait été l'occasion d'associer les collectivités locales à un contexte macroéconomique de retour au moins provisoire à la croissance, est en fait peu novateur.
Il faut ensuite se projeter dans l'avenir, un avenir proche, celui de l'approfondissement de la décentralisation, avec les textes annoncés sur la réforme non seulement de l'intercommunalité mais aussi de la taxe professionnelle.
En 1992, j'ai mis sur pied la première communauté de villes de France, dont je suis d'ailleurs toujours le président. Mes collègues maires de dix-sept communes, dont une ville moyenne, Cambrai, et dix communes rurales ou du moins « rurbaines » de moins de 500 habitants, et moi-même avions choisi cette formule à cause de l'importance promise de la DGF mais aussi et surtout parce que la taxe professionnelle unique nous paraissait le choix de l'avenir, favorisant une réelle cohérence de la communauté tout en étant mieux comprise des assujettis.
Nous n'avons pas toujours été récompensés pour ce choix novateur.
Parce qu'il n'en avait pas, en fait, les moyens, le comité des finances locales a amputé la DGF des communautés de villes d'une bonne part de son montant. En outre, ce choix courageux était psychologiquement difficile, car il est pénible pour un maire de s'en remettre à d'autres du soin de lever la taxe professionnelle, qui représente souvent plus de la moitié du produit de l'impôt local.
C'est sûrement de là que vient l'échec de la formule : il n'y a aujourd'hui, en France, que cinq communautés de villes.
Pourtant, tout compte fait, nous avons eu raison de choisir la taxe professionnelle unique. Au congrès des maires de France, voilà quelques jours, j'ai d'ailleurs déclaré qu'il ne fallait pas avoir peur de la taxe professionnelle unique, qui est évidemment le choix de l'avenir.
Mais encore faudra-t-il que la taxe professionnelle reste de la responsabilité des élus locaux et que l'Etat, en en redéfinissant l'assiette et en assurant une part plus grande de son financement, ne se donne pas ainsi le moyen de peser directement sur l'avenir de cet indispensable échelon qu'est l'intercommunalité.
Il faut être objectif. L'inscription dans la loi du montant de la future DGF des communautés d'agglomération est une bonne mesure qui devrait nous éviter la répétition de la calamiteuse déconvenue de 1992 ; mais l'ambiguïté de l'évolution de la taxe professionnelle doit être levée.
En conclusion, je voudrais répéter ici quelques évidences. Il faut garder à la France ses communes, car elles assurent le maillage humain ainsi que la vitalité du territoire et de la démocratie. Mais nous ne sauvegarderons nos communes qu'en développant une réelle intercommunalité disposant de ses ressources propres clairement identifiées, et donc de ses responsabilités. C'est à cette condition que se réalisera, à la base, la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais souligner, après les interventions de M. le rapporteur spécial et de M. le rapporteur pour avis, combien ce projet de budget est fondé sur le principe contractuel de relations entre l'Etat et les collectivités territoriales. Ce principe était celui du pacte de stabilité, en vigueur jusqu'à la fin de l'année 1998, qui avait été imposé aux collectivités locales plutôt que véritablement négocié.
Le Gouvernement a pris le temps d'une large concertation non seulement avec les associations mais également avec le président et le rapporteur général de la commission des finances, qui ont été longuement interrogés sur les propositions pouvant être faites. Il fallait évidemment concilier les attentes des élus avec la situation économique générale.
Cela étant, nous nous sommes accordés sur la démarche de la programmation pluriannuelle, ce dont MM. Mercier et Hoeffel se sont félicités. En effet, la programmation sur trois ans de l'évolution des concours financiers des collectivités locales permet aux gestionnaires locaux d'établir des prévisions et de bâtir des budgets sur des bases stables.
Cela étant, il fallait ensuite trouver des critères permettant de gager cette enveloppe. Le Gouvernement a souhaité introduire un élément de croissance. Comme l'a indiqué M. le rapporteur spécial, le périmètre de l'enveloppe normée et les règles de progression des différentes dotations ne sont pas modifiés. C'est ainsi que la dotation globale de fonctionnement connaîtra, en 1999, une progression de 2,78 %.
Le Gouvernement a souhaité que les collectivités locales soient intéressées à la croissance, au retour de croissance, ce dont M. Duffour s'est félicité. Alors que le projet de loi de finances initial prévoyait la prise en compte de 15 % en 1999, de 25 % en 2000 et de 33 % en 2001 du taux prévisionnel du produit intérieur brut, l'Assemblée nationale a souhaité porter ces taux respectivement à 20 %, à 25 % et à 33 %. Quant au Sénat, il a préféré un taux de 33 % en 1999.
Quel que soit le chiffre retenu en définitive, il montre bien l'intérêt pour les collectivités locales de bénéficier pour partie de l'évolution de la croissance, mesurée par l'indice du PIB.
En ce qui concerne l'objectif de solidarité, le Premier ministre a proposé qu'un groupe de travail se penche, en 1999, sur la péréquation, notamment dans la dotation globale de fonctionnement.
D'ores et déjà, le Gouvernement propose de renforcer la péréquation. En ce qui concerne la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui reste évidemment, comme dans le pacte de stabilité, la variable d'ajustement, la progression de la dotation globale de fonctionnement va conduire à une baisse de 9 % globalement. Cela pourra affecter certaines collectivités jusqu'à concurrence de 23 %, comme l'a indiqué M. le rapporteur spécial.
Comment éviter que cette évolution de la DCTP frappe les communes qui ont des difficultés, les communes défavorisées ?
Les communes qui sont éligibles à la DSU ou à la dotation de solidarité rurale bourg-centre ne connaîtront aucune perte de DCTP grâce à un versement du fonds national de taxe professionnelle.
Il en ira de même, et je m'en réjouis, des communautés urbaines et des districts qui comportent des communes membres éligibles à la DSU ou à la dotation de solidarité rurale, grâce à un amendement proposé sur la première partie du projet de loi de finances par M. Mercier et adopté à l'unanimité par le Sénat. Cette unanimité est un gage pour la deuxième lecture à l'Assemblée nationale ! Cette mesure permettra en tout cas d'éviter que certaines grandes communautés ou certains districts qui ont fait un effort de regroupement soient pénalisés par cette baisse.
Par ailleurs, la DSU sera abondée en 1999 par un apport budgétaire de 500 millions de francs. Il s'ajoutera à la croissance naturelle de la DGF, qui devrait apporter environ 500 millions de francs à la DSU. Cela signifie que le dispositif de dotation de solidarité urbaine devrait augmenter d'un milliard de francs. Il sera reconduit en 2000 et en 2001.
M. Peyronnet m'a interrogé sur la modulation de la baisse de la dotation de compensation de taxe professionnelle.
Cette modulation doit être comprise par catégories. C'est au sein de la DCTP des départements que seront appliqués les 50 % de modulation au profit des départements bénéficiaires de la dotation de fonctionnement minimale.
Sur ce point, le texte issu des discussions en première lecture dans les deux assemblées n'est peut-être pas suffisamment précis et nous devrons essayer de l'améliorer en deuxième lecture. Mais l'esprit de la disposition est bien celui-ci, je veux le confirmer.
Avec cet abondement de la DSU d'un milliard de francs et compte tenu de la progression de diverses dotations, l'effort financier de l'Etat en 1999 envers les collectivités locales progressera de 4 %. Cette progression réelle est sans précédent depuis 1993 ! Si l'on tient compte de l'effet positif de la reprise de la croissance sur les bases d'investissement en matière de taxe professionnelle, les budgets locaux pourront faire face à leurs charges et renouer avec l'investissement.
Au demeurant, les chiffres qui ont été recensés par le Crédit local de France nous permettent de dire, monsieur Legendre, que la situation financière globale des collectivités locales est saine, grâce aux efforts réalisés au cours de ces deux dernières années en matière d'économie de gestion. On peut donc s'attendre, pour les prochaines années comme en 1998, à une progression de l'investissement qui profitera à l'activité économique. M. Hoeffel a d'ailleurs rappelé, à juste titre, que les collectivités locales réalisent les trois quarts des investissements publics sur le territoire national.
Je ne m'attarderai pas sur l'évolution de chacune des dotations dont les règles n'ont pas été modifiées, sauf en ce qui concerne le fonds de compensation de la TVA. En effet, vous savez que le Gouvernement a accepté d'étendre le bénéfice de ce fonds aux travaux d'intérêt général ou aux travaux d'urgence. C'est une mesure qui était attendue.
Vous avez évoqué également, en dehors des transferts financiers, la question des charges. Nous en avons débattu voilà trois semaines dans cette enceinte, lors du débat consacré à la décentralisation, sur l'initiative du président Poncelet.
S'agissant de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, un groupe a été constitué au sein du comité des finances locales, et il s'est déjà réuni. Il doit proposer une solution de long terme, dans le cadre des travaux difficiles, tout le monde le sait bien, que le Commissariat au Plan a déjà entrepris sur l'avenir des retraites. Pour 1999, il n'y aura pas d'augmentation de la cotisation employeur de la CNRACL.
Les normes, sujet fréquemment évoqué, ont un coût qui semble à beaucoup d'élus à la fois croissant et non maîtrisé.
Nous devons rechercher une méthode qui permette de mesurer et de limiter les conséquences sur les budgets locaux des normes techniques, qu'elles soient d'origine européenne ou nationale. Un groupe de travail, présidé par votre collègue M. Adnot, président du conseil général de l'Aube, a été constitué sur ce sujet et travaillera en concertation avec les élus locaux, pour faire progresser ce dossier. La récente circulaire du Premier ministre sur la préparation des directives européennes et leur transposition impose d'ailleurs à l'Etat des règles nouvelles qui devraient contribuer à une meilleure maîtrise des normes.
M. Peyronnet m'a interrogé sur l'application des 35 heures aux associations qui sont placées sous convention avec des collectivités locales - les départements, par exemple - et qui relèvent du droit privé. Je comprends sa préoccupation financière, mais Mme Aubry a déjà eu l'occasion de lui apporter une réponse. S'il est vrai que l'on ne peut s'exonérer de l'application d'une loi générale qui régit le secteur privé, la discussion se révèle nécessaire avec les services du ministère de l'emploi et de la solidarité.
En matière de fiscalité, je ne reviendrai pas sur les grands thèmes que nous avons abordés au Sénat lors du récent débat sur la décentralisation. Je ne crois cependant pas que nous soyons, comme l'a dit votre rapporteur spécial, M. Mercier, dans le cadre d'une fiscalité octroyée. Le Gouvernement s'est simplement attaqué à l'irritante question de la taxe professionnelle, qui, il faut bien le reconnaître, est posée depuis vingt ans - depuis la dernière réforme entreprise par M. Fourcade - par tous les élus locaux de même que par les chefs d'entreprise.
La réforme proposée privilégie la compensation plutôt que le dégrèvement des pertes de ressources des collectivités locales sur la part salariale.
Le Sénat, pour sa part, souhaite l'application d'une règle de dégrèvement, mais cette dernière présenterait deux inconvénients : le premier est que toutes les entreprises, en particulier les PME, devraient établir une déclaration fiscale et seraient donc soumises à des obligations administratives inchangées ; le second est que les communes qui font face à des fermetures d'entreprises subiraient des difficultés financières supplémentaires, même s'il est vrai qu'à l'inverse les communes dans lesquelles la part salariale de la taxe professionnelle augmente en auraient bénéficié. Le mécanisme de compensation offre, de ce point de vue, certaines garanties pour les collectivités locales.
Je ne pense pas non plus que le mécanisme de compensation de l'élément salarial de la taxe professionnelle, qui représente 35 % de l'assiette de la taxe professionnelle, constitue un véritable obstacle à la coopération intercommunale ni, je le dis au passage, à la taxe professionnelle unique, qu'a évoquée M. Legendre en nous rappelant le bien-fondé de l'action qu'il a menée à Cambrai.
Pour ma part, je suis persuadé qu'au début du siècle prochain il faudra s'orienter vers le développement d'agglomérations et que, à cet échelon, nous ne pouvons plus admettre la concurrence entre différentes taxes professionnelles. Le progrès d'une agglomération passe par la ressource que lui apporte la taxe professionnelle.
Jusqu'à présent, la taxe professionnelle unique, même progressive, n'a été adoptée que par un peu plus de 80 communautés ou districts, ce qui est faible par rapport à l'objectif de la loi de 1992. L'an prochain, la discussion du projet de loi sur l'intercommunalité - le projet de loi Chevènement - devrait nous permettre de progresser plus rapidement vers cet objectif en fondant la fiscalité des groupements et des agglomérations sur une base solide qui est la référence économique.
Resterait évidemment, comme l'a dit M. Peyronnet, à établir un autre partage des recettes fiscales, ce qui est difficile en raison des problèmes d'équilibre posés. Je reste quand même persuadé que, sur le plan local, l'activité économique doit constituer l'une des assiettes de la fiscalité. Certes, ensuite, il faudra définir les critères, mais on imaginerait mal un financement des activités locales qui ne tiendrait pas compte de la richesse économique, quitte à ce que celle-ci soit péréquée sur le plan national par des mécanismes qui pallient les déséquilibres.
Cette assise sur l'activité économique me paraît essentielle afin que la fiscalité repose sur des réalités locales, et en tout cas qu'elle associe, d'une façon ou d'une autre, les entreprises - qui sont consommatrices de services publics - au financement des activités locales.
J'évoquerai maintenant la question de la déconcentration.
M. Hoeffel a souligné le rôle que joue l'administration territoriale, en particulier l'administration préfectorale, dont le ministère de l'intérieur est responsable. En effet, la décentralisation doit aller de pair avec une déconcentration des services de l'Etat.
Cette année 1999 sera pour l'administration territoriale celle du lancement de la réforme de l'Etat, à la suite des travaux qui ont été menés par mon collègue M. Zuccarelli. Ce mouvement de déconcentration est nécessaire pour permettre à l'administration d'être à la fois plus proche des citoyens, au service des usagers, à l'écoute des collectivités locales.
Nous nous sommes beaucoup préoccupés de décentralisation ce matin et lors d'un précédent débat, mais je veux aussi rendre hommage au travail qu'accomplissent les services préfectoraux et les agents de préfecture. Au cours de cette année 1998, ils ont été beaucoup sollicités, à la fois sur les dossiers de régularisation des étrangers, sur la mise en place de la pastille verte, sur la distribution de la carte nationale d'identité - l'annonce de sa gratuité au mois de septembre a suscité de nombreuses demandes - et en ce moment encore sur les missions d'urgence sociale. Or il est paradoxal que ces fonctionnaires, qui sont constamment sur la brèche, travaillent dans le cadre d'une organisation administrative dont l'architecture n'a guère évolué depuis deux siècles.
Le Gouvernement a donc entrepris une réforme en profondeur de ces structures, fondée sur le principe de la déconcentration.
Cette réforme ne peut, bien sûr, s'élaborer dans le secret de l'administration centrale. C'est pourquoi chaque préfet - je l'ai souligné jeudi devant l'association du corps préfectoral - devra élaborer un projet territorial de l'Etat dans son département, avec de réelles marges de manoeuvre et d'innovation. De cette manière, il pourra, en concertation avec ses chefs de service et avec ceux des différents services de l'Etat, adapter l'action de l'Etat au niveau de son propre département.
J'ai d'ailleurs pu constater que de nombreuses propositions ont été mises en oeuvre, notamment outre-mer, pour améliorer la capacité d'adaptation et de réaction aux évolutions de la société locale et à la diversité des situations. C'est ainsi que les départements de la Martinique et de La Guyane ont innové sur le plan de la gestion.
Le chapitre Fonctionnement des préfectures est maintenu à son niveau de 1998, c'est-à-dire 1,7 milliard de francs, avec des transformations d'emplois et une mesure indemnitaire de 7,5 millions de francs qui permettent de poursuivre le mouvement de requalification des personnels.
Les effectifs globaux restent stables, même si le ministère de l'intérieur contribue à l'équilibre général de la balance des emplois au plan national ; mais ce budget pour 1999 de l'administration territoriale permettra de prendre en compte, notamment, les besoins existants dans les préfectures.
Je souhaitais, à travers cette intervention devant le Sénat, saluer, au nom de l'Etat, le travail accompli par les agents des services préfectoraux. Ils ont notamment souvent entrepris une modernisation portant sur les conditions d'accueil.
A cet égard, j'ai pu observer récemment à Alençon, à l'occasion des journées des communautés urbaines, les réalisations accomplies à la préfecture de l'Orne ; j'ai pu constater qu'aujourd'hui la qualité de l'accueil du public, la sécurité des agents et les conditions de fonctionnement sont mieux prises en compte, ce qui me paraît essentiel s'agissant de services rendus aux usagers.
Telles sont, monsieur le président, les précisions que je souhaitais apporter sur ces crédits budgétaires qui nous ont déjà retenus à plusieurs reprises.
Je pense que l'annonce du pacte de croissance et de solidarité entre l'Etat et les collectivités locales permet de tracer un avenir pour les trois prochaines années avec une bonne connaissance des dotations. Je pense également que les évolutions positives de la DGF permettront aux élus locaux de préparer leur budget dans de bonnes conditions. Nous connaissons tous les difficultés auxquelles notre société est confrontée. L'Etat et les collectivités locales y travaillent en partenariat, qu'il s'agisse des problèmes du chômage, de la sécurité - que nous aborderons tout à l'heure - des difficiles questions sociales, de la réhabilitation des quartiers ou du maintien de l'activité dans le secteur rural. Il n'y a pas de recul de la décentralisation. Il y a au contraire la volonté de l'Etat de travailler - c'est le choix du Gouvernement - avec les élus locaux dans des relations de confiance qui permettent d'améliorer le sort de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. J'indique au Sénat que les crédits concernant la décentralisation inscrits à la ligne « Intérieur et décentralisation » seront mis aux voix aujourd'hui, à la suite de l'examen des crédits affectés à la sécurité.
Mais j'appellerai en discussion l'amendement présenté par la commission des finances au titre IV.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 651 788 454 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.

« Titre IV : 9 050 438 777 francs. »

Par amendement n° II-32 rectifié, M. Mercier, au nom de la commission des finances, propose de rétablir 240 000 000 francs de crédits et, en conséquence, de porter le montant des crédits figurant au titre IV à 9 290 438 777 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Cet amendement vise à augmenter les crédits affectés à la décentralisation. Le Sénat s'efforce d'avoir une action positive en faveur des collectivités locales.
Monsieur le ministre, la commission des finances souhaite rétablir les crédits que vous aviez obtenus dans le projet de budget initial de votre ministère, crédits qui ont été amputés en première lecture par l'Assemblée nationale.
Les crédits étaient destinés à compenser - il s'agit là encore d'une « compensation » - pour les régions la suppression de la taxe régionale sur les droits de mutation. Cela montre bien, les débats en témoignent, que le système des compensations est moins bon que celui des dégrèvements puisque les compensations peuvent « mourir » avant même d'exister !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. M. Mercier l'a rappelé, cette réduction des crédits de mon ministère résulte d'une initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale a porté la part du taux de croissance du PIB retenue pour le contrat de croissance et de solidarité de 15 % à 20 %, et a gagé cette mesure pour un montant de 240 millions de francs sur les droits de mutation à titre onéreux. En conséquence, la dotation de compensation des régions a été réduite dans le cadre de l'équilibre général du budget.
Je comprends que le Sénat souhaite revenir sur cette réduction. Mais, garant de l'équilibre général du budget, vous comprendrez que je ne puisse, sur cette affaire, que m'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-32 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 733 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 582 572 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.

« Titre VI. - Autorisations de programme : 10 925 534 000 F ;
« Crédits de paiement : 6 266 161 000 F. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la décentralisation.

SÉCURITÉ

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la sécurité.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Vallet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes observations porteront sur les crédits alloués à la sécurité, qui englobent bien entendu ceux de la police nationale et de la sécurité civile, mais également les crédits des administrations centrales et territoriales du ministère.
Ces quatre « agrégats », comme on dit dans le jargon budgétaire, rassemblent environ les deux tiers des crédits du ministère de l'intérieur, qui s'établissent pour 1999, dans ce projet de loi de finances, à 53,2 milliards de francs, en hausse de 2 %. Hors dépenses électorales, la progression est de 3 %.
Monsieur le ministre, afin que vous interprétiez les éventuelles observations critiques que je pourrais être amené à formuler comme des remarques constructives, je ne ferai pas durer le mince suspense : au nom de la commission des finances, je vais recommander au Sénat d'adopter ces crédits.
Ce vote conforme s'inscrit dans la stratégie globale de la commission des finances, qui a décidé de « sanctuariser » les budgets régaliens, le vôtre au premier chef.
En outre, contrairement à mes collègues députés de la majorité de l'Assemblée nationale et à certains autres observateurs avisés, je ne trouve pas que des défauts à votre projet de budget.
En effet, malgré les effets néfastes de l'accord salarial dans la fonction publique de février dernier, qui conduit à consacrer près de 90 % des crédits supplémentaires disponibles pour 1999 aux dépenses de personnel, vous parvenez à préserver l'effort d'investissement de votre ministère sans trop pénaliser les moyens de fonctionnement, qui, cette année comme les années précédentes, jouent le rôle de variable d'ajustement des crédits du ministère de l'intérieur.
Par ailleurs, je me félicite de la démarche de votre ministère qui, en matière immobilière, recherche des solutions économes des deniers publics pour réaliser certaines opérations. Je pense en particulier au recours à la location-acquisition pour la construction de quelques commissariats et aux accords avec les organisations de propriétaires immobiliers, procédé qui permet aux fonctionnaires de police de bénéficier de loyers intéressants, évitant ainsi au ministère de devoir participer à la construction de ces logements.
Je me permets ici de rappeler la position constante de la commission des finances et de la Haute Assemblée tout entière : une bonne politique n'est pas une politique dépensière, c'est une politique qui utilise efficacement l'argent des contribuables.
J'en reviens à votre projet de budget, monsieur le ministre. Pour arriver à en dégager les lignes directrices - c'est la première fois que je rapporte ces crédits - quel jeu de piste !
Vous le savez, il existe un décalage entre les données contenues dans les documents budgétaires et la répartition des crédits à laquelle vous procédez chaque année en début d'exercice, dans le cadre du programme d'emploi des crédits de votre ministère.
Je ne conteste pas les indéniables avantages de ce mode de gestion qui vous permet d'ajuster les dépenses au plus près des besoins mais, pour les parlementaires que nous sommes, il pose le problème de la sincérité des documents budgétaires et de la fiabilité des informations qui nous sont transmises.
Je m'interroge également sur le procédé qui consiste à inscrire des dépenses pour 1999 dans la loi de finances rectificative pour 1998. Je ne m'attarderai pas sur la conformité de cette pratique au regard de la règle de l'annualité budgétaire car, vous nous le direz sans doute, l'essentiel est que des crédits soient disponibles pour financer des actions prioritaires.
Cependant, monsieur le ministre, il faut dire ce que vous faites et l'assumer, au risque de méprise.
Ainsi, au vu du seul bleu budgétaire, l'Etat n'honorera pas le remboursement de la dette contractée à l'égard de France Télécom en 1999. En effet, les 90 millions de francs correspondants se trouvent inscrits dans le collectif budgétaire que nous examinerons avant la fin de l'année.
Cet exemple montre que la répartition des crédits pour 1999 entre le projet de loi de finances que nous examinons aujourd'hui et le collectif n'a pas été improvisée. Croyez moi, il aurait été vraiment plus simple de tout faire figurer dans le même texte.
Mais, à quelque chose, malheur est bon, car l'inscription de ces crédits dans la loi de finances aurait contribué à gonfler les taux de progression des différents postes de dépenses, qui sont déjà, parfois, surévalués.
Prenons par exemple les crédits de la sécurité et de la défense civiles, qui augmentent de 9,6 %, après une baisse de plus de 7 % l'année dernière. Eh bien, si la baisse de l'année dernière était avant tout comptable, la forte augmentation de cette année l'est tout autant : elle résulte, d'une part, de la reprise du programme d'équipement de la flotte aérienne, après une année 1998 de transition et, d'autre part, de la régularisation, au sein de la présentation budgétaire, des effectifs professionnels. Ces emplois n'avaient en effet jamais été inscrits dans les documents budgétaires.
De même, la forte augmentation - 14,5 % - des crédits d'investissement de la police nationale s'explique par le montant de la dotation de l'année dernière, qui avait été délibérément faible de manière à permettre la consommation des crédits reportés. Cette année, les reports ont été largement consommés. L'augmentation des crédits d'investissement permet donc de stabiliser le montant de la dépense, mais certainement pas de conclure à un accroissement de l'effort.
En somme, sur ce budget, vous n'avez pas eu beaucoup de marges de manoeuvre, puisque vos priorités ont été dictées par l'évolution des rémunérations et la nécessité de rétablir la tendance en matière de dépenses d'investissement.
Après avoir établi ce point, je voudrais à présent formuler quelques remarques « en vrac ».
S'agissant de la sécurité civile, je voudrais tout d'abord adresser mes félicitations aux unités qui se sont rendues récemment en Amérique centrale apporter un premier secours aux populations victimes du cyclone Mitch.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel et d'administration générale, pour la sécurité civile. Très bien !
M. André Vallet, rapporteur spécial. Ces unités, qui interviennent partout dans le monde, sont la fierté de notre pays, et font beaucoup pour l'image de la France dans le monde.
Dans un registre différent, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous fassiez devant nous le point sur la nouvelle flotte de Canadair dont notre pays s'est doté.
Ces avions, faut-il le rappeler, coûtent 120 millions de francs l'unité, et l'on dit - des techniciens disent, notamment dans des conférences de presse - qu'ils souffrent de graves défauts techniques...
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. André Vallet, rapporteur spécial. ... leur interdisant même de voler.
A quoi sont-ils dus ? La flotte sera-t-elle, comme me l'ont assuré vos services, en ordre de marche pour la prochaine campagne de lutte contre le feu ?
Question subsidiaire, mais fort importante, monsieur le ministre, qui paiera ?
S'agissant des services départementaux d'incendie et de secours, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale que la contribution de certains départements devrait sans doute être majorée. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J'en viens maintenant à la police nationale. Je constate que votre souci, comme celui du gouvernement précédent, est d'assurer une meilleure présence policière sur l'ensemble du territoire.
Le gouvernement précédent avait lancé une série de réformes dont l'objectif était, entre autres, d'augmenter le nombre de policiers affectés à des missions de sécurité publique. Ainsi, la réforme des corps et des carrières permet, progressivement, d'accroître le nombre de policiers en tenue en réduisant à due concurrence les effectifs des corps de commandement.
La réforme des horaires, en réorganisant les brigades, a permis un gain d'effectifs de 5 % à 6 %. Dans le même esprit, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité comportait une disposition relative à la suppression progressive des « tâches indues ». Celle-ci n'a pas connu, c'est le moins qu'on puisse dire, le succès escompté.
A ce sujet, monsieur le ministre, peut-être pourriez-vous renouer un dialogue avec les autres administrations concernées. Il convient en effet d'exploiter au maximum toutes les solutions sans coût budgétaire.
Le gouvernement précédent a donc dégagé des effectifs en procédant à des réformes de structures. Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, a choisi un chantier plus délicat, celui de la réforme de la carte policière.
C'est un sujet sensible, ce qui explique - pourquoi le nier ? - que les dispositions de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité et du pacte de relance pour la ville portant sur le même sujet n'aient été que marginalement appliquées.
Monsieur le ministre, vous avez choisi de passer en force, et vous avez été contraint de reculer.
Pourtant nos collègues MM. Hyest et Carraz avaient fait du bon travail. Par ailleurs, personne ne nie que les zones urbaines sensibles souffrent d'un déficit de présence policière, et que la France dispose d'un nombre de policiers par habitant dans la moyenne des pays européens.
En outre, la gendarmerie bénéficie d'une excellente image de marque auprès de nos concitoyens. Cette réforme aurait donc dû aboutir, d'autant plus qu'elle ne concerne que 1,3 million d'habitants. Mais vous l'avez mal expliquée et mal préparée.
Vous n'êtes pas allé étudier les implantations au cas par cas. Comme l'on rappelé certains de nos collègues en commissions des finances, vous n'avez pas tenu compte des besoins spécifiques des zones rurales. Surtout, vous avez agi en contradiction avec un principe pourtant rappelé à de multiples occasions lors du colloque, si j'ose dire « fondateur », de Villepinte : l'insécurité provient autant de la réalité des menaces que du sentiment d'insécurité éprouvé par les personnes.
Aujourd'hui, vous êtes dans l'impasse. Vous avez envoyé un préfet sillonner la France. Mais, si j'en crois les échos qui me parviennent, si j'en crois les manifestations qui se multiplient, les choses ne se passent pas bien. Qu'en est-il, monsieur le ministre ?
En attendant, vous avez décidé d'affecter les adjoints de sécurité prioritairement dans les zones sensibles. Je m'en félicite, mais il faut garder présent à l'esprit que les adjoints ne sont pas de vrais policiers. Cette mesure ne saurait donc exonérer le Gouvernement de la mise en oeuvre d'un véritable redéploiement d'effectifs.
S'agissant des adjoints, j'ai été heureusement surpris d'apprendre que certains d'entre eux avaient d'ores et déjà réussi des concours de la police nationale. L'année dernière, nous formions le voeu que le statut d'adjoint devienne un tremplin vers d'autres métiers de la sécurité. Ce processus semble en bonne voie.
Il n'en va pas entièrement de même s'agissant des contrats locaux de sécurité. Ces contrats s'inscrivent dans une longue lignée de dispositifs partenariaux. A chaque fois, le bilan est inégal, et dépend surtout, monsieur le ministre, de la qualité de la relation entre les hommes, particulièrement entre les services de police, de justice et les élus locaux.
A cet égard, monsieur le ministre, permettez-moi de vous suggérer de transmettre un message à vos fonctionnaires : les élus locaux sont les premiers intéressés par une baisse de la délinquance, ils sont même, souvent, les premiers saisis. Par conséquent, les commissaires ne devraient pas éprouver de réticence à travailler en bonne intelligence avec eux. Or ce n'est pas toujours le cas !
M. Jean-Jacques Hyest. Les juges aussi !
M. André Vallet, rapporteur spécial. J'ai mentionné les élus locaux. Afin de boucler la boucle avec notre premier débat de ce matin - sur les crédits de la décentralisation - je voudrais, monsieur le ministre, que vous nous en disiez un peu plus sur ce programme « Sécurité 2002 », dont nous savons peu, sinon que les collectivités locales y seront de leur poche.
L'idée, si j'ai bien compris, est de faire participer les collectivités locales au financement de la construction et de la rénovation des commissariats.
Quand comptez-vous annoncer quelque chose ? Quel degré de formalisme comptez-vous donner à ce dispositif ?
Je vous ai posé beaucoup de questions, monsieur le ministre, et mes collègues feront sans doute de même. Nous attendons tous vos réponses avec impatience.
Toutefois, sous le bénéfice des observations que j'ai formulées, je propose au Sénat, comme je l'ai dit au début de mon propos, au nom de la commission des finances, l'adoption des crédits de la sécurité figurant au budget du ministère de l'intérieur. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Courtois, rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la police et la sécurité. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de présenter l'avis de la commission des lois sur les crédits de la police et de la sécurité pour 1999, je tiens à saluer notre collègue M. Paul Masson, à qui j'ai le redoutable honneur de succéder et qui a montré douze années durant sa très large compétence en la matière.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Hommage justifié !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Il m'appartient de souligner les conditions périlleuses dans lesquelles les policiers remplissent leur noble mission au service de la sécurité de nos concitoyens et les conditions d'exercice d'un métier de plus en plus éprouvantes.
Mes premiers propos seront pour rendre hommage aux vingt-cinq policiers décédés ou blessés durant l'année 1998 lors d'opérations de police, qui ont payé de leur sang leur exemplaire dévouement.
Cependant, dans leur vie quotidienne, les Français n'ont pas ressenti d'amélioration, et c'est plutôt un sentiment d'insécurité qui a persisté, alimenté par la recrudescence de la violence urbaine, du trafic de drogue et de la délinquance des mineurs.
Voilà un an, le Premier ministre avait rappelé que chaque citoyen a le droit à la sécurité, socle nécessaire à l'exercice des libertés. Plus récemment, le chef du Gouvernement a fixé comme priorité la lutte contre les actes d'incivilité afin que les transports en commun deviennent plus sûrs.
On ne peut que se féliciter d'entendre le Gouvernement s'exprimer ainsi et rejoindre une perception de la sécurité, qui avait inspiré la loi de programmation et d'orientation de 1995.
Si le projet de budget de la police et de la sécurité augmente de 2,9 % par rapport à 1998, cette progression n'est pas satisfaisante et ne répond pas aux attentes légitimes des Français en matière de sécurité.
Elle ne permettra pas d'atteindre les objectifs fixés par cette loi en matière de personnel, d'équipement et de police de proximité.
La dernière année pour laquelle nous disposons de résultats complets est 1997. Durant celle-ci, la criminalité globale a baissé de 1,86 % grâce à une diminution générale des vols, particulièrement des vols de véhicules grâce aux conséquences des progrès techniques des systèmes antivols.
Au-delà de ces données chiffrées, il convient de noter que la délinquance a été multipliée par six depuis 1950 et que le sentiment d'insécurité dans notre pays est alimenté par la recrudescence et la violence de la délinquance de proximité. Ainsi, les coups et blessures volontaires ont progressé de 8,6 % et les vols avec violence de 3,1 %.
On en peut que regretter la faiblesse du taux d'élucidation de ce type de délinquance et le trop grand nombre d'affaires classées par les parquets, qui renforcent le sentiment d'impunité chez les délinquants et démotivent à l'évidence les forces de police.
Depuis quelques mois se pose avec une certaine acuité le problème de la violence dans les transports en commun. Les mesures préventives nécessaires doivent être prises. La commission des lois considère, à l'unanimité, qu'il y a lieu de renforcer les sanctions des infractions commises à l'encontre des personnels des entreprises de transports publics.
Ces phénomènes de délinquance urbaine se concentrent dans les banlieues et les quartiers défavorisés dont les habitants développent le sentiment d'être des citoyens de deuxième rang, vivant dans des zones de non-droit au contact permanent de la violence urbaine, loin des services mis à la disposition des citoyens par l'Etat.
Votre commission des lois s'est tout particulièrement inquiétée de l'évolution de la délinquance juvénile. Déjà, l'an dernier, mon prédécesseur, M. Paul Masson, faisait part de sa préoccupation quant au caractère de plus en plus violent de délinquants de plus en plus jeunes. Sur les six premiers mois de l'année, la part des mineurs impliqués dans des crimes et délits a atteint 22 %.
Cette situation relève à l'évidence de la faillite des modes de régulation habituels, l'approche de l'éducation classique n'a plus de prise sur les jeunes délinquants, l'emprisonnement ne conduisant qu'à donner des récidivistes.
Les moyens de lutter contre cette délinquance existent. Il convient, tout d'abord, le plus tôt possible d'initier un véritable apprentissage de la citoyenneté chez ces jeunes.
Par ailleurs, les petites infractions ne devraient pas rester sans réponse. Les moyens nécessaires devraient être déployés pour responsabiliser les parents des mineurs concernés et pour éloigner de leur quartier d'origine les délinquants identifiés afin de soustraire leurs camarades à leur mauvaise influence.
A l'occasion de l'examen du projet de budget de 1998, le ministre de l'intérieur avait annoncé au Sénat une modification de l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante.
En fait de modification, c'est à une programmation pluriannuelle que procède le Gouvernement. Le plan présenté affiche la volonté de trouver un équilibre entre prévention et sanction et propose une réponse systématique et adaptée à chaque acte de délinquance.
Votre commission des lois a rappelé l'attachement qui est le sien à voir se développer une lutte efficace et déterminée contre le fléau de la drogue. La baisse du nombre de décès liés à l'usage de drogue en 1997 s'explique par la profonde désaffection constatée pour l'usage de l'héroïne, qui a comme contrepartie la forte progression de nouvelles drogues de synthèse.
Nous demandons au Gouvernement d'agir avec toute la fermeté nécessaire tant au plan interne qu'au niveau international pour mener une lutte sans complaisance contre la toxicomanie, fléau qui touche trop de jeunes.
Pourtant, cette ambiguïté existe lorsque certains membres du Gouvernement font preuve d'indulgence à l'égard de la dépénalisation de l'usage du cannabis,...
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. C'est scandaleux !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. ... ce qui peut générer une démobilisation des services en charge de la répression.
Les forces de police concernées ont été particulièrement mobilisées par la lutte contre le terrorisme en 1998. Les investigations menées à la suite du lâche assassinat du préfet de la région Corse, Claude Erignac, ont permis l'interpellation de 152 personnes durant le premier semestre. Ces services spécialisés ont par ailleurs mené des actions efficaces contre les groupes armés islamistes au moment de la Coupe du monde de football et procédé à l'arrestation d'activistes de l'ETA militaire basque.
Le problème de l'immigration clandestine a évolué, ces derniers mois, suite à la circulaire du 24 juin 1997 et avant la loi du 11 mai 1998 relatives à l'entrée et au séjour des étrangers. Il a été procédé à une vaste opération de régularisation des étrangers vivant en situation irrégulière sur le territoire français. Ainsi que l'avaient prévu nos collègues José Balarello et Paul Masson dans le rapport, au nom de la commission d'enquête sur les régularisations, cette opération a abouti à une impasse pour les 60 000 personnes ayant essuyé un refus de régularisation.
Ce sont des « clandestins officiels », des personnes en situation irrégulière, connues des services de police, mais ne pouvant pas faire l'objet, de par leur nombre, d'une mesure de reconduite à la frontière.
Je ne peux que regretter cette situation inextricable due aux faux espoirs suscités par le Gouvernement.
Celui-ci a souhaité relancer une politique de sécurité de proximité à travers les contrats locaux de sécurité. Ces contrats déterminent les objectifs à atteindre et les actions à engager sur la base d'un diagnostic local de sécurité. Une mission interministérielle d'évaluation de ces contrats a souligné, le mois dernier, le caractère sommaire de ces diagnostics en regrettant que, le plus souvent, l'urgence de signature de contrat prévalait sur le diagnostic. De plus, cette mission à dénoncé l'insuffisante concertation entre les services de l'Etat et les conseils généraux.
L'autre instrument utilisé par le Gouvernement dans sa politique de sécurité de proximité, ce sont les emplois-jeunes. Jusqu'en l'an 2000, 20 000 adjoints de sécurité et 15 000 agents locaux de médiation seront recrutés dans le cadre fixé par la loi relative aux emplois-jeunes et dans des conditions qui ne peuvent que susciter des inquiétudes.
Les adjoints de sécurité sont recrutés sans condition de diplôme et armés après seulement deux mois de formation. En région parisienne, des difficultés ont été constatées dans les recrutements, et le niveau scolaire des candidats recrutés est nettement inférieur à celui du reste de la France.
Le ministère de l'intérieur a annoncé que 40 % des postes de policiers mis au concours seraient réservés aux adjoints de sécurité. Cette annonce peut faire craindre une régression du niveau de recrutement dans la police.
La commission des lois demande qu'un soin particulier soit porté à la sélection des candidats et que soit assurée la qualité de la formation et de l'encadrement de jeunes peu expérimentés qui, il faut le répéter, seront dotés d'une arme.
Des difficultés équivalentes de formation et d'encadrement sont apparues pour les agents locaux de médiation sociale.
On ne peut que regretter les conditions dans lesquelles a été mis en oeuvre le projet de redéploiement territorial des forces de police et de gendarmerie, qui risque fort de s'effectuer au détriment de la sécurité des communes intéressées.
Face à une concertation à l'évidence insuffisante sur ce projet, mission a été donnée à un préfet de mener les consultations complémentaires.
Plutôt que de supprimer des effectifs dans des zones les moins criminogènes, il serait préférable de les renforcer dans les zones où la délinquance est la plus élevée.
Le projet de budget du ministère de l'intérieur pour 1999 ne répond pas aux légitimes attentes des Français en termes de sécurité.
Il convient de noter, pour le regretter, que l'évolution des dépenses de personnels, qui représentent 84 % du total, est conditionnée par l'accord salarial de la fonction publique de février 1998.
Pour 1999, ce sont 7 600 postes d'adjoints de sécurité qui seraient créés et 4 500 postes de policiers auxiliaires qui seraient supprimés.
Nous sommes très inquiets de la gestion prévisionnelle des effectifs pratiquée par le Gouvernement, qui se révèle insuffisante au regard des 25 000 départs à la retraite de policiers dans les années à venir. Pour éviter les vacances de postes pendant la durée de formation des nouveaux personnels, il conviendrait de procéder à des recrutements anticipés. L'annonce faite par le Gouvernement de 1 400 agents recrutés en surnombre sera largement insuffisante.
On ne saurait prendre le risque, du fait des départs à la retraite, de faire reposer la sécurité des Français sur des emplois-jeunes, dont les titulaires sont sans expérience, peu formés et recrutés dans des conditions telles que la qualité de leur action n'est pas assurée.
Il est légitime de s'interroger sur les effets d'annonce du Gouvernement en termes de formation des personnels, alors que, dans le même temps, le niveau des crédits alloués est en baisse. C'est même paradoxal, alors que des moyens supplémentaires sont nécessaires pour la création de la direction de la formation et la mise en place des adjoints de sécurité.
Les crédits consacrés au fonctionnement et à l'équipement devraient permettre la poursuite des programmes informatiques en cours, tels que le système de traitement automatisé de l'information criminelle, le fichier automatisé des empreintes digitales et le système d'information Schengen.
Le réseau de communications cryptées numérique ACROPOL devrait être achevé en 2007. On peut regretter cependant qu'un développement plus rapide n'en permette pas un achèvement plus rapide. Il convient, par ailleurs, de s'assurer de la coordination de ce système avec celui qui est mis en place par la gendarmerie.
La commission s'inquiète des retards importants pris dans l'équipement matériel et immobilier des forces de police. Ainsi, la situation du parc automobile est particulièrement préoccupante. Force est de constater que les dotations allouées au renouvellement du parc automobile sont trop souvent considérées comme des variables d'ajustement des crédits de fonctionnement, fortement mis à contribution à l'occasion de la Coupe du monde de football et du plan Vigipirate.
En dépit de l'assurance que vous nous avez donnée, monsieur le ministre, relativement à l'inscription des 500 millions de francs de crédits supplémentaires dans le collectif budgétaire au titre du fonctionnement et de l'équipement des services, dont on ne connaît d'ailleurs pas la répartition exacte, nous vous faisons part de notre vive préoccupation.
Faute de moyens suffisants, la police risque de ne plus fonctionner qu'en amateur face à une délinquance toujours plus professionnalisée. Pour lutter contre des délinquants se déplaçant dans de puissants véhicules, équipés des appareils de communication les plus perfectionnés, les policiers ne disposent que des véhicules de gamme moyenne souvent âgés, dotés de moyens de communication obsolètes. Cette situation ne saurait perdurer ; il convient maintenant de réagir.
Le dossier des équipements immobiliers nous inquiète car le Gouvernement souhaite combler le retard pris par une participation des collectivités locales pour l'aménagement des locaux de police. Le Sénat prendra toute sa part pour contrôler que cette opération « sécurité 2002 » ne se traduise pas par un nouveau transfert de charges pour les collectivités locales.
Nous ne pouvons que regretter l'abandon des objectifs de la loi d'orientation de 1995, d'une part pour l'équipement de la police pour lequel il n'y aura pas les crédits prévus d'autre part pour le recrutement de 5 000 personnels administratifs devant permettre aux policiers de retourner sur le terrain. En fait, ce sont plus de 900 emplois administratifs qui sont supprimés sur la période.
Un certain nombre de décrets sur le gardiennage des locaux d'habitation, le contrôle du respect du code de la route et le marquage électronique des véhicules ne sont toujours pas publiés. On peut légitimement s'interroger sur la volonté du Gouvernement de procéder à ces publications.
S'agissant de la coopération policière européenne, je regrette que le suivi en soit à l'évidence insuffisant en dépit de rappels fréquents sur l'importance de cette coopération comme instrument privilégié de lutte contre la criminalité, qui tire avantage de la libre circulation des personnes et des capitaux.
Il convient, dans cette optique, que soient déposés au plus vite devant le Parlement les projets de loi de ratification des conventions policières et douanières transfrontalières conclues avec nos partenaires européens, en application de la convention de Schengen.
On ne peut que regretter enfin, alors que la convention Europol est entrée en vigueur, qu'un accord n'ait pas été trouvé sur l'autorité de contrôle et que sept pays, dont la France, n'aient pas encore ratifié le protocole sur les privilèges et les indemnités des fonctionnaires.
Le budget de la police pour 1999 ne traduit pas réellement la priorité annoncée par le Gouvernement en matière de sécurité. A défaut d'un effort important et urgent de formation du personnel et d'équipement des services, la police est en passe de ne plus pouvoir remplir correctement ses missions.
La politique poursuivie par le Gouvernement repose sur des emplois-jeunes dont l'avenir est incertain et sur un redéploiement territorial contestable et contesté.
Dans ces conditions, la commission des lois aurait souhaité une augmentation notable des crédits de la section « police et sécurité ». Toutefois, elle a décidé de s'en remettre à l'appréciation de la commission des finances. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Laurin, rapporteur pour avis.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la sécurité civile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'analyser brièvement les crédits de la sécurité civile, je voudrais rendre un hommage particulier - cela ne vous étonnera pas - au personnel des unités de sécurité civile qui exportent dans le monde leur courage et leur technicité ; ils l'ont encore fait voilà peu.
Ayons une pensée pour nos hommes du feu qui, cette année, au péril de leur vie et souvent en la perdant, sont intervenus dans les différents sinistres.
J'en viens au budget de la sécurité civile qui nous est présenté cette année.
Trois observations principales s'imposent.
Tout d'abord, les crédits progressent de 9,59 %, soit près de 10 %.
Cette évolution, qui fait suite à une baisse de 7,70 % en 1998, provient de deux facteurs.
D'abord, elle traduit les conséquences de la professionnalisation des armées. En effet, au cours des trois prochaines années, le personnel militaire sera remplacé par des engagés et des volontaires du service national. Cela concernera, en 1999, 367 emplois dans les unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile. Le recentrage des effectifs conduira à la dissolution de l'unité de Rochefort-sur-Mer.
Pour la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, dont - je le rappelle - l'Etat assure 25 % des dépenses de fonctionnement, 442 emplois d'engagés et de volontaires seront créés en 1999.
Autre facteur d'augmentation des crédits : le renouvellement de la flotte d'hélicoptères sera enfin entrepris.
On se souvient que, pendant quatre années consécutives, la commission des lois a réclamé l'engagement de ce programme. L'opération portera sur trente-deux appareils et, cette fois-ci, elle se concrétisera.
Par ailleurs, le plan de remotorisation des bombardiers d'eau de type Tracker, interrompu en 1998, sera repris en 1999, avec le traitement d'un appareil qui, d'ores et déjà, est prévu.
Le programme d'acquisition des Canadair CL 415 s'est, je rappelle, achevé en 1998.
Après M. le rapporteur spécial, je voudrais attirer l'attention du Sénat et la vôtre, monsieur le ministre, sur le fait que certains Canadair livrés ont connu des problèmes techniques. Cet été, certains d'entre eux ont éprouvé des difficultés pour embarquer l'eau. Le ministère a dû réagir.
A la suite des réclamations, le groupe fournisseur Bombardier a accepté de prendre en charge le coût financier des réparations, hors main-d'oeuvre. La flotte des Canadair devrait donc, selon vos informations, monsieur le ministre, être complètement opérationnelle en mai 1999.
Nous sommes encore un peu inquiets, mais je pense que vous nous donnerez tout à l'heure, monsieur le ministre, toutes les informations susceptibles de nous rassurer.
En effet, nous n'avons plus de commandes en cours chez Bombardier. Nous entretenons donc avec la firme Bombardier des rapports de client mécontent sans pouvoir faire jouer nos futurs achats de matériels.
Nous avons déjà beaucoup dépensé. On se souvient des discussions homériques qui ont opposé la haute assemblée et les différents ministres de l'intérieur sur le financement de ces Canadair.
Nous étions les seuls à pouvoir en commander à l'époque. Nous avons un moment envisagé de procéder nous-mêmes à la construction de ces appareils, mais nous n'avons pas trouvé chez nos amis européens les encouragements suffisants.
Nous souhaitons donc avoir la certitude que ces Canadair ne poseront plus aucune difficulté l'été prochain, car ils constituent des instruments de lutte incomparable contre le feu dans les régions les plus vulnérables.
Les services de sécurité civile continuent à faire preuve d'une grande efficacité. J'en donnerai deux exemples traditionnels.
La moyenne annuelle des superficies détruites par des incendies de forêt a été réduite de moitié en deux ans. Elle est passée de 36 000 hectares entre 1988 et 1992 à 18 000 hectares sur les cinq dernières années.
Je tiens à évoquer aujourd'hui, monsieur le ministre - et ce n'est pas un hasard -, un point que je n'avais pas abordé dans mes précédents rapports : l'action de l'unité de déminage.
Sans doute parce qu'elle n'est pas suffisamment spectaculaire aux yeux des médias, cette action est injustement méconnue.
J'ai donc plaisir à rappeler que l'unité de déminage est intervenue sur 2 991 objets suspects en 1997, dont 181 contenaient réellement de l'explosif et qu'elle a procédé à la neutralisation de 539 tonnes de munitions.
Sur le plan strictement financier, monsieur le ministre, il convient de prendre garde au transfert de charges et responsabilités aux collectivités territoriales sans attribution de ressources nouvelles, transfert qui est opéré discrètement, à l'occasion de la mise en oeuvre des lois du 3 mai 1996.
Vous avez affirmé à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, que le départementalisation des services d'incendie et de secours n'entraînait pas de hausse mécanique des dépenses. Vous avez cependant ajouté que certains départements allaient devoir consentir un effort financier plus important que d'autres pour se mettre à niveau. Ce sont là, à mes yeux, des propos optimistes. Quoi qu'il en soit, c'est le coeur du problème.
Je ne vous cache pas que, lors du congrès des maires de France - j'en parlais encore récemment avec son président - ce problème a été abordé de manière sous-jacente, quand il ne l'a pas été de manière explicite.
Dans la loi sur laquelle j'avais eu l'honneur de rapporter et sous le régime de laquelle nous vivons, un délai de cinq années est prévu pour permettre aux communes et aux services d'incendie et de secours - les petits et les grands - de prendre leur décision quant à l'adhésion au service public départemental.
Il faut savoir que l'atmosphère qui prévaut actuellement, compte tenu notamment des difficultés qu'a suscitées dans les communes l'installation des services départementaux d'incendie et de secours, n'est plus du tout celle qu'on pouvait observer au moment du vote de la loi.
Je me souviens d'avoir eu, à l'époque, des conversations intéressantes et productives avec tous les colonels du corps des sapeurs-pompiers.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Il y en a beaucoup ! (Sourires.)
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. En effet !
Ils exprimaient la confiance que leur inspiraient alors l'initiative gouvernementale et la loi que nous votions, car ils estimaient que les problèmes allaient ainsi être résolus. Or, aujourd'hui, on ne saurait faire un tel constat : au contraire, un mal profond s'est répandu dans le milieu des sapeurs-pompiers. Ce malaise ne tient pas tant aux petits problèmes de vétérance dont nous débattrons dans quelques jours qu'au fait que les maires - on assiste déjà à un regroupement des maires mécontents dans le Var - n'acceptent pas de voir de nouveau des charges leur être imposées.
Devant la commission des lois, monsieur le ministre, vous avez évalué à 240 francs en moyenne le coût des services départementaux d'incendie et de secours. A considérer le nombre d'habitants d'une commune moyenne, cette évaluation n'a aucun rapport avec la réalité.
M. Jean-Jacques Hyest. En moyenne, c'est vrai !
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Bien entendu, je ne mets pas vos chiffres en doute. J'observe simplement que l'avis des services d'incendie et de secours fait ressortir un chiffre moins modeste.
Vous avez déclaré à l'Assemblée nationale que les dispositions indemnitaires et statutaires adoptées pour l'application de ces lois pourraient induire des augmentations de charges. C'est bien de cela qu'il s'agit !
Ainsi, le nouveau régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels entraînera une progression de 5 % de la masse salariale.
La généralisation de l'allocation de vétérance pour les sapeurs-pompiers volontaires devrait, quant à elle, entraîner une charge de 38 millions de francs, auxquels s'ajouteront 36 millions de francs si la proposition de loi sur laquelle je rapporterai dans huit jours est adoptée.
Par ailleurs, devant les difficultés rencontrées pour définir le régime du travail des sapeurs-pompiers professionnels, le ministre de l'intérieur a préféré laisser aux autorités d'emploi le soin de prendre les décisions. Rappelons que, aux termes de la loi du 3 mai 1996, ces décisions auraient dû être prises par décret, ce qui n'a pas été fait. Cela tient sans doute à différentes raisons qui ne sont pas sans lien avec la situation que j'ai décrite tout à l'heure, mais il faudrait tout de même envisager d'y mettre bon ordre.
Ces observations me conduisent à poser deux questions.
Tout d'abord, les collectivités territoriales, sensibles à l'amélioration de l'efficacité de la sécurité civile, sont en droit de se demander si elles devront indéfiniment supporter les conséquences financières des décisions prises par l'Etat, auxquelles s'ajoutent maintenant, je dois le dire, les décisions prises par les tout nouveaux services d'incendie.
Vous étiez très averti de ces problèmes, monsieur le ministre, puisque vous avez laissé entendre devant l'Assemblée nationale que vous étiez disposé à engager une réflexion sur la recherche de moyens financiers supplémentaires pour la sécurité civile. Je souhaiterais donc connaître vos pistes de réflexion à cet égard et le calendrier prévisionnel que vous envisagez d'adopter.
Par ailleurs, la commission des lois attire chaque année l'attention du Gouvernement sur le financement des opérations de secours aux victimes d'accidents liés à la pratique d'activités sportives à risque, accidents provoqués dans 80 % des cas par des imprudences.
Ce financement incombe, là encore, aux communes, qui ne peuvent en demander le remboursement aux victimes ou à leurs ayants droit que si l'accident est consécutif à la pratique du ski alpin ou du ski de fond.
L'élu maritime que je suis est très perturbé par le fait qu'il ne puisse, lui, prendre de décisions en ce qui concerne les accidents nautiques, si fréquents et dont le nombre ne cesse d'augmenter.
Compte tenu de la diversification des activités sportives à risque, ne pourriez-vous pas, monsieur le ministre, accorder aux communes, qui sont responsables dans la zone des 300 mètres, un droit d'initiative plus large ? Eu égard, notamment, à ce que coûte le balisage aux communes maritimes - c'est-à-dire, maintenant, une fortune - il conviendrait peut-être de permettre aux maires d'édicter des arrêtés.
Oserai-je dire que, en cette matière, je parle d'or ? J'avais en effet interdit les scooters des mers,...
MM. Philippe de Gaulle et Christian Demuynck. Très bien !
M. René-Georges Laurin. ... considérant que ces engins constituent un terrible danger.
Mon arrêté est toujours en vigueur à l'échelon municipal, et je tiens à souligner que la gendarmerie maritime met beaucoup de bonne volonté à le faire respecter. Mais il y a toujours autant de scooters des mers sur la côte varoise et toujours autant d'accidents graves malgré les deux procès qui ont donné tort aux vendeurs de mort que sont ceux qui font commerce de ces engins. Car c'est essentiellement une histoire de gros sous !
Je crois donc que le ministère de l'intérieur devrait prendre des mesures spécifiques concernant les scooters des mers et faire en sorte que les maires concernés puissent prendre des dispositions efficaces contre ces engins très dangereux.
Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le ministre, la commission des lois est favorable à l'adoption de votre projet de budget. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 32 minutes ;
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'augmentation des agressions avec violence constatées dans la capitale a été de 9,2 % en 1997 : voies de fait sur des personnes âgées, vandalisme, attaques à main armée chez les commerçants sont désormais le lot quotidien des Parisiens.
Certes, on ne peut que se réjouir de la diminution, au demeurant toute relative et très contrastée, des délits de voie publique, tels que vols à la roulotte ou à la tire, vols de voiture, et de la grande criminalité en général.
Mais l'inquiétude gagne devant l'accroissement des dégradations et destructions par vandalisme, de l'ordre de 8 % depuis le début de l'année à Paris.
Cette insécurité se fait plus particulièrement sentir sur l'ensemble des arrondissements périphériques, la palme, si j'ose dire, revenant au XVe arrondissement. Ces arrondissements sont victimes d'incursions d'individus ou, plus souvent, de bandes de jeunes venus des banlieues. La recrudescence de la délinquance des mineurs est, d'ailleurs, un phénomène particulièrement inquiétant.
Outre les actes de violence commis à l'encontre des agents des services publics, j'évoquais récemment, à cette tribune, le pillage à grande échelle des horodateurs dont est victime la Ville de Paris ; j'expliquais notamment que, dans cette « entreprise », les mineurs sont l'instrument de bandes organisées.
Il est clair, monsieur le ministre, que le « tout préventif » a montré ses limites. Aussi ai-je lu avec grand intérêt, dans l'excellent rapport de notre collègue Jean-Patrick Courtois, que, dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre la délinquance des mineurs, sera apportée une réponse systématique adaptée à chaque acte de délinquance et que « automatiquement convoqués à chaque stade des procédures concernant leurs enfants, les parents pourront, de plus, voir prononcer à leur encontre des mesures existantes de suspension ou de mise sous tutelle des prestations familiales ».
Le Gouvernement découvre, enfin, que les lois existent pour réprimer la délinquance juvénile. Encore faut-il les faire appliquer. Nous jugerons aux actes.
Je veux également insister sur l'implantation de bandes organisées dans la capitale. Le journal Le Parisien, dans son édition du 6 octobre dernier, en dénombrait une trentaine.
Elu du XIVe arrondissement, je ne peux que partager l'inquiétude de ses habitants qui voient s'affronter deux bandes rivales. Outre les rixes quotidiennes, cette rivalité s'est traduite, le 2 octobre, par une fusillade, dans l'église Notre-Dame-du-Rosaire, en plein mariage, fusillade dont le bilan est de trois blessés, l'un étant dans un état grave. Les règlements de compte au fusil à pompe sont désormais monnaie courante.
Ces faits illustrent une autre réalité : la prolifération des armes illicites. Les interpellations pour port d'armes prohibé dans le métro ont augmenté de 46 % sur les huit premiers mois de 1998.
Monsieur le ministre, ce constat est accablant. La loi républicaine a-t-elle encore un sens ?
A l'heure où Paris se dote d'un contrat local de sécurité et où la préfecture de police tente de réformer ses services sans moyens spécifiques, on constate une diminution dramatique des effectifs policiers dans la capitale.
Ce n'est pas l'arrivée de 7 600 adjoints de sécurité supplémentaires en 1999 qui rétablira une situation à la dérive sur tout le territoire national. Permettez-moi d'ailleurs de formuler les plus grandes craintes quant à leur sélection, leur formation et, plus encore, leur recrutement quantitatif, si j'en juge par l'important déficit de candidatures constaté dans la région parisienne.
Dans ces conditions, le budget de la police pour 1999 est un budget en trompe l'oeil : sous une augmentation apparente des crédits, il révèle un appauvrissement sans précédent des services.
Outre l'absence totale de gestion prévisionnelle des effectifs, alors que 28 000 départs en retraite sont attendus d'ici à 2003, et la diminution incompréhensible des crédits de la formation, ce budget accroît dramatiquement les retards en équipements matériels et immobiliers.
Plus grave encore, il consacre l'abandon de certains objectifs fondamentaux de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité. Les conclusions du rapport Danilet relatives à la nécessité de décharger les policiers des trop nombreuses tâches indues qui les accaparent, en particulier des tâches purement administratives ou parajudiciaires, sont jetées aux orties. Alors que la loi de 1995 prévoyait le recrutement de 5 000 personnels administratifs, 918 emplois administratifs ont, en fait, été supprimés au cours de cette période.
Les policiers accomplissent leurs missions avec le sens du devoir et de l'honneur. Je veux ici rendre hommage aux vingt-cinq fonctionnaires tués ou blessés en opérations lors de l'année écoulée et dire à leurs familles, à leurs amis ainsi qu'à tous leurs collègues que le groupe des Républicains et Indépendants tient à leur témoigner toute sa confiance et son soutien alors que des événements récents tendraient à instiller le doute dans leurs rangs et dans l'opinion.
L'immense majorité des policiers fait bien son travail et nous leur en savons gré. Hélas ! ce budget démontre que le Gouvernement ne leur porte pas la considération qu'ils méritent. Monsieur le ministre, hélas ! trois fois hélas ! je considère que ce budget consacre un véritable Munich de la sécurité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité constitue aujourd'hui l'une des préoccupations prioritaires des Français car elle conditionne ce sentiment de liberté que l'on a lorsqu'on pense vivre dans une société où l'on peut aller et venir sans être agressé, où les enfants peuvent se rendre à l'école sans être rackettés, où les automobilistes peuvent garer leur véhicule sans crainte de le retrouver vandalisé, où les chauffeurs d'autobus ne sont plus transformés en cible facile des caïds de banlieue, où les Français n'ont plus la psychose du cambriolage en pensant « à quand mon tour ? ».
Bien sûr, l'insécurité « zéro » ne pourra jamais exister. Mais entre ce que nous connaissons et ce qui pourrait être une réalité meilleure, la marge est grande.
Et pourtant, assurer une meilleure sécurité à nos concitoyens n'est pas une mission impossible. Je prendrai simplement l'exemple des grandes villes américaines, comme New York, où le nombre des délits et des crimes a substantiellement baissé. Mais les responsables se sont donné les moyens de réussir.
En France, que constate-t-on ?
Le budget est notoirement insuffisant et les réformes n'ont pas la faveur des fonctionnaires et des élus. Bien sûr, vous nous redirez sans doute, monsieur le ministre, que les crédits consacrés à la sécurité progressent de 3 % en 1999, hors dépenses électorales, et que la loi de finances rectificative pour 1998 contient l'ouverture de 400 millions de francs supplémentaires qui serviront à financer des dépenses dans le cadre de l'exercice 1999.
Les crédits de la police nationale augmentent de 2,9 %. Toutefois, les dépenses en personnel absorberont les trois quarts des crédits supplémentaires de la police. Elles resteront néanmoins insuffisantes lorsque l'on connaît l'accumulation chronique des heures supplémentaires non payées que les fonctionnaires ne peuvent d'ailleurs pas récupérer.
Le ministère de l'intérieur devra également prendre à sa charge, en 1999, les 20 % de salaire des 7 600 nouveaux adjoints de sécurité, qui, rappelons-le, n'ont ni les mêmes pouvoirs, ni les mêmes compétences, ni les mêmes statuts que les effectifs professionnalisés, ce qui crée un véritable problème en termes d'efficacité sur le terrain.
Il est également surprenant de constater une baisse de 4,7 % des crédits de formation des écoles, alors que la qualité des hommes constitue un facteur déterminant pour une bonne police.
Enfin, la croissance des crédits ne sera pas non plus suffisante pour atteindre les objectifs en matière d'équipements de la loi d'orientation et de programmation de 1995 qui arrive, en 1999, dans sa dernière année d'exécution.
S'agissant du renouvellement du parc automobile, l'enveloppe prévue accroît d'un an le retard déjà pris. Dans le département de la Seine-Saint-Denis dont je suis l'élu, le parc théorique de 3 453 véhicules, tout service confondu, est jugé gravement insuffisant par les fonctionnaires. Leur état se dégrade rapidement. La sous-dotation, qui est déjà alarmante, deviendra vite catastrophique.
Le Gouvernement pensait résoudre une partie du problème des effectifs par le redéploiement des forces de police et de gendarmerie. Il a été obligé de battre en retraite en reportant ses décisions au début de 1999, après la mission confiée au préfet, Guy Fougier.
Je devrais pourtant me réjouir, en tant que parlementaire d'un département difficile, du projet de faire coïncider la carte d'implantation des forces de sécurité avec celle de la délinquance dans les zones urbanisées.
Mais comment peut-on accepter la fermeture de 94 commissariats qui couvrent 193 communes rurales de moins de 20 000 habitants ?
Ce projet ne tient pas compte de la spécificité de chacun de ces deux corps, de leur disponibilité et de la manière dont ils s'acquittent de leurs missions.
Par ailleurs, je tiens à préciser qu'il me paraît périlleux d'enlever trop d'effectifs des secteurs jugés tranquilles. N'est-ce pas justement lorsque la police est très présente qu'elle peut maintenir une délinquance à un bas niveau ?
Je déplore souvent l'insuffisance des effectifs dans les villes de banlieue. En Seine-Saint-Denis, comme dans d'autres départements, malheureusement, les machinistes de la RATP sont régulièrement agressés. J'ai été amené, en tant que maire, à intervenir à deux reprises auprès du préfet pour demander la protection des chauffeurs. Mes démarches sont restées sans réponse alors que le problème est gravissime. Monsieur le ministre, est-il normal qu'un préfet ne réponde pas sur un tel sujet ?
Grâce, fort heureusement, à l'efficacité et à la bonne volonté des commissaires concernés, certains autobus ont pu être escortés par la police nationale. Mais faute d'effectifs suffisants, c'est à présent notre police municipale qui est amenée à exercer une surveillance. Dans ces circonstances, les maires se trouvent démunis. Ils doivent pourtant assumer la sécurité de proximité, alors que la loi ne leur en accorde pas le pouvoir. Trouvez-vous cette substitution normale ? Est-ce le début d'un nouveau transfert de charges et d'attributions ?
Par ailleurs, le taux de criminalité est le plus important du territoire national. Les conditions de travail des fonctionnaires se dégradent alors que la délinquance augmente. Il faut toutefois reconnaître que certaines villes ont obtenu, au cours des dernières années, la construction de commissariats. Mais beaucoup reste encore à faire.
A Saint-Denis, par exemple, les effectifs de police sont débordés. Le commissariat promis aux abords du Stade de France n'est toujours pas construit. Monsieur le ministre, il est urgent de faire accélérer les choses. Il est également regrettable que ce département possède une direction départementale, qui date de 1971, construite en préfabriqué. Je vous invite, d'ailleurs, monsieur le ministre, à vous y rendre. Vous verrez à quel point elle est vraiment infâme. Les policiers l'ont même surnommée « le trou à rats ».
Quant à la délinquance juvénile, elle a effectué un bond impressionnant : elle représente aujourd'hui 27 % des mis en cause contre 19 % en 1995. Face à elle, la police est démunie. Mais elle l'est également et surtout car ces jeunes ont compris toutes les « ficelles » du système répressif français et se savent invulnérables du fait de leur âge.
Tant qu'aucune réponse judiciaire adaptée ne sera trouvée, nous traînerons derrière nous ce lourd fardeau de la délinquance de rue. Faut-il abaisser l'âge de la responsabilité pénale ? Faut-il suspendre les allocations familiales des familles de délinquants ? Faut-il rétablir et multiplier les maisons de redressement ? Faut-il appliquer la règle « à chaque délit, une peine » ? De telles mesures, si elles étaient effectivement appliquées, seraient de nature à remotiver les services de police, à faciliter leur travail et surtout à faire baisser la délinquance.
La discussion en termes de budget de la police prendrait alors une autre tournure. L'objectif serait non plus de faire face à l'urgence, mais de gérer une situation plus saine où le taux de délinquance serait revenu à une moyenne acceptable et où la police serait davantage respectée.
Mais nous n'en sommes pas là et c'est à une autre réalité que nous sommes confrontés. Malheureusement, le budget de l'intérieur ne correspond ni aux nécessités actuelles, ni aux préoccupations des fonctionnaires de police, ni aux attentes des Français. Ceux-ci veulent que l'Etat, en dépit des contraintes budgétaires, donne à la police d'autres moyens que ceux que vous proposez pour sortir de ce cercle infernal de la délinquance galopante que nous connaissons aujourd'hui. Je le dis haut et fort, monsieur le ministre, il y a urgence à agir fermement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année dernière, tout en votant les crédits relatifs à la sécurité, nous avions considéré le premier budget du gouvernement de gauche comme un budget transitoire, marqué par une réelle volonté de répondre aux préoccupations des citoyens en matière de sécurité publique.
C'était au lendemain du colloque de Villepinte, au cours duquel le concept « citoyenneté, proximité, efficacité » avait été affirmé avec force comme orientation de la politique gouvernementale dans le domaine de la sécurité. Nous nous en étions alors félicités. Où en sommes-nous plusieurs mois après ?
Force est de constater, au-delà des interprétations sur les chiffres donnés par les uns et par les autres, que ni la criminalité, ni la délinquance, ni surtout le sentiment d'insécurité n'ont diminué depuis lors. Faute de temps, je ne ferai pas le lien entre la sécurité et la crise sociale, mais il est clair que c'est là que se situe le noeud du problème.
Nous savons tous ici que les problèmes de sécurité ne sont pas récents. Ce qui augmente particulièrement, c'est le sentiment d'insécurité, dû notamment à la médiatisation de certains événements.
Les citoyens ont l'impression que la police est débordée et la justice éloignée. Il est donc vraiment temps que la politique menée par le ministère de l'intérieur en matière de sécurité publique se concrétise mieux dans les faits et soit plus lisible par nos concitoyens dans leur vie de tous les jours.
Ainsi, je partage pleinement les commentaires de M. Melchior, directeur de l'Institut des hautes études de sécurité intérieure. Il déclarait, dans le Parisien, que le sentiment d'insécurité « est d'abord le reflet d'une situation objective, mais aussi l'image qu'a la population de l'action des forces de l'ordre et de la justice. Si vous avez un problème et l'assurance que l'on sera là vous aider à le traiter tout de suite, ce problème va vous paraître moins lourd et vous aurez moins peur. Il est important que la police et la justice traitent avec dextérité le délit dont le citoyen a été victime, qu'il soit tenu au courant de l'évolution de l'enquête, qu'on lui donne des conseils de prévention. L'expérience montre que tous les pays qui ont misé sur une police de proximité efficace ont fait baisser le sentiment d'insécurité, avant même qu'ils soient parvenus à faire baisser la délinquance. »
La mise en oeuvre d'une sécurité de proximité et le droit à la sécurité pour tous, tels qu'ils ont été affirmés lors du colloque de Villepinte, doivent nous guider et nous devons, pour y parvenir, nous doter des moyens nécessaires. Mais les avez-vous, monsieur le ministre ? Les 8 250 adjoints de sécurité, prévus dans le budget de 1998, auront été recrutés d'ici au 31 décembre, en priorité dans les vingt-six départements dits très sensibles. L'année prochaine, leur nombre sera porté à près de 16 000, pour arriver à 20 000 en l'an 2000.
Nous ne dirons jamais assez que, en ce domaine, il faut être vigilant quant aux modalités de recrutement des adjoints, de leur affectation, de leur formation - qui nous paraît trop brève - ainsi que leur devenir. Il ne faudrait pas, en effet, qu'à terme ces recrutements mettent à mal l'avenir d'un service public de sécurité de qualité. Mais votre orientation, globalement, monsieur le ministre, a notre soutien.
Je poursuis le raisonnement. Si l'on ajoute aux adjoints de sécurité les policiers municipaux et, sur un autre plan, les 6 000 gradés et gardiens qui auront bientôt la qualification d'officier de police judiciaire et dont les tâches vont certainement évoluer, on peut légitimement s'interroger sur l'importance de la présence policière régulière et quotidienne sur le terrain, où un trop grand nombre de policiers titulaires seraient absents. Vos moyens ne risquent-ils pas d'être très en deçà de vos intentions ?
Quant au redéploiement des forces de police et de gendarmerie, nous approuvons le fait que le Gouvernement, face à l'inquiétude générale engendrée par ce plan, ait gelé celui-ci.
Pour autant, nous considérons qu'il est indispensable de mener une nouvelle réflexion sur une question si importante pour la vie de nos concitoyens, en assurant une réelle prise en compte des avis des élus, des syndicats de police et des intérêts de la population.
Nous partageons les inquiétudes qui ont été formulées sur la situation du parc automobile, de l'équipement immobilier, des logements, du régime indemnitaire des personnels, de la formation. Pour pallier toutes ces insuffisances budgétaires, vous avez annoncé, monsieur le ministre, que, dans le projet de loi de finances rectificative sera prévue une rallonge de crédits de 500 millions de francs. Nous ne pouvons, bien sûr, qu'apprécier cette démarche, qui doit en appeler d'autres.
Notre groupe votera, bien entendu, les crédits de votre ministère.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons le budget de la sécurité, plus par résignation que par enthousiasme.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Voilà ce que c'est que d'être au Gouvernement ! Ce n'est pas facile !
M. Jean-Claude Peyronnet. En tout cas, pas par discipline ! Nous prenons en considération le fait que le collectif budgétaire, qui est important, permettra d'améliorer de façon significative ce budget et d'en atténuer en partie les insuffisances.
Nous le voterons en considérant qu'il s'agit d'un budget de consolidation, avec une progression améliorée de 2,1 %, contre 1,1 % l'an passé, qui sauvegarde tant bien que mal l'essentiel. Mais nous le voterons sans enthousiasme parce que nous considérons qu'il lui manque le souffle et l'ampleur qu'aurait nécessités le souci annoncé par le Gouvernement lors du colloque de Villepinte, auquel il a été fait allusion à plusieurs reprises, d'assurer la sécurité, comme un droit, à chaque citoyen de la République sur l'ensemble du territoire.
Certes, les effectifs de la police ont augmenté de près de 9 500 personnes en dix ans, tous personnels confondus. C'est loin d'être négligeable et cela explique les pesanteurs de ce budget puisque 83 % des crédits sont consacrés aux charges de personnels.
Il n'en demeure pas moins que tous les syndicats que j'ai rencontrés, toutes tendances confondues, se souviennent de la loi Joxe comme d'une espèce d'âge d'or, voulant signifier par là que le gouvernement de l'époque avait entamé une forte modernisation de la police en y consacrant des moyens financiers très élevés, de l'ordre de 9 milliards de francs.
Ils opposent à la loi Joxe la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité, la LOPS, qui a été votée par le Parlement, dans un quasi-enthousiasme, en 1995 ; mais les inscriptions budgétaires pour la mettre réellement en application n'ont pas suivi, loin s'en faut.
Cette loi fixe, en particulier, des objectifs de réduction des personnels commissaires et officiers, au profit, dans la même masse budgétaire, de la création de postes dans les corps de maîtrise et d'application, ce qui aurait permis d'avoir plus de policiers de terrain. La loi prévoyait aussi la création sur cinq ans de 5 000 emplois administratifs, ce qui aurait permis à un certain nombre de policiers de revenir à des tâches de sécurité. Cela n'a pas été fait ou a été mal fait, puisque seulement un quart de ces postes administratifs ont été créés. Ajouter cela à la baisse du nombre des policiers auxiliaires - il y en avait 8 500, il en reste un peu plus de 4 000 à l'heure actuelle - on comprend que l'on puisse parler d'un véritable déficit en effectifs de la police, que ne viennent compenser que de façon partielle les embauches d'adjoints de sécurité, en raison, notamment, de la nécessité de l'important encadrement dont doivent bénéfier ces jeunes.
L'inquiétude porte enfin et, semble-t-il, légitimement sur les années à venir, s'agissant des personnels, sur la gestion prévisionnelle des effectifs qui ne paraît pas prévue de façon satisfaisante.
Il est impératif, monsieur le ministre, d'élaborer un plan pluriannuel de recrutement pour faire face au très grand nombre de départs en retraite qui interviendront au cours des dix prochaines années.
Même si les avancées du projet de budget pour 1999 dans ce domaine ne sont pas négligeables, un effort particulier doit être consenti en faveur des locaux et des matériels, en particulier les matériels de transport, motos ou voitures, dont le parc est un peu vieillissant. Malgré tout, je me félicite, en particulier, des efforts qui permettront de développer, dans le projet de budget pour 1999, le système de transmission numérique cryptée ACROPOL.
La véritable question soulevée à travers nos débats est la suivante : quelle police pour aujourd'hui et pour demain ? Vaste programme, que je ne prétends pas, vous le comprenez, traiter dans les quelques minutes dont je dispose ! Quelle police ou plutôt quelle sécurité, parce que l'on ne peut passer sous silence le rôle majeur joué par les gendarmes en milieu rural, dans certaines petites villes et à la périphérie de nombreuses agglomérations, et parce que cette sécurité ne peut se réduire à l'action policière.
Le constat est connu, il a été rappelé, mais j'y reviens très brièvement. La réalité est la suivante : malgré une maîtrise assez bonne de la très grande délinquance, on enregistre, hélas ! une augmentation de la petite et moyenne délinquance de proximité, des actes d'incivilité, notamment chez les jeunes, les auteurs de ces faits étant de plus en plus jeunes.
Que tout cela se nourrisse de la crise sociale, c'est une évidence, mais cela ne rend pas la tâche de la police plus facile, bien au contraire. De surcroît, cette tâche est rendue encore plus difficile par l'accroissement du sentiment d'insécurité qui amplifie le phénomène, en partie de façon subjective.
Face à cela, la répression est certes nécessaire, mais elle ne saurait répondre à toutes les situations. Il n'y a, je crois, qu'une vraie solution, malgré la difficulté de la tâche, c'est la prise en compte globale de la sécurité, en prenant en considération globalement la situation des familles, notamment des enfants. C'est un travail difficile et lourd, un travail de Sisyphe. Cela implique et nécessite un rôle de veille, une façon de montrer sa présence et sa force en essayant de ne pas s'en servir ou d'y recourir le plus tard possible. Mais cela nécessite aussi une véritable prise en compte de la situation sociale des quartiers dans leur spécificité et dans leur globalité.
Je me permets de relater une petite expérience qui se déroule dans mon département et qui donne de bons résultats. Une assistante sociale est basée au commissariat central de la ville de Limoges, où elle voit tout ce qui arrive à la main courante. Policiers et travailleurs sociaux n'ont apparemment pas la même culture et pourtant, cela se passe bien. L'objectif est, vous l'avez bien compris, de déceler, à travers de menus larcins ou de divers actes d'incivilité, les problèmes rencontrés par les familles. L'alerte est ensuite donnée aux travailleurs sociaux de secteur, aux enseignants, etc., qui se rapprochent des familles concernées.
Je ne donne pas cet exemple en modèle. Je ne suis d'ailleurs pas sûr qu'il soit transposable partout, encore que je sache que le commissaire avec lequel j'avais travaillé à l'époque a été nommé en région parisienne, où il a repris cette expérience. C'est, je crois, par ce type de méthodes et par cette large concertation entre les différents intervenants appartenant à des disciplines très diverses que l'on obtiendra les meilleurs résultats en matière de sécurité.
Certes, il faut revenir à l'îlotage, certes il faut organiser des patrouilles en voiture et si possible à vélo, et même - mais il faut des effectifs - à pied, mais il faut aussi instaurer une véritable collaboration entre les différents acteurs de terrain.
De quel type d'intervenants disposons-nous ? Ils sont tout de même très nombeux.
Il y a, d'abord, la police et la gendarmerie, je reviendrai d'un mot tout à l'heure sur la question du redéploiement.
Il y a, ensuite, les polices municipales ; je ne suis pas très favorable à l'extension des missions de ces dernières, mais j'ai bien compris que M. le ministre de l'intérieur avait sagement décidé qu'il fallait prendre acte de leur existence et, puisqu'elles existent, autant les utiliser dans l'optique d'une juste répartition des tâches entre police nationale et forces municipales, les secondes étant affectées, de façon privilégiée, à l'îlotage, en freinant, autant que possible, leur judiciarisation.
Nous disposons aussi des services des adjoints de sécurité, les ADS. Je suis très favorable au recrutement de ces jeunes mais je m'interroge sur la façon dont ils sont employés. Je suis persuadé qu'il faut leur assurer une formation renforcée, mais, selon moi - je crains que cet avis ne soit pas partagé par tout le monde - il doit s'agir non pas forcément d'une formation au tir au pistolet - en tout cas celle-ci ne doit pas être dispensée à tous - mais plutôt, pour un certain nombre d'entre eux, d'une formation à la sociologie, à la psychologie et à l'art de détecter les troubles du comportement. Ils doivent remplir un rôle de présence et de prévention, en relation avec ceux qui sont au contact des habitants et qui sont, eux aussi, nombreux, qu'il s'agisse des enseignants, qui sont de plus en plus sensibilisés à ces problèmes, notamment aux problèmes de drogue, des animateurs de rue ou des travailleurs sociaux, qu'ils dépendent des départements, des centres communaux d'action sociale ou des associations, et qui travaillent en relation étroite avec les services de la protection judiciaire de la jeunesse.
Les adjoints de sécurité et les travailleurs sociaux doivent assurer l'interface entre familles et administration, la police, dans sa fonction répressive, n'intervenant que le plus tard possible, en cas d'urgence, lorsque tout le reste a échoué.
J'aborderai rapidement, si vous le permettez, monsieur le ministre, deux autres questions.
La première, c'est le redéploiement, qui a été largement évoqué par mes collègues. A cet égard, je serai très bref.
Oui ! cette affaire n'a pas été bien conduite, quelles que soient par ailleurs les justifications de cette opération qui, selon moi, sont pourtant évidentes. Mais on ne peut pas sans réelle préparation annoncer au maire d'une petite ville de 10 000 ou 12 000 habitants que le commissariat de trente-six policiers va être remplacé par une caserne de douze gendarmes, sauf à lui faire tout de suite poser la question : ces gendarmes sont-ils des surhommes ? Ce qui, mais je ne mets pas en doute leurs qualités, n'est évidemment pas tout à fait vrai. Le maire ne peut donc accepter un tel échange qui aurait dû être préparé longuement par l'étude des congés, des permanences, des veilles et des moyens, notamment. Je crains qu'au stade où nous en sommes nous n'échappions pas - je sais bien que ce n'était pas l'objectif et que ce n'est pas souhaitable - à la création d'un certain nombre de postes de fonctionnaires pour faire simplement accepter l'idée d'une redistribution des tâches entre police et gendarmerie.
Ma seconde question, qui est aussi une inquiétude, porte sur le fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours, notamment l'évolution financière des établissements publics créés récemment, qui est préoccupante. Je le dis d'autant plus volontiers que j'étais de ceux qui, sans approuver toutes les modifications de la loi, ne pensaient pas qu'elle générerait des charges supplémentaires. Je me trompais. Force est de constater l'erreur que peut constituer la mise en oeuvre d'une loi sans réelle étude d'impact préalable. Une telle étude aurait sans doute été nécessaire.
Quoi qu'il en soit, les charges nouvelles sont effectivement lourdes pour la plupart des établissements publics, et donc pour les communes. Et même si c'est, pour une part, une anticipation - je suis d'accord avec M. le rapporteur spécial, nous avions cinq ans - la pression est très forte,...
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... et les établissements publics ne savent peut-être pas aussi bien résister que les présidents de conseils généraux auparavant.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous constatons donc l'apparition d'un certain nombre de charges : charges de structure sans allégement ni pour les communes ni pour les départements, mise en oeuvre précipitée de mesures certes positives mais financièrement lourdes concernant la carrière des sapeurs-pompiers professionnels, le régime indemnitaire et de travail, la formation et la gestion des sapeurs-pompiers volontaires et, enfin, la réflexion sur l'organisation et l'élaboration des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques, les SDACR, qui contribuent à l'évolution des normes - encore des normes ! Tout cela engendre par conséquent des programmes extrêmement coûteux de mise à niveau.
Il est donc de plus en plus urgent de dégager des moyens supplémentaires. L'Etat doit faire son devoir. Je l'ai dit souvent, cette décentralisation n'est pas réussie parce qu'il n'est pas sain que l'Etat commande alors que les collectivités paient. S'il y a cogestion, il doit y avoir cofinancement,...
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... et pas simplement de façon exceptionnelle, que ce soit dans le temps ou dans l'espace. (Très bien ! et applaudissements au banc des commissions.)
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. On ne peut pas mieux dire !
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nombre d'orateurs l'ont noté après MM. les rapporteurs, la sécurité est certainement une des exigences les plus fortes de nos concitoyens. Elle a d'ailleurs été mise au rang de ses priorités par le Gouvernement, comme l'ont montré le colloque de Villepinte et la création du conseil de sécurité intérieure, toutes choses que nous ne pouvons, bien sûr, qu'approuver.
Cependant, nos collègues l'ont indiqué aussi, la criminalité augmente, et, à cet égard, le tableau brossé par M. Plasait, sénateur de Paris, est effrayant, surtout quand l'on considère qu'il y a, à Paris, un policier pour soixante-quinze habitants. On comprend que nos concitoyens aient un sentiment d'insécurité !
Toutefois, Paris est un cas particulier, et l'on constate dans notre beau pays que le nombre de policiers ou de gendarmes est inversement proportionnel à la délinquance.
Tous les rapports le montrent, le ratio population-policiers va de un à huit selon les agglomérations : il est parfois de un pour cent habitants mais, en grande banlieue, il est de un pour huit cents habitants !
Pourra-t-on indéfiniment repousser la mise en oeuvre de la réorganisation des effectifs de police et de gendarmerie, comme l'a noté M. le rapporteur spécial ?
C'est une tâche difficile et, sans doute, les propositions du conseil de sécurité intérieure n'ont-elles pas fait l'objet d'une concertation assez large, d'une réflexion assez poussée et d'une communication suffisante à destination des élus.
Je ne veux pas rouvrir la guerre entre la gendarmerie et la police - guerre qui, je le dis en passant, n'a pas été engagée par la gendarmerie puisque cette dernière n'a pas le droit de parler ! - mais certains syndicats de police ont eu des propos excessifs. Il est ainsi tout à fait regrettable d'entendre que la police devrait être assurée par des forces civiles et non par des forces militaires : la gendarmerie est aussi républicaine que la police, que je sache !
Mieux vaudrait en tout cas, à mon avis, une meilleure répartition des forces, plutôt que leur superposition, trop fréquente aujourd'hui.
Je constate, à la lecture de la presse - j'ai l'honneur d'y voir mon nom souvent cité, associé à celui de Roland Carraz, ce qui me réjouit particulièrement, mais pas forcément tous les jours - que certains souhaitent à la fois la présence de policiers et de gendarmes. Dans un Etat moderne, il faut, à mon avis, mieux répartir les zones de compétences héritées de l'histoire, et engager une réorganisation.
Mais ce ne sera pas suffisant, monsieur le ministre - vous le savez d'ailleurs bien -, car se pose aussi la question de l'emploi des forces de police.
Est-il bien nécessaire, aujourd'hui, d'avoir des gardes statiques en grand nombre ? Les autres pays européens ne recourent pas à ce système, mais utilisent des moyens modernes, avec des centres de commandement, centres qui existent d'ailleurs également dans notre pays : il suffit, pour s'en convaincre, d'apprécier les équipements extraordinaires dont dispose la préfecture de police pour surveiller tous les ministères et toutes les grandes administrations. Malgré cela, les gardes statiques subsistent. Il serait peut-être préférable d'instituer des unités mobiles.
On pourrait multiplier cette réflexion à l'infini. La meilleure utilisation des personnels me paraît aussi une nécessité. Ainsi, beaucoup d'agents sont encore affectés à des tâches administratives et techniques. Comme l'ont noté MM. les rapporteurs, la LOPS, de ce point de vue, n'a absolument pas été mise en oeuvre sérieusement. Alors que 5 000 emplois administratifs et techniques devaient être créés entre 1995 et 1999, une diminution du nombre des agents administratifs et techniques de la police nationale est constatée et, en conséquence, leurs tâches sont toujours effectuées par des policiers.
Le meilleur exemple en est encore une fois la préfecture de police, et son garage, dans lequel travaillent des policiers alors que, de par son statut, un policier coûte plus cher qu'un technicien ou un mécanicien. Tout cela n'est pas tout à fait normal !
Par ailleurs, une importante modernisation des transmissions est nécessaire pour une plus grande efficacité de la police. Dans certaines grandes villes, telles Paris et Lyon, il a été constaté - vous le savez bien, monsieur le ministre - que les salles de commandement opérationnel modernes renforcent l'efficacité de la police. Toutes les grandes villes de France devraient donc être dotées de ces salles de commandement opérationnel. En effet, on observe, à Lille et dans d'autres grandes agglomérations, que l'absence de coordination des forces de police diminue leur efficacité. Dans certains commissariats, hélas ! quand la patrouille se trouve à plus de trois kilomètres, on ne peut ni lui dire ce qui se passe ni l'envoyer ailleurs ; c'est encore ainsi que les choses se passent dans notre beau pays !
Voilà pourquoi il importe de réaliser dans des délais très courts le programme ACROPOL, pour lequel des crédits supplémentaires ont été dégagés. Prévu à l'origine pour 2003, le terme a été reporté, si bien que les équipements seront obsolètes à l'achèvement du programme !
La police a connu des périodes fastes : il en est ainsi de la période 1985-1989, puisque le programme lancé à l'époque a donné des résultats. Entre 1990 et 1994, on ne s'est plus tellement préoccupé de la situation. Puis, la LOPS est intervenue, mais elle n'a pas été appliquée. Nous sommes donc en retard. Ce retard vaut également pour les équipements : les véhicules sont anciens, ce qui entraîne un affaiblissement de la capacité. Et nous allons nous trouver à peu près dans la situation dans laquelle était Pierre Joxe lorsqu'il a réalisé le plan de modernisation.
Il est donc dommage que des moyens supplémentaires n'aient pas été prévus d'ores et déjà, sans attendre le collectif budgétaire, dans ce projet de budget. En effet, alors que la sécurité et le budget du ministère de l'intérieur, comme celui de la justice, sont des priorités affichées, la progression des moyens correspond uniquement à l'augmentation des salaires et des traitemens mais ne permettra pas de réelle avancée.
Il en va de même de la formation : alors que 25 000 policiers vont partir dans les cinq ans et qu'il faut former les titulaires d'emplois-jeunes, le budget de la formation est en diminution ! Tout cela n'est pas très réaliste, et un tel budget ne permettra donc pas au ministre de l'intérieur, en fin de compte, d'adapter la police aux missions modernes qui sont les siennes.
Monsieur le ministre, je regrette vivement que la priorité affichée ne se traduise pas par une priorité budgétaire.
En conclusion, permettez-moi de faire un rappel historique, s'agissant de la réorganisation des forces de police et de gendarmerie.
M. Raymond Courrière. Il faut y renoncer !
M. Jean-Jacques Hyest. Raymond Poincaré, alors qu'il était président du Conseil, en 1926, a supprimé 103 sous-préfectures ainsi qu'un certain nombre de tribunaux d'instance et de perceptions, pensant qu'il fallait adapter les moyens à l'évolution de notre pays.
M. Raymond Courrière. C'était une erreur !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux !
M. Jean-Jacques Hyest. On peut toujours dire que c'était une erreur ; mais, à mon avis, on ne pourra pas se permettre de laisser indéfiniment en l'état des structures datant de cinquante ans, voire d'un siècle, aboutissant à laisser sans police un certain nombre de nos concitoyens les plus fragiles, vivant dans les zones les plus défavorisées. Ou alors, il faut accepter d'augmenter considérablement les crédits. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Jean-Claude Peyronnet applaudit également.)
M. Raymond Courrière. C'est cela qu'il faut faire !
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, attaché à la possibilité pour l'Etat d'assumer ses attributs régaliens, singulièrement ceux de sécurité et de justice, réduits, au plan budgétaire, à la portion congrue par rapport à la masse des crédits consacrés à une politique d'assistance généralisée, je me suis toujours fait un devoir, quelle que soit la sensibilité du gouvernement en place, de voter le projet de budget du ministère de l'intérieur.
Par ailleurs - prudence ou vertu ? A vous d'en juger ! - je ne suis jamais intervenu dans la discussion de ce projet de budget.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai !
M. Christian Bonnet. Il est en effet trop facile, lorsqu'on a soi-même vécu la difficulté des débats avec le ministère du budget, de paraître reprocher à ses successeurs de n'avoir pu les maîtriser.
Si je romps aujourd'hui très brièvement avec cette règle de conduite, c'est sur un point particulier, qui concerne un problème qui m'angoisse et de la solution duquel dépend l'avenir de la sécurité en France : celui du recrutement et de la formation du personnel.
A cet égard, je formulerai deux observations seulement.
La première tient à l'inquiétude que je ressens face à la réduction incompréhensible pour moi des crédits consacrés à la formation, au moment même où une nouvelle école de police - celle de Nîmes, si ma mémoire est bonne - va prendre sa vitesse de croisière.
J'éprouve une égale inquiétude devant la contradiction qui existe, d'une part, entre les départs massifs à la retraite de fonctionnaires de police dans les toutes prochaines années et, d'autre part, le fait qu'apparemment, mis à part quatre cents recrutements annoncés, aucune véritable politique n'ait encore été mise en place pour assurer leur remplacement, notamment en qualité.
Si je dis « en qualité », c'est que, très ancien parlementaire, j'ai gardé le souvenir de l'affaiblissement de celle-ci lors des recrutements massifs des années qui ont suivi les événements de mai 1968, et que je ne voudrais pas voir se reproduire un tel phénomène.
Ma seconde observation est dictée par la perplexité dans laquelle me laissent le caractère paradoxal du recrutement trop souvent sujet à caution - ce n'est pas par hasard, j'imagine, que M. Duffour a employé tout à l'heure, à cet égard, le terme « vigilance », et je me garderai d'avoir la cruauté de citer certains cas qui font le bonheur des chansonniers - et la formation quasiment toujours insuffisante des adjoints de sécurité, dont vous avez très bien souligné, monsieur Peyronnet, qu'il n'était peut-être pas nécessaire de leur confier les armes les plus percutantes.
Or, si 20 % de leur rémunération sont assurés par le ministère de l'intérieur, le budget de l'Etat, considéré in globo, en assume 100 %, les 80 % restants figurant au budget du ministère de l'emploi.
N'aurait-il pas été plus raisonnable, plus conforme à l'impératif d'une police de qualité, d'inscrire dès le départ ces 100 % dans le cadre du budget de votre ministère et de recruter à partir de ce crédit global d'authentiques fonctionnaires de police ?
Serait-ce trop vous demander, monsieur le ministre, que de vouloir bien m'expliquer le pourquoi de ce que je tiens pour une fâcheuse anomalie - oh ! le vilain mot dans cet hémicycle ! (Sourires.) Je me refuse à croire qu'elle ait pour origine le souci d'augmenter les crédits affectés au budget de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité en vue d'afficher le succès de la politique dite des « emplois-jeunes ». (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le ministre, vous nous dites agir dans le sens d'une sécurité pour tous. Je vais modestement tenter de vous démontrer le contraire.
Je ne voudrais pas, ce faisant, froisser mes collègues maires de grandes villes en laissant croire que je m'abandonne au « tout rural », mais je suis l'élu d'un département rural, l'Eure-et-Loir, et, en tant que tel, je m'interroge sur le devenir de la sécurité de l'ensemble de nos territoires. Et, quand je dis « l'ensemble de nos territoires », je pense aussi bien aux secteurs qui relèvent de la police que de ceux qui relèvent de la gendarmerie.
La progression de l'insécurité en milieu rural est nette. Ruralité ne rime malheureusement plus forcément avec sécurité ! Une étude réalisée sur le département de l'Ain par un groupe de travail de l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure, l'IHESI, démontre ainsi que la moyenne des crimes et délits commis en zone rurale connaît une progression supérieure à celle qu'enregistre le reste du territoire.
Dans ces conditions, le même groupe de l'IHESI s'inquiète du fait que les zones rurales ne fassent pas l'objet de traitements spécifiques par le Gouvernement. Alors que celui-ci envisage un redéploiement des effectifs de police et de gendarmerie, je crains que cela ne se traduise, en fait, par un abandon pur et simple de votre louable souhait, monsieur le ministre, de sécurité pour tous.
J'ai d'ailleurs quelques raisons d'être inquiet. En effet, sur mon département, pas moins de trois suppressions de brigades de gendarmerie sont envisagées. Même si nous attendons tous le rapport de la mission d'audit de M. Fougier, conseiller d'Etat, sur ce sujet, nous sommes obligés de constater que redéploiement équitable signifie, en fait, pour vous, déshabiller Pierre pour habiller Paul.
Ce projet de redéploiement concernerait donc 3 000 policiers et 1 200 gendarmes, aboutissant à la fermeture de 94 commissariats qui couvrent 193 communes rurales de moins de 20 000 habitants.
Lors du colloque de Villepinte, le Premier ministre rappelait que « tout citoyen, toute personne vivant sur le territoire de la République a droit à la sécurité ».
Mais c'est un droit à la sécurité à deux vitesses que nous propose le Gouvernement ! Sécurité à deux vitesses, cela signifie contrôle de l'espace à deux vitesses, et donc capacité de réaction à deux vitesses. Cela s'appelle, monsieur le ministre, un « traitement différencié de la sécurité », là où nous aurions, au contraire, besoin de plus de présence.
Les gendarmes et leurs familles sont des maillons essentiels de la vie des collectivités locales. Implantés au milieu de la population, dont ils partagent les préoccupations et les aspirations par leur écoute, grâce au dialogue, par le contact quotidien, ils créent la base du renseignement, la base d'une conduite appropriée et rationalisée de la sécurité.
Alors, si, comme le rappelait le Premier ministre en août dernier, « le service public représente une valeur », il est « au coeur du lien social », force est de constater que les actes ne sont pas en conformité avec le discours.
Les forces de police et de gendarmerie doivent être des réducteurs d'incertitudes, un repère fixe de sécurisation, et nous en avons tous cruellement besoin, à la fois en tant qu'élus et en tant que citoyens. Or c'est le contraire qui nous est proposé.
Vous risquez de provoquer une insécurité plus grande dans certaines parties du territoire, qui sera bientôt relayée par une violence plus extrême dans certaines zones dites de repli. Tout cela ne manquera pas de se reporter dans le vote extrême, que vous nous accusez volontiers de ne pas combattre. Vous dressez ainsi le lit des aspirations sécuritaires de nos concitoyens, lit dans lequel vous les accusez ensuite de vouloir se coucher !
Vouloir une gendarmerie et une police redéployées est, certes, un exercice difficile. L'équilibriste a toujours peur du vide, et vous nous demandez de travailler sans filet ! Quid de la prévention sur le terrain ? Quid du lien social ? Quid du sentiment de vivre en paix ?
On parle volontiers de revitalisation du monde rural, d'aménagement du territoire, mais quel chef d'entreprise viendra s'implanter dans une zone rurale ouverte ? Quelle famille aura envie de s'installer dans un périmètre vidé de services publics, sans bureau de poste, sans commissariat ou sans brigade de gendarmerie ? Et je n'aurai garde d'oublier une population plus vulnérable, comme les personnes âgées, qui demandent également une sécurité accrue.
Quand on assiste quotidiennement au triste spectacle de la dégradation de la sécurité dans les transports en commun, dans les lycées, sur la voie publique, on se demande si tous les Français voient d'un bon oeil votre projet de recrutement d'adjoints de sécurité ou d'agents locaux de médiation. Vous mettez des pansements là où un traitement ferme s'imposerait !
Le redéploiement des forces de police et de gendarmerie me fait penser à un pyromane qui crierait « au feu » ! Nulle trace dans votre budget du traitement de la délinquance des mineurs, qui attaquent les zones de non-droit et y font régner la loi du plus fort. Et les plus forts sont aujourd'hui âgés de quatorze, quinze ou seize ans. Est-ce cela que vous appelez la sécurité pour tous ?
Quels moyens possèdent finalement les forces de l'ordre pour remplir correctement leur mission ? Des adjoints de sécurité sont embauchés à la place de véritables professionnels, ils reçoivent un temps de formation extrêmement court. Quelle force de dissuasion auront-ils en face d'une bande organisée ?
Aucune commune, aujourd'hui, ne peut se prétendre à l'abri de la violence et de la délinquance, aucune région ne peut se sentir épargnée face à ce type d'insécurité incontrôlable.
En conclusion, ce budget ne me semble pas répondre aux exigences que nous sommes en droit d'attendre aujourd'hui pour notre sécurité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Allouche.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la sécurité.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord adresser mes très vives félicitations à mes collègues rapporteurs pour la qualité de leurs interventions.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Très bien ! Ça commence bien !
Mme Nelly Olin. Depuis plus de deux ans, le Gouvernement ne cesse de réitirer sa volonté de lutter contre l'insécurité urbaine.
La sécurité dans nos villes est, déclare-t-il, une de ses priorités.
M. le Premier ministre nous en parlait encore lors de sa dernière apparition au journal télévisé de France 2, s'agissant des manifestations lycéennes.
Aussi, je ne vous cache pas quelle fut ma surprise en prenant connaissance des crédits affectés à la sécurité pour 1999 !
Ces derniers ne correspondent en rien ni aux attentes de la population ni à vos précédentes déclarations, monsieur le ministre, et je m'interroge, à juste titre, sur la réalité de la politique lancée à grand renfort de presse à Villepinte.
A titre d'exemple, on ne peut plus concret, par rapport au produit national brut prévu pour 1999, le budget de la police nationale connaît, pour la deuxième année consécutive, son niveau le plus bas depuis 1991, et c'est inacceptable.
La loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité arrive à son terme : seul le quart de ses objectifs sera atteint. Le manque de moyens budgétaires a en effet empêché sa complète mise en oeuvre, ce qui est inadmissible. Son seul intérêt aura été de montrer la nécessité d'allier la stratégie aux moyens.
Les 5 000 recrutements prévus ne se sont jamais concrétisés. Pourtant, plus qu'un besoin, c'était une nécessité lorsque l'on sait comment vivent les habitants de nos banlieues qui n'en peuvent plus des agressions de toute nature que, pudiquement, frileusement mais surtout très hypocritement, on qualifie d' « incivilités ».
Comme je l'avais dit l'an passé, sans avoir, semble-t-il, été entendue, je me dois de nouveau insister sur le besoin croissant d'une police de proximité pour assurer un îlotage efficace.
Je souhaite d'ailleurs insister sur la nécessaire proximité qui doit exister entre les différents services de police et la population.
Les emplois de proximité trouvent leur entière légitimité dans la prévention mais également dans la répression de la délinquance.
Au cours des huit premiers mois de l'année 1998, la délinquance a progressé de 5,5 %. Force est de constater que les résultats sont inquiétants et qu'il est urgent d'agir.
Le recrutement d'adjoints de sécurité et les contrats locaux de sécurité sont actuellement les deux principaux dispositifs que vous avez choisi d'appliquer pour renforcer la présence policière sur le terrain.
C'est bien mais nettement insuffisant. C'est aussi la preuve que le Gouvernement n'a pas conscience de la situation des banlieues.
Certes, il est prévu de recruter des adjoints de sécurité, mais, monsieur le ministre, permettez-moi de m'étonner : est-ce réellement judicieux et sérieux, quels que soient leur volonté et leur courage, de les affecter, après seulement deux mois de formation, dans des sites sensibles où ils seront confrontés à la dure réalité des quartiers difficiles ? Vous leur tendez la main en leur trouvant un emploi, mais vous les découragerez en les plaçant dans cette situation.
Certes, il y a les contrats locaux de sécurité et j'ai signé pour ma part, sans états d'âme, un tel contrat voilà deux mois pour la ville de Garges-lès-Gonesse dont je suis maire.
Même si ces deux dispositifs vont dans le bon sens, je me dois cependant de vous rappeler qu'ils sont loin d'être suffisants et qu'ils ne répondent que très incomplètement et très imparfaitement aux besoins réels.
Parce que les violences urbaines sous toutes leurs formes - leur nombre s'est accru de 400 % entre 1992 et 1997 - continuent à déstabiliser nos villes, nos quartiers, nos transports en commun, nos centres commerciaux, nos cages d'escaliers, parce que les faits de délinquance sont de plus en plus graves et leurs auteurs de plus en plus jeunes - certains sont âgés de onze ou douze ans, et le nombre de mineurs délinquants a augmenté de 81,48 % entre 1987 et 1996 - parce que le sentiment d'insécurité devient insupportable, votre projet de budget, monsieur le ministre, construit hélas ! au rabais, n'est pas réaliste et se trouve en complète contracdiction avec vos discours, seulement pavés, malheureusement, de bonnes intentions.
Le recrutement à moindre coût d'adjoints de sécurité, dont le devenir à cinq ans est d'ailleurs loin d'être assuré, ne permet pas de pallier le manque cruel d'effectifs de police dans nos villes. Or ce sont des effectifs que nous vous réclamons d'urgence parce qu'il y a urgence.
Nous vous réclamons de mettre en oeuvre les mêmes mesures en grande couronne qu'en petite couronne.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, le taux de délinquance dans le Val-d'Oise est le même que celui de Paris, aussi pourquoi ce département ne bénéficie-t-il pas des mêmes moyens ?
Y aurait-il des citoyens de première zone et des citoyens de seconde zone ?
La sécurité, je vous le rappelle, est un droit pour tous.
Sachez, monsieur le ministre, que les maires de villes en difficulté, quelle que soit leur sensibilité, en ont asssez de voir naître chaque année une politique anti-violence vouée à l'échec, et que tous les efforts qu'ils déploient pour redresser la situation dans leurs ville seront eux aussi voués à l'échec si vous ne prenez pas les mesures qui s'imposent.
L'heure n'est donc plus ni aux promesses ni aux discours. L'heure est aux mesures concrètes, sérieuses et efficaces. Le temps des constats est hélas ! révolu. Monsieur le ministre, il est urgent d'agir et de lutter sans merci afin de remettre de l'ordre dans nos villes avant qu'il ne soit trop tard, mais trop tard, monsieur le ministre, c'était déjà hier. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - MM. les rapporteurs applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre, quand j'écoute vos déclarations, j'ai l'impression que mon pays est composé de deux mondes qui s'ignorent : d'un côté, le pays légal, qui invoque sans cesse une France Etat de droit - je dirai pour ma part : « dit de droit » - qui parle « redéploiement », « meilleure utilisation des moyens » et cultive une vision intellectuelle de la sécurité ; de l'autre, sur le terrain, le pays réel, où, pour reprendre le titre du livre d'un auteur connu, « toujours plus » les bandes saccagent les trains, dévalisent le voyageurs - du reste, les agents de la SNCF et de la RATP et des transports urbains en général, exaspérés, se mettent sans arrêt en grève pour défendre leur sécurité personnelle et lutter contre les dégradations du matériel.
Toujours plus de voitures et de magasins qui flambent ou sont allégrement pillés.
Toujours plus de lycées, de collèges où le racket sévit.
Toujours plus de commissariats de police attaqués, de policiers régulièrement agressés, aux portes mêmes de leur commissariat et à l'extérieur.
Toujours plus de quartiers ou de campements qui sont interdits aux forces de sécurité.
Toujours plus on pirate sur la route, comme au temps des diligences, et même les fourgons pharmaceutiques y passent !
Toujours plus de mineurs délinquants, qui, pour beaucoup, sont multirécidivistes, et qui sont plus violents et plus précoces.
Toujours plus de multiples petites infractions impunies.
Toujours plus celui qui rentre le soir est anxieux.
Toujours plus nombreux sont ceux qui ne déposent plus plainte car cela ne sert à rien, qui pensent que l'Etat a plus d'attention pour celui qui fait mal que pour celui qui veut bien faire, qui s'inquiètent du départ à la retraite de 25 000 policiers dans les années qui viennent et qui sont obligés de payer la création de polices municipales.
Ainsi, monsieur le ministre, vous ne semblez pas répondre aux questions que se posent constamment nos concitoyens : où est passée notre sécurité réelle et assurée ? Pourquoi notre police n'a-t-elle pas les moyens en hommes et en matériel, sa qualité personnelle n'étant jamais mise en cause ?
Il faut embaucher et accroître les effectifs, pas de 2 400, comme annoncé, mais de près de 10 %.
Cessons de nous comparer, de nous référer aux autres pays et au passé. C'est de notre époque et de notre pays qu'il s'agit.
Finalement, monsieur le ministre, vous subordonnez l'homme, ses conditions de vie, à l'argent. Très sincèrement, j'estime que, avec cette réduction budgétaire pour cause de rentabilité, vous êtes, avec tous ceux qui veulent nous imposer une telle forme de pensée, dans l'erreur.
Il faut de vrais policiers, formés, présents, en nombre suffisant et près des habitants. Cela a un coût, cela répond à un choix, c'est la mission de l'Etat. N'est-ce pas aussi l'exigence de nos concitoyens ? Pourtant, depuis des années, les gouvernements semblent atteints de surdité.
Vous devez répondre à cette volonté de nos concitoyens sans tarder. Vous connaissant, je pense que, comme moi, vous sentez qu'il est indispensable d'apporter la bonne réponse : « toujours plus » d'effectifs ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord indiquer que le budget du ministère de l'intérieur, que nous étudions aujourd'hui, s'élève à quelque 88 milliards de francs. Hors dotation aux collectivités locales et crédits relatifs aux élections, il augmente de 3 % par rapport aux dotations de ces dernières années. C'est important, vous en conviendrez, madame Olin.
Surtout, cette progression des crédits figurant dans la loi de finances pour 1999 va s'accompagner de mesures significatives dans la loi de finances rectificative que vous allez bientôt examiner, et qui prendront leur plein effet en 1999.
La loi de finances rectificative comporte en effet 470 millions de francs de mesures nouvelles nettes en faveur du budget du ministère de l'intérieur. Ce complément viendra s'ajouter aux crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 1999 et il permettra de renforcer les moyens consacrés à l'équipement et au fonctionnement de la police nationale.
Ces crédits permettront aussi - je réponds ainsi à M. Vallet - de prendre en compte le remboursement de la dette à France Télécom, pour 90 millions de francs. Ainsi, ce remboursement sera assuré, ce qui me paraît indispensable pour la bonne régularité des comptes.
L'effort financier qui sera consenti dans la loi de finances rectificative montre bien que le ministère de l'intérieur - M. Jean-Pierre Chevènement avait sollicité M. le Premier ministre lors de la préparation du budget à cet effet - disposera des moyens nécessaires pour assurer sa mission.
J'évoquerai tour à tour les deux grands thèmes qui nous préoccupent aujourd'hui : la sécurité publique, c'est-à-dire le rôle de la police nationale, et la sécurité civile, c'est-à-dire le rôle des services de secours et les actions en matière de protection civile.
Nous savons que la sécurité publique figure parmi les préoccupations premières de nos concitoyens, avec l'emploi.
Le Gouvernement a donc mis en oeuvre les orientations définies lors du colloque de Villepinte : citoyenneté, proximité, efficacité. Pour aboutir, il entend à la fois mener une politique de proximité sur le terrain, associer tous les acteurs à l'échelon local et, enfin, dégager les moyens suffisants pour que la police puisse accomplir ses missions.
La politique de sécurité de proximité repose sur la volonté de mettre en oeuvre un droit égal à la sécurité pour tous les citoyens et sur l'ensemble du territoire national.
Quatre axes principaux caractérisent cette politique que je vais maintenant vous présenter en répondant à vos question : la signature de contrats locaux de sécurité, la création d'emplois de proximité sur le terrain, le réaménagement de la répartition territoriale des forces de police et de gendarmerie et, enfin, la réforme de la préfecture de police de Paris.
Les forces de police doivent travailler en liaison avec les élus locaux.
M. Vallet m'interrogeait ce matin sur l'attitude des commissaires de police par rapport aux élus. Je peux lui dire que les commissaires de police doivent travailler avec les élus locaux. Dans une concertation, chacun a un rôle, chacun à une place. Il est indispensable que ces relations se nouent. C'est ma conception des relations entre la police et les collectivités locales.
Les choses ont beaucoup évolué depuis vingt ans, je l'admets. Autrefois, les élus rencontraient le commissaire de police à l'occasion de la cérémonie traditionnelle des voeux ; maintenant, par exemple dans l'agglomération lyonnaise, ces rencontres sont hebdomadaires, ce qui paraît normal, tant les problèmes de sécurité sont importants.
Les contrats locaux de sécurité constituent l'instrument privilégié de la police de proximité. Ils permettent d'analyser des besoins, d'évaluer les problèmes qui se posent, d'affecter des moyens humains et matériels et d'organiser une mobilisation concertée de tous les acteurs de terrain. A ce jour, nous avons signé pratiquement 140 contrats locaux de sécurité et 400 sont en préparation.
Les premiers contrats, qui ont été signés en début d'année, ont été parfois établis un peu rapidement. Mais ceux qui sont signés maintenant reposent sur de véritables plans d'action détaillés.
A la fin de la semaine dernière, j'ai signé le contrat local de sécurité de Lyon, qui est le premier contrat local à être conclu avec une grande ville, puis celui de Chambéry. Ils reposent tous les deux sur une analyse vraiment minutieuse de l'évolution de la délinquance quartier par quartier, arrondissement par arrondissement, et, en même temps, sur la mise en place de moyens, qui vont de la prévention à la sanction, en passant par la réparation, et ce en organisant une mobilisation des administrations d'Etat, des collectivités locales, de tous les acteurs locaux, notamment les responsables associatifs et les responsables des chambres de commerce.
Il existe, dans ce domaine, un véritable engagement, quelles que soient, d'ailleurs - je remercie Mme Olin de l'avoir dit - les tendances politiques, puisque nous devons tous concourir à l'amélioration de la sécurité de nos concitoyens.
Le deuxième axe de cette politique est le recrutement d'adjoints de sécurité. A la fin de l'année 1998, 8 250 auront été recrutés, en priorité dans les vingt-six départements très sensibles. A la fin de l'année prochaine, ce nombre sera porté à 15 850 et, à l'été 2000, l'engagement de procéder à 20 000 recrutements sera tenu.
La montée en puissance du dispositif n'exclut pas une sélection rigoureuse des adjoints recutés.
Nous avons certes rencontré quelques problèmes dans la région parisienne, où l'information a été parfois insuffisante. Mais j'ai pu constater samedi matin que tel n'était pas le cas à Chambéry.
J'ai rencontré les seize adjoints de sécurité qui ont été recrutés - parmi quatre-vingt-seize candidats - dans le département de la Savoie.
Lorsque je leur ai demandé pourquoi ils avaient choisi de devenir adjoints de sécurité, ils m'ont répondu spontanément : « par conviction ». Certains avaient accompli leur service national dans la police ou dans la gendarmerie et ils se préparaient pratiquement tous à passer des concours pour entrer dans la police nationale.
Ces adjoints de sécurité constitueront un vivier qui permettra de répondre en partie au déficit des effectifs qui se fera sentir dans les prochaines années en raison de l'évolution démographique au sein de la police nationale.
Ces adjoints de sécurité sont placés sous l'autorité de gradés et de gardiens de la paix. Ils concourent à des tâches essentiellement d'accueil dans les commissariats, d'îlotage dans les quartiers sensibles et de prise en charge des victimes.
Dans tous les cas, ils sont encadrés par une fonctionnaire de police nationale assurant le rôle de tuteur. Les adjoints sont donc bien placés sous l'autorité effective de la police nationale.
Pour répondre à M. Bonnet, je précise que ces emplois, comme tous les emplois-jeunes, ceux du ministère de l'éducation nationale, des collectivités locales ou des associations sont financés à 80 % par le ministère de l'emploi, des affaires sociales et de la solidarité. Telle est la règle ; nous n'y avons pas dérogé.
Cette politique, malgré les quelques réserves qu'elle a soulevées au départ, nous permettra non seulement d'engager de bons éléments en tant qu'adjoints de sécurité, mais aussi, plus tard, d'avoir de bons candidats aux futurs concours d'entrée dans la police nationale.
Il est exact que, après deux mois de stage, les adjoints de sécurité sont armés. Mais je rappelle que les policiers auxiliaires l'étaient après un mois seulement de formation.
Nous nous sommes tous interrogés sur la nécessité d'armer ces personnels. Si nous souhaitons qu'ils aient le moins souvent possible besoin d'une arme à feu, nous estimons qu'en détenir une - je le rappelle -, après une période de formation, leur confère un statut véritable. J'ai par ailleurs le sentiment que l'esprit de responsabilité prédomine chez ceux qui ont choisi la police nationale.
Quinze mille agents locaux de médiation sociale doivent être recrutés au titre des emplois-jeunes par les collectivités locales, par certaines associations, par des établissements publics, en particulier par des sociétés de transport et par les bailleurs sociaux.
Ces agents doivent jouer un rôle en matière de prévention et les premiers recrutements sont engagés.
J'ai pu constater que les agents de médiation sociale opérant dans les transports en commun de la région lyonnaise, que l'on appelle localement les AMI, avaient permis d'améliorer la sécurité d'une manière significative. Ne réinvente-t-on pas ainsi des métiers qu'on avait fait disparaître, les receveurs de bus ou les contrôleurs du métro ?
On pourra toujours s'interroger sur la volonté de notre société d'aller vers toujours plus de technicité et moins de présence humaine, cette présence humaine étant pourtant le premier élément qui garantit la sécurité, notamment dans les transports en commun.
Le troisième axe de la politique de sécurité de proximité, porte sur la répartition des forces de police et de gendarmerie.
M. Hyest, qui est l'auteur du rapport sur ce thème avec M. Roland Carraz, a évoqué ce matin, l'inégale répartition des forces sur le territoire national. Plusieurs orateurs, notamment M. Cornu, sont revenus sur ce sujet. Je rappelle simplement que la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité, qu'avait initiée M. Pasqua, prévoyait que toutes les communes de moins de 20 000 habitants passeraient en zone de gendarmerie.
Des propositions ont été faites par le Gouvernement. Ces propositions ont provoqué des réactions au niveau local qu'il serait vain de nier, notamment dans un certain nombre de circonscriptions concernées par les transferts.
C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité que ce dossier soit repris. Il a dès lors confié à M. Fougier, conseiller d'Etat et ancien préfet de police, le soin de procéder à un état des lieux et à des consultations approfondies. M. Fougier, qui a déjà visité une douzaine de régions, doit terminer son tour de France d'ici à la fin de l'année. Il a rencontré ou rencontrera les associations d'élus et les organisations syndicales ; il pourra donc remettre un ensemble de propositions.
Je voudrais, sur ce plan, vous confirmer ce qu'a indiqué, voilà quelques jours, le Premier ministre devant le congrès de l'Association des maires de France. Nous entrons dans une phase de véritable concertation et non de décisions sur ce sujet. Les décisions viendront ensuite, notamment sur la base des conclusions du rapport de M. Fougier. Nous veillerons à associer chaque fois les personnels et les élus locaux dans une démarche qui ne peut se faire contre la volonté locale et qui a pour objet d'assurer une meilleure répartition des forces de sécurité sur notre territoire.
J'en viens au quatrième axe de la politique de sécurité de proximité : la réforme de la préfecture de police de Paris.
Nous constatons à Paris une progression de la délinquance. M. Plasait a fourni des éléments relatifs à ses fonctions d'adjoint au maire de Paris. Cette évolution est inquiétante et nous devons essayer d'y remédier. C'est pour cela que nous envisageons la mise en place, au début de l'année 1999, d'une nouvelle organisation de la préfecture de police de Paris.
La première innovation consiste à créer dans chaque arrondissement une circonscription unique de police urbaine de proximité, placée sous l'autorité d'un commissaire central. Ce choix mettra fin à l'éclatement qui existe actuellement entre commissariats de quartier de police judiciaire et commissariats de sécurité publique. L'action locale de la police sera ainsi d'une plus grande cohérence et d'une meilleure lisibilité pour le public.
La deuxième innovation vise à distinguer trois filières. A chacune d'elles correspondra une direction : celle de l'ordre public et de la circulation, celle de la police urbaine de proximité et celle de la police judiciaire, qui sera réorganisée. Ces trois directions conforteront les références d'excellence de la préfecture de police en matière d'ordre public et de police judiciaire, et permettront ainsi d'affirmer la priorité nouvelle donnée à la police de proximité.
Les autres directions seront maintenues, à savoir les renseignements généraux, la logistique et la direction générale des services.
Des discussions sont engagées, notamment avec les organisations syndicales et l'ensemble des personnels. D'après les consultations en cours, je suis en mesure de vous indiquer que cette réforme se mettra en place au début de l'année prochaine. Cette réforme, sans doute la plus importante que la préfecture de police ait connue depuis la Libération, lui permettra, tout en respectant son statut particulier, de répondre aux attentes du public en termes de police de proximité et de prévention de la délinquance. Bien évidemment, la préfecture de police continuera à exercer ses missions traditionnelles d'ordre public, missions qui sont lourdes à Paris puisqu'elles mobilisent plus de 17 000 fonctionnaires en tenue. Il est vrai que la capitale concentre toutes les contraintes liées à la présence de grands services publics, d'importantes délégations internationales et d'ambassades.
J'en viens aux statistiques sur la délinquance. Je ne nie pas les chiffres, mais il faut savoir que, grâce aux améliorations apportées aux actions de proximité, les victimes se font davantage connaître. Comme M. Haenel le soulignait déjà en juin 1998, dans son rapport relatif aux infractions sans suite et à la délinquance mal traitée, la réforme des commissariats parisiens a eu pour effet une amélioration considérable de l'accueil du public, ce qui encourage les victimes à porter plainte. Si cette évolution est positive, elle ne peut évidemment que se traduire dans les chiffres et peser sur les statistiques relatives à la délinquance.
M. Demuynck m'a interrogé sur les effectifs du département de la Seine-Saint-Denis. Ils n'ont pas diminué, puisqu'ils sont passés de 3 798 fonctionnaires de police titulaires au 1er janvier 1998 à 3 889, soit 91 de plus, au 2 novembre 1998.
Des recrutements d'adjoints de sécurité ont également eu lieu, dont une partie remplace les policiers auxiliaires, appelés à disparaître avec l'évolution du service national.
Nous veillons, notamment en matière d'effectifs, à ne pas remettre en cause les moyens, en particulier dans la petite couronne. Je ne dispose pas des effectifs relatifs au département du Val-d'Oise, sur lesquels Mme Olin m'a interrogé ; mais je ne manquerai pas de les lui communiquer.
Outre les actions relatives à une politique de sécurité de proximité, le ministère de l'intérieur doit mener des actions adaptées que je vais illustrer par quatre exemples : la sécurité dans les transports, la lutte contre le trafic de stupéfiants, les conditions de détention des armes et, enfin, la place à réserver aux polices municipales.
S'agissant de la sécurité dans les transports, nous avons renforcé les unités spécialisées affectées aux réseaux de la RATP et de la SNCF, unités qui devraient fusionner au début de l'année 1999. Au mois d'octobre, nous avons également déployé dans la région parisienne quatre unités de CRS et un escadron de gendarmerie mobile, soit près de 500 fonctionnaires supplémentaires, pour sécuriser le réseau des transports en commun.
En outre, nous sommes prêts à installer des postes de police dans une dizaine de gares sensibles de la région parisienne, sous réserve que la SNCF mette les locaux prévus à notre disposition.
Des instructions ont également été données aux préfets d'Ile-de-France pour que les sociétés de transport soient étroitement associées à l'élaboration des contrats locaux de sécurité.
J'ai eu l'occasion de visiter le service central commun à la préfecture de police et à la RATP, qui se trouve à proximité de la gare de Lyon. Ce service, doté de systèmes d'alerte et de caméras, permet de mobiliser les forces de sécurité. Selon les fonctionnaires qui y travaillent, l'intervention est très rapide, et 70 % des auteurs d'agressions sont arrêtés très vite.
La délinquance dans les transports en commun est insupportable pour les conducteurs, pour tous ceux qui travaillent dans les réseaux de transports en commun, mais aussi pour les usagers, qui ont le sentiment d'être les otages de conflits parfois graves. Nous avons la volonté d'agir en liaison avec les sociétés de transports en commun pour assurer ce service public indispensable.
M. Jean Chérioux. Mais dans quels délais ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Dans certaines grandes communes de notre pays, des brigades spéciales se mettent en place, comme à Toulouse, à Strasbourg, à Lille, à Marseille.
Des dispositions spécifiques ont également été retenues dans des contrats locaux de sécurité, signés ou en cours d'élaboration pour plus d'une quinzaine de grandes villes. Elles portent notamment sur de meilleures liaisons entre les bus et le réseau central qui permet une intervention rapide.
Nous discuterons prochainement, le 10 décembre prochain, d'une proposition de loi visant à renforcer les pouvoirs des agents de contrôle des sociétés de transports publics et à aggraver les peines qui sont encourues par ceux qui transgressent les règlements dans les transports publics.
S'agissant de la lutte contre la drogue et la toxicomanie, M. Courtois l'a indiqué dans son rapport, les tendances sont préoccupantes : banalisation de la toxicomanie dans les zones urbaines, mais également dans les zones périurbaines et rurales ; accroissement de la consommation chez les mineurs en milieu scolaire ; accroissement de la consommation d'ecstasy, de LSD ; développement de la production et de la consommation des drogues de synthèse.
Les services de la police nationale mènent une action d'envergure. J'en veux pour preuve des exemples récents : le démantèlement d'un important réseau international opérant entre l'Amérique du Sud, les Caraïbes, la France et l'Espagne ; le démantèlement, en Martinique, d'un réseau permettant la saisie de 43 kilogrammes de cocaïne ; et, plus récemment - je me suis d'ailleurs rendu Quai des Orfèvres pour saluer le travail des fonctionnaires concernés - la saisie en Seine-et-Marne de près de 200 kilogrammes de cocaïne destinée au marché français.
Une action résolue est donc menée sur tous les plans. Mais, et je partage l'avis de M. Courtois, s'il est vrai que l'on constate, au moins sur le plan des interpellations, une sensible désaffection pour l'héroïne, en revanche l'augmentation de la consommation d'ecstasy est inquiétante. Ainsi, cette année, 850 000 cachets ont été saisis en dix mois contre 198 000 en 1997. C'est donc contre un phénomène de grande ampleur que nous devons lutter avec le maximum d'efficacité.
S'agissant des armes, leur prolifération et les conditions de leur usage sont inquiétantes. Dans ce domaine, nous devons agir sans porter atteinte aux droits de ceux qui souhaitent chasser, collectionner ou pratiquer le tir sportif.
Une mission a été confiée à M. Cancès, inspecteur général de la police nationale, qui a permis de définir plusieurs mesures d'urgence. Un décret devrait être publié avant le 1er janvier 1999. Il n'accordera la possibilité de détenir une arme qu'à ceux qui pratiquent effectivement le tir ou la chasse. Il restreindra l'achat des 22 long rifle. Il obligera les détenteurs d'armes à posséder un coffre ou une armoire forte.
Mais le Gouvernement ne s'arrêtera pas là. Je vous confirme la préparation de dispositions législatives qui compléteront la proposition de loi de M. Le Roux, député-maire d'Epinay - examinée en première lecture à l'Assemblée nationale au mois de mai dernier - et qui qui réformeront la législation de 1939. Notre pays ne peut pas se permettre de ressembler aux Etats-Unis, où la vente des armes et leur diffusion sont libres. C'est, vous en conviendrez tous, un élément essentiel de défense des libertés publiques.
Le projet de loi relatif aux polices municipales aboutira, je l'espère, dans quelques semaines, au début de l'année 1999. Il vise à garantir un meilleur recrutement des policiers municipaux et un meilleur contrôle de leur armement. Il tend également à accroître leurs prérogatives, notamment sur le code de la route et sur les relevés d'identité.
Dans ce projet de loi, nous avons souhaité éviter la confusion avec la police nationale et favoriser la coopération.
Pour revenir à la police nationale, l'essentiel est, bien sûr, que les fonctionnaires bénéficient de meilleures conditions de formation et de travail.
Les tâches de maintien de l'ordre sont des tâches difficiles. En 1997, dix-sept fonctionnaires actifs sont décédés en opération ou en service et, en 1998, le bilan est de quatorze décès. Je tiens à m'associer à l'hommage rendu aux fonctionnaires de la police nationale dans votre assemblée et à exprimer toute mon admiration à leur égard. Ces hommes et ces femmes, très courageux, interviennent souvent au péril de leur vie pour maîtriser des forcenés ou, parfois, pour éviter que certains ne commettent des actes irréparables.
Dans le domaine des effectifs, nous avons besoin d'une relance et d'un renouveau. En effet, en 1999, la réforme des corps et des carrières se poursuivra dans la police nationale. D'ici à 2003, nous allons donc être confrontés à un grand nombre de recrutements. Il faudra, je le rappelle, recruter 25 000 policiers sur cinq ans, chiffre à rapprocher des 113 000 qui constituent le corps de la police nationale. L'effort est massif, probablement le plus important qui ait été fait depuis la Libération.
Il faudra également prendre en compte les temps de formation.
Vous savez que les règles en vigueur en matière budgétaire ne permettent de recruter un fonctionnaire que lorsque le précédent est parti à la retraite ou a quitté ses fonctions. En conséquence, j'ai demandé au Premier ministre, pour prendre en considération les risques de rupture en matière d'effectifs, de prévoir pour 1999 le recrutement de 1 400 gardiens de la paix en surnombre, qui seront dirigés vers les écoles de formation et ne seront donc opérationnels qu'un an après leur incorporation.
En 1998, au total, nous aurons procédé au recrutement de 4 826 élèves auquel, s'ajouteront 370 élèves en surnombre, soit un recrutement de 5 196 gardiens de la paix. Nous nous inscrivons bien dans la fourchette des 5 000 fonctionnaires à recruter par an.
Les services de la police nationale ont établi une perspective afin de déterminer les besoins sur cinq ans, mais également sur dix ans. Par ailleurs, un référentiel des métiers, en cours d'élaboration, permettra de définir la nomenclature des emplois et des postes.
En outre, nous sommes en train de réaliser un logiciel de gestion des ressources humaines intitulé DIALOGUE, qui permettra d'assurer la gestion des services administratifs et des services actifs. Une centaine de millions de francs y sera consacré, et il devrait être opérationnel en 2000.
En matière de formation, M. Chevènement a annoncé la création d'une direction de la formation au sein de la direction générale de la police nationale.
Des assises nationales de la formation et de la recherche se tiendront au mois de février prochain. Vous y serez le bienvenu, monsieur Bonnet. Ces assises seront précédées d'un important travail de préparation et de mobilisation des services qui associera - et associe déjà - des milliers de policiers dans toute la France. Le travail qu'accomplit M. Antonmattei, chargé de la préparation des assises, montre que, sur le plan local, la motivation des personnels est forte.
Je voudrais vous indiquer, puisque la question de la délinquance des mineurs a été évoquée, que, dans les trois ans à venir, nous envisageons de former 17 000 fonctionnaires de police à l'approche spécifique de la délinquance des mineurs et que nous avons mis en place dans chaque département un correspondant « jeunes ». J'ai rencontré récemment certains de ces fonctionnaires à l'école de police. Je les ai trouvés tous très motivés par leur tâche et leur envie de travailler avec les différents services.
Sur le plan immobilier, j'indiquerai que les écoles d'Oissel près de Rouen et de Nîmes ouvrent cette année et que de nouvelles écoles sont en projet à Montbéliard et à Soissons.
Au titre de la formation, les moyens augmenteront, contrairement à ce qui a été affirmé ici. En effet, il ne faut pas prêter une attention excessive aux crédits budgétaires que MM. Courtois et Bonnet ont relevés. Les crédits de fonctionnement de la police nationale feront l'objet d'un réexamen d'ensemble dans le cadre du programme d'emploi des crédits en début d'exercice. Nous aurons donc à redistribuer les moyens, et la formation en bénéficiera.
Le projet de budget comporte plusieurs dispositions indemnitaires, notamment pour les agents du corps de maîtrise et d'application.
Les responsabilités d'encadrement des adjoints de sécurité, les nouvelles qualifications d'officiers de police judiciaire seront prises en compte par la création de primes. En outre, après discussion des modalités avec les organisations syndicales, le régime indemnitaire des agents du corps de maîtrise et d'application qui exercent sur la voie publique dans les circonscriptions les plus sensibles et qui bénéficient, de ce fait, d'une prime de fidélisation, sera revalorisé.
Nous veillerons à mettre en place un barème qui prenne en compte, à compter de la deuxième année d'exercice, les responsabilités que ces personnels assument sur la voie publique.
Les officiers de police, les agents administratifs de catégorie B de la police nationale et les agents techniques de laboratoire bénéficieront également de mesures indemnitaires.
L'action sociale en faveur des agents du ministère fera l'objet d'une impulsion nouvelle, sur la base du rapport qu'a remis M. Jean-Marie Alexandre et qui permet de retenir quatre axes principaux d'action : le renforcement de la protection juridique, médicale et sociale des policiers ; l'amélioration des conditions de travail dans les services ; l'attention accordée à la vie personnelle et familiale ; l'affirmation de la place et du rôle du policier dans la société. En effet, nous savons que le corps des policiers connaît certaines difficultés sur le plan social, difficultés liées notamment aux contraintes du métiers, à l'origine malheureusement d'un certain nombre de suicides.
Dans le budget de 1999, il est prévu de poursuivre la revalorisation des crédits consacrés à la médecine préventive et à la restauration chaude dans les commissariats. L'offre de logements devra être améliorée qualitativement en Ile-de-France et dans certaines villes de province où le marché de l'immobilier est tendu.
Globalement, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de fonctionnement de la police nationale progressent de 2,6 % à structure constante et, si l'on tient compte des moyens dégagés dans la loi de finances rectificative, de 5,4 %. Cette forte progression des crédits permettra - la question a été évoquée par MM. les rapporteurs - d'améliorer et de renouveler le parc automobile, dont l'état de vétusté laisse parfois à désirer.
En matière d'informatique, les moyens alloués au ministère de l'intérieur permettront de poursuivre l'accomplissement des grandes missions informatiques telles que le fichier automatisé des empreintes digitales ou la réalisation du système d'information central « Schengen ».
Enfin, en matière immobilière, nous avons réussi à maintenir le niveau des autorisations de programme, avec 938 millions de francs en 1999 contre 930 millions de francs pour l'année 1998, malgré l'accélération de la mise en oeuvre du programme ACROPOL, qui est onéreuse.
M. Demuynck m'a interrogé sur les projets immobiliers de la Seine-Saint-Denis.
Monsieur le sénateur, un nouvel immeuble a été acquis pour la direction départementale de la sécurité publique, immeuble dont la rénovation doit intervenir en 1999.
En ce qui concerne le commissariat de la Plaine-Saint-Denis, qui dessert le Stade de France, les études viennent d'être engagées et les travaux devraient débuter à la fin de l'année 1999, satisfaisant une demande dont le traitement avait pris du retard.
En matière de transmissions, il est important que le progrès technique ne remette pas en cause les conditions de l'équipement de la police nationale. C'est pour cela que nous avons fait d'ACROPOL une priorité, la couverture du territoire devant être achevée en 2007 et non pas en 2014, comme cela était prévu initialement.
Jusqu'à présent, le Rhône, l'Isère, la Loire, trois départements de la région picarde et la Seine-Saint-Denis sont équipés. La couverture s'étendra l'année prochaine à Paris, à toute la petite couronne et, par anticipation, à la Corse. Les crédits prévus sont de l'ordre de 500 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement.
Voilà donc l'ensemble des moyens affectés à la police nationale.
La question de savoir s'il fallait recruter davantage de policier a souvent été posée.
Pour ma part, je crois que, plutôt que de prévoir des recrutements - car, la France a des ratios élevés de policiers ou de gendarmes par habitant - il faut affecter davantage les policiers à des tâches de police sur la voie publique.
C'est un problème auquel chaque ministre de l'intérieur a dû faire face : nous avons des effectifs suffisants, mais il faut que ces effectifs soient prioritairement chargés d'assurer les missions de contact avec le public, plutôt que certaines charges administratives, voire techniques.
M. Hyest évoquait tout à l'heure l'entretien des véhicules de la préfecture de police - sujet éternel, monsieur Bonnet, que vous avez déjà dû rencontrer. Il faudra dégager des moyens administratifs pour que cette prise en charge soit assurée, soit par des agents publics, soit par des agents privés, afin que les fonctionnaires de police soient affectés à ce qui est leur vraie mission, c'est-à-dire la protection des citoyens, principalement sur la voie publique.
Je vais aborder maintenant les questions de sécurité civile.
Dans ce domaine, l'action du ministère s'inscrit dans le prolongement de la loi du 3 mai 1996 sur la départementalisation des services d'incendie et de secours, qui est en oeuvre depuis deux ans maintenant et dont l'application se poursuivra selon une démarche concertée.
Tous les conseils d'administration des services départementaux ont été constitués - M. Laurin le sait. Les structures représentatives des personnels sont installées. J'ai reçu, voilà quelques jours, le bureau de la nouvelle association constituée par les présidents des conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours, qui tenaient à me faire part de leurs préoccupations.
Les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques sont déjà arrêtés dans une quinzaine de départements et le seront dans près de la moitié d'ici à la fin de l'année.
Ces schémas départementaux me paraissent essentiels pour prendre conscience des enjeux, pour procéder aux travaux d'analyse et de perspective et, surtout, pour assurer une meilleure mutualisation des moyens de sécurité.
Le réforme, en effet, ne concerne pas que les structures ; elle concerne des hommes et des femmes qui concourent quotidiennement à la protection de nos citoyens, qu'il s'agisse des sapeurs-pompiers professionnels ou des sapeurs-pompiers volontaires.
En ce qui concerne les sapeurs-pompiers professionnels, le décret statutaire a été publié en avril dernier et le décret indemnitaire en juin 1998. Ce dernier texte a permis d'harmoniser et de simplifier le régime indemnitaire.
Pour les sapeurs-pompiers volontaires, les vacations et la part forfaitaire de l'allocation de référence seront dorénavant indexées sur l'évolution de la valeur du point de la fonction publique.
L'observatoire pour le développement du volontariat a été réuni et a réalisé une première enquête sur le volontariat.
Notre pays, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, compte pratiquement 250 000 pompiers volontaires, qui constituent un vivier indispensable qu'il faut renouveler.
S'agissant du coût pour les collectivités des services départementaux d'incendie et de secours, nous avons procédé à une estimation qui nous donne un chiffre de l'ordre de 13 milliards à 15 milliards de francs, ce qui correspond à 240 francs par habitant. Tel est, pour nos concitoyens, le coût de la sécurité.
Il n'y a pas eu de véritable étude financière préalable à la loi du 3 mai 1996. Effectivement, monsieur Laurin, certains départements doivent, pour se mettre à niveau, consentir un effort plus important que d'autres. A cet égard, il faut répondre non seulement aux attentes du personnel mais aussi à la nécessité de moderniser les moyens.
Au cours de l'année 1999, nous poursuivrons notre dialogue avec les services départementaux d'incendie et de secours, notamment avec les présidents, et nous mènerons les études qu'ils m'ont demandées concernant la prise en charge de la couverture du risque incendie et secours.
Certains m'ont proposé de créer une colonne supplémentaire sur la feuille d'impôt.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Il n'en est pas question !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Je ne sais pas s'il faut encore diversifier les ressources ! Le président du comité des finances locales pourrait s'en inquiéter. Je crains que ce ne soit pas la meilleure formule...
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Elle serait très mauvaise !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Faut-il aller vers des ressources extrabudgétaires, notamment un prélèvement sur les contrats d'assurance ?
Faut-il aussi s'interroger sur le coût des services qui sont rendus quand, par exemple, les pompiers interviennent à la place du SAMU, dont l'intervention est remboursée par les organismes de protection sociale ?
Voilà autant de réflexions que nous devons mener en ce qui concerne les charges d'incendie et de secours.
La mission de l'Etat en matière de sécurité civile est aussi de faire face à des risques particuliers, notamment chimiques, nucléaires, bactériologiques, explosifs, et de pouvoir éventuellement projeter des moyens dans nos collectivités d'outre-mer ou à l'étranger.
Monsieur Laurin, vous avez rendu hommage à l'action qu'ont menée nos sauveteurs à la suite du cyclone Mitch. Ils ont été rapidement à l'oeuvre. De même, ils étaient partis en mission de prévention lorsque sévissait le cyclone George ; celui-ci n'a, heureusement, guère causé de dommages à la Martinique et à la Guadeloupe, mais ces sauveteurs ont ensuite été déployés à Saint-Domingue et à Haïti.
Le professionnalisme de ces unités mérite d'être souligné.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Ce professionnalisme sera confirmé en 1999 du fait de la suppression du service national. A ce sujet, je vous indique que 367 emplois sont créés au titre du projet de loi de finances dans les unités d'intervention et d'instruction de la sécurité civile. En contrepartie, des emplois d'appelés seront supprimés.
La concentration des moyens humains et matériels dans des unités opérationnelles a rendu nécessaire la fermeture de l'unité de Rochefort, comme le ministre de la défense l'a d'ores et déjà annoncé.
En ce qui concerne l'équipement de la sécurité civile, en particulier de sa composante aérienne, vous vous êtes inquiété, monsieur Laurin, des déformations survenues sur huit des onze nouveaux Canadair livrés par la firme Bombardier. Cette firme a été saisie de l'impérieuse nécessité de mettre en oeuvre des travaux de renforcement sous réserve de contentieux juridiques ultérieurs. Ces travaux seront effectués d'ici au début de l'année prochaine. Je n'ai pas de compétence technique dans ce domaine, mais je crois pouvoir vous affirmer que l'ensemble des Canadair devraient être opérationnels en 1999 pour la saison critique.
En tout cas, comme vous l'avez souligné, les moyens qui ont été mis en oeuvre ont permis de faire reculer de moitié, dans notre pays, les superficies brûlées par les feux de forêt au cours de ces dix dernières années.
Par ailleurs, lors du sommet franco-espagnol, nos amis du gouvernement espagnol se sont félicités de ce que nous ayons mis à disposition de leur pays, au mois de juillet 1998, certaines de nos unités, équipées notamment de Canadair, qui sont intervenues sur les feux dans la région de Barcelone, ce qui prouve leur grande technicité.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Les fait-on payer, les Espagnols ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Oui, on fait payer la prestation.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Ces Canadair nous ont coûté assez cher ! Puisqu'ils ont refusé de s'associer à l'achat, maintenant il faut qu'ils paient !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Maintenant qu'ils ont vu nos moyens à l'oeuvre, je pense qu'ils seront tentés, à l'avenir, de se moderniser de la même manière.
Je précise également qu'un Hercules C 130 de grande capacité sera loué l'an prochain pendant la saison des feux. Nous avons utilisé cette année un tel avion, ce qui a permis de compléter la flotte des Canadair. Un Tracker sera remotorisé et le renouvellement de la flotte d'hélicoptères de secours sera engagé sur le plan financier. Les moyens en matière de maintenance des avions et des hélicoptères seront rééquilibrés en 1999.
Monsieur Laurin, vous avez également évoqué la mission de déminage, qui avait été en partie suspendue.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Ce sont des gens courageux !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire en réponse à une question d'un sénateur de la Somme, le plan de modernisation est en cours, notamment pour l'acquisition de robots et de tenues lourdes. Il faut en effet savoir que l'on continue de déterrer des stocks de munitions dans les départements du nord et de l'est de la France.
J'en viens au problème des accidents consécutifs à la pratique des sports à risque.
La gratuité des secours est un principe qui a été réaffirmé par Jean-Pierre Chevènement. Revenir sur ce principe nécessiterait une discussion interministérielle lourde mais aussi des négociations complexes avec les fédérations sportives.
Cela étant, une assurance existe déjà pour la couverture des risques engendrés par la pratique de certains sports. L'extension de ce système mérite vraiment qu'on y réfléchisse.
Vous avez plus particulièrement évoqué le cas des scooters des mers. A cet égard, je crois que les pouvoirs des maires doivent effectivement être accrus, de manière à éviter que la pratique de certaines activités ne fasse courir des risques trop grands aussi bien à ceux qui s'y adonnent qu'à ceux qui les entourent et qui ont droit à la quiétude. En tout cas, il y a, là aussi, une réflexion à conduire.
A Lyon, est actuellement jugée une affaire très pénible puisqu'elle est liée à la mort d'un enfant de dix ans sur une piste de ski, à la suite d'une pratique dangereuse de planche des neiges. Ce sont toujours des problèmes terribles de responsabilité qui sont posés dans ce genre d'affaires.
Les attentes de nos concitoyens sont aussi nombreuses en matière de sécurité civile qu'en matière de sécurité publique. Le Gouvernement a la volonté de répondre aux unes et aux autres.
Je retiens que, malgré un certain nombre de réserves, la commission des finances et la commission des lois du Sénat ont toutes deux émis un avis favorable sur ce projet de budget pour 1999.
Je tiens à remercier M. le rapporteur spécial et MM. les rapporteurs pour avis de leur compréhension devant ces problèmes difficiles et je leur sais gré d'avoir exprimé la volonté qui nous est commune de porter plus loin les efforts en matière de sécurité. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur et la décentralisation, et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la décentralisation ont été examinés ce matin.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 651 788 454 francs. »

Sur ces crédits, la parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je limiterai mon propos au problème de la sécurité à Paris, qui a d'ailleurs déjà été évoqué à la tribune par plusieurs orateurs.
Vous avez bien voulu reconnaître vous-même, monsieur le ministre, que ce problème était réel, mais en recourant à la litote puisque vous avez parlé d'une évolution « parfois un peu inquiétante de la délinquance ».
La situation me paraît tout de même plus grave que ne le laissaient entendre vos propos. Je vous en fais juge, mes chers collègues : au cours des neuf premiers mois de 1998, on a assisté à une hausse de 4,5 % de l'ensemble des crimes et délits par rapport à la même période de 1997. La situation est donc des plus préoccupantes.
Elle est même alarmante pour l'élu local que je suis puisque, en tête du « palmarès », on trouve le XVe arrondissement. J'espère que cet état de chose ne durera pas et que vous aurez à coeur, monsieur le ministre, de faire en sorte qu'il y soit mis un terme.
Il est paradoxal que, parallèlement à cette évolution, les effectifs policiers de la capitale aient subi, au cours des quatre dernières années, une baisse continue, se traduisant par un déficit d'environ 1 000 fonctionnaires, ce qui est considérable.
Certes, monsieur le ministre, vous nous avez annoncé une importante réforme de la préfecture de police, la plus grande réforme depuis la Libération, avez-vous précisé.
Cependant, l'importance même de cette réforme n'est pas sans nous préoccuper. En effet, il ne s'agit plus simplement d'adaptations mesurées, comme nous en avons connu ces dernières années. C'est une véritable rupture, dont les conséquences en termes de fonctionnement des services et de coût n'ont pas été clairement mesurées.
Il serait donc intéressant de savoir, monsieur le ministre, comment vous envisagez de mettre effectivement en oeuvre cette réforme.
Vous créez en outre une direction de la police de proximité. C'est une bonne chose. Il est cependant bien évident qu'elle se traduira en contrepartie par une parcellisation - autant de commissariats que d'arrondissements - ce qui risque de compromettre un bon suivi des affaires de délinquance de masse.
Vous créez également une direction de l'ordre public. Or les missions qui lui sont confiées vont nécessiter un effectif supplémentaire de 750 gradés et gardiens. Cela pose un grave problème de moyens. Ne risque-t-on pas de devoir prélever cet effectif supplémentaire sur la direction de la police de la proximité ?
J'aimerais que vous nous rassuriez sur ce point, monsieur le ministre, et que vous puissiez nous dire ce que vous avez prévu, notamment dans le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui, pour faire face à ces nouvelles missions que vous envisagez.
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que vous avez dit sur la formation, le développement et l'affectation des forces de police. Mais nous sommes confrontés à trois problèmes très difficiles. Je souhaiterais que le Gouvernement en prenne conscience et essaie d'améliorer la situation.
Le premier problème concerne l'utilisation des effectifs de police. Si je partage votre sentiment sur l'aspect quantitatif, je crois que c'est la mauvaise utilisation de ces effectifs qui crée le plus de difficultés.
Quand on se rend dans certains pays voisins, en Italie, en Espagne ou en Allemagne, on voit beaucoup moins de policiers affectés à la simple protection des édifices publics. De ce fait, les forces de police sont beaucoup plus nombreuses sur le terrain. Or ce qui inquiète nos concitoyens, c'est l'absence de forces de police sur le terrain, notamment le soir et la nuit.
Il nous faut aussi avoir une conception beaucoup plus moderne de la présence policière sur le terrain. Les effectifs gigantestques qui sont déployés à l'occasion d'un match de football - même s'il s'agit d'un événement important ! - rend criante l'absence de forces de police pour lutter contre la délinquance ; il y a là un grave déséquilibre, à la fois dans les faits et dans la conception que l'on a de la sécurité.
Il faut donc réfléchir à une meilleure utilisation des effectifs existants.
Le deuxième problème concerne la formation des policiers, surtout des plus jeunes d'entre eux mais aussi de ceux qui sont plus expérimentés, notamment au regard du développement dans les banlieues de la délinquance des très jeunes. Les policiers n'ont généralement pas reçu de formation spécifique pour affronter cette délinquance juvénile qui est parfois le fait de gamins de dix à quatorze ans. Et c'est une des causes de l'aggravation du phénomène, d'autant que la justice sait encore moins y faire face.
Dans un département comme le mien, celui des Hauts-de-Seine, le nombre d'actes délictueux constaté commis par des très jeunes s'accroît dans des proportions très importantes. Il convient donc de mener une action de formation, notamment des jeunes policiers, avec des psychologues, des sociologues, etc., pour leur permettre d'appréhender ce problème, qui est de plus en plus grave.
La troisième difficulté réside dans l'insuffisante coordination entre la police nationale et les polices municipales, quand elles existent. Il me paraît quelque peu inutile de maintenir des activités concurrentes, notamment en matière de circulation et de stationnement, tandis que des activités restent inexistantes, en particulier dans le domaine de la prévention de la délinquance nocturne.
A l'heure où les contrats locaux de sécurité sont en discussion, il serait utile que vous donniez des instructions aux préfets, à vos négociateurs et aux directeurs départementaux, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que l'action des polices municipales, quand elles existent, soient étroitement coordonnée avec celle de la police nationale, et qu'il y ait un partage des tâches communes. On a trop l'impression, en effet, que cette coordination est beaucoup plus verbale que concrète. Or nos concitoyens ont besoin de choses concrètes.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que vous donniez une impulsion à ces contrats locaux de sécurité, de façon que soient mieux coordonnées l'action de la police nationale et celle des polices municipales. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Monsieur Fourcade, je vous indiquerai tout d'abord que la coordination entre la police nationale et les polices municipales peut constituer l'un des thèmes des contrats locaux de sécurité. Un meilleur partage des tâches peut, me semble-t-il, être assuré. Dans le contrat local de sécurité de Lyon, - ville qui comporte une police municipale chargée, notamment, des parcmètres et du stationnement - cette question a été précisément étudiée.
Le projet de loi relatif aux polices municipales devrait être examiné en deuxième lecture, au mois de février prochain, selon le calendrier prévisionnel parlementaire. Ce texte devrait accroître les capacités d'intervention de la police municipale, notamment pour les infractions au code de la route dans les villes, ce qui déchargerait d'autant la police nationale. Nous savons, par exemple, que la police municipale ne peut pas sanctionner les véhicules lourds qui circulent dans les villes et qu'elle doit, à cet effet, faire appel à la police nationale. Sur ce plan, nous pouvons espérer une meilleure utilisation des moyens.
En ce qui concerne la délinquance des jeunes, voire des très jeunes, il est vrai que les forces de police sont aujourd'hui placées devant un certain nombre de phénomènes nouveaux. Diverses tâches, en effet, relèvent pratiquement de l'éducation ou de l'éducation surveillée. Comme je l'ai indiqué, un important effort de formation sera accompli au cours des trois prochaines années, afin de permettre à des fonctionnaires de mieux appréhender ces problèmes.
Enfin, s'agissant d'une meilleure utilisation des moyens, comme vous l'avez dit, un certain nombre de fonctions traditionnelles, notamment les gardes statiques, peuvent évoluer dans les prochaines années. Le rôle de la police nationale n'est pas simplement d'assurer des gardes statiques. Elle doit pouvoir être déployée plus facilement sur la voie publique, dans les transports en commun, et agir contre la grande délinquance.
Vous avez évoqué la coupe du monde de football. A part le malheureux incident de Lens, cet événement, qui a draîné de nombreuses foules, a été bien maîtrisé par l'ensemble des forces de sécurité publique. Je tiens, là encore, à rendre hommage aux fonctionnaires qui ont travaillé de nombreuses heures avant et après l'événement pour sécuriser les villes et les stades.
Monsieur Chérioux, vous avez fait allusion à la réforme de la préfecture de police de Paris. A cet égard, nous avons à faire face, à Paris, à une évolution de la délinquance qui est de l'ordre - je cite le chiffre de mémoire - de 4 à 5 % des faits constatés pour le premier semestre. C'est pourquoi notre appareil policier doit être mieux adapté, notamment à la petite délinquance que subissent nos concitoyens. Les vols, notamment, sont dus au fait que Paris est un lieu de brassage : une foule nationale et internationale vient assister aux événements les plus divers ou simplement visiter la capitale.
La réforme de la préfecture de police répond à une volonté de mieux insérer la police dans les quartiers. Dans le même temps, il faut éviter la parcellisation. D'où l'idée de la création d'une direction centrale de la police de proximité, qui permettra de coordonner l'usage des forces dans les vingt arrondissements de Paris.
La réforme s'effectuera avec les effectifs dont nous disposons aujourd'hui. Une légère réduction de ceux-ci est intervenue, qui tient précisément aux problèmes de départ à la retraite ou de mutation, mais nous nous efforcerons de la combler.
Comme je vous l'ai dit, les effectifs de policiers en tenue sur Paris s'élèvent à un peu plus de 17 000 agents. Parfois, les départements de la périphérie envient cette richesse, mais celle-ci répond à des contraintes particulières d'ordre public et de protection. Peut-être pourrons-nous les alléger dans les années à venir.
Cela dit, la préfecture de police de Paris est une grande institution. Elle entreprend sa mutation. Les commissions paritaires du personnel ont commencé à se réunir et se réuniront encore durant le mois de décembre. Pour réussir une telle réforme, il faut disposer de l'adhésion des personnels, on le sait bien. Seule cette adhésion permettra, me semble-t-il, à l'organisation de la préfecture de police d'être plus efficace et plus présente sur le terrain.
M. Jean Chérioux. Si j'ai bien compris, sans crédits budgétaires supplémentaires ! C'était le sens de ma question !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Vous avez bien compris !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 9 290 438 777 francs.

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV, modifiés par l'amendement n° II-32 rectifié, précédemment adopté par le Sénat.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 733 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 582 572 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 10 925 534 000 francs ;
« Crédits de paiement : 6 266 161 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispostions du projet de loi de finances concernant l'intérieur et la décentralisation.



Education nationale, recherche et technologie
(suite)



II. - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : II. - Enseignement supérieur.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous présente, pour la quatrième fois, les dispositions du projet de budget pour l'enseignement supérieur. Avant d'examiner les problèmes de fond que pose l'examen de ce projet de budget, je citerai quelques chiffres pour en présenter l'enjeu.
D'un volume légèrement supérieur à 51 milliards de francs cette année, ce projet de budget enregistre une progression très importante de 5,48 %, qui marque bien la priorité donnée par le Gouvernement aux crédits de l'enseignement supérieur.
Quant aux effectifs, outre les 79 815 personnels enseignants, on compte environ 55 000 personnels administratifs et techniques, compte tenu des recrutements qui sont intervenus au cours de l'année.
Ce budget représente aujourd'hui - et c'est quand même, il faut le dire, un pourcentage très faible - 0,58 % du PIB national. J'ai cité ces quelques chiffres pour montrer quel est l'enjeu du débat sur le budget de l'enseignement supérieur. Cela étant, dans quel contexte s'inscrit celui-ci, quelles sont les priorités qu'il affirme, quelles questions fondamentales ayant une incidence majeure pour les années à venir recèle-t-il ?
Le contexte, monsieur le ministre - nous vous l'avions dit l'année dernière et je le répète cette année - est celui d'une incertitude de votre politique en matière universitaire. A la différence de ce qui prévaut dans le domaine scolaire, nous n'avons pas encore vu clairement - mais peut-être est-ce dû à une insuffisante information ou à une insuffisante intelligence de notre part - les grandes lignes de votre politique universitaire.
Je souhaite soulever trois questions fondamentales à cet égard, qui sont inspirées du rapport de M. Valade.
La première de ces questions qui marquent bien les incertitudes de la situation actuelle en matière universitaire est celle de l'évolution des effectifs.
Les effectifs sont en baisse et la diminution, qui était de plus de 20 000 étudiants l'an dernier, atteint cette année le chiffre de 14 000. Les effectifs universitaires s'élèvent aujourd'hui à 1,512 million d'étudiants, auxquels il faut ajouter les élèves des sections de techniciens supérieurs et des classes préparatoires aux grandes écoles, qui sont intégrés dans l'enseignement secondaire, et les étudiants de l'enseignement supérieur privé, pour un total évalué à environ 2,1 millions d'étudiants.
Ces effectifs ont donc baissé de près de 2 % une année, de 1,3 % l'année suivante, et les études prospectives montrent que, à moyen et à long termes, la baisse se poursuivra, et que c'est peut-être 200 000 étudiants de moins que les universités françaises auront à accueillir. Ces réflexions prospectives avaient été engagées voilà quelque temps dans les régions, lorsque l'on avait commencé à élaboré le schéma des formations. D'autres schémas sont actuellement en cours d'étude.
Notre question est simple : considérez-vous que la réduction du nombre des effectifs étudiants à l'université est inéluctable ? Doit-on en tirer les conséquences, en matière d'emplois mais aussi d'encadrement et de conditions d'accueil des étudiants dans les université ? Voilà la première grande incertitude en matière de politique universitaire.
La deuxième grande incertitude tient bien évidemment à la mise en oeuvre de la réforme Bayrou de 1997 concernant l'organisation des premiers cycles universitaires. En définitive, chaque université apprécie l'utilité, voire la nécessité, de mettre en place cette réforme et a la liberté d'adapter le dispositif.
Lors de votre audition par la commission des finances, monsieur le ministre, vous nous avez fait part de vos réflexions sur la mise en place de ce premier cycle universitaire. Vous nous avez notamment indiqué que le premier semestre dit « d'orientation » n'avait pas donné les résultats escomptés.
Là encore, notre question est simple : avez-vous l'intention de poursuivre l'application de la réforme du premier cycle universitaire dans l'ensemble des universités ? Une autre politique sera-t-elle préconisée ? Laissera-t-on les universités, dans le cadre de leur autonomie, prendre les dispositions qui leur paraîtront les meilleures ?
Ma troisième incertitude, à laquelle vous vous attendez inévitablement, tient aux conclusions qui seront tirées des rapports Fauroux et Attali. Qu'en est-il du rapprochement entre les universités et les grandes écoles ainsi que de la mise en place et de l'organisation du système « 3, 5 ou 8 », pour employer le jargon des spécialistes ? Les crédits nécessaires seront-ils dégagés ?
Ces questions expliquent, pour reprendre l'expression tout à fait appropriée de notre collègue Jacques Valade, notre « perplexité » en cette veille de l'année 1999 pour porter un jugement sur le budget de l'enseignement supérieur.
Après avoir cité ces quelques chiffres et présenté le contexte général très incertain dans lequel s'inscrit une politique universitaire dont les lignes, permettez-moi de vous le dire, ne sont pas très bien tracées, j'indiquerai maintenant quelques priorités qui trouvent, quant à elles, une traduction budgétaire très positive. (M. Carrère manifeste sa satisfaction.) Je constate que M. Carrère se réjouit de me voir dégager maintenant quelques aspects positifs de ce budget.
Le premier aspect positif tient à l'ouverture de l'université vers l'extérieur et à la mise en place de l'agence Edufrance. Face à la concurrence à laquelle se livrent les universités françaises, allemandes, anglaises et américaines, nous nous devons d'accueillir, dans des conditions convenables, un nombre toujours plus grand d'étudiants étrangers ayant un excellent niveau d'éducation, ces étudiants assumant, comme les étudiants français eux-mêmes, les mêmes charges financières. Il en va du rayonnement des sciences et de la langue française ainsi que de son influence.
L'objectif est extrêmement ambitieux. Il s'agit de faire passer progressivement de 130 000 à 500 000 le nombre d'étudiants étrangers accueillis dans les universités françaises.
Les crédits d'un montant de 100 millions de francs consacrés à l'agence Edufrance seront-ils suffisants ? Nous pouvons nous poser la question. En tout cas, cette ouverture sur l'extérieur est une bonne orientation.
De même, il est important et positif d'ouvrir l'université, de la mettre en relation avec les milieux professionnels. Le développement de la formation permanente et les formules alternant vie professionnelle et enseignement universitaire constituent de bonnes orientations.
La mise en place du plan social étudiant est également positive. Elle constitue la mesure la plus importante de ce budjet. En 1999, 830 millions de francs seront affectés à la mise en place de ce plan. L'augmentation du montant des bourses ainsi que l'élargissement du champ de ses bénéficiaires, l'accent mis sur les locaux d'accueil des étudiants, afin de leur permettre de devenir de vrais citoyens, autonomes, exerçant toutes leurs activités dans le milieu universitaire, l'amélioration des conditions de transports, notamment en Ile-de-France, le renforcement du réseau des résidences universitaires et de la restauration universitaire sont de bonnes initiatives. La première tranche de ce plan, évaluée à 7 milliards de francs, qui devrait commencer à s'appliquer en 1999, est très significative et constitue vraiment l'une des caractéristiques majeures de votre budget.
J'en viens maintenant aux interrogations que suscitent les emplois et le plan U3M.
S'agissant des emplois, un débat a lieu sur l'encadrement. Dans la mesure où les effectifs baissent et où, depuis cinq ans, tout particulièrement depuis l'année dernière, un programme important de recrutement a été lancé, le taux d'encadrement s'améliore. Pourtant, si nous effectuons des comparaisons avec d'autres pays, nous constatons que le taux d'encadrement des étudiants en France reste très faible.
Vous m'avez remis, vendredi dernier, une petite note sur la portée et la signification du taux d'encadrement actuel des étudiants. Nous nous demandons si la procédure de répartition des effectifs entre les universités est bien adaptée. Ne faudrait-il pas de nouveau réfléchir à une réforme de cette procédure, notamment dans le cadre des perspectives contractuelles qui lient désormais des universités de plus en plus autonomes avec le Gouvernement, avec l'Etat, avec le ministère de l'éducation nationale ? Une nouvelle réflexion sur les heures supplémentaires ne peut-elle pas être engagée ? Il est bon que ces dernières soient financées à la fois sur les crédits d'heures complémentaires et sur les crédits des emplois vacants. Cela donne beaucoup de souplesse - tout ne doit pas être rigide - mais il ne faudrait pas que cela nous empêche d'avoir une exacte appréciation de la répartition des emplois, de leur localisation et de leur qualification.
En 1999, aucun recrutement d'enseignant n'est apparemment prévu. Toutefois, il faut noter que 75 millions de francs sont consacrés à la création de 1 500 postes d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche.
Par ailleurs, un peu plus de 800 emplois vont être créés dans les services administratifs et techniques, dont 150 dans les bibliothèques. Cette mesure est très positive, mais nous nous interrogeons réellement sur la gestion de la ressource humaine, ainsi que sur l'évolution du taux d'encadrement au cours des années à venir.
Ma deuxième question concerne bien évidemment le plan U3M. Compte tenu du peu de temps qui m'est imparti, il me sera difficile de traiter ce sujet mais je vais m'y essayer.
Ce plan, qui est une bonne initiative, prendra le relais du plan Université 2000 et des contrats de plan. Mais, aujourd'hui, les arbitrages ne sont pas encore rendus, tout au moins à notre connaissance. Quant comptez-vous y procéder, étant donné que la procédure est lancée à l'échelon tant national que régional ? Quel sera le coût de ce plan ? Sera-t-il de 40 milliards de francs, comme le plan précédent, ou sera-t-il plus élevé ? Quelle sera la répartition des charges entre l'Etat et les régions ?
Je rappelle que, depuis trois ans, je demande que les fonds de concours des régions aux universités soient hors TVA et que les participations de ces dernières donnent lieu à compensation de la TVA.
Notre collègue M. Charasse, qui n'est pas présentement parmi nous...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est rare qu'il ne soit pas là !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. ... a publié une circulaire inadaptée. Aujourd'hui, les fonds de concours des régions aux universités doivent être exonérés de TVA. Il est normal que les équipements universitaires soient réalisés hors TVA même s'il s'agit d'un fonds de concours et même si la région n'est pas maître d'ouvrage. En effet, aujourd'hui, dans la plupart des cas, vous demandez que les universités soient maître d'ouvrage pour renforcer leur autonomie. C'est une bonne chose. La logique voudrait donc que les fonds de concours des régions soient hors TVA. Autrefois, nous pouvions un jour réaliser un bâtiment hors TVA en en assumant la maîtrise d'ouvrage alors que le lendemain l'Etat ou l'université pouvaient être le maître d'ouvrage.
Monsieur le ministre, je vous interroge donc sur le coût du plan U 3M, sur les modalités et le niveau des concours des collectivités territoriales, essentiellement des régions, ainsi que sur la place des universités en Ile-de-France. Le retard pris par cette région est considérable. Qu'en sera-t-il ? Parviendra-t-on à trouver un accord avec la région d'Ile-de-France pour rattraper le retard des universités parisiennes et remédier à l'insécurité ainsi qu'aux mauvaises conditions d'accueil ?
Avant même que ce plan soit mis au point, une première tranche de l'ordre de 1 milliard de francs apparaît dans le projet de budget pour 1999. Là, se pose le problème de la restructuration de Jussieu - je ne parle plus, pour répondre à vos voeux, monsieur le ministre, de désamiantage - qui va s'étaler sur sept ans et qui implique que des surfaces perdues soient compensées par la création de 30 000 mètres carrés de bâtiments.
Si l'on ajoute au milliard de francs les 2,8 milliards de francs correspondant aux opérations de déménagement et aux nouveaux locaux, nous parvenons à un total de 3,8 milliards de francs. Pourra-t-on s'en tenir à ce coût déjà très élevé ? Ne vaudrait-il pas mieux placer la restructuration de Jussieu hors plan U3M et hors contrat de plan Etat-région ?
J'en arrive à ma conclusion - M. le président va certainement me reprocher d'être toujours hors délai.
Mme Nelly Olin. Votre intervention est tellement intéressante !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. En descendant de la tribune, je vous remettrai, monsieur le ministre, le rapport de la mission que nous avons menée sur les bibliothèques universitaires et qui est intitulé : « Bibliothèque universitaire : le temps des mutations ». Comme les bibliothèques universitaires, l'université française est au temps des mutations et nous souhaiterions être mieux en mesure d'apprécier la première traduction de ce phénomène dans le projet de loi de finances pour 1999. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un peu plus de 51 milliards de francs, les crédits de l'enseignement supérieur sont susceptibles de progresser de 5,4 % en 1999, soit une augmentation supérieure à celle de 1998, d'une ampleur comparable à celle de 1997.
En dépit d'un timide début de transfert des moyens entre l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur, il nous faut constater que ce dernier ne bénéficie que de 15 % du budget total de l'Education nationale et correspond seulement à 0,58 % du produit intérieur brut, soit un pourcentage sensiblement inférieur à celui qui est observé dans nombre de grands pays de tradition universitaire. Nous ne cessons d'ailleurs de le répéter depuis trop longtemps.
Avant d'examiner votre projet de budget, autant vous le dire d'emblée, monsieur le ministre, la commission des affaires culturelles et son rapporteur se sont interrogés, à l'instar de M. Lachenaud, sur la réalité de votre projet pour l'enseignement supérieur qui reste hypothéqué par de grandes incertitudes, que, pour l'instant, vous n'avez pas levées. Nous ne pouvons qu'exprimer notre perplexité à l'égard de votre budget : entre un mammouth impotent et une machine sans âme, il semble qu'il y ait une position d'équilibre que nous n'avons pas perçue. Nous souhaiterions que vous vous exprimiez à ce sujet.
En effet, alors que vous avez annoncé, ou engagé, de profondes réformes de l'enseignement scolaire, notamment pour le premier degré et les lycées, nous ne pouvons que constater et regretter que l'enseignement supérieur n'ait été l'objet de votre part que de propositions d'aménagement limitées ; celles-ci ne permettent pas d'appréhender la philosophie générale et les intentions du Gouvernement en ce qui concerne l'avenir de notre système universitaire.
Il est ainsi regrettable, comme l'a dit le rapporteur spécial, M. Lachenaud, que les perspectives ouvertes par l'excellent rapport de la commission Fauroux aient été négligées : celles-ci envisageaient, notamment, de clarifier les parcours professionnels, de simplifier les diplômes, de développer la coéducation avec l'entreprise par la voie de l'alternance, de réorganiser en profondeur les premiers cycles universitaires, de permettre aux professeurs agrégés de ces premiers cycles d'accéder à la recherche et, surtout, de renforcer l'autonomie des universités.
Quant au rapport Attali, qui procède d'une autre philosophie et à l'origine duquel vous êtes, force est de reconnaître que ses orientations, dont certaines sont dignes d'intérêt, sont pour l'instant, très sous-utilisées.
S'agissant, enfin, des réformes annoncées par votre prédécesseur, leur sort a été scellé de manière encore plus définitive : elles ont été, à l'exception de la réforme pédagogique des premiers cycles, purement et simplement abandonnées, qu'il s'agisse, par exemple, de la mise en place d'un statut social étudiant, d'une allocation sociale d'études ou de la prise en compte de l'insertion professionnelle des diplômés dans la politique contractuelle des établissements. Toutes ces propositions ont été jugées, selon les cas, infondées, dépourvues de moyens de financement ou insuffisamment expertisées. La commission des affaires culturelles estime que la qualité des travaux effectués au cours de ces « états généraux de l'université » et la mobilisation qu'ils ont impliquée méritaient de votre part une analyse plus attentive et une meilleure utilisation.
J'attire, une fois encore, votre attention, monsieur le ministre, sur le désarroi des étudiants et des familles et sur la lassitude des enseignants-chercheurs - nos collègues, monsieur le ministre - qui sont sans cesse sollicités, consultés et ne perçoivent pas la prise en considération de leurs propositions et de leurs efforts.
Monsieur le ministre, vous avez cependant engagé deux actions prioritaires tendant, l'une, à développer la formation permanente à l'université, l'autre, à ouvrir notre système universitaire sur l'extérieur.
Si ces priorités sont fondées, et nous sommes tout à fait en phase avec vous, nous estimons toutefois que la première de ces actions ne doit pas prendre le pas sur les activités traditionnelles de formation initiale et de recherche de l'université. Nous avons perçu en d'autres lieux des dérives du type de celle que j'évoque.
S'agissant de la seconde action prioritaire, il est vrai que nos universités n'accueillent aujourd'hui que 130 000 étudiants étrangers, dont le tiers en lettres et en sciences humaines, soit notablement moins que leurs homologues anglo-saxons. Si l'on peut constater, en effet, une désaffection de ces étudiants à l'égard de notre université, je suis persuadé que la qualité de nos formations et de nos travaux de recherche ne peut être mise en cause et que les raisons de cette désaffection doivent être recherchées ailleurs.
Le rapporteur de votre commission ne peut que se féliciter d'une plus grande ouverture de l'université sur l'extérieur, et de la création de l'agence Edufrance, qui sera chargée, sous la présidence, sans nul doute efficace, du professeur Charpak, de dynamiser et de faire connaître notre système universitaire.
J'estime cependant que les objectifs que vous vous assignez, en l'occurrence accueillir à moyen terme 600 000 étudiants étrangers,...
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Cinq cent mille !
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. Quoi qu'il en soit, ces objectifs sont trops ambitieux, voire irréalistes.
Comment, en effet, comptez-vous accueillir d'une manière convenable des effectifs aussi considérables qui représenteraient plus du quart des étudiants nationaux ? Avez-vous, par ailleurs, l'intention de faire payer à ces étudiants leurs études au juste prix ? Je crains, monsieur le ministre, que la mise en oeuvre d'un objectif aussi ambitieux ne suscite quelque inquiétude de la part de votre collègue chargé du ministère de l'intérieur.
Je vous avoue ensuite mon embarras pour porter un jugement sur la réorganisation annoncée des cursus universitaires : celle-ci constitue à l'évidence une nécessité,...
M. Jean-Louis Carrère. Ça, c'est un argument !
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. ... d'une part, pour améliorer la cohérence de nos parcours universitaires et, d'autre part, pour harmoniser nos diplômes au niveau européen ou international.
Les propositions formulées en ce domaine, d'après ce que l'on peut en connaître, inspirées notamment du rapport Attali et des réflexions du recteur Monteil, avec lequel je m'en suis entretenu - cela m'est relativement facile à Bordeaux - alors qu'est engagée une réforme des premiers cycles universitaires, apparaissent encore confuses et doivent nécessairement faire l'objet d'un arbitrage ministériel, qui tarde à venir.
Encore une fois, il n'y a pas de procès d'intention, contrairement à ce que certains pourraient penser ou dire, et nous attendons de vous entendre vous exprimer, monsieur le ministre.
La commission des affaires culturelles a exprimé certaines réserves sur un allongement systématique des cycles d'études initiaux dont certains, tels les BTS et les IUT, ont une finalité d'insertion professionnelle. Elle s'est également demandée si cet allongement n'était pas quelque peu contradictoire avec le souci de développer la formation permanente, tout au long de la vie professionnelle.
Je souhaiterais, par ailleurs, que vous puissiez fournir au Sénat des précisions sur l'avenir de la réforme pédagogique des premiers et des deuxièmes cycles universitaires engagée en 1997, qui est très inégalement appliquée et dont certaines modalités, présentées comme essentielles, par exemple le semestre de réorientation, sont en fait restées lettre morte.
J'ajouterai que la désaffection constatée à l'égard des études scientifiques, qui résulte pour partie de la prolifération des formations professionnalisées qualifiantes, est très préoccupante et qu'elle risque, à terme, de remettre en cause un nécessaire équilibre entre les formations supérieures.
J'aborderai maintenant les grandes lignes de votre projet de budget pour 1999.
Ses crédits progressent, même hors plan social étudiant, de manière non négligeable : ils permettront de « libérer » opportunément 1 500 emplois d'enseignants-chercheurs antérieurement réservés à l'accueil des attachés temporaires d'enseignement et de recherche, les ATER, de créer 800 emplois IATOS, dont 150 pour les bibliothèques universitaires, ce qui est tout à fait indispensable.
Par ailleurs, 2,43 milliards de francs seront consacrés à la recherche universitaire, je laisse le soin à M. Pierre Laffitte d'évoquer ce dossier qu'il connaît bien. Si la progression des crédits de la recherche universitaire est inférieure en 1999 à celle qui a été observée l'an dernier, elle reste cependant supérieure à celle qui concerne les crédits du CNRS et du BCRD.
J'en viens au plan social étudiant, qui constitue votre première priorité budgétaire.
Sa mise en oeuvre devrait mobiliser 7 milliards de francs pendant quatre ans et permettre, à terme, d'accorder une aide directe à 30 % des étudiants et d'augmenter de 15 % le niveau des aides : 808 millions de francs seront consacrés en 1999 au lancement des premières tranches de ce plan. Si ce plan social est, en effet, nécessaire pour accompagner la démocratisation de l'enseignement supérieur, la commission des affaires culturelles tient cependant à en souligner la portée limitée.
Il semble en effet, monsieur le ministre, que vous n'ayez guère tenu compte des conclusions du rapport Cieutat qui dénonçait le caractère peu redistributif des aides existantes ; vous avez apparemment abandonné l'idée d'un statut social étudiant et d'une allocation d'études généralisée ; vous maintenez en l'état l'allocation de logement sociale, l'ALS, dont vous connaissez le coût et qui reste insuffisamment ciblée ; vous ne touchez pas à un dispositif fiscal qui bénéficie davantage aux familles disposant de revenus élevés et vous n'avez pas encore défini de critère d'autonomie financière de l'étudiant pour le calcul des aides.
Je m'interroge, enfin, sur la pertinence des critères retenus pour l'attribution de deux cents bourses de mérite aux bacheliers les plus brillants, d'origine modeste, qui se destinent à la magistrature et à la haute fonction publique. Au-delà de la cible, trop limitée, je soulignerai le caractère sans doute médiatique, mais quasi symbolique d'une telle mesure, et son coût dérisoire qui doit être rapproché, par exemple, de l'effort des régions en matière d'aides aux étudiants, alors que tant de jeunes gens méritent un soutien de la même nature.
Pour terminer, j'évoquerai en quelques mots votre seconde priorité budgétaire : le programme U3M.
Ce programme a pour objet de répondre à des besoins de maintenance, de mise en sécurité et d'aménagement des locaux universitaires. Il intervient dans un contexte nouveau de baisse des effectifs étudiants, alors que le plan Université 2000 avait pour finalité de répondre à la montée de ces effectifs.
U3M sera financé, comme Université 2000, à parité, semble-t-il, par l'Etat et par les collectivités territoriales, au mépris, encore une fois, des règles de répartition des compétences, afin de pallier les carences de l'Etat. Ce programme sera intégré dans les contrats de plan du XIIe Plan, comme le schéma U 2000 l'avait été en partie dans le plan précédent.
La commission des affaires culturelles tient à souligner que la mise en oeuvre d'U3M devra être le fruit d'une véritable concertation avec les universitaires et les responsables régionaux, et non pas procéder d'une conception par trop jacobine de l'aménagement du territoire, qui risquerait, notamment, d'écarter les acteurs du monde universitaire.
Elle a, par ailleurs, exprimé la crainte que la mise en oeuvre du programme U3M n'ait pour conséquence de modifier l'actuelle carte universitaire, de remettre en question, dans un contexte de décroissance des effectifs, certaines délocalisations universitaires qui ont fait la preuve de leur utilité. Je souhaiterais à cet égard obtenir des assurances de votre part, monsieur le ministre, sur la pérennité de ce tissu universitaire et social qui permet de proposer, dans les villes moyennes, des enseignements de proximité, notamment aux étudiants d'origine modeste.
En guise de conclusion, monsieur le ministre, je ne peux que m'étonner d'un certain attentisme, surtout de votre part, concernant les nécessaires réformes de l'enseignement supérieur, et je ne résiste pas à la tentation de citer le fabuliste :

Ne faut-il que délibérer ?
La Cour en conseillers foisonne ?
Est-il besoin d'exécuter ?
L'on ne rencontre plus personne ?

Compte tenu des incertitudes subsistant quant à l'avenir de notre système universitaire et d'une évolution des crédits qui ne paraît pas commandée par la définition claire de véritables priorités, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de l'enseignement supérieur pour 1999 et est attentive aux propositions formulées par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 18 minutes ;
Groupe socialiste : 16 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 11 minutes.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'enseignement supérieur pour 1999, tel qu'il nous est présenté cette année, s'élève à 51 113,7 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une progression de 5,48 % par rapport à 1998.
A la lecture de ces chiffres, il apparaît que la part du budget de l'enseignement supérieur ne cesse de croître, puisqu'il avait progressé de 3,05 % en 1998.
Trois axes majeurs se dégagent de votre budget : d'abord, l'amélioration des moyens des établissements en emplois, crédits et mesures de personnel ; ensuite, la poursuite de l'effort d'investissement dans le cadre de la préparation du plan Université du troisième millénaire ; enfin, les engagements du Gouvernement quant à la mise en oeuvre du plan social étudiant.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de m'attarder sur la situation particulière de l'université des Antilles-Guyane, dont l'importance est essentielle pour l'avenir de la formation de notre jeunesse.
En effet, cette université n'est pas sans connaître de nombreuses difficultés.
Tout d'abord, elle a une autonomie financière inférieure à celle des universités pluridisciplinaires de petite taille et inférieure à celle de l'ensemble des universités.
Qu'il s'agisse du ratio ressources par étudiant, du taux d'investissement ou encore du ratio dépenses universitaires et d'Etat en personnel par étudiant, ils sont inférieurs à ceux qui sont constatés dans l'ensemble des universités.
L'absence de fonds de roulement est un symptôme récurrent de l'absence de moyens financiers dont souffre notre université.
Un autre problème, qu'il n'est pas simple de gérer, concerne l'intégration des ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers de service, les IATOS.
En effet, l'insuffisance de notre encadrement nous a amenés à recruter des personnels hors statut qui se trouvent aujourd'hui dans une situation de précarité. Il serait tout à fait légitime que ces personnels, dont certains travaillent depuis plus de dix ans à l'université, soient enfin titularisés.
Compte tenu de la gravité de la situation, des réponses doivent être apportées afin de garantir à chaque étudiant les mêmes moyens que ceux dont bénéficient les étudiants de métropole.
S'agissant du campus de Fouillole, je dirai simplement que la vétusté dans laquelle se trouvent les bâtiments inquiète, non sans raison, les membres de la communauté universitaire, d'autant que des accidents sont survenus l'année dernière.
Monsieur le ministre, je souhaiterais maintenant attirer votre attention sur le projet de création d'une université autonome en Guyane.
Très récemment, vous avez procédé à la nomination de M. Blamont que j'ai rencontré et qui est chargé de conduire une concertation avec les décideurs guyanais, afin de réfléchir aux modalités d'instauration d'une telle université.
Je suis tout à fait favorable à ce projet, qui permettra de combler les lacunes immenses de l'enseignement supérieur en Guyane et qui insufflera une dynamique nouvelle au système éducatif guyanais dans son ensemble.
En effet, aujourd'hui, les étudiants guyanais souhaitant poursuivre leurs études au-delà du DEUG sont dans l'obligation de partir étudier aux Antilles ou en métropole. La mise en place de cette nouvelle université permettrait donc aux étudiants guyanais d'obtenir un diplôme de licence dans les filières classiques, tels, notamment, les lettres, le droit, l'économie, les mathématiques. Cela favoriserait leur intégration dans les instituts universitaires de formation des maîtres. En effet, actuellement, ce sont surtout des étudiants en provenance de l'université des Antilles et des universités et de la métropole qui intègrent l'IUFM de Guyane.
La formation de professeurs des écoles guyanais serait de nature à répondre à la demande grandissante de nouveaux effectifs d'enseignants dans le premier degré pour scolariser dans les prochaines années un afflux massif d'élèves.
En outre, les étudiants souhaitant poursuivre leurs études au-delà du DEUG, jusqu'à l'agrégation, ce qui n'est pas possible en l'état actuel des choses à l'université de Guyane, ne seront plus obligés de partir étudier à l'université des Antilles.
S'agissant du statut de cette nouvelle université, je suis partisan de la conclusion de conventions avec une université mère - aux Antilles ou en métropole - pour une durée de trois ou cinq ans.
Par ailleurs, la création d'une université autonome de Guyane concomitamment à la mise en place du parc du Sud souhaité par le Premier ministre serait susceptible de favoriser l'instauration en Guyane d'un véritable pôle de recherche scientifique. Ce dernier serait fondé sur un partenariat entre les chercheurs du monde entier y travaillant et les étudiants chercheurs de cette nouvelle université.
Voilà, monsieur le ministre, les quelques points sur lesquels je souhaitais m'exprimer et sur lesquels j'attends des réponses.
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur quatre aspects de la politique de l'enseignement supérieur.
Permettez-moi tout d'abord d'évoquer la situation des cinq instituts catholiques - Angers, Lille, Lyon, Paris et Toulouse - réunis au sein de l'Union des établissements d'enseignement supérieur catholique, l'UDESCA, et des quinze écoles d'ingénieurs ainsi que des six écoles de commerce et de management rassemblées au sein de la Fédération des écoles supérieures d'ingénieurs et de cadres, la FESIC, qui reçoivent de l'Etat des subventions de fonctionnement inscrites à l'article 10, chapitre 43-11, au titre des encouragements divers pour leurs 24 000 élèves éligibles à cette subvention.
M. Jean-Louis Carrère. Vous n'allez pas les minorer, celles-là !
M. Jacques Legendre. La somme globale inscrite au « bleu » budgétaire pour l'ensemble des établissements supérieurs privés s'élève à 216,7 millions de francs comprenant, pour la première fois, 2,3 millions de francs de mesures nouvelles au titre de l'inflation.
Cette somme est inférieure de 12 millions de francs aux crédits votés pour 1997. De plus, elle ne compense pas la réduction budgétaire de 12 % décidée durant le second semestre de 1997 au détriment de l'ensemble de l'enseignement supérieur privé, réduction qui s'est traduite par une diminution brutale des crédits de 21 millions de francs attribués à l'UDESCA et à la FESIC, même s'il faut reconnaître le geste du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie qui, en 1996, a alloué à l'UDESCA et à la FESIC 9 millions de francs de plus qu'en 1997. Il n'empêche qu'il aurait fallu, pour retrouver le niveau de 1997, que ce ministère attribue au minimum, en 1999, 12 millions de francs supplémentaires !
Allouée dans le cadre d'une logique d'enveloppe globale, cette subvention ne prend pas en compte l'augmentation des effectifs de l'UDESCA et de la FESIC. La subvention par élève reste constante depuis 1990 et inférieure à 7 000 francs. Une telle diminution de l'effort en francs constants oblige à augmenter d'autant la charge des familles.
M. Jean-Louis Carrère. Oh ! là ! là !
M. Jacques Legendre. Est-ce juste, est-ce normal, alors que ces établissements, qui entretiennent des relations de confiance et de partenariat avec l'enseignement supérieur public, sont pleinement engagés dans la mission d'intérêt général de l'enseignement supérieur ? Nous attendons de vous un effort significatif, monsieur le ministre.
J'en viens maintenant à la création de l'agence Edufrance. Vous permettrez au rapporteur pour avis des crédits de la francophonie de saluer cette décision. Il est vrai que nos universités et grandes écoles reçoivent trop peu d'étudiants étrangers,...
M. Pierre Laffitte. C'est vrai !
M. Jacques Legendre. ... que nos concurrents, en particulier anglo-saxons, font mieux et qu'il est donc urgent de réagir.
M. Pierre Laffitte. Bravo !
M. Jacques Legendre. Vos objectifs sont ambitieux, monsieur le ministre, très ambitieux : vous voulez attirer dans notre enseignement supérieur des centaines de milliers d'étudiants étrangers. Il ne suffit cependant pas seulement de le vouloir !
Il va falloir être concurrentiel, c'est-à-dire savoir se faire connaître, savoir accueillir, savoir assurer un suivi. En aurons-nous les moyens ? Comment seront financées les études de ces centaines de milliers d'étrangers ? Allons-nous admettre qu'il est légitime qu'ils financent leurs études, comme s'ils choisissaient d'aller aux Etats-Unis ou en Australie ? Allez-vous mettre en application, en matière d'accueil et de visa, les excellentes propositions contenues dans le rapport réalisé, à l'Assemblée nationale, par Mme Alliot-Marie ? En clair, allons-nous nous décider à être présents de toutes nos forces sur le marché européen et mondial de l'enseignement supérieur ?
Je crois que nous en avons les moyens intellectuels, et qu'il y va tout simplement de notre rayonnement.
Je voudrais maintenant parler des antennes universitaires. Elles se sont développées dans les années quatre-vingt, alors que les universités s'inquiétaient de l'inflation galopante des effectifs de leurs premiers cycles, mais elles sont maintenant remises en cause, alors que les effectifs globaux des universités stagnent ou régressent. Je ne prétends pas qu'elles ont été remises en cause par vous, monsieur le ministre, mais des universitaires ou des syndicats d'enseignants s'en sont parfois chargés, et je crois donc que ce problème doit être soulevé.
Evitons les mauvais procès et soyons clairs : je parle des antennes universitaires de premier cycle situées dans les villes moyennes. Je ne réclame pas la multiplication des universités départementales, car je suis de ceux qui n'ont jamais oublié que l'université c'est de l'enseignement et de la recherche, et que l'on ne saupoudre pas la recherche.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Jacques Legendre. Mais les antennes universitaires sont un puissant instrument de démocratisation de l'enseignement supérieur, et je me réjouis de voir notre collègue Jacques Valade rappeler, dans son rapport, combien cette démocratisation, qui conduit à l'égalité des chances, reste une exigence du temps. Il est faux de dire que ces antennes dispensent un enseignement au rabais. En effet, regardons les résultats ; on constate qu'ils sont souvent, au contraire, supérieurs à ceux des premiers cycles surpeuplés des grandes villes.
M. Claude Saunier. C'est vrai !
M. Jacques Legendre. Par ailleurs, ces antennes concourent à l'aménagement du territoire, en garantissant aux villes moyennes la présence d'une matière grise plus que jamais nécessaire. Par conséquent, premiers cycles de proximité et enseignement supérieur professionnalisé, du type des instituts universitaires de technologie ou des instituts universitaires professionnalisés, ont leur place dans les villes moyennes. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour réaffirmer cette vérité.
J'aborderai un dernier point que je crois important : il s'agit de la durée des études supérieures qui ne cesse de s'allonger en France et en Europe. Nous voilà maintenant parvenus à la norme 3-5-8. Est-ce vraiment une bonne chose ?
Pour avoir été, il y a longtemps déjà, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, je crois à l'éducation permanente comme exigence d'avenir. Je préférerais que l'on définisse une durée raisonnable d'enseignement universitaire initial à condition que soit mis en place et garanti un système de formation permanente et de reprise de compléments d'études tout au long de la vie professionnelle.
Avez-vous, monsieur le ministre, des propositions à faire dans ce domaine ?
Accès démocratique à l'enseignement supérieur, reprise d'études facilitée et garantie, tels sont quelques points qui me paraissent essentiels pour l'avenir, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir porté haut et fort l'exigence de conduire 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat, nous savions que, ce faisant, il faudrait donner davantage à notre enseignement supérieur et à l'université.
Le projet de budget que nous examinons porte les traces de cette ambition en enregistrant une progression de 5,48 % de ses crédits.
Pour autant, le chantier de la démocratisation de notre enseignement supérieur est loin d'être achevé. Tout étant dans tout et le reste dans Télémaque (sourires), la démocratisation de l'enseignement secondaire n'est pas davantage atteinte ; un peu plus de 60 % d'une classe d'âge parvenant au baccalauréat, c'est en deçà de l'objectif que nous nous étions fixé.
Néanmoins, demeure la nécessité d'accroître les connaissances de tous afin de donner à notre pays la possibilité de répondre tant socialement qu'économiquement aux enjeux du siècle à venir.
En outre, l'accès à l'université, en recul dans certaines disciplines, doit s'accompagner d'un travail à conduire sur la qualité de notre enseignement.
La forte diminution du nombre d'étudiants en sciences exactes et en sciences naturelles ne peut qu'inquiéter, alors que se développent toutes sortes de théories irrationnelles ou sectatrices.
Avec l'école de la réussite qui reste à conquérir, il nous faut conquérir également l'université de la réussite, et cela appelle des moyens financiers et en personnel supplémentaires.
Il est indispensable de remplir ces conditions afin d'aborder la construction de l'Université du troisième millénaire.
En l'espèce, nous partageons le souci du Premier ministre manifesté lors de l'ouverture de la conférence mondiale sur l'enseignement supérieur de l'UNESCO : il s'est dit attaché « comme tous les Européens au service public d'éducation, donc au rôle essentiel de l'Etat garant de l'égalité des chances ».
Ce rôle de l'Etat, la discussion budgétaire constitue un moment privilégié pour l'apprécier, et c'est capital pour moi qui suis d'une région bien peu favorisée en matière d'infrastructures universitaires et de recherche, même si le plan Université 2000 a nettement permis de rattraper un certain nombre de retards.
J'ai évoqué tout à l'heure le défi de la qualité de notre enseignement supérieur ; à cet égard, la politique de recrutement universitaire constitue l'un des points faibles de ce projet de budget.
Le taux d'encadrement, qui était de 22,6 étudiants par enseignant à la rentrée de 1995, passerait à 19,65 étudiants à la rentrée de 1999. Il y a certes un progrès, mais nous sommes encore en deçà de la moyenne des pays industrialisés dont le taux d'encadrement se situe aux alentours de 15 étudiants.
Du côté des personnels non enseignants IATOS, le recrutement est inférieur aux années passées.
De ce point de vue, il convient de rappeler que le mouvement lycéen - ce n'est pas si ancien ! - a mis en relief une forte demande en personnel afin d'humaniser les structures scolaires ; cette revendication est partagée par de nombreux étudiants.
La création d'auxiliaires de vie universitaire pourvue par des emplois-jeunes ne doit pas conduire à favoriser la précarité de l'emploi dans l'enseignement supérieur. D'autant que se pose la nécessité d'offrir aux jeunes bénéficiaires d'emplois-jeunes une formation leur permettant à terme l'exercice d'un métier durable, seule garantie, selon nous, de la pérennité et de l'efficacité de ce dispositif.
Dans un environnement pas toujours facile, l'université, ses personnels enseignants et non enseignants ont su faire face avec courage et volonté à l'accès d'un nombre toujours plus important d'étudiants.
Il reste que l'une des faiblesses essentielles de notre enseignement supérieur reste l'échec à l'université, qui est particulièrement élevé dans les premiers cycles et dans l'accès à la recherche, où les jeunes issus de milieux défavorisés sont particulièrement pénalisés.
Le projet de budget que nous examinons apporte des réponses en augmentant de manière étalée le montant et le taux des bourses universitaires. C'est une très bonne chose, mais il nous faut aller plus loin, afin de permettre une vie étudiante conforme aux exigences de notre époque.
L'état sanitaire de la population étudiante est une préoccupation majeure, et il faut oeuvrer à donner à la médecine universitaire les moyens de ses missions.
La construction de logements étudiants doit être encore développée.
Nous ne sommes pas parvenus, on le voit, à satisfaire l'exigence des étudiants d'un statut qui devrait venir prioritairement en aide aux plus défavorisés.
J'en viens à la question des bibliothèques, qui a récemment fait l'objet d'un rapport remarquable de notre collègue M. Jean-Philippe Lachenaud. Le travail universitaire repose pour beaucoup sur le travail personnel, et c'est pourquoi les bibliothèques sont un élément clef de la vie universitaire.
L'arrivée de cent cinquante personnes pour renforcer les personnels des bibliothèques est positive. Reste à régler la question des mètres carrés, toujours notoirement insuffisants, et des personnels qui devront suivre.
S'agissant d'enseignement supérieur, la volonté budgétaire du Gouvernement est marquée, même si de gros efforts restent à accomplir en matière d'emplois publics, seuls remparts, selon nous, à l'envahissement du marché, générateurs, en dépit des apparences, d'une croissance délaissée par le secteur marchand et - nous y sommes très attachés - de progrès social.
Le plan Université du troisième millénaire, dont il est beaucoup question, ne doit pas s'élaborer sans la réaffirmation essentielle du rôle de l'Etat. Il ne serait pas raisonnable de nier les efforts consentis par les régions en matière universitaire. Pour autant, un meilleur maillage du territoire national pour les locaux universitaires, une plus grande égalité de traitement ne peuvent être que le fait de la nation.
Un autre risque est de voir les collectivités territoriales amenées souvent, quoi qu'elles en auront, à privilégier tel ou tel type d'implantation universitaire.
Enfin, l'effort financier demandé aux conseils régionaux ne peut s'étendre à l'infini, quand on sait que le schéma Université 2000 avait mobilisé 42 milliards de francs.
J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur le fait qu'il serait souhaitable d'associer l'ensemble de la représentation nationale à la transformation de notre système universitaire.
Nous restons, pour notre part, extrêmement attachés aux principes de la loi Savary sur l'enseignement supérieur. Nous pensons même que l'esprit qui dominait alors n'a rien perdu de sa modernité et qu'il y a là matériau pour la rénovation de notre université.
L'ouverture de l'université sur le monde, sur la ville, était l'un des axes essentiels de la loi Savary. En ce sens, l'université conçue comme lieu privilégié de la formation continue nous paraît conforme aux intérêts des salariés et de l'enseignement supérieur lui-même.
Dans cette perspective, il importe avant tout que les formations continues universitaires puissent déboucher sur des diplômes universitaires et professionnels et qu'en outre les coûts des formations restent abordables à chacun, qu'il dispose ou non d'un emploi.
Le budget que nous examinons marque en partie la place que le Gouvernement accorde à notre enseignement supérieur. Bien sûr, nous sommes convaincus qu'il convient d'aller plus loin et de consacrer une part importante de notre produit intérieur brut au système éducatif : nous avançons l'idée d'un doublement de la part actuelle du PIB de la nation.
Là encore, le sommet mondial de l'UNESCO ne nous dément pas, même si l'on peut s'interroger sur certaines des solutions proposées.
L'expansion du nombre des étudiants est un phénomène mondial. A ce titre, la France peut montrer l'exemple de coopérations renforcées pour aider à l'implantation d'universités dans les pays en voie de développement. A n'en pas douter, un grand nombre de nos jeunes docteurs seraient partie prenante dans de tels projets.
L'université, lieu d'élaboration des connaissances et de la science, creuset des laboratoires d'idées, doit aussi être le lieu de l'exercice de la démocratie, d'une citoyenneté renforcée, de l'épanouissement individuel et de l'accès aux savoirs pour tous.
La portée de la discussion budgétaire est donc fondamentale.
La diminution forfaitaire, opérée par la majorité sénatoriale, de plus de 500 millions de francs sur les crédits de l'enseignement supérieur révèle le décalage qu'il y a entre les besoins de l'université et la logique comptable qui prévaut encore ici dans cette enceinte.
En conclusion, monsieur le ministre, j'aurais volontiers voté votre budget, mais la logique budgétaire de la majorité sénatoriale va à l'encontre de ce que nous défendons. Aussi, nous ne voterons pas le projet de budget tel qu'il va être amendé dans un instant. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Saunier.
M. Claude Saunier. Monsieur le ministre, il y a un an, dans le cadre du débat budgétaire, je vous avais demandé de bien vouloir dresser le bilan du plan Université 2000.
Cette initiative forte, à laquelle votre nom est associé, a donné un nouveau souffle à l'enseignement universitaire à un moment où il traverse une situation difficile face à la déferlante démocratique des effectifs étudiants.
Vous aviez alors donné votre accord pour établir ce bilan en partenariat étroit avec le Sénat, en raison de la forte implication des collectivités locales dans la réussite du plan Université 2000.
Nous sommes maintenant à quelques jours du rendez-vous que vous avez décidé d'organiser à la fin de la semaine à la Sorbonne sous le titre Quelle université pour le troisième millénaire, de U 2000 à U3M. Je voudrais vous remercier très largement, monsieur le ministre, d'avoir respecté cet engagement, auquel, je crois, le Sénat tenait beaucoup.
En ce qui concerne votre ministère, j'ai l'impression que les convergences sur les différentes travées de notre assemblée montrent que vous nous proposez un budget pour 1999 que l'on peut qualifier d'excellent. En effet, il faut l'apprécier dans un contexte sensiblement différent de celui d'Université 2000 : nous constatons aujourd'hui une baisse sensible et durable des effectifs étudiants. C'est donc en fonction de cette réalité qu'il convient d'apprécier vos propositions.
Malgré la réduction des effectifs, les crédits destinés à l'enseignement supérieur pour 1999 progressent de 5,4 % et dépassent la barre fatidique de 50 milliards de francs. Cette progression est plus de deux fois supérieure à celle qui est enregistrée par les autres budgets civils de l'Etat.
Ces chiffres ont un sens : ils traduisent la volonté de votre gouvernement d'apporter à notre jeunesse une formation de très haut niveau.
Entendons-nous : il ne s'agit pas d'approuver un budget parce qu'il est en simple croissance, mais parce qu'il permet effectivement de donner à l'institution universitaire de bons moyens de fonctionner.
Or ces moyens progressent. Ils vont permettre, en particulier, l'amélioration du taux d'encadrement des étudiants.
Le nombre d'étudiants par enseignant, qui était en 1995 de 22,5, pourra ainsi descendre de trois points, à 19,2. Même s'il y a encore des progrès à accomplir - il suffit pour s'en rendre compte d'évoquer les chiffres qui ont été annoncés par M. Renar voilà quelques instants - vous avez pris une bonne direction, monsieur le ministre.
Vous avez également pris une bonne direction en ce qui concerne les emplois de non-enseignants, qui croissent, en deux années budgétaires, de 2 000 postes, ce qui est une rupture véritable par rapport au passé, lorsque, année après année, on supprimait des postes de bibliothécaires, de personnels IATOS, ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de service, il n'y a pas si longtemps.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Non ! Il ne faut pas exagérer !
M. Claude Saunier. Enfin, vous avez ajouté des moyens de fonctionnement significatifs - 125 millions de francs - pour permettre aux établissements universitaires de mieux travailler. Par ailleurs, 760 millions de francs permettront de réaliser la mise en sécurité des bâtiments et vous avez annoncé votre intention de mobiliser des moyens financiers importants pour la réalisation de l'université du troisième millénaire, ce qui permettra à l'Etat d'honorer ses engagements. C'est indispensable à l'heure où, les uns et les autres, nous allons nous retrouver pour négocier les futurs contrats de plan.
Mais, au-delà du quantitatif, votre budget apporte - et c'est au moins aussi important - des améliorations qualitatives déterminantes. Elles ont été évoquées, je n'y reviendrai donc que très superficiellement.
La mise en oeuvre du plan social étudiant est l'une des priorités affichées pour 1999, avec la volonté de rendre le système universitaire accessible au plus grand nombre.
L'intérêt des mesures sociales envisagées est d'ailleurs unanimement salué, aussi bien au Parlement que par l'ensemble des partenaires. Il est conforme au principe républicain de l'égalité des chances.
Vous avez donc décidé d'ouvrir le chantier de la refonte et du renforcement des aides aux étudiants. Les chiffres sont éloquents : d'ici à quatre ans, 30 % des étudiants devraient bénéficier d'une aide - contre 21 % à l'heure actuelle - et le niveau moyen des aides aura augmenté de 15 %. Ce sont, au total, près de 25 000 étudiants supplémentaires qui devraient percevoir une aide. C'est un acte très fort de justice sociale que vous accomplissez ainsi.
Vous allez également ouvrir un nouveau chantier auquel, nous le savons, vous êtes extrêmement attaché, je veux parler des nouvelles technologies, dont on a peu parlé cet après-midi. C'est la seconde grande avancée qualitative de votre budget.
Chacun est maintenant convaincu que ce chantier constitue un impératif majeur face à l'accélération des savoirs, à l'apparition de nouveaux besoins de formation, au défi de l'internationalisation et à la nécessaire modernisation pédagogique.
Il s'agit là d'une véritable course de vitesse par rapport aux systèmes universitaires étrangers. Or, pour la première fois, nous examinons un projet de budget qui contient des propositions concrètes et des moyens importants pour satisfaire cet impératif : 192 millions de francs en fonctionnement, 400 emplois de jeunes docteurs dans les instituts universitaires de formation des maîtres.
Je n'aurai garde, enfin, d'oublier votre volonté très forte d'ouverture sur le monde par l'accueil massif d'étudiants étrangers. C'est là un instrument de rayonnement de l'université française et de la France dans le monde.
Mais, au-delà de l'approbation globale que je vous apporte, je veux vous faire part de quelques interrogations sur le fonctionnement des instituts universitaires de technologie, les IUT, et sur l'aménagement du territoire.
S'agissant du fonctionnement des IUT, ma première préoccupation a trait à la situation actuelle : leur création s'est révélée souvent coûteuse et elle ne s'est pas toujours accompagnée des moyens financiers et des moyens en personnels nécessaires.
J'évoquerai rapidement une situation que je connais bien, celle de l'IUT de Lannion - Saint-Brieuc, dont les départements pourraient accueillir 40 % d'étudiants supplémentaires. Les bâtiments existent, la demande est forte, mais le nombre de places offertes reste insuffisant faute d'enseignants et de personnels administratifs. Il y a là un véritable gâchis d'argent public, qui pourrait être reproché aussi bien à l'Etat qu'aux collectivités locales. Votre ministère doit en prendre conscience !
Ma seconde interrogation sur les IUT porte sur la présence significative d'enseignants-chercheurs, chargés en particulier d'assurer une meilleure articulation entre ces instituts et le monde des entreprises, et de meilleures passerelles en direction des autres types d'enseignement supérieur.
Enfin, il me semble nécessaire de souligner que le temps d'une réflexion sur l'avenir des IUT est venu. Le concept, au demeurant fécond, date des années soixante. Or la technologie et le savoir ont évolué, les besoins des entreprises se sont modifiés. Une réflexion fondée sur les nouvelles données de la société s'impose donc.
Voilà qui me conduit à poser la question de l'articulation de l'enseignement universitaire et de l'aménagement du territoire.
Je reprendrai à cet égard, pour les partager assez volontiers, les propos de notre collègue M. Legendre : la répartition de l'intelligence est aujourd'hui un élément déterminant de la création d'emplois et, donc, de l'aménagement du territoire.
Or cette répartition est inégale. Elle se traduit par des concentrations qui aggravent les difficultés de fonctionnement des universités, sans apporter une efficacité pédagogique réelle. Elle peut donc être un facteur de désertification de certaines régions.
Je tiens à être précis, pour ne pas accroître la confusion. Je pose effectivement le principe que l'université est d'abord un instrument de production et de transmission de la connaissance. Et je réfute toute proposition de pulvérisation universitaire. Il ne s'agit donc nullement de plaider pour la création de sortes de sous-universités pour territoires défavorisés !
Je tiens cependant à poser clairement, monsieur le ministre, la question de la présence universitaire dans les villes moyennes, en particulier à l'heure où la décrue des effectifs d'étudiants pourrait conduire certaines institutions universitaires à recentrer leurs moyens sur les seules métropoles régionales. A cet égard, je souligne à nouveau que je partage l'analyse tout à fait pertinente de M. Legendre.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Claude Saunier. Les villes moyennes ont fait la preuve de la réussite - réussite pédagogique et réussite sociale - de l'implantation universitaire en leur sein.
M. Pierre Laffitte. Tout à fait !
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Claude Saunier. Sachez, monsieur le ministre, que je considère qu'en la matière le devoir de l'Etat est d'assurer l'équité entre les différents territoires de la République, dans la transparence financière et dans le respect des compétences de chacun. L'Etat ne doit donc pas se défausser de ses propres responsabilités.
Je sais que l'équilibre entre la nécessité de positionner notre université par rapport à l'enjeu international et l'exigence d'une présence universitaire sur l'ensemble du territoire est difficile à trouver.
Convaincu que l'approfondissement de la réflexion sur la notion de réseau universitaire nous apportera une réponse, je souhaite qu'à l'occasion de ce débat vous vous exprimiez sur ces propositions de mise en place de réseaux universitaires.
Au-delà d'un budget qui ne semble susciter aucune opposition majeure, je voudrais vous interroger d'une façon plus générale sur l'évolution de notre enseignement supérieur.
Voilà quelques mois, vous avez confié à M. Attali une mission d'expertise de notre enseignement supérieur sous un éclairage européen.
La lecture de son rapport est tout à fait édifiante. Les titres des différents chapitres parlent d'eux-mêmes : « un système en péril ; l'excellence fragile ; un système confus, héritage de longues luttes de pouvoir ; une qualité maintenue mais fragile ; un Gulliver empêtré, confronté à quatre révolutions ; des réformes urgentes... dans les universités et dans les grandes écoles ».
Quel que soit le talent de la commission de Jacques Attali, je ne suis pas sûr de partager la totalité de son analyse et de ses propositions. Je pense que la France a, effectivement, un enseignement supérieur de grande qualité qui nous est envié par bien des pays dans le monde.
Il n'empêche que ce rapport pose de véritables questions que notre société ne pourra durablement ignorer. Dans quelques jours, monsieur le ministre, vous allez ouvrir à la Sorbonne le colloque auquel j'ai déjà fait allusion, consacré au bilan d'Université 2000 et aux perspectives de l'Université du troisième millénaire.
Je le dis, c'est une initiative heureuse, indispensable au moment où l'avenir de la nation se joue, plus que jamais, sur la maîtrise de l'intelligence. Mais, précisément parce que l'enjeu est véritablement majeur, il faut que nous nous donnions, que vous vous donniez les moyens, monsieur le minsitre, d'une mobilisation générale.
En clair, sur le plan local, la concertation doit être engagée par les recteurs avec tous les partenaires - collectivités locales, entreprises, notamment - en leur donnant les moyens et le temps d'une véritable réflexion.
Sur le plan national, compte tenu de l'enjeu, il semblerait légitime d'associer le Parlement à la réflexion par une discussion des analyses et des propositions de votre ministère lors d'un débat public, et je rejoins totalement la proposition de notre collègue M. Renar.
Dès aujourd'hui, le Sénat souhaiterait que vous nous donniez quelques indications sur les orientations de votre ministère s'agissant d'un certain nombre de questions : l'adaptation des cycles universitaires ; la mise en place des réseaux, auxquels j'ai fait allusion ; l'organisation de plates-formes universitaires dans les villes moyennes ; l'utilisation concrète des nouvelles technologies dans les pratiques pédagogiques ; l'ouverture réelle de l'enseignement supérieur aux besoins de la formation permanente ; l'organisation des transferts de technologie en direction des entreprises ; l'établissement de liens plus étroits entre l'enseignement supérieur et les lycées, l'université et les grandes écoles ; enfin, l'intégration de l'université dans les réseaux mondiaux de l'intelligence, mais votre proposition va dans ce sens.
Je suis persuadé que le Sénat écoutera avec le plus grand intérêt les réponses que vous donnerez à l'ensemble de ces questions.
J'ai, bien entendu, le sentiment d'avoir largement débordé le cadre d'un simple débat budgétaire mais, vous le savez, la nation est légitimement préoccupée par la formation de sa jeunesse.
Monsieur le ministre, le groupe socialiste sera très attentif aux initiatives que vous prendrez pour préparer l'enseignement supérieur de notre pays aux mutations du troisième millénaire.
Quant au projet de budget que vous nous soumettez, nous le voterons. A la différence de tel ou tel rapporteur qui manifeste l'embarras de la majorité sénatoriale en en appelant à la sagesse du Sénat...
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. Quel embarras ?
M. Claude Saunier. ... et qui exprime très clairement son incohérence en reconnaissant les avancées tout en restant incappable de souligner les insuffisances de votre projet de budget, eh bien ! monsieur le ministre, et ce ne sera pas pour vous surprendre,...
Mme Nelly Olin. Ce n'est pas une surprise !
M. Claude Saunier. ... nous voterons votre projet de budget et non pas le projet de budget rectifié.
Nous le voterons non pas par simple solidarité politique, encore que celle-ci soit naturelle...
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Naturelle pour vous !
M. Claude Saunier. ... mais par conviction, parce qu'il porte la marque d'une véritable dynamique, parce qu'il donne à notre enseignement supérieur les moyens de ses missions, parce qu'il donne de véritables chances à la jeunesse et parce qu'il ouvre des perspectives de développement de la connaissance indispensable à l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le ministre, ouverture internationale, ouverture vers la société, ouverture vers les entreprises... Je dirai : bravo !
Edufrance, déjà largement évoquée par la plupart de mes collègues, est une ambition que je partage ; mais il faut, me semble-t-il, mobiliser des partenaires institutionnels externes à votre ministère. Je pense en particulier à des structures telles que les technopoles que je connais bien. L'association France Technopole et chacune de nos grandes technopoles peuvent y contribuer très largement, d'autant plus qu'elles sont liées sur le plan international à l'association internationale des parcs scientifiques créée en 1984 à Sophia-Antipolis.
Le développement de la formation en alternance suppose aussi des partenariats, avec les unions professionnelles par exemple, déjà mobilisées par le ministère qui s'intéresse à l'apprentissage. Aussi une véritable volonté commune me paraît-elle essentielle pour développer cette formation en alternance, qui n'est pas toujours aisée à mettre en place ; il faut trouver des partenaires industriels qui acceptent d'accueillir des étudiants pendant une période suffisante. Tel est le premier point de mon intervention.
Le deuxième point sur lequel je dirai quelques mots et qui a déjà été largement entamé par les intervenants précédents est la mise en réseau.
Je crois véritablement que les nouvelles technologies sont une occasion extraordinaire d'apporter une réponse à un certain nombre de problèmes difficiles, notamment les antennes universitaires, notamment le renforcement vers plus de capacités qui est souhaité par l'ensemble des populations autour de ces antennes universitaires. M. Legendre, à juste titre, a évoqué la démocratisation nécessaire et l'extension sur l'ensemble de notre territoire de ces antennes.
Nous avons maintenant une solution pour répondre à cette demande grâce à l'utilisation massive, à l'usage et à la pratique quotidienne et intelligente des nouvelles technologies. Voilà un moteur considérable pour moderniser l'ensemble du tissu français, mobiliser tous les partenaires : étudiants, mais aussi professeurs et tous ceux qui vivent autour d'eux et de toutes les autres institutions.
Certes, les grandes banques ou les grandes firmes ont une pratique intelligente, mais au sein d'un système, souvent des Intranet un peu mystérieux. On ne pourra diffuser vraiment une culture scientifique et technologique moderne et moderniser notre pays qu'avec des réseaux impliquant tout le système éducatif et un système ouvert, là aussi, aux collectivités locales, à leurs points publics, bibliothèques, médiathèques, lieux d'accueil.
C'est certainement dans le cadre de U3M qu'il faudra concevoir cette mise en réseau. Il faudra aussi penser à la création de nouvelles antennes, y compris des troisièmes cycles universitaires, par exemple dans des lieux où il n'y a pas actuellement d'université mais où il y aurait un tissu industriel ou un tissu de recherche qui soit capable de faire fonctionner des nouvelles technologies en liaison étroite bien sûr avec une université mère.
Il s'agit là, vraiment, d'un outil majeur qui devrait nous permettre de mieux employer les crédits que vous gérez.
Cette mise en réseau est essentielle pour l'aménagement du territoire. Elle est essentielle pour la démocratisation, qui ne doit pas seulement concerner les grandes métropoles. Dans ces grandes métropoles, on a parfois l'impression que, contrairement à ce que l'on pourrait croire, les universités ne sont pas aussi bien intégrées à la vie de la cité. Il faut le remarquer, ce n'est pas du tout la même chose que lorsque, dans une ville comme Freiburg im Breisgau, que notre ami M. Hoeffel connaît bien, c'est l'université qui est dominante. Il en est de même à Princeton, cher collègue Maman.
Il est effectivement nécessaire de réviser certaines conceptions et, à cet égard, je suis un peu inquiet d'apprendre que l'on va accorder des moyens considérables aux seules universités parisiennes. Est-ce vraiment la tendance de l'aménagement du territoire ? Je ne suis pas persuadé que ce soit la tendance dans cette assemblée, excepté, bien entendu, pour les sénateurs de Paris ; mais ils ne sont pas majoritaires.
La mise en réseau, c'est aussi un moyen de dispenser un peu partout l'enseignement du chinois, du coréen, du japonais, ainsi que la formation au design, à la conception de produits multimédia ; de préparer à bien des nouveaux métiers qui doivent être accessibles partout en France.
En matière médicale, c'est également évident. Je pars demain pour Los Angeles étudier le cas d'un hôpital qui a été détruit par un tremblement de terre voilà cinq ans. Au lieu d'être reconstruit à l'identique, il offrira un nombre de lits divisé par cinq et fonctionnera en réseau avec un grand débit. Il couvrira les besoins d'une population d'un million de personnes. Avec l'appui d'industriels tels les Télécom et Sun Microsystem, l'objectif sera de piloter une opération impliquant la participation de nombreuses équipes médicales. Certaines d'entre elles émaneront de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, où nous avons déjà conduit nombre d'expérimentations de télémédecine en réseau.
C'est affaire de volonté. Mais il faut en même temps prévoir qu'un nombre considérable de personnes devront être formées et réorientées. Car il faut des gens compétents à la fois en médecine et en systèmes de téléformation et télédiagnostic, et, pour cela, il faut les former.
Troisième point : il faut attirer les étudiants étrangers. C'est très bien, mais il faut attirer aussi des professeurs et des chercheurs de haut niveau.
A ce propos, j'évoquerai simplement l'équivalent des faculty clubs, qui n'existent pas en France. Pour accueillir des chercheurs pendant un an, les universitaires américains ont inventé la notion de faculty clubs , sorte de petites villas Médicis scientifiques. Nous n'en avons pas en France et je crois qu'il faudra en prévoir, notamment dans U3M et dans les prochains contrats de plan Etat-région.
Le budget de l'enseignement supérieur, comme celui de la recherche, prépare et garantit efficacement l'avenir d'une nation.
La commission des affaires culturelles s'en est remise à la sagesse du Sénat. A mon avis, le budget de la recherche est de nature régalienne. C'est la raison pour laquelle, à la condition que l'orientation des dépenses soit bien adaptée - et je considère que votre projet de budget pour l'enseignement supérieur oriente bien les dépenses - mon groupe, dans sa majorité, se prononcera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Un budget en augmentation est-il forcément un bon budget ? Oui, s'il assure l'avenir en définissant clairement de véritables priorités. Or, force est de constater que ce n'est pas le cas. Malgré une augmentation de 5,48 %, votre projet de budget ne parvient pas à me convaincre. Il manque d'orientations fortes, de vision prospective, confirmant que l'enseignement supérieur est encore une priorité nationale.
Fidèle à votre méthode, vous annoncez des réformes, vous ouvrez des chantiers pour récolter ensuite les fruits de la contestation, tout simplement parce que vous ignorez ou refusez un élément indispensable à toute volonté réformatrice : la concertation. En fait, vous l'organisez en dernier recours lorsque les situations se dégradent et deviennent intenables. Les lycéens peuvent en témoigner.
Les grands axes de votre projet de budget tiennent en quelques mots : financer la première tranche du plan social étudiant, améliorer les moyens de fonctionnement des établissements et l'encadrement administratif, développer le potentiel de recherche des universités et poursuivre l'effort de construction.
Sur le premier point, je vous avoue ma déception. Alors que les étudiants attendaient un véritable statut social, vous leur donnez un plan qui ne brille ni par son ampleur ni par son originalité. En fait, vous avez ressorti des cartons un projet élaboré alors que Lionel Jospin était ministre de l'éducation nationale. Vous ne réformez pas le système des aides, pourtant jugé déficient. Vous préférez faire du chiffre. Votre objectif à terme est d'accorder une aide directe à 30 % des étudiants et d'augmenter de 15 % le niveau des aides. Nous sommes encore loin du compte.
Je regrette également que vous ne soyez pas allé au bout de votre logique en ce qui concerne les critères d'attribution des aides. A grands renforts de déclarations, vous attribuez des bourses au mérite afin de prouver que le Gouvernement vient en aide aux étudiants défavorisés. D'autres orateurs en ont déjà parlé. Ramenons les choses à leur juste proportion : ces bourses ne concerneront qu'un dix millième des effectifs étudiants.
En matière de construction, monsieur le ministre, votre budget compte sur l'aide des collectivités locales pour financer une partie du programme Université du troisième millénaire, et cela, bien entendu, au mépris des règles de répartition des compétences.
Ce programme, dans son financement, ne diffère guère de son prédécesseur, Université 2000. Ici encore, vous heurtez les acteurs du monde universitaire et les responsables régionaux.
Le programme U3M devrait être le fruit d'une véritable concertation. Or ce plan procède d'une conception purement jacobine de l'aménagement du territoire qui, il faut bien le reconnaître, est la marque de ce gouvernement.
Sachez, monsieur le ministre, que les collectivités locales sont lasses d'entrer dans une logique destinée simplement à pallier les carences de l'Etat.
La délocalisation des premiers cycles universitaires est une expérience de partenariat réussie entre les collectivités locales et l'Etat. Elle a fait preuve de son utilité, en constituant un lien local entre le lycée et l'université.
Vous qui ne jurez que par l'égalité des chances, n'est-ce pas là un bon exemple de facilité d'accès à l'enseignement supérieur pour les enfants issus de familles modestes ? Souhaitez-vous pérenniser ce système et reconnaître enfin les collectivités locales comme des partenaires privilégiés, et non plus comme de simples contributeurs ?
Vous découvrirez, monsieur le ministre, que travailler avec les collectivités, c'est trouver des solutions proches des gens et des réalités locales. C'est aussi éviter les dérives d'une centralisation excessive, qui conduirait, par exemple, à implanter systématiquement une université de plein exercice dans chaque département. Nous en avons déjà parlé : ce saupoudrage n'est pas vraiment réaliste.
Un autre sujet d'inquiétude tient à la réorganisation annoncée des cursus universitaires. Nous n'en savons guère plus.
S'agira-t-il de propositions inspirées par le rapport Attali, dont on a déjà parlé, par les réflexions du confidentiel rapport Monteil ? Reprendrez-vous les excellentes perspectives ouvertes par le rapport Fauroux ?
Tout comme le Sénat, l'université attend des réponses, des réponses capables d'améliorer la cohérence du système universitaire. Comment ces orientations vont-elles s'harmoniser avec la réforme des premiers cycles universitaires déjà engagée et sur laquelle le Sénat souhaiterait également des informations supplémentaires ?
Je tiens à souligner ici les grandes incertitudes qu'inspire la mise en oeuvre du principe dit des « 3, 5 ou 8 », qui doit conduire, si j'en crois le rapport Attali, à définir une nouvelle licence et une nouvelle maîtrise, voire à remettre en cause les doctorats existants. J'attends sur ce point que vous nous apportiez des précisions, monsieur le ministre.
Vous envisagez également la création d'une licence professionnelle, qui serait ouverte aux étudiants des sections de techniciens supérieurs aux élèves des IUT. Qu'en est-il exactement ? Cela signifie-t-il que, désormais, vous accorderez une place plus importante à l'enseignement technique ?
Quels sont vos projets en matière de développement des stages professionnels dans les formations générales et d'intégration des stages dans l'ensemble des cursus universitaires professionnalisées ? Je tiens ici à relayer l'inquiétude des étudiants de certaines filières professionnalisées comme les IUP, dont l'insertion dans le monde de l'entreprise s'avère de plus en plus aléatoire.
Enfin, certaines insuffisances sont apparues dans la gestion et l'organisation des IUT, qui assurent pourtant une formation d'excellence. Il serait souhaitable d'améliorer leurs relations avec leurs universités de rattachement.
En outre, ne pourrait-on pas coordonner les formations dispensées par ces instituts avec celles des sections de techniciens supérieurs, surtout lorsque les filières sont très proches ?
A ces difficultés techniques, s'ajoute un éparpillement géographique totalement anarchique, aggravé par les choix d'implantation du plan Université 2000.
Monsieur le ministre, je ne doute pas que votre volonté d'améliorer la situation soit réelle, je vous l'ai déjà dit à plusieurs reprises. Malheureusement, je crois aussi - et je le regrette - que le Gouvernement s'est un peu arrêté à la surface des choses, que ce projet de budget n'engendrera aucun changement véritable : on apporte des modifications à la périphérie du système, mais on évite soigneusement d'un consulter le coeur.
Pour ma part, j'ai plusieurs fois plaidé, depuis cette tribune, et ceci n'engage que moi, en faveur d'un système universitaire où les mots « sélection » et « argent » ne seraient plus tabous.
J'ai répété, et je répéterai toujours, au risque de lasser, que la pire des sélections est la sélection par l'échec, celle qui est malheureusement à l'oeuvre à presque tous les niveaux du système français.
Essayons une vraie sélection, une vraie orientation. Mettons tous nos efforts en oeuvre, peut-être d'abord avec un certain pourcentage d'étudiants pour juger les résultats obtenus. Je sais comment on peut organiser, et vous le savez aussi bien que moi, monsieur le ministre, une véritable orientation.
Certains ont pu voir dans mes propos une atteinte à un principe auquel je suis pourtant attaché, celui de l'égalité. Ils y ont vu, de bonne foi sans doute, la volonté d'appliquer aveuglément des expériences anglo-saxonnes au modèle républicain qui est le nôtre, et qui, je le répète également, doit le demeurer.
J'apprécierais aussi que les études supérieures soient payantes, selon les moyens financiers de chacun, avec un système étendu de bourses pour les moins favorisés.
J'aimerais que l'on m'explique où se trouve l'égalité quand on constate que ce sont majoritairement les étudiants d'origine socioculturelle modeste qui sont les premières victimes du naufrage pédagogique que constitue, dans les universités françaises, le passage du premier au deuxième cycle.
Monsieur le ministre, c'est parce que je ne me résous pas à ce naufrage que je souhaite une réforme d'envergure de l'université française. Je suis en effet convaincu que la pluralité des attentes du corps social par rapport à l'université, que la diversité sociale des étudiants, que l'échec universitaire et la durée des études sont des réalités nouvelles auxquelles il faudra bien, un jour ou l'autre, apporter des réponses nouvelles.
Il est un autre domaine où l'on hésite entre l'irréalisme et la confusion. Je veux, bien entendu, parler de l'agence Edufrance.
Attirer les étudiants étrangers en France ou vendre nos formations supérieures à l'extérieur - ces formations supérieures sont excellentes, comparables à celles de tous les systèmes étrangers, y compris au système anglo-saxon, mais il faut savoir les vendre - est en soi une très grande idée trop longtemps négligée.
Rendre les universités et les grandes écoles attractives aux étudiants étrangers est effectivement un objectif majeur d'une compétition déjà fortement engagée en Europe et bientôt à l'échelle mondiale.
En formant une élite étrangère, la France pourra renforcer son influence culturelle et finalement économique face à l'omniprésence anglo-saxonne.
Mais peut-on raisonnablement vous suivre lorsque vous affirmez vouloir accueillir 500 000 étudiants étrangers, soit près de 40 % de l'effectif total inscrit dans nos universités. Cet objectif est-il vraiment réaliste ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Il s'agit de 25 % !
M. André Maman. Dont acte. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que cet objectif conduirait notre pays à accueillir presque autant d'étudiants étrangers que les Etats-Unis. Mais, aux Etats-Unis, il y a 3 000 universités et 9 500 000 étudiants ! La proportion n'est donc pas la même.
Nous devrons sélectionner ces étudiants, leur offrir des bourses d'études, selon des critères qui restent à définir. Je souhaiterais connaître les moyens financiers sur lesquels vous comptez pour répondre à cette exigence.
J'ai appris que les services culturels français à l'étranger seraient chargés de ce travail. Je reviens d'un long voyage à l'étranger et j'ai pu constater que nos services culturels sont débordés. Ils n'auraient absolument pas le temps d'assurer cette sélection. Ils ne sauraient pas comment procéder, d'autant que les modalités devraient varier selon les pays. En Inde, ce n'est pas la même chose qu'au Congo ou en Indonésie qu'en Russie. L'idée est magnifique, mais conviendrait peut-être d'affiner les résultats escomptés.
Nos diplômes sont-ils vraiment tous adaptés au marché international ? Peuvent-ils concurrencer les masters américains ?
M. le président. Il conviendrait de conclure, monsieur Maman.
M. André Maman. J'ai presque fini, monsieur le président.
Aux Etats-Unis, lorsque l'étudiant étranger a fini ses études, on lui donne un travail. Les Américains « ratissent » très large. Rien n'est innocent dans ce pays ! En France, pourrions-nous offrir du travail à ces étudiants étrangers ?
Si l'idée est splendide, le résultat à en attendre est plus aléatoire.
Toutes les incertitudes et les interrogations que je viens de soulever témoignent du manque de lisibilité de votre politique, monsieur le ministre. Le budget que vous nous présentez manque sérieusement de clarté et de perspective, bref, d'ambition. Ainsi, malgré la masse budgétaire dégagée, un budget en augmentation n'est pas toujours un bon budget. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur Maman, dans la fin de votre intervention, j'ai pu heureusement relever un argument avec lequel je suis certes en désaccord complet, mais qui repose sur une réalité. Pour le reste, monsieur le sénateur, vos remarques ont été totalement irréalistes.
Le plan U3M serait, selon vous, une vision jacobine de l'université, alors que je ne fais aucun plan national. Une large part de votre intervention ne correspond ni à ce que je fais, ni à ce que je pense, ni à la réalité, il ne s'agit que d'une série d'affirmations sans fondements. Et, s'agissant d'une de vos seules remarques concrètes, je suis en désaccord total avec vous : je suis notamment contre la sélection à l'entrée de l'université.
Nous sélectionnons d'une manière dure à l'entrée dans les grandes écoles et il faut qu'il existe une seconde voie : l'université. C'est le système français. Nous ne pouvons avoir deux systèmes de sélection dure.
Je suis également contre les études payantes à l'université. La tradition européenne veut que l'enseignement soit gratuit et dispensé par l'Etat. C'est le cas en Italie, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Grande-Bretagne. C'est une base de la culture européenne. En aucun cas, je n'imiterai les Etats-Unis, je l'affirme. Je suis attaché à notre culture européenne et à sa qualité. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Sur ces deux points, je suis en désaccord total avec vos propos, et de telles politiques ne seront pas menées tant que je serai ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
J'aborderai maintenant les aspects principaux de ce budget et je répondrai aux critiques, aux remarques et aux questions.
Tout d'abord, s'agissant des moyens, le retard est considérable dans l'enseignement supérieur.
Pour illustrer cette affirmation, je ferai une comparaison : si notre pays compte 350 000 enseignants dans l'enseignement secondaire, dans l'enseignement supérieur, nous n'en dénombrons qu'environ 100 000 pour 2 millions d'étudiants. Pour égaler les Etats-Unis, il nous faudrait recruter plusieurs centaines de milliers de personnes, ce qui est évidemment hors de portée actuellement.
Je suis obligé de faire remarquer, sans ouvrir de polémique avec la droite, que c'est Lionel Jospin qui a fait passer de 50 000 à 90 000 le nombre des enseignants dans l'enseignement supérieur. Depuis lors, cet effectif s'est stabilisé à cause d'un mode de recrutement ridicule, que l'on a supprimé, qui correspondait à une recentralisation totale tendant à donner au comité consultatif national le pouvoir absolu en matière de recrutement.
L'encadrement des étudiants est insuffisant, vous auriez donc le droit de dire que le nombre des créations de postes est insuffisant. Mais je vous répondrai tout à l'heure sur ce point.
L'enseignement supérieur, comme nul autre service public, a réussi, en trente ans, à multiplier par cinq le nombre des enseignants et à améliorer la qualité de l'enseignement qui est dispensé.
Sur ce point d'ailleurs, je suis d'accord avec vous, monsieur Maman : l'enseignement qui est actuellement dispensé dans les grandes écoles et dans les universités françaises n'a rien à envier à l'enseignement diffusé à travers le monde.
M. André Maman. Absolument !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. En disant cela, je rends hommage aux techniciens de l'enseignement supérieur, qui ont réagi et réussi à répondre au défi terrible de la quantité. Aujourd'hui, les Britanniques essaient de répondre avec énormément de difficultés à ce problème, il faut le souligner.
A propos de l'évolution des savoirs, je dirai que l'on ne peut pas avoir d'enseignement supérieur sans une recherche qui l'alimente, sinon il devient vite comparable à celui d'un pays sous-développé.
Il est nécessaire que la recherche soit beaucoup plus liée avec l'enseignement supérieur. Le système, imité d'autres systèmes tendant à fabriquer des instituts de recherche trop éloignés de l'université, n'est pas le plus rentable. Nous devons rapprocher, vous savez que je m'y emploie, le CNRS, l'INSERM, etc., de l'université, de manière que l'innovation se transmette immédiatement dans l'enseignement.
Aujourd'hui, il est un grand défi à relever, car on ne peut pas tout apprendre à l'université. Il n'y aura plus de formation initiale ni de formation continue. Il y aura un continuum : les bases seront enseignées dans le cadre de la formation initiale ; le reste le sera grâce à la formation continue, au coeur de laquelle doit se trouver notre université, et non, comme je l'entends ici ou là, des officines ou autre chose du même genre. Non ! c'est l'université, et, pour cela, elle doit développer son atout numéro un : dispenser de la formation continue diplômante, que ce soit pour les formations générales, scientifiques ou médicales.
S'agissant de la stratégie, il est un point sur lequel je suis presque d'accord avec les propos des deux rapporteurs : je n'ai pas défini, pour l'enseignement supérieur, un certain nombre de réformes bien carrées, comme je l'ai fait pour les enseignements primaire et secondaire. Mais, excusez-moi de vous le dire, c'est volontaire !
En effet, je voulais d'abord assembler les éléments du puzzle, assemblage qui demande, monsieur Maman, des dizaines d'heures de négociations. Aucun ministre de l'éducation nationale n'a reçu un aussi grand nombre de syndicats que moi. Quand vous racontez que je n'ai pas négocié, je voudrais que vous vous mettiez à ma place et que vous regardiez mon emploi du temps ! Encore une fois, cela prend des dizaines d'heures ! Par ailleurs, certaines choses n'ont pas à être annoncées sur la place publique. D'autres, en revanche, doivent l'être, pour les faire progresser.
Ma politique est claire : je suis favorable à une plus grande autonomie des universités, mais dans un cadre national. En effet, au moment où nous devons affronter la compétition mondiale, nous ne pouvons pas ne pas avoir une coordination nationale.
A cette fin, nous avons restauré la contractualisation avec les établissements, politique que M. Bayrou avait, bien sûr, poursuivie, mais en supprimant les postes d'enseignant. Or, à partir du moment où vous n'avez plus le personnel pour contractualiser, le contrat perd une grande partie de son intérêt !
Après la contractualisation, il faut entrer progressivement dans l'action.
Nous avons rénové le mode de recrutement. Cette année, nous avons recruté 5 000 nouveaux enseignants dans l'enseignement supérieur alors que 1 200 l'avaient été au cours de la période précédente. Nous avons modifié le système de recrutement pour qu'il soit plus rapide et qu'il donne le dernier mot aux universités, conformément au voeu général de donner à celles-ci plus d'autonomie. Ce recrutement a permis, pour la première fois depuis longtemps, de recruter la quasi-totalité des postes mis au concours.
Nous allons plus loin : nous sommes en train d'interdire les heures supplémentaires et le recrutement de personnels temporaires sur des postes fixes - je pense aux attachés temporaires d'enseignement et de recherche, les ATER. Ainsi les postes seront progressivement pourvus dans les règles, et non nomentanément par tel ou tel protégé qui ne passerait pas par les procédures normales !
Il est vrai que nous n'avons pas augmenté le nombre de postes cette année. Mais je reviendrai sur les problèmes non résolus à la fin de mon intervention, car ils sont susceptibles de donner lieu à un débat au cours duquel toutes les idées peuvent être émises et acceptées.
Pour recruter des gens, il faut non seulement puiser dans un vivier, mais trouver un équilibre entre les remplacements, les départs à la retraite - qui augmentent d'une manière considérable - et les créations de postes.
Je prendrai l'exemple d'une discipline particulière : le droit. Nous recrutons de trente à trente-cinq professeurs de droit tous les deux ans - c'est un concours d'agrégation. Mais partiront à la retraite 120 professeurs de droit par an à partir de 2009 et 180 par an à partir de 2015.
Il faut aussi savoir que nous recruterons cette année 5 000 nouveaux enseignants-chercheurs. Mais le vivier de notre recrutement d'enseignants repose sur 10 000 thèses par an - dont 33 % sont faites par des étrangers - ce qui ne nous permet pas de recruter en masse, comme nous aurions besoin de le faire aujourd'hui !
Il est une autre chose que nous avons faite : le concours national sur la formation continue. Cette année, treize universités sont restées ouvertes toute l'année et ont dispensé une formation continue.
L'an prochain, le concours recommençant, ce sont vingt-six universités qui seront pleinement intégrées dans la formation continue.
Je retiens la suggestion de M. Laffitte d'impliquer, en plus des grandes entreprises, qui sont déjà complètement impliquées, les unions professionnelles.
J'en viens à l'exposition au cours de laquelle nous avons présenté l'agence Edufrance, que nous avons effectivement créée.
Lors de son inauguration à Mexico, 80 000 étudiants s'y sont rendus. Pour l'inauguration de la deuxième exposition dans trois villes de l'Inde, ils sont d'ores et déjà 30 000 !
M. Jacques Legendre. Excellent !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Edufrance sera désormais une agence autonome du ministère. Mais ce n'est pas moi qui assurait sa gestion.
Je souhaite que le nombre d'étudiants augmente considérablement. J'ai cité le chiffre de 500 000, mais ne nous y arrêtons pas. Je souhaite aussi que les étudiants étrangers, dans les grandes écoles, représentent près du tiers des effectifs. C'est déjà vrai à l'ENA et à HEC. Nous souhaitons que cette proportion augmente, car elle est révélatrice de l'influence de la France dans le monde.
J'en reviens à Edufrance. Nous avons changé les visas étudiants pour instituer une nouvelle procédure destinée aux étudiants et aux professeurs. Sans vouloir mettre en cause qui que ce soit, je ne veux plus que nous assistions au précédent spectacle de prix Nobel faisant trois fois de suite la queue à la préfecture de police pour finalement écrire qu'ils ne remettraient plus les pieds en France !
Il existe donc une nouvelle procédure pour l'accueil des scientifiques et des étudiants étrangers. Au sein du conseil de patronage d'Edufrance siègent toutes les entreprises françaises qui patronnent cette opération et qui financent une série d'actions.
Mais, ce qui m'inquiète, ce n'est pas d'attirer les étudiants étrangers, c'est de savoir comment ils seront accueillis en France. En effet, actuellement, faute de systèmes d'accueil suffisants, les étudiants étrangers qui arrivent ne sont pas bien accueillis.
C'est pourquoi nous avons demandé - cela fait partie de la politique contractuelle avec les universités - que, dans chaque université, un vice-président soit chargé des étudiants étrangers et que l'accueil soit organisé. Je crois que cela va se faire dans un certain nombre de cas. Je suis toutefois vigilant.
De la même manière, dans le plan U3M, un certain nombre de chambres seront réservées aux étudiants étrangers. J'espère qu'ils seront bien accueillis.
J'en viens au plan social étudiants. Oui, M. Bayrou, que vous avez cité, en a parlé, et il en a même parlé pendant trois ans, mais il n'avait pas un sou pour ce plan. Or permettez-moi de vous dire qu'un plan social sans un sou, c'est un peu un tambour qui est crevé aux deux bouts : aucun son n'en sort !
En l'occurrence, nous finançons ce plan puisque les sommes correspondantes sont inscrites dans le budget que vous allez voter. C'est cela, l'essentiel.
Il est un point de principe sur lequel je veux revenir. Je maintiens qu'à l'occasion d'un plan social il faut d'abord aider les enfants de famille modeste.
L'idée qui consiste à dire que tous les étudiants sont égaux parce qu'ils sont adultes au moment où ils arrivent à l'université est un principe qui repose, certes, sur une certaine philosophie, mais qui, finalement, profite encore aux enfants les plus aisés. Je ne prendrai qu'un seul exemple. Vous dites que c'est facile, qu'il n'y a qu'à regarder si les enfants figurent ou non sur la feuille d'impôts de leurs parents. Mais vous oubliez qu'à partir d'un certain revenu ce genre de critère n'intervient plus. Par conséquent, vous pouvez très bien y échapper.
Oui ! Ce plan social est un plan social, c'est-à-dire qu'il opère une discrimination sociale. Le Gouvernement et le parti socialiste restent attachés au principe selon lequel on aide plus ceux qui ont moins, et je continuerai à défendre un tel principe ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Quel est mon programme de travail ?
La première priorité que j'ai annoncée, c'est l'harmonisation européenne. Elle est indispensable pour que nos étudiants puissent voyager et pour que leurs diplômes soient reconnus internationalement.
Actuellement, l'université délivre quatorze ou seize diplômes différents, alors que les autres pays en ont trois. De plus, quand vous parlez de DEUST, de MIAGE, de DEUG ou autre, personne n'y comprend rien hors de l'Hexagone, et même parfois au sein de l'Hexagone !
Toutefois, je ne veux supprimer aucun diplôme, car les choses sont fragiles. Nous commencerons donc cette réforme en mettant en relief un certain nombre de niveaux. L'idée est de considérer la licence comme l'équivalent de ce que l'on appelle la graduation aux Etats-Unis et d'instaurer un cursus avant licence et un cursus après licence. Ce dernier comportera deux voies : une voie longue, qui mène à la thèse, et une voie qui mène au mastaire. Je signale au passage que cela s'écrira « mastaire » et non pas « mastère », pour une seule raison, c'est que le mot « mastère » est breveté par les chambres de commerce et qu'il faudrait payer des royalties ! (Sourires.)
Voila pourquoi nous avons modifié l'orthographe de ce terme.
M. André Maman. On pourrait changer l'accent !
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. Mettez deux « r » ! (Nouveaux sourires.)
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. J'ai choisi la terminaison « aire ». Cela fait un peu médiéval. C'est peut-être mon goût pour le Moyen Age !
Quoi qu'il en soit, nous allons vers cette harmonisation européenne. Nous allons surtout vers le rapprochement entre l'université et les grandes écoles, car la véritable innovation, c'est que les grandes écoles décerneront les mêmes diplômes que les universités : la licence technologique au bout d'un an, puis le mastaire. Il y aura donc interpénétration. Enfin, il y a pour les grandes écoles le concours traditionnel,...
M. André Maman. Le mot « concours » me fait peur !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie... que, je vous le dis tout de suite, je n'ai pas l'intention de modifier malgré son coût élevé.
Contrairement à ce qu'a publié la presse, le coût du concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure est de 25 millions de francs pour recruter 200 personnes. C'est un petit détail ! Pour la totalité des examens et concours en France, nous dépensons 1,2 milliard de francs.
En outre, pour les Européens et les jeunes Français en fin de licence, un concours sur dossier et entretien sera mis en place, comme c'est le cas dans toutes les universités du monde.
S'agissant du rapport Attali, on y trouve beaucoup d'éléments. C'est le rapport Attali ! Quand je confie un rapport à un groupe d'éminentes personnes, je ne vais pas les contrôler ! Sinon ce n'est pas la peine, autant que je fasse moi-même le rapport ! Elles sont donc libres et moi aussi : après, je prends ce qui m'intéresse. Un rapport contient des réflexions dont certaines seront peut-être reprises plus tard. Je ne suis donc pas engagé par ce rapport.
Je tiens toutefois à rendre hommage à Jacques Attali, car il a fait un travail formidable. Il est à l'origine du rapprochement « psychologique » entre les grandes écoles et les universités. C'est lui qui a réussi cette avancée supplémentaire très utile, même si, dans ce domaine, d'autres avaient déjà ouvert des chemins.
La deuxième priorité concerne le premier cycle. Je vais vous en dire deux mots et vous donner quelques chiffres.
Je me suis occupé du problème du premier cycle car, je suis bien obligé de vous le dire, la réforme que vous attribuez à M. Bayrou est la réforme que nous avons mise au point avec Lionel Jospin : unités capitalisables, etc.
Le résultat est que le premier cycle n'est plus du tout le désastre qu'il était voilà quelques années. Les chiffres vont vous surprendre. Le taux de réussite des premiers cycles sur trois ans est de 55 %. Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, si vous calculiez le taux de réussite des classes préparatoires sur deux ans, vous verriez qu'il n'est pas si bon : il est simplement de 73 % ou 74 %.
Autrement dit, la différence entre les taux de réussite des classes préparatoires, où l'on prend des élèves sélectionnés, et celui des universités n'est pas très élevée.
Ainsi, je le répète, le taux de réussite du premier cycle dans les universités s'est considérablement amélioré par rapport à ce qu'il était voilà une douzaine d'années.
Mais ce n'est pas suffisant. Par conséquent, nous avons commencé une série d'expérimentations d'enseignement en petites classes pour six universités scientifiques, dont la vôtre, à Bordeaux, monsieur le rapporteur pour avis. Cet enseignement en petites classes sera amélioré au moyen de colles, d'interrogations, de corrections de copies, etc. Nous progressons dans ce domaine, et je crois que nous allons dans une bonne direction.
Les premiers cycles de droit et d'économie se sont beaucoup améliorés.
Je ne vous cache pas que des problèmes subsistent. Par exemple, dans certains premiers cycles, il y a pléthore de candidats ; je pense aux premiers cycles de psychologie ou encore - c'est la grande mode maintenant - au premier cycle de sciences et techniques des activités physiques et sportives, STAPS. A moins de faire faire de la gymnastique obligatoire à toute personne de sept à soixante-dix-sept ans, cela va poser un vrai problème !
Je voudrais évoquer une troisième opération : le programme U3M.
D'abord, monsieur le sénateur, il n'y a aucun plan national dans ce domaine. A ce propos, je tiens à préciser qu'il y a sans doute une petite nuance de sensibilité entre le ministère de l'aménagement du territoire et le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. Il semble y avoir...
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Moi, je n'ai pas demandé que les recteurs élaborent un plan qui s'oppose au plan...
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. Fait par les préfets !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Oui, mais il n'y a pas que cela. Il y a des commissions mixtes coprésidées par les recteurs et les préfets qui font remonter les propositions. En tout cas, moi, je ne travaille pas à partir d'un plan national. Je veux que les propositions viennent du bas.
Pour ma part, j'ai défini un certain nombre de cadrages, et parmi eux figurent le problème des réseaux et le problème des nouvelles technologies.
S'agissant de ce dernier point, je n'ai rien à retirer à ce qu'a dit M. Laffitte ; c'est pratiquement ce que j'ai écrit.
Je ne sais pas comment sera organisée demain, la recherche. Je pense qu'il y aura de nombreux petits centres qui seront liés entre eux par des réseaux de communication rapide. Les villes moyennes seraient tout à fait habilitées, à condition qu'elles aient consacré les moyens nécessaires pour être connectées à des universités de grande taille, à travailler de cette manière. Aussi je n'ai absolument pas l'intention de supprimer les antennes implantées dans les villes moyennes ; j'ai au contraire envie de les intégrer dans des réseaux régionaux. Une partie des crédits du plan Université 2000 devraient être consacrés à installer des câbles optiques à grande vitesse. Sur le plan national, il conviendra d'accroître la capacité du réseau RENATER pour atteindre des débits comparables à ceux des réseaux américains, de manière à pouvoir transmettre à la fois des calculs, des informations et des communications.
Ce plan n'est donc pas directement la continuation du plan Université 2000. C'est un autre concept qui doit, en priorité, intégrer les nouvelles technologies.
Faut-il faire cours dans de grands amphis ? Le professeur ne pourrait-il au contraire travailler dans une petite salle, avec quelques étudiants, d'autres étudiants participant, dans d'autres petites salles, à l'enseignement dispensé ? Dès lors, pourquoi ces salles seraient-elles dans le même lieu ? Telles sont les vraies questions du XXIe siècle. C'est en y répondant que nous devons évoluer. Sur ce point, il n'y a pas de divergence entre nous.
En tout cas, une chose est sûre : nous avons décidé qu'un quart des crédits affectés à la réalisation du plan soit consacré aux étudiants, qu'il s'agisse des logements, des bibliothèques de travail - sur lesquels nous avons un grand retard - ou de l'équipement en matériel.
Si j'affirme que l'Université Paris-Centre est une priorité, c'est que l'Ile-de-France a été négligée, que l'on n'a rien pu faire pour elle dans le précédent plan. Il faudra bien trouver des logements pour les étudiants de Paris-Centre ! Ce ne sera pas facile. Il reviendra au maire de Paris de faire des propositions dans ce domaine, et je crois qu'il les fera.
L'autre grande priorité de ma politique est d'intégrer davantage la recherche universitaire. J'y reviendrai tout à l'heure lors de l'examen de projet de budget sur la recherche et la technologie.
Quand je dis qu'il faut rapprocher le CNRS et les universités, je ne veux pas dire qu'il faut faire évoluer l'université par le CNRS. Au contraire, il faut intégrer la production du savoir, et sa transmission doit être immédiate. On doit arriver à fabriquer des centres regroupant diverses structures dans un même environnement : une université, des grandes écoles - il est important, par exemple, que les écoles de commerce ne soient pas éloignées des écoles d'ingénieurs, les créations d'entreprises s'effectuant généralement par les diplômés des deux - mais aussi d'entreprises innovantes.
La semaine prochaine, nous lancerons le premier concours d'entreprises innovantes dans le domaine des nouvelles technologies. Je suis à peu près certain que ce seront les jeunes qui proposeront le plus et non pas les chercheurs confirmés, blanchis sous le harnois et confortablement installés dans leur laboratoire.
Enfin, dernière priorité pour l'an prochain, la formation des enseignants.
Les IUFM doivent être rénovés pour prendre un caractère beaucoup plus professionnel.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je ne pense pas que les cours de philosophie pédagogique soient la première des priorités. En revanche, dispenser des cours sur les solutions à apporter aux problèmes de la drogue et de la violence, sur la façon de se comporter dans un certain nombre de quartiers difficiles, sur les progrès de la cognition et les usages des nouvelles technologies, sur la manière d'enseigner la morale civique,...
M. Lucien Lanier. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... tout cela me paraît beaucoup plus important que des élucubrations abstraites sur la pédagogie abstraite. (Très bien ! sur plusieurs travées.)
S'agissant de la formation des enseignants du supérieur, il est prévu de « réactiver » rapidement les CIES, les centres d'initiation à l'enseignement supérieur, que l'on avait un peu laissés de côté dans la législature précédente.
M. Lachenaud a évoqué le problème des heures complémentaires. Nous essayons de les contrôler en interdisant déjà les heures supplémentaires à partir des postes vacants. Nous allons en limiter le nombre par enseignant du supérieur.
M. André Maman. A combien ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. A quatre-vingt-quinze heures.
Monsieur Othily, je suis d'accord avec les propos que vous avez tenus sur les universités d'Antilles-Guyane et sur la création d'une université en Guyane. C'est d'ailleurs moi qui ai proposé celle-ci ; je ne vais donc pas me déjuger aujourd'hui.
Il faut laisser faire M. Jacques Blamont, qui a de bonnes idées, et ne pas aller trop vite. En effet, le recteur, très enthousiaste, a tendance à faire des annonces tous les jours, mais il faut attendre qu'il y ait assez d'étudiants, sinon ce ne serait pas sérieux. En tout état de cause, il faut aller vers la création d'une université en Guyane, tout comme on a installé une université autonome en Nouvelle-Calédonie et à Tahiti.
Malgré les injonctions de M. le président, qui, je l'espère, voudra bien me laisser parler encore une minute, je ne résisterai pas au plaisir de dire à M. Legendre que la réduction des crédits destinés aux instituts catholiques a été décidée par M. François Bayrou, qui a pourtant, semble-t-il, des sympathies pour ce genre d'établissement. Eh bien, figurez-vous que, pour ma part, j'ai rétabli en partie les crédits alloués aux instituts catholiques, car je pense, tout comme vous, monsieur Legendre, qu'ils rendent de grands services et qu'ils comprennent de bonnes équipes. Par conséquent, nous avons augmenté leur budget de 5,8 % cette année afin de rattraper les dégâts qui avaient été faits par mon prédécesseur.
M. Jacques Legendre. Encore un effort !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Continuez !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je vous le signale. Comme on dit, il faut se méfier de ses amis ! (Sourires.)
Monsieur Renar, vous connaissez mon engagement en faveur des universités du Nord-Pas-de-Calais. Je persévérerai dans cette voie.
Enfin, j'ai déjà répondu à MM. Saunier et Maman, et j'indique à M. Laffitte que je suis d'accord avec lui.
Monsieur le président, j'en ai terminé, avec un léger retard, dont je vous prie de bien vouloir m'excuser. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C, et concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : II. - Enseignement supérieur.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 727 842 328 francs. »

Par amendement n° II-18, M. Lachenaud, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 669 300 034 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet d'apporter une contribution à l'effort global de maîtrise des dépenses du budget de l'Etat en opérant : d'une part, une économie sur l'ensemble des chapitres de ce titre, dont le montant gagera la progression de 6 900 800 francs des crédits du chapitre 36-11 correspondant à la rémunération de 400 emplois jeunes-docteurs pour les instituts universitaires de formation des maîtres et, d'autre part, une réduction de 1 % du montant des crédits de chacun des chapitres des parties 1 à 3 et de 5 % du montant des crédits de chacun des chapitres des parties 4 à 7 de ce titre.
Le montant total des crédits du titre III s'élève à 36,7 milliards de francs dans le projet initial.
Je crois qu'il n'est pas indispensable, compte tenu du débat qui est intervenu vendredi soir sur les crédits de l'enseignement scolaire, de développer des arguments. La réduction qui est proposée s'inscrit dans l'effort global de présentation d'un budget alternatif par la majorité sénatoriale.
M. Jean-Louis Carrère. Ça, c'est génial !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je dois dire que j'ai beaucoup de mal à comprendre la logique du raisonnement du Sénat !
M. Raymond Courrière. C'est de la politique politicienne !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je me bats contre mon administration quand elle utilise la calculette mais vous, vous en jouez sans aucune modulation ! J'espère que, si vous étiez au Gouvernement, vous vous y prendriez autrement pour établir le budget : j'espère que vous moduleriez vos choix en fonction des besoins au lieu de vous contenter de reprendre le budget des socialistes en l'amputant, ici et là, de milliards de francs !
Je ne comprends donc pas le raisonnement qui vous a conduits, messieurs, à déposer cet amendement, dont le résultat serait désastreux. J'y suis, bien évidemment, opposé !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, nous avons tout à l'heure évoqué le nouveau statut social de l'étudiant.
Depuis un certain nombre d'années, dans différentes enceintes, et en particulier ici, notamment grâce à différents travaux de la commission des finances, on s'est interrogé sur l'allocation de logement sociale, l'ALS, qui représente un coût de l'ordre de 6 milliards de francs par an. Or cette allocation étant distribuée sans véritable contrôle des ressources de l'étudiant, elle est parfois accordée alors que la situation du foyer fiscal du bénéficiaire ne le justifie pas vraiment.
M. Raymond Courrière. Bayrou avait reculé !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez sans doute étudié cette question lorsqu'il a été question de définir le statut social des étudiants. Ne serait-il pas possible, à cet égard, d'aller dans le sens que nous souhaitons, c'est-à-dire vers plus de rigueur dans la répartition des fonds publics ?
M. Raymond Courrière. Comme Bayrou !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le rapporteur général, je suis en mesure de vous dire que, dans le statut social étudiant, nous prévoyons effectivement de modifier les critères d'attribution pour éviter un certain nombre d'écueils tels ceux que vous signalez. Nous nous sommes en effet rendu compte d'un certain nombre d'anomalies. Cependant, nous conservons bien entendu la référence sociale, que vous-même ne remettez d'ailleurs pas en cause.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je me sens obligé d'intervenir à propos de ces réductions de crédits que vous dites ne pas comprendre.
Le ministre de l'éducation nationale est le ministre des générations futures. Or, précisément, ce que notre génération fait aux générations futures n'est pas digne.
M. André Maman. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Que fait notre génération ? Elle s'accorde des dépenses sans voter en conséquence les recettes nécessaires, ce qui se traduit naturellement par des déficits et suppose un financement par l'emprunt. Cet emprunt, ce sont bien les générations futures qui devront le rembourser. (Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. Vous l'avez déjà fait !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Alors, monsieur le ministre, vous qui êtes le ministre des générations futures, vous ne pouvez pas vous réjouir de leur renvoyer la facture de dépenses d'aujourd'hui.
Cela dit, sur un tel sujet, nous pouvons parler sans nous fâcher. Ce que la commission des finances du Sénat et la majorité sénatoriale ont souhaité, c'est faire en sorte qu'en cette année de croissance nous puissions enfin stabiliser le ratio de la dette sur le produit intérieur brut, c'est-à-dire ne plus renvoyer la facture aux générations futures. Pour y parvenir, il nous fallait réduire - légèrement, au regard de la masse du budget - les dépenses de l'Etat.
Nous n'y pouvons rien, il existe une ordonnance de 1959, que tout le monde s'est promis de réformer, mais personne n'a encore proposé cette réforme. L'article 41 de cette ordonnance dispose que les dépenses doivent faire l'objet d'un vote unique pour ce qui concerne les services votés. Ce n'est pas au ministre que vous êtes que j'apprendrai que c'est le « gros du paquet » !
Ensuite, nous devons voter par titre et, à l'intérieur d'un même titre, par ministère.
Votre collègue des finances nous a même rappelé l'année dernière, s'appuyant sur l'article 42 de la loi organique, qu'il fallait le faire par chapitre.
Avec une telle contrainte, comment pourrions-nous ne pas répartir la réduction que nous croyons indispensable sur l'ensemble des crédits budgétaires ?
Si votre collègue des finances nous disait : « Ecoutez, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne suis pas d'accord sur le choix que vous avez fait de réduire la dépense publique du montant que vous avez retenu mais, pour que la discussion budgétaire soit plus claire, je vous permets de l'imputer sur tel chapitre budgétaire », nous pourrions avoir une discussion beaucoup plus sereine sur l'ensemble des fascicules.
M. Jean-Louis Carrère. C'est extraordinaire !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais, dès lors qu'il ne nous donne pas cette possibilité, nous sommes obligés de discuter sur chaque chapitre.
Mme Hélène Luc. En fait, vous êtes bien embarrassé !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je ne suis pas du tout embarrassé, madame Luc !
Demain, lorsque les générations futures regarderont ce que notre génération leur a fait, elles constateront que nous leur avons légué des retraites qu'elles auront infiniment de mal à assumer...
Mme Hélène Luc. Pensez donc aux étudiants, au troisième millénaire ! Il faut regarder de l'avant !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... et une dette destinée à couvrir des dépenses courantes que nous n'avons pas voulu prendre en charge. Croyez-moi, face à l'histoire, nous n'aurons pas lieu d'être fiers de ces années-là !
M. Claude Saunier. Et la croissance du déficit public sous Juppé ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Alors, monsieur le ministre, ne nous critiquez pas sur le plan pratique !
Je préfère que vous nous disiez : « Oui, l'Etat, en optimisant ses ressources humaines, ses moyens matériels, peut être aussi performant en dépensant un tout petit moins. »
Mme Hélène Luc. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait quand vous étiez au pouvoir ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Si vous, monsieur Allègre - je me permets de m'adresser à vous personnellement parce que vous avez souvent choisi de vous exprimer avec liberté - vous ne pensez pas que l'Etat, dans notre pays, ne peut pas optimiser ses ressources et arriver au même résultat en dépensant un tout petit peu moins, je serai déçu.
Mme Nelly Olin. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur Lambert, que ne l'avez-vous fait lorsque vous et vos amis étiez majoritaires dans le pays ? Vous nous avez laissé un déficit colossal, que nous sommes en train de réduire. Si vous nous aviez laissé le déficit que nous présentons, nous aurions pu passer, dès ce budget, sous la barre des 2 % de déficit, c'est-à-dire le seuil à partir duquel la dette peut effectivement diminuer.
M. Jean Delaneau. Nous aussi, nous avions un héritage !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous n'avons pas eu la chance de la croissance de cette année !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Parce que vous ne l'avez pas provoquée !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas si simple !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je sais bien que ce n'est pas si simple de gouverner !
Monsieur Lambert, puisque vous m'avez interpellé personnellement, je vous dirai que je suis un adversaire des déficits dans tous les domaines.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Alors, vous êtes avec nous !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. C'est pourquoi je soutiens pleinement la politique de réduction des déficits publics que ce gouvernement a adoptée.
Cette année nous serons en dessous de 2,8 % de déficit. Nous avons satisfait aux critères de Maastricht, ce que tout le monde mettait en doute. L'an prochain nous serons tout près de 2 %.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais on emprunte toujours pour financer le fonctionnement !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ce gouvernement continuera à réduire les déficits, mais pas d'une manière absurde, pas en cassant la croissance !
Excusez-moi de faire un peu de politique mais vous, dans le même temps, vous avez cassé la croissance et augmenté les déficits ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-18.
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président de la commission des finances, pour vous éviter de commettre de nouveau l'erreur que vous avez commise l'an dernier et dans laquelle vous vous êtes enfermé, malgré tous les bons arguments que j'ai essayé de développer, je voudrais vous soumettre un certain nombre de remarques.
Comme je l'ai indiqué il y a quelques jours à M. Lachenaud, si l'on veut s'opposer, il n'est pas interdit d'être imaginatif. Au lieu de réduire les crédits de chaque article, trouvez d'autres propositions budgétaires, allez au fond des choses, dégagez de vraies solutions alternatives. Mais n'entrez pas dans cette logique, certes rigoureuse, qui peut être satisfaisante dans la forme...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Modifiez l'ordonnance !
M. Jean-Louis Carrère. Que ne l'avez-vous fait lorsque vous aviez les moyens de le faire ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous non plus, vous ne le faites pas !
M. Jean-Louis Carrère. Mais, moi, je peux vous aider parce que j'ai un peu d'imagination, à trouver une méthode !
Il faut tout de même que les sénateurs de la majorité qui pourraient être tentés de vous suivre sachent par quoi cet amendement, apparemment anodin, se traduit concrètement. C'est la suppression de 800 emplois d'enseignants-chercheurs et de 450 emplois de personnel IATOS ! C'est aussi la diminution de 350 millions de francs des subventions de fonctionnement à l'université !
Vous qui allez voter aujourd'hui cet amendement dans le confort douillet du Sénat, qu'allez-vous répondre au maire de Bordeaux, président de la communauté urbaine, aux responsables des grandes universités ? « Nous avons fait cela parce qu'il est bon et judicieux de s'opposer et que, mécaniquement, nous sommes arrivés à ce chiffre. Nous l'imputons à cet article mais, si le Gouvernement avait modifié l'ordonnance, nous aurions pu être intelligents. »
Renoncez à cet amendement, c'est un mauvais combat !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ayez le courage de réformer l'ALS ! Il y a 6 milliards de francs à trouver !
M. Jean-Louis Carrère. Pour vous venir en aide, certainement pas !
Trouvez un autre combat !
Sinon, nous serons contraints d'expliquer aux étudiants et aux universitaires que, parce que vous manquez d'imagination, vous voulez leur faire payer la note idéologique de votre combat ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Facile !
M. Guy Cabanel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis un peu gêné. En effet, mon amitié pour le président de la commission des finances et le respect que j'ai pour les conclusions du rapporteur général pourraient m'inciter à examiner cet amendement avec bienveillance. Cependant, au sein du groupe du RDSE, et à la suite de l'analyse très argumentée de notre ami Pierre Laffitte, une certaine émotion s'est fait jour.
Réduire la dépense publique ? Oui, bien sûr ! Nous sommes tous intéressés par la réduction de la dépense publique. Nous sommes tous convaincus de la nécessité de réduire les déficits publics. On parle souvent de Maastricht et des obligations que le traité prévoit. Mais l'obligation de la réduction des déficits publics relève simplement de la bonne gestion.
Faut-il pour autant réduire aujourd'hui le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche ?
M. Raymond Courrière. Cela n'a pas de sens !
M. Guy Cabanel. Cela nous a paru difficile, au point que certains membres de notre groupe voteront contre l'amendement de la commission des finances et que les autres s'abstiendront. Il n'y aura, par conséquent, aucun sénateur du RDSE pour voter cet amendement.
Nous pensons en effet que l'enseignement supérieur et la recherche représentent de véritables missions régaliennes.
Nous avons tous voté le budget de la sécurité. Nous ferons vraisemblablement de même avec le budget de la justice et celui de la défense.
M. Jean-Louis Carrère. Celui de l'agriculture aussi, vous l'avez tous voté !
M. Guy Cabanel. Le budget de l'agriculture, c'est différent !
M. Jean-Louis Carrère. Pour d'autre raisons ! (Sourires.)
M. Guy Cabanel. Voilà un budget de l'enseignement supérieur qui ne représente, on l'a dit tout à l'heure, que 0,58 % du produit intérieur brut. Si cet amendement est voté, cela fera un iota de moins dans le 0,58 %.
Est-ce la mesure la plus opportune ? Ne sommes-nous pas en présence de défis considérables en ce qui concerne l'enseignement supérieur ?
Moi, je ne suis pas de ceux qui attendent du ministre un plan pour organiser l'enseignement supérieur. Je connais des universités qui sont autonomes, pluridisciplinaires et contractualisées avec l'Etat. Est-ce que cette coupe claire, fût-elle très légère, ne va pas rendre plus difficile l'application des contrats avec l'Etat ?
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Guy Cabanel. Ne mettra-t-elle pas en danger les recrutements, qui sont déjà difficiles ? Nous avons besoin de grossir les rangs de nos enseignants. Nous avons aussi besoin de les étaler un peu dans le temps parce que nous allons être confrontés à un énorme « bourrelet ». Il y a de très nombreux départs à la retraite qui se profilent, et le mouvement est déjà amorcé.
Mais devons-nous pour autant extraire ou donner l'impression d'extraire quelques postes d'une masse de postes à créer ?
Nous aurions peut-être dû avoir une réflexion sur ce qui est régalien et ce qui ne l'est pas. Moi, ancien chef d'établissement universitaire, je ne peux pas voter les réductions de dépenses qui sont proposées. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur les travées socialistes.)
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Je crois que le Sénat conservateur n'a jamais aussi bien mérité son nom que pour tout ce qui touche aux dépenses d'éducation.
Au demeurant, en fait, vous ne conservez rien du tout ! Vous fauchez allègrement des dépenses créatrices d'emplois et de postes. Vous fauchez allègrement des dépenses qui touchent à l'avenir et au statut social des jeunes.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. L'avenir, c'est justement ce qui nous préoccupe !
M. Ivan Renar. Vous fauchez des dépenses qui touchent à l'avenir de notre pays. Vous voulez, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, épargner les conséquences de la dette aux générations futures.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Moi, je ne veux pas que vous tiriez des traites sur l'avenir de nos enfants !
M. Ivan Renar. En attendant, ces générations futures, vous les sacrifiez aujourd'hui, comme vous l'avez fait vendredi soir.
Les enfants de la maternelle et du primaire, les jeunes des lycées, les jeunes des universités, voilà tous ceux sur qui vous faites porter votre rigueur ! Mais quelle humanité voulez-vous donc nous préparer ?
En ce qui nous concerne, nous voterons résolument contre vos amendements ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous, vous payez et vous leur envoyez la facture !
Mme Hélène Luc. Absolument pas ! Il y en a d'autres qui peuvent payer, les entreprises par exemple !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-18, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de trois demandes de scrutin public émanant de la commission des finances, du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 27:

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 307
Majorité absolue des suffrages 154
Pour l'adoption 201
Contre 106

Mme Hélène Luc. La sagesse gagne un peu, mais très peu !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 28:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 307
Majorité absolue des suffrages 154
Pour l'adoption 201
Contre 106

« Titre IV : 587 059 738 francs. »

Par amendement n° II-19, M. Lachenaud, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 87 121 041 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Ne vous inquiétez pas, monsieur Carrère, j'assumerai la responsabilité de cet amendement, y compris dans mon conseil d'orientation de l'université nouvelle de Cergy-Pontoise, que j'ai contribué à créer. Je lui donnerai un cours de finances publiques, comme je le faisais autrefois, pour expliquer que nous n'avons pas d'autre méthode conforme à l'ordonnance de 1959 que de présenter des réductions de crédits portant sur les différents titres des différents ministères.
Mme Hélène Luc. C'est faux !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Le déficit s'élève à 237 milliards ! On peut le diminuer !
Mme Hélène Luc. N'importe quoi !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est la réalité !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Aussi, je vous propose, par cet amendement n° II-19, de réduire les crédits du titre IV, qui s'élèvent à 587 059 738 francs, de 87 121 041 francs.
Cet amendement a pour objet d'apporter une contribution à l'effort de maîtrise des dépenses du budget de l'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Cet amendement vise purement et simplement à supprimer les bourses ! Le Gouvernement est socialiste : il ne peut pas accepter de supprimer ce qu'il a créé... même si on les maintient à Cergy-Pontoise... par un amendement spécial... au titre III...
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Ce zèle hyperbolique du Sénat pour les finances publiques, que ne s'est-il exprimé quand M. Balladur était Premier ministre ! Nous n'en serions pas là !
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. le président. Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il socialiste ou de gauche ? (Sourires et exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Raymond Courrière. Le ministre est socialiste !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mes chers collègues, la mesure proposée est présentée sous la forme d'une réduction des crédits, mais il s'agit d'une minoration de l'augmentation des crédits. J'espère que chacun, dans la Haute Assemblée, s'est aperçu que les crédits étaient toujours en augmentation, même avec l'amendement sénatorial.
M. Raymond Courrière. Cela s'appelle jouer sur les mots !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Non, cela s'appelle lire !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-19.
M. Ivan Renar. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Je ne veux pas que l'on coupe les bourses aux étudiants ! (Sourires.) Pour cette raison, même motif, même punition : nous voterons contre cet amendement.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous, vous empruntez pour leur servir des bourses !
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. L'explication de M. le président de la commission des finances m'a rappelé l'intervention d'un président de la République selon lequel l'accroissement du chômage était en train de décroître. (Sourires.)
En réalité, on réduit de 4 500 le nombre de bénéficiaires de bourses. Il s'agit d'une très mauvaise méthode ! Pour répondre aux aspirations de la jeunesse, vous feriez mieux de renoncer à cet amendement.
M. Raymond Courrière. Ils sont enfermés dans une logique dont ils ne peuvent pas sortir !
M. Jean-Louis Lorrain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Au-delà de cet amendement, je souhaite que nous en revenions à des sujets que nos concitoyens comprendront peut-être mieux.
Il est vrai que votre méthode, monsieur le ministre, nous déroute parfois : vous ouvrez de très nombreux chantiers, mais vous laissez les acteurs du monde éducatif sur leur faim.
M. Raymond Courrière. Vous vous adressez à qui, là ?
M. Jean-Louis Lorrain. A M. le ministre !
M. le président. Je vous en prie, monsieur Lorrain, poursuivez.
M. Jean-Louis Lorrain. J'essaie de sortir de ce débat, qui me paraît quelque peu mesquin, car je souhaite revenir sur des sujets qui me préoccupent vraiment.
Avec l'agence Edufrance, dont le décret de création vient de paraître au Journal officiel, M. le ministre souhaite susciter la venue d'étudiants étrangers dans nos universités.
Comme l'a souligné M. Maman, l'idée est excellente, mais nous nous interrogeons, c'est vrai, sur la suffisance des moyens dégagés pour assurer l'accueil de ces étudiants étrangers et sur les possibilités de répondre aux appels d'offres d'éducation d'organismes internationaux, alors que, sur le terrain, les collectivités locales sont interpellées pour soutenir les associations caritatives s'intéressant à ce problème.
Mon collègue André Maman a rappelé, dans son intervention, que cette initiative méritait d'être étudiée de façon approfondie. Mais nous réaffirmons qu'il est illusoire de vouloir accueillir en France autant d'étudiants étrangers que les Américains. Nous avons, nous aussi, le sens de l'accueil, mais nous ne voulons pas recevoir ces étudiants dans n'importe quelles conditions.
Par ailleurs, un autre chantier présente un caractère d'urgence, et c'est pourquoi je me permets de souhaiter que nous élevions un peu le débat. Je veux parler de la réforme des études médicales, à propos de laquelle, paradoxalement, tout le monde reste muet. Les pathologies se transforment, d'autres naissent. La technologie a modifié totalement les gestes thérapeutiques. Les méthodes de diagnostic et de traitement évoluent. Les incidences économiques sont fortes. Les demandes déontologiques et éthiques ont beaucoup changé. Nous ne savons pas, monsieur le ministre, quels sont vos positions et vos projets en ces domaines.
Quant au statut social de l'étudiant, j'attire votre attention sur la prise en compte des problèmes de santé mentale, qui sont loin d'être mineurs.
Pouvons-nous encore nous vanter de bénéficier d'un enseignement supérieur compétitif à l'échelon mondial ? Je crois que M. Kouchner s'intéresse à cette question, sur laquelle vous pourriez vous aussi vous pencher.
Votre budget est, certes, en augmentation, mais l'objet de cette augmentation ne nous paraît pas clairement défini. Nous ne voyons pas quels en seront les effets concrets sur le terrain. L'enseignement supérieur n'affiche pas de priorités en fonction des urgences...
M. Jean-Louis Carrère. Vous allez les voir, les diminutions...
M. le président. Veuillez laisser l'orateur s'exprimer, monsieur Carrère.
M. Jean-Louis Lorrain. Mon cher collègue, gardez votre démagogie pour vos électeurs. J'essaie simplement d'exprimer un certain nombre de besoins.
Je ne prétends pas que nous soyons obligatoirement à l'aise sur ces questions.
M. Raymond Courrière. Totalement incohérent !
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je trouve personnellement très triste de voir des groupes parlementaires de la majorité en arriver là. C'est un aveu terrible du peu d'ambition qu'ils ont pour la jeunesse française. (Protestations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le ministre a dit tout à l'heure que, pour atteindre le niveau des Etats-Unis, il faudrait que 300 000 jeunes supplémentaires entrent dans l'enseignement supérieur.
Au moment où il est question du développement des sciences et des techniques et alors que l'on sait que chaque jeune devrait pouvoir, devra pouvoir exercer dans sa vie deux ou trois métiers, ne faut-il pas développer l'enseignement fondamental dans le supérieur ?
Je m'en tiens à ce que je connais bien, c'est-à-dire à l'université Paris-XII du Val-de-Marne. Cette faculté, qui n'a jamais été achevée alors qu'elle a été commencée en 1970, doit déjà être reconstruite parce qu'on a utilisé des matériaux qui ne tenaient pas le « choc » - je crois pouvoir employer ce terme !
La faculté des sciences de Saint-Maur, quant à elle, occupe encore un bâtiment ...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes loin des bourses !
Mme Hélène Luc. ... qui a fait l'objet de quelques travaux de sécurité mais qui n'en est pas moins un bâtiment de type Bender. Il a fallu réduire le nombre des élèves et louer d'autres locaux pour éviter que ce bâtiment ne soit par trop surpeuplé.
J'assistais samedi à une assemblée d'enseignants et de parents d'élèves. Je puis vous dire que votre décision de supprimer des crédits figurant au budget de l'éducation nationale qui a été diffusée à la radio à plusieurs reprises pendant toute la journée a créé l'événement ! Des enseignants et des parents d'élèves m'ont même dit : « Ce n'est pas possible ! Ils se sont trompés à la radio ! »
M. Jean-Louis Carrère. C'est au Sénat qu'ils se sont trompés !
Mme Hélène Luc. Je leur ai répondu que, non, la radio ne se trompait pas ; j'étais au Sénat, à ce moment-là ; ils ont bien supprimé des crédits pour l'éducation nationale.
Alors, mesdames et messieurs de la droite, ne vous plaignez pas ! Ne dites pas qu'il faut plus de crédits et plus d'enseignants ! Ne faites pas de démagogie ! Vous prenez là une lourde responsabilité. Heureusement, la majorité plurielle de l'Assemblée nationale rétablira ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vous qui êtes docteur en démagogie !
M. Guy Cabanel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Cet amendement a trait, si j'ai bien compris, à l'action sociale en faveur des étudiants.
La réduction des crédits proposés est apparemment moins grave que les amputations sur les crédits relatifs à l'organisation générale de l'enseignement supérieur, mais elle est tout de même délicate au moment où l'on se plaint des inégalités sociales importantes au sein de l'université et où l'on regrette le nombre restreint d'étudiants étrangers. Ce regret a du poids car l'attraction de notre industrie, la capacité d'intéresser certaines nations à nos productions dépendent de la fréquentation de nos universités et de la connaissance de nos filières de recherche et de technologie.
A cet égard, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, toujours en concertation avec M. Pierre Laffitte, émettra le même vote que précédemment sur l'amendement n° II-19 : certains d'entre nous voteront contre, d'autres s'abstiendront. Ces réductions de crédits ne nous semblent pas vraiment opportunes, d'autant que celle qui nous est proposée a peu d'incidence sur l'équilibre général du budget. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-19, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de trois demandes de scrutin public émanant de la commission des finances, du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 29:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 305
Majorité absolue des suffrages 153
Pour l'adoption 200
Contre 105

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?..
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 30:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 310
Majorité absolue des suffrages 156
Pour l'adoption 203
Contre 107

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 651 860 000 francs ;

« Crédits de paiement : 213 650 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 4 373 860 000 francs ;
« Crédits de paiement : 2 725 340 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'enseignement supérieur.

III. - RECHERCHE ET TECHNOLOGIE

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : III. - Recherche et technologie.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Trégouët, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'importance qu'une nation accorde à son effort de recherche détermine son avenir. La croissance de la France, son développement technologique, le niveau et la qualification de ses emplois, son rayonnement international dépendent, en grande partie, de la recherche et des orientations qui lui sont données. A cet égard, les atouts de la France ne sont pas minces. Ses chercheurs sont souvent cités et récompensés par la communauté scientifique mondiale. Notre pays dispose d'organismes de recherche reconnus sur le plan national et international, et au niveau opérationnel le lanceur Ariane V vient, une fois encore, de démontrer sa fiabilité.
Le projet de budget de la recherche et technologie pour 1999 affiche trois priorités.
D'abord, il est envisagé de modifier les conditions de mise en oeuvre des politiques de recherche. A cette fin, sera créé le fonds national de la science, qui sera chargé de développer et de coordonner les recherches de base nécessitant la coopération de plusieurs établissements. Le fonds de la recherche technologique verra sa gestion remaniée, son objectif étant de favoriser une recherche technologique de pointe orientée principalement vers la création d'entreprises innovantes. Une nouvelle instance consultative, le Conseil national de la science, a été instituée par un décret du 20 octobre 1998, afin d'éclairer les choix du Gouvernement en matière de politique de recherche et de technologie.
Ensuite, les moyens des structures de base de la recherche devraient être confortés. A structure budgétaire constante, la dotation des établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, progresse de 2,2 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement, et de 2 % en autorisations de programme. Au sein de ces crédits, les crédits de soutien de programme, qui constituent les financements de base des laboratoires, progressent de 8 %. Au total, les crédits affectés au financement de la recherche fondamentale ont progressé de 7,3 % en deux ans.
Enfin, le soutien à l'innovation technologique devrait être renforcé. Il s'agit de constituer des réseaux thématiques de recherche associant des laboratoires publics et privés. En outre, le projet de loi de finances pour 1999 prévoit le renouvellement du crédit d'impôt recherche.
Ces priorités budgétaires vont dans le bon sens, et j'y adhère.
Toutefois, les crédits sont trop souvent mal utilisés. D'abord, le budget est présenté depuis plusieurs années avec d'importantes modifications de structures portant sur plusieurs milliards de francs. Ce point, apparemment technique, est cependant particulièrement important pour une analyse pertinente et un contrôle efficace des crédits budgétaires. A ce propos, je voudrais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur un point particulier. Dans le cadre de ma mission de rapporteur spécial, je vous ai adressé, en septembre dernier, un questionnaire portant sur la monographie que la Cour des comptes a consacrée aux crédits de la recherche dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 1997. Or, je le déplore vivement, ce questionnaire est, à ce jour, resté sans réponse.
Les dépenses de fonctionnement augmentent, alors qu'elles contribuent déjà fortement à la rigidité du budget de la recherche. Je rappelle que les dépenses de personnel constituent l'essentiel des dotations des établissements publics de recherche : 80 % au Centre national de recherche scientifique, par exemple.
Le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, dans l'avis qu'il a rendu sur le projet de budget civil de recherche et de développement technologique, note d'ailleurs que « le poids des emplois et des dépenses ordinaires va inexorablement en croissant et contribue aussi à mettre les structures opérationnelles de recherche en difficulté ».
Cependant, et vous l'avez rappelé devant la commission des finances, monsieur le ministre, l'essentiel en matière de recherche ne réside pas dans les crédits budgétaires.
Or la politique de recherche française connaît de graves lacunes et des insuffisances.
Elle souffre d'une mauvaise organisation et d'une bureaucratisation croissante, que vous avez dénoncée avec raison, monsieur le ministre. Mais quelles sont vos intentions sur ce sujet ? La presse s'est fait l'écho d'un projet de décret devant modifier l'organisation du centre national de la recherche scientifique, le CNRS. Puis, devant l'hostilité suscitée par ce projet au sein de la communauté des chercheurs, il semble que vous ayez renoncé.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Non, pas du tout ! M. René Trégouët, rapporteur spécial. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des indications sur ce dossier ?
Mais je crois que la réforme du système français de recherche va au-delà d'une simple adaptation statutaire.
Il paraît urgent de prendre une série de mesures visant à accroître la mobilité des chercheurs. Je me préoccupe de cette question depuis de nombreuses années, tout en constatant que la mobilité des chercheurs reste toujours aussi insuffisante. Or, les chercheurs constituent souvent d'excellents professeurs d'université. Il convient cependant de constater, pour le regretter, que les commissions de spécialistes des universités n'accordent qu'avec parcimonie des postes de professeur à des chercheurs. Mais, plus grave encore, nous devons constater que l'université fait souvent peur à nos chercheurs. Ainsi, est-il exact, monsieur le ministre, que l'enseignement supérieur a réservé cent postes de professeur aux chercheurs du CNRS et que trente à quarante seulement de ces postes seraient pourvus ?
Par ailleurs, il me semble urgent d'engager une réflexion sur la pertinence du « modèle français » de gestion des ressources humaines de la recherche.
En effet, les organismes de recherche publics comprennent essentiellement des chercheurs permanents qui effectuent toute leur carrière au sein de la recherche publique, parfois même en restant dans le même laboratoire.
Inversement, le modèle anglo-saxon accorde une importance particulière aux thésards et aux post-doctorants, les chercheurs statutaires étant, proportionnellement, en nombre beaucoup plus restreint.
Or, dans ces pays, les jeunes docteurs ne restent dans les laboratoires publics que quelques années, puis rejoignent le secteur privé. Ainsi, la mobilité des chercheurs constitue un facteur efficace de transfert des connaissances. La France est encore loin de connaître cette situation, le nombre de chercheurs en mobilité dans les entreprises ne représentant que 1,3 de l'effectif budgétaire de l'ensemble des établissements publics : 23 chercheurs sur 16 703 ont accepté cette mobilité !
Il est vrai que la mobilité n'est ni encouragée ni valorisée : il est donc grand temps de changer les mentalités.
Monsieur le ministre, il faudrait saisir l'occasion, ces prochaines années, du départ à la retraite de nombreux chercheurs recrutés dans les années soixante pour engager une action volontariste sur la réforme de la gestion des ressources humaines au sein de la recherche publique française.
Prendre une telle orientation permettrait de mieux valoriser la recherche publique, de la mettre davantage en adéquation avec les attentes des entreprises. En outre, les chercheurs publics bénéficieraient également d'une telle réorganisation, puisque leur carrière serait plus attrayante et leurs rémunérations plus élevées. Enfin, la pyramide des âges des organismes de recherche serait rajeunie.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre, que serait déposé prochainement sur le bureau du Parlement un projet de loi relatif à l'innovation, qui devrait comporter des dispositions favorables à l'essaimage. En effet, environ trente entreprises sont créées chaque année, en France, par essaimage des chercheurs issus de la recherche publique. Ces entreprises présentent souvent des performances supérieures à d'autres entreprises, en termes de rentabilité, donc de création d'emplois. Je tiens à saluer, ici, l'initiative de notre collègue Pierre Laffitte, dont le Sénat a adopté une proposition de loi tendant à clarifier la situation juridique du chercheur quittant son laboratoire pour créer une entreprise valorisant les résultats de ses travaux de recherche. Je forme le voeu que ces dispositions soient reprises dans le projet de loi sur l'innovation.
Le rapport que M. Henri Guillaume a remis au Gouvernement, en mars dernier, a dressé un état des lieux assez exhaustif de la technologie et de l'innovation dans notre pays. Il note, en particulier, en introduction de son rapport, que « le sentiment qui prévaut parfois est celui d'un système national d'innovation qui avance les freins serrés, passant difficilement à la vitesse supérieure au moment où la concurrence internationale s'intensifie ».
Le rapport comprend un ensemble de propositions assez intéressantes, susceptibles de dynamiser notre politique de recherche. Il s'avère, en effet, indispensable de développer des mesures financières et fiscales afin de promouvoir l'innovation dans notre pays : capital-risque, fonds d'amorçage, fonds communs de placement dans l'innovation, etc. Le risque, en effet, est de voir les capitaux attirés par les marchés anglo-saxons et les jeunes diplômés français quitter notre pays pour aller s'installer dans la Silicon Valley ou même à Londres. De même que l'économie française a dû, au cours des années quatre-vingt, s'adapter à la concurrence internationale, la recherche française doit, aujourd'hui, relever le défi de la mondialisation de la « matière grise ».
Dans le domaine spatial, le total succès, voilà quelques semaines, du dernier lancement de qualification d'Ariane V a fait pousser un profond « ouf » de soulagement à tous ceux qui ont conscience qu'une partie de l'avenir de la France se joue dans la réussite spatiale. Aussi permettez-moi, chers collègues, d'adresser nos plus vifs remerciements à tous les chercheurs, ingénieurs et techniciens à qui nous devons ce franc succès.
Cette réussite est d'autant plus déterminante pour l'avenir de notre pays que le contexte dans lequel se déploient les activités spatiales connaît, depuis le tournant de la décennie quatre-vingt-dix, une profonde évolution caractérisée non seulement par l'apparition d'une nouvelle donne géopolitique, mais aussi, surtout, par la forte croissance du marché des services offerts par les moyens spatiaux.
Aussi aimerions-nous connaître votre position sur la politique de la France dans le domaine spatial, monsieur le ministre, alors que, au cours du premier semestre 1999, se tiendra le grand conseil interministériel de l'Agence spatiale européenne qui définira la politique européenne de l'espace.
Pour conclure ce trop rapide développement sur la politique spatiale, permettez-moi de vous suggérer, monsieur le ministre, une possible amélioration de la présentation du budget du Centre national d'études spatiales, le CNES. En effet, il est regrettable que la dotation de fonctionnement de cet organisme, qui s'élève à 915 millions de francs par an, soit insuffisante pour couvrir les charges de personnels qui, elles, s'élèvent à 1 250 millions de francs. Cette situation est à l'origine, au début de chaque exercice, d'un basculement de crédits entre la section des opérations en capital et la section de fonctionnement. Cette mauvaise évaluation budgétaire se traduit par un manque de sincérité des comptes, et cela est regrettable.
J'en viens, enfin et pour conclure, monsieur le ministre, aux nouvelles technologies de l'information et des télécommunications. Il s'agit, là aussi, d'un secteur dont les retombées sur l'industrie mais aussi sur la vie quotidienne de chaque Français seront considérables. Or, j'avoue ne pas bien saisir les traductions budgétaires de cet enjeu ni les grandes priorités du Gouvernement.
Aussi bien au niveau de la recherche dans ce domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication, les NTIC - permettez-moi, à cet égard, de vous poser une question : qu'en est-il de la recherche publique dans le domaine des télécommunications avec le changement de statut du CNET ? - qu'au niveau opérationnel, où la France a une présence relativement modeste dans les futurs systèmes satellitaires multimédia en orbite basse, nous souhaiterions obtenir des précisions. (M. le ministre fait un signe d'assentiment.) Je sais que vous nous répondrez, monsieur le ministre, et c'est bien la raison pour laquelle je vous pose des questions.
Il est important que vous nous éclairiez sur l'ambition du Gouvernement de la France dans ce domaine des NTIC, qui est si déterminant pour l'avenir de notre pays. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte, rapporteur pour avis, pour cinq minutes.
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cinq minutes pour changer la face des choses, c'est suffisant !
Le budget de la recherche est politiquement important et conditionne l'avenir, au moins autant que celui de la défense nationale le conditionnait lorsque les guerres intra-européennes menaçaient. Sa progression est modeste.
Craignant que l'on ne m'oppose l'article 40 de la Constitution, je ne proposerai pas, ici, une augmentation budgétaire de 1 % ; mais soyez assurés que je saurais très bien où affecter des crédits supplémentaires : à des secteurs qui me paraissent un peu trop modestes ou trop timides, tels les NTIC, au réseau national de recherche en télécommunications, et au FRT, le Fonds de la recherche et de la technologie, afin de donner au ministre de la recherche les moyens de piloter véritablement la recherche.
La timidité n'étant pas la caractéristique de notre ministre, je crois qu'il existe probablement d'autres raisons à la modestie des crédits affectés à ces secteurs, et je me demande s'il n'y a pas quelques réticences internes aux évolutions constatées.
Ces évolutions consistent à lier le savoir au savoir-faire, à orienter les compétences scientifiques vers les créations d'entreprises, et à développer l'innovation, et cela me paraît au moins aussi important que d'augmenter les crédits.
J'aurais souhaité que cette évolution soit plus énergique encore. Mais je sais qu'il y a des résistances institutionnelles et qu'un grand paquebot ne se conduit pas de la même façon qu'un trimaran.
Je présenterai quelques remarques. La première vise les lenteurs administratives : l'innovation, notamment dans les traductions économiques de l'innovation que sont les PME, est handicapée par le fait que l'on ne va pas assez vite. Un ami ingénieur ayant travaillé chez Citroën alors qu'André Citroën, autocrate industriel passionné d'innovation, dirigeait encore cette grande société, me disait que son ancien patron commandait les produits nouveaux dès leur apparition et avant même que qui que ce soit les ait étudiés.
De même, Stev Jobs et ses amis, que j'ai eu l'occasion de rencontrer voilà quelques années dans la Silicon Valley, m'ont dit qu'une semaine de retard pour le lancement d'un ordinateur leur faisait perdre des parts de marchés.
J'avais sur moi, tout à l'heure, un petit prototype, un « pass » mis au point par la RATP voilà cinq ans. Depuis, ce système a été rattrapé par des concurrents de Hong-Kong ou de Corée, ces derniers l'ayant développé à plus grande échelle pendant que nous en étions encore à hésiter, les différents ministères de tutelle voulant tous conserver leur pré carré ! Voilà ce qui nous fait perdre un avantage mondial ! En fait, nous n'avons pas la culture de la rapidité, de l'innovation et du goût du risque. Je sais, monsieur le ministre, que des assises consacrées au goût du risque ont eu lieu récemment, sur votre initiative.
Tout cela prouve que, comme le déclarait M. Trégouët voilà un instant, il n'y a pas que l'argent ; il y a aussi tout l'environnement culturel, point qui me semble capital.
S'agissant de l'environnement culturel, nous avons beaucoup progressé depuis un certain nombre d'années, notamment grâce à l'action du Sénat, s'agissant de la partie financière. Nous disposons maintenant des business angels, des stock-options, grâce à l'action du ministère actuel, des fonds communs de placement dans l'innovation - le Sénat a multiplié par deux les crédits prévus par le précédent gouvernement - du nouveau marché, auquel le Sénat, en particulier le groupe Innovations et entreprises que j'ai l'honneur de présider, a beaucoup contribué, et du crédit d'impôt recherche. Sur ce point, je salue les innovations qui sont introduites. Je présenterai moi-même, à l'article 64, un amendement visant à compléter encore ce dispositif, conformément d'ailleurs à votre voeu, me semble-t-il, monsieur le ministre.
Ce projet de budget comporte donc un certain nombre de points positifs.
Des points moins positifs ont déjà été évoqués par M. Trégouët. On sent en effet assez mal l'émergence d'une volonté stratégique en matière de nouvelles technologies. On aurait envie, comme cela s'est fait au moment de la création de l'industrie pétrolière ou de l'industrie nucléaire en France, de voir apparaître une volonté nationale, soutenue par des crédits massifs et bien structurés. On a beaucoup tendance à critiquer les grands programmes ; mais peut-être en faudrait-il un à cet égard, comme il en faudrait également un pour le programme Skybridge, en particulier pour l'utilisation des recherches duales de la part du ministère de la défense qui, pour le moment, sont extrêmement opaques. Je considère que, sur ce point-là, nous avons encore à progresser.
En conclusion, la commission des affaires culturelles s'en remettra à la sagesse du Sénat sur les crédits affectés à la recherche. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Rausch, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le détail des crédits que vient d'évoquer partiellement, à l'instant, mon collègue RenéTrégouët, si ce n'est pour constater qu'avec un budget civil de recherche et développement de près de 54 milliards de francs, en augmentation de 1,62 %, la recherche ne semble pas constituer une priorité du Gouvernement.
Je considère pour ma part que ce projet de budget est ambivalent puisqu'il est construit sur deux priorités quelque peu contradictoires : la création d'emplois budgétaires nouveaux et la volonté de promouvoir l'innovation.
Ce projet de budget vise en effet - telle est sa première orientation - à créer 150 emplois budgétaires nouveaux, contre 400 l'an passé, alors que les frais de personnel représentent déjà plus de 80 % des dépenses des établissements de recherche : quelle marge de manoeuvre leur restera-t-il ?
Surtout, on aurait aimé une contrepartie, en termes d'accroissement de la mobilité : elle n'a concerné, en 1997, que 1,4 % des chercheurs, et encore en comptant les mobilités internes entre disciplines !
Vous êtes conscient de cette faiblesse, monsieur le ministre, puisque vous avez dénoncé publiquement la « bureaucratisation » de la recherche publique.
Est-ce en créant de nouveaux emplois permanents, qui seront demain les « chercheurs à vie » que vous dénoncez aujourd'hui, que l'on permettra cette dynamisation que vous appelez de vos voeux ?
La deuxième orientation annoncée de ce projet de budget est le soutien de l'innovation technologique, au moyen de deux instruments : le Fonds pour la recherche technologique et le nouveau Fonds national de la science.
On ne peut que souhaiter que ces outils soient à la hauteur de l'enjeu, immense, que représente pour notre pays la valorisation technologique de la recherche.
Le rapport d'évaluation que vous avez demandé à M. Henri Guillaume et dont a parlé à l'instantM. Trégouët a, en effet, dressé le bilan d'un véritable grippage du système de diffusion de la recherche vers l'économie.
En effet, selon ce rapport, il existe un décalage entre la bonne production scientifique de la France - en termes de publications, par exemple - et sa mauvaise position technologique - en termes de dépôts de brevets.
En outre, la recherche « technologique », liée à une problématique industrielle, est insuffisante.
Par ailleurs, le dispositif public de diffusion de la recherche est trop complexe ;
Enfin, l'attitude culturelle des grands organismes publics de recherche ne leur a pas permis de valoriser leurs résultats, malgré l'objectif fixé par la loiChevènement de 1982, dont j'avais eu l'honneur d'être le rapporteur au Sénat.
Je sais que vos intentions, dans la lignée des assises de l'innovation, sont de changer cette situation, monsieur le ministre. La tâche sera certainement difficile, et il faut donc s'y atteler rapidement. Le Sénat a montré la voie en adoptant, le 22 octobre dernier, la proposition de loi de notre collègue Pierre Laffitte, à laquelle M. Trégouët a fait allusion, proposition visant à permettre aux chercheurs de créer une entreprise. Quand déposerez-vous le projet de loi sur l'innovation, monsieur le ministre ?
Pour terminer, j'évoquerai le thème, cher à la commission des affaires économiques, de la répartition territoriale de la recherche.
S'agissant des effectifs de la recherche publique, grâce à une impulsion politique de déconcentration, l'objectif fixé par la loi du 4 février 1995 d'implanter 65 % de chercheurs hors de la région d'Ile-de-France est presque atteint.
Toutefois, en termes tant de densité de chercheurs pour 10 000 habitants que de dépenses de recherche ou de nombre de publications par habitant, le déséquilibre reste encore marqué. Par conséquent, comptez-vous relancer la délocalisation d'équipes de recherche ?
Le déséquilibre territorial est encore plus accentué pour la recherche privée : la région d'Ile-de-France a en effet une densité de chercheurs par habitant trois fois plus élevée que la moyenne ; elle concentre 52 % des dépenses de recherche privée et 41 % des brevets européens déposés en France.
Face à un tel constat, je regrette que la reconduction du crédit d'impôt recherche, que vous proposez, s'accompagne d'une suppression du mécanisme de modulation géographique instauré en 1995, qui établissait une discrimination positive pour les zones de faible densité,...
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis. Exact !
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis. ... alors que, de l'aveu même du rapport Guillaume, chargé de juger de l'efficacité de ce dispositif, aucune évaluation sérieuse n'en a été réalisée. Mais je crois que l'Assemblée nationale a rétabli à l'unanimité, et contre votre volonté, monsieur le ministre, cette modulation.
J'aurais préféré, pour ma part, que l'on procède d'abord à une évaluation et ensuite, éventuellement, à la suppression.
Ma question est simple : le rééquilibrage géographique de la recherche est-il encore un objectif du Gouvernement ?
Face à ces interrogations, la commission des affaires économiques s'en est remise à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits consacrés à la recherche dans le projet de loi de finances pour 1999. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 15 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Le groupe du RDSE est majoritairement favorable au projet de budget de la recherche, et il ne votera bien entendu aucune réduction budgétaire. Pour ma part, je l'ai indiqué tout à l'heure, je serais même tenté de proposer une augmentation !
Je souhaite insister sur la dérive potentielle des opérations menées par l'Agence nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR organisme qui a bien réussi et dont les compétences en matière de diffusion de l'innovation et de valorisation des résultats de recherches sont reconnues. Mais les aides à l'innovation sur les projets sélectionnés par l'ANVAR ne sont pas toujours ceux qui sont porteurs des innovations les plus importantes, et c'est là une conséquence très nette des procédures de remboursement des aides.
Un simple calcul d'espérance mathématique conduit nécessairement les délégués, s'ils veulent respecter les intérêts de l'organisme, à préférer financer les innovations ayant les plus fortes chances de réussir, ce qui ne correspond pas à celles dont l'éventuelle réussite est la plus importante et qui sont donc les plus risquées, la contrepartie des risques étant des chances de plus grands gains.
Il conviendrait certainement d'étudier une formule selon laquelle, en cas de réussite, non seulement l'ANVAR serait remboursée mais elle percevrait un pourcentage - à définir - du chiffre d'affaires de la société aidée.
Cette modification correspondrait d'ailleurs très nettement à ce qui se passe lorsque, par exemple, une université américaine prend une participation à l'intérieur d'une entreprise qu'elle aide financièrement au départ : si cela ne marche pas, elle perd, si cela marche moyennement, elle récupère sa mise, et si cela marche très bien, elle récupère beaucoup.
C'est donc l'introduction d'une prise de risques incitée par l'Etat que je propose pour l'ANVAR.
Parmi les autres suggestions, pourquoi ne pas mettre en place des procédures duales avec le ministère de la défense, à l'instar de ce qui se passe aux Etats-Unis avec le Pentagone ? Les sommes en jeu sont importantes : plus de 20 milliards de francs sont consacrés par votre ministère aux études et aux recherches, dont une partie non négligeable pourrait, par le biais d'opérations duales, profiter, par exemple, aux recherches informatiques ou aux véhicules en matière de télécommunications liées aux constellations de satellites à orbite basse de type Skybridge. Actuellement, les constellations du projet américain Teledesic sont ainsi massivement aidées, à hauteur de plusieurs milliards de dollars par an, aidées par les crédits militaires américains dans le cadre de procédures de recherche duales.
Il serait en tout cas important que nous puissions, monsieur le ministre, y voir plus clair, sinon dans l'ensemble des recherches menées par le ministère de la défense nationale - bien entendu, le secret militaire existe ! - mais dans tout ce qui pourrait constituer une recherche duale et qui serait utile pour le budget de la recherche. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 1,7 % et 2,3 %, tels sont les taux de progression respectifs du budget de la recherche et de l'ensemble des budgets civils de l'Etat. La comparaison globale avec les autres budgets des différents départements ministériels n'est donc pas favorable à la recherche scientifique et technique.
Votre budget, monsieur le ministre, est loin d'être prioritaire, contrairement à ce que vous aviez annoncé le 15 juillet dernier. Nous pouvions nous réjouir, à l'époque, de votre résolution de redonner à la recherche fondamentale et technique la vraie place qui doit être la sienne dans la vie de la nation.
Venant d'un ministre responsable, qui est aussi un incontestable chercheur, votre volonté nous incitait à l'optimisme. Notre déception est aujourd'hui à la hauteur de nos récents espoirs.
Mais il serait injuste, parce que facile, d'opposer le chercheur conscient des besoins réels de ses disciplines au ministre tenu à la maîtrise globale des dépenses de fonctionnement. Car il s'agit bien de cela, c'est-à-dire de la répartition des crédits entre fonctionnement et investissement.
Dans le budget de la recherche, la part consacrée à la rémunération des personnels croît, selon les établissements publics de recherche, de 1,9 % à plus de 3,2 %.
En outre, vous annoncez la création de cent nouveaux emplois de chercheurs et de cinquante nouveaux emplois d'ingénieurs technico-administratifs.
Le cumul de ces décisions ne va faire qu'aggraver pendant plusieurs années, le poids croissant de la part salariale - qui représente déjà 80 % dans le budget des établissements publics de recherche - et ce toujours au détriment des investissements.
Les chercheurs sont les premiers à regretter cet étiolement de l'investissement...
Mme Hélène Luc. Et vous, vous enlevez encore des crédits !
M. Lucien Lanier. ... et aspirent à une politique de la recherche un peu plus dynamique, résolument orientée vers des priorités définies par le Gouvernement et loin des carcans administratifs.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas sérieux !
M. Lucien Lanier. Nous pensons - comme vous, d'ailleurs, monsieur le ministre - qu'il faut repenser notre politique de recherche parce qu'elle n'est plus une priorité.
Le général de Gaulle en avait fait une des réussites majeures de sa politique, car il savait ce secteur essentiel pour préparer l'avenir de la France, aux plans autant intellectuel qu'économique et social.
La recherche fondamentale est, en effet, le creuset des technologies qui permettront de développer les innovations et les emplois de demain. Elle contribue à la place et, donc, à la grandeur de notre pays en le maintenant dans le peloton de tête des pays développés - place qu'il est en train de perdre - comparativement à l'Allemagne, au moment même où se précise l'Union européenne.
Surtout, la recherche est l'un des plus efficaces instruments, sur le plan structurel, dans la lutte contre le chômage, car elle maintient la compétitivité de notre industrie et en fait émerger de nouvelles.
Dans un esprit de reconstruction, après la Seconde Guerre mondiale, la recherche a voulu inciter des élites autour de nouveaux organismes - le Commissariat à l'énergie atomique, le Centre national d'études spatiales, l'Institut national de la recherche agronomique, le Centre national pour l'exploitation des océans, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale - tous organismes dont la mission était clairement centrée sur un objectif clair : le nucléaire, le spatial, l'informatique, les océans, la santé. D'ailleurs, les ministres de la recherche de cette époque étaient souvent ministres délégués auprès du Premier ministre, parfois ministres d'Etat, et s'appuyaient sur la délégation générale à la recherche scientifique et technique, dont les « actions concertées » incitaient sans ambiguïté les priorités politiques en matière de recherche publique.
Si, aujourd'hui, la France dispose d'une industrie nucléaire compétitive employant - je le rappelle - plus de 100 000 salariés, elle le doit aux moyens conférés au CEA depuis 1945. De même, le succès, tant économique que technique, du lanceur Ariane est dû à l'investissement consenti par la nation au CNES.
Depuis quelques années, les résultats de cette politique ont été faussés : la recherche devient par trop - pardonnez-moi le terme - bureaucratique. Par une trop forte fonctionnarisation, on a lissé la compétitivité entre les laboratoires, voire entre les organismes, et les arbitrages ont trop conclu à une reconduction budgétaire, à quelques aménagements près.
Enfin, les organismes tendent à disperser leur action. Sans priorité politique, il n'est plus de politique de recherche !
Il paraîtrait urgent d'indiquer clairement les priorités de la recherche française en fonction des obligations qui sont les nôtres en termes économique et social, et donc de créations d'emplois, mais aussi en termes de connaissances fondamentales. De grands débats sur la recherche, comme celui qui a été lancé par François Fillon en 1994, ont apporté des réponses, mais celles-ci n'ont pas été mises en pratique.
M. Jean-Louis Carrère. Surtout en termes budgétaires !
M. Lucien Lanier. Nous savons que les priorités tournent aujourd'hui autour de la recherche médicale, de l'électronique ou de l'informatique, des sciences liées à l'environnement, mais également autour des industries agro-alimentaires et de la sécurité en matière de transports. Il faut donc structurer notre recherche autour de thèmes prioritaires et non plus autour d'organismes qui semblent de plus en plus cloisonnés.
Nous vous demandons, monsieur le ministre, d'empêcher la dispersion. Vous avez déjà obtenu certains résultats, concernant notamment le rapprochement des physiciens du CNRS et du CEA, afin d'optimiser les moyens humains investis dans ce secteur.
La France a la capacité de se doter d'une structure opérationnelle de recherche concernant les biotechnologies. Regroupons les moyens dispersés et ne tardons pas à développer une industrie compétitive dans ce secteur vital !
De même, le maintien d'une industrie européenne de la micro-électronique passe nécessairement par une mise en commun de toutes les forces encore éparpillées.
Enfin, l'environnement ouvre à la recherche, tant fondamentale que technique, de vastes horizons économiques.
Le Sénat a adopté très récemment une proposition de loi tendant à faciliter la création d'entreprises innovantes par des chercheurs - M. Laffitte en sait quelque chose - afin de valoriser le résultat de leurs travaux effectués au sein d'un organisme public. Monsieur le ministre, je ne pense pas que vous puissiez être contre une telle initiative ! C'est une voie propice à l'allégement de la pesanteur administrative et à une meilleure ouverture vers l'extérieur.
Ainsi que vous l'avez fait remarquer vous-même, monsieur le ministre, la situation actuelle bloque inexorablement l'émergence de nouvelles générations.
C'est pourquoi la mobilité des chercheurs - des chercheurs publics, entre autres - devrait être encouragée vers l'enseignement supérieur, y compris dans les laboratoires des grandes écoles, et vers les entreprises. Cela fait partie, je crois, de vos préoccupations, monsieur le ministre, et nous soutiendrons toujours les initiatives que vous pourrez prendre en ce sens.
Enfin, l'assainissement financier et la remise en ordre des organismes de recherche devraient être engagés car, en l'absence de mesures de redressement, ils pourraient périr asphyxiés sous le poids de leurs charges sociales.
Mais, si l'action doit prévaloir dans l'organisation de la recherche publique pour être efficace, elle doit aussi être concertée et réfléchie.
Mais la réforme nécessaire du CNRS, organisme lourd de ses 26 000 fonctionnaires, ne peut se faire sans problème. En effet, les crédits de recherche gérés par ce centre ne semblent pas être toujours utilisés de façon optimale. Ne devrait-on pas définir de vrais choix politiques sur quelques axes prioritaires, sans négliger, bien entendu, la recherche fondamentale, qui est totalement de la responsabilité de l'Etat ?
Il faut évoquer ici l'indispensable mobilité des chercheurs et la nécessité de leur reclassement. L'expérience prouvera en effet qu'il est difficile, dans la plupart des cas - et vous en êtes convaincu - de rester chercheur tout au long d'une même carrière.
L'absence de ligne stratégique de votre budget risque alors d'avoir des conséquences fâcheuses, qu'il s'agisse des études nécessaires à la transformation des déchets radioactifs ou à leur stockage souterrain.
Faudrait-il conclure au constat de notre incapacité à traiter les déchets radioactifs ? Nous avons eu une réunion avec vous à ce sujet et vous nous avez indiqué que vous étiez favorable à certains enterrements, non pas profonds mais subsouterrains. Faudrait-il alors renoncer à la recherche dans le domaine nucléaire si nous renonçons à traiter les déchets radioactifs ? Ce serait un abandon, dont les conséquences seraient tragiques en termes d'emplois, de compétitivité de notre économie et d'indépendance énergétique ; je tenais à le préciser au moment même où certains prônent cet abandon.
A terme, le CEA ne deviendrait-il - pardonnez-moi cette caricature - qu'un organisme de démolition des installations existantes, alors que son action concernant la physique fondamentale, la biologie, la micro-électronique et, surtout, la politique énergétique française - et bientôt européenne - peut être menée en coopération avec d'autres organismes de recherche ?
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très bien !
M. Lucien Lanier. Nous savons, monsieur le ministre, que vous réfléchissez avec mesure - nous le souhaitons - et avec l'objectivité du chercheur aux problèmes que j'ai pu évoquer. Malheureusement, le budget de la recherche qui nous est présenté ne reflète ni la vision politique ni le souffle qui s'avèrent indispensables au redressement d'une recherche scientifique française pour laquelle une action claire cherche encore sa définition.
Nous mesurons, soyez-en certain, les difficultés que vous devez surmonter, en matière de calendrier notamment. Elles prouvent la nécessité autant que le besoin d'un vrai ministère à part entière de la recherche.
C'est notre souhait, et c'est la raison pour laquelle le groupe du RPR suivra la position qu'ont adoptée nos excellents rapporteurs. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président. Monsieur le président a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 77 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, le rapport sur le recouvrement des cotisations dues aux régimes bénéficiaires de la contribution sociale de solidarité.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

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LOI DE FINANCES POUR 1999

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.

Education nationale, recherche et technologie



III. - RECHERCHE ET TECHNOLOGIE (suite)

M. le président. Nous reprenons l'examen des dispositions du projet de loi concernant la recherche et la technologie.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec une progression de 1,6 %, le projet de budget de la recherche ne connaît pas la croissance que l'on aurait souhaitée, à un moment où des questions fondamentales sont posées pour la recherche, notamment la recherche publique, dans notre pays.
Au-delà des chiffres, peut-être convient-il de profiter de l'occasion qui nous est donnée pour examiner ensemble certains axes de réflexion qui peuvent se dessiner, monsieur le ministre, dans votre politique.
Les questions de l'efficacité de nos laboratoires publics, l'ouverture de ces derniers sur l'université, la mobilité des chercheurs, l'innovation et ses retombées sur la croissance économique sont des thèmes qui vous sont chers. Je crois qu'ils sont effectivement essentiels. Je serais tenté d'y adjoindre l'emploi scientifique.
A ces questions, nous n'avons pas toujours de réponse immédiate ; c'est pourquoi nous considérons qu'un débat doit être mené dans l'ensemble de notre pays, tant par les acteurs de la recherche scientifique que par la représentation nationale.
En ce qui concerne la Haute Assemblée, je renouvelle ici le souhait que j'ai exprimé au président de la commission des affaires culturelles, M. Gouteyron, de voir se dérouler très rapidement un débat essentiel pour l'avenir de notre pays.
Cela étant, un effort budgétaire important, notamment pour l'emploi scientifique, aurait permis, c'est incontestable, la tenue d'un débat plus serein sur ces thèmes.
S'agissant de l'emploi scientifique, il y a urgence pour nos jeunes docteurs et pour nos laboratoires publics qui, dès l'an prochain, verront leurs équipes amputées par de massifs départs en retraite.
Sans donner dans un triomphalisme parfois facile, il convient de rappeler que la recherche fondamentale dans notre pays, au regard des indicateurs dont nous disposons, n'a pas à rougir des résultats qu'elle obtient.
Nous ne sommes pas opposés par essence aux réformes, encore moins aux révolutions coperniciennes ou autres, encore s'agit-il de s'entendre sur un certain nombre de préalables et sur les objectifs poursuivis. Faut-il, par exemple, maintenir dans notre pays un double statut des chercheurs ?
Ainsi ce que nous dénonçons souvent pour la culture, à savoir l'envahissement du secteur marchand, la « mercantilisation », ne doit pas à présent envahir la recherche publique, notamment la recherche fondamentale, sauf à la condamner.
L'existence d'unités de recherche propres au CNRS, la mixité de la recherche universitaire, nos grands organismes, nos établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPCST, sont des originalités enviées et qu'il nous faut préserver.
Comment être opposé à une meilleure articulation entre développement des connaissances, développement technologique et développement économique ? Mais encore faut-il que cette articulation s'accompagne d'une analyse rigoureuse de la situation actuelle et de la participation essentielle de chacun des acteurs concernés.
Les grands organismes publics, l'université, le centre national de la recherche scientifique ne doivent pas être désignés comme les freins au développement de l'innovation dans notre pays.
Une très large part des responsabilités est davantage à rechercher, me semble-t-il, du côté d'une logique entrepreneuriale, souvent des très grands groupes, qui se développe contre l'emploi, contre le service public, et d'une manière plus générale, contre le développement et le progrès.
Comment, par exemple, ne pas puiser aux fins d'innovations technologiques dans le formidable vivier que constituent les thésards formés chaque année en France et qui sont contraints pour travailler de s'exiler ?
Le budget de la recherche de 1998 avait fait naître l'an dernier de grands espoirs, notamment pour l'emploi scientifique. La réalité d'aujourd'hui appelle quelques pondérations dans un domaine fragile, la recherche fondamentale, qui appelle des temps longs et une logique très éloignée des logiques comptables.
Aussi bien du côté des grands organismes, les EPCST en croissance budgétaire de 2,2 %, que du côté du CNRS, en progression de 1,6 %, les moyens de financement ne sont pas à la hauteur des enjeux de la recherche publique.
La création de 150 emplois, 100 de chercheurs et 50 d'ingénieurs, techniciens, administratifs, les ITA, ne permettra pas de compenser les départs en retraite.
Ces éléments, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne sont pas de nature, on s'en doute, à permettre un débat serein sur la réorientation de notre politique de recherche.
Des choix ont été faits à l'issue de la Seconde guerre mondiale pour doter notre pays d'un certain nombre d'outils au service du développement et pour soustraire du secteur marchand des activités jugées alors fondamentales. Le CNRS, nos grands organismes, l'évolution de l'université sont les résultats des choix d'alors.
Peut-être, le moment est-il venu de procéder à des réorientations nécessaires de notre recherche, mais encore faut-il, pour que ces réorientations s'opèrent, que ces objectifs soient définis en commun. Vous connaissez l'inquiétude de tous nos chercheurs sur la question. Je souhaite que vous puissiez leur répondre de cette tribune, monsieur le ministre.
Ce que je sais, c'est que les grandes structures demeurent, malgré des défauts qu'il faut corriger, porteuses d'une démarche démocratique.
La mise en cause des grands établissements peut provoquer une fragilisation de la recherche fondamentale, élément central et nourricier de toute action de recherche. Oui, la recherche doit être créatrice de richesses, mais une trop grande visée utilitariste peut à terme se retourner contre le développement lui-même.
L'idée que la société dans son ensemble est capable de construire un projet transformateur est encore une idée neuve en politique. Cette démarche est également nécessaire pour conduire les transformations de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Face aux horizons médiocres et à court terme de l'argent dominant, la recherche aide à penser le devenir du monde dans le long terme. Face à la guerre économique destructrice des solidarités, elle porte un souffle d'universalité. Face aux défis de l'épanouissement et de la qualification des individus, elle peut aider les sociétés à élaborer un développement durable et maîtrisé.
Cela étant, pour conclure, la discussion budgétaire est un moment important dans la lisibilité des choix politiques opérés. La durée de formation des chercheurs et des personnels techniques, la durée des projets scientifiques appellent perennité et durée, ce que le projet de budget que nous examinons n'exprime pas ou mal. Si l'on ajoute à cela les coupes claires et arbitraires proposées par la majorité sénatoriale, ce budget devient une caricature de lui-même, il ne pourra bénéficier de notre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Monsieur le ministre, informé un peu hâtivement et de façon imparfaite de la récente manifestion d'inquiétude des chercheurs, j'ai voulu savoir si vos propos et votre projet de budget justifiaient cette inquiétude.
Effectivement, mon collègue Ivan Renar vient de l'indiquer, l'augmentation des crédits de votre ministère n'est que de 1,6 %, alors que le projet de loi de finances progresse globalement de 2,3 %.
Le budget recherche et technologie, précisément, n'enregistre qu'une augmentation de 1 %, ce qui ne compense pas les réductions régulières opérées par la droite pendant quatre ans. Il ne retrouve pas non plus les augmentations de 4 % des quatre années Curien.
Est-il correct de penser que ces perspectives justifiaient une telle inquiétude de la part des chercheurs ? Sincèrement, je ne le crois pas. Cependant, il semble quand même qu'ils peuvent aussi s'inquiéter de la volonté, qui me paraît personnellement acceptable à condition que l'opération soit bien conduite, d'associer les chercheurs publics à l'entreprise privée, notamment en orientant, si possible, ces dualités d'actions vers les PME et les PMI.
Les moyens du CNRS sont amputés d'une dizaine de millions de francs à cause de la TVA et du financement de l'IFREMER.
Apparaît aussi un crédit inhabituel de 200 millions de francs pour les créations d'entreprises innovantes.
Quelques mesures nouvelles illustrent également le souci de poursuivre le redressement de la recherche fondamentale, le soutien à l'innovation technologique et des actions fortes dans le domaine scientifique proprement dit, dans la chimie de la vie et dans les secteurs humanitaire et social.
En une conclusion peut-être un peu hâtive, devant ce non-rattrapage de retards qui placent la France au cinquième rang derrière, notamment, la Suède et l'Allemagne, on paraît peut-être s'orienter un peu trop vers une collaboration, une association entre la recherche publique, qui a pour mission l'innovation technologique et plus particulièrement la recherche de nouvelles connaissances, et la recherche privée, destinée aux applications pratiques d'entreprises privées.
Est-il facile de concilier la logique de l'entreprise publique attachée à cette recherche de connaissances et la logique de l'entreprise privée qui, elle, est essentiellement mue par le souci de produire et de commercialiser ?
De plus, la présence de mesures visant à inciter à l'essaimage des chercheurs avec le nouveau fonds national de la science, orienté sur les travaux du génome et des biomolécules, suscite aussi une certaine inquiétude de la part des chercheurs, qui craignent d'être par trop mis à disposition des entreprises industrielles, pharmaceutiques en particulier.
Le projet de budget ne prévoit pas non plus d'importantes créations d'emploi pour 1999 - à peu près le quart des créations 1998 - d'où, peut-être, un renouvellement insuffisant des chercheurs.
En conclusion de cette analyse du projet de budget, on peut donc constater que, s'il y a eu en 1998 des progrès significatifs, en 1999 le recrutement sera peut-être insuffisant pour les grands équipements.
En ce qui me concerne, je reste quand même très circonspect et j'éviterai de tirer des conclusions trop négatives quant à l'organisation et à l'activité du CNRS.
Vos propos, repris par les journalistes, témoignent en effet de votre souci de rénovation forte et de transformation sensible tant en ce qui concerne les activités que la conception même du rôle des chercheurs des services publics.
Les Echos ne se gênent pas pour écrire que Claude Allègre ouvre les laboratoires de recherche aux entreprises, qu'il est fasciné par le modèle américain et, par conséquent, qu'il fait courir au modèle français des risques peut-être inutiles, voire dangereux.
Etablissement de conventions pour les rémunérations, respect du statut des chercheurs et conditions de leur participation ne semblent pas apporter à ce journal les assurances qu'il attend.
Dans votre interview accordée au journal Le Monde , vous avez de façon assez précise, me semble-t-il, justifié vos positions. Considérant que le CNRS est trop fermé sur lui-même et ne participe pas autant qu'on pourrait le souhaiter à l'évolution scientifique et technologique du pays, vous proposez aux chercheurs une mobilité vers l'entreprise ou une orientation vers l'enseignement.
Votre conception me paraît tout à fait juste : on ne peut pas être chercheur toute sa vie. Mais peut-on pour autant décider de la durée pendant laquelle un chercheur est apte à la recherche ? Peut-on décider, par exemple, qu'au bout de dix ans, qu'il ait trouvé ou non, il doit en tout état de cause prendre place dans la vie des universités, c'est-à-dire enseigner ? On peut être un excellent chercheur, mais un mauvais enseignant, même dans son domaine. Votre conception permet-elle de ne pas être aussi abrupt ? Telle est l'inquiétude qui me paraît dominer face à la nouvelle relation étroite entre la recherche et l'université.
Personnellement, j'ai le sentiment que cette conception est bonne, à condition toutefois qu'elle ne soit pas aussi catégorique au sujet du temps de recherche et que l'on ne dise pas qu'au bout de dix ans, quels que soient le trajet parcouru et les perspectivies susceptibles de survenir, on abandonne forcément toute recherche.
Des exemples récents, celui de Pierre Potier, ou d'autres, ont montré que, même passé ce laps de temps, des chercheurs avaient eu la chance de faire des découvertes qui ne sont pas sans intérêt.
Vous souhaitez favoriser l'accès des jeunes aux responsabilités, donner une composition européenne aux structures d'évolution, favoriser les transferts de l'enseignement à l'industrie, débureaucratiser, faire naître des pôles préuniversitaires.
Tous ces éléments suscitent un souffle d'inquiétude qui me paraît excessif. On ne peut cependant pas le négliger ; il convient de tenir compte de ces inquiétudes, pour les apaiser.
Je vous fais confiance sans réserve. Je crois à votre attachement au service public et à la valorisation des activités des entreprises françaises et des chercheurs pour développer plus largement leurs chances de réussite.
Il faut permettre aux chercheurs - vous avez déjà développé en d'autres occasions cette perspective - de s'associer à des activités productrices, sous réserve toutefois qu'ils abandonnent pendant un certain temps la recherche publique, et d'assumer eux-mêmes les risques.
En conclusion de cette analyse des deux caractéristiques que l'on peut trouver, l'une, dans le budget, l'autre, dans vos propositions, je pense qu'au groupe socialiste nous pouvons sans hésitation voter le budget qui est le vôtre, avec les projets qui sont les vôtres. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain, Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été dit, la recherche n'est plus une priorité nationale. Tel est, malheureusement, notre sentiment, monsieur le ministre, à la lecture détaillée de votre budget.
Comme l'a rappelé le rapporteur spécial, l'effort de recherche en France ne cesse de diminuer. Le budget pour 1999 est en très faible progression et, nous semble-t-il, manque sérieusement d'imagination. Le poids des emplois et des dépenses ordinaires s'alourdit alors que les structures opérationnelles de recherche sont délaissées, attitude quelque peu paradoxale puisque vous ne craignez pas de bousculer le monde scientifique.
Vous affirmez haut et fort que le rendement de la recherche française est globalement insuffisant. Vous vous insurgez contre le nombre ridicule de huit transferts vers l'industrie sur les 11 000 chercheurs du CNRS. Vous fustigez le manque de mobilité entre universités et organismes de recherche.
En fait, vous critiquez beaucoup, sans doute à juste raison.
La réorganisation que vous projetez, elle, est assez mal ressentie par les chercheurs. Pourtant, cette tendance au repli sur soi du monde scientifique peut être contournée.
Le Sénat a imaginé un système simple pour encourager les chercheurs à sortir de leurs laboratoires. Voilà quelques semaines, la Haute Assemblée a adopté une proposition de loi de notre collègue M. Pierre Laffitte visant à permettre aux chercheurs de valoriser le résultat de leurs travaux en créant des entreprises innovantes ou en participant à leur création. Cette initiative apporte une première réponse aux difficultés que rencontre la recherche publique : absence de valorisation, manque de diffusion de l'innovation, insuffisance de retombées industrielles.
Le dispositif public de recherche a besoin d'une politique stratégique, élaborée en concertation avec les acteurs du monde scientifique. Car le vrai défi de la recherche, c'est de permettre à nos entreprises d'innover sans cesse pour résister à la concurrence internationale et emporter des marchés. Aujourd'hui, la part de la France dans les brevets européens est en baisse dans les domaines qui, demain, seront porteurs d'emplois : la santé, la science du vivant, les technologies de l'information.
Vous l'affirmez vous-même : les organismes publics de recherche n'assument plus leurs missions. Pour répondre à cette insuffisance, vous annoncez la création d'un Conseil national de la science.
Voilà une mesure qui nous laisse quelque peu perplexes. Elle s'inscrit dans cette tradition bien française, rodée depuis des années, qui consiste à régler les problèmes par la rédaction d'un rapport ou la création d'un organisme nouveau, conseil ou comité.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. C'est dans le même esprit que ce qu'avait fait le général de Gaulle !
M. Jean-Louis Lorrain. Comme s'il n'y en avait pas assez ! Quoi qu'il en soit, vous assignez à ce CNS une mission lourde de responsabilité : éviter que la France ne passe à côté d'une grande évolution scientifique.
Je ne crois pas à la vertu des structures pour modifier le cours des choses. Ce dont la recherche française a besoin, c'est d'un signe fort en faveur de la libération des initiatives, un soutien à la mobilité des chercheurs entre laboratoire et université, entre laboratoire et entreprise.
Le volet majeur de votre réforme consiste en la modification des statuts des organismes de recherche. Quelques jours après l'annonce de votre projet, devant la vive émotion des chercheurs, vous l'avez quelque peu amendé : le CNRS ne sera pas tout à fait réduit à une agence de moyens, dispensatrice de crédits et dépourvue de politique scientifique autonome.
Réformer le CNRS pour développer les partenariats avec l'industrie, encourager le transfert de technologie vers les PME, valoriser les brevets : sur ces objectifs, nous sommes tous d'accord. Mais comment un tel organisme peut-il assurer ses missions avec des moyens limités ? Comment peut-il remplir ces nouvelles tâches, alors que les dépenses en personnels représentaient, en 1998, 80 % du montant total des subventions ?
Votre vision de l'organisation de la recherche est un pari risqué. Peut-on transférer le standard américain sur le modèle français, caractérisé par une recherche publique structurée autour de grands organismes absorbant plus des deux tiers du budget ? J'ai bien compris : vous vous en défendez. Le dernier tiers revient aux universités et aux grandes écoles.
Cette répartition s'enracine dans l'histoire. Le CNRS a été créé après la guerre pour remédier à l'incapacité des universités à organiser la recherche scientifique ; cela a-t-il changé depuis ? Les quatre-vingt-deux universités françaises sont-elles en mesure d'impulser une politique scientifique, une stratégie de recherche sans moyens financiers suffisants, sans autonomie ?
Votre dessein se heurte à des résistances très fortes. Les chercheurs s'inquiètent de la multiplication des conseils d'orientation ou des comités de coordination, véritables instruments de pilotage et d'encadrement de la politique de recherche. Vous ne pourrez motiver les scientifiques qu'en les associant à la rénovation du système, ce que, je pense, vous ne manquerez pas de faire.
Quelles sont les priorités clairement définies, la méthode et la stratégie retenues ? Heureusement, monsieur le ministre, que nous avons la presse scientifique pour nous annoncer votre projet de loi, suite aux Assises de l'innovation, qui a pour objet de maintenir, de rapprocher la recherche publique et l'entreprise. Vous souhaitez créer les incubateurs au sein d'universités et d'organismes de recherche publics, en ouvrant les laboratoires aux petites entreprises : nous ne pouvons qu'y être favorables.
Vous annoncez la création d'une agence nationale d'essais thérapeutiques à la disposition d'entreprises privées. Nous aimerions avoir plus de précisions sur l'accompagnement : avez-vous prévu un fonds d'amorçage ou de capital à risques en cette périonde budgétaire ?
Monsieur le ministre, j'ai cru comprendre que, par ailleurs, vous ne souhaitiez pas un grand débat sur la politique de recherche publique. Est-ce très différent des états généraux de la santé ? N'est-il pas nécessaire de donner une valeur sociale à la science ? Certains pensent que la recherche fondamentale vaudrait plus par la compétence techno-scientifique collective acquise et diffusée.
La pratique de la recherche permettrait un haut niveau de qualification diffusé par les institutions, puis vers le système de production.
Les missions des chercheurs sont définies par la loi. En évoquant le besoin de débat, nous insistons sur la diffusion des savoirs, la prise en compte de la communication de l'information, du contexte médiatique, des nécessités éthiques, qui ouvrent la recherche et lui donnent une dimension à la fois culturelle et sociologique.
Jean-Marc Levy-Leblond rappelle la loi d'orientation de 1982, qui précise que les « personnels de recherche, devront pouvoir exercer successivement ou simultanément des fonctions de recherche, d'enseignement, d'administration ou de valorisation de la recherche ». Tout est dit, il reste à faire.
Le changement de mentalité doit précéder et accompagner celui des structures.
Votre politique, monsieur le ministre, nous laisse dubitatifs. Pourtant, nous savons que vous avez une grande ambition pour la recherche française, dont vous êtes l'un des plus éminents représentants.
Le budget que vous nous présentez, malheureusement, ne traduit pas cette ambition.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais être assez bref pour des raisons d'emploi du temps.
Faut-il continuer à considérer que l'augmentation des crédits suffit pour mener une politique scientifique comme on l'a fait depuis un certain nombre d'années ? Ma réponse est non !
Aujourd'hui, la France dépense à peu près les mêmes sommes que les autres grands pays industrialisés, mais plus que la Grande-Bretagne par rapport au nombre d'habitants.
Récemment, dans une revue internationale, des experts britanniques, avec des méthodes que l'on peut discuter - et je ne manquerai pas de le faire - ont procédé à une évaluation. Ils estiment qu'un franc consacré à la recherche en Grande-Bretagne est 2,3 fois plus productif que la même somme utilisée en France. Quelque chose n'est pas inexact dans une telle affirmation.
La recherche française est bonne, mais elle est inégale ; dans certains secteurs, elle n'est même pas très bonne. Il est vrai que son évaluation n'est pas très rigoureuse et qu'un certain nombre de défauts peuvent être soulignés. J'en relèverai deux essentiels.
Le premier tient au fait que, dans un monde où la création d'entreprises innovantes est devenue le principal moteur des économies modernes, notre recherche ne crée pas d'entreprises innovantes. Mieux : un récent rapport montre que les chercheurs se situent au dernier rang des catégories socioprofessionnelles qui créent des entreprises.
Le deuxième défaut provient de ce que les jeunes n'ont plus la place qu'ils occupaient auparavant dans la recherche française. L'âge moyen des organismes a vieilli ; mais, plus encore, l'autonomie scientifique est de plus en plus difficilement accordée aux jeunes. Les procédures sont telles qu'un certain nombre de chercheurs - cela se vérifie depuis quelques années - émigrent, ou plus exactement restent là où ils ont effectué leurs stages postdoctoraux, ce qui ne se produisait pas auparavant.
Que faut-il faire ?
D'abord, il ne faut imiter aucun pays globalement ; chacun a son histoire, ses traditions, ses structures, ses mentalités. Je n'admire pleinement ni le système américain, ni - encore moins d'ailleurs - l'académie des sciences d'Union soviétique, et je n'ai l'intention d'imiter ni l'un ni l'autre. Contentons-nous de retenir ce qui est intéressant et qui peut être greffé sur notre système.
Je n'ai pas du tout l'intention de supprimer les organismes de recherche français, hérités de l'histoire, encore que la question pourrait se poser en théorie. Il convient d'utiliser ce que nous avons pour essayer de faire du neuf, comme en génétique.
Rénover les organismes de recherche signifie d'abord les « débureaucratiser ». Les administrations de la recherche ont crû de façon extraordinaire. Pour définir des programmes et des financements, il faut remplir des tonnes de papier. Le nombre de procédures est de plus en plus développé. Bien que ce point figurât dans la lettre de mission des directeurs d'organisme que j'ai nommés, je ne vois aucun recul en ce domaine ; par conséquent, j'ai décidé de m'en occuper moi-même.
Ensuite, je crois, comme je l'ai dit tout à l'heure, lors du débat sur l'enseignement supérieur, que notre recherche doit être plus intimement liée à la transmission du savoir. Notre recherche et nos organismes de recherche doivent être plus nettement liés avec les universités et les grandes écoles,...
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... de manière à apporter à ces dernières leurs capacités de création et d'invention et à recevoir en retour tout ce qu'on peut recevoir de jeunes qui sont versés dans les grandes innovations.
C'est ce va-et-vient entre l'innovation traduite immédiatement dans l'enseignement et la contestation intellectuelle par les jeunes qui permet un progrès dans la science.
A cet égard, il faut donner sans hésiter leur chance aux jeunes, c'est-à-dire leur faire de la place et leur permettre d'accéder, dès qu'ils en ont les talents et la volonté, aux responsabilités. Il est anormal que les jeunes ne soient pas responsables de leurs programmes de recherche, comme cela se passe dans d'autres pays.
Voilà des objectifs simples, doublés, bien sûr, d'une véritable évaluation, c'est-à-dire d'une évaluation comparative dans tous les domaines avec les principaux pays concurrents, parce que c'est ainsi que la recherche progresse aujourd'hui. Dans un contexte de mondialisation, toute recherche qui n'est pas une recherche d'excellence ne sert à rien. C'est terrible, mais c'est comme ça !
Il faut donc spécialiser les équipes, rechercher l'excellence partout et se faire une place sur le plan international. Nous pouvons le faire ; certains l'ont fait, d'autres le font et le feront.
Il faut mettre en oeuvre à cet effet un processus permettant de définir les priorités. Et ce n'est pas facile !
A partir du moment où les dépenses de recherche se mesurent en pourcentage du PNB, il est clair que les priorités ne peuvent être fixées que par l'ensemble du pays et par le Gouvernement.
A ce propos, et en réponse à un intervenant, je tiens à dire que je suis prêt à débattre à tout moment de la politique de recherche avec le Parlement, que ce soit au Sénat ou à l'Assemblée nationale. J'en ai déjà fait la preuve. Chaque fois que vous m'avez invité, je suis venu.
Il n'y a aucune hésitation à cet égard : le Parlement et le Gouvernement sont responsables vis-à-vis du pays.
A l'évidence, il faut tenir compte de l'avis des chercheurs. Cependant, si nous demandions aux chercheurs de voter pour définir les priorités de la recherche, par définition on aboutirait à une moyenne, et on n'innoverait pas.
M. Ourisson, dans un excellent article, a écrit récemment : « Tout processus strictement démocratique dans la recherche conduit à l'absence d'innovation. »
Il est donc extrêmement important de prendre des risques dans la recherche et de pratiquer une évaluation a posteriori.
La recherche s'inscrit dans la démocratie intellectuelle, mais une démocratie différée : au moment où l'on fait une découverte, on est généralement minoritaire ; on n'est majoritaire que plus tard. Si l'on fait voter dans l'actualité, des phénomènes de mode jouent et tout le monde dit la même chose.
Il y a là un problème très difficile à résoudre.
Le fait de sélectionner des personnes de qualités, d'origines et de nationalités diverses pour définir des priorités scientifiques d'un certain type est un processus qui permet de contourner en partie cet inconvénient.
Ma propre conception, qui a été validée par le Gouvernement, consiste à croiser deux démarches.
Les organismes de recherche fondamentale doivent faire remonter leurs propositions. Il m'arrive d'entendre ou de lire que j'ai l'intention de « piloter » des organismes de recherche. C'est exactement à l'opposé de ma volonté.
Je le répète, je considère que les organismes doivent faire remonter leurs propositions. Je leur ai d'ailleurs demandé, pas plus tard qu'il y a trois jours, de préparer une lettre pour formuler leurs priorités. Je ne leur ai donné qu'un mois de délai pour le faire car, s'ils ne sont pas capables de répondre dans ce laps de temps, cela signifierait qu'ils n'ont pas réfléchi au problème des priorités ; les choses seront claires.
Pour un organisme tel que le CNRS, c'est encore plus compliqué que cela. Il s'agit pour lui de définir les grands secteurs de recherche et, ce qui n'a pas été fait dans notre pays, de changer les priorités.
Aujourd'hui, un grand débat a lieu en Grande-Bretagne parce que le nouveau ministre de la recherche a décidé, comme nous le déciderons probablement au mois de février pour l'ensemble du pays, que la grande priorité, ce sont les sciences de la vie, la médecine et la recherche médicale, les technologies de l'information et de la communication venant ensuite.
Il faut changer les priorités traditionnelles de la recherche.
Naturellement, un certain nombre de secteurs ne seront pas de cet avis, ceux qui bénéficient de la priorité depuis longtemps.
Chaque organisme doit fixer ses priorités. Mais en outre, une coordination interorganismes, qui faisait défaut jusqu'ici, doit se mettre en place. A cette fin, nous avons créé un comité de coordination des sciences du vivant, présidé par Mme Le Douarin, professeur au Collège de France. Il existe déjà une coordination pour les sciences humaines et bientôt nous aurons une coordination pour les sciences de la terre et de la planète.
D'un autre côté, nous devons fixer des priorités obéissant à des impératifs nationaux. Nous allons nous y employer avec le Fonds national de la science et le Fonds national de la recherche technologique, car il faut conforter à la fois la recherche fondamentale, qui demeurera la priorité de base, et la recherche technologique.
Quant au CNRS, à lui d'établir ses grandes priorités, à l'intérieur desquelles il doit laisser ses équipes - et surtout les jeunes - faire eux-mêmes leurs propositions. Je ne souhaite pas qu'il soit procédé à une programmation interne à l'organisme. Laisser des jeunes faire des propositions de recherches, les sélectionner, les aider, avec une marge d'erreur indispensable, telle est la bonne manière de faire naître l'innovation, ce qui est notre préoccupation principale.
Voilà la ligne qui est suivie et sur laquelle je m'exprimerai le moment venu.
Pour ce qui concerne le Fonds national de la science, nous avons discuté, avec le Conseil national de la science, d'un certain nombre de priorités : ce qui touche au génome, l'association de la technologie et de la médecine, que ce soit en télémédecine, en instrumentation médicale ou en imagerie médicale. Nous aurons l'occasion de discuter de tout cela, car je viendrai devant l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques pour en parler avec vous et écouter vos suggestions.
Le projet de loi sur l'innovation viendra en première lecture au Sénat, normalement, le 18 février. J'espère qu'il aboutira assez vite.
Ce n'est pas, comme on l'a écrit ici ou là, un projet de loi qui vise à vendre la recherche au secteur privé. Il permettra aux chercheurs du secteur public d'être plus libres, dans le cadre de la réglementation actuelle, c'est-à-dire d'exploiter plus librement leurs propres découvertes, de nouer des contacts avec des entreprises sans être toujours suspectés de faire je ne sais quelle manipulation...
Il instaurera aussi un certain nombre de facilités dans la gestion des organismes, qui sont soumis à des règles administratives parfois invraisemblables.
Ce projet de loi donnera la possibilité de créer des entreprises beaucoup plus librement.
Cela étant, les choses avancent et, comme le disait M. Laffitte tout à l'heure - lui qui a présenté une proposition de loi sur l'innovation qui se retrouve pour partie dans notre projet de loi - on ne peut pas attendre.
C'est pourquoi le concours de création d'entreprises innovantes sera lancé dans quinze jours, selon les modalités suivantes : il y aura un concours d'idées et des jurys se prononceront, car ce n'est pas le ministère de la recherche qui va décider, bien sûr ! A partir de la décision des jurys, des sommes d'argent seront délivrées aux chercheurs pour qu'ils préparent leur projet définitif, lequel devra comportera un business plan, des plans de financement, etc., étant entendu qu'un certain nombre de règles seront fixées.
Nous parlions tout à l'heure des liens avec le privé. J'ai décidé de cesser, me conformant aux conclusions du rapport Guillaume, de financer directement les grandes entreprises.
Jusque-là, la France distribuait 85 % de son budget de recherche entre huit groupes industriels. Les évaluations que j'ai demandées sont très sévères sur cette procédure. A l'exception de l'aéronautique, nous avons décidé de mettre fin à cette aide, au profit d'une aide aux PME et PMI innovantes.
Ce choix est clair. Je l'ai assumé en face de patrons de grandes entreprises et, paradoxalement, bien qu'ils aient été plutôt contre au début, ils ont décidé, par la suite, de verser eux-même des sommes dans les fonds d'investissements communs. Je préfère cela plutôt que de verser directement cet argent. Pourquoi ? Pour une double raison.
Lorsqu'une entreprise finance sa propre recherche, on est sûr qu'elle examine avec soin les débouchés que cette recherche aura, en particulier les débouchés commerciaux. Lorsque le financement est assuré par l'Etat, il s'agit souvent de fonctionnaires du ministère qui projettent leurs propres idées plutôt que celles de l'entreprise, et cet investissement donne rarement des résultats.
Or, autant la recherche fondamentale doit être libre de toute contrainte et réfléter l'imagination des chercheurs, autant la recherche appliquée a une finalité : gagner de l'argent. Au départ, elle est programmée avec un résultat commercial. Telle est la trame générale.
Je ne crois pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que la recherche s'effectue à partir du ministère. Elle est le fait de laboratoires publics ou privés. Mais c'est la recherche publique qui est le moteur. Je vous citerai un chiffre.
Dans le domaine de l'invention des médicaments, voilà vingt ans, la France était le deuxième pays du monde. Elle se place maintenant au septième rang. On a cru, pendant très longtemps, que cela était dû à l'absence de grands groupes industriels. Mais l'étude qui a été réalisée récemment par une célèbre firme française - demain, elle sera plus célèbre encore - montre que 85 % des médicaments ont d'abord été inventés dans des laboratoires de recherche fondamentale, puis commercialisés.
Cette firme en a déduit ipso facto qu'elle devait supprimer un certain nombre de ses laboratoires de recherche fondamentale pour financer la recherche publique. Je regrette qu'elle ait commencé par financer deux laboratoires américains, avec force argent !
J'ai pris cet exemple pour vous montrer que, tout en restant dans son rôle, la recherche fondamentale, constitue un élément essentiel dans la dynamisation économique.
D'ailleurs, tout le monde sait que le Massachusetts Institute of Technology, le MIT, a créé, à lui seul, environ quatre mille entreprises au cours des trois dernières années. Le MIT n'est pas une université gigantesque de cent mille étudiants : il n'en compte que cinq mille !
Nous avons donc, me semble-t-il, les moyens de restructurer notre recherche : autour des universités en tissant des liens avec l'industrie. Je ne souhaite pas du tout que l'université, la recherche soit vendue, comme on dit, à l'industrie. Au contraire, chacun doit rester lui-même. Par exemple, en cas d'attribution de bourses par l'industrie aux universités, il faut laisser ces dernières choisir les élèves qui en bénéficient. Mais il faut nous orienter vers une telle structure.
Je souhaite répondre maintenant à quelques questions ponctuelles qui m'ont été posées.
En ce qui concerne tout d'abord le domaine spatial, notre situation est tout à fait particulière. La France est, en effet, le moteur de l'Europe spatiale, ce qui n'est pas très bien supporté de l'autre côté de l'Atlantique, pas plus que ne l'est notre compétition en aéronautique.
Dans le même temps, nous avons à définir une nouvelle politique spatiale, parce que la technologie évolue considérablement. Aux satellites de type SPOT, qui sont de gros satellites aux nombreuses fonctions, se substituent maintenant des constellations de petits satellites, qui seront de plus en plus bon marché, donc à la portée du plus grand nombre, à condition d'avoir les moyens de les lancer.
Avec ses partenaires européens, la France a développé un très bon lanceur, Ariane 5, ce qui représente un exploit considérable. Toutefois, le coût d'un lancement d'Ariane est trop cher d'un facteur 2 par rapport à l'évolution des prix. Chaque lancement d'Ariane coûte 800 millions de francs. Or, pour des raisons d'assurance, on ne peut pas en lancer plus de treize satellites avec Ariane, alors que, techniquement, on pourrait probablement, dans le futur, lancer trente à quarante petits satellites ; mais les compagnies d'assurance ne les assureront pas. Par conséquent, premier problème : l'Etat va-t-il accepter d'assurer les lancements d'Ariane ? Il s'agit d'une question importante.
Il est un deuxième problème : nous n'avons pas de lanceur en orbite basse. Alcatel vient d'en faire la cruelle expérience en utilisant un lanceur russe qui a détruit d'un coup douze satellites du programme Globalstar, laissant du même coup le champ complètement libre à l'autre consortium, Iridium dont, le chef de file est Motorola.
C'est la raison pour laquelle la France est favorable au projet italien, auquel d'ailleurs elle participe, de construction d'un lanceur en orbite basse.
Derrière cette politique technique se trouve une politique scientifique.
Je me suis opposé à la politique des vols habités - et ce qui se produit aujourd'hui sur la station spatiale me donne raison tous les jours - surtout parce que cette politique nous arrimait définitivement aux Etats-Unis d'Amérique et que nous n'aurions plus, alors, d'indépendance spatiale.
Cela dit - et je crois que cette position a été comprise - il faut définir une politique spatiale.
La première chose est d'observer la terre - observation qui présente de multiples intérêts - avec des appareils puissants, performants, non seulement pour faire des images, mais également pour analyser ces images, ce que nous ne faisons pas suffisamment.
Pour ce qui est des télécommunications et des processus de navigation, la France se doit de disposer d'un système de satellite opérationnel non seulement pour ce qui est visible, mais également pour ce qui ne peut être détecté qu'au moyen du radar ou de l'infrarouge.
L'Europe doit disposer d'un GPS indépendant. On ne peut pas, dans un domaine aussi sensible, dépendre éternellement de nos amis américains !
Nous avons là, me semble-t-il, un champ d'action qui est clair. Mais il nous faudra gagner la guerre des prix. Je le dis en toute quiétude, l'une des grandes choses qu'a faites M. Goldin, administrateur général de la NASA, qui venait de l'industrie spatiale, c'est d'avoir su faire baisser les prix d'un facteur 5 en disant : « Je veux cela pour tel prix. »
Nos industries sont très habituées à fixer elles-mêmes les prix, qui sont trop élevés. Elles cèdent souvent à la facilité, parce que, finalement, il s'agit d'un marché captif. Mais, demain, nos partenaires européens se moqueront éperdument de savoir si le fabricant est français ou américain et choisiront le moins cher.
Notre industrie spatiale doit donc parvenir à s'adapter et à baisser ses prix : elle doit réaliser des satellites plus petits, plus performants et moins chers.
Tel est le défi auquel nous sommes confrontés en France, et l'Agence européenne, devra probalement, elle aussi, évoluer dans ce sens. Je crois que nous avons des possibilités d'action dans ce domaine.
La deuxième priorité - mais son coût sera bien moindre, grâce à Ariane 5 - c'est de réussir la grande aventure extraterrestre de demain, qui, vous le savez, sera l'exploration de Mars. Nous avons signé un accord avec les Américains pour procéder à un retour d'échantillons de Mars en 2005, le lancement étant assuré par Ariane 5. La participation financière française tiendra donc essentiellement au lanceur.
Les études sont très encourageantes et nous serons donc présents dans cette grande aventure que constituera le retour d'échantillons de Mars. Pour ma part, je souhaite que d'autres partenaires européens se joignent à nous ; je crois que tel sera le cas.
Toutefois, pour vous donner un ordre de grandeur, la station spatiale représente 500 milliards de francs, contre 2,5 milliards de francs environ pour le retour d'échantillons de Mars. Nous jouons donc dans la cour dans laquelle nous pouvons jouer, en restant fidèles à ce que nous représentons.
A cet égard, je dis toujours, et je le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, que nos ingénieurs développent des engins compétitifs avec ceux des Américains pour cinq fois moins de dépense. C'est tout à leur honneur de dépenser cinq fois moins pour faire aussi bien !
Nous n'avons donc pas l'intention d'être autre chose que les leaders en Europe et, finalement, de rester nous-mêmes dans cette compétition spatiale.
Dans le domaine de la communication et de l'information, nous avons un problème plus difficile à résoudre. Je l'esquisserai simplement, car il est des problèmes industriels qui ne doivent pas être mis sur la place publique.
Sans être privatisée - la majorité se trouve toujours entre les mains de l'Etat - France Télécom est devenue une entreprise. A la suite de ce changement de statut, le Centre national d'études des télécommunications, qui comprend de nombreux chercheurs valeureux, est devenu le laboratoire de recherche d'une entreprise. En conséquence, si nous ne faisons rien, nous n'aurons plus de centre de télécommunications.
L'existence de ce centre national d'études des télécommunications avait entravé le développement, par les autres organismes de recherche, de réalisations très puissantes dans ce domaine. Nous devons donc probablement favoriser une nouvelle orientation. Un certain nombre de chercheurs du Centre national d'études des télécommunications souhaitent ne pas être confinés dans France Télécom.
Naturellement, il nous faut régler d'autres problèmes de concurrence avec Cegetel et autres ; la situation ne peut rester en l'état.
L'Institut national de recherche en informatique et en automatique, l'INRIA, qui effectue un excellent travail sur les parties théoriques, est probablement beaucoup moins tourné que les ingénieurs du CNET sur les problèmes expérimentaux. Il n'est donc pas interdit de penser, si ce n'est à une fusion, du moins à une certaine synergie entre ces organismes. En tous les cas, le Gouvernement oeuvre dans ce sens.
Il en est de même pour l'Office national d'études et de recherches aérospatiales, l'ONERA, qui est sous statut militaire. Il se trouve dans une situation un peu difficile. Il serait dommage que la France se prive d'un tel organisme.
Sur tous ces domaines, je peux vous assurer que nous réfléchissons. Le moment venu, quand la situation sera mûre, nous vous ferons part des évolutions qui seront intervenues. Des problèmes restent à résoudre sur l'avenir de l'aéronautique française, que je qualifierai « de pointe ».
Enfin, dernier point, monsieur Laffitte, il existe effectivement un groupe de coordination entre le ministère de la défense et celui de la recherche. Mais, pour des raisons évidentes, ces réunions ne font pas l'objet d'une grande publicité. Nous essayons simplement de coordonner les efforts des recherches militaire et civile, de manière à assurer la plus grande rentabilité possible de l'argent public. Par conséquent, les contacts existent entre les deux ministères, comme ils ont lieu avec les autres ministères, tout à fait normalement.
Je ne crois pas, encore une fois, aux bouleversements structuraux. Mais je crois à des évolutions vigoureuses et nécessaires. Je prendrai le temps qu'il faudra, mais j'agirai dans ce sens, parce que notre recherche ne peut pas rester figée.
Tous les intervenants ont souligné la nécessité pour nos chercheurs d'être mobiles. Le concept de chercheur à temps plein pendant une période de la vie, tel que les Français l'ont développé, me semble une bonne idée. Il ne faut pas que les chercheurs, dans leur période de créativité, soient soumis à une tension excessive comme ils le sont dans d'autres pays. Il est bon de leur donner une sécurité de l'emploi. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'ils doivent rester chercheurs toute leur vie. A un certain moment, ils doivent pouvoir exercer d'autres activités dans d'autres secteurs. Ils peuvent partir dans l'enseignement - mais tous ne sont pas capables d'enseigner - dans l'industrie ou dans d'autres secteurs.
M. Beffa me disait qu'il avait commencé à embaucher des chercheurs hors des laboratoires de recherche, et il trouvait qu'ils excellaient dans le management et dans d'autres activités.
La formation par la recherche est très féconde.
Cela ne signifie pas pour autant que les chercheurs ne peuvent pas revenir, après un certain temps, à la recherche. Nous avons apporté, me semble-t-il, une certaine mobilité, et ce pour deux raisons sur lesquelles je voudrais insister parce qu'elles sont symétriques.
Tout d'abord, si la mobilité est plus importante,un plus grand nombre de jeunes seront embauchés et le turnover sera plus élevé. C'est une bonne chose. Ensuite, en changeant de secteur, les chercheurs transmettent leurs connaissances. S'ils vont dans l'industrie, ils apportent leurs connaissances. S'ils restent dans leur organisme, ils publieront au mieux des publications qui s'ajouteront à celles qui existent déjà.
Dès que nous estimerons que la recherche est structurellement en ordre de marche - je pense notamment aux jeunes - elle redeviendra une priorité sur le plan budgétaire. Elle est une priorité intellectuelle du Gouvernement ; elle reste le ferment essentiel de notre essor économique. Mais il ne suffit pas de le dire, encore faut-il le prouver. D'autres l'ont fait ; j'espère qu'il en sera de même pour nous. Ainsi, ce qui se passe actuellement en France sur le génome est susceptible de changer assez radicalement le paysage dans ce secteur. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et du RDSE. - M. le rapporteur général et M. le rapporteur spécial applaudissent également.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C, et concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : III. - Recherche et technologie.

ÉTAT B

M. le président. Titre III : moins 4 432 882 832 francs. »

Sur ces crédits, la parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la recherche scientifique est un élément déterminant de l'aménagement du territoire.
En dépit de certains efforts accomplis depuis quelques années, le Nord - Pas-de-Calais souffre toujours d'un déficit en matière de recherche, que ce soit en termes d'emplois scientifiques, d'équipements ou d'effectifs en troisième cycle.
Ainsi, la région Nord - Pas-de-Calais, qui représente 6 % du produit intérieur brut et compte 4 millions d'habitants, ne possède que 1 % de l'effectif national des chercheurs.
Cette répartition inégale des chercheurs est un manque à gagner. L'un des moyens de rattraper ce retard est l'implantation de nouveaux équipements.
La région Nord - Pas-de-Calais espère ainsi beaucoup de l'implantation du projet Soleil. Un équipement de ce type occupe quatre cents personnes par mois et est utilisé par deux mille personnes chaque année. Il attire les laboratoires privés.
J'ai noté avec intérêt, monsieur le ministre, que les scientifiques de six régions ont tenu la semaine dernière une conférence de presse à l'Académie des sciences pour dire ensemble : « Qu'importe le lieu, nous sommes dans l'urgence ! »
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des affaires culturelles du Sénat, que l'implantation d'un équipement scientifique ne crée pas, à elle seule, des emplois et qu'il fallait attirer les chercheurs. Assurément, mais l'implantation d'un équipement ou d'un laboratoire est quand même, reconnaissez-le, la première condition pour créer des emplois scientifiques.
Quant à attirer les chercheurs, je crois que le conseil régional du Nord - Pas-de-Calais investit beaucoup pour faire de cette région une terre d'accueil où il est agréable de vivre et de travailler. Les images d'Epinal commencent à s'estomper.
Le développement de la recherche est aussi une condition d'une formation de haut niveau. Or le nombre d'étudiants en troisième cycle de l'académie de Lille représente 10 % des étudiants inscrits. Cela la classe parmi les dernières académies à l'échelle de notre pays. Pour les académies de Créteil et de Versailles, ce taux s'élève à plus de 14 % ; pour celles de Montpellier et de Marseille, le taux s'établit à plus de 15 %.
Il faut donc réaliser des efforts beaucoup plus importants pour développer les formations de haut niveau, renforcer les équipes en place par des créations d'emplois, créer de nouveaux équipements et développer l'emploi scientifique.
L'élaboration des prochains contrats de plan et la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ne doivent-elles pas être l'occasion pour l'Etat de renforcer son intervention dans une région qui a beaucoup donné à la France et qui n'a pas toujours reçu ce à quoi elle avait droit eu égard à ses besoins mais aussi aux efforts que consentent et sont prêtes à consentir les collectivités locales et, en premier lieu, le conseil régional du Nord - Pas-de-Calais, dont vous connaissez l'engagement résolu ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, le prix de tout équipement important est forcément imputé sur un budget, en l'occurrence - et il n'y a pas de mystère - sur celui de ceux qui le proposent. On ne sort pas l'argent de sa poche.
Je souhaite que la construction de tels équipements soit à chaque fois discutée librement et non par les groupes de pression de ceux qui les utiliseront. Je souhaite, par ailleurs, qu'ils soient autant que possible financés à l'échelon européen. L'expérience prouve, d'une part, qu'ils reviennent ainsi moins chers et, d'autre part, qu'ils sont mieux rentabilisés.
J'ai chargé M. le professeur Clavin, qui n'est partie prenante d'aucun lobby, de se rendre chez nos voisins puis de rédiger un rapport. Je connais déjà les réponses d'un certain nombre de mes collègues européens.
Il existe un certain nombre de synchrotrons en Europe et deux de la dernière génération aux Etats-Unis. Il faut s'assurer que l'Europe en a vraiment besoin avant de décider d'en construire un supplémentaire. Le jour où nous disposerons du rapport, où nous pourrons comparer les coûts, le Gouvernement tranchera dans le cadre de sa politique budgétaire. Mais il faut savoir que l'argent sera prélevé sur les budgets existants. Il n'y aura pas de budget supplémentaire car on ne sort pas ainsi de l'argent de la poche des contribuables.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très bien !
M. le président. Par amendement n° II-20, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits figurant au titre III de 915 261 208 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à moins 5 348 144 040 francs.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, vos propos ne peuvent naturellement que réjouir le rapporteur général de la commission des finances. En effet, vous avez tenu, tout au long de ce débat, un langage rigoureux et responsable, et je tiens à vous en rendre hommage.
Que nous avez-vous dit au cours de votre intervention ? Vous avez, tout d'abord, posé une question : l'augmentation des crédits suffit-elle à faire une politique scientifique ? Vous avez répondu par la négative. Vous nous avez rappelé que la France dépense plus que la Grande-Bretagne, toutes choses étant égales par ailleurs, mais qu'un franc dépensé dans la recherche en Grande-Bretagne est peut-être deux fois plus efficace qu'un franc dépensé chez nous.
Vous avez relevé l'évaluation parfois insuffisamment rigoureuse des travaux de recherche ; vous avez rappelé que les chercheurs ne créent pas assez d'entreprises ; vous avez surtout dit qu'il fallait « débureaucratiser » un certain nombre de grands établissements de recherche et s'engager vers des réformes structurelles.
Les préoccupations que vous avez exprimées, monsieur le ministre, rejoignent bien évidemment les remarques qui ont été formulées par notre excellent rapporteur spécial. M. Trégouët a rappelé que les crédits de la recherche, comme ceux des autres budgets, doivent concourir à la maîtrise globale des dépenses de fonctionnement de l'Etat. Il a également souligné que les subventions de fonctionnement des établissements publics à caractère scientifique et technique devraient être au moins stabilisées. Il s'est interrogé, par ailleurs, sur le partage de l'effort entre la recherche publique et la recherche privée. Il a également cité le rapport très intéressant de M. Henri Guillaume, qui constitue l'une des bases du projet de loi sur l'innovation que vous allez prochainement soumettre au Parlement. Il a, enfin, exprimé le souhait de voir croître le montant des capitaux privés à destination des entreprises innovantes.
Or, monsieur le ministre, dans ce contexte, l'amendement n° II-20 a valeur de signal. Il s'inscrit dans le cadre d'une politique économique et budgétaire que nous avons essayé de redéfinir avec les moyens dont nous pouvons disposer ici et compte tenu des contraintes, rappelées opportunément cet après-midi par M. le président de la commission des finances, issues de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
Nous ne pouvons, pour manifester nos intentions et nos préoccupations, que procéder à des réductions de crédits.
M. Raymond Courrière. Soucis politiciens !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, si nous avions de telles préoccupations, nous procéderions autrement, mon cher collègue. Nous avons le souci de l'intérêt général et de l'avenir, ce qui nous conduit, dans le cadre que j'ai rappelé et sur lequel je n'insiste pas, car tout le monde ici le connaît, à vous proposer l'amendement n° II-20, qui aurait simplement pour effet, au plan budgétaire, de stabiliser globalement à 53 milliards de francs le budget civil de recherche et de développement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je ne vais pas vous donner mon accord pour réduire le budget ! Je suis donc défavorable à l'amendement n° II-20.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-20.
M. Ivan Renar. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. La majorité sénatoriale nous invite à voter le budget de la recherche après l'avoir amputé de près de un milliard de francs, ce que M. Marini appelle « stabiliser », alors même que ce budget ne connaîtra pas la progression que l'on pourrait souhaiter pour mener l'offensive sur le terrain de l'emploi scientifique.
Voilà à peine quelques semaines, la Haute Assemblée examinait de manière consensuelle une proposition de loi de notre collègue Pierre Lafitte visant à permettre aux chercheurs des laboratoires publics de mener à bien des expériences innovantes.
Combien de fois, ici même, n'avons-nous entendu des doléances justifiées quant aux départs de nos jeunes chercheurs à l'étranger ?
Pourtant, c'est cette même logique comptable du très court terme qui conduit, ici, à l'amputation de un milliard de francs de crédits et, là, aux difficultés des laboratoires, à l'exode des « post-doctorants ».
Rien ne serait plus inadapté que de réduire dans la période d'intenses mutations scientifiques et technologiques qui est la nôtre, l'effort de l'Etat en matière de recherche et notamment de recherche publique.
L'absence de quelques millions de francs peut avoir des incidences dramatiques sur l'existence des laboratoires et des équipes de recherche.
Comment peut-on faire siens des sujets comme l'innovation et l'emploi scientifique et proposer, dans le même temps, des coupes drastiques et « arbitraires » dans le budget de la recherche ?
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen s'oppose catégoriquement à l'amendement n° II-20 de la majorité sénatoriale qui fait de ce budget un budget étriqué, un budget de sacrifices, non conforme aux exigences de civilisation et de progrès.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Dans mon intervention, j'ai fait remarquer que ce budget était déjà un peu juste et un peu inférieur au budget de l'année précédente.
Par conséquent, rejoignant tout à fait l'argumentation de M. Ivan Renar, le groupe socialiste s'opposera également à l'amendement n° II-20.
M. Philippe de Gaulle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'ai pu manquer d'être sensible au rappel, par mes collègues Lucien Lanier, Pierre Laffitte et René Trégouët, en particulier, de l'action volontariste, clairvoyante et dynamique de l'Etat en un temps où celui qui le dirigeait était qualifié par certains d'« homme du passé ». Cette action s'est traduite par nos développements remarquables en matière nucléaire, informatique, électronique, aéronautique, spatiale, chimique, routière, ferroviaire, et j'en passe, qui sont nos crédits d'aujourd'hui. On avait en effet compris que la recherche et la technologie feraient la place et la différence du niveau de vie des Français avec les pays émergents et pas seulement eux.
La commission des finances du Sénat marque, par son amendement symbolique, qu'elle n'est pas d'accord avec votre orientation, votre organisation et votre gestion actuelles. Bien que l'éducation nationale possède naturellement des laboratoires et que ses universitaires fournissent assurément de nombreux chercheurs, mais pas tous - il y a beaucoup de composantes - je pense, comme la commission, que la recherche et la technologie devraient être distinctes de l'éducation nationale, dont l'objectif est différent.
Vous devriez, monsieur le ministre, être ministre d'Etat, ou au moins ministre délégué rattaché au Premier ministre pour la recherche et la technologie, et rien d'autre ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je pourrais reprendre mot pour mot les arguments développés par M. Guy Cabanel lors de son explication de vote sur un amendement précédent.
Je soulignerai simplement que, à mon avis, ainsi que je l'ai exprimé tout à l'heure à la tribune, concevoir et developper la recherche est une des missions régaliennes de l'Etat. J'avais même indiqué que, pour ce qui me concerne, je préférerais augmenter les crédits de la recherche, plutôt que les diminuer.
Je conçois parfaitement la stratégie adaptée à la gestion globale du budget par la commission des finances, mais je ne peux, sur ce point particulier, partager son avis.
Par conséquent, la majorité des membres de notre groupe votera contre cet amendement et les autres s'abstiendront. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Ivan Renar. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-20, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de trois demandes de scrutin public émanant de la commission des finances, du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 31:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 309
Majorité absolue des suffrages 155
Pour l'adoption 199
Contre 110

M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 32:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 308
Majorité absolue des suffrages 155
Pour l'adoption 199
Contre 109

M. le président. « Titre IV : 4 999 256 000 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 5 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 2 500 000 francs. ».
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 14 028 292 000 francs ;
« Crédits de paiement : 12 353 561 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la recherche et la technologie.

Anciens combattants

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère des anciens combattants.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le secrétaire d'Etat, voilà un an presque jour pour jour, la commission des finances du Sénat et moi-même appelions les membres de la Haute Assemblée à refuser votre budget. En effet, lorsque, à l'occasion de la publication du rapport sur le défi de la mémoire, j'avais appelé à une réhabilitation de la politique de la mémoire, vous nous aviez proposé un budget caractérisé par une réduction de près de 43 % des crédits en sa faveur. Aujourd'hui, il me semble avoir été entendu et, avant de rapporter les crédits de votre département ministériel, je tiens à vous rendre hommage pour ce changement de politique. J'y reviendrai plus en détail dans quelques instants, mais je voulais dès à présent vous en remercier.
Les crédits proposés pour 1999 s'élèvent à 25,48 milliards de francs, soit une baisse de 2,01 % par rapport à 1998, qui trouve naturellement son origine dans la disparition progressive du nombre des ressortissants du ministère. En effet, avec un montant de 19,89 milliards de francs, la dette viagère, je le rappelle, représente à peu près 78 % du budget.
Concernant les services du ministère, nous constatons la poursuite de la réduction des effectifs, n'engendrant d'ailleurs, en raison de la revalorisation des rémunérations, qu'une réduction de 0,82 % des dépenses de personnels.
Les crédits de fonctionnement, quant à eux, augmentent de 2,7 %, soit à peu près de 2,3 millions de francs, hausse largement liée au renforcement des moyens des services déconcentrés. Cette augmentation doit toutefois être relativisée par le fait que 1,3 million de francs devra être reversé à l'Etat pour l'acquittement de la TVA sur les travaux d'entretien et l'achat de matériel dans le cadre de l'entretien des sépultures de guerre qui, jusqu'à présent, par dérogation, en avait été exonéré. Ce n'est pas de votre faute, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque cela résulte d'une décision de Bercy. Mais autorisez-moi à voir là un moyen pour l'Etat de reprendre d'une main ce qu'il a donné de l'autre !
En revanche, je me félicite de voir que, comme je l'avais préconisé dans le rapport sur « Le défi de la mémoire », vous avez débloqué une somme de 750 000 francs en faveur de l'informatisation du fichier des morts pour la France, dont le coût total - je me permets de le rappeler - est évalué à 30 millions de francs ; mais c'est un premier pas.
Les crédits de l'Institution nationale des invalides, l'INI, sont stables par rapport à 1998, avec 42,9 millions de francs ; mais la réforme du service national et la disparition des militaires à son service - neuf aspirants, vingt-quatre militaires du rang, dont six spécialisés et dix-huit sans spécialité - risque d'affecter gravement son fonctionnement, d'autant que cette mesure devait initialement s'étaler sur deux ans, tout au moins jusqu'à l'an 2000, mais que vous avez avancé son terme à 1999.
Je tiens par ailleurs à rappeler que deux postes de conducteur auto sont toujours vacants et non budgetés. Il est regrettable, monsieur le secrétaire d'Etat, que la dotation affectée à l'INI n'ait pas été augmentée, car cette institution se trouve dans une situation difficile.
Les crédits de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC, sont en augmentation de 3,14 % et s'élèvent à 228,89 millions de francs, auxquels s'ajoutent deux subventions complémentaires : une subvention de 46,71 millions de francs pour les dépenses sociales et une subvention de 6,5 millions de francs pour la remise aux normes de sécurité des maisons de retraite. Je dois vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir abondé les crédits de l'ONAC d'une somme de 5 millions de francs en faveur de l'action sociale en direction des veuves d'anciens combattants, qui, comme nous le savons, ne bénéficient pas d'une réversion.
Les écoles de rééducation, bien que fonctionnant très bien, connaissent un déficit chronique. Je m'interroge, à ce propos, sur le bien-fondé de leur maintien au sein de l'ONAC, dans la mesure où seulement 1,6 % des stagiaires est pris en charge par l'ONAC.
Chargé par la commission des finances d'effectuer une étude sur le fonctionnement des services de l'ONAC, je me suis penché sur le problème des maisons de retraite. Il ressort de mes premières constatations qu'il existe une grande disparité entre elles, tant sur le plan du fonctionnement que sur celui de l'investissement ; cela appellerait, pour assainir leur situation, une gestion individualisée, ce que l'ONAC, figé dans son statut d'établissement public, ne peut appliquer.
Ce sont là mes premières remarques avant la publication du rapport que je présenterai au début de l'année prochaine.
J'aborde maintenant le cas particulier de certaines catégories de ressortissants. Il faut reconnaître que quelques avancées sont à mettre à votre crédit, monsieur le secrétaire d'Etat. S'agissant tout d'abord des anciens d'Afrique du Nord, on parle non plus d'opérations de maintien de l'ordre ou des événements d'Algérie mais de « guerre d'Algérie ». Cependant, il faut aller plus loin : il faut aller jusqu'au bout ; il faut que les anciens combattants concernés puissent bénéficier des mêmes droits que leurs aînés.
L'Assemblée nationale, lors de la discussion de ce projet de budget, a adopté deux amendements gouvernementaux dont je me réjouis totalement.
Le premier élargit les conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens d'Afrique du Nord ayant passé non plus dix-huit mois mais quinze mois en territoire algérien. Vous vous êtes engagé à étendre cette mesure aux anciens combattants du Maroc et de Tunisie, ce qui n'est que justice. Dans le même esprit, ne pourrait-on pas envisager d'accorder un titre de reconnaissance de la Nation aux troupes stationnées en Afrique du Nord entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Le second amendement permet aux intéressés d'accéder directement à l'allocation de préparation à la retraite, l'APR, sans passer par le sas des six mois d'allocation différentielle. Cette disposition simplifie avantageusement le dispositif.
Quant à la retraite anticipée, « promesse, promesse »... je rappellerai entre autres l'engagement de M. le Premier ministre dans son discours de politique générale du 9 juin 1997. Nous attendons quand même cette retraite !
J'en viens maintenant aux « oubliés » de ce projet de budget. Durant l'été, des négociations ont eu lieu entre le secrétaire d'Etat aux anciens combattants et la fondation Entente franco-allemande, afin de solder le douloureux problème des incorporés de force dans le RAD, le Reichsarbeitsdienst, et le KHD, le Kriegshilfsdienst. Le principe d'une indemnisation conjointe semble avoir été admis ; or, je n'ai trouvé aucune ligne budgétaire pour financer cette mesure. Qu'en est-il, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Vous me savez depuis toujours très attaché au sort des anciens combattants d'outre-mer. Lors du débat à l'Assemblée nationale, vous avez indiqué à nos collègues députés que, au regard d'une étude menée par vos services, le pouvoir d'achat des intéressés n'était pas inférieur à celui des anciens combattants de la métropole. Je ne peux que vous croire, monsieur le secrétaire d'Etat. Toutefois, vous serait-il possible de rendre le Parlement destinataire de cette étude et de prévoir, sans trop attendre, une levée de la forclusion affectant ces populations ?
J'en finirai par la question des réfractaires au service du travail obligatoire. Leur accorder, comme ils le demandent depuis tant d'années, le titre de reconnaissance de la Nation ne serait que justice, et ce sans engager trop lourdement - il faut le reconnaître - les finances de l'Etat. Le secrétariat d'Etat aux anciens combattants a-t-il des projets à leur égard ?
Après avoir parlé de la reconnaissance de la nation à l'égard des anciens combattants et de la réparation, premier pilier de mon rapport, j'en arrive au second pilier, consacré à la mémoire.
Je ne reviendrai pas sur la coupe claire de l'année passée ! L'importante augmentation des crédits que nous constatons cette année, et dont nous nous réjouissons, permet de rattraper une partie du retard engendré par la chute des crédits de 1998. C'est ainsi que les crédits consacrés à l'information historique et aux interventions dans le domaine des monuments et des musées commémoratifs, après avoir baissé de 43 % en 1998, augmentent de 79,5 %, les crédits des fêtes et commémorations progressant, quant à eux, de 11,3 %.
Vous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat, la création d'un emploi « mémoire » dans chaque service départemental de l'ONAC. C'est une excellente initiative en ce qu'elle devrait permettre de sensibiliser la jeune génération à la mémoire citoyenne tout en donnant une impulsion nouvelle à la politique de la mémoire. Toutefois, j'émets deux réserves à ce projet : l'une concerne le niveau de rémunération des jeunes recrutés - 5 600 francs pour une qualification minimum de bac + 3 - et l'autre concerne l'avenir de ces jeunes à l'issue de ce contrat ; mais cela est un autre débat.
Avant de passer aux articles 75 et 76, j'achèverai mon propos sur l'évolution des structures du secrétariat d'Etat aux anciens combattants.
Sans remettre en cause les propositions émises par la commission que vous avez instaurée et dont je m'accommode fort bien, je souhaiterais que vous nous donniez quelques informations complémentaires sur certaines modalités de cette réforme qui me paraissent encore troubles. Par exemple, la répartition des activités entre la DMIH, la délégation générale à la mémoire et à l'information historique, et le ministère de la défense me fait redouter une dilution du rôle de la première au profit du second ; j'en veux pour preuve le financement par le ministère de la défense des commémorations du quatre-vingtième anniversaire !
Il est impératif de pérenniser votre département ministériel, de le doter d'un budget autonome et, naturellement, de maintenir et de développer l'ONAC et ses services déconcentrés qui restent avant tout, nous le savons tous, des services de proximité en faveur des anciens combattants. Mais je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que telle est votre volonté.
J'en viens aux articles rattachés.
L'article 75 vise à rendre automatique le bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, pour les salariés anciens combattants cessant leur activité. Le dispositif général de l'ARPE conditionne son application à l'accord de l'employeur.
Ici, vous nous proposez une mesure dérogatoire à la loi du 21 février 1996, qui pourrait être par la suite étendue en faveur d'autres catégories. C'est en contradiction avec le principe de la libre entreprise et de la liberté d'embauche. Il y a là une modification profonde de l'esprit du dispositif existant.
Mais si le nombre des bénéficiaires potentiels est encore incertain - à l'Assemblée nationale, les chiffres étaient différents selon qu'ils émanaient du secrétariat d'Etat ou des députés - il ne concernera qu'un groupe de personnes relativement restreint. Dans ces conditions, la commission des finances n'a pas jugé judicieux de mettre en place une procédure exorbitante du droit commun, et elle a proposé un amendement de suppression de cet article. Il existe certainement d'autres possibilités que nous pouvons étudier et dont nous pouvons discuter.
L'article 76 relève à 100 points le plafond de la retraite mutualiste. C'est une mesure que la commission n'a pu qu'approuver ; elle souhaite cependant que vous vous engagiez à ce que cette majoration ne soit qu'une étape dans le rattrapage souhaité légitimement par les anciens combattants, monsieur le secrétaire d'Etat.
Consciente des efforts consentis au monde combattant, la commission des finances, sous réserve de la suppression de l'article 75, invite le Sénat à adopter ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce projet de budget est un encouragement pour le monde combattant. Cependant, il appelle de ma part quelques réserves.
Le projet de budget du secrétariat d'Etat aux anciens combattants s'inscrit en apparence très largement dans la continuité des budgets précédents : l'érosion régulière des crédits se poursuit, tandis que les mesures nouvelles proposées sont loin de répondre à toutes les demandes du monde combattant.
Cette année encore, les crédits du secrétariat d'Etat vont diminuer. La baisse sera de 2,1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998. La baisse réelle est plus importante car, à structure constante, c'est-à-dire si l'on exclut la mesure de trésorerie de 1998 concernant le versement de la majoration de la retraite mutualiste, elle atteindra 3,5 %.
Comme le disait M. Baudot, cette diminution doit cependant être relativisée. Tout d'abord, elle reste inférieure à la diminution probable du nombre de pensionnés ; l'effort budgétaire par ancien combattant va donc augmenter.
Ensuite, la diminution des crédits n'est pas incompatible avec la reconduction dans de bonnes conditions des actions en faveur des anciens combattants. Ainsi, le respect du droit à réparation sera garanti. La politique de solidarité bénéficiera de moyens nouveaux, notamment en faveur de l'action sociale de l'ONAC. La politique de la mémoire verra, elle, ses crédits fortement augmenter après, il est vrai, une baisse sensible en 1998.
Enfin, l'évolution des crédits se traduit par une réorientation des actions du ministère vers la solidarité et la mémoire. Les dépenses relatives à ces deux politiques représenteront 22 % du budget total, l'an prochain.
Mais le projet de budget s'accompagne également de quatre mesures nouvelles, que je rappellerai brièvement : le bénéfice automatique de l'allocation de remplacement pour l'emploi aux anciens combattants, le relèvement à l'indice 100 du plafond majorable de la retraite mutualiste, la suppression du stage de six mois pour toucher l'allocation de préparation à la retraite, et l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant pour les anciens d'Algérie.
La commission des affaires sociales avait suggéré déjà plusieurs fois au Gouvernement de prendre de telles mesures. Elle se félicite de constater que le Gouvernement l'a entendue, même si ces mesures auraient sans aucun doute pu être un peu plus favorables.
En revanche, la commission des affaires sociales regrette que le Gouvernement n'ait pas avancé de nouvelles propositions sur d'autres sujets qui sont pourtant d'une actualité brûlante pour le monde combattant. J'en évoquerai trois.
En premier lieu, la question de la retraite anticipée n'est, hélas ! pas abordée par ce budget. En juin dernier, le Gouvernement avait invoqué l'article 40 de la Constitution pour s'opposer à la proposition de loi rapportée par notre collègue Guy Fischer au nom de la commission des affaires sociales - proposition de loi que j'avais soutenue - tendant à accorder la retraite anticipée aux anciens combattants chômeurs en fin de droits. Je constate que les mesures nouvelles proposées, même si elles constituent des progrès évidents, ne peuvent en aucun cas être considérées comme un substitut à la retraite anticipée.
En deuxième lieu, je voudrais insister sur la situation souvent très délicate des veuves d'anciens combattants pensionnés. Ces femmes, qui ont, pour beaucoup d'entre elles, cessé de travailler pour s'occuper de leur mari, se retrouvent fréquemment dans le dénuement à la mort de celui-ci. Soit leur mari était invalide à moins de 60 %, et elles n'ont droit à aucune pension de réversion, soit l'invalidité était supérieure à 60 %, et la pension de réversion reste - il faut bien le reconnaître - très modeste.
M. le secrétaire d'Etat objectera sans doute que 5 millions de francs ont été débloqués en première lecture à l'Assemblée nationale en faveur de l'action sociale de l'ONAC auprès des veuves. Certes, mais cela reste insuffisant. Il faudrait aller plus loin, soit en revalorisant, pour les veuves, les pensions de réversion les plus modestes, soit en assouplissant les conditions de réversion, soit enfin en augmentant plus sensiblement les crédits spécifiques de l'ONAC.
Enfin, en troisième lieu, se pose toujours la question récurrente de la « décristallisation ». Si une mesure générale apparaît délicate à court terme, la commission des affaires sociales suggère deux évolutions.
Il importe d'abord de réduire significativement les inégalités résultant de la très grande dispersion de la valeur des points de pension. Elle est, par exemple, de 45 francs à Djibouti et de 3 francs et 14 centimes au Viêt-Nam.
Il faudrait également lever la forclusion pesant sur les pensions d'invalidité des anciens combattants ressortissants d'anciennes colonies. La forclusion soulève, en effet, un double problème : il est impossible pour un ancien combattant de faire reconnaître une aggravation de son état, et les pensions d'invalidité ne sont pas réversibles.
Sur tous ces points, la commission des affaires sociales attend du Gouvernement une action tangible.
Aux anciens combattants et victimes de guerre, qui nous écoutent, je souhaite que cette discussion budgétaire puisse apporter le réconfort d'avoir été au moins en partie entendus dans leurs revendications - qui sont tout simplement une marque de reconnaissance de la nation - grâce à l'effort fait par votre ministère, monsieur le secrétaire d'Etat, et je vous en remercie.
Considérant que les mesures proposées, bien qu'insuffisantes, allaient dans la bonne direction, la commission des affaires sociales s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits relatifs aux anciens combattants et des quatre articles rattachés.
Elle vous proposera également d'adopter un amendement à l'article 75 rattaché, tendant à accorder le bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi des salariés anciens combattants cessant leur activité, même en cas de désaccord de l'employeur. Nous souhaitons d'ailleurs que cette disposition ne soit pas uniquement réservée aux anciens combattants titulaires de la carte du combattant, mais s'applique également aux bénéficiaires du titre de reconnaissance de la nation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, telles sont les quelques considérations et observations que je tenais à présenter au nom de la commission des affaires sociales. Je tiens, en conclusion, à vous remercier, tout en considérant que ce budget n'est qu'une étape et un encouragement pour le budget de l'an prochain qui, nous l'espérons, tiendra davantage compte encore des problèmes des anciens combattants. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE, ainsi que sur les travées socialiste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 18 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 11 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 21 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 5 unités.
La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, quand il a fallu se battre pour leur pays, les anciens combattants n'ont rien demandé pour eux-mêmes.
En se rassemblant ensuite en associations, ils n'ont eu pour objectifs que de retrouver leur solidarité dans les combats, de rendre témoignage de leurs morts et de maintenir le patrimoine moral ou patriotique sans lequel il n'y a ni peuple ni nation.
Les anciens combattants ne veulent pas pour autant être moins bien traités que tous ceux qui, même s'ils n'en sont pas responsables, doivent réclamer le bénéfice de la solidarité nationale, y compris, à nouveau, celle des anciens combattants.
Certes, les anciens combattants ont quelques avantages, plus de principe que d'équité comptable et dont l'essentiel, en 1998, peut se résumer de la façon suivante.
Une retraite du combattant non fiscalisable de 2 700 francs par an, soit 225 francs par mois, ou encore 7,50 francs par jour. Les intéressés en disent qu'elle leur paye un peu plus d'un litre d'essence ou un peu moins que leur tabac quotidien. On doit d'ailleurs noter que, dans l'un et surtout dans l'autre cas, la plus grande partie de la somme retourne à l'Etat sous forme de taxes. (Sourires.)
Une retraite mutualiste du combattant, imposable comme vente viagère à titre onéreux mais cotisée par les intéressés et partiellement par l'Etat, généralement à concurrence de 25 % du plafond de base, soit 7 495 francs annuels, par référence à l'indice 95 des pensions militaires d'invalidité.
Les anciens combattants ont cru comprendre que le Gouvernement relèverait cet indice à 100 points. Ils estiment que cet indice pour 1999 devrait être de 105 pour atteindre 130 en cinq ans, indice qui résulte d'un compromis fort modéré en ce qui les concerne si l'on sait que le véritable indice devrait être de 230 par rapport aux origines et pour tenir compte de la réalité économique.
Vos ressortissants, monsieur le secrétaire d'Etat, sont de l'ordre de 4 millions, titulaires, veuves ou orphelins.
Une quarantaine de milliers d'anciens combattants d'Afrique du Nord, qui sont chômeurs, bénéficient d'une allocation différentielle de 5 600 francs par mois s'ils justifient de cent soixante trimestres de cotisations d'assurance vieillesse, en y incluant le temps passé en Afrique du Nord.
Enfin, les anciens combattans âgés de plus de soixante-quinze ans bénéficient actuellement d'un quotient d'une demi-part sur l'imposition des revenus, plafonné, selon un mode fiscal bien français qui n'est ni proportionnel ni même progressif, à 16 000 francs, montant menacé, au demeurant, de tomber à un niveau inférieur.
Certains diront qu'il s'agit là essentiellement de personnes imposées sur le revenu, autrement dit des plus aisés, comprenant notamment mais non exclusivement les anciens officiers ou sous-officiers, mais pas seulement. Rappelons aussi que les officiers ont eu statistiquement trois à quatre fois plus de risques d'être tués ou blessés, et les sous-officiers deux à trois fois plus que les hommes de troupe. Voilà pour les favorisés !
Mais, dans un pays où l'on accorde aux chômeurs, même s'ils n'y sont pour rien, le bénéfice de cotisations fictives pour la retraite, je pense que l'équité comptable doit reconnaître intégralement les mêmes avantages à tous les anciens combattants, pour compenser le fait qu'ils n'ont pas pu cotiser professionnellement durant le temps où ils ont servi sous les drapeaux.
Malgré la diminution rapide du nombre des anciens combattants du fait de leur âge, je retrouve plus, dans le budget qui nous est proposé pour ceux qui restent, des avantages annexes qu'une orientation compensatrice fondamentale pour ceux qui sont les plus méritants par rapport à tous les autres.
En matière économique et financière, la logique comptable et la simple arithmétique ont plus d'objectivité et plus de coeur que les idéologies ou les discours généreux. C'est rappeler tout simplement que les bons comptes font les bons amis !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Philippe de Gaulle. Si la tache d'un secrétaire d'Etat n'est jamais facile, la vôtre l'est encore moins, pour vous qui n'appartenez pas vous-même aux anciens combattants - et c'est votre chance - et qui appartenez à un gouvernement - et c'est votre handicap - qui a manifesté trop d'indulgence pour les pacifistes - je n'ai pas dit les pacifiques -...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et les mutins !
M. Philippe de Gaulle. ... et les antimilitaristes, catégories qui se répandent à flots dans les médias sans savoir ce qu'ont été les combats et qui sont complètement étrangères au combattants.
Malgré vos efforts, monsieur le secrétaire d'Etat, il ne me paraît pas que le compte du Gouvernement y soit tout à fait,...
M. Raymond Courrière. Il fallait le dire à vos amis quand ils étaient au pouvoir !
Mme Nelly Olin. Ça alors, c'est quelque chose !
M. Raymond Courrière. Parce que vous n'aviez rien promis ? Ou alors, nous ne parlons pas des mêmes !
M. Philippe de Gaulle. ... ni dans son budget ni vis-à-vis de l'histoire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. Raymond Courrière. Tiens, ils se réveillent !
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Raymond Courrière. Ils ont perdu la mémoire !
M. le président. La parole est à M. Fischer, et à lui seul !
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, d'une discussion budgétaire à l'autre, nous avons à regretter, régulièrement, la réduction des crédits alloués au secrétariat d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre.
Hélas ! force est de reconnaître que celle-ci ne fera pas exception à la règle.
M. Michel Pelchat. Vous êtes au Gouvernement !
M. Guy Fischer. La satisfaction de voir ce budget en baisse de 2 %, alors que la population des anciens combattants a diminué de 4 %, est un sentiment que notre groupe ne peut partager au regard de la liste, trop longue, des revendications restées insatisfaites.
Je pense, bien évidemment, à la première d'entre elles, que mon ami Robert Pagès et moi-même avions eu l'occasion de défendre ici même avant de nous voir opposer l'irrecevabilité financière : je veux parler de la retraite anticipée pour les anciens combattants ayant servi en Afrique du Nord.
Les engagements de M. Lionel Jospin à ce sujet avaient fait naître chez les intéressés un espoir que, pour notre part, nous continuerons de porter chaque fois que cela sera possible. Un amendement en ce sens sera d'ailleurs proposé au terme de la présente discussion.
Certes, ce budget avance « à petits pas » sur le chemin qui nous mène au respect du droit imprescriptible à réparation pour les anciens combattants. Cependant, il demeure insuffisant si l'on évalue les marges de manoeuvre supplémentaires que favorisent, d'une part, croissance économique retrouvée et, d'autre part - mais faut-il s'en réjouir, et nous ne le faisons pas -, la disparition des « parties prenantes ».
Nous apprécions à sa juste valeur, néanmoins, l'accès au dispositif de l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, pour les salariés titulaires de la carte du combattant, bien que cette disposition soit d'une portée réduite ; il en est de même du relèvement à 100 points du plafond de la rente mutualiste, de la fixation à quinze mois du délai pour l'obtention de la carte du combattant, ou encore de la suppression du stage de six mois qui était nécessaire pour pouvoir prétendre à l'allocation de préparation à la retraite. De plus, 5 millions de francs supplémentaires permettront de développer l'aide sociale aux veuves d'anciens combattants.
Ces avancées sont le fruit d'un travail en commun des associations d'anciens combattants, des parlementaires et - il faut le reconnaître, monsieur le secrétaire d'Etat - de vos services. A cet égard, je tiens aussi à souligner les efforts accomplis par mes amis du groupe communiste de l'Assemblée nationale en vue de favoriser la satisfaction de ces justes revendications.
Il convient, toutefois, d'observer la timidité et la parcimonie du projet de budget initial. Cela atteste, me semble-t-il, une tendance de plus en plus manifeste à proposer le moins possible, pour ensuite mieux répondre aux initiatives parlementaires et, par là même, donner bonne figure à ce budget.
Le temps qui m'est imparti ne me permettra pas de développer les autres mesures qu'il serait nécessaire et possible d'intégrer dans ce projet de loi de finances pour 1999. Il en est ainsi de la levée de la forclusion de la carte de combattant volontaire de la Résistance ; de la décristallisation des pensions des étrangers ayant combattu dans nos anciennes colonies sous le drapeau français ; de la révision du calcul du rapport constant, sans cesse promise, jamais réalisée ; du dégel des pensions des plus grands invalides ; ou encore de la prise en compte des troubles psycho-traumatiques de guerre.
J'insisterai plus particulièrement, en ce qui me concerne, sur quelques aspects que ce projet de budget passe sous silence.
S'agissant, tout d'abord, des droits et pensions des patriotes résistants à l'occupation, vous avez déclaré, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'ils étaient indemnisés au même titre que les incorporés de force dans l'armée allemande. Cela me paraît inexact de deux points de vue : d'une part, le montant de l'indemnisation n'intègre pas l'inflation intervenue depuis 1981 ; d'autre part, les ayants cause des patriotes résistants à l'occupation ne peuvent prétendre à cette même indemnisation à l'instar des ayants cause des incorporés de force par l'Allemagne hitlérienne. En conséquence, une revalorisation des pensions serait tout à fait justifiée ainsi qu'une plus grande justice dans l'examen des dossiers, notamment les dossiers de ceux pour lesquels le décès de l'ayant droit a privé les ayants cause du versement de l'indemnisation. Une telle démarche serait peu coûteuse et bien reçue par les populations concernées d'Alsace-Moselle.
Ensuite, je souhaite attirer votre attention sur une contradiction entre les périodes envisagées pour l'obtention de la carte de combattant et le décret n° 68-294, relatif aux critères d'attribution du titre de reconnaissance de la nation, le TRN, qui fixe les dates limites au 2 mai 1956 pour la Tunisie et au 20 mars 1956 pour le Maroc. Un réajustement serait, me semble-t-il, nécessaire.
En outre, notre groupe, à l'instar de ce qui a été proposé à l'Assemblée nationale, est totalement favorable à l'adoption d'un texte de loi portant reconnaissance de l'état de guerre qui a prévalu en Algérie de 1954 à 1962. Ce geste serait d'une portée hautement symbolique pour les soldats engagés dans une guerre que la France n'a, à l'évidence, toujours pas intégrée dans sa mémoire collective et favoriserait, par ailleurs, le rapprochement des peuples algérien et français.
Enfin, je souhaiterai vous entendre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur l'état d'avancement du projet d'installation, au Strutthoff, d'un centre européen du système concentrationnaire nazi dont la finalité serait en phase avec la priorité que vous souhaitez apporter à la politique de la mémoire et dont nous apprécions un premier réajustement de 2 millions de francs.
En conclusion, estimant que les progrès de ce projet de budget pour 1999 sont intéressants mais qu'ils restent en deçà des attentes soulevées par « les quarante engagements pour 1998 », les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendront si ce projet de budget devait ignorer les propositions que j'aurais l'occasion de soumettre au Sénat dans quelques instants.
Permettez-moi enfin d'associer mon groupe aux propos tenus par M. le Premier ministre sur le Chemin des Dames concernant les mutins de 1917, propos qui font honneur à la France et à ce gouvernement de la gauche plurielle. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Michel Pelchat et Mme Anne Heinis. Ah non !
M. Guy Fischer. Chacun son point de vue !
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Le travail que vous avez accompli depuis un an et demi, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donne satisfaction dans la forme comme dans le fond. Nous avons apprécié votre sens du dialogue avec les associations représentatives du monde ancien combattant. Les relations que vous avez établies avec elles font la preuve du respect et de la considération que vous témoignez à ceux qui se sont engagés dans les moments difficiles que la nation a pu connaître.
A travers de nombreuses réunions de commissions et groupes de travail, vous avez abordé tous les problèmes dans un esprit d'ouverture pour rechercher les solutions possibles. Nous avons apprécié également votre souci d'associer les parlementaires à votre réflexion, qu'il s'agisse de la préparation du projet de budget ou du traitement des gros dossiers significatifs.
L'année 1998 a aussi été celle du quatre-vingtième anniversaire de la fin de la grande guerre 1914-1918. La manière dont vous avez organisé cette célébration particulière montre l'importance que vous accordez à la mémoire de ceux qui sont morts et qui se sont engagés totalement pour la patrie.
Aussi, je ne suis pas étonnée que votre projet de budget pour 1999 porte la trace de votre volonté de rappeler l'exemplarité des valeurs citoyennes dont ont fait preuve ceux qui ont participé aux conflits contemporains. La reconnaissance nationale doit s'exprimer clairement à leur égard ; elle n'est que légitime. Elle ne doit être que le remerciement toujours renouvelé d'un peuple reconnaissant à ceux qui lui ont assuré la liberté, fondement premier de la démocratie.
Au-delà de ce projet de budget qui consolide et développe des avancées amorcées l'an passé, je voudrais vous interroger sur les engagements que vous avez pris pour l'année 1998. Vous vous étiez publiquement engagé sur quarante dossiers particuliers qui recouvrent l'ensemble des catégories de victimes de guerre et d'anciens combattants : où en sommes-nous aujourd'hui ? Avez-vous pu obtenir des résultats ? Avez-vous rencontré des difficultés et, dans l'affirmative, lesquelles ?
Dans votre programme de travail pour 1998, vous avez réservé une place particulière aux questions relatives à l'Alsace-Moselle, aux séquelles encore sensibles aujourd'hui. En effet, l'annexion des départements alsaciens et mosellans par le IIIe Reich a eu sur la population des conséquences dramatiques. Elles présentent des particularités par rapport à ce qu'ont connu leurs contemporains des autres régions : embrigadement dans les formations politiques du national-socialisme, incorporation forcée dans l'armée ou les formations paramilitaires ; populations déplacées comme les patriotes résistants à l'occupant, que j'ai rencontrés récemment.
L'intégration de ces différentes catégories de victimes dans le dispositif de reconnaissance et de réparation laisse subsister différents problèmes à ce jour non résolus qui font l'objet de revendications.
En tant que femme, j'ai été particulièrement touchée par la situation des jeunes filles qui avaient été incorporées de force au Reichsarbeitsdienst et au Kriegshilfsdienst, RAD et KHD, dont je voudrais dire quelques mots.
Ces jeunes filles durent endosser un uniforme qui n'était pas celui de la Wehrmacht, alors que, pourtant, ces services faisaient partie intégrante de l'armée allemande et étaient soumis au règlement militaire. Le KHD s'effectuait sur le territoire du grand Reich, non seulement dans les services auxiliaires, les bureaux des services de l'armée et des administrations, les hôpitaux et les services sociaux, mais également, après le 1er août 1942, dans les usines d'armement, les fabriques de munition, les services de transports ou les hôpitaux militaires, notamment.
Bien que n'ayant pas été directement engagées dans des combats, les incorporées de force féminines subirent les conséquences des opérations de guerre, en particulier les bombardements des villes et des sites stratégiques sur lesquels elles étaient affectées, sans compter les nombreux vaccins et piqûres qu'elles ont eues à subir dans les camps, ignorant toujours la nature des substances qui leur étaient inoculées, parfois à titre expérimental.
Il n'existait aucun droit à la réparation pour les incorporées de force au RAD-KHD, ni indemnisation, ni pension d'invalidité, alors que certaines invalidités sont, sans conteste, consécutives à des blessures et maladies contractées durant leur période d'incorporation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous faire le point de votre action en leur faveur ?
Concernant toujours l'Alsace-Moselle, de nombreuses voix s'élèvent aujourd'hui pour que les pages de cette douloureuse histoire soient matérialisées. Il existe un projet de création d'historial. Plusieurs villes ont posé leur candidature : Phalsbourg, en Moselle, Schirmeck, Strasbourg, dans le Bas-Rhin, et Cernay, dans le Haut-Rhin. Je sais que vous avez décidé d'apporter votre aide à cette opération. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Ces régions ont vécu un véritable drame après l'annexion de fait en 1940 ; c'est pourquoi je me permets d'insister sur l'importance de votre action et de vos initiatives en faveur des Alsaciens et Mosellans.
De façon plus générale, je souhaiterais que vous nous informiez sur la politique sociale que vous menez en faveur des anciens combattants et des ressortissants de votre secrétariat d'Etat. Ceux qui ont servi la France durant les guerres ont droit à une marque particulière de la solidarité nationale. Comment celle-ci s'exprime-t-elle aujourd'hui envers les anciens combattants au chômage, envers les veuves et les orphelins de guerre ?
Je voudrais que vous me permettiez une dernière question à propos de la politique commémorative des conflits contemporains. Certains ont demandé la suppression du 11 novembre et du 8 mai afin de les regrouper en une journée commémorative unique. Cette menace est-elle encore d'actualité ? Pouvez-vous rassurer sur ce point le monde combattant ? Que pouvez-vous nous dire également sur le 19 mars et la commémoration de la guerre d'Algérie ? Peut-on espérer sortir bientôt de l'ambiguïté actuelle, qui contribue à faire de ce conflit une « guerre oubliée » ?
A l'évidence, le Gouvernement est du côté des anciens combattants ; la réelle solidarité qu'il manifeste à leur égard le prouve.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe socialiste vous encourage à poursuivre votre tâche, déjà bien entreprise, qui est de résorber le contentieux qui existe entre les pouvoirs publics et le monde combattant. Il votera votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je veux entamer mon propos en évoquant le débat qui s'est tenu au Sénat le 29 juin dernier et qui concernait 15 000 anciens combattants d'Afrique du Nord. Il s'agissait du débat relatif à l'examen de la proposition de loi sénatoriale tendant à accorder la retraite anticipée aux anciens combattants chômeurs en fin de droits justifiant de quarante années de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord. Je tiens à rappeler que cette proposition avait précédemment été adoptée à l'unanimité par la commission des lois.
Vous avez opposé, monsieur le secrétaire d'Etat, une fin de non-recevoir à cette requête.
M. Jean-Patrick Courtois. C'est vrai !
M. Rémi Herment. Depuis 1985, les sénateurs, vous le savez, ont déposé bien des propositions de loi sur ce thème récurrent et, depuis, l'évolution du chômage a poussé au bord du chemin un certain nombre d'anciens combattants ; ceux-ci ne comprennent pas que le Gouvernement ne fasse rien pour prémunir contre la dégressivité de l'allocation chômage ceux qui, au péril de leur vie et au prix souvent de leur santé, ont participé aux opérations militaires en Algérie, au Maroc et en Tunisie.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez dit, le 29 juin 1998, partager les grandes préoccupations de la représentation nationale à propos des anciens combattants, et vous avez déclaré vouloir améliorer leur situation, particulièrement celle des anciens d'Afrique du Nord chômeur, qui ont cotisé quarante annuités. Vous nous avez même donné rendez-vous pour l'élaboration de la loi de finances pour 1999 - selon vos propres termes - pour franchir, à cette occasion, un pas supplémentaire dans le sens de cette proposition de loi.
Que constatons-nous aujourd'hui ? Eh bien, tout simplement l'absence de mesures relatives à la retraite anticipée pour les anciens combattants d'AFN. Leurs attentes sont déçues.
Vous avez fait valoir, monsieur le secrétaire d'Etat, que la plupart des personnes concernées percevaient actuellement des allocations de remplacement plus avantageuses ; c'est vrai si l'on tient compte des seules retraites du régime général, mais ça ne l'est plus, si l'on y ajoute les retraites complémentaires. Nous avons conscience du coût élevé de cette mesure - 1,3 milliard de francs - mais il faut au moins en faire bénéficier les chômeurs en fin de droits.
Parmi les diverses revendications, nous considérons que celle de la retraite anticipée pour les anciens d'Afrique du Nord doit être satisfaite de façon urgente. En effet, le nombre de bénéficiaires potentiels va diminuer sensiblement au cours des prochaines années.
J'ai moi-même déposé, en juin 1995, avec plusieurs de mes collègues centristes, une proposition de loi tendant à assurer le droit à réparation des anciens combattants et victimes de guerre dans le respect de l'égalité des générations.
J'ai demandé principalement que le temps passé par les intéressés sur les territoires d'Algérie, de Tunisie et du Maroc soit considéré, sans réduction du taux applicable à leur pension de retraite, d'une part comme une période d'anticipation par rapport à l'âge de soixante ans et, d'autre part, comme une bonification dans le décompte des trimestres validés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est très important que la nation française dise sa reconnaissance à ceux qui ont porté son honneur, ses couleurs et ses armes, à ceux qui ont servi en Afrique du Nord après le 1er janvier 1962 et, pour certains, jusqu'au 1er juillet 1964.
S'agissant de la carte du combattant, avec mes collègues de la majorité sénatoriale, nous avions considéré, l'an dernier, lors de l'examen du budget pour 1998, que le critère des dix-huit mois de présence en Afrique du Nord pour l'obtention de cette carte pourrait constituer une avancée positive, notamment vers la notion de risque.
Nous avions estimé néanmoins que ce critère ne réglait pas la question puisqu'un grand nombre d'anciens combattants étaient restés moins de dix-huit mois en Afrique du Nord.
Nous ne pouvons donc que nous réjouir de l'adoption à l'Assemblée nationale, lors de l'examen de votre budget le 6 novembre dernier, d'un amendement visant à abaisser le temps de présence nécessaire en Afrique du Nord de dix-huit à quinze mois pour que la qualité de combattant soit reconnue. Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir accepté de reprendre l'amendement de notre collègue François Rochebloine, amendement qui avait été précédemment adopté, à l'unanimité encore une fois, en commission.
S'agissant du relèvement du plafond donnant lieu à majoration de la retraite mutualiste du combattant, nous prenons acte de la volonté gouvernementale de relever de 95 points à 100 points d'indice de pension militaire d'invalidité la référence servant de base au calcul du plafond.
Néanmoins, les organismes de la mutualité combattante et les organisations d'anciens combattants et victimes de guerre tiennent à rappeler la nécessité d'obtenir un rattrapage à hauteur de 130 points sur cinq ans. Ils estiment que, pour respecter ce calendrier, l'indice de l'année 1999 ne saurait être inférieur à 105 points.
Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous vous demandons de bien vouloir accepter de porter cette référence à 102 points d'indice de pension militaire d'invalidité, augmentation qui nous paraît tout à fait raisonnable. Avec sept points de plus par an, il serait, en effet, possible d'arriver en cinq ans aux 130 points souhaités.
Monsieur le secrétaire d'Etat, est-il vrai que vous vous apprêtez, avec le Gouvernement, à pénaliser lourdement les anciens combattants invalides, les veuves de guerre et les anciens combattants âgés de soixante-quinze ans ou leurs veuves ?
Le Gouvernement a en effet déclaré qu'en principe les Français ne paieraient pas plus d'impôts en 1999 qu'en 1998, sauf les ménages les plus aisés, les anciens combattants et les victimes de guerre. Il nous faut quelques éclaircissements sur ce point.
La demi-part accordée dans le calcul de l'impôt sur le revenu aux familles, aux invalides et aux anciens combattants âgés de plus de soixante-quinze ans titulaires de la carte serait supprimée en 1999. Cela se traduirait naturellement par une augmentation d'impôt. Je ne doute pas que vous allez également nous rassurer sur ce point.
Pour la plupart des familles, un rétablissement des allocations familiales pour tous permettrait de compenser cette perte. Mais, pour les invalides et les anciens combattants âgés, aucune compensation ne serait prévue.
Cette mesure si elle s'appliquait devant être particulièrement injuste, je vous serais reconnaissant de bien vouloir déclarer devant notre Haute Assemblée que les avantages bénéficiant aux anciens combattants, dont la demi-part supplémentaire, ne seront pas remis en cause dans l'avenir, et que tout ce qui relève du code des pensions militaires d'invalidité et du droit à réparation échapperont bien à la fiscalité.
Si tel n'était pas le cas, il est bien évident qu'avec les membres de mon groupe nous ne pourrions voter votre projet de budget. Merci, déjà, de me rassurer, monsieur le secrétaire d'Etat.
J'évoquerai également le problème des pensions des plus gravement mutilés, pensions qui sont réglées selon les valeurs du point variable. En effet, des pensionnés justifiant d'un descriptif d'infirmité identique devraient percevoir deux pensions différentes, avec une variation de 10 % de l'une par rapport à l'autre. Vous l'avez d'ailleurs reconnu vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il serait donc tout à fait souhaitable de revenir à une valeur unique du point de pension et, avec les membres de mon groupe, nous vous demandons quelles sont vos intentions.
Je me permettrai d'aborder rapidement la situation de l'ONAC et son avenir. Seul son rattachement au ministère de la défense permettra d'anticiper l'évolution démographique tout en préservant les droits matériels et moraux de ceux qui ont rendu des services à la nation.
Pour autant, les anciens combattants doivent conserver un interlocuteur gouvernemental ayant au moins le titre de secrétaire d'Etat et doté d'un budget autonome.
La restructuration de l'ONAC va dans le bon sens, mais la situation de nombreux fonds de secours départementaux et le manque de moyens pour la rénovation des maisons de retraite sont difficilement acceptables. En effet, les autorisations de programmes s'élèvent à 6,5 millions de francs, alors que les besoins sont estimés à 300 millions de francs.
Nous nous réjouissons, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, de voir inscrite dans votre projet de budget une mesure nouvelle pour 1999 : je veux parler de l'automaticité du droit à l'allocation de remplacement pour l'emploi pour les anciens d'Afrique du Nord. Il s'agit là des dispositions de l'article 75, qui vise à étendre le bénéfice de cette allocation aux salariés anciens combattants d'AFN qui cessent leur activité.
La condition relative à l'acceptation de la cessation d'activité par l'employeur, traditionnelle dans le dispositif d'une telle allocation, est donc contournée. La portée de cette mesure doit cependant être relativisée, puisqu'elle ne concernera en tout, sur trois ans, que 400 salariés.
La présence de ce dispositif dans le projet de budget ne doit pas occulter l'absence de toute autre mesure plus significative en faveur des anciens combattants. De plus, il conviendrait que le dispositif de l'ARPE soit étendu aux anciens combattants d'AFN titulaires du titre de reconnaissance de la nation, et non seulement aux seuls titulaires de la carte de combattant remplissant les conditions requises.
C'est pourquoi, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous nous réjouissons du dépôt par notre collègue Marcel Lesbros, au nom de la commission des affaires sociales, d'un amendement tendant à élargir le champ de la mesure aux titulaires du titre de reconnaissance de la nation. Bien évidemment, nous le voterons.
Nous nous réjouissons enfin de l'adoption d'un amendement du Gouvernement qui prévoit la suppression du sas de six mois d'allocation différentielle pour percevoir l'allocation de préparation à la retraite.
Enfin, je ne peux terminer mon propos sans évoquer la situation des veuves, comme l'ont fait nos excellents rapporteurs.
En effet, il me paraît tout à fait dommageable qu'aucune mesure nouvelle n'ait été prise par le Gouvernement en faveur des veuves, dont les pensions, il faut le dire, sont souvent inférieures aux minima sociaux.
La législation française, à la différence de pays comme la Belgique ou l'Allemagne, ne prend aujourd'hui en compte que la situation des veuves de guerre ou de celles dont le mari est décédé des suites des infirmités pensionnées. Pour ces dernières, une réversion est accordée à condition que le mari ait été titulaire d'une pension d'au moins 60 %.
Le monde combattant milite depuis de longues années pour rendre ce dispositif moins restrictif. Les revendications vont dans une double direction : d'une part permettre la réversion de la retraite d'ancien combattant et, d'autre part, revaloriser les pensions de réversion, qui sont aujourd'hui beaucoup trop faibles.
Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le secrétaire d'Etat, dans ce sens ? Vous aviez parlé d'augmenter les crédits sociaux de l'ONAC de 5 millions de francs pour financer des actions de solidarité en faveur des veuves, cela par amendement en seconde délibération à l'Assemblée nationale. Pouvez-vous nous assurer que cette mesure a bien été prise ?
En conclusion, je me permettrai d'insister sur les insuffisances de ce budget pour 1999, qui apparaissent clairement dès lors que l'on prend en compte l'absence de réponse aux revendications du monde combattant et de concrétisation des engagements du Gouvernement en matière de retraite anticipée des anciens combattants d'AFN.
Nous sommes préoccupés par la situation des anciens combattants et nous sommes convaincus aujourd'hui que leurs revendications, exprimées par les associations les plus représentatives, sont à la fois légitimes et raisonnées.
Ni le projet pour 1998, même amélioré « à la dernière minute » par le Gouvernement - notamment l'inscription des 40 millions de francs de crédits supplémentaires, lors de la discussion de la première partie de la loi de finances 1998 à l'Assemblée nationale, pour tenir compte des réserves exprimées par votre propre majorité - ni le projet de budget pour 1999 tel qu'il est présenté dans sa version initiale n'ont suscité notre adhésion, ni d'ailleurs celle du monde combattant.
Toutefois, nous nous sommes réjouis de l'adoption par l'Assemblée nationale, le 6 novembre dernier, de deux amendements importants.
Nous voulons croire que le Gouvernement tiendra son engagement d'augmenter de 5 millions de francs les crédits réservés aux actions de solidarité en faveur des veuves, et de deux millions de francs ceux qui sont consacrés à la politique de la mémoire.
Permettez-moi, sur ce point particulier, de saluer l'effort personnel que vous avez fait en région Lorraine, notamment dans le département de la Meuse, pour finalement organiser la pérennité de cette mémoire. Le sénateur de la Meuse que je suis vous en remercie encore bien vivement.
Enfin, je voudrais indiquer que mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même nous rangeons bien évidemment derrière les observations tout à fait pertinentes de nos rapporteurs, nos excellents collègues Jacques Baudot et Marcel Lesbros, et que, sous réserve de l'adoption de leurs amendements, le groupe de l'Union centriste votera les crédits du budget des anciens combattants pour 1999.
Un dernier mot concernant la mémoire, monsieur le secrétaire d'Etat : si vous pouviez gommer dans les esprits l'évocation du 19 mars, cela, me semble-t-il, serait le plus bel hommage rendu aux combattants d'Afrique du Nord. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, douzième budget civil de l'Etat, le budget des anciens combattants, qui concerne quelque 5 millions d'ayants droit, s'élève à 25,488 milliards de francs, ce qui traduit une diminution apparente de 2,1 %, à rapprocher, il est vrai, de la baisse enregistrée en 1998, qui était beaucoup plus importante. Mais en réalité, à structure constante, la baisse de ce budget atteint 3,5 %.
En effet, la réduction des crédits par rapport à 1998 est justifiée par la baisse régulière des effectifs de pensionnés, sachant que la diminution de ces derniers est malheureusement estimée à 4 % pour 1999. Ainsi, vous considérez, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'ampleur de l'effort de l'Etat à l'égard du monde ancien combattant est amélioré de 2 % en 1999 par rapport à 1998.
Même si chacun ici mesure bien les contraintes budgétaires et s'accorde à reconnaître que la lutte contre les déficits publics doit être une priorité, cela ne retire rien aux interrogations que l'on peut avoir sur votre projet de budget.
A mon sens, ces économies à caractère obligatoire devraient en premier lieu permettre de satisfaire les plus importantes demandes du monde ancien combattant. Or, sauf erreur de ma part, sur les 760 millions de francs économisés, 54 millions, soit seulement 8 % des marges financières dégagées, sont redéployés en faveur des anciens combattants.
Ce projet de budget pour 1999 appelle donc une appréciation contrastée. Il contient, je le reconnais, certaines avancées positives.
Il en est ainsi du maintien de la demi-part fiscale supplémentaire au bénéfice des anciens combattants et des invalides et de l'affiliation gratuite à la sécurité sociale pour les invalides pensionnés à 85 % qui ne sont pas assurés sociaux par ailleurs, même si ces deux mesures ne relèvent pas directement de votre budget mais procédent de l'amélioration apportée par l'Assemblée nationale à travers les amendements que vous avez acceptés.
Il en est ainsi également de l'augmentation substantielle des crédits consacrés à la mémoire, en cette année du quatre-vingtième anniversaire de l'armistice du 11 novembre 1918.
Toutefois, il ne faut pas oublier que les crédits prévus par le projet de loi de finances initiale pour 1998 chutaient de 42,8 % par rapport à 1997. Ainsi, cette stabilité des crédits ne permettra pas, par exemple, de rattraper le retard accumulé dans l'exécution du programme 1994-2000 de rénovation des nécropoles nationales. Le devoir de mémoire est fondamental, car il est important que les jeunes générations considèrent l'histoire vécue par les anciens combattants comme la source de leur propre histoire.
Il en est également ainsi de la durée ouvrant droit à l'obtention de la carte du combattant pour les anciens d'Afrique du Nord, durée ramenée de dix-huit à quinze mois. La troisième génération du feu voit ainsi aboutir l'une de ses plus anciennes revendications.
Je me réjouis également que l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant soit applicable à ceux qui ont combattu en Tunisie et au Maroc. Il y avait là une injustice qu'il fallait réparer.
La décision de supprimer le sas de six mois nécessaire pour bénéficier de l'allocation de préparation à la retraite, l'APR, adoptée par l'Assemblée nationale, est également une mesure de justice. Il n'y avait pas, en effet, de raison d'être à ce purgatoire de six mois imposé aux anciens combattants.
Ce sont là des mesures qui vont dans la bonne direction et que j'approuve sans réserve. En revanche, je serai plus critique sur d'autres points.
Ainsi, la grande question de la retraite anticipée pour les anciens d'Afrique du Nord n'est pas abordée. Le budget de 1998 n'avait comporté aucune avancée en la matière ; le projet de budget pour 1999 n'en propose pas non plus. Or, vous le savez, en 1999, ce sera la dernière génération qui pourra être concernée. Après, il sera trop tard !
A défaut d'accorder la retraite anticipée à tous les anciens combattants d'Afrique du Nord, il conviendrait au moins de l'accorder aux anciens combattants chômeurs en fin de droits. Rappelons que le Premier ministre lui-même, dans une lettre adressée le 8 mai dernier au président de la Fédération nationale des anciens combattants, indiquait : « Dans un premier temps, nous nous engageons à accorder la retraite anticipée pour les chômeurs en fin de droits justifiant de quarante annuités de cotisations, diminuées du temps passé en Afrique du Nord... Cette mesure constituerait un début de reconnaissance envers les anciens combattants d'Afrique du Nord et permettrait de répondre à un certain nombre de cas difficiles. »
Une telle disposition tendant à favoriser les plus démunis me semble un minimum sur lequel chacun pourrait s'accorder. Vous vous étiez engagé, lors de la dernière campagne législative, à la mettre en oeuvre ; il y va donc du respect de vos engagements.
Vous allez bien sûr, monsieur le ministre, m'opposer l'allocation différentielle ; portée l'an passé à 5 600 francs pour les chômeurs, elle serait plus intéressante que la retraite anticipée proposée. Nous nous sommes déjà entretenus de ce problème à plusieurs reprises. Ce serait sans doute vrai pour certains, mais pas pour tous. Dès lors pourquoi ne pas laisser le choix aux intéressés ?
Vous n'avez pas pris en compte, non plus, plusieurs des propositions qui ont souvent émané de tous les groupes politiques et qui n'auraient que de faibles incidences budgétaires. Tel est le cas pour la levée des forclusions qui subsistent encore en pratique, ainsi que pour l'obtention de la carte de combattant volontaire de la Résistance.
Il en est de même pour la reconnaissance des psychotraumatismes de guerre et pour la possibilité de dispenser des soins adaptés à ceux qui en restent gravement affectés.
D'autres mesures apparemment plus coûteuses ne doivent pas pour autant être abandonnées. Il s'agit notamment de la décristallisation des pensions de ceux qui ont combattu pour la France, sont aujourd'hui citoyens de nations indépendantes mais ont droit, eux aussi, à la reconnaissance de la France et à qui il convient de manifester notre solidarité.
S'agissant du titre de reconnaissance de la nation, le TRN, il conviendrait également de l'attribuer aux militaires stationnés en Algérie après le 2 juillet 1962 et jusqu'au 1er juillet 1964, sans qu'il donne pour autant droit à la carte du combattant, qu'il convient évidemment de ne pas galvauder.
En effet, les circonstances qui ont accompagné l'entrée en vigueur des accords d'Evian ont justifié jusqu'en juillet 1964 le maintien de nombreux appelés en Algérie. Il en va de même pour l'attribution du titre de reconnaissance de la nation aux militaires qui ont servi en Indochine après le 11 août 1954 et jusqu'au 1er octobre 1957, date de la cessation des hostilités.
Il faut aussi mettre fin, monsieur le secrétaire d'Etat, aux disparités observées dans le montant des pensions entre des anciens combattants souffrant pourtant de handicaps similaires. A cet égard, il nous paraît souhaitable de revenir à l'unicité de la valeur du point de pension.
D'autres éléments du dossier appellent une appréciation plus contrastée.
Il s'agit tout d'abord de la revalorisation des rentes mutualistes, dont le plafond passera en 1999 à 100 points, contre 95 en 1998. Le projet de loi de finances prévoit dans son article 76 de relever de 95 à 100 points d'indice de PMI la référence servant de base au calcul du plafond majorable de la rente mutualiste, afin de garantir le pouvoir d'achat de ces rentes.
Les associations d'anciens combattants, vous le savez, considèrent cependant que cette revalorisation risque d'être insuffisante pour atteindre 130 points en cinq ans. Porter ce plafond à 105, ou même à 102, permettrait de répondre à l'attente des intéressés. Le Gouvernement est-il prêt à faire un geste en ce sens ?
Il s'agit ensuite des crédits sociaux de l'ONAC, qui avaient été fortement diminués l'an dernier. Ils ont été augmentés de 10 millions de francs : 5 millions de francs étaient inscrits dans le projet de loi de finances initial et 5 millions supplémentaires ont été dégagés lors du débat en première lecture à l'Assemblée nationale, en faveur des veuves non pensionnées. Je me réjouis de cette mesure, qui est une mesure de justice. Je crains pourtant qu'elle ne soit insuffisante. Les besoins de l'ONAC, qu'il s'agisse de l'action sociale ou des maisons de retraite, restent en effet très importants.
Ainsi, les 6,5 millions de francs supplémentaires débloqués pour la restructuration des maisons de retraite sont trop limités face à l'ampleur de l'enjeu, même si nous savons, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une réflexion commune doit être engagée sur ce problème des maisons de retraite.
Il s'agit enfin de l'application du rapport constant, qui coûtera 293 millions de francs. La nation respecte ainsi ses engagements. Cependant, l'application stricte du rapport constant ne saurait occulter le contentieux lié à son mode de calcul ni, surtout, le problème de sa lisibilité. Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que ce problème soit réglé rapidement. Les propositions orales sur son évolution, élaborées par le groupe de travail réunissant les associations, vos services et vous-même, n'apparaissent pas dans le projet de budget pour 1999. Il serait souhaitable de les officialiser rapidement.
Je voudrais aussi évoquer la reconnaissance de la guerre d'Algérie par M. le Président de la République, M. le Premier ministre et vous-même.
Je suis heureux que le langage officiel des plus hautes autorités de l'Etat s'accorde enfin avec les faits. Il n'est plus temps, en effet, de s'arrêter aux qualifications juridiques dictées par la raison d'Etat : dans les faits, les combattants algériens et les combattants français étaient en guerre ; j'y étais ! Le temps passé doit nous aider à considérer avec plus de sérénité, quelles que soient nos convictions - et pour beaucoup de nos compatriotes en raison même de leurs convictions et de leurs interrogations - le drame vécu par les jeunes Français et les jeunes Algériens.
L'engagement de la France en Afrique du Nord a été une véritable guerre : sur les trois millions de jeunes Français qui y ont été confrontés, 30 000 sont morts et 250 000 ont été blessés. Tous ont été marqués par ce conflit qui, dans le même temps, a fait un million de morts du côté algérien.
A l'issue de cette guerre tragique, une partie de la population a dû quitter, dans des conditions dramatiques, sa terre d'origine. C'est pourquoi on ne peut passer sous silence la situation des harkis. Mme Aubry a annoncé un plan en leur faveur ; nous serons très attentifs à son contenu. (M. le secrétaire d'Etat fait un signe d'approbation.)
Enfin, je souhaite attirer tout particulièrement votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situation des veuves.
Vous le savez, il existe trois catégories de veuves : les veuves des morts pour la France, qui perçoivent une pension de réversion, les veuves d'anciens combattants invalides, qui reçoivent des pensions d'invalidité selon le code des pensions militaires d'invalidité et les veuves d'anciens combattants qui n'ont droit à rien.
A l'égard de ces dernières, un geste significatif a été fait avec l'abondement de 5 millions de francs des crédits de l'ONAC affectés aux mesures de soutien des veuves d'anciens combattants qui ne bénéficient d'aucune pension de réversion à la mort de leur mari.
Cette disposition recueille l'entier soutien de la représentation nationale, et je ne peux que vous renouveler les félicitations qui vous ont été adressées à cette occasion.
Reste que cette mesure est insuffisante pour assurer un niveau de vie décent à l'ensemble des veuves d'anciens combattants. Ainsi, sur les 1 752 200 veuves ressortissantes de l'ONAC, seules 160 000 d'entre elles sont « pensionnées ».
Il est donc nécessaire d'explorer des voies pour aménager ou assouplir les possibilités de réversion de la retraite d'ancien combattant. Je ne méconnais pas la difficulté juridique que génère le caractère différent de la réparation et de la solidarité, mais j'ai vu avec satisfaction que, devant l'Assemblée nationale, vous vous êtiez dit prêt à examiner ce grave problème.
Par ailleurs, votre projet de budget ne prévoit aucune revalorisation des pensions des veuves de guerre, lesquelles compte tenu de leurs faiblesses, mériteraient pourtant, d'être réévaluées.
En dernier lieu, il convient d'aborder le problème de l'avenir du secrétariat d'Etat aux anciens combattants.
La réforme qui s'annonce doit être respectueuse de la spécificité française du monde combattant ; pour ce faire, il est impératif de maintenir quelques principes essentiels parmi lesquels figurent l'existence d'un budget autonome des anciens combattants et d'un interlocuteur privilégié ayant rang ministériel, le respect de l'imprescriptible droit à réparation, la pérennisation de l'ONAC et de ses services déconcentrés, enfin la reconnaissance concrète du rôle joué par les anciens combattants qui ont été l'honneur de la France.
La France vit en paix depuis près de quarante ans. Cet héritage sans prix, nous le devons en partie à nos anciens combattants. Un véritable « contrat moral » nous lie à ceux qui ont combattu pour assurer la liberté et l'indépendance de notre pays. C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes si attentifs à ce que la reconnaissance nationale s'exprime clairement dans votre budget.
Compte tenu des efforts entrepris, de la bonne direction prise sur de nombreux points par votre projet de budget, des améliorations apportées à l'Assemblée nationale et de votre esprit de concertation, et malgré les quelques réserves, que j'ai émises, je voterai votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget des anciens combattants est, avec celui de l'agriculture, le fascicule budgétaire qui affiche la plus forte baisse.
Les explications données sont, pour l'un, la réduction de la subvention d'équilibre accordée par l'Etat au BAPSA du fait de la reprise de la croissance, pour l'autre, la diminution du nombre de bénéficiaires d'une pension due au vieillissement et à la disparition de la population concernée. Soit, mais je ferai la même remarque face à ces économies : pourquoi ne profitent-elles pas aux intéressés ?
C'est encore avec plus de force que j'affirmerai cette position a l'égard des différentes générations du feu et de leurs ayants droit. Certes, l'effort de l'Etat en faveur du monde combattant s'est limité à une baisse des crédits de 2 % au lieu de 4 %, si l'on s'en tient à la seule considération économique.
Toutefois, de nombreuses attentes sont encore insatisfaites, et je le regrette. La possibilité d'avancer plus vite a été négligée. Or, pour certains, le temps est compté comme pour ce soldat de l'Afrique francophone qui n'aura jamais pu porter la Légion d'honneur qui venait - enfin ! - de lui être attribuée, parce que sa robuste constitution lui avait permis d'être centenaire. Qu'en aurait-il été s'il n'avait pas atteint cet âge avancé ? Son mérite, son courage et ses faits d'armes en auraient-ils été moindres ? Pourtant, la reconnaissance de la patrie ne lui aurait pas été témoignée.
On se sent un peu honteux, et le devoir de mémoire consiste, aussi, à matérialiser le témoignage du pays à ceux qui ont souffert pour la communauté avant qu'il ne soit trop tard.
Voilà trente ans, le nombre des pensionnés était de 1,7 million ; aujourd'hui, seulement un tiers d'entre eux sont en vie ; dans dix ans, ils ne seront plus que 250 000. Il y a urgence et voilà un domaine où il ne convient pas de laisser du temps au temps.
La disparition naturelle des ayants droit aurait permis un redéploiement de 760 millions de francs. De nombreux contentieux auraient pu être purgés. Or les mesures nouvelles n'engagent que 54 millions de francs.
Les grands invalides de guerre méritaient une attention particulière.
Un rattrapage des points d'indice perdu entre 1991 et 1995 par la « cristallisation » aurait pu être amorcée. Par ailleurs, l'unicité de la valeur du point s'impose. En effet, deux grands mutilés présentant un descriptif d'infirmités identiques ne perçoivent pas la même pension du fait des valeurs variables du point. Pour certains, l'amplitude de la différence atteint parfois 10 %. Rien ne justifie cette inégalité de traitement. Enfin, le déplafonnement de toutes les pensions des plus grands invalides doit être traité sans attendre. Est-il convenable d'attenter à la situation matérielle et à la dignité de ceux qui gardent dans leur chair la trace de leur sacrifice ?
En conséquence, l'article L. 114 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre doit être abrogé. Comme vous le savez, il dispose que, lorsque la pension d'invalidité, y compris certaines majorations et émoluments complémentaires, dépasse un indice correspondant à la somme annuelle de 360 000 francs, aucune revalorisation de la valeur du point de l'indice de pension ne lui est plus applicable.
J'ignore le chiffrage de la mesure, mais j'imagine que ces grands invalides ne doivent pas être légion, et la réparation ne doit pas être octroyée avec parcimonie.
Une autre catégorie relevant de votre département, monsieur le secrétaire d'Etat, aurait pu bénéficier de mesures nouvelles ; je veux parler des veuves, comme certains de mes collègues l'ont déjà dit.
D'une part, un vide doit être comblé. Lorsqu'un ancien combattant voit une aggravation de son état, alors que son taux d'invalidité a été fixé, il ne peut la faire prendre en compte. Aussi, à son décès, sa veuve ne perçoit rien, sa demande étant considérée comme nouvelle, donc entachée de forclusion.
D'autre part, les pensions qui sont servies aux bénéficiaires sont souvent inférieures aux minima sociaux. Là aussi, ce n'est pas décent. Il faut bien considérer que ce n'est ni une obole, ni une allocation d'assistance, ni une manifestation de solidarité. Ces femmes ont également vu leur vie brisée ou bouleversée ; le partage de l'épreuve leur ouvre des droits qu'il ne faut pas chichement leur attribuer.
Comme les veuves civiles qui doivent aller en appel et en cassation pour faire reconnaître la majoration pour enfants, face à des caisses régionales d'assurance maladie qui refusent d'appliquer les textes, les veuves de guerre, d'invalide ou d'ancien combattant ont peu de moyens de pression à leur disposition. Je trouve profondément injuste que des demandes fondées ne soient pas satisfaites, alors que des revendications savamment orchestrées, et parfois discutables, sont prises en compte quand ceux qui les émettent paralysent le pays.
Que l'on pense donc un peu plus au sort de ceux sans qui il n'y aurait ni commémorations ni mémoire à entretenir !
Ayant participé à la guerre d'Algérie, faisant partie du contingent, je souhaite conclure, justement, monsieur le secrétaire d'Etat, sur une cérémonie qui a eu lieu le 16 octobre dernier au centre culturel algérien, à Paris, et qui a soulevé l'indignation. Un hommage était rendu « aux porteurs de valises », ressortissants français, qui armèrent le bras du FLN. Ils ont, ainsi, été complices de la mort de plus de vingt-cinq mille soldats, appelés ou réservistes, de la mutilation de cent mille d'entre eux et de nombreuses victimes civiles. Comment ne pas ressentir l'affront fait aux familles de ceux qui sont tombés !
J'aurais aimé entendre la voix du Gouvernement condamnant fermement cette initiative, qui confinait à la provocation. Peut-être n'ai-je pas été assez attentif. Même s'il est un peu tard, il est des mots que l'on espère, monsieur le secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget des anciens combattants qui nous est soumis aujourd'hui s'élève, cela a été dit, à 25,5 milliards de francs, mais accuse, une fois encore, une baisse - sensible - de 2,01 %.
Cette logique de diminution semble, d'année en année, devenir irréversible et nous ne pouvons que le déplorer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi établir ce budget en prenant pour seul critère la diminution du nombre des anciens combattants, plutôt que de retenir les besoins réels exprimés depuis si longtemps, telle la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord ?
A une question posée il y a plusieurs mois au Gouvernement sur ce point précis, je n'ai eu qu'une vague réponse : vous répondiez, monsieur le secrétaire d'Etat, que les problèmes des anciens combattants d'Afrique du Nord ne manqueraient pas d'être étudiés de façon approfondie. J'aurais aimé obtenir de vos services une réponse bien plus concrète que ce texte destiné, il faut le dire, à calmer les esprits à ce sujet.
Il est vrai que, plus le Gouvernement tardera à répondre, moins il sera sollicité dans le temps par les anciens combattants... faute de combattants.
Quelles que soient ses sensibilités, chacun s'accorde à reconnaître que les jeunes qui ont été envoyés en Afrique du Nord ne sont pas partis de gaieté de coeur, « la fleur au fusil ».
Ils avaient, pour la plupart, vingt ans, ils ont abandonné jeunesse, famille et avenir.
Certains ne sont pas revenus, laissant à jamais leurs familles meurtries. D'autres sont revenus blessés physiquement. En tout cas, tous ceux qui sont rentrés étaient, et sont encore, blessés moralement.
A ces destins sacrifiés, à ces vies blessées, on oppose l'économie. C'est inacceptable ! On ne peut marchander les sommes dues pour la nation aux anciens combattants.
Votre budget, monsieur le secrétaire d'état, représente la dernière occasion pour les anciens combattants de se voir accorder la retraite anticipée qui leur est refusée. Certes, son coût est estimé, par le Front uni, à 4 milliards de francs. C'est une somme importante ! Mais si Bercy souhaite réaliser des économies, ce n'est sûrement pas sur le budget des anciens combattants qu'il convient de le faire, c'est indécent !
Quelques mesures concrètes apparaissent dans votre budget, telle l'application des règles de l'ARPE pour les anciens combattants d'Afrique du Nord qui en ont fait la demande et qui se sont vu opposer un refus par leur employeur.
Cette mesure, si positive soit-elle, ne doit pas nous faire perdre de vue les anciens combattants d'Afrique du Nord en situation de chômage de longue durée, qui ont perdu, eux, tout espoir de retrouver un emploi. Ils sont malheureusement plus nombreux qu'on peut le penser.
Je me réjouis, toutefois, que les conditions d'attribution de la carte du combattant soient étendues aux anciens combattants du Maroc et de la Tunisie. L'Assemblée nationale a ramené le temps de présence en Afrique du Nord à quinze mois plutôt que dix-huit pour pouvoir prétendre à cette carte et c'est une bonne chose. Encore un effort supplémentaire pour parvenir à douze mois !
Je remarque également la suppression de la période de stage de six mois pour le passage de l'allocation différentielle à l'allocation de préparation à la retraite pour les anciens combattants d'Afrique du Nord et d'Indochine sans emploi et justifiant d'une durée d'assurance vieillesse de cent soixante trimestres.
Ces deux mesures ne doivent pourtant pas justifier le refus de la retraite anticipée, qui est perçue comme une contribution à une politique pour l'emploi des jeunes et l'application concrète du respect du droit à la réparation.
Je note avec satisfaction le rétablissement des crédits sociaux de l'ONAC et la hausse des crédits consacrés à la mémoire. En revanche, et je le regrette, il n'est fait aucune référence au Souvenir français, qui effectue un travail remarquable de mémoire depuis des années. Heureusement qu'il existe ! Ce sont les associations qui, à l'heure actuelle entretiennent les tombes dans les cimetières. En outre, l'inscription de 20 millions de francs pour les personnes susceptibles de bénéficier de l'ARPE, mais dont les employeurs ne souhaitent pas se séparer, est une bonne chose. Toutefois, le risque pris n'était pas énorme, puisque cette mesure ne concerne que très peu de personnes : le nombre des anciens combattants qui peuvent en bénéficier est évalué entre quatre-vingts et cent vingt.
Enfin, le plafond de la rente mutualiste passe de 95 à 100 points. Cette hausse reste cependant insuffisante, et je me permets de vous rappeler l'engagement pris par le Gouvernement d'atteindre 130 points en cinq ans, engagement que vous avez reformulé en commission des affaires sociales, monsieur le secrétaire d'Etat. (M. le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation.) Si, vous l'avez dit !
Je tiens tout particulièrement à insister sur la situation préoccupante des veuves d'anciens combattants. Il est aujourd'hui urgent de mieux étudier les modalités de réversion des pensions d'invalidité en permettant, notamment, de débloquer des crédits plus importants en faveur des veuves.
S'agissant du dossier sur la décristallisation des pensions et des retraites des anciens combattants des pays devenus indépendants, j'ai pu constater qu'il n'avançait guère. Nous ne sommes pas sûrs aujourd'hui que les pensions versées étaient effectivement touchées par leurs bénéficiaires.
Je remarque, enfin, que toutes les associations d'anciens combattants regrettent sincèrement la suppression du ministère et son abaissement au rang de secrétariat d'Etat. Nous sommes en droit de nous interroger sur l'avenir de ce secrétariat d'Etat. Au-delà du fond, il y a la forme, et il eût été bon que les anciens combattants bénéficient d'un budget autonome qui ne soit ni sous l'autorité du ministère de la défense ni dicté par Bercy, dont la priorité ne semble pas être les anciens combattants.
Les intentions des gouvernements se lisent bien souvent dans les budgets ministériels proposés, et il est triste de constater que les quelques avancées de votre budget sont issues des votes de l'assemblée nationales.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à redire combien je regrette que vous vous serviez de la baisse du nombre des anciens combattants pour réaliser des économies - au risque d'être désagréable, je dirai que c'est un bien mauvais calcul - au lieu d'utiliser cette baisse à améliorer leurs droits et à répondre à leurs revendications plus que légitimes.
Je m'en remettrai donc à l'avis de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Chabroux. M. Gilbert Chabroux. L'année dernière, j'avais salué votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, en soulignant qu'il constituait la première étape d'une nouvelle démarche fondée sur la concertation et la considération. Les associations d'anciens combattants avaient accueilli avec beaucoup d'intérêt vos quarante engagements pour 1998.
Un an plus tard, nous pouvons mesurer les résultats de cette démarche. La concertation avec le monde des anciens combattants s'est déroulée activement, dans un bon climat ; vous avez fait preuve de qualités d'écoute, de disponibilité et d'ouverture, qui ont été largement appréciées. A l'Assemblée nationale, vous avez également tenu compte des propositions des députés et le projet de budget initial a été sensiblement amélioré.
Ce qui est important, c'est que l'on peut travailler et avancer avec vous, dans un échange permanent, et que vous teniez les promesses que vous faites.
L'année dernière, je vous avais demandé, avec mon collègue Jean-Marc Pastor, de prendre en compte pour l'attribution de la carte de combattant le temps passé en Tunisie ou au Maroc par des militaires qui sont ensuite allés en Algérie. Vous vous étiez engagé à apporter une réponse positive à ce problème. Vous l'avez fait par la voie d'une circulaire et nous apprécions vivement que le temps passé en Tunisie et au Maroc soit de la même manière pris en compte maintenant que la durée de présence en Afrique du Nord exigée pour la carte du combattant a été ramenée de dix-huit mois à quinze mois.
Mais des questions se posent encore et je souhaiterais que vous puissiez tracer les perspectives et indiquer les orientations que vous pouvez fixer pour encore mieux répondre aux préoccupations et aux souhaits des anciens combattants.
Je passerai assez vite sur la retraite mutualiste - beaucoup d'intervenants en ont parlé - qui sera à nouveau revalorisée : cela représentera une augmentation de 12,7 % en un peu plus d'un an. Mais il était nécessaire de procéder à un rattrapage, lequel doit se poursuivre.
Il serait souhaitable de porter, en cinq ans, de 100 à 130 points d'indice la référence qui sert de base au calcul du plafond majorable. Cet objectif peut-il être tenu ? Comment ? Est-il possible d'évoquer un calendrier ?
Une deuxième question se pose au sujet de l'allocation de remplacement pour l'emploi, qui va permettre aux anciens d'Afrique du Nord de quitter l'entreprise dès cinquante-huit ans s'ils remplissent certaines conditions, sans que l'employeur puisse s'y opposer.
C'est une mesure nouvelle, très forte sur le plan du principe. Il y a là une forme de solidarité très appréciée par les associations, particulièrement la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, la FNACA.
Les anciens d'AFN sont encore prêts à faire un effort de solidarité, ils veulent partir à la retraite et quitter leur emploi, mais ils veulent aussi que des jeunes les remplacent. Toutefois, la mesure que vous avez fait adopter par l'Assemblée nationale ne touche qu'un nombre limité de personnes, puisqu'elles doivent être titulaires de la carte du combattant. Ne serait-il pas possible, comme le demandent le rapporteur et la commission des affaires sociales, de l'élargir et de prendre en compte également les titulaires du titre de reconnaissance de la nation ?
Vous avez dit que vous alliez mesurer le coût budgétaire de cette mesure et voir ce qu'il est possible de faire, compte tenu des moyens dont vous disposez. Avez-vous pu avancer sur ce sujet sensible ?
La question de la retraite anticipée en fonction du temps passé en Afrique du Nord est toujours posée. Bien sûr, il y a eu des avancées importantes avec la revalorisation, l'année dernière, de l'allocation différentielle et, récemment, à l'Assemblée nationale, la suppression du « sas » de six mois entre l'allocation différentielle et l'allocation dite « de préparation à la retraite ».
Cependant, nous savons bien que ces dispositions ne répondent pas entièrement à la question d'une véritable retraite professionnelle anticipée. C'est une question de principe, à forte charge symbolique. Nous savons aussi que, le temps passant, cette question ne se posera plus au bout d'un délai assez bref. Des perspectives ne pourraient-elles pas être dégagées avant l'an 2000 ? Avez-vous procédé à une étude ? Ne peut-on parachever le dispositif que vous avez mis en place et qui a fait grandement progresser les actions de solidarité ?
Des questions peuvent également se poser au sujet des crédits de l'action sociale de l'ONAC. Ces crédits ont été sensiblement augmentés. Cinq millions de francs supplémentaires viennent de s'y ajouter pour des actions en faveur des veuves d'anciens combattants. Pouvons-nous obtenir quelques précisions sur la façon dont ces crédits seront utilisés ? Il faut pouvoir prendre en compte des situations bien concrètes, des réalités sociales et financières, en particulier pour les veuves sans emploi ou au chômage en fin de droits.
Relevons aussi le problème des veuves de grands invalides qui a été évoqué lorsque vous êtes venu devant la commission des affaires sociales. Vous avez reconnu la faiblesse de la pension de réversion qu'elles perçoivent, alors qu'elles n'ont pas pu travailler, leur présence étant nécessaire auprès de leur mari. Elles ne perçoivent que 3 600 francs par mois. Il faudrait pouvoir augmenter sensiblement leurs ressources.
D'autres questions se posent, au sujet du rapport constant, dont on dit toujours qu'il faut améliorer la lisibilité, mais aussi de la décristallisation des pensions et des retraites des anciens combattants des pays membres de l'Union française devenus indépendants. Vous vous êtes engagé, monsieur le secrétaire d'Etat, à traiter ce problème en termes de pouvoir d'achat.
Notons aussi le problème des psychotraumatismes de guerre qui ont des conséquences dramatiques pour des milliers d'anciens combattants ainsi que pour leurs familles ; vous vous êtes engagé pour que 1999 soit une « année d'activité intense dans cette direction ».
Je voudrais maintenant parler du devoir de mémoire qui incombe non seulement à votre secrétariat d'Etat, mais aussi à nous tous. Il exige non pas toujours des crédits mais des initiatives et une politique ambitieuse. Il s'agit de transmettre les valeurs républicaines aux jeunes générations d'une société déstabilisée, dans laquelle, hélas ! l'intolérance et les idées extrémistes gagnent du terrain.
Les emplois-mémoire que vous créez peuvent jouer un rôle important et aider les collectivités locales, particulièrement les villes, à mener à bien des actions en faveur de la mémoire citoyenne. Il faudrait créer en ce domaine un véritable partenariat. Je souhaite aussi qu'un rapprochement puisse s'opérer avec l'éducation nationale car un devoir de pédagogie et d'éducation s'impose.
L'année 1999 devrait permettre de commémorer de grands événements : ce sera le cinquante-cinquième anniversaire du débarquement de Normandie et du débarquement de Provence. Il faudra plus généralement rappeler, à la libération de la France, le rôle des armées alliées mais aussi celui de la Résistance et des Forces françaises de l'intérieur. Cela permettra d'illustrer les valeurs qui ont permis de vaincre la barbarie nazie.
Dans l'esprit de beaucoup, 1999 apparaît comme la dernière année du xxe siècle. Ce siècle aura été atroce, avec les deux guerres mondiales, des massacres, des génocides. Le racisme, la xénophobie et le fascisme ont conduit à des abominations. Ne serait-il pas possible et souhaitable que votre secrétariat d'Etat prenne des initiatives pour dresser le bilan, terrible, accablant, de ce siècle, pour en tirer des leçons et engager les jeunes générations à construire un monde qui devrait être celui de la paix, de la solidarité, de la fraternité ?
Le secrétariat d'Etat aux anciens combattants a une place à tenir qui est irremplaçable, qu'il s'agisse de la transmission de la mémoire et de la défense des idéaux républicains, particulièrement à un moment où le pays a suspendu le service national et où il faut établir un lien entre l'armée et la nation, ou qu'il s'agisse d'assurer la gestion des intérêts moraux et matériels du monde combattant.
Je souhaite donc, en conclusion, que vous puissiez nous confirmer vos engagements sur la pérennité de votre secrétariat d'Etat et de l'ONAC. Comme les anciens combattants, nous y sommes très attachés et nous souhaiterions être pleinement rassurés.
Bien entendu, le groupe socialiste, monsieur le secrétaire d'Etat, vous apportera son soutien pour vous aider à mener à bien votre tâche. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le secrétaire d'Etat, nos rapporteurs ont souligné le caractère paradoxal de votre budget qui se traduit par une diminution sensible des crédits, mais qui renforce certaines actions en faveur du monde combattant, ce dont, bien sûr, nous nous félicitons. Ils ont aussi considéré que ce budget pouvait être amélioré et ont, enfin, relevé un certain manque de transparence dans les chiffres fournis.
M'inscrivant dans la ligne de ces observations, je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer votre attention sur un point particulier qui a d'ailleurs été évoqué à plusieurs reprises ce soir : je veux parler du réajustement des pensions militaires d'invalidité. Le gel instauré par la loi de finances de 1991 frappait les invalides les plus gravement atteints, c'est-à-dire ceux qui sont les plus dépendants et dont les besoins matériels sont les plus importants.
En 1995, ce gel fut non pas abrogé mais interrompu. Autrement dit, la valeur du point des pensions bloquées ne fut pas réajustée au niveau de la valeur du point des pensions ayant échappé au gel.
Il en résulte actuellement une inégalité tout à fait absurde entre les invalides de guerre : en effet, selon la date de leur liquidation, des pensions au même indice sont payées sur la base de valeurs du point différentes, l'écart pouvant aller jusqu'à 10 %.
Le retour à une valeur unique du point pour toutes les pensions à la date d'application de la loi de finances serait une mesure de simple justice et de respect du droit à réparation. Il s'agirait, en l'occurrence, d'une revalorisation à une date donnée pour toutes les pensions et non d'une mesure rétroactive.
Nous savons bien que la part de la dette viagère dans le budget des anciens combattants est prépondérante mais qu'elle tend à diminuer pour la simple raison que le nombre des parties prenantes baisse. Sans doute pourrions-nous, dans une prochaine loi, profiter de cet écart financier favorable pour introduire cette réforme.
Cet écart, il est vrai, a autorisé de nouvelles mesures en faveur des anciens combattants, notamment des appelés du contingent ayant servi en Afrique du Nord. Nous nous en réjouissons mais je ne puis m'empêcher d'être sensible au sentiment d'injustice ressenti par les grands invalides qui, du seul fait de la date à laquelle est intervenue la liquidation de leur pension, se trouvent défavorisés.
Peut-on espérer une évolution de cette situation préjudiciable à d'anciens combattants très atteints dans leur intégrité physique ? Vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, à quel point il est dur d'avoir le sentiment d'être l'objet d'une injustice.
Pour conclure, permettez-moi de vous citer un témoignage. J'ai rencontré le représentant de l'association des grands mutilés et des « gueules cassées » de mon département. C'est un homme très jeune encore. Ancien militaire au Liban, il a sauté sur une mine. Il n'a plus qu'un oeil et la trace de très nombreuses cicatrices laissées par les habiles chirurgiens qui ont recomposé son visage témoigne de l'importance des interventions qu'il a dû subir. En outre, dans cette explosion meurtrière, il a perdu les deux mains.
Cet homme n'a jamais eu un mot d'amertume ou de reproche quant à sa propre situation dont il ne parle même pas. C'est moi qui lui ai demandé où il avait été blessé. Il m'a simplement répondu qu'il avait sauté sur une mine au Liban. J'ai été très émue, je dois le dire, par l'espèce d'innocence et de simplicité avec lesquelles il s'exprimait. Il m'a seulement dit : « Madame, si vous pouviez faire quelque chose pour exposer cette situation, ce serait un très grand réconfort pour nos camarades. » Je voulais vous apporter ce témoignage, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous dire que je me réjouis de voir que nous avons été nombreux ce soir à vous entretenir de telle situation.
Aussi, c'est à un homme de coeur et d'équité que je m'adresse ce soir pour que la nation accorde, à ceux qu'elle a envoyés se battre ou déminer en son nom, un traitement juste et équitable.
Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous n'êtes pas hostile à ce qu'une solution soit trouvée. Dès lors, je vous demande instamment, comme l'ont fait mes collègues, d'inscrire ce problème en priorité. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. J'ai envie de dire pour commencer : « Beaucoup de bruit pour rien » ! Il s'agit non pas de la pièce de théâtre de Shakespeare, mais bien de votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat.
Du bruit, il y en a eu beaucoup à l'occasion notamment du quatre-vingtième anniversaire de l'armistice de la Première Guerre mondiale, à commencer par les propos tenus à l'égard des mutins de 1917 qui, n'en déplaise à M. Fischer, n'ont pas sauvé l'honneur de la France.
M. Raymond Courrière. Vous y étiez, vous ?
M. Michel Pelchat. Il y en a eu bien peu, en revanche, pour ces centaines de milliers de soldats, qui ne sont plus aujourd'hui français, mais qui, en leur temps, ont donné leur vie pour la France non seulement durant la Première et la Seconde Guerre mondiale, mais aussi au cours des opérations extérieures dans lesquelles la France était engagée comme en Indochine et en Algérie. Ces anciens combattants attendent toujours un geste de reconnaissance de la France.
Je ne compte plus les plumitifs et autres soi-disant amateurs de justice qui se sont élevés pour demander aussi une reconnaissance de la France pour ceux qui ont refusé de se battre.
Que ne se sont-ils levés pour tous ceux qui se sont battus et qui n'ont reçu pour toute reconnaissance que le mépris, pis, l'indifférence de la France, assortie d'une pension ridicule ! Je veux parler - chacun l'aura compris ici - de nos anciens combattants des territoires d'outre-mer, ces tirailleurs sénégalais, marocains, algériens, malgaches, ces vietnamiens, ces harkis - et j'en oublie certainement - qui se sont battus sous la bannière française et qui ont tout autant, sinon plus, de droits sur la France que les anciens combattants que nous sommes.
Sept cent cinquante francs par trimestre pour toute pension d'invalidité et de retraite d'ancien combattant pour cet ancien tirailleur sénégalais de cent quatre ans, est-ce bien décent ? Surtout quand on sait que M. Boudarel, lui, bénéficie d'une retraite confortable de l'éducation nationale, sans aucune retenue malgré les sept années qu'il a passées au Vietnam à faire du tourisme dans certains camps d'éducation !
Une simple médaille de la Légion d'honneur pour cet ancien tirailleur sénégalais dont je vous parlais voilà quelques instants, quatre-vingts ans après ses faits héroïques, est-ce une juste récompense ? Non, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est dérisoire ! Et je pourrais citer quantité d'autres exemples de l'ingratitude de la France à l'égard de ces anciens combattants d'outre-mer.
On parle pudiquement de cristallisation des pensions de retraite et d'invalidité alors que l'on devrait parler d'obstination dans le mépris.
Vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez sacrifié à cette tentation et je l'illustrerai en citant les propos que vous avez adressés au conseil national pour les anciens combattants et militaires d'outre-mer, qui vous a écrit le 5 novembre.
Par une lettre du 18 novembre, vous avez prétendu que l'ensemble de ces anciens combattants percevaient effectivement des pensions qui étaient souvent, en termes de pouvoir d'achat, supérieures à celles de nos ressortissants. Vous avez néanmoins reconnu que les Tunisiens et les Marocains étaient, eux, très désavantagés. Pour autant, le budget que vous présentez aujourd'hui ne contient aucune mesure destinée à ces catégories de personnes. A s'en tenir là, le sang versé pour la France n'aurait pas la même valeur selon que l'on est ou non, aujourd'hui, Français, même si l'on a participé au même combat, pour le même idéal ?
Où sont les bien-pensants qui dénoncent sans cesse les conditions prétendues inhumaines dans lesquelles ont été recrutés ces soldats ? Aujourd'hui, je ne les entends pas réclamer les justes et simples droits de ces anciens combattants.
Car il s'agit bien de droits, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je dirais même des droits que ces anciens ont sur la France et qui ne devraient faire l'objet d'aucun marchandage. Alors que vous annoncez des efforts en faveur de la mémoire et de l'information historique - je m'en félicite - j'ose espérer, nous osons espérer, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une politique commune sera engagée entre votre secrétariat d'Etat et le ministère de l'éducation nationale, et j'espère que nos enfants recevront un enseignement fidèle à la mémoire et au respect dû tout particulièrement à ces aînés-là qui ont combattu pour l'honneur de notre pays.
Vous auriez pu, monsieur le secrétaire d'Etat, avec 0 % d'augmentation de votre budget, consacrer 500 millions de francs à ces anciens combattants de la France d'outre-mer. Vous vous rendez compte ! C'eût été à leur égard un choc absolument extraordinaire, une reconnaissance comme ils n'en ont jamais connu !
Cette décision aurait d'ailleurs été conforme aux propos de M. Lionel Jospin, alors candidat aux élections législatives, qui écrivait le 8 juin 1997 au président de l'UFAC : « La décristallisation des pensions doit être obtenue progressivement, afin que les principes d'égalité et de droit à réparation deviennent des réalités pour les ressortissants étrangers qui ont combattu au nom de la France. »
Malheureusement, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez choisi de réduire votre budget de 2 % par rapport à celui de l'an passé. Ces millions, dont j'évoquais tout à l'heure la possible existence, n'iront pas à ces anciens combattants d'outre-mer.
Votre budget, comme le précédent budget des anciens combattants - et comme tous ceux de vos prédécesseurs, je vous l'accorde - est un budget indigne. Oui, indigne d'une certaine idée de la France, patrie des droits de l'homme, dit-on ; indigne de ces étrangers qui ont donné leur vie pour elle, indigne de leurs enfants et petits-enfants qui, eux aussi, ont choisi la France et qui devraient d'ailleurs bénéficier en priorité de bourses d'études et de cartes de séjour, et à qui on devrait faciliter la naturalisation lorsqu'ils en font la demande.
Pour toutes ces raisons, pour tous ces manquements, je veux simplement et tranquillement vous dire que je ne voterai pas votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Mesdames, messieurs les sénateurs, un grand nombre de questions ont été posées et je m'efforcerai d'y répondre, sans en oublier.
J'aborderai d'abord la gestion des économies démographiques, point qui a été évoqué à plusieurs reprises.
Certes, il pourrait être aisé pour le secrétariat d'Etat aux anciens combattants de bénéficier de l'ensemble des mesures financières rendues possibles par le biais de la démographie. Une partie de la baisse est utilisée néanmoins pour appliquer le rapport constant. Autrement dit, une partie de cette baisse retourne au monde combattant pour la valorisation ou l'actualisation des pensions. On pourrait sans doute aller plus loin, mais j'observe que, depuis longtemps, cela ne se fait pas. Certes, ce n'est pas une raison pour renoncer - mais c'est une constante dans la gestion du département ministériel.
Je dirai un mot sur les coloniaux.
Au cours de cette année où l'on a célébré le quatre-vingtième anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, un effort particulier a été fait par la France pour reconnaître les engagements de ces soldats qui sont venus se battre à nos côtés sous le drapeau tricolore et qui sont devenus depuis, ou leurs descendants, des ressortissants de pays étrangers. Je me suis rendu à Fréjus, à Saint-Raphaël ; nous avons mené des opérations commémoratives à Verdun, etc. Ils n'ont pas été oubliés sur le plan de la mémoire. Je tenais à le rappeler et je reviendrai tout à l'heure sur la question de la décristallisation.
Je voudrais d'abord remercier toutes celles et tous ceux qui sont intervenus, dans un climat cordial, dans un excellent débat démocratique, et tout particulièrement le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Baudot, et le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Lesbros.
M. le rapporteur spécial s'est demandé s'il fallait conserver au sein de l'ONAC les écoles de rééducation professionnelle en faisant remarquer que peu de ressortissants du monde des anciens combattants accédaient finalement aux formations dispensées par ces écoles.
Pour l'instant, il faut maintenir le statu quo, en conservant les écoles de rééducation professionnelle au sein de l'office, ne serait-ce que dans la perspective de relations futures que nous pourrions avoir avec le ministère de la défense nationale dans le cadre de la réinsertion et de l'insertion sociale des militaires professionnels qui, à un moment donné, devront quitter l'activité défense pour s'intégrer dans une activité civile. Là, nous pourrions ensemble bénéficier d'un instrument fort utile.
Les maisons de retraite sont une de vos préoccupations, monsieur le rapporteur spécial. Vous organisez une mission d'étude sur le sujet. Je vous ai fourni au cours de la soirée le document que j'avais moi-même fait élaborer par le département ministériel que je dirige à l'attention de M. le préfet Guizard, directeur général de l'ONAC. Ce document fait le point, maison de retraite par maison de retraite, sur la situation, les possibilités d'investissement, les relations nécessaires avec les collectivités territoriales et les négociations entre la DDASS, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, et le ministère des affaires sociales.
Certes, je partage un certain nombre de vos préoccupations, mais, dans ce domaine, il faut avancer avec beaucoup de prudence. Il convient de faire comprendre au monde combattant qu'il serait probablement plus utile, demain, de gérer les maisons de retraite dans un cadre national, compte tenu de la prolongation de la durée de la vie dans notre pays. C'est un problème national. Nous devons trouver des moyens pour favoriser la concertation et le travail en commun avec les collectivités territoriales - je pense notamment aux départements.
Sur la base du document que je vous ai fourni, j'ai demandé au directeur général de l'ONAC d'étudier cette question avec le conseil d'administration et ses commissions.
En ce qui concerne la guerre d'Algérie, vous m'incitez à passer à un stade supérieur par rapport à ce qui a été fait : la reconnaissance dans les propos officiels de ce Gouvernement de la réalité de l'expression « guerre d'Algérie ». Une avancée a été faite, vous avez bien voulu la signaler ; il faut maintenant qu'elle trouve sa traduction juridique. Cela soulève deux types de questions : d'abord, des questions de diplomatie par rapport aux accords d'Evian - qu'est-il possible ou impossible de faire - et, ensuite, des questions budgétaires, que vous avez évoquées. Je travaille sur ce dossier. J'ai sollicité l'intervention prochaine d'un comité interministériel.
Les questions diplomatiques peuvent, à mon avis, être dépassées. On trouvera en temps opportun les moyens de franchir cet obstacle. Pour ce qui est des questions budgétaires, je pense également que, moyennant certaines précautions, nous pourrions parvenir à une vraie appellation « guerre d'Algérie » sur l'ensemble des documents sans qu'il en résulte véritablement des bouleversements budgétaires ; je pense, notamment, à la campagne double, dont il n'a pas été question ce soir. Il est possible d'éviter cet écueil. En tout cas, cela permettrait d'adapter le droit au discours officiel ; et ce serait normal.
Il a été question du titre de reconnaissance de la nation, le TRN ; on a souhaité que la période utile soit prolongée jusqu'au 1er juillet 1964. J'ai fait récemment une avancée en disant que nous pourrions accorder le TRN jusqu'au 2 juillet 1962, donc pour les militaires intervenus après le 2 avril 1962 et avant le 2 juillet 1962. C'est un début de reconnaissance, qui va dans la direction que vous souhaitez.
Je n'ai pas encore tranché la question pour ce qui est d'accorder le TRN jusqu'au 1er juillet 1964, car, comme toute mesure qui concerne le monde combattant, elle a forcément un coût. En l'occurrence il ne s'agit pas de retraite ; il s'agit simplement de faire bénéficier de la retraite mutualiste toutes les personnes qui satisferaient aux critères. Il y a donc un coût budgétaire, dont je suis bien obligé de tenir compte.
Ce n'est peut-être pas la priorité que je me fixerai pour 1999, même si je vais y réfléchir. J'ai en effet d'autres priorités, comme le rapport constant, le psychotraumatisme de guerre, la décristallisation, la forclusion, et un certain nombre d'autres sujets sur lesquels il faut maintenant parvenir à une concrétisation. Je ne pourrai pas avancer sur tous les sujets à la fois. Il faudra bien que je fasse des choix. Aussi ne suis-je pas sûr de placer ce dossier au rang des premières priorités de mon département ministériel.
S'agissant de la retraite mutualiste, à ceux qui se demandent si l'indice 100 est l'objectif final du Gouvernement, je réponds non.
Devant la commission des affaires sociales, j'ai déjà dit que notre objectif cette année était d'atteindre 100 points - ce qui représente 12,7 % d'augmentation sur les derniers mois - mais que je savais que ce n'était pas une réponse satisfaisante aux revendications exprimées, revendications auxquelles je suis attentif.
L'objectif est en effet d'atteindre, bon an mal an, 130 points, mais nous n'y parviendrons que progressivement. L'indice 100 n'est donc pas, je le répète, le point d'arrivée de l'action que j'entends mener en la matière.
En ce qui concerne la retraite anticipée, nous n'allons pas refaire le débat du mois de juin, car cela absorberait tout le temps dont je dispose pour vous répondre. Je veux simplement indiquer, sans revenir sur le débat,...
M. Guy Fischer. Moi, je vais y revenir !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. ... et sans forcément le clore au demeurant, que si on prend en compte les mesures de 1998 dont il a été question tout à l'heure en même temps que la suppression du sas pour 1999, on s'aperçoit que cette catégorie d'anciens combattants, c'est-à-dire ces chômeurs en fin de droits, totalisant quarante annuités, ont droit immédiatement à 5 600 francs minimum par mois, somme qui peut aller jusqu'à 7 200 francs, soit 65 % du salaire des dix dernières années. C'est aussi bien et souvent mieux que la retraite anticipée pour tous ceux qui avaient un salaire mensuel inférieur à 11 000 francs par mois. Je sais que, juridiquement, ce n'est pas une retraite anticipée ; mais je veux simplement signaler que l'ensemble des dispositifs sociaux mis en oeuvre en direction de ces anciens combattants chômeurs en fin de droits totalisant quarante annuités ne laissent pas ces derniers au bord du chemin et que, pour un grand nombre d'entre eux, cette situation est même préférable au montant de la retraite de la sécurité sociale et de la retraite complémentaire auxquelles ils pourraient prétendre dès lors qu'ils ont moins de 11 000 francs de ressources par mois. Ce n'est certes pas le paradis, mais c'est une avancée non négligeable !
Quant au dispositif de l'ARPE, qui concerne les actifs, il permet à tout ancien combattant salarié de quitter son travail à cinquante-huit ans pour une quasi-retraite.
Par conséquent, le cumul de ces deux mesures montre que, si la situation est sans doute encore améliorable, il y a néanmoins une prise en compte des problèmes rencontrés par cette partie de nos concitoyens représentant le monde combattant.
Je ne dis pas que le dossier soit clos, madame Beaudeau ; je vais voir ce qu'il m'est possible de faire, mais, là encore, au sein des arbitrages auxquels je devrai procéder pour le budget de l'an 2000, car j'y suis naturellement contraint.
Il a été question de la fameuse forclusion de la carte de combattant volontaire de la Résistance. Je rappelle qu'il n'y a pas véritablement de forclusion puisque, depuis la loi de 1985, plus de 2 500 cartes de combattant volontaire de la Résistance ont été délivrées. J'ai adressé des instructions aux préfets au cours de l'année 1998 pour leur indiquer que tous les dossiers ne répondant pas aux conditions administratives de 1985 devaient néanmoins faire l'objet d'une instruction complémentaire par une enquête à leur discrétion.
Cela a permis de traiter 50 % des dossiers ; 25 % de ces derniers ont été reconnus valables, et ces personnes obtiendront par conséquent une carte de CVR ; en revanche, un refus a été opposé dans 25 % des cas également : il a ainsi été possible d'opposer des refus à des demandes avancées par des personnes ayant été condamnées pour collaboration après la Libération.
Il est donc absolument nécessaire, si l'on veut préserver la validité de ce que représente la carte de CVR, d'instaurer des conditions d'examen. J'ai d'ailleurs demandé au président de l'Association nationale des anciens combattants de la Résistance, l'ANACR, lors du congrès qui s'est tenu à Chambéry, de me faire des propositions : « Je les accepterai à condition d'avoir l'assurance que ce dispositif permettra tant d'accorder la carte de CVR à toute personne la méritant que de la refuser à toute personne ne remplissant pas les conditions », ai-je alors déclaré. Je maintiens cette position.
J'en viens aux problèmes des psychotraumatismes de guerre. C'était l'un de mes quarante engagements pris devant le monde combattant. Il n'aura pas été tenu avant le 31 décembre 1998, mais, dès le mois de janvier 1999, une commission se mettra au travail sur ce sujet. Comme je l'ai dit devant l'Assemblée nationale, ce point n'a pas forcément l'agrément des services du secrétariat d'Etat aux anciens combattants, lesquels considèrent - je ne sais d'ailleurs pas trop pourquoi ! - que l'on s'aventure là sur un terrain extrêmement particulier, voire dangereux. Mais ce travail sera objectivement conduit parce c'est une réalité dont on doit tenir compte de façon à agir pour l'avenir plus que pour le passé.
J'ai bien entendu le dernier orateur évoquer la décristallisation. Pour ma part, il ne me semble pas indécent d'avoir engagé la réflexion en termes de pouvoir d'achat et de vouloir comparer, pour un même taux d'invalidité, le pouvoir d'achat d'une pension attribuée à un ancien combattant ressortissant français vivant en France et celui de la pension versée aujourd'hui à un ancien combattant ressortissant d'un pays étranger ; c'est bien en effet le pouvoir d'achat qui permet de juger s'il y a égalité de traitement !
La France a décidé à la fois de maintenir des pensions et de les cristalliser. C'est une situation que j'ai trouvé à mon arrivée au secrétariat d'Etat aux anciens combattants et qui existe depuis l'accession à l'indépendance de ces pays. Le Commonwealth, quant à lui, a supprimé toutes les relations entre la Grande-Bretagne et les ressortissants de ses anciennes colonies. La France n'a pas fait ce choix, et c'est à son honneur.
Confronté à une question, j'ai essayé d'y répondre en termes de pouvoir d'achat. M. le rapporteur spécial m'a demandé de lui fournir un document, et je le lui ai donné.
Je mesure la limite de mon exercice cependant, puisque j'établis des comparaisons à partir de salaires minimaux, de grilles indiciaires, de moyennes de revenus. Il faudrait, pour valider le travail que j'ai fait, voir sur les marchés du Cameroun, du Burkina Faso, du Bénin, du Cambodge, du Congo... (Sourires) ce que l'on peut effectivement acheter avec un certain pouvoir d'achat. Je ne dis pas que je ne le ferai pas un jour, car ce serait le meilleur moyen de valider ou non le dispositif, voire de l'améliorer. Pour l'instant, j'en suis là, et j'ai observé que deux pays, le Maroc et la Tunisie, enregistraient un retard. Mais le problème de la forclusion me touche encore davantage. En effet, aujourd'hui, une veuve ne peut pas présenter un dossier pour bénéficier d'une pension de réversion, et l'ancien combattant dont une blessure s'aggrave ne peut pas déposer un nouveau dossier pour faire constater cette aggravation.
J'ai demandé à un comité interministériel de se réunir et d'étudier le sujet. J'ai le sentiment que nous allons avancer vers la levée de la forclusion sur les deux points que j'ai indiqués.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Cela représentera un véritable progrès. Il nous restera alors à faire le tour des marchés pour voir si le pouvoir d'achat indiqué par nos ambassades correspond au pouvoir d'achat dans notre pays !
On ne peut pas, à mon avis, dire que la France s'est désintéressée de ses anciens combattants ; ces derniers méritent bien évidemment le respect, notre reconnaissance. L'histoire a fait évoluer les choses : ces pays sont devenus indépendants, souverains. C'était une responsabilité assumée de la part de notre pays, et ce dernier doit donc également assumer l'ensemble des conséquences. Il n'y a pas de désintéressement de notre part.
Je rappelle la volonté politique affirmée de donner à l'ONAC les moyens de se développer, d'assurer ses fonctions et d'être maintenu dans chacun des départements français comme service de proximité : il s'agit de renforcer son rôle de service, d'en faire en quelque sorte une administration au sein de laquelle les anciens combattants seront accueillis et recevront toute l'aide nécessaire s'agissant tant de leur droits d'ancien combattant que de leurs droits de citoyen. Ce serait donc un lieu particulier d'écoute, d'accueil, d'aide à l'intention du monde combattant, dans chacun des départements.
Le projet de budget pour 1999 traduit en partie la charte que le conseil d'administration de l'ONAC a bien voulu voter sur ma proposition au mois de juin dernier, charte qui ouvre une perspective et qui affirme une volonté politique de maintenir cet établissement public.
Vous avez évoqué l'augmentation des crédits. Les crédits sociaux sont remis au niveau de 1997 et ont été améliorés par un vote en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, qui a majoré de 5 millions de francs les crédits en direction des veuves d'anciens combattants, c'est-à-dire des veuves qui ne reçoivent rien : des instructions seront données par le M. préfet Guizard pour que ces sommes soient effectivement attribuées aux veuves qui en auront réellement besoin.
S'agissant de la réforme, tout est dit et tout est connu. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il vaut mieux maîtriser les évolutions plutôt que de les subir, que nous refusons le rattachement au ministère des affaires sociales, qui signifierait l'enterrement progressif de mon administration, qu'il s'agit de mieux gérer dans les vingt prochaines années les intérêts moraux et matériels du monde combattant et d'assurer à ce dernier une structure administrative et politique susceptible d'offrir cette perspective : en l'occurrence, de mon point de vue, c'est le ministère de la défense.
Une très large concertation a eu lieu avec le monde combattant. Les documents qui en résultent ont été adressés au Président de la Répulique, puisque la décision quant à un éventuel rapprochement du ministère de la défense relève de la responsabilité propre du chef de l'Etat, chef des armées. M. le ministre de la défense et moi-même devons prochainement rencontrer M. le Président de la République à ce sujet. Nous verrons alors quelle attitude nous adopterons ensemble. S'il s'agit d'aller plus loin, nous irons plus loin, et nous travaillerons sur cette évolution administrative qui demandera toute l'année 1999, voire davantage pour un certain nombre de cas.
Mais il s'agit bien de réaliser cette réforme aux conditions qui ont été contractualisées entre le monde combattant et le secrétariat d'Etat en charge de ce dossier, à savoir l'existence d'un responsable politique membre du Gouvernement, chargé du dossier des anciens combattants, d'un budget autonome, du droit à réparation, d'un cabinet ministériel, du maintien de l'ONAC, de l'Institution nationale des invalides, de la direction des statuts exprimant le droit à réparation et de la grande direction de la mémoire de l'information historique élargie. C'est à ces conditions-là seulement que l'évolution se fera.
Mais je vois l'heure tourner : il ne me reste plus guère de temps sur les vingt-cinq minutes qui m'étaient octroyées ! J'espère que M. le président m'accordera quelques minutes de grâce !
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous disposez de tout votre temps pour répondre au Sénat !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Certes, mais il est déjà une heure quarante...
M. le président. Au point où nous en sommes... (Sourires.)
M. Ivan Renar. Nous avons tout notre temps !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. et vous reprenez vos travaux demain matin, à l'aube... ou presque !
Il a été question de la demi-part. Elle n'a pas été touchée dans le dispositif final du projet de loi de finances pour 1999. Certes, le plafonnement de l'avantage concerne effectivement le monde des anciens combattants. Mais un crédit d'impôt équivalent à la conséquence du plafonnement a été accordé à ce dernier, ce qui aboutit à une incidence fiscale nulle. Il n'y a donc pas de remise en cause de la situation fiscale attachée à cette demi-part.
S'agissant de la situation des grands invalides, je n'ai aucun argument à opposer, madame Heinis.
Cette question est d'ailleurs revenue à chaque réunion que j'ai tenue, au cours de l'année 1998, dans les quarante à cinquante départements que j'ai visités ; et j'ai fait à chaque fois la même réponse ; j'ai constaté la situation, qui me pose effectivement un problème d'éthique, car deux mêmes blessures, deux mêmes handicaps ne peuvent pas donner objectivement ou moralement droit à une pension différente selon la date de leur liquidation.
Par conséquent, j'inscris ce point parmi les trois priorités que je me fixe, en 1999, pour un règlement en 2000. Et j'espère être suffisamment persuasif pour obtenir au moins un début de résultat, car je n'ai pas de justification à apporter à cette situation. Je veillerai donc à ce que nous puissions avancer sur ce sujet.
Il a été question des patriotes résistants à l'occupation. Ces derniers perçoivent une indemnisation de 9 000 francs. Les ayants cause ne perçoivent pas cette indemnisation si l'ayant droit est décédé avant le versement de cette somme. C'est un problème différent, effectivement, de celui des « Malgré-nous », et cela concerne 164 dossiers que j'ai encore à régler. Je n'ai pas de mesures budgétaires pour l'instant, mais je ne désespère pas de pouvoir avancer aussi sur ce sujet, qui, je le rappelle, concerne 164 personnes.
Il a été question du Reichsarbeitsdienst, ou RAD, et du Kriegschilfsdienst, ou KHD. J'ai demandé - et obtenu - de la Fondation de l'entente franco-allemande, qui avait perçu une indemnisation de la part de la République fédérale d'Allemagne, une somme importante pour indemniser les « Malgré nous », c'est-à-dire les personnes incorporées de force dans la Wehrmacht.
Mais tout le débat a porté sur la distinction à faire entre la Wehrmacht, les organisations paramilitaires et les organisations type RAD ou KHD, dans lesquelles on comptait beaucoup de femmes. Ce débat a duré de longues années. Il a été assez fort, assez puissant, assez percutant et il était assez pénible, en vérité, d'assister à ces discussions entre des personnes qui avaient toutes été victimes à des degrés divers.
J'ai obtenu, en tout cas, la prise en compte d'une partie de cette situation sur la base du produit des placements financiers qu'avait réalisés la Fondation de l'entente franco-allemande.
Je me suis rendu à Strasbourg voilà quelque temps et j'ai demandé que soit opéré le recensement de toutes les situations avant le 31 mars 1999. Cest la raison pour laquelle je n'ai pas prévu de crédits dans le budget pour 1999, puisque ce recensement ne s'achèvera que le 31 mars 1999. Je n'avais donc pas d'éléments d'identification ni d'estimation en la matière.
S'agissant du mémorial de l'annexion de fait de l'Alsace-Moselle, madame Printz, je me rendrai à Strasbourg le 10 décembre prochain pour écouter les propositions qui me seront faites par la commission d'historiens et de représentants du monde ancien combattant que j'ai mise en place. Je discuterai ensuite avec les collectivités territoriales, les départements et les régions concernés. C'est en effet un investissement important et il s'agira de trouver des clés de répartition entre l'Etat, les collectivités territoriales concernées, la commune d'accueil, les départements et les régions qui voudront bien participer à cette réalisation. Mais il s'agit d'un devoir de mémoire qui concerne la spécificité de l'Alsace-Moselle dans la tentative de nazification qui a été menée de 1940 à 1944.
S'agissant du camp du Struthof, seul camp de concentration ayant existé sur le territoire français, des crédits d'études seront engagés en 1999 pour la réalisation d'un mémorial dédié au système concentrationnaire nazi.
M. de Gaulle a fort bien décrit les mesures qui étaient prises en faveur du monde ancien combattant, notamment la retraite d'ancien combattant, d'un montant de 2 600 francs, l'avantage que représente la retraite mutualiste, la demi-part fiscale. Il faut y ajouter cependant tout l'effort accompli par la France au nom du droit à réparation, c'est-à-dire les pensions d'invalidité, qui représentent quand même 18 milliards de francs. Cet effort, j'y insiste, n'est pas fait par tel ou tel gouvernement, c'est bien celui de notre pays en direction du monde combattant, avec un budget de 24,5 milliards de francs, dont une grande partie est consacrée à la rente viagère, aux pensions, aux soins médicaux gratuits, aux questions d'appareillage, aux déplacements de personnes, aux nécropoles, etc.
Une très petite proportion de cette somme est affectée au fonctionnement de l'administration elle-même : seul 1 milliard de francs sur le budget est consacré au fonctionnement, la quasi-totalité est versée soit sous forme de rente viagère soit au titre du fonds de solidarité. C'est l'honneur de la France, je le répète, que de procéder ainsi, d'autres pays ne le font pas.
Il a été question des quarante engagements que j'avais pris. A la date d'aujourd'hui, vingt de ces engagements ont été tenus, dix sont en cours d'exécution, cinq seront probablement conduits à terme d'ici au 31 décembre et les derniers connaîtront une exécution au cours de l'année 1999. C'était un pari risqué, mais je crois que trente-cinq sur quarante, ce n'est pas si mal ! Le joueur de boules qu'est M. Lesbros considérera sans doute avec moi qu'un tireur qui ferait trente-cinq touches sur quarante coups serait un excellent tireur ! (Sourires.)
Je ne sais pas si l'on peut appliquer ce principe aux quarante engagements du secrétaire d'Etat aux anciens combattants, mais j'établirai un compte rendu exhaustif à la date du 31 décembre 1998. Il sera distribué à la représentation nationale et au monde combattant. Donc, ce qui a été accompli sera clairement affiché, de même que ce qui reste à faire.
Il m'a été demandé aussi d'étendre le titre de reconnaissance de la nation, le TRN, au service du travail obligatoire, le STO.
Le TRN correspond à des conditions militaires. Or le STO est autre chose ! Cela ne signifie pas que j'ignore les souffrances ou les difficultés des personnes qui ont été contraintes au travail en territoire ennemi ! Mais je ne suis pas sûr que l'on puisse appliquer le TRN, qui a un contenu d'actions militaires, au bénéfice de personnes engagées dans le travail civil.
J'avoue que j'apporte cette réponse à chaud, et je vous laisse méditer, en tout cas, ces éléments tels que je les ai compris.
S'agissant de l'extension de l'ARPE aux bénéficiaires du TRN, je ne vous donnerai pas satisfaction ce soir.
M. Guy Fischer. C'est regrettable !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Sûrement !
Je m'expliquerai tout à l'heure, à l'occasion de l'examen des amendements qui ont été déposés, sur les procédures que je veux mettre en oeuvre. Cela me vaudra d'ailleurs encore des félicitations du jury, j'imagine, et les honneurs du Journal du combattant, qui va certainement me tailler des croupières !
Je n'ai en tout cas pas les moyens de vous répondre dès maintenant sur l'extension aux bénéficiaires du TRN. Sans doute les difficultés ne sont-elles pas insurmontables sur le plan budgétaire, mais il y a un autre argument : c'est que... Pardonnez-moi, j'avais un autre argument à faire valoir, mais il m'échappe à cet instant. (Sourires.) Je reviendrai sur les véritables obstacles de cette extension à l'occasion de la discussion des amendements.
Les événements qui se sont déroulés le 16 octobre au centre culturel algérien ont fait l'objet d'une condamnation. J'ai répondu à l'Assemblée nationale à une question d'actualité sur ce sujet et j'ai dit que, dès lors que nous avions eu connaissance de ces événements - et notre attention a été effectivement appelée par le monde combattant - nous sommes intervenus, le ministre des affaires étrangères et moi-même, auprès de la représentation diplomatique d'Algérie à Paris pour dire que nous assimilions ce comportement à de la provocation. Nous l'avons condamné, je l'ai dit, cela figure au Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale. Je peux donc le répéter ici ce soir en toute sérénité !
Nous avons envoyé des courriers pour relater ce qui est effectivement une provocation à l'égard du monde combattant. D'abord, parce qu'il n'est pas d'usage d'honorer, sur le territoire d'un pays, ceux qui, à un moment donné de l'histoire, ont aidé les adversaires de ce pays. Ensuite, parce que ces événements se sont déroulés le 16 octobre, date qui fait référence au transfert en 1977 du corps du soldat inconnu à Notre-Dame-de-Lorette. Ce n'était quand même pas quelque chose à faire !
Dans le même ordre d'idée, je condamne les propositions de Daniel Cohn-Bendit.
M. Rémi Herment. Très bien !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Vous connaissez son propos, il n'est pas admissible !
Nous avons avancé dans la réflexion consacrée au rapport constant, que j'entends rendre lisible pour 1999.
Parmi les propositions qui ont été faites au monde combattant, l'une d'entre elles a retenu leur attention. Son coût étant proche de 100 millions de francs, il s'agit maintenant pour moi d'obtenir les arbitrages utiles sur ce sujet. Mais je considère que c'est une priorité, parce que cela fait trop longtemps que l'on en parle.
La carte du combattant pour quinze mois passés au Maroc ou en Tunisie et dans les mêmes conditions que précédemment, oui. Mais douze mois, non ! Je n'avancerai pas, pour l'instant, sur ce terrain, parce que je considère qu'il faut maintenir à la carte du combattant son authenticité.
Je sais bien que c'est discutable : l'an dernier, j'avais parlé de dix-huit mois sur la base d'un certain nombre de relevés. J'ai observé depuis que les propositions que j'avais avancées n'étaient pas justes. J'ai donc « rectifié le tir » dans le projet de budget pour 1999.
J'en viens aux dates : 11 novembre, 8 mai et 19 mars. Ce n'est pas le dossier le plus facile ! Le 11 novembre et le 8 mai, il n'est pas question d'y toucher. En tout cas, je n'y toucherai pas, et je ne suggérerai pas au Gouvernement de le faire. Donc, nous continuerons à commémorer le 11 novembre et le 8 mai.
Pour le 19 mars, c'est plus embarrassant. En tant qu'individu, en tant que responsable politique, en tant que maire de Hayange, j'ai émis l'idée, suivi en cela par le conseil municipal, que la date commémorative puisse être le 19 mars. Cela étant, j'ai pris ma responsabilité comme maire dans une situation donnée. Je me retrouve, au secrétariat d'Etat, à la tête d'un département ministériel. Ce n'est donc plus seulement mon opinion qui compte ! Je dois mesurer ce qu'il est possible de faire et quelle est l'opinion du pays par rapport à cette proposition.
J'ai constaté qu'il n'y avait pas unanimité sur ce sujet. J'ai donc fait mien un argument que je trouve assez cohérent, selon lequel une date commémorative doit rassembler un pays unanimement, et non pas le diviser.
M. Michel Pelchat. Voilà qui est bien dit !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. A partir du moment où j'ai constaté qu'il n'y avait pas unanimité, je n'ai pas proposé cette date.
M. Michel Pelchat. Vous avez eu raison !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. J'ai donc répondu dans ce sens à toutes les questions écrites qui m'ont été adressées à ce sujet, parce que j'ai bien senti que le pays, pour toute une série de raisons que j'explique dans les réponses à ces questions écrites, n'était pas prêt.
La date du 19 mars est effectivement la date du cessez-le-feu qui fait suite aux accords d'Evian, qui ont été validés par le peuple français par référendum. Cette date représente quelque chose d'assez fort objectivement ! Mais, après cette date, il s'est produit d'autres événements : les exactions de l'OAS, celles du FLN...
M. Michel Pelchat. Merci !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. ... et le rapatriement d'un million de nos concitoyens dans des conditions qui ont entraîné des drames humains personnels. Tout cela est encore fortement ancré dans tous les esprits !
Par conséquent, je ne peux pas avancer aujourd'hui une proposition qui diviserait le pays, qui mettrait les gens dans la rue. Aussi ai-je proposé au Gouvernement de me rendre personnellement à l'Arc de Triomphe le 19 mars, de m'y rendre aussi le 16 octobre, qui est la deuxième date de commémoration de la fin de la guerre d'Algérie, et j'ai demandé aux préfets d'assister à cette cérémonie, le 19 mars comme le 16 octobre.
Nous en sommes là aujourd'hui. Voilà ce que je peux répondre honnêtement sur cette question très difficile. Je décris la réalité telle qu'elle est, mais le débat reste ouvert, car je ne propose pas de trancher définitivement. Je suggère simplement que ceux qui le veulent célèbrent tout à la fois le 19 mars et le 16 octobre afin que, dans nos communes, nous puissions aller - c'est ce que j'ai fait - à l'inauguration de stèles, à l'érection de mémoriaux, à l'apposition de plaques de rues en souvenir des soldats français engagés en Afrique du Nord dans la guerre d'Algérie.
Nous devons réintégrer cette guerre dans la mémoire collective nationale ; c'est notre travail. Puis, le temps passera et peut-être, alors, d'autres que moi pourront-ils faire utilement d'autres propositions qui rassembleront l'ensemble du pays.
Je n'ai toujours pas retrouvé le second argument en ce qui concerne l'extension de l'ARPE...
M. Michel Pelchat. Vous êtes le ministre de la mémoire et vous la perdez ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Effectivement ! Aujourd'hui, pour ma part, je ne peux faire plus, malheureusement.
La citoyenneté est vraiment une responsabilité que le département ministériel des anciens combattants doit assurer.
L'exemplarité du monde combattant, les valeurs sur lesquelles ont été bâtis les engagements du monde combattant doivent inspirer la citoyenneté de ce pays.
Il faut savoir rendre hommage à celles et ceux qui, comme je l'ai dit, acceptent que leur destin individuel s'efface devant le destin supérieur de la France. Il faut dire que le chemin de la mémoire, c'est le chemin de la citoyenneté.
Dans le projet de budget pour 1999 les crédits « mémoire » augmentent de façon très significative.
Cette politique doit cependant être partagée.
Les collectivités territoriales, communes, départements et régions, doivent participer à la mise en oeuvre de cette politique de la mémoire. J'invite d'ailleurs toutes les régions à inscrire dans leur contrat de plan Etat-région, à compter de l'an 2000, une ligne budgétaire « mémoire ». L'Etat et les collectivités territoriales doivent être côte à côte dans ce travail de mémoire pour aborder le siècle prochain.
Le xxe siècle fut un siècle d'épreuves, que notre pays et l'Europe ont surmontées. Les jeunes générations qui auront la responsabilité du xxie siècle ne doivent pas oublié le xxe siècle. Il ne faudrait pas, parce que nous franchissons un siècle et un millénaire, que la page soit tournée et qu'il y ait une rupture de mémoire parce que, alors, l'aventure serait encore possible.
Ce travail de mémoire doit être au coeur de l'action du département ministériel à côté et en complément du droit à réparation, et ce avec la collaboration non seulement de toutes les collectivités, mais également avec celle de l'éducation nationale et de toutes celles et tous ceux qui se sentent concernés par cette réalité.
L'année 1999 sera l'année qui nous permettra d'accomplir ce travail de mémoire, de citoyenneté : France libre, débarquement de Normandie, débarquement de Provence, action des alliés mais aussi résistance intérieure, amalgame sur la Ire armée, Leclerc, de Gaulle, libération de la France par la France... Ce travail de mémoire sera fait, et bien fait.
Monsieur le président, en vous remerciant de m'avoir laissé dépasser le temps qui m'était imparti, je terminerai par une annonce désagréable même très désagréable... En effet, pour ce qui est des six amendements, sur lesquels je donnerai tout à l'heure un avis argumenté, j'invoquerai une nouvelle fois - et j'en suis désolé : chaque fois que je viens au Sénat, je suis obligé de le faire - l'article 40 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Rémi Herment applaudit également.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère des anciens combattants et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 1 881 328 francs.

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient !

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 444 985 751 francs. »

Sur ces crédits, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cette année, la commémoration du 11 novembre 1918 a revêtu un éclat particulier. Cela doit nous faire réfléchir sur des idées fausses : les jeunes générations oublieraient ; le langage de l'ancien combattant serait radoteur, vieillot et lassant.
Cette année, parce que, à l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de cet armistice, un effort supplémentaire d'information et de sensibilisation a été fait, un intérêt nouveau s'est manifesté avec, entre autres, la participation de jeunes, alors que les mêmes classes d'âge avaient déserté ces manifestations au cours des deux dernières décennies. Je crois, monsieur le secrétaire d'Etat, que notre politique de mémoire n'est pas vaine. Cela nous démontre que des valeurs morales, patriotiques, pacifistes et humanistes ne demandent qu'à s'épanouir, y compris au Parlement, pourrais-je ajouter après avoir écouté mes collègues !
Notre responsabilité ne consiste pas seulement à faire acte de présence aux assemblées des associations d'anciens combattants. Le budget est le centre d'intérêt majeur des anciens combattants ; ils y placent leur ambition de voir reconnaître leurs droits dans leur plénitude.
Cette année, l'attente est encore plus forte parce que la gauche, hier, monsieur le secrétaire d'Etat, a beaucoup promis et qu'aujourd'hui elle doit tenir ses promesses.
Le sujet est peut-être moins politicien que d'autres et je nous crois tous concernés. Je n'en prendrai qu'un seul exemple : la nécessité d'abroger l'article 114 bis du code des pensions - article qui défavorise les grands mutilés - a été reconnue et même justifiée par M. Jospin ainsi d'ailleurs que par M. Juppé et, avec eux, par toute la classe politique. Il faut aujourd'hui passer à l'acte !
Par ailleurs, la reconnaissance de la guerre d'Algérie comme une guerre, ni plus honteuse, ni plus misérable que les autres, précisément parce qu'elle fut une guerre comme les autres, doit être affirmée clairement par le Gouvernement, comme doit être commémoré le cessez-le-feu du 19 mars 1962 qui suivit d'un jour la signature des accords d'Evian.
Dans nos villes et villages, nous sommes présents aux côtés des anciens combattants devant les monuments aux morts ; au Parlement, nous devons être présents pour les soutenir par la décision et l'acte.
Monsieur le secrétaire d'Etat, que dire du titre IV et, plus généralement, de votre projet de budget ? Il s'agit d'un budget nouveau, mais modeste et, sur certains points, d'un budget sourd à certaines demandes.
Il est nouveau car la tentation d'orienter les anciens combattants et victimes de guerre vers le ministère des affaires sociales est aujourd'hui abandonnée, et c'est tant mieux. Mais encore faut-il qu'au sein du ministère de la défense les affaires des anciens combattants soient traitées dans une structure de ministère.
Mais ce budget demeure modeste : mon ami Guy Fischer l'a montré, les mesures inscrites dans votre projet de budget, si elles comportent des avancées non négligeables, sont encore bien trop modestes. En l'an 2000, il sera trop tard, monsieur le secrétaire d'Etat, pour satisfaire des revendications qui n'auront plus lieu d'être : les anciens combattants d'Afrique du Nord seront alors quasiment tous en retraite.
Le projet de budget reste également sourd à la question des pensions des grands invalides et la campagne double, mesure sur laquelle je vous ai interrogé à plusieurs reprises.
La campagne double doit être reconnue aux fonctionnaires agents de l'Etat et des services publics. Vous le savez, si un simple décret suffit pour l'accorder aux anciens combattants des guerres antérieures à la guerre d'Algérie, une loi est nécessaire pour l'étendre à ceux qui ont combattu en Afrique du Nord. L'UFAC, la FAFA et la FNACA n'admettent pas que se pérennise l'inégalité qui frappe la génération des anciens combattants d'Afrique du Nord.
Vos arguments, monsieur le secrétaire d'Etat, consistant à opposer les dispositions du fonds de solidarité et l'élargissement de l'attribution des cartes de combattant ne sont pas justifiés. Je trouve qu'elles masquent les insuffisances financières d'un budget qui ne progresse que de 2 % par rapport à celui de 1998.
Il faut se souvenir, monsieur le secrétaire d'Etat, que le droit à réparation a pour fondement le respect de l'égalité des droits.
Je demeure sceptique sur les actes qui ne correspondent pas à vos intentions à plus long terme. Justement, monsieur le secrétaire d'Etat, la qualité d'un budget des anciens combattants n'est-elle pas de réduire l'attente ? Le temps, s'il est l'allié du Gouvernement n'améliore pas la vie des anciens combattants. C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous ne pourrons pas voter ce budget : nous nous abstiendrons.
M. le président. Je vais mettre aux voix les crédits du titre IV.
M. Jean-Marc Pastor. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Je souhaite en préambule saluer, en dépit de toutes les remarques entendues jusqu'à présent, ce projet de budget pour 1999. En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, il est fidèle à vos engagements et marque votre volonté de défendre les intérêts des anciens combattants : les actions en matière d'amélioration de leurs conditions sociales sont poursuivies et le droit à réparation, spécificité française, est réaffirmé.
Certes, nous souhaitons tous évidemment un budget toujours meilleur : je rencontre souvent des anciens combattants d'Afrique du Nord et je pense à tous ceux qui ont servi là-bas et qui ne pourront pas justifier des quinze mois de présence pour prétendre au bénéfice de la carte d'ancien combattant.
Toutefois, je veux me satisfaire des avancées que vous consentez peu à peu en conservant le même objectif et, en leur nom, je vous en remercie.
Ce projet de budget permet d'honorer les engagements de la nation dans le cadre de l'imprescriptible droit à réparation : ainsi, les crédits de la dette viagère seront majorés permettant une revalorisation sensible des pensions et des retraites, ce qui constitue une progression significative, et la gratuité de tous les soins médicaux et de l'appareillage aux invalides reste garantie.
Par ailleurs, 54,8 millions de francs sont consacrés à des mesures nouvelles de solidarité. Ainsi approuvons-nous pleinement l'application du dispositif ARPE aux anciens combattants salariés en activité justifiant de quarante années de cotisation. La question vous a également été posée pour les titulaires du titre de reconnaissance de la nation.
Dans le même ordre d'idée, je souhaiterais vous informer de la situation des exploitants agricoles anciens combattants. En effet, même s'ils remplissent les conditions de cotisation requises, aucune disposition particulière n'existe à ce jour en leur faveur pour un départ à la retraite anticipé, les dispositifs de pré-retraite agricole existants ne prenant aucunement en compte leur qualité d'anciens combattants et ne leur ouvrant aucun droit spécifique. Nous souhaitons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous preniez également en compte ce cas de figure.
Nous enregistrons avec satisfaction le relèvement du plafond de la rente mutualiste. Déjà porté, l'an dernier à 95 points, il atteindra 100 points en 1999. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'ignorez pas - cela a été précisé ce soir - les revendications du monde combattant en la matière : leur objectif est bien d'atteindre 130 points sur cinq ans.
Parmi les autres mesures dites de solidarité figure le renforcement des moyens de l'ONAC et, en particulier, le rétablissement des crédits d'action sociale, ce dont nous nous réjouissons, bien entendu.
Ce budget satisfait donc aux exigences de réparations, de solidarité, je viens de le dire ; il répond aussi au devoir de mémoire. Ce sont 60 millions de francs qui sont réservés aux actions de mémoire, marquant ainsi votre volonté de faire de ce devoir un principe civique fondamental, ce que mes collègues et moi-même approuvons pleinement. Votre léger trou de mémoire m'oblige tout de même, ici, à vous faire un petit clin d'oeil pour le projet de Montredon-Labessonnié.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. La mémoire m'est revenue !
M. Jean-Marc Pastor. Je voudrais également, monsieur le secrétaire d'Etat, faire allusion au projet de rattachement du secrétariat d'Etat aux anciens combattants au ministère de la défense, projet qui est globalement, je crois, bien accueilli par le monde combattant, puisqu'il inclut les garde-fous nécessaires à la préservation de leurs intérêts. Ainsi, des moyens d'administration spécifiques seront maintenus ; mais qu'adviendra-t-il du statut actuel des personnels ?
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, nous nous réjouissons de la poursuite des actions lancées en 1998 en direction des anciens d'Afrique du Nord et visant à élargir les conditions d'octroi de la carte du combattant. Lors du vote du projet de budget pour 1998, j'avais eu le privilège de porter et de défendre, avec mon collègue Gilbert Chabroux, un amendement visant à accorder la carte d'ancien combattant aux militaires justifiant de dix-huit mois de présence sur le sol d'Afrique du Nord, mesure que vous avez entérinée par voie de circulaire.
Par le présent projet de budget, il nous est proposé de ramener cette période à quinze mois, ce que, vous le comprenez bien, nous acceptons très volontiers.
Vous avez choisi la voie de la réparation et de la solidarité. Mais bien du chemin reste encore à parcourir - vous l'avez entendu - ce qui permet parfois la surenchère et même, dans certains cas, la démagogie.
Je conclus, monsieur le secrétaire d'Etat, en vous renouvelant mes remerciements, à vous qui êtes un homme de dialogue et de concertation, car les engagements que vous avez pris jusqu'ici ont - je peux en témoigner - toujours été honorés.
Pour toutes ces raisons, mon groupe votera d'une seule voix le projet de budget que vous nous soumettez. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 21 250 000 francs ;

« Crédits de paiement : 9 825 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abtient.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 75, 76, 76 bis et 76 ter , qui sont rattachés pour leur examen aux crédits des anciens combattants.
J'appellerai également en discussion, en accord avec la commission des finances, les amendements n°s II-76 et II-77 tendant à insérer des articles additionnels après l'article 76.



Anciens combattants

Article 75



M. le président.
« Art. 75. - Après le troisième alinéa du I de l'article 2 de la loi n° 96-126 du 21 février 1996 portant création d'un fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés titulaires de la carte du combattant au titre des opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 qui, ayant présenté postérieurement au 1er janvier 1999 une demande de cessation d'activité non acceptée par leur employeur, ont démissionné pour ce motif de leur emploi et qui remplissent les conditions définies par le présent article peuvent bénéficier des allocations prévues à l'alinéa précédent jusqu'au 31 décembre 2001, dans les conditions définies par un avenant à l'accord mentionné à l'article 5 de la présente loi. La rupture du contrat de travail entraîne pour l'employeur l'obligation d'embauche définie au deuxième alinéa du présent I. L'Etat verse à ce titre une subvention au fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi. »
Sur l'article, la parole est à M. Courrière.
M. Raymond Courrière. Ce projet, dans son article 75, ouvre le fonds de solidarité aux anciens combattants d'Afrique du Nord qui cessent leur activité.
Cette ouverture se concrétise par le versement de l'ARPE aux titulaires de la carte du combattant pour avoir servi en Afrique du Nord, se trouvant à dix-huit mois au moins de l'âge de la retraite et réunissant l'assurance requise, à savoir 160 trimestres.
Il est rappelé que l'ARPE est un dispositif de préretraite contre embauche puisque, au terme de l'accord de 1995 et de la loi de février 1996, l'employeur s'engage à embaucher un jeune sans emploi dans les trois mois sous contrat à durée indéterminée.
Il convient de mentionner que les bénéficiaires de l'allocation percevront jusqu'à l'âge de soixante ans l'équivalent de 65 % de leur salaire brut antérieur et que l'allocation mensuelle moyenne s'élève à 8 897 francs.
Cette mesure nouvelle permet donc de prendre en compte la demande d'action de la retraite anticipée pour tous avant l'âge de soixante ans ; elle est plus avantageuse dans la majorité des cas qu'une retraite anticipée.
Pour intervenir depuis de nombreuses années dans cet hémicycle et sur ce budget, je voudrais saluer cette mesure ainsi que votre action, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il faut se féliciter de la démarche qui est la vôtre et celle du Gouvernement, et qui a consisté à qualifier désormais de guerre ce que l'on a appelé pudiquement « les événements d'Algérie ».
Il faut saluer cette volonté de sortir de l'hypocrisie en admettant cette réalité, comme l'a d'ailleurs fait, voilà quelques semaines, Lionel Jospin au Chemin des Dames.
Les anciens combattants, le devoir de mémoire, le respect de ceux qui ont combattu pour notre pays ne méritent pas que l'on cultive aujourd'hui des polémiques inutiles, déplacées.
Il en va du respect de ceux qui ont combattu, quel que soit le combat, pour sauver notre pays.
Le groupe socialiste émet un avis favorable sur cet article.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-39, M. Baudot, au nom de la commission des finances, propose de supprimer l'article 75.
Par amendement n° II-45, M. Lesbros, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans la première phrase du texte présenté par l'article 75 pour insérer un alinéa dans le I de l'article 2 de la loi n° 96-126 du 21 février 1996 portant création d'un fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi, après les mots : « de la carte du combattant », d'insérer les mots : « ou du titre de reconnaissance de la nation ».
Par amendement n° II-74, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - De compléter le texte présenté par l'article 75 pour insérer un alinéa après le troisième alinéa du I de l'article 2 de la loi n° 96-126 du 21 février 1996 portant création d'un fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi, par un alinéa ainsi rédigé :
« Les titulaires du titre de reconnaissance de la nation bénéficient des dispositions de l'alinéa précédent. »
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter in fine cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'extension du bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi sont compensées par le relèvement des droits perçus en application des articles 575 A et 575 B du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-39.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Cet amendement vise à supprimer le dispositif du Gouvernement.
Ce dernier propose de rendre le bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi automatique pour les salariés, anciens combattants d'Afrique du Nord, même en cas de désaccord de l'employeur.
La commission des finances a estimé que ce dispositif présentait plusieurs inconvénients.
D'une part, il risque de porter préjudice aux anciens combattants d'Afrique du Nord chômeurs qui recherchent un emploi. En effet, quel chef d'entreprise, quel patron acceptera de les employer, sachant que ces derniers pourront, dès qu'ils auront cotisé plus de quarante trimestres à l'UNEDIC, quitter l'entreprise et obliger l'employeur à embaucher quelqu'un d'autre ?
D'autre part, cette rupture de caractère conventionnel de l'allocation de remplacement pour l'emploi crée un précédent qui risque d'être étendu à d'autres catégories. Aujourd'hui ce sont les anciens combattants, demain d'autres pourraient être concernés. Monsieur le ministre, dans ce cas-là, allons jusqu'au bout de votre raisonnement et rétablissons l'autorisation administrative de licenciement !
Pour ma part, j'estime que l'imposition faite à l'employeur, après le départ d'un salarié, de devoir en embaucher un autre est excessive au regard des résulats de l'ARPE.
En effet, le taux de refus est quasiment nul : un peu plus de 1 %, selon l'UNEDIC. Cela signifie que les employeurs jouent le jeu et qu'ils ne refusent le bénéfice de l'ARPE que lorsque cette allocation pourrait mettre en péril la pérennité de l'entreprise.
Prenons l'exemple d'une entreprise qui emploie un ancien combattant. Elle a des difficultés de gestion, mais elle accepte toutefois de garder ce salarié jusqu'à sa retraite, sachant qu'il partira bientôt. Imposer à une telle entreprise de remplacer le salarié par un nouveau jeune salarié peut aggraver sa situation financière déjà précaire, au point qu'elle doive déposer le bilan. Voilà la conséquence qui pourrait résulter de ce type d'intervention de l'Etat dans les relations entre salariés et employés.
Enfin, je voudrais faire part des doutes de la commission des finances sur les risques d'inconstitutionnalité de l'article 75, qui crée une discrimination non seulement entre salariés, mais également entre employeurs.
Pour toutes ces raisons, la commission des finances demande la suppression de cet article 75, quel que puisse être par ailleurs son côté sympathique, et souhaite, monsieur le président, que le Sénat se prononce par scrutin public.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° II-45.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis. L'amendement que je présente sur l'article 75 va un peu dans le sens inverse (Sourires)... il va même exactement dans le sens inverse de celui de M. Baudot. (Rires.)
Cet amendement vise au contraire à étendre aux titulaires du titre de reconnaissance de la nation le dispositif qui est prévu par l'article 75 du projet de la loi de finances et qui permet aux salariés anciens combattants d'Afrique du Nord de cesser leur activité et de bénéficier de l'ARPE, même en l'absence d'accord de l'employeur.
La rédaction de cet article apparaît très restrictive, car elle limite son champ d'application aux seuls titulaires de la carte du combattant.
Cela pose alors deux problèmes.
D'abord, le nombre de bénéficiaires de la mesure sera faible, même s'il est difficilement évaluable. Le secrétariat d'Etat aux anciens combattants a proposé successivement deux évalutations : une centaine de personnes, puis 170 environ, ce qui n'est pas considérable.
Ensuite, cette mesure risque d'introduire une inégalité de traitement. Réserver le bénéfice automatique de l'ARPE aux titulaires de la carte du combattant, c'est exclure ceux qui n'ont que le titre de reconnaissance de la nation.
Certes, votre rapporteur pour avis n'ignore pas qu'un argument de procédure - l'article 40 de la Constitution - pourrait être invoqué contre cet amendement, dont le coût est pourtant modeste, puisqu'il ne concerne qu'une centaine de personnes.
De plus, son adoption permettrait d'augmenter d'un quart le nombre des bénéficiaires de cette mesure - soit au maximum une cinquantaine de personnes -, tout en garantissant l'égalité de traitement entre anciens combattants.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° II-74.
M. Guy Fischer. A l'occasion de l'examen de la proposition de loi que j'avais déposée avec notre ami M. Pagès, l'une des deux propositions formulées en conclusion de mon rapport visait à la fois la suppression du stage de six mois pour accéder à l'allocation de préparation à la retraite et l'institution de l'ARPE pour les travailleurs. C'était un des points qui nous aurait permis de progresser.
Par conséquent, nous sommes heureux aujourd'hui de constater que l'article 75 du projet de loi de finances pour 1999 octroie la possibilité pour les salariés titulaires de la carte de combattant de bénéficier de la convention de l'ARPE.
On le voit bien, cette mesure ne concernerait que de 80 à 400 personnes d'ici à 2001. A cet effet, 20 millions de francs sont prévus dans ce projet de budget pour abonder le fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi.
Je m'exprimerai contre l'amendement n° II-39 du rapporteur spécial. Le principe d'automaticité, qui heurte la majorité de la commission des finances du Sénat, confère à cette mesure une dimension politique et sociale importante, me semble-t-il, puisqu'elle amène les entreprises à contribuer, vraiment à la marge, au droit à la réparation de la nation envers ses anciens combattants. Il me paraît légitime que les employeurs, au même titre que les salariés, participent à cet effort collectif.
Cette mesure est tout à fait positive, mais la portée extrêmement réduite de son application en diminue l'importance et le caractère novateur.
Le vice-président de la commission des affaires sociales que je suis, de connivence avec son rapporteur, soutiendra l'amendement n° II-45 destiné à donner à ce dispositif l'impact qu'il mérite.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-45 et II-74 ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. La commission des finances est défavorable à ces deux amendements, pour une question de principe : ce qui est proposé est très généreux, certes, mais à M. le secrétaire d'Etat de trouver autre chose !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-39, II-45 et II-74 ?
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Sans vouloir taquiner la commission des finances ni la commission des affaires sociales, je ferai toutefois remarquer qu'elles ont adopté deux positions tout à fait opposées.
L'amendement de la commission des finances vise à la suppression, celui de la commission des affaires sociales à l'extension de la mesure.
Pour ma part, je suis contre la suppression, contre l'extension et pour le maintien de l'article en l'état.
J'ai bien compris les arguments développés par M. le rapporteur spécial. J'indiquerai simplement que la mesure ne s'appliquera que si la convention est volontairement modifiée.
Ce que prévoit le projet de loi de finances pour 1999, c'est simplement le financement de la modification. Il est vraisemblable que l'UNEDIC sera d'accord.
Pour le reste, il s'agit d'une question de fond à caractère quasi idéologique, qui a trait à la gestion de l'économie, sur laquelle je ne partage pas l'analyse de la commission des finances.
Avant d'en venir aux amendements n°s II-45 et II-74, je voudrais développer l'argument qui m'a échappé tout à l'heure. J'ai aussi retrouvé la mémoire pour Montredon-Labessonnié, où je dois me rendre avant Noël ! (Sourires.)
L'argument que je voulais avancer tout à l'heure concernait mon souci d'éviter de confondre peu à peu les avantages de la carte du combattant et ceux du TRN. Un certain nombre de mesures sont ouvertes aussi bien aux titulaires de la carte de combattant qu'aux titulaires du TRN. Mais, de fil en aiguille, il ne faudrait pas arriver à une confusion totale.
Au demeurant, si je suis défavorable à ces amendements, cela ne signifie pas que je n'ai pas l'intention de progresser sur cette question au cours de la navette. Malgré les réticences de principe que je viens d'évoquer, je vais m'efforcer de faire évoluer cette question, car je sens bien qu'elle ne concerne qu'un faible nombre de personnes. Je ne serais pas mécontent de trouver une issue à ce problème. Toutefois, tant que je n'ai pas trouvé les moyens budgétaires correspondants, j'invoque l'article 40 de la Constitution.
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur le rapporteur spécial ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, les amendements n°s II-45 et II-74 ne sont pas recevables.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-39.
M. Guy Fischer. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'argumentation développée par notre rapporteur M. Jacques Baudot, au nom de la commission des finances, est, il faut le reconnaître, cohérente avec le système de pensée qu'il défend, selon lequel le sort du salarié devrait rester entre les mains de l'employeur.
J'ai bien conscience que le dispositif ARPE, l'allocation de remplacement pour l'emploi, répond à une logique conventionnelle, conformément à l'accord du 6 septembre 1995.
Il convient cependant de relativiser ladite mesure, puisque, comme M. le rapporteur spécial le reconnaît lui-même, elle ne viserait que 170 personnes pour 1999, à comparer aux 120 000 qui ont bénéficié de ce système depuis trois ans, soit 40 000 par an.
L'accord de 1995 ne sera donc pas mis en péril par le caractère automatique de la mesure prise, dans le sens où il ne concernerait qu'une très faible marge des bénéficiaires.
En outre, il me paraît tout à fait cohérent, en vertu du droit à réparation, d'accorder une dérogation spéciale à ce dispositif en faveur des personnes qui ont combattu pour la France.
La position de principe de M. le rapporteur me paraît donc tout à la fois disproportionnée au regard du nombre d'intéressés potentiels et contraire au droit à la reconnaissance de la nation pour les anciens combattants. Dans ces conditions, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre l'amendement n° II-39.
M. Jean Delaneau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delaneau.
M. Jean Delaneau. J'ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur spécial, comme j'avais bien lu, déjà, les arguments qui avaient été développés lors de l'examen de cet article par la commission des finances.
Vous doutiez, mon cher collègue, de la pertinence de ce dispositif, qui constitue une mesure dérogatoire susceptible d'être par la suite élargie. Vous avez parlé tout à l'heure, dans votre intervention, d'un dispositif « exorbitant du droit commun ».
Mais est-ce que tout ce qui concerne les anciens combattants n'est pas, effectivement, exorbitant du droit commun ? Le fait de se trouver engagé dans un conflit fait-il partie du droit commun, en dehors du devoir qu'ont ces combattants de défendre leur patrie ?
Vous avez dit que c'était une mesure d'ordre sentimental.
Il est plus de deux heures du matin : c'est l'heure à laquelle nous partions chercher les blessés sur les pitons qui avaient été attaqués à coups de mortier pendant la nuit ; nous ne nous posions pas, alors, la question de savoir si, un jour, ces combattants obtiendraient réparation.
Aujourd'hui, la mesure envisagée concerne quelque 170 personnes et, pour ma part, je pense que nous devons maintenir la mesure même si une entorse est faite au droit commun.
Ce faisant, nous ne remettons pas en cause, je le précise, les positions affirmées par la commission des finances sur les grands équilibres de ce projet de budget. Il s'agit d'un point très particulier qui, je le répète, ne concerne que 170 personnes. Quant à l'amendement présenté par M. Lesbros, il concernait au maximum 200 personnes. Allons-nous vraiment causer des conflits irrémédiables entre employeurs et personnels alors qu'il s'agit d'une situation exceptionnelle ?
Nous pouvons, sans nous battre entre nous, admettre au moins que certains s'abstiennent lors du vote de cet amendement. C'est que je ferai personnellement.
Croyant que la mesure concernait 75 personnes, au lieu de la supprimer nous avions plutôt envisagé de l'étendre.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Est-il vraiment utile de passer autant de temps sur ce point ? En effet, l'UNEDIC nous indique qu'il y a un peu plus de 1 % de refus de la part des employeurs.
Il s'agit d'une question de principe. Allons-nous, pour 170 à 200 personnes, remettre en cause l'emploi de milliers d'anciens combattants ? Car, même si vous ne l'acceptez pas, c'est un fait.
Ce serait mettre le doigt dans l'engrenage. D'autres problèmes se poseront, et vous en aurez la responsabilité, mes chers collègues.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Cette mesure sera très transitoire puisqu'elle concerne des personnes qui vont avoir cinquante-huit ans et qui seront à la retraite dans deux ans.
Par ailleurs, elle complète le dispositif que j'ai évoqué tout à l'heure, à savoir que tout ancien combattant de cinquante-huit ans peut partir à la retraite et bénéficier de 75 % de son traitement brut.
Il s'agit, je vous l'accorde, d'une mesure peu importante quantitativement, mais significative sur le fond.
Le Sénat est souverain dans son vote, mais je rappelle que cette disposition avait été approuvée lors de la discussion de la proposition de loi Fischer sur les quarante annuités. J'avais alors proposé deux avancées qui ont été adoptées : la suppression du « sas » et la mise en oeuvre de la présente mesure.
Le monde combattant apprécie cette mesure à sa juste valeur et je n'ai pas eu le sentiment d'une quelconque réticence de sa part quant à sa mise en application.
M. Jean-Marc Pastor. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Bien entendu, le groupe socialiste ne votera pas la proposition de la commission des finances.
En revanche, monsieur le secrétaire d'Etat, nous aurions aimé pouvoir soutenir l'amendement de la commission des affaires sociales. Nous aurions aimé que le Gouvernement considère avec bienveillance l'ouverture qu'elle envisageait.
M. le président. Mon cher collègue, je vous rappelle que l'article 40 a été invoqué contre l'amendement n° II-45, qui est donc irrecevable.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous aurez sans doute ultérieurement la possibilité de reprendre cette suggestion. Le Sénat aura ainsi contribué à une certaine avancée dans ce domaine.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-39, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des finances, l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 33:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 217
Majorité absolue des suffrages 109
Pour l'adoption 102
Contre 115

M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 75.

(L'article 75 est adopté.)

Article 76



M. le président.
« Art. 76. - Au dernier alinéa de l'article L. 321-9 du code de la mutualité, l'indice : "95" est remplacé par l'indice : "100" ».
Sur l'article, la parole est à M. Delaneau.
M. Jean Delaneau. A cette heure matinale, je serai très bref. Bien entendu, la commission a adopté cet article qui porte de 95 à 100 l'indice de référence. Vous disposez quand même d'une certaine élasticité dans votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, car, si je me réfère à ce que nous a indiqué notre rapporteur, le budget des anciens combattants de 1997 n'a été consommé qu'à concurrence de 96,5 %. Le budget pour 1998 sera peut-être un peu mieux consommé mais, à supposer qu'il reste 1 % de battement, cela représenterait 250 millions de francs.
Dans ces conditions, ne pensez-vous pas que vous pourriez aller un peu plus loin ? Vous en avez la possibilité, puisque, de toute façon, même si nous nous rallions à l'amendement de M. Fischer qui porte l'indice de 100 à 105, cet amendement est irrecevable du fait de l'application de l'article 40 de la Constitution.
Peut-être pouvez-nous dire quel serait le coût d'une mesure portant, par exemple, l'indice à 102 points, puisque c'est le chiffre qui a été évoqué tout à l'heure par certains intervenants, notamment M. de Gaulle ? Cela permettrait, effectivement, de passer de 95 points à 130 points en cinq ans, soit une différence de 35 points sur cinq ans, ou encore de sept points par an ; cela diminuerait l'effort budgétaire que vous aurez à accomplir d'ici au budget de l'an 2000.
L'élasticité de votre budget devrait vous permettre de trouver les quelques millions de francs qui manquent pour passer de 100 points à 102 points. Jusqu'à présent, vous n'avez rien accordé au Sénat, dont vous avez fait partie, alors que vous avez accepté un certain nombre de propositions à l'Assemblée nationale. En vous prenant par les sentiments, peut-être pourriez-vous aller un peu plus loin. Je vous en remercie par avance.
M. le président. La parole est à M. Courrière.
M. Raymond Courrière. Cet article a pour objet de relever le plafond donnant lieu à majoration de la retraite mutualiste du combattant de l'indice 95 à l'indice 100 des pensions militaires d'invalidité.
Je sais que les associations d'anciens combattants militent pour que le relèvement porte cette référence à 105 points d'indice de pension militaire d'invalidité. Au regard du chemin parcouri depuis 1997 et de l'évolution du plafond - celui-ci est passé de 7 091 francs à 7 990 francs - nous pouvons espérer que nous y arriverons prochainement.
Nous avons beaucoup progressé dans ce domaine. Rappelons les effets positifs de l'article 107 de la loi de finances pour 1998, qui a modifié ce dispositif en indexant le plafond majorable de la retraite mutualiste sur l'indice de pension militaire d'invalidité 95, alors qu'il était auparavant indexé en fonction de l'indice des prix à la consommation hors tabac.
Ce nouveau dispositif permet que l'indice soit revalorisé automatiquement au 1er janvier de chaque année, en fonction de la valeur du point des pensions militaires d'invalidité. Ce mode d'indexation garantit une progression plus favorable que celle qui est liée à l'évolution des prix hors tabac.
Tout comme le versement de l'ARPE, dont j'évoquais précédemment l'avancée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord, tout comme les mesures sur le renforcement de la mémoire évoquée par mes collègues, cette disposition contribue à me faire dire que ce budget respecte les engagements du Gouvernement, engagements qui fondent les exigences que nous portons, ensemble, à l'égard de ceux qui ont combattu pour notre pays.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Dans la loi de finances pour 1999, l'indice de référence passe de 95 à 100 et l'amendement de M. Fischer tend à le porter de 100 à 105. A cette heure de la nuit, je ne suis pas sensible à l'appel que vient de m'adresser M. Delaneau.
M. Jean Delaneau. A la raison, alors !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Un point d'indice représente environ 1 million de francs ; deux points, à peu près 2 millions de francs ou 2,2 millions de francs. Je comprends votre préoccupation, mais, l'an dernier, nous avons modifié le mode de calcul : le plafond de l'indice de référence a été transformé en points qui augmentent, comme vient de le rappeler M. Courrière, selon l'application du rapport constant. C'est une évolution utile.
Ce plafond a enregistré une augmentation de 12,6 %-12,7 % depuis l'an dernier. Je prends l'engagement que cette progression se poursuivra, mais, ce soir, je ne vous donne pas satisfaction et j'invoque, à regret, l'article 40 sur l'amendement n° II-75.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, l'amendement n° II-75 n'a pas encore été présenté parM. Fischer. Nous considérons que vous avez donné votre avis par avance.
Par amendement n° II-75, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - A la fin de l'article 76, de remplacer l'indice « 100 » par l'indice « 105 ».
II. - Pour compenser la perte de recettes du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant de l'accroissement au-delà de 100 de l'indice de majoration par l'Etat des rentes mutualistes est compensée par le relèvement à due concurrence des droits perçus en application des articles 575 A et 575 B du code général des impôts. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Beaucoup de choses ont été dites. Je croyais qu'un pas serait fait pour porter l'indice 100 à 105 ; ce dernier chiffre correspondait à une volonté qui était affirmée par beaucoup. J'avais cru que l'Assemblée nationale retiendrait, dans un premier temps, l'indice 102. Elle a fait marche arrière.
Il s'agit là d'un amendement d'appel - ce n'est pas le dernier appel ! - qui a pour objet de faire en sorte que, parmi les priorités que comporteront les prochaines lois de finances, figurent des propositions que nous avons formulées et que le débat sérieux qui s'est déroulé ce soir puisse trouver un certain nombre d'aboutissements. Nous avons entendu que, dans les prochaines semaines, des avancées pourraient avoir lieu à l'Assemblée nationale. Nous souhaiterions qu'il en soit de même au Sénat.
M. le président. Tout à l'heure, M. le secrétaire d'Etat a invoqué l'article 40 sur cet amendement.
Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 est-il applicable ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° II-75 n'est pas recevable.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 76.

(L'article 76 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 76



M. le président.
Par amendement n° II-76, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 76, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 114 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est abrogé.
« II. - La valeur du point d'indice des pensions auxquelles ont été appliquées les dispositions de l'article 120-II d de la loi de finances pour 1991 (n° 90-1168 du 29 décembre 1990) est rétablie au niveau auquel elle aurait été fixée en l'absence de ces dispositions.
« III. - Les droits perçus en application des articles 575 A et 575 B du code général des impôts sont relevés à due concurrence des pertes de recettes résultant des I et II ci-dessus. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à supprimer une injustice flagrante par laquelle des personnes justifiant d'un descriptif d'infirmités identiques percevront des pensions dont le montant peut varier de l'une à l'autre jusqu'à 10 %.
Cette disparité résulte du gel institué par l'article L. 114 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. C'est pourquoi nous demandons son abrogation.
Cet amendement, s'il était adopté, permettrait de réparer non seulement un préjudice matériel lié au gel des pensions, mais aussi, et surtout, un préjudice moral pour lequel les grands invalides ont dû subir un traitement différencié qui porte atteinte à leur dignité.
C'est la raison pour laquelle nous avons tenu à déposer cet amendement. Il a fait l'objet de discussions. Nous connaissons la réponse. Néanmoins, j'ai enregistré que des avancées pourraient avoir lieu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. La commission suivra la position du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je considère qu'il s'agit d'un amendement d'appel, auquel je ne donnerai donc pas satisfaction ce soir. Toutefois, comme je l'ai indiqué tout à l'heure du haut de la tribune, cette question doit être traitée de façon prioritaire au cours de l'année 1999. Une solution devrait pouvoir être trouvée au plus tard dans le prochain projet de loi de finances. Je sais bien que c'est encore loin, mais le Gouvernement est tout à fait ouvert à cette question.
Pour l'instant, j'invoque l'article 40 de la Constitution.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 est-il applicable ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° II-76 n'est pas recevable.
Par amendement n° II-77, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 76, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La pension des assurés qui sont chômeurs en fin de droit et qui ont participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 est liquidée, sur leur demande, avec anticipation et calculée au taux normalement applicable à soixante ans lorsqu'ils ont quarante annuités de cotisations d'assurance vieillesse en incluant la période équivalente à leur temps de séjour en Afrique du Nord, avec bonification de trimestres correspondant à ce temps. »
« II. - Les droits perçus en application des articles 575A et 575B du code général des impôts sont relevés à due concurrence. »
Monsieur Fischer, vous connaissez déjà l'avis du Gouvernement, mais je vous donne la parole pour exposer votre amendement.
M. Guy Fischer. C'est le dernier combat de la soirée, monsieur le président !
Le 29 juin dernier, le Sénat discutait d'une proposition de loi du groupe communiste républicain et citoyen tendant à accorder la retraite anticipée pour les anciens combattants chômeurs en fin de droit, justifiant de quarante années de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord.
J'avais alors eu l'honneur de rapporter devant notre Haute Assemblée les conclusions de la commission des affaires sociales.
Cet amendement reprend dans des termes similaires le texte qui s'était alors vu opposer l'impitoyable article 40 de la Constitution.
Je rappelle que cette mesure s'inscrit dans l'esprit de la loi du 31 mars 1919, qui a posé le principe de la reconnaissance de la nation et du droit à réparation pour les anciens combattants, et dans celui de la loi du 21 novembre 1973, qui permet aux victimes de guerre de bénéficier d'une retraite anticipée à taux plein avant l'âge de soixante-cinq ans.
Diverses tentatives de restitution de cet avantage relatif ont subi un sort identique à la nôtre.
Or, le débat sur la retraite anticipée se pose aujourd'hui en des termes nouveaux compte tenu des dispositions partielles déjà prises en faveur de cette population et des difficultés sociales et professionnelles auxquelles se heurtent souvent les anciens d'Afrique du Nord.
Est-il besoin de rappeler que cet amendement répond à un engagement de M. le Premier ministre ?
Le 29 juin dernier, monsieur le secrétaire d'Etat, pour expliquer le refus du Gouvernement, vous avez exposé des arguments forts, mais contestables.
Tout d'abord, la présente proposition ne visant que les retraites du régime général d'assurance vieillesse et non les retraites complémentaires relevant de systèmes conventionnels, les anciens combattants seraient, selon vous, désavantagés par rapport au niveau des pensions auquel ils peuvent prétendre actuellement.
Là où il s'agit, selon nous, d'un droit facultatif, vous nous opposez le principe d'une obligation.
Or, il n'appartient qu'à vous et au Gouvernement de trouver un système adéquat permettant de mobiliser les caisses complémentaires afin d'éviter ce type de distorsion.
Par ailleurs, je rappelle que cette revendication n'aura logiquement plus de raison d'être dans des délais très brefs. Je précise, à cet égard, que d'après les renseignements que j'ai pu recueillir, environ 230 000 soldats ont servi en Afrique du Nord en 1960 et en 1961. Ce n'est donc pas, contrairement à ce qui a été dit, la dernière année où cette mesure peut être appliquée. Elle sera valable, d'après mon analyse, jusqu'en 2001.
Enfin, comme chacun peut le constater, nous limitons la portée de notre amendement aux anciens combattants chômeurs en fin de droits afin de lui assurer un caractère réaliste et immédiat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement avant de me prononcer, monsieur le président.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. En dépit de l'heure avancée, je répondrai en détail à M. Fischer, car, si je ne le faisais pas, vous pourriez me reprocher d'être indifférent à la question qu'il a soulevée. Ma réponse reprendra toutefois des arguments que j'ai déjà développés dans cet hémicycle.
Au mois de juin, je me suis opposé, au nom du Gouvernement, à la proposition de loi tendant à accorder la retraite anticipée aux anciens combattants chômeurs en fin de droits justifiant de quarante annuités, car la législation actuelle ne prévoit pas une telle possibilité. Quand une personne a droit à une retraite, elle ne peut pas choisir entre celle-ci et le maintien des aides sociales qui lui sont versées par ailleurs.
La remise en cause de ce principe bouleverserait l'ensemble du dispositif existant. Partant de ce constat, je m'étais donc opposé à cette proposition de loi qui ne concernait d'ailleurs qu'un nombre restreint de personnes. Or un nombre beaucoup plus grand d'anciens combattants aurait perdu dans cette affaire. La commission des affaires sociales avait estimé le nombre des bénéficiaires à environ 15 000. Le nombre des perdants, selon nous, se serait élevé à 35 000. Je vous avais donc renvoyé aux dispositifs déjà existants, tels que les 5 600 francs, l'allocation de préparation à la retraite ou l'allocation en faveur des chômeurs âgés, que nous avons complétés par la suppression du sas de six mois et par la petite mesure relative à l'ARPE.
Ainsi, le système actuel en faveur des anciens combattants chômeurs en fin de droits ayant réuni quarante annuités est, dans la plupart des cas, plus avantageux, même si l'on tient compte du cumul de la retraite de la sécurité sociale et de la retraite complémentaire.
Je continue de privilégier ce dispositif dès lors qu'il n'est pas possible de traiter la question de l'option et que des négociations difficiles sont menées sur la retraite complémentaire.
Grâce au travail que nous menons et que vous menez - je sais que vous êtes très attentifs aux questions du monde combattant dont vous êtes véritablement les interlocuteurs privilégiés ; vous vous faites l'écho de toutes les revendications qui sont exprimées - nous parvenons progressivement à apporter un certain nombre de réponses.
Avant d'invoquer le fameux article 40 de la Constitution, permettez-moi, monsieur le président, de remercier très sincèrement la Haute Assemblée car, au bout du compte, même si j'ai refusé les amendements qui ont été présentés, elle aura voté le budget des anciens combattants pour 1999 tel qu'il lui est parvenu de l'Assemblée nationale.
Je tiens à remercier chaleureusement et sincèrement toutes celles et tous ceux qui ont permis, par ce vote, de témoigner du respect et de la reconnaissance de la nation envers le monde des anciens combattants.
Je terminerai donc maintenant par le couperet ; ce sera mon dernier mot, celui qui me vaudra encore bien des reproches et des critiques tout au long des semaines et des mois à venir : j'invoque l'article 40 de la Constitution à l'encontre de l'amendement n° II-77. M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président, il l'est.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-77 n'est pas recevable.

Articles 76 bis et 75 ter



M. le président.
« Art. 76 bis. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, les mots : "dix-huit mois" sont remplacés par les mots : "quinze mois". » - ( Adopté .)
« Art. 76 ter. - Après le quatrième alinéa de l'article 125 de la loi de finances pour 1992 (n° 91-1322 du 30 décembre 1991), il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions précédentes, les chômeurs justifiant d'une durée d'assurance vieillesse de 160 trimestres, qui ont déposé à compter du 1er janvier 1999 une demande pour bénéficier des allocations attribuées par le présent fonds de solidarité et qui remplissent l'ensemble des conditions prévues pour l'attribution de l'allocation visée au deuxième alinéa du présent article, pourront se voir accorder, sur leur demande, l'allocation dite "de préparation à la retraite" sans qu'ils aient à justifier du bénéfice préalable de l'allocation différentielle. » - ( Adopté .)
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les anciens combattants.

5

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 1er décembre 1998, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 65 et 66, 1998-1999) ;
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Outre-mer :
M. Henri Torre, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 34) ;
M. Rodolphe Désiré, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 68, tome XXII) ;
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (aspects sociaux, avis n° 70, tome VII) ;
M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (départements d'outre-mer, avis n° 71, tome VII) ;
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (territoires d'outre-mer, avis n° 71, tome VIII).
Affaires étrangères et coopération :
I. - Affaires étrangères :
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 1) ;
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 69, tome I) ;
M. Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (relations culturelles extérieures, avis n° 69, tome II) ;
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (relations culturelles, scientifiques et techniques, avis n° 67, tome XII).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 1999

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1999 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour 1999

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour 1999 est fixé au vendredi 4 décembre 1998, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
Nouvelle lecture du projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 1999

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 1er décembre 1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 1er décembre 1998, à trois heures dix.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Réciprocité et respect des accords bilatéraux en Côte d'Ivoire

387. - 28 novembre 1998. - M. Hubert Durand-Chastel attire l'attention de M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur les conditions de délivrance des cartes de résident pour étrangers en Côte d'Ivoire, et ses conséquences pour la communauté française de ce pays. Un décret du 4 août 1998 du gouvernement ivoirien a, en effet, triplé le coût de la carte de résident des ressortissants étrangers, passant de 50 000 francs CFA à 150 000 francs CFA, soit 1 500 francs français. Bien que le ministre des affaires étrangères ivoirien ait indiqué que ces dispositions ne sont pas applicables aux ressortissants de la République française, et ce jusqu'aux réunions franco-ivoiriennes prévues à la mi-décembre 1998, les commissariats n'étant pas avisés exigent cette somme de nos compatriotes. Cela intervient dans un contexte où les Français sont contraints à renouveler tous les ans leur carte de résident, en contradiction avec les accords bilatéraux en vigueur. Ainsi, la convention conclue entre la République de Côte d'Ivoire et la République française sur la circulation des personnes, signée à Paris le 8 octobre 1976 (décret du 9 juin 1977), prévoit à l'article 6 qu'à l'issue de la première délivrance de carte de résident d'un an, les titulaires de ces cartes peuvent obtenir des cartes de résident valables trois ans renouvelables. Egalement, le décret du 29 mai 1990 portant application de la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en Côte d'Ivoire (publiée au Journal officiel de la République de Côte d'Ivoire du 9 août 1990) stipule en son article 2 que pour les ressortissants de la République française ayant au moins un an de séjour en RCI, le renouvellement se fera tous les trois ans. Or, nos compatriotes ont dû renouveler leur carte de résident tous les ans. Au vu de ces faits préjudiciables à nos compatriotes, il lui demande s'il compte intervenir vigoureusement auprès du gouvernement ivoirien afin que la réciprocité soit respectée et que les accords bilatéraux soient enfin appliqués.

Réforme des heures complémentaires des enseignants

388. - 30 novembre 1998. - M. Bernard Murat attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur la publication, par son cabinet, d'un document de cadrage relatif à la gestion des enseignants-chercheurs et des enseignants et à la reconnaissance de leurs fonctions. Ce document prévoit que le nombre d'heures complémentaires par enseignant serait ramené, sur une période de trois ans, à cinquante maximum par an. Ce document précise que les heures complémentaires n'ont pas vocation à être effectuées par des enseignants-chercheurs, sauf à permettre des ajustements à la marge. Elles doivent retrouver leur finalité qui est l'intervention de professionnels ou de personnalités extérieures dans les cursus professionnalisés. La démarche adoptée serait, dans un premier temps, de limiter les heures complémentaires afin de dégager les besoins ; puis, dans un second temps, d'envisager des créations de poste afin de couvrir ces besoins. Or, même s'il est certain qu'une intervention devient urgente en matière d'heures complémentaires, les besoins sont déjà appréciables et cette démarche risque de conduire à une dégradation des enseignements. Aussi, il lui demande s'il ne serait pas plus opportun d'inverser la procédure en créant d'abord des postes puis en limitant le nombre des heures complémentaires.

Suppression des ventes hors taxes

389. - 30 novembre 1998. - Mme Marie-Claude Beaudeau demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de lui exposer les moyens envisagés de modifier la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992, afin que la directive du Conseil des Communautés européennes (CEE) N.91-680 complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de la suppression des contrôles aux frontières, la directive (CEE) N.77-388 et la directive (CEE) N.92-12 relative au régime général, à la détention, à la circulation et au contrôle des produits soumis à accise, ne s'applique pas. Elle attire plus particulièrement son attention sur les effets négatifs de la suppression des ventes hors taxes menaçant 140 000 emplois en Europe, 14 000 en France, dont 3 700 sur le seul littoral calaisien.



ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du lundi 30 novembre 1998


SCRUTIN (n° 27)



sur l'amendement n ° II-18, présenté par M. Jean-Philippe Lachenaud au nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'Education nationale, recherche et technologie. II. - Enseignement supérieur).

Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 306
Pour : 200
Contre : 106

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Contre : 12.
Abstentions : 10. _ MM. Georges Berchet, Jacques Bimbenet, Guy-Pierre Cabanel, Jean-Pierre Fourcade, Jean Francois-Poncet, Paul Girod, Bernard Joly, Aymeri de Montesquiou, Georges Mouly et Raymond Soucaret.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour : 96.
Abstentions : 2. _ MM. Adrien Gouteyron et Jacques Legendre.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Contre : 77.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Allouche, qui présidait la séance.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 51.
Abstention : 1. _ M. André Maman.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Pour : 47.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 6.
Contre : 1. _ M. Gérard Delfau.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët


François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

Ont voté contre


François Abadie
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Georges Othily
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé


Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstentions


Georges Berchet
Jacques Bimbenet
Guy-Pierre Cabanel
Jean-Pierre Fourcade
Jean François-Poncet
Paul Girod
Adrien Gouteyron
Bernard Joly
Jacques Legendre
André Maman
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Raymond Soucaret

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Allouche, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 320
Nombre de suffrages exprimés : 307
Majorité absolue des suffrages exprimés : 154
Pour l'adoption : 201
Contre : 106

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 28)



sur le titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'Education nationale, recherche et technologie. II. - Enseignement supérieur).


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 308
Pour : 201
Contre : 107

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Contre : 13.
Abstentions : 9. _ MM. Georges Berchet, Jacques Bimbenet, Guy-Pierre Cabanel, Jean-Pierre Fourcade, Jean Francois-Poncet, Paul Girod, Bernard Joly, Georges Mouly et Raymond Soucaret.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour : 98.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Contre : 77.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Allouche, qui présidait la séance.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 50.
Abstentions : 2. _ MM. Marcel Lesbros et Jean-Louis Lorrain.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Pour : 47.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 6.
Contre : 1. _ M. Gérard Delfau.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët


François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

Ont voté contre


François Abadie
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Othily
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé


Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstentions


Georges Berchet
Jacques Bimbenet
Guy-Pierre Cabanel
Jean-Pierre Fourcade
Jean François-Poncet
Paul Girod
Bernard Joly
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Georges Mouly
Raymond Soucaret.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Allouche, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 307
Majorité absolue des suffrages exprimés : 154
Pour l'adoption : 201
Contre : 106

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 29)



sur l'amendement n ° II-19, présenté par M. Jean-Philippe Lachenaud au nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'Education nationale, recherche et technologie. II. - Enseignement supérieur).


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 307
Pour : 200
Contre : 107

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Contre : 13.
Abstentions : 9. _ MM. Georges Berchet, Jacques Bimbenet, Guy-Pierre Cabanel, Jean-Pierre Fourcade, Jean Francois-Poncet, Paul Girod, Bernard Joly, Georges Mouly et Raymond Soucaret.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour : 96.
Abstentions : 2. _ MM. Adrien Gouteyron et Jacques Legendre.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Contre : 77.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Allouche, qui présidait la séance.

GROUPE DE L' UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 51.
Abstention : 1. _ M. Jean-Louis Lorrain.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Pour : 47.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 6.
Contre : 1. _ M. Gérard Delfau.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët


François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

Ont voté contre


François Abadie
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Othily
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé


Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstentions


Georges Berchet
Jacques Bimbenet
Guy-Pierre Cabanel
Jean-Pierre Fourcade
Jean François-Poncet
Paul Girod
Adrien Gouteyron
Bernard Joly
Jacques Legendre
Jean-Louis Lorrain
Georges Mouly
Raymond Soucaret

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Allouche, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 305
Majorité absolue des suffrages exprimés : 153
Pour l'adoption : 200
Contre : 105

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 30)



sur le titre IV de l'état B du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'Education nationale, recherche et technologie. II. - Enseignement supérieur).


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 310
Pour : 203
Contre : 107

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Contre : 13.
Abstentions : 9. _ MM. Georges Berchet, Jacques Bimbenet, Guy-Pierre Cabanel, Jean-Pierre Fourcade, Jean Francois-Poncet, Paul Girod, Bernard Joly, Georges Mouly et Raymond Soucaret.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour : 98.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Contre : 77.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Allouche, qui présidait la séance.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Pour : 47.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 6.
Contre : 1. _ M. Gérard Delfau.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët


François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

Ont voté contre


François Abadie
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Othily
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé


Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstentions


Georges Berchet
Jacques Bimbenet
Guy-Pierre Cabanel
Jean-Pierre Fourcade
Jean François-Poncet
Paul Girod
Bernard Joly
Georges Mouly
Raymond Soucaret

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Allouche, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 31)



sur l'amendement n ° II-20, présenté par M. Philippe Marini au nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'Education nationale, recherche et technologie. III. - Recherche et technologie).


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 309
Pour : 200
Contre : 109

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Contre : 14.
Abstentions : 8. _ MM. Georges Berchet, Guy-Pierre Cabanel, Jean-Pierre Fourcade, Jean Francois-Poncet, Paul Girod, Bernard Joly, Georges Mouly et Raymond Soucaret.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour : 95.
Abstentions : 2. _ MM. Adrien Gouteyron et René Trégouët.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Contre : 78.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Pour : 47.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 6.
Contre : 1. _ M. Gérard Delfau.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Othily
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé


Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstentions


Georges Berchet
Guy-Pierre Cabanel
Jean-Pierre Fourcade
Jean François-Poncet
Paul Girod
Adrien Gouteyron
Bernard Joly
Georges Mouly
Raymond Soucaret
René Trégouët

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 309
Majorité absolue des suffrages exprimés : 155
Pour l'adoption : 199
Contre : 110

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 32)



sur le titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'Education nationale, recherche et technologie. III. - Recherche et technologie).


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 309
Pour : 200
Contre : 109

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Contre : 14.
Abstentions : 8. _ MM. Georges Berchet, Guy-Pierre Cabanel, Jean-Pierre Fourcade, Jean Francois-Poncet, Paul Girod, Bernard Joly, Georges Mouly et Raymond Soucaret.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour : 95.
Abstentions : 2. _ MM. Adrien Gouteyron et René Trégouët.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Contre : 78.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Pour : 47.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 6.
Contre : 1. _ M. Gérard Delfau.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre


François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Othily
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé


Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstentions


Georges Berchet
Guy-Pierre Cabanel
Jean-Pierre Fourcade
Jean François-Poncet
Paul Girod
Adrien Gouteyron
Bernard Joly
Georges Mouly
Raymond Soucaret
René Trégouët

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 308
Majorité absolue des suffrages exprimés : 155
Pour l'adoption : 199
Contre : 109

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 33)



sur l'amendement n° II-39, présenté par M. Jacques Baudot au nom de la commission des finances, tendant à la suppression de l'article 75 du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (budget des Anciens combattants).


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 219
Pour : 101
Contre : 118

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Contre : 22.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Abstention : 97.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Contre : 78.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 51.
Contre : 1. _ M. Marcel Lesbros.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Pour : 44.
Abstentions : 3. _ MM. Marcel-Pierre Cleach, Jean Delaneau et Mme Anne Heinis.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 6.
Contre : 1. _ M. Gérard Delfau.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Daniel Bernardet
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean Clouet
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Philippe Darniche
Marcel Deneux
Gérard Deriot
André Diligent
Jacques Dominati
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Alfred Foy
Serge Franchis
Yves Fréville
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Francis Grignon
Louis Grillot
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Jacques Larché
Henri Le Breton
Jean-Louis Lorrain
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
René Marquès
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Louis Moinard
René Monory
Philippe Nachbar
Philippe Nogrix
Michel Pelchat
Jean Pépin
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Bernard Seillier
Michel Souplet
Henri Torre
François Trucy
Alex Türk
Albert Vecten
Xavier de Villepin

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Guy-Pierre Cabanel
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Jean François-Poncet
Paul Girod
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Georges Othily
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret


Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstentions


Louis Althapé
Pierre André
Michel Barnier
Jean Bernard
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Charles Descours
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
Daniel Eckenspieller
Michel Esneu
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Philippe François
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Jean-Paul Hugot
Roger Husson
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Lucien Lanier
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Simon Loueckhote
Philippe Marini
Pierre Martin
Paul Masson
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Bernard Murat
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Victor Reux
Henri de Richemont
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Josselin de Rohan
Michel Rufin


Jean-Pierre Schosteck
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
René Trégouët
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Serge Vinçon
Guy Vissac

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 217
Majorité absolue des suffrages exprimés : 109
Pour l'adoption : 102
Contre : 115

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.