Séance du 14 octobre 1998
RÉFORMES ANNONCÉES DE L'ÉDUCATION
Discussion d'une question orale avec débat
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 7.
M. Adrien Gouteyron attire l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie sur la confusion engendrée par
les annonces successives de plans de réforme appelés à modifier en profondeur
le fonctionnement de notre système éducatif, notamment de l'enseignement
scolaire.
Afin de clarifier les intentions du Gouvernement en ce domaine, il demande au
ministre de bien vouloir préciser ses priorités pour permettre à notre système
scolaire de répondre aux défis qui lui sont lancés.
S'agissant de la réforme du lycée, il souhaiterait en particulier obtenir des
précisions sur le calendrier de mise en oeuvre des mesures annoncées à partir
des conclusions du rapport Meirieu, notamment concernant l'amélioration de la
vie scolaire, la simplification des programmes et la définition de nouveaux
enseignements, la réorganisation des filières, la réduction des horaires des
lycéens et l'aménagement du service des enseignants.
Parmi ces mesures, quelles sont celles qui sont susceptibles d'entrer en
vigueur au cours de la présente année scolaire et selon quel calendrier seront
progammées les autres réformes annoncées ?
S'agissant de la réforme de l'école primaire annoncée à la suite de la
publication de la « charte pour bâtir l'école du xxie siècle », au-delà du
calendrier avancé pour l'expérimentation de certaines mesures et touchant
notamment l'adaptation des programmes, les nouveaux rythmes scolaires, la
formation des enseignants, il souhaiterait connaître les perspectives de mise
en oeuvre généralisée d'une telle réforme.
Enfin, à l'exception d'une consultation à venir sur le collège et d'une
évaluation de la réforme pédagogique en cours, il ne peut que s'étonner que des
mesures d'urgence n'aient pas encore été proposées pour renforcer le maillon le
plus faible qui concentre les principales difficultés de notre système
éducatif.
La parole est à M. Gouteyron, auteur de la question.
M. Adrien Gouteyron.
Monsieur le président, permettez-moi, avant de commencer mon propos, de dire
tout l'honneur et tout le plaisir que j'ai à parler pour la première fois sous
votre présidence.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Monsieur le ministre, madame le ministre, je veux d'abord vous remercier
d'avoir accepté de venir devant le Sénat répondre à cette question orale et
participer à ce débat.
La question avait été posée tout simplement pour faire le point : après une
rentrée, au début d'une session parlementaire, cela paraissait normal sur un
sujet aussi important. Et voilà que l'actualité nous rejoint ! On ne peut en
effet pas oublier les revendications et les manifestations des lycéens. Aussi,
vous me permettrez de commencer mon propos par là.
Que disent les lycéens ? Ce que l'on entend d'abord, c'est, il est vrai, ce
qui est le plus facile à exprimer, c'est-à-dire des revendicaitons que je
qualifierai de matérielles, ou de quantitatives.
Les lycéens se plaignent de classes surchargées, de locaux parfois inadaptés.
On sait pourtant l'effort considérable qu'ont fait pour les lycées toutes les
régions, quelle que soit leur direction.
M. Christian Bonnet.
C'est exact !
M. Adrien Gouteyron.
Les lycéens se plaignent du fait que des professeurs ne sont pas encore
nommés, et nous vous rappelons, en les entendant, le malaise profond qui a
secoué le département de la Seine-Saint-Denis il y a quelques mois.
M. Christian Demuynck.
Et qui le secoue toujours.
M. Adrien Gouteyron.
C'est exact : même si l'on en parle moins aujourd'hui, les problèmes ne sont
pas résolus.
Voilà ce que l'on entend.
Mais, nous, nous savons que les effectifs dans les écoles, dans les collèges
et dans les lycées ont baissé à la rentrée de 1998 et qu'ils baisseront encore,
selon vos prévisions, à la rentrée de 1999, plus dans le primaire que dans le
secondaire d'ailleurs, ai-je cru comprendre.
Nous savons que des efforts importants ont déjà été faits et que la loi de
finances pour 1999 prévoit des créations d'emplois en nombre significatif : un
peu plus de 3 000 emplois, ce qui n'est pas rien.
Nous savons également que, l'année dernière, vous avez pris la décision de
maintenir en fonctions tous les maîtres auxiliaires.
Nous savons aussi, vous l'avez vous-même rappelé à l'Assemblée nationale et je
l'ai lu dans la presse, que le rapport entre le nombre d'enseignants et le
nombre d'élèves est de un enseignant pour onze élèves.
Nous savons tout cela. Peut-on, dans ces conditions, continuer à considérer
que l'attribution de moyens supplémentaires est la solution à tous les
problèmes ? Je ne le crois pas.
Vous-même d'ailleurs, monsieur le ministre, avez dit qu'il fallait mieux gérer
les moyens disponibles. Tel est l'objet des décrets qui ont été approuvés
aujourd'hui même en conseil des ministres, qui devraient paraître au
Journal
officiel
très rapidement et dont vous allez sans doute nous parler tout à
l'heure.
Je souhaite que ces décrets aménagent, arrangent les choses, mais je crains un
peu, monsieur le ministre, qu'il ne s'agisse que d'aménagements qui, pour être
intéressants, n'en soient pas moins techniques, ne changeant pas
substantiellement la situation.
Ce que je voudrais dire à cette tribune, profitant de l'occasion de cette
question orale avec débat, c'est qu'il me semble nécessaire que le Parlement -
le Sénat en particulier - essaie d'y voir plus clair et suive, grâce aux moyens
qui lui sont donnés, les problèmes que posent la gestion des emplois et la
répartition de ceux-ci. On sait que le nombre considérable d'emplois de
l'éducation nationale pose des problèmes particuliers et que l'ensemble est
très lourd à gérer. Il est donc tout à fait naturel que les parlementaires que
nous sommes regardent cela de près.
Il faudra que nous mettions au point des moyens d'investigation - moyens que
nous donne déjà le règlement du Sénat - et que nous les utilisions !
Un sénateur du RPR.
Très bien !
M. Adrien Gouteyron.
Au-delà de ces problèmes matériels, au-delà des demandes des professeurs, si
légitimes, commencent à sourdre des demandes que les lycéens ont plus de
difficulté à formuler, monsieur le ministre.
Un proviseur les exprimait ce matin sur les ondes. Les lycéens - disait-il -
veulent que les choses changent pour travailler mieux. Comment ne pas adhérer à
cet objectif ?
Depuis que vous êtes à ce poste redoutable, vous avez annoncé beaucoup de
choses, monsieur le ministre. Vous avez souvent eu les honneurs de la presse
et, souvent, vos déclarations ont rencontré dans l'opinion publique, disons-le,
une certaine sympathie parce qu'elles paraissaient frappées au coin du bon
sens...
M. Emmanuel Hamel.
Sympathie certaine !
M. Adrien Gouteyron.
Mais, de plus en plus, on se demande - et pas uniquement parmi les enseignants
- où vous voulez en venir, et les réactions expriment de plus en plus de
perplexité.
Je commencerai par les lycées, monsieur le ministre.
Vous avez organisé une consultation des lycéens qui a connu un grand succès,
vous l'avez dit vous-même, nous l'avons constaté par le nombre des réponses qui
ont été dépouillées et par l'intérêt même de ces réponses.
Le professeur Philippe Meirieu avait retenu un certain nombre de principes.
Vous-même en retenez onze, je crois. Pas question de les énumérer tous ici ; je
ne mettrai l'accent que sur quelques points en vous demandant de répondre aux
questions que je vais vous poser.
Vous avez cité - cela me paraît correspondre à certaines revendications
lycéennes - et je lisais dans « un grand journal du soir », pour reprendre
l'expression consacrée, les propos d'un lycéen qui déclarait - c'était, je
crois, dans la bonne ville de Toulouse : « On nous trie, on nous entasse, on
nous gave. »
S'agissant de la réforme des programmes, monsieur le ministre, vous avez
annoncé une simplification. Vous avez même précisé qu'elle pourrait intervenir
dès le début du mois de novembre et que seraient annoncés en janvier prochain
les nouveaux programmes applicables à la rentrée 1999.
Etes-vous prêt à tenir cet engagement ?
(M. le ministre opine.)
Si oui,
jusqu'où irez-vous ? Quels sont, dans ce domaine, vos objectifs ?
Vous avez annoncé la mise en place d'une sorte d'apprentissage de la
citoyenneté dite « républicaine » au lycée. Nous ne pouvons qu'approuver un tel
objectif, même si l'on peut s'étonner qu'on ait à faire cela au lycée. Nous
pouvons admettre, en revanche, qu'après les exercices pratiques de l'école
élémentaire et du collège, les lycéens soient amenés à réfléchir sur la
pratique citoyenne, comme on dit maintenant, à théoriser, en quelque sorte.
Cela, nous le comprenons.
Vous avez indiqué que cet enseignement pourrait être dispensé en classe de
première par des professeurs de philosophie, ou par les professeurs d'autres
disciplines, notamment d'histoire.
Pensez-vous, monsieur le ministre, que cet apprentissage citoyen pourra être
intégré dans les programmes ? Pensez-vous le faire tenir dans un horaire que
vous entendez limiter, pour les formations générales, à vingt-six heures ?
Comment arriverez-vous à atteindre un tel objectif ?
Dernier point, et je m'arrêterai là pour la réforme des lycées : vous avez
parlé de redéfinir le service des enseignants. Il s'agirait de partager ce
service entre l'enseignement de type traditionnel et une aide plus
individualisée aux élèves, notamment à ceux qui connaissent les plus grandes
difficultés.
Cette mesure, à n'en pas douter, est prioritaire - elle est peut-être même la
plus urgente dans votre programme de réformes. Elle permettrait en effet
d'établir de nouvelles relations entre l'enseignant et l'élève ou, en tout cas,
faciliterait celles-ci.
Où en êtes-vous, monsieur le ministre ? Vous avez dû engager une concertation
sur ce point. Si ce dossier est prioritaire pour vous, vous nous le confirmerez
sans doute. Nous n'ignorons pas les difficultés auxquelles vous vous heurtez,
certains syndicats n'étant pas, c'est le moins qu'on puisse dire, favorables à
cette définition nouvelle du service des enseignants. Quelles sont vos
intentions ? Tiendrez-vous non pas les engagements - l'expression ne serait pas
bonne -, mais les objectifs que vous aviez annoncés ?
J'en viens à l'enseignement élémentaire - l'ordre n'est pas très rationnel,
mais c'est celui que vous avez choisi et je m'y tiens.
Vous avez annoncé - c'est la « charte pour bâtir l'école du xxie siècle » ;
avez-vous ainsi baptisé votre projet - votre intention d'adapter les programmes
en les centrant sur l'apprentissage du langage, de la lecture, de l'écriture et
du calcul, de mettre en place de nouveaux rythmes scolaires et de repenser le
métier de professeur des écoles.
Je veux m'arrêter précisément sur le dernier point : qu'entendez-vous par «
repenser le métier de professeur des écoles » ? S'agit-il de permettre aux
enseignants de mieux travailler en équipe ? De faire assurer par des
intervenants extérieurs des enseignements qui, jusqu'à présent, étaient
dispensés par les professeurs des écoles ? A-t-on une idée précise du coût que
cela peut représenter ?
Je terminerai mon propos relatif à l'école primaire - je veux être extrêmement
rapide, même si le sujet est d'importance - en disant que nous sommes nombreux
à considérer que, malgré la qualité des maîtres, l'école primaire n'assure plus
de manière aussi satisfaisante que par le passé certaines des missions qui lui
sont dévolues. Trop d'enfants en sortent, on le sait bien, sans être maîtres
des principes fondamentaux, sans être capables, à l'entrée en sixième, de lire
un texte. Jusqu'à présent, ce problème n'a pas été résolu.
Une véritable politique de la lecture doit donc être entreprise sur un plan
général, plus spécialement peut-être et prioritairement dans les zones les plus
défavorisées.
A ce propos, on ne fera croire à personne que toutes les méthodes
d'apprentissage de la lecture se valent, que certaines ne sont pas plus
efficaces que d'autres, notamment en ce qui concerne des élèves en grande
difficulté. A ce sujet, l'heure des colloques, des assises devrait être
terminée. Il faut maintenant que des directives claires et concrètes
fournissent des cadres à nos enseignants, qui veulent savoir comment agir.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur celles de l'Union centriste.)
J'en viens au collège.
Il y aurait tant à dire sur ce sujet !
On peut d'abord s'étonner que vous ne paraissiez vouloir vous en occuper qu'en
fin de parcours, en quelque sorte. Le collège concentre aujourd'hui l'essentiel
des difficultés de l'enseignement secondaire, qu'il s'agisse de la violence,
qui continue de se développer au sein des établissements et des classes en
dépit de votre plan, ou de l'échec scolaire.
Un audit a été fait par M. François Dubet, et vous avez annoncé qu'une
procédure de consultation du type de celle qui a été réalisée dans les lycées
pourrait être lancée dans les collèges ; nous attendons que vous nous en disiez
un peu plus.
Je veux insister sur un rapport de l'inspection générale dont j'ai eu
connaissance et qui me paraît faire le point sur les vraies difficultés du
collège. Un inspecteur général, M. Alain Dulot, a enquêté dans un nombre très
significatif d'établissements. Il a abouti à un constat sévère, pour ne pas
dire alarmant.
Le principe même du collège unique, qui a pour objet de donner les mêmes
chances à tous les élèves, est de plus en plus souvent battu en brèche. Cet
inspecteur général constate - j'ose à peine le dire tellement c'est terrible -
que des enseignants - et l'on sait à quel point les enseignants sont
sourcilleux quand il s'agit d'égalité - en sont venus à se demander s'il
n'était pas indispensable de mettre en place deux types de structures dans les
établissements : l'une valorisante, l'autre qui serait une espèce de structure
d'accueil, et l'on voit bien quel type d'élèves elle pourrait recevoir. On est
vraiment très loin de l'égalité républicaine !
On sait que près de 80 % des collèges, de manière plus ou moins avouée ou
sournoise, ont mis en place des classes de niveau pour affronter cette terrible
réalité qu'est l'hétérogénéité des élèves. Je renvoie là à ce que je disais
tout à l'heure sur les missions de l'école. Sur un plan plus général, monsieur
le ministre, quels sont vos objectifs pour le collège ?
Au terme de mon propos, monsieur le ministre, j'exprimerai une crainte.
Je crains que vos intentions ne soient bonnes mais que nous n'ayez pas les
moyens - j'entends non pas les moyens matériels d'abord, mais surtout les
moyens politiques -...
M. Josselin de Rohan.
Eh oui !
M. Adrien Gouteyron.
... qui vous permettraient d'atteindre vos objectifs. Monsieur le ministre,
j'ai peur que votre ministère de la rue de Grenelle ne devienne en quelque
sorte le grand cimetière national des réformes mort-nées !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en dépit de problèmes compliqués d'emploi du
temps et, je l'avoue, d'une mauvaise coordination, dont je vous prie de
m'excuser, avec mon collègue chargé des relations avec le Parlement
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.),
nous avons néanmoins fait en sorte d'être présents pour ce débat. Je suis
donc venu écouter votre question accompagné de Mme Royal, qui va rester jusqu'à
la fin de la discussion.
Bien que j'aie comprimé un certain nombre de rendez-vous, je ne peux pas les
comprimer tous.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Je reviendrai donc tout à
l'heure pour vous répondre.
Cela étant, monsieur le président de la commission des affaires culturelles,
sans vouloir entamer ce débat sous le signe de la polémique, puisque j'ai
constaté dans vos propos une grande unité de vues avec notre action, je
souhaite tout de même faire une remarque. Etant un scientifique, je me fonde
sur des faits : cela fait vingt-cinq ans que l'on parle de la déconcentration
dans l'éducation nationale. Je l'ai faite - le décret est paru aujourd'hui ! -
alors qu'on m'avait dit qu'elle ne se ferait pas ! Alors, lorsque vous parlez
de « cimetière de réformes », ce n'est pas à moi que ce discours s'adresse !
(Si ! sur les travées des Républicains et Indépendants.)
L'an prochain, la déconcentration de l'éducation nationale deviendra
effective. Je vous en dirai plus tout à l'heure en vous donnant les détails du
calendrier.
Nous devons donc nous fonder sur les faits et, les uns et les autres, convenir
que le problème des moyens est certes important, mais que celui de leur
utilisation pour nous tous dans cet hémicycle, qui sommes les garants du bon
usage de l'argent de la République, constitue la priorité numéro un.
Nous ne mènerons pas à bien cette indispensable réforme de l'éducation
nationale, cette déconcentration - sur laquelle nous sommes tous, je crois,
profondément d'accord, et qui doit aboutir à ce que les besoins soient recensés
et les réponses apportées dans la proximité - sans l'aide de tout le monde : de
la représentation nationale, députés et sénateurs, de l'ensemble du corps
enseignant, naturellement, qui sera le vecteur principal de cette réforme, et
de l'administration.
Je vous demanderai donc vos suggestions, votre aide, mesdames, messieurs les
sénateurs.
Mais je suis obligé de poser la question : pourquoi cette déconcentration
s'est-elle arrêtée pendant quatre ans ?
Tout à l'heure, j'aurai l'occasion de répondre point par point à toutes vos
interrogations. Je vous demande encore une fois, au nom du Gouvernement,
d'excuser mon absence. Je suis prêt, vous le savez, à revenir quand vous le
voudrez. L'année dernière, j'ai participé, autant qu'il a fallu, aux débats, et
je le ferai de nouveau chaque fois que ce sera nécessaire.
M. le président.
Monsieur le ministre, je comprends fort bien le caractère impératif des
obligations qui s'imposent à vous et dont vous m'avez d'ailleurs fait part. Je
regrette cependant, comprenez-le, que vous soyez contraint de nous quitter,
d'autant que, lors de la conférence des présidents, je suis intervenu à deux
reprises pour préciser que le débat devait durer trois heures et pour demander
que l'on veuille bien vérifier que le ministre de l'éducation nationale serait
présent. On nous a alors répondu positivement. Je regrette donc votre départ,
monsieur le ministre.
Mais je me félicite, bien sûr, de la présence de Mme le ministre délégué, qui
ne manquera pas de suivre attentivement nos travaux et de vous transmettre nos
questions. J'ai toutefois noté avec satisfaction que vous serez de retour pour
répondre aux intervenants, car c'est vous, ministre de l'éducation nationale,
qui avez été interpellé - au bon sens du terme !
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants , 27 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 16 minutes.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que les
parents passent la semaine à l'école, les sénateurs - en assez grand nombre !-
s'y rendent par procuration cet après-midi.
Les passerelles entre l'école et la société dans son ensemble sont, à mes
yeux, une excellente chose, et je me réjouis que votre politique, madame la
ministre, en prévoie une illustration concrète. Ainsi, je constate que les
différentes réformes, entrées en application ou en cours d'élaboration, vont
toutes dans le sens d'une plus grande ouverture des élèves, des enseignants et
de l'école vers le monde extérieur et ses réalités.
Ouverture de l'école sur le monde et du monde sur l'école, tel est le thème
que je vais m'appliquer à traiter dans mon propos.
Madame la ministre, dès le plus jeune âge, les enfants sont incités à regarder
ce qui se passe autour d'eux.
Votre projet de « charte pour bâtir l'école du xxie siècle » s'inscrit dans
cette démarche.
L'aménagement des rythmes de l'enfant que vous proposez constituera le premier
signe d'ouverture : en laissant une marge importante aux établissements pour
organiser, à partir du cahier des charges national, leurs propres rythmes et en
faisant appel, avec discernement, à des intervenants extérieurs à l'école, on
offrira aux jeunes enfants une éducation dépassant le cadre de l'école
stricto sensu
, ce qui leur permettra de découvrir de nouveaux centres
d'intérêt. Je suis, tout comme vous, très attaché à ce que la maîtrise de
l'organisation de la journée reste de la compétence des enseignants.
De la même manière, l'apprentissage précoce d'une langue étrangère - en CM2
et, l'an prochain, dès le CM1 - constituera l'une des multiples ouvertures sur
le monde de l'école de la République. L'embauche d'étudiants étrangers
permettra aux très jeunes enfants qui bénéficieront de leur enseignement de se
familiariser avec de nouvelles cultures ; cela constituera aussi une avancée
très positive.
L'évaluation systématique des connaissances en classe de sixième, qui répond à
la demande formulée par M. Gouteyron, s'inscrit dans le même objectif de
décloisonnement et d'inscription de chaque établissement dans la globalité du
système éducatif puisque cette évaluation permettra de tirer des conséquences
générales sur l'enseignement que reçoivent les élèves avant le collège.
Porter les résultats de ces évaluations à la connaissance de tous les
partenaires de la communauté éducative - aux professeurs, mais aussi aux
parents d'élèves et aux enfants eux-mêmes - est également très positif.
S'agissant des programmes, les choses bougent aussi, pour permettre aux jeunes
de mieux appréhender le monde qui les entoure et pour les aider à faire face
aux vicissitudes croissantes de notre société. Je me réjouis de voir que
l'éducation civique fera désormais partie des matières prises en compte pour
l'obtention du brevet des collèges.
L'éducation à la santé proposée en module sera la bienvenue, à condition,
madame la ministre, que les cours soient réellement instructifs, simples et
donc accessibles.
A propos des lycées, je constate la même volonté d'ouverture sur le monde : le
recentrage des programmes, tout comme la réduction des horaires hebdomadaires
devraient inciter les jeunes, grâce au temps ainsi dégagé, à développer la
pratique d'activités parascolaires.
L'accent mis sur les langues étrangères, la culture juridique et politique,
les nouvelles technologies de l'information et de la communication est
extrêmement positif.
Enfin, la rénovation des instances des lycées, afin de permettre une meilleure
participation des élèves et de leurs parents, en accentuant les liens entre
l'école et la société, est d'une urgente nécessité - j'y reviendrai plus
loin.
Cette plus grande perméabilité de l'école ne doit pas nous faire oublier le
rôle social essentiel que doit tenir cette institution et que certains de vos
prédécesseurs, madame la ministre, avaient quelque peu négligé.
Ainsi vous êtes, depuis un an et quelques mois, en train de nous dessiner une
école socialement plus équitable.
Vous avez optimisé l'accueil des tout-petits en maternelle, relancé les ZEP en
modernisant leur mode de fonctionnement grâce aux réseaux d'éducation
prioritaires, créé des emplois d'aide-éducateur, rétabli les bourses de collège
en créant, de surcroît, un nouveau taux plus élevé, mis en place le fonds
social pour les cantines, pris de nombreuses mesures contre toute forme de
violence - notamment contre la pédophilie, le bizutage et le racket - avec
l'installation de classes-relais pour les adolescents en grande difficulté -
ils sont malheureusement de plus en plus nombreux - ainsi que par la mise en
place d'un numéro de téléphone azur : « SOS violence ».
Voilà des mesures concrètes très importantes, qui collent à la réalité.
Dans un autre registre, la refonte des manuels scolaires, tant au collège
qu'au lycée, permettra d'en alléger le poids ainsi que le contenu. C'est du
moins ce que l'on peut supposer à la suite de la divulgation du rapport Borne.
Cela participera à la modernisation du système scolaire.
Cette modernisation est déjà une réalité si l'on s'en tient au domaine des
nouvelles technologies de l'information et de la communication. Les classes de
collèges et de lycées qui bénéficient déjà du plan multimédia sont aujourd'hui
majoritaires ; je crois, en revanche, que la mise en route de ce plan est un
peu plus longue dans l'enseignement élémentaire bien que, ici ou là, les
départements, alors que ce n'est pourtant pas de leur compétence, s'y
investissent résolument.
Il reste cependant encore à faire ; les lycéens l'ont fait savoir et
continuent de le faire savoir en demandant des emplois du temps moins lourds,
des classes moins chargées, des professeurs effectivement présents. C'est du
moins le motif officiellement avancé et réel, à mon avis, de leur mouvement.
Cela étant dit, je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sur
les classes surchargées, notamment en langues vivantes.
J'ai reçu quelques lycéens de ma région voilà deux jours. J'ai rencontré des
jeunes en grande détresse qui souffrent surtout de ne pas être informés et
entendus par le monde d'adultes qui les entourent et font bloc au sein de
l'éducation nationale. Ces jeunes dénoncent notamment l'absence de concertation
préalable aux réunions de la part des deux tutelles : Etat - le recteur qui
représente l'Etat et le proviseur. Ainsi, hors des conseils, les jeunes, qui ne
se sentent pas soutenus, n'osent pas prendre la parole sur les questions qui
les préoccupent mais qui ne correspondent pas nécessairement à l'ordre du jour
ni aux soucis des adultes. Ces mêmes lycéens ont déploré le manque
d'information sur ce qui vient des régions, en particulier sur les moyens
financiers dont elles disposent pour leurs établissements, bien que des efforts
très importants soient, à relever indiscutablement.
Je me félicitais tout à l'heure de votre réforme de la participation au sein
des instances de l'éducation ; cela constitue un premier pas, mais je pense
qu'il faudra faire davantage pour que les premiers concernés, les lycéens, y
trouvent réellement toute leur place.
De la même façon, j'espère que l'évaluation sur la réforme des collèges de
François Bayrou permettra de prendre les mesures qui s'imposent pour ces
établissements, qui connaissent le même type de problèmes que les lycées.
Cela étant, madame la ministre, je sais que vous êtes au Gouvernement depuis
un an et quelques mois, et non pas depuis cinq ans et demi. Je n'aurai donc pas
l'outrecuidance de vous reprocher de ne pas avoir résolu tous les problèmes en
si peu de temps.
Je souhaite, en revanche, que vous nous indiquiez quels seront le sens et le
rythme de vos réformes.
Parmi les problèmes criants figure celui de l'insuffisance des personnels
administratifs, techniciens, ouvriers et de service, les ATOS, dans les
établissements du second degré. Je regrette le désengagement chronique de
l'Etat envers ces personnels, dont vous n'êtes pas seule responsable : 616
postes au titre du projet de loi de finances pour 1999, est mieux mais c'est
peu, et cela ne permettra pas de combler le retard accumulé. Ces personnels
jouent pourtant un rôle essentiel, rôle qu'aucun autre type de personnel,
titulaire ou non, n'est, à mes yeux, capable d'assumer. A l'heure où les
régions ont fait, comme je le disais, un gros effort pour remettre en état les
locaux, il serait bien dommage que l'entretien de ceux-ci ne soit plus assuré,
faute de personnel.
Après ces deux réserves dans mon adhésion à votre politique, je tiens à vous
féliciter sur votre nouveau dispositif pour la déconcentration du mouvement des
enseignants. Les deux phases de décision successives, inter-académique et
intra-académique, permettront de mieux prendre en compte les besoins, et donc,
je l'espère, d'y répondre de manière positive.
J'espère que ce mouvement respectera réellement les équilibres entre les
régions, compte tenu, notamment, des flux de populations, donc des flux
d'élèves. Je souhaite que cela permette de répondre effectivement, et
rapidement, aux revendications des lycéens et de résoudre les problèmes de
concordance entre les postes d'enseignants sans affectation et les classes sans
enseignants. Bien entendu, j'espère que les enseignants, premiers concernés, y
trouveront leur compte, et ce d'autant plus que j'ai noté que vous prévoyiez
une amélioration des délais et une meilleure information des intéressés.
Laissez-moi terminer mon propos par une marque d'étonnement :
Cet après-midi, et c'est tout à son honneur, mon collègue Adrien Gouteyron, de
la majorité sénatoriale, revendiqua des réformes et des moyens supplémentaires
pour l'éducation. Je souscris à cette démarche.
M. Adrien Gouteyron.
Je n'ai pas dit cela !
M. Jean-Louis Carrère.
Pourtant, j'ai un peu de mémoire, et je me souviens du vote de la loi de
finances pour 1998, au cours duquel le même sénateur et ses collègues, MM.
Lambert et Poncelet, alors respectivement rapporteur général du budget et
président de la commission des finances, n'ont eu de cesse de réduire les
crédits destinés à l'éducation nationale, notamment ceux de l'enseignement
scolaire. J'ai sous les yeux leur amendement, qui prévoyait de réduire les
crédits du titre IV de 252 millions de francs !
(M. Jean-Louis Carrère brandit le document en question.)
Plusieurs sénateurs socialistes.
Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère.
Et ce au nom d'un fallacieux prétexte, celui du pseudo-principe de parité
entre l'enseignement public et l'enseignement privé.
Cet amendement, la quasi-totalité de la majorité sénatoriale l'avait alors
voté. Je crois que certains d'entre nous devraient avoir davantage de suite
dans les idées !
Cela dit, je me félicité de la recrudescence d'intérêt de mes collègues pour
le secteur de l'éducation nationale et de l'enseignement scolaire.
Quoi qu'il en soit, l'éducation est plus que jamais - et grâce à vous, madame
la ministre, ainsi qu'à M. le ministre - un secteur qui bouge et qui va dans le
bon sens : celui de davantage de justice, d'équité sociale, d'intégration de
tous dans la société dans sa globalité, de participation de ses différents
acteurs et, par conséquent de responsabilisation de tous les partenaires de la
vie éducative.
Vous pouvez donc être assurée de mon soutien vigilant aux réformes que, avec
M. le ministre de l'éducation nationale, vous menez et que vous entreprendrez
dans le futur ; vous disant cela, je crois exprimer la pensée de l'ensemble de
mes collègues du groupe socialiste.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - MM. Arthuis et Arnaud
applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, monsieur le ministre
in abstentia (Sourires)
,
madame la ministre, mes chers collègues, que pouvons-nous dire des mouvements
de lycéens en colère qui s'étendent à toute la France ? S'agit-il de délicats
ajustements de rentrée ? Ou bien assistons-nous à un mouvement plus profond !?
Tels sont aujourd'hui les termes de la question que tout le monde se pose.
Depuis le début du mois de septembre, les troubles ne cessent de se
multiplier : classes sans professeur, mots d'ordre de grève, lycéens dans la
rue, recrudescence de la violence dans les établissements. Voilà bien de quoi
être inquiet !
Et, comme vous le faites à chaque rentrée, monsieur le ministre, madame la
ministre, vous soulevez quelques lièvres tels que les heures supplémentaires et
les manuels scolaires. Beau tableau de chasse ! Qui pourrait se plaindre d'un
tel désir de faire évoluer une institution quelque peu résistante au changement
?
Cependant, votre méthode est risquée ; jusqu'où, en effet, pourrez-vous allez
sans rien casser ?
S'agissant des heures supplémentaires, leur suppression correspond, selon les
enseignants, à la première baisse de rémunération des fonctionnaires depuis la
Libération.
M. Jean-Louis Carrère.
Ça, c'est de la démagogie !
M. André Maman.
Sans juger de l'opportunité de la mesure, il me semble que la justification
que vous donnez porte en elle les ferments d'une crise profonde chez les
enseignants ...
M. Jean-Louis Carrère.
Oh là là !
M. André Maman.
... notamment chez ceux des classes préparatoires, plus touchés que ceux du
secondaire.
Concrètement, vous allez financer des emplois-jeunes sur le dos des
professeurs titulaires. Leur cohabitation dans les établissements a de beaux
jours devant elle !
Il reste toutefois deux questions en suspens : comment comptez-vous pérenniser
ces emplois et comment allez-vous rémunérer les 20 000 jeunes supplémentaires
que vous comptez recruter ?
De la même façon, votre attaque contre les manuels scolaires, si elle peut
être justifiée, aura certainement des conséquences sur les relations avec votre
administration et, notamment, avec les inspecteurs d'académie, c'est-à-dire
ceux-là mêmes qui devront mettre en application la réforme que vous appelez de
vos voeux.
Là encore, votre méthode déroute, pour dire le moins.
Vous avez annoncé à plusieurs reprises que vous voudriez bâtir l'école du xxie
siècle. Cet objectif est aussi le nôtre, il ne doit y avoir aucun doute à cet
égard.
La charte que vous avez rédigée cet été s'articule autour de trois axes :
élaborer de nouveaux programmes, centrés sur l'acquisition des savoirs
fondamentaux ; mettre progressivement en place des rythmes scolaires adaptés à
ceux de l'enfant ; enfin, repenser le métier de professeur d'école, en
permettant plus d'autonomie et en intégrant le travail en équipe. C'est là, en
somme, la reprise de quelques-unes des propositions avancées par la commission
Fauroux. Il vous reste à définir les moyens de la mise en oeuvre de ces
principes.
En ce qui concerne le recentrage des programmes, je remarque que la charte ne
mentionne ni l'instruction civique ni l'apprentissage des langues étrangères.
J'attends que, sur ce point, auquel vous teniez beaucoup, vous nous apportiez
quelques éclaircissements.
Je salue votre volonté de faire évoluer les rythmes scolaires. Je pense qu'une
telle évolution est effectivement nécessaire. Cependant, je note que l'on en
parle depuis longtemps mais que nous sommes toujours dans une phase
expérimentale. A chaque changement de gouvernement, le nouveau ministre de
l'éducation nationale met en place des expérimentations de rythmes scolaires,
si bien que leur généralisation est toujours impossible.
Quelles sont vos intentions en la matière ? Quelle est cette troisième voie
que vous suggérez, entre matinée de travail et après-midi sans cartable ? Je
vous rappelle que nos compatriotes veulent - les sondages le révèlent très
clairement - une semaine de cinq jours avec moins d'heures de cours par jour et
des vacances plus courtes.
Aujourd'hui, ce sont d'abord les écoles publiques qui s'attachent au mercredi
libre. La raison est toute simple : les associations sportives récupèrent ainsi
une « clientèle » importante et les mairies économisent une journée de cantine
par semaine.
Espérons que votre liberté de ton aura, pour une fois, un effet positif pour
faire évoluer cette situation.
Enfin, j'approuve votre souhait d'aller vers une nouvelle conception du métier
de professeur d'école.
Je tiens ici à bien insister sur le fait que nos enseignants, en grande
majorité, sont excellents. On note chez eux une grogne générale parce que vous
les avez attaqués et même, dirai-je, parfois insultés dans vos propos. Ils ne
méritent pas d'être ainsi traités.
M. Jacques Legendre.
Très bien !
M. André Maman.
Une réforme de l'école primaire ne peut réussir que si les enseignants ont les
moyens de la mettre en pratique sur le terrain. Il faut leur faire confiance ;
il faut leur donner les moyens d'atteindre les objectifs qui leur sont
indiqués.
M. Jean-Louis Carrère.
En réduisant le budget ?
M. André Maman.
Pour cela, il est primordial d'approfondir la formation continue des
professeurs : formation aux nouvelles technologies, formation aux langues
vivantes. Il est également essentiel de développer le travail en équipe,
notamment avec les aides éducateurs, afin de mettre en place des formules
d'aide aux enfants en difficultés.
Ces trois grands objectifs, dont je ne conteste pas le bien-fondé, suscitent
cependant une grande inquiétude : comment allez-vous financer toutes les
mesures que vous souhaitez mettre en oeuvre ?
Fidèle à votre méthode consistant à ouvrir des chantiers partout, à peine
avez-vous annoncé la réforme de l'école primaire que vous vous attaquez au
lycée, avant de vous en prendre au collège. Au moins, on ne pourra pas vous
reprocher d'avoir perdu du temps !
Pour le lycée du xxie siècle, vous affichez une grande ambition, qui se
concrétisera progressivement. Votre volonté est de diminuer l'horaire
hebdomadaire des élèves et de leur fournir une aide personnalisée. Nous sommes
très favorables à ces deux actions.
En somme, vous reprenez l'idée d'un de vos prédécesseurs, M. Lionel Jospin,
qui estimait que la lourdeur des horaires était source d'échec scolaire.
Mais comment passer d'une semaine de plus de trente heures à une semaine
réduite à vingt-six heures, sachant qu'il faudra approfondir les langues
vivantes, se former à l'utilisation des nouvelles technologies et recevoir un
enseignement civique, juridique et politique ?
Par ailleurs, en tant que sénateur des Français établis hors de France,
c'est-à-dire 1 800 000 personnes, j'aurais aimé qu'on apprenne à nos jeunes
gens à se tourner vers l'étranger le plus tôt possible, en pensant à
l'expatriation. Ils devraient bien connaître le monde tel qu'il est au-delà de
nos frontières, ainsi que les possibilités de carrière qu'il offre.
Cette orientation ne peut que vous conduire à jongler habilement entre les
options facultatives ou obligatoires.
Reste le délicat problème du soutien scolaire, de l'aide personnalisée.
Sa solution passe sans doute par la fin du règne du cours magistral. Cette
idée, sur laquelle tout le monde semble aujourd'hui d'accord, butte sur la
question du temps de travail des enseignants. L'enseignement individualisé
requiert soit des heures supplémentaires, aujourd'hui réduites, soit des
enseignants en plus grand nombre. Alors, où est l'issue ?
Les lycéens se plaignent des classes surchargées, de la mauvaise organisation
des emplois du temps et des difficiles conditions de travail ; ce sont les
trois points qu'ils mettent actuellement en avant. Ils manifestent depuis
plusieurs jours pour demander plus de professeurs, des moyens supplémentaires
et une garantie de sécurité.
Ces jeunes nous font bien comprendre qu'ils veulent travailler et réussir : il
faut leur en donner les moyens. N'est-ce pas là le signe d'un désenchantement
après la vaste consultation organisée par M. Philippe Méirieu au printemps
dernier dans les lycées ?
Ce sont peut-être ces espoirs déçus qui se trouvent à l'origine du mouvement
lycéen actuel. Ce n'est pas en débloquant quelques postes de professeurs de
plus que vous pourrez mettre un terme à la contestation. Il vous faudrait
plutôt mettre en oeuvre, et le plus rapidement possible, les pistes esquissées
par les lycéens eux-mêmes lors de la consultation nationale : réduction des
horaires, aide personnalisée, système de tutorat, mais aussi prise en compte de
la parole lycéenne, meilleure préparation à la vie professionnelle.
Nous devons les écouter, leur accorder toute notre attention, afin de savoir
ce qu'ils veulent, et ne pas prendre de décisions sur lesquelles ils n'auraient
pas été préalablement consultés.
Sur ces attentes des lycéens, là encore, le rapport Fauroux avançait des
propositions très pertinentes.
Une autre source de propositions en matière de sécurité dans les écoles, les
collèges et les lycées se situe dans l'excellent rapport de mon collègue
Jean-Louis Lorrain. Selon lui, la violence dans les établissements scolaires
n'est pas une fatalité. Dans ce rapport, il a avancé plusieurs solutions,
passant notamment par une redéfinition des fonctions des personnels
d'encadrement, par l'établissement d'un code parental, par une meilleure prise
en charge des adolescents à problèmes, par une refonte de la carte scolaire ou
encore par la création d'un carnet de comportement pour chaque élève.
C'est en appliquant ces mesures que vous pourrez faire de l'école une
véritable école républicaine.
Toujours sur votre lancée, vous avez récemment dévoilé vos plans pour
l'université du troisième millénaire. Je n'évoquerai ce point que brièvement,
tant il est vrai que tout se tient : si nos jeunes gens sont dans la rue, c'est
parce qu'ils pensent non seulement au baccalauréat, mais aussi à l'université
et à leur carrière future.
M. Jean-Louis Carrère.
Et, pour certains d'entre eux, au Sénat !
(Sourires.)
M. André Maman.
Pas tous ! Seulement les meilleurs !
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Maman. Vous seul avez la parole.
M. André Maman.
Votre orientation se résume, selon vos propres termes, par « plus de matière
grise que de béton, plus de fibres optiques que d'amphithéâtres ». Après «
Université 2000 », voici venu « U3M », c'est-à-dire l'université du troisième
millénaire. Après le plan de rénovation des locaux et équipements, la priorité
est donnée à l'innovation et à la recherche, avec le développement des
nouvelles technologies.
Vous accordez également une attention particulière au plan social étudiant.
Pourtant, un véritable statut social de l'étudiant devrait passer, selon moi,
par une réforme de la fiscalité et de l'aide sociale au logement étudiant. Au
lieu de cela, vous avez choisi d'augmenter le nombre et le montant des aides
accordées par l'Etat sur des critères sociaux et universitaires.
En ce qui concerne les filières d'excellence et les pôles européens, les
propositions du rapport Attali ont apporté de l'eau à votre moulin. Pour ma
part, j'approuve vos décisions en matière d'harmonisation des diplômes et de
renforcement des échanges d'étudiants et de professeurs.
Cependant, le rapprochement entre les universités et les grandes écoles,
proposition sortie tout droit du rapport Attali, risque à mes yeux de briser
l'originalité de ces deux structures. Je crois qu'il faut veiller à exalter
leur complémentarité, celle-ci étant une composante essentielle du modèle
français d'éducation.
Sachons transformer les rivalités en saine émulation. Nos grandes écoles ne
sont pas rivales des universités. Elles représentent, à certains titres, un
moteur pour notre enseignement supérieur. A d'autres égards, ce sont les
universités qui jouent ce rôle.
Les grandes écoles se veulent exemplaires pour ce qui est de l'ancrage dans
les entreprises, point très important, et la relation avec le monde de la
recherche, relation que vous préconisez avec beaucoup de force. Les échanges
entre écoles et universités se multiplient. A partir du moment où il y a
respect réciproque et intérêt mutuel, cela se fait tout naturellement sur le
terrain.
Pour le reste, vos intentions sont obscures. Qu'en est-il de l'organisation
des cursus des premier et second cycles, du tutorat et, enfin, de la «
coéducation », qu'évoquait notamment le rapport Fauroux ?
L'insertion des jeunes dans le monde professionnel est sans doute la question
la plus importante, j'insiste sur ce point, et l'orientation doit, du collège à
l'université, tenir une place primordiale. Je souhaiterais, monsieur le
ministre, connaître votre position sur ce point.
La politique, c'est choisir. Choisir l'intérêt général, choisir de faire
bouger les choses sans brusquer les gens, et c'est souvent faire des
sacrifices. Malheureusement, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas en faire
parce que vous naviguez à vue.
Nous pouvons vous aider à y voir plus clair, en particulier dans la gestion de
vos personnels.
Dès votre prise de fonctions, vous avez annoncé votre volonté de déconcentrer
la gestion de vos effectifs et le système centralisé des mutations.
Plusieurs sénateurs du groupe de l'Union centriste.
Très bien !
M. André Maman.
Or cette volonté n'a pas été accompagnée d'une approche réfléchie et
concertée.
M. Jean-Louis Carrère.
Ah bon ?
M. André Maman.
Naturellement, les syndicats ont crié au scandale. Et vous vous trouvez
aujourd'hui dans une situation quelque peu inconfortable.
Le groupe de l'Union centriste a pris l'initiative de déposer une proposition
de résolution visant à créer une commission d'enquête sur les situations et la
gestion des personnels enseignants et non enseignants de l'éducation
nationale.
M. Jean Arthuis.
Bravo !
M. André Maman.
A travers cette initiative, il invite le Sénat à tenter de faire la lumière
sur la gestion opaque de l'ensemble des personnels de votre administration.
Ainsi, dans le cadre de ses prérogatives de contrôle, la Haute Assemblée pourra
chercher à savoir quels sont réellement les effectifs enseignants et non
enseignants de l'éducation nationale, quels sont les effectifs payés et
éventuellement inemployés.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est sans doute pour les aider ?
M. André Maman.
En somme, elle pourra vérifier l'adéquation entre, d'une part, les moyens
humains mis en oeuvre par le ministère de l'éducation nationale et, d'autre
part, les objectifs pédagogiques du système éducatif. La constitution de cette
commission vous déchargera d'un travail fastidieux tout en vous préservant sans
aucun doute d'une nouvelle fronde des syndicats.
Tel est, brièvement résumé, mon sentiment sur les réformes que vous souhaitez
conduire. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen des crédits du
ministère de l'éducation nationale, examen qui promet, d'ores et déjà, un débat
animé.
Dès votre arrivée rue de Grenelle, nous avions estimé que votre politique
était, non pas condamnable, mais dangereuse. Vous aviez amené un souffle et un
esprit nouveaux qui nous laissaient espérer des résultats plus tangibles. A
trop vouloir en faire, vous allez, monsieur le ministre, au-devant des échecs.
En ignorant le dialogue et la concertation, vous poussez les acteurs du monde
éducatif à la contestation. Les lycéens qui défilent ces jours-ci dans la rue
en sont la meilleure illustration.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au nom du
groupe des Républicains et Indépendants, je tiens à saluer l'initiative de M.
Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles, qui nous permet
de faire le point sur les réformes annoncées depuis seize mois à l'école
primaire, au collège et au lycée.
M. le ministre est venu le 1er juillet dernier présenter sa réforme du lycée
devant la commission des affaires culturelles.
Parallèlement, de nombreuses annonces ont été faites et plusieurs campagnes de
nature très diverse ont été lancées.
Il convient aujourd'hui de mesurer le chemin parcouru et de dégager une ligne
directrice qui, il faut bien l'avouer, reste un peu confuse.
Considérons tout d'abord l'enseignement primaire.
La charte présentée par M. le ministre le 28 août dernier vient à peine d'être
adressée par les inspecteurs de l'éducation nationale aux directeurs d'école
avec, en objet : « Expérience relative à la charte pour bâtir l'école du xxie
siècle ».
Personnellement, j'approuve à la fois l'élaboration progressive et collective
de nouveaux programmes et la mise en place de rythmes scolaires adaptés à
l'enfant.
En tant que libéral, je suis également favorable à une plus grande autonomie
du professeur d'école dans les choix pédagogiques.
En ce qui concerne les rythmes scolaires, j'ai noté votre volonté de
privilégier la présence de l'acte éducatif tout au long de la journée.
Permettez-moi cependant de vous interroger sur la dimension hebdomadaire de
l'aménagement des rythmes scolaires. Faute de vous avoir entendu évoquer les
nombreuses expériences menées dans ce cadre depuis 1996, je voudrais connaître
votre position à leur égard.
Sur un plan plus général, je m'inquiète des conséquences que pourraient avoir
sur le terrain certaines bonnes intentions inscrites dans la charte.
Pour avoir souvent l'occasion de dialoguer dans mon département avec les
enseignants et les chefs d'établissement, je sais que leur tâche est déjà bien
compliquée. Je m'interroge donc sur les conséquences pratiques de votre volonté
d'associer enseignants, aides-éducateurs, intervenants extérieurs et parents
d'élèves.
L'instauration dès cette année de l'enseignement d'une langue vivante
étrangère au CM2 nous démontre comment peut évoluer une mesure annoncée mais
dépourvue de véritable suivi. Sur le terrain, ce sont les maîtres qui,
lorsqu'ils le peuvent, doivent assurer l'heure et demie d'enseignement
hebdomadaire exigée par le ministère.
Autre effet d'annonce : l'éventuelle instauration d'un brevet des écoles à
l'issue du CM2, pour procéder à l'évaluation des élèves sur l'ensemble des
disciplines.
Que penser d'une telle disposition, que vous avez récemment évoquée dans les
médias, madame le ministre ? J'ajoute qu'elle résulte d'un rapport sur
l'amélioration de l'efficacité des écoles primaires qui, il faut le souligner,
n'a pas encore été transmis aux parlementaires.
Dans le même ordre d'idée, vous connaissez, madame le ministre, l'importance
que le Sénat attache aux collectivités locales et à l'aménagement du
territoire.
Je souhaiterais donc que vous nous disiez si vous comptez remettre en cause le
moratoire Balladur de 1993, qui était destiné à surseoir à la fermeture de
petites écoles de campagne comportant souvent une classe unique.
Nous sommes unanimes pour considérer que le collège, maillon le plus faible du
système éducatif, concentre les principales difficultés de ce dernier. La
comparaison avec les chantiers ouverts à l'école et au lycée fait pourtant
apparaître le collège comme le grand oublié de la politique du Gouvernement.
Vous vous êtes contentés, semble-t-il, de commander un audit, d'annoncer une
consultation sur le modèle de celle qui a eu lieu pour les lycées et de
proposer une évaluation de la réforme engagée par votre prédécesseur. Les deux
seules nouveautés sont la mise en place d'un module d'éducation à la santé en
classe de 4e et la création d'une épreuve d'éducation civique au prochain
brevet des collèges.
Je sais bien que Paris ne s'est pas fait en un jour, mais permettez-moi, là
encore, de me faire l'écho des enseignants et des chefs d'établissement que
j'ai rencontrés. Puisque c'est au collège que sont concentrées les difficultés
les plus importantes, des mesures urgentes s'imposent.
M. Michel Barnier.
Absolument !
M. James Bordas.
En effet, grand est le désarroi des acteurs locaux, qui critiquent l'absence
de pilotage et de cadrage, l'avalanche de circulaires adressées par les deux
ministres de tutelle, la répartition parfois incompréhensible des
emplois-jeunes entre les collèges, mais aussi les crédits insuffisants pour
assurer le renouvellement des livres scolaires à l'occasion du changement de
programme en classe de 4e.
Même le rétablissement des bourses des collèges, que personne ne conteste dans
son principe, a eu lieu de manière précipitée et désorganisée, ce qui provoque
des différences d'un collège à l'autre, voire des réactions variées sur le plan
comptable. Il serait bon que le Gouvernement prenne en compte les conséquences
de sa politique sur le terrain.
Je souhaiterais maintenant parler du lycée.
Le projet de réforme de M. le ministre s'inspire de la consultation nationale
menée par M. Philippe Meirieu. Il retient dix « exigences indissociables » qui
pourraient susciter un large consensus.
Toutefois, il faut là encore prendre garde à ne pas être en décalage avec la
réalité et à ne pas faire des promesses que l'on n'est pas sûr de tenir.
J'ai cru comprendre, par exemple que, loin de faire l'objet d'un enseignement
spécifique, l'éducation civique et l'enseignement des sciences politiques et
économiques dans le cursus des lycéens seraient intégrés dans d'autres
matières.
De même, pour l'informatique, ce sont les professeurs de mathématiques qui
pourraient être sollicités.
Quant à l'allégement des programmes, promis pour bientôt, il serait remis à
plus tard.
Mes chers collègues, la multiplication et l'ampleur des manifestations
lycéennes depuis le début du mois d'octobre nous interpellent directement.
Elles illustrent à mon sens le décalage entre le discours gouvernemental et la
réalité.
La consultation nationale a laissé beaucoup espérer aux lycéens. Aujourd'hui,
malgré les communiqués officiels annonçant une rentrée scolaire sans problème,
enseignants, lycéens et parents d'élèves constatent l'absence de progrès
significatifs.
La seule innovation prévue dès cette année est l'instauration d'un conseil de
la vie lycéenne. C'est très insuffisant pour les lycéens qui manifestent en
nombre un peu partout en France. Nous devons répondre à leurs préoccupations de
manière directe et ne pas nous voiler la face en refusant de voir les vrais
problèmes.
Cela m'amène à évoquer plusieurs dossiers sensibles et, en premier lieu, la
violence à l'école.
Depuis le début de l'année, un plan de lutte contre ce fléau est expérimenté
sur dix sites. Le premier bilan officiel ne devrait pas être connu avant le
mois de décembre prochain.
Pourtant, certaines informations font état d'une situation inquiétante : d'une
manière générale, les observateurs notent une forte aggravation des tensions et
des violences scolaires.
Le plan anti-violence semble mal connu sur le terrain. Hormis la présence des
emplois-jeunes, qui fait l'objet d'une appréciation plutôt positive, les
mesures concernant notamment le règlement intérieur et la punition ne sont pas
appliquées.
Madame le ministre, il s'agit là d'un sujet grave, qui touche directement nos
enfants ou nos petits-enfants. Je pense que nous pouvons en parler hors de
toute polémique. En effet, personne ne peut se réjouir de constater qu'une
politique destinée à lutter contre la violence rencontre des difficultés,
surtout dans les lycées et dans les collèges.
Est-il vrai que vos services ont constaté l'inefficacité de votre plan dans
certaines zones et que vous comptez le renforcer ? Si tel était le cas, je
souhaiterais que vous nous précisiez les modalités de votre action.
Le malaise des enseignants constitue le deuxième dossier sensible.
La déconcentration des mutations et le dossier des heures supplémentaires ont
compromis le dialogue social au sein de l'éducation nationale. Au-delà des
réformes, qui suscitent toujours des réactions, je regrette le climat de
méfiance qui s'est installé entre les enseignants et leur ministère de
tutelle.
Jusqu'à présent les intéressés n'ont pas réussi à exprimer leur malaise.
Néanmoins, ce malaise, qui existe bel et bien, retarde l'avancement de dossiers
importants tels que ceux de la formation continue ou de la validation des
acquis professionnels.
En attendant, de jeunes professeurs doivent souvent affronter sur le terrain
des situations conflictuelles auxquelles ils n'ont pas été préparés.
Permettez-moi maintenant d'évoquer le désarroi des chefs d'établissement.
On parle en effet beaucoup moins d'eux que des enseignants. Pourtant, ils
subissent un accroissement de leurs responsabilités personnelles sans pouvoir
s'appuyer sur une politique cohérente et sur des moyens d'action clairement
définis. Un grand nombre de postes sont actuellement vacants. On cite le
chiffre de 950 ! La fonction subit une véritable crise de vocation. Il faut, à
mon sens, qu'elle soit repensée dans sa globalité.
Un autre dossier sensible concerne les emplois-jeunes.
L'absence de véritable politique de gestion du personnel les concernant
provoque de nombreux problèmes. Le rôle de l'aide-éducateur se rapproche
parfois de celui de l'enseignant. La recherche de la frontière entre
enseignement et animation constitue une tâche difficile que toutes les équipes
pédagogiques ne maîtrisent pas encore.
Par ailleurs, la création d'emplois-jeunes en grand nombre a fortement
perturbé la mise en place de la formation des jeunes concernés, laquelle a
également pris beaucoup de retard.
Enfin, leur avenir à l'issue de leur contrat de cinq ans n'est toujours pas
réglé, bien que les spécialistes considèrent que l'on s'achemine inévitablement
vers leur titularisation, à l'image de ce qui se passe pour les
maîtres-auxiliaires.
M. Jean-Louis Carrère.
Où seraient-ils sans les emplois-jeunes ?
M. James Bordas.
Je voudrais que M. le ministre nous réponde franchement sur ce point.
Les titulaires d'emplois-jeunes seront-ils les maîtres auxiliaires III et les
maîtres auxiliaires IV du xxie siècle ? Allons-nous nous heurter aux mêmes
problèmes d'intégration ?
M. Jean-Louis Carrère.
Oh !
M. James Bordas.
Plus généralement, je tiens à souligner que les emplois-jeunes ne pourront
améliorer que très provisoirement le fonctionnement de l'éducation nationale si
celle-ci ne conduit pas en parallèle une réflexion fondamentale sur ses
missions et, dans cette optique, sur le métier d'enseignant.
En conclusion, je veux mettre l'accent sur les difficultés pour parvenir à
discerner une ligne de force dans les différentes réformes qui nous sont
annoncées.
Après seize mois d'action gouvernementale, les commentaires que nous entendons
dans les écoles, les collèges et les lycées sont toujours les mêmes :
multiplication et juxtaposition d'injonctions et de circulaires, absence de
cadre cohérent, de direction claire.
Et je ne peux passer sous silence le trouble que provoquent les campagnes
médiatiques à répétition sur la violence, le poids des cartables, les manuels
scolaires, la semaine des parents, le racket, l'illettrisme... que sais-je
encore ? A tel point, madame le ministre, que certains chefs d'établissement
demandent à quand la semaine de l'éducation !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Là encore, il s'agit à mon sens d'un problème de méthode. Occuper les ondes
n'est pas occuper le terrain !
M. Jean-Louis Carrère.
Démagogie !
M. James Bordas.
Non, je suis moi aussi sur le terrain !
Rien n'est pire que les annonces de programmes non finalisés, qui voient leur
mise en place retardée, leur ambition révisée à la baisse ou qui se réduisent à
l'envoi de circulaires aux professeurs et de brochures aux élèves.
Les campagnes médiatiques ne font pas une politique, je le dis de manière
totalement dépassionnée, madame le ministre, et M. le ministre le sait, car il
nous arrive d'être d'accord sur certains de ses principes.
M. Jean-Louis Carrère.
En privé !
M. James Bordas.
Non, ici aussi ! Mais beaucoup de vos promesses ont suscité de réels espoirs.
A terme, et je crains que nous n'y soyons déjà, elles risquent de décevoir. A
trop prendre l'opinion à témoin, notamment contre les enseignants, il est à
craindre que celle-ci ne demande un jour des comptes !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste. - M. Laffitte applaudit également.)
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