POLITIQUE GÉNÉRALE

Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration de politique générale du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration, en application de l'article 49, quatrième alinéa, de la Constitution.
La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. Alain Juppé, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, compléter, renforcer, dynamiser notre politique pour l'emploi, telle est la priorité de l'action que nous sommes décidés à conduire au cours des prochains mois.
Pour atteindre cet objectif, nous nous sommes donnés trois armes.
La première, c'est le projet de loi de finances pour 1997, qui vous sera soumis dans quelques semaines et qui repose sur des principes tout simples, à savoir qu'on ne peut obtenir de créations d'emplois sans croissance et qu'il n'y a pas de croissance sans un rétablissement des grands équilibres budgétaires et financiers. C'est la raison pour laquelle, pour la première fois depuis bien des années, nous sommes parvenus à stabiliser les dépenses de l'Etat, qui ne seront pas plus élevées en 1997 qu'elles ne l'ont été en 1996. Nous avons également réduit le déficit public et nous engageons une réforme de l'impôt sur le revenu, qui sera sensiblement abaissé.
Cette réforme est une réforme juste. Vous savez à quelle idée générale elle répond : tout au long des années qui viennent de s'écouler, on a systématiquement, du point de vue fiscal, privilégié les revenus de ce qu'un Président de la République appelait « l'argent qui dort », au détriment des revenus du travail. C'est cette injustice-là que nous souhaitons corriger et c'est toute la philosophie de la réforme qui vous est proposée.
Cette réforme est simple : elle consiste à abaisser tous les taux de toutes les branches du barème. Elle est ambitieuse, puisque l'on n'a jamais proposé au Parlement une réduction du quart du montant de l'impôt sur le revenu comme nous le faisons cette année. Elle est durable, puisque nous vous demanderons de voter le barème de l'impôt sur le revenu des cinq prochaines années, ce qui donnera la lisibilité nécessaire à tous les acteurs économiques. Il s'agit donc d'un projet de loi de finances qui innove.
Ensuite - c'est notre deuxième arme dans cette lutte pour l'emploi - nous vous proposerons un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui, par définition, innove, puisqu'il est le premier que la représentation nationale aura l'occasion de discuter.
Je le rappelle, ce dispositif était au coeur de la réforme de la sécurité sociale que je vous ai proposée l'an dernier. Depuis bien des années, le Parlement souhaitait être saisi périodiquement d'un débat sur les grands équilibres de notre protection sociale. Eh bien ! grâce à la réforme mise en oeuvre, c'est désormais chose faite. Il ne s'agit pas, contrairement à ce que j'ai lu ici ou là, d'un énième plan élaboré en catastrophe, mais bien du rendez-vous annuel entre la représentation nationale et la sécurité sociale.
Ce débat sera, j'en suis sûr, l'occasion de faire avancer la réforme que nous sommes en train de mettre en place et qui sera notamment marquée, dans le courant du mois d'octobre, par la diffusion du carnet de santé, qui sera l'un des instruments les plus efficaces de maîtrise de la dépense. Je recevais, ce matin même, le président du conseil de l'Ordre des médecins, qui nous a beaucoup aidés dans la définition de ce carnet de suivi médical et qui m'a assuré du soutien de l'Ordre dans sa diffusion et sa mise en oeuvre.
Enfin, la troisième arme de cette politique pour l'emploi, c'est la stabilité de la monnaie, qui nous assure la baisse des taux d'intérêt.
Je voudrais, sur ce point, souligner les résultats, inattendus par leur ampleur, qui ont été obtenus depuis un an. Je me souviens qu'à l'été 1995, à une époque où les taux d'intérêt à court terme étaient supérieurs à 6 %, l'on rêvait d'une détente de ces taux qui nous ramènerait entre 4 % et 4,5 %. Vous connaissez les derniers chiffres : nous sommes en dessous de 3,5 % et aux alentours de 6 % pour les taux à long terme.
Cette évolution exceptionnellement favorable ne peut pas ne pas avoir d'effets diffus dans l'ensemble de l'économie, au profit des collectivités territoriales, au profit des entreprises qui investissent, au profit des particuliers qui équipent leur ménage ou qui achètent leur logement.
Quant à notre monnaie, elle se tient aujourd'hui remarquablement, ce qui est un facteur d'indépendance, de rayonnement et de prospérité pour la France. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Cette stabilité de la monnaie et cette détente jusque-là jamais enregistrée des taux d'intérêt nous permettent d'avancer dans notre marche vers la monnaie unique, qui a désormais conquis sa crédibilité et qui constitue le coeur du projet politique susceptible de renforcer l'Union européenne dans un monde qui s'organise.
Cette monnaie unique nous apportera beaucoup. A deux conditions, il est vrai, que je voudrais rappeler devant la Haute Assemblée.
La première de ces deux conditions, c'est l'existence, entre les pays qui seront entrés dans l'Euro et les pays dont la monnaie sera toujours candidate, d'une règle du jeu claire qui nous mette à l'abri des dévaluations compétitives que nous avons subies au cours des dernières années. La France est arrivée à faire accepter cette idée par ses partenaires, ce qui n'était pas évident voilà quelques mois seulement. A Dublin, récemment, les ministres de l'économie et des finances ont ainsi fait des progrès tout à fait décisifs dans la mise en place d'un système monétaire européen bis , qui garantira cette règle du jeu entre les pays qui seront dans l'Euro et ceux qui n'y seront pas encore.
La seconde condition pour que la monnaie unique soit un atout dans la compétition internationale, c'est que sa parité avec les grandes monnaies du monde, tout particulièrement avec le dollar, soit gérée conformément aux réalités économiques. De ce point de vue, nous ne nous lasserons pas de répéter que se pose un problème de sous-évaluation chronique du dollar, auquel il faudra porter remède lorsque nous en aurons les moyens grâce à la constitution de la monnaie unique et de l'Euro. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Les premiers signes encourageants de cette politique sont apparus. (Protestations sur les travées socialistes.) Eh oui ! hormis quelques observateurs frappés de cécité, tout le monde le dit aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Je ne connais pas un seul observateur économique, une seule organisation nationale ou internationale qui ne prédise pas pour 1997 une croissance deux fois plus rapide qu'en 1996,...
M. Pierre Mauroy. Vous devriez vous méfier des observateurs !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... hormis le groupe socialiste du Sénat, qui manifeste ainsi son originalité ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Quelles que soient les difficultés du temps - et sachez bien que je ne les sous-estime pas : je connais les difficultés, la souffrance des familles dont les enfants sont frappés par le chômage - nous voyons apparaître aujourd'hui des signes encourageants : une inflation maîtrisée, un commerce extérieur très excédentaire, ce qui donne du travail à un Français sur quatre,...
M. René-Pierre Signé. C'est la méthode Coué !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... des taux d'intérêt historiquement bas, je l'ai rappelé tout à l'heure, et les perspectives de croissance que je viens de souligner.
De nombreux sénateurs socialistes. Et les sondages ?
M. Alain Juppé, Premier ministre. Je ne fais pas, moi, d'économie avec les sondages. C'est une nouvelle différence avec le groupe socialiste du Sénat ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.) C'est toute la différence entre une politique à la petite semaine et une politique qui prend en compte l'intérêt national. (Vifs applaudissements sur les mêmes travées. - Protestations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Ivan Renar. Et le chômage ?
Mme Hélène Luc. Oui : le chômage, pas les sondages !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Je suis affligé, mesdames, messieurs les sénateurs, par le niveau de l'argumentation qui me parvient aux oreilles en provenance de la gauche. (Vives protestations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Attendez que nous nous exprimions !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Je ne suis pas le seul à voir apparaître ces signes encourageants puisqu'un grand journal, qui n'est pas spécialisé dans la propagande pro-gouvernementale, titrait ce matin : « L'immobilier repart enfin ». Il se passe donc bien quelque chose aujourd'hui dans le domaine de l'économie ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Ivan Renar. Oui : la spéculation est en hausse.
M. Alain Juppé, Premier ministre. M. Périssol a rappelé récemment que la période au cours de laquelle nous avons vécu le sinistre le plus important en matière d'accession à la propriété et de mise en construction de logements a été celle qui s'est étendue entre 1989 et 1993, au cours de laquelle vous avez fait vos preuves en matière de logement, messieurs les socialistes ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La spéculation n'a jamais atteint le degré auquel elle est parvenue en 1989, en 1990 et en 1991. Et qui était alors au pouvoir ? (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Claude Estier. Et la mairie de Paris ?
M. Alain Juppé, Premier ministre. Est-ce à dire, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il suffit de continuer et que l'amélioration qui se dessine est de nature à répondre à toutes nos attentes ? Evidemment non : il faut aller plus loin afin que cette croissance retrouvée soit aussi plus riche en emplois.
A cet égard, il faut accroître l'aide aux petites et moyennes entreprises, qui ont été si surtaxées et pressurées pendant la précédente période. (Vifs applaudissements sur les mêmes travées.)
M. René-Pierre Signé. C'est une caricature !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Nous venons, de ce point de vue, de franchir une étape décisive avec la jonction de ce qui j'appellerai la ristourne Balladur et la ristourne Juppé au 1er octobre 1996, qui assure désormais une baisse de 13 % des charges sociales sur les entreprises qui emploient de la main-d'oeuvre peu qualifiée.
Nous irons plus loin pour aider les entreprises à se créer, à exporter, en réformant le code des marchés publics.
De façon plus générale, conformément aux excellentes propositions qui figurent dans le rapport de l'un d'entre vous, le sénateur Philippe Marini (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE), nous réformerons le droit des sociétés de façon à leur donner un cadre juridique clair et précis. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Il nous faut ensuite, mesdames, messieurs les sénateurs, aller plus loin dans le développement des emplois de proximité, parce qu'il est vrai que c'est une bonne manière de conforter la croissance et l'emploi. Nous l'avons fait avec les emplois de ville, nous l'avons fait avec le contrat initiative-emploi pour les jeunes sans qualification. (Protestations sur les travées socialistes.)
Eh oui ! le chômage des jeunes s'est stabilisé depuis un an (Nouvelles protestations sur les mêmes travées), ce qui n'avait pas été le cas entre 1990 et 1993. Nouvelle vérité difficile à entendre ! (Brouhaha sur les travées socialistes.)
Nous le ferons à nouveau au 1er janvier 1997, grâce au Sénat en grande partie, qui nous a permis de trouver la bonne solution pour mettre en oeuvre la prestation autonomie au début de l'année prochaine. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Ce texte vous sera prochainement soumis, conformément aux orientations que vous avez proposées.
Il faut aller plus loin dans l'encouragement au temps choisi parce que nous savons bien qu'un partage du temps de travail, dans le monde où nous vivons, est l'une des façons de répondre au problème du chômage.
M. Alain Richard. Vous n'avez pas toujours dit cela !
M. Philippe Labeyrie. Vous étiez contre !
M. Alain Juppé, Premier ministre. La majorité a adopté récemment un texte important relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail. Il est désormais opérationnel puisque les textes d'application sont parus au Journal officiel. Il commence à être utilisé par de nombreuses entreprises.
Il faut, enfin, aller plus loin dans l'alternance et dans l'insertion professionnelle des jeunes. Après la réforme réussie de l'apprentissage, menée à bien par M. Jacques Barrot au début de cette année, il nous faut mettre en oeuvre la réforme de l'éducation nationale, dont l'une des grandes ambitions, vous le savez, est le développement de toutes les formations en alternance, que ce soit à l'intérieur des établissements scolaires ou directement dans le monde de l'entreprise.
M. Jean-Louis Carrère. En réduisant les crédits budgétaires !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Voilà quelques-unes des directions dans lesquelles je vous propose d'aller plus loin pour mobiliser l'ensemble des énergies nationales contre ce fléau que constitue le chômage, et tout particulièrement le chômage des jeunes.
Le Gouvernement est ouvert, dans ce domaine, à toute proposition nouvelle. Je suis particulièrement attentif à celles que formule M. le président du Sénat sur la base de l'expérience qu'il a sur le terrain.
Je crois, en effet, que la mobilisation de tous les acteurs de l'économie, des collectivités décentralisées et des entreprises dans ce que j'ai appelé un véritable devoir national d'insertion est aujourd'hui nécessaire si nous voulons faire entrer 300 000 à 400 000 jeunes dans le circuit des entreprises.
Je souhaite donc élaborer avec les élus et avec les entrepreneurs qui l'accepteront de véritables plans d'action décentralisés pour l'insertion professionnelle des jeunes ; nous allons commencer à le faire, sur la proposition de M. Barrot et de Mme Couderc, dans un certain nombre de départements témoins.
Voilà un rappel, sans doute rapide mais nécessaire, de cette première grande orientation de la politique du Gouvernement :...
M. François Autain. Et les sondages ?
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... la mobilisation de toutes et tous contre le chômage et pour l'emploi.
Je souhaitais également dessiner une seconde orientation pour les mois qui viennent. Cette orientation, je l'ai organisée autour de l'idée d'une nouvelle démocratie pour le citoyen de l'an 2000.
A chaque période de son histoire, lorsqu'elle a vécu des mutations profondes, comme c'est le cas aujourd'hui, la France a su renouveler le pacte social qui unit ses citoyens.
M. René-Pierre Signé. Ne parlez pas de social !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Aujourd'hui, la montée des difficultés nous amène à faire preuve à nouveau d'imagination et à mieux entendre les aspirations de nos concitoyens.
La première aspiration, c'est l'aspiration à un nouveau mode de relation avec l'Etat, une relation qui soit plus simple, plus directe et plus proche, ce qui pose à la fois le problème de l'achèvement de la décentralisation et de progrès véritablement décisifs en matière de déconcentration.
A ce sujet, je voudrais d'abord rappeler que, s'il s'agit de rendre l'Etat plus simple, plus transparent et plus proche, il nous faut aussi - c'est loin d'être contradictoire, je dirai même que c'est complémentaire - nous assurer qu'il assume bien ses missions régaliennes, à commencer par le respect de la loi et de l'autorité de la République sur l'ensemble du territoire national. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je voudrais, sur ce point, vous redire la détermination du Gouvernement en ce qui concerne le problème dans lequel vit la Corse.
Plusieurs sénateurs du RPR. Très bien !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Lorsque je suis allé en Corse, les 17 et 18 juillet dernier, j'ai tendu la main à tous ceux qui siègent à l'assemblée territoriale de Corse, car ils ont tous reçu la légitimité du suffrage.
La réponse, vous la connaissez, de la part de certaines organisations ; c'est la fuite en avant dans la violence et le terrorisme. L'Etat républicain ne faiblira pas et se donnera tous les moyens de faire respecter la loi en Corse comme sur le continent. (Applaudissements prolongés sur les mêmes travées.)
M. François Giacobbi. Très bien !
M. Alain Juppé, Premier ministre. A cet effet, nous avons renforcé les moyens de la police, de la gendarmerie et de la police judiciaire. Les autorités judiciaires se sont mobilisées. On a enfin, ce qu'on n'avait pas fait depuis longtemps, engagé de véritables enquêtes... (Protestations sur les travées socialistes...), qui permettent de réunir les charges nécessaires.
M. François Giacobbi. C'est vrai !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Certains d'entre vous le disent et le pensent, messieurs les socialistes, lorsqu'ils ont un peu de bonne foi et de cohérence. Demandez à vos députés corses ! Demandez à vos sénateurs corses !
M. Pierre Mauroy. Demandez aux vôtres !
M. Alain Richard. Ne soyez pas trop dur avec M. Balladur !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Ces enquêtes, lorsqu'elles ont été diligentées, nous ont d'ores et déjà permis d'arrêter et de traduire devant les tribunaux plus d'une vingtaine de délinquants et de criminels. Nous continuerons sur cette voie, qui est celle de la légalité et de l'autorité de l'Etat.
Dans le même temps - c'est le deuxième pilier de ce que j'avais proposé en Corse - nous ferons preuve de solidarité pour aider au développement économique, social et culturel de la Corse.
J'ai annoncé, au mois de juillet, un plan d'ensemble qu'on a trop souvent réduit à la zone franche, qui n'en est qu'un des aspects. Il comporte bien d'autre volets concernant l'agriculture, le désendettement, mais aussi les aspects culturels et linguistiques. C'est avec détermination et continuité que nous le mettrons en oeuvre.
Cet Etat qui, je le disais, assume ses fonctions régaliennes, doit être aussi plus transparent et plus proche. C'est la philosophie qui anime le projet de loi sur les relations entre les administrations et les citoyens, qui vous sera soumis d'ici à quelques semaines.
C'est également la philosophie qui animera les mesures de déconcentration nouvelles que le Gouvernement est en train de préparer.
La nouvelle citoyenneté, c'est aussi un mode de relations nouveau entre le citoyen et la justice.
Les Français aspirent à une justice sereine, rapide, égale. (Exclamations et rires sur les travées socialistes.) C'est ce qui inspire le projet de loi sur la détention provisoire, que vous avez d'ores et déjà examiné.
M. Gérard Delfau. Ah oui !
M. Alain Juppé, Premier ministre. C'est ce qui inspirera également le projet de loi modifiant la procédure de jugement en matière criminelle, qui, après une large concertation menée en 1995,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Demain, on rasera gratis !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... a fait l'objet d'un consensus et marquera une très grande étape dans la rénovation de notre système judiciaire.
Nous sommes prêts à aller plus loin. J'ai évoqué la possibilité, sur la base des propositions qui sont faites ici ou là, d'organiser une grande réflexion sur la responsabilité du juge dans la société française et sur le point d'équilibre à trouver entre la nécessaire protection des libertés individuelles et l'autorité de l'Etat, garant de la cohésion nationale. Je vous invite à ce débat dans le courant de l'année 1997.
Troisième aspiration qui constitue cette nouvelle citoyenneté, cette nouvelle démocratie dont je parlais il y a quelques instants : une plus grande participation à la prise de décision au niveau tant national que local.
Il y a parmi vous nombre d'élus locaux. Tous savent que nos concitoyens souhaitent être impliqués dans les décisions, ne veulent plus les voix descendre d'en haut, que ce soit de Paris, d'ailleurs, ou d'échelons de décision décentralisés.
Il faut donc que nous réfléchissions à ce qu'on a appelé - la formule n'est pas de moi - « la modernisation de la vie politique ». C'est dans cet esprit que j'ai écrit, hier, à toutes les formation politiques représentées à l'Assemblée nationale ou au Sénat pour les interroger sans a priori sur un certain nombre de problèmes qui, me semble-t-il, se posent aujourd'hui dans notre société : la place des jeunes et des femmes dans la vie politique, le cumul des fonctions ou des mandats, le statut de l'élu, le rôle des fondations politiques, les modes de scrutin, le cas échéant, qu'il s'agisse du scrutin législatif ou du scrutin régional.
J'ai souhaité que les formations politiques me fassent connaître leur avis d'ici à la fin du mois de novembre. Sur cette base, j'essaierai de dégager des points d'accord que je vous soumettrai. Nous verrons alors s'il est possible d'introduire dans notre législation telle ou telle modification. Nous le ferons, je le répète, en tenant très largement compte des avis que vous aurez exprimés.
Une autre aspiration qui se manifeste est l'aspiration à la cohésion sociale dans notre pays.
De ce point de vue, il m'apparaît que le texte que nous venons de transmettre au Conseil économique et social, et qui s'intitule « loi d'orientation pour le renforcement de la cohésion sociale », fera date.
J'ai eu l'occasion de rencontrer récemment, à Matignon, la Fédération nationale de l'action pour la réinsertion sociale, qui regroupe un grand nombre d'associations. Tout en soulignant, bien évidemment, qu'il aurait mieux valu que les moyens fussent plus abondants, elle m'a fait part d'un accord de fond sur les grandes orientations de ce texte, sur les droits nouveaux qu'il institue et sur la philosophie générale qui l'inspire.
C'est un texte qui fera date, je le répète, parce qu'il réaffirme l'accès de tous aux droits de tous : accès aux soins par la mise en oeuvre de l'assurance maladie universelle, par une action nouvelle face à certains fléaux sanitaires, comme la tuberculose, qui avait été perdue de vue ; accès au logement, également, par la réforme des procédures d'attribution du logement social et le rôle accru donné à l'Etat dans ce domaine ;...
M. René-Pierre Signé. Le logement HLM !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... accès, enfin, à la citoyenneté et au droit de vote.
Ce texte marque aussi un progrès décisif au regard de l'une des grandes idées que le Président de la République avait lancées pendant sa campagne, à savoir la réactivation des dépenses passives en matière sociale. Vous connaissez l'idée : avec l'argent public, il vaut mieux aider quelqu'un à s'insérer dans la vie de travail plutôt que de l'indemniser à ne rien faire. (Exclamations sur les travées socialistes.) D'où l'idée des 300 000 contrats d'initiative locale, qui se substitueront peu à peu - en cinq ans - à certains RMI, aides sociales spéciales ou allocations de parent isolé. Ainsi, c'est une grande orientation du Président de la République contre la fracture sociale qui sera concrétisée par ce texte. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Autre volet de ce texte, parmi bien d'autres : un programme ambitieux de lutte contre l'illettrisme. Vous êtes tous bien conscients que l'illettrisme, aujourd'hui, frappe 10 % de la population française, d'après les enquêtes qui ont été faites. Il nous faut réagir, devant cette situation, dès l'école, et l'éducation nationale se mobilisera, mais aussi grâce à la mise en place, qui vous sera bientôt proposée, du rendez-vous citoyen. Ce sera un moment de détection des situations d'illettrisme et d'orientation de nos jeunes vers des formules qui leur permettront de sortir de cette situation qui les empêche de s'intégrer dans le circuit du travail et de la citoyenneté.
Aspiration, donc, à la cohésion sociale. Elle sera, je l'espère, mieux satisfaite grâce à ce texte.
Aspiration aussi à la cohésion nationale. Etre citoyen au XXIe siècle, ce sera vivre de nouveaux droits et de nouveaux devoirs. Ce sera également concilier la modernité, l'ouverture, la mondialisation avec le besoin de ressourcement et d'attachement aux racines, qui est dans nos coeurs aux uns et aux autres.
On nous parle souvent du droit à la différence, et je le respecte. Mais ne faut-il pas aussi respecter le droit à l'identité ? (« Bien sûr ! » sur les travées du RPR.)
Cela me conduit à dire un mot d'un sujet difficile, mais que je ne veux pas éluder : la politique de l'immigration. En la matière, la politique que je vous propose repose sur trois piliers.
Premier pilier : la fidélité de la France à sa tradition d'accueil et d'asile et à une politique généreuse d'intégration de ceux qui acceptent les règles du jeu de la communauté internationale. C'est notre honneur, et nous le conserverons ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Deuxième pilier : l'engagement pour le développement et la coopération. Là encore, il m'apparaît qu'on ne dit pas assez aux jeunes Françaises et aux jeunes Français qu'ils vivent dans un pays qui, par rapport à sa population, est le plus généreux, le plus ambitieux et le plus en pointe sur la scène mondiale pour aider les peuples qui souffrent et qui sont dans la misère.
M. René-Georges Laurin. Très bien !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Vous l'avez vu à Lyon, lors du G 7 : alors que tous nos grands partenaires étaient en retrait sur l'aide au développement, les positions du Président de la République ont prévalu, et elles viennent de se concrétiser lors de la session de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Oui, je le dis ici avec fierté : la France est exemplaire dans l'aide au développement ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Enfin, troisième pilier de cette politique de l'immigration, indissociable des deux autres : le refus déterminé de l'immigration illégale.
De ce point de vue, notre législation comporte des lacunes et des incohérences.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Encore ?
M. Alain Juppé, Premier ministre. Le Gouvernement proposera deux projets de loi : l'un pour mieux lutter contre le travail clandestin, qui sera présenté par le ministre du travail et des affaires sociales ; l'autre qui tendra à modifier l'ordonnance du 22 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Une fois de plus !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... et qui sera présenté par le ministre de l'intérieur.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques indications que je voulais vous donner sur les orientations de la politique que nous allons mener ensemble pendant cette session qui s'ouvre et qui nous conduira à l'été 1997.
Pour cela, il nous faut évidemment faire preuve de cohésion et de solidarité (Exclamations et rires sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Je sais que la majorité en fait preuve. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Je lui dis toute ma gratitude pour le soutien sans faille qu'elle m'a toujours apporté depuis un an et demi dans les conditions et dans les circonstances les plus difficiles. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Cela contrarie certains, et pourtant c'est vrai ! C'est d'ailleurs pour cela que je le disais. (Exclamations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) Vous voyez !
Il nous faut aussi entraîner nos concitoyens. De ce point de vue, j'en ai conscience, beaucoup reste à faire,...
M. René-Pierre Signé On se demande s'il croit à ce qu'il dit !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... car je perçois bien le climat de scepticisme et de morosité qui se perpétue dans notre pays - peut-être un peu moins qu'on ne le dit dans le microcosme ! - tant il est vrai que les difficultés existent.
Pour cela, il nous faut donner confiance, montrer la direction, insuffler cet esprit d'entreprise et cet esprit de conquête que le Président de la République a évoqués si souvent.
Les bons résultats qui sont en train de s'esquisser nous permettront de le faire encore mieux demain qu'aujourd'hui.
Il nous faut aussi ramener souvent le débat sur le terrain des valeurs. C'est notre responsabilité d'élu parce que nous vivons dans un monde où la morale républicaine qui soude le pacte républicain est parfois contestée, écornée, déstabilisée.
Il y va de la liberté, que menacent à la fois la complexité d'un monde de plus en plus bureaucratique et technicien, et le sectarisme de certains extrêmes.
Il y va de l'égalité, qui doit non pas brider l'esprit d'entreprise et l'esprit de conquête, mais leurs permettre de s'épanouir en chacun et chacune d'entre nous, avec des chances égales pour tous.
Il y va de la fraternité, qui est non pas l'assistance démotivante, mais la solidarité entre personnes responsables, la tolérance, la générosité, l'harmonie de la vie familiale, l'affirmation du sentiment national dans le respect de toute personne humaine.
De ce point de vue, je veux vous dire ma détermination, quelles que soient les difficultés juridiques que cela soulève, à faire en sorte qu'un certain nombre de provocations au racisme, à l'antisémitisme et à la xénophobie ne restent pas impunies dans notre pays, et je vous ferai des propositions en ce sens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Voilà pourquoi mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite aujourd'hui, à l'occasion de ce débat, à exprimer cette confiance que, je le sais, vous avez dans la politique que nous menons, de façon que cette confiance puisse se diffuser autour de nous et chez les Français. (Murmures sur les travées socialistes.)
C'est pour que s'exprime clairement le soutien que vous nous apportez que j'ai l'honneur de solliciter de votre Haute Assemblée, au titre de l'article 49-4 de la Constitution, votre approbation sur la déclaration de politique générale que je viens de prononcer. (Mmes et MM. les sénateurs du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que certains sénateurs du RDSE se lèvent et applaudissent.)
M. le président. Nous allons procéder maintenant au débat sur la déclaration de politique générale du Gouvernement faite devant le Sénat.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé l'organisation de ce débat.
Elle a accordé un temps de parole de quinze minutes à l'orateur de chaque groupe et de cinq minutes pour l'orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
La parole est à M. de Rohan. (Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur plusieurs travées des Républicains et Indépendants et de l'Union Centriste.)
M. Josselin de Rohan Monsieur le Premier ministre, permettez-moi, au début de mon propos, de vous exprimer l'indignation que nous éprouvons devant l'odieux attentat dont a été victime la mairie de Bordeaux.
Nous formons le voeu que les coupables soient prochainement appréhendés, jugés et châtiés comme ils le méritent. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
En sollicitant notre confiance, le Gouvernement suscite un débat qui doit nous permettre d'aller au fond des choses.
Quel est le sens de la politique sur laquelle nous sommes appelés à nous prononcer ? Quelles sont ses implications et ses chances de succès ? Existe-t-il une alternative crédible à cette politique ? Telles sont les questions que nous nous posons en ce début de session.
Si l'on en croit les chroniqueurs, les observateurs, les sondeurs, les politologues et les sociologues, les éditorialistes et les analystes, la France se partage en deux camps : celui des agitateurs prêts à toutes les révolutions à l'occasion de conflits sociaux dont on nous prédit le déchaînement proche et celui des amorphes, en proie au découragement et au scepticisme, qui engloberait une majorité de nos compatriotes.
M. Jean-Luc Mélenchon. Des noms !
M. René-Pierre Signé. Il y a beaucoup de Français !
M. Josselin de Rohan. Que l'opinion se montre inquiète ou désabusée devant la persistance et la recrudescence d'un chômage qui frappe indistinctement toutes les régions, toutes les catégories sociales et toutes les professions, il n'y a rien là qui puisse nous surprendre.
Que l'insupportable écart entre la France vulnérable et exposée et la France protégée, que l'on nomme « fracture sociale », soit loin d'être réduit, est, hélas ! une évidence.
Cette situation, comme cet état d'esprit, montrent combien il est important que le Gouvernement et sa majorité expliquent clairement au pays les réalités auxquelles il est confronté, l'effort auquel il est convié et les perspectives qui se présentent à lui.
Il faut donner un cap et tracer une voie sur laquelle on se tiendra avec résolution, mais il faut aussi, vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre, convaincre et obtenir l'adhésion des esprits et des coeurs. (Rires sur les travées socialistes.)
Que nous le voulions ou non, nous sommes confrontés, du fait de la mondialisation de l'économie, des formidables changements techniques ou technologiques qui affectent notre planète et de l'émergence de nouvelles puissances économiques, à la nécessité impérieuse de modifier nos comportements et nos habitudes, de lutter contre nos déficiences ou nos carences.
Nous sommes en quelque sorte contraints à l'excellence si nous voulons conduire notre destin et non le subir. (« Très bien ! » sur les travées du RPR.)
Les défis sont rudes mais nous pouvons les relever. Nous en avons connus jadis de plus redoutables encore, que nous avons relevés avec succès. Je songe à cette France de 1945, totalement détruite, qui s'est rétablie grâce au courage de ses habitants : leurs fils ne seront pas indignes de leurs aînés. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur plusieurs travées de l'Union centriste.)
Pour l'heure, nous devons chercher à atteindre trois objectifs : tout d'abord, l'apurement du passé grâce à l'assainissement de nos dépenses publiques et au redressement de nos comptes sociaux ensuite, la réforme de l'Etat et des entreprises publiques, et, enfin, la construction européenne.
L'action que nous mènerons dans ces trois domaines conditionne la reprise de l'emploi et doit la faciliter.
Sans diminution sensible du chômage, nous savons qu'il est vain d'escompter de la part des Français une grande foi en l'avenir.
Apurer le passé nous oblige à diminuer le poids considérable de nos dépenses publiques et de nos comptes sociaux, qui situent nos prélèvements obligatoires au niveau le plus élevé d'Europe et constituent désormais le mal français, ou l'exception française.
Quelle est, pour un particulier, l'incitation à investir, si la moitié de ses gains lui est confisquée par les cotisations sociales ou l'impôt ?
Comment une entreprise peut-elle emprunter sur le marché si la quasi-totalité des emprunts du marché obligataire est ponctionnée par l'Etat ?
Parce que nous n'aurions pas le courage de réaliser ce que tous nos partenaires européens ont entrepris, depuis la Suède sociale-démocrate jusqu'à l'Italie ou l'Espagne, en passant par l'Allemagne - certains depuis longtemps, d'autres dans un passé récent - à savoir la réduction des dépenses budgétaires ou la maîtrise des dépenses sociales, devons-nous continuer à rejeter sur les générations futures les charges financières ? (M. Jean-Luc Mélenchon s'exclame.)
Croyons-nous sincèrement qu'il soit possible d'attirer des investisseurs internationaux et même de trouver des prêteurs si nous ne remettons pas de l'ordre dans nos affaires ?
Comment peut-on parler d'indépendance nationale si nous devons dépendre, pour nos fins de mois, du bon vouloir des créanciers étrangers ?
Monsieur le Premier ministre, vous avez engagé un effort remarquable et méritoire de compression des dépenses publiques. Le budget pour 1997 en est l'illustration, puisque, en francs constants, ces dépenses diminueront de 2 %, ce qui est sans précédent dans notre pays depuis 1958.
Pour la sécurité sociale, des réformes de structure ont été adoptées et des orientations ont été prises, qui doivent permettre de mettre un terme aux expédients et aux replâtrages auxquels on a eu trop longtemps recours pour remédier aux déficits. ( « C'est Balladur ! » scandent plusieurs sénateurs socialistes.)
S'il est trop tôt pour recueillir les fruits de cette politique, au moins pouvez-vous vous prévaloir d'un résultat indiscutable : la baisse des taux d'intérêt à court et à long terme. Ce résultat témoigne de la confiance des marchés en la crédibilité de votre action. Il permet aux chefs d'entreprise d'investir à des coûts raisonnables et à l'Etat de réduire très sensiblement le poids de son endettement. (Murmures sur les travées socialistes.)
Quant à ceux qui, dans l'opposition, vous critiquent - et avec quelle âpreté - nous les invitons à plus d'humilité et à moins d'amnésie ! Pendant les dix années de leur gestion, les dépenses publiques n'ont cessé de croître. Nous avons hérité de plus de 3 000 milliards de francs d'endettement. (Vives protestations sur les travées socialistes.) Cet endettement représente aujourd'hui 60 000 francs par Français et par an et 170 000 francs par actif ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste !)
M. Jean-Louis Carrère. C'est Balladur !
M. Josselin de Rohan. Et, puisque la réforme fiscale ne trouve pas grâce à leurs yeux, peut-on leur rappeler que, sous les gouvernements socialistes, les placements financiers étaient mieux traités que les revenus du travail ? (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées. - Vives protestations sur les travées socialistes.)
La réforme de l'Etat et des entreprises publiques ne saurait être ralentie.
Comme vous, nous souhaitons que l'Etat soit plus fort dans les domaines qui relèvent de ses attributions régaliennes, qu'il soit plus proche des citoyens et qu'il relâche son emprise dans la vie quotidienne sur le secteur marchand.
La mise en oeuvre d'une déconcentration poussée est indispensable. Elle rendra possible les expérimentations sur le terrain et, comme on l'a déjà dit, permettra de libérer les collectivités locales qui veulent se livrer à un certain nombre d'expériences. En outre, elle donnera des interlocuteurs à tous ceux qui ont des projets qui dorment aujourd'hui à cause des tracasseries administratives ou parce qu'il faut faire remonter des projets aux administrations centrales et obtenir au moins une vingtaine d'accords !
La poursuite des privatisations est également indispensable.
Les tristes exemples du Crédit lyonnais, du Crédit foncier (Protestations sur les travées socialistes) et du Comptoir des entrepreneurs démontrent l'impérieuse nécessité d'une modification du contrôle et de la gestion de certains établissements publics, ainsi d'ailleurs que de l'obligation morale de demander des comptes aux responsables de ces dérives. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE - Vives protestations sur les travées socialistes.)
Vous avez mené avec succès la réforme du statut de France Télécom.
M. René-Pierre Signé. Les dés sont pipés !
M. Josselin de Rohan. De la même façon, il faut réussir la réforme de cette grande entreprise qu'est la SNCF en conciliant ses obligations de service public avec les impératifs de modernisation de ses structures et de modification de ses pratiques commerciales.
Le débat intervenu au printemps dernier devant la Haute Assemblée montre que les orientations dégagées par le Gouvernement recueillent notre appui.
Vous avez également initié une réforme capitale de notre système de défense et de nos industries de l'armement.
Le Sénat a beaucoup réfléchi sur les aléas et les conséquences de ces réformes. Son apport dans la discussion législative a été très remarquable.
Nous jugeons les réformes inéluctables et conformes aux changements intervenus dans notre environnement international, conformes aux impératifs de modernisation de nos forces armées. Mais nous ne nous dissimulons pas que les incidences sur l'emploi ou sur le tissu industriel de certaines restructurations doivent entraîner, de la part de l'Etat, un important effort d'accompagnement.
La réforme fiscale que vous avez amorcée ne pouvait être éludée, tant ceux qui produisent ou ceux qui travaillent sont pénalisés par une imposition complexe, souvent confiscatoire et parfois antiéconomique. Vous avez choisi de procéder par étapes mais, enfin, vous avez enclenché un processus. Non seulement nous vous en donnons acte, mais encore nous appuyons votre démarche.
En dépit de tous les conservatismes et de tous les corporatismes, l'adaptation de notre système d'enseignement aux changements de la société ne peut être différée. Le souci d'agir avec prudence en raison de la sensibilité propre au milieu ne peut nous dispenser d'une remise en cause profonde de certaines structures. Qu'il s'agisse de notre enseignement professionnel, des modalités d'accès à l'enseignement supérieur, du mode de fonctionnement de nos établissements,...
M. Jean-Louis Carrère. Et la recherche !
M. Josselin de Rohan. ... beaucoup reste à faire pour éviter que notre système éducatif ne produise un nombre croissant d'exclus ou de frustrés. (Exclamations sur les travées socialistes.)
On nous dira que, en ces temps difficiles, il n'est guère sage de troubler encore les esprits avec des réformes qui dérangent. A-t-on songé que les pesanteurs, les rigidités, les frilosités de notre société ont bien davantage comme conséquence de retarder l'adaptation de notre économie aux grandes mutations de cette fin de siècle et, corrélativement, le retour à la croissance et à l'emploi ?
La France ne peut être perpétuellement condamnée au choix entre l'immobilisme qui pétrifie et la révolution qui emporte tout. La voie du progrès demeure dans la seule réforme : seule l'audace est espérance. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants ainsi que sur quelques travées de l'Union centriste. - Exclamations sur les travées socialistes.)
Il nous revient aussi d'oeuvrer pour renforcer la construction européenne.
Nous partageons avec vous cette ambition, sachant que vous avez comme nous le souci de maintenir l'identité de notre pays et sa vocation à faire entendre sa voix et reconnaître son indépendance dans le nouvel ensemble qui s'édifie.
La Conférence intergouvernementale, qui procède à l'étude des futures institutions européennes, n'entraînera pas l'adhésion des peuples de l'Europe si ceux-ci ressentent peu ou prou que leur destin est décidé par des organismes ou des instances sur lesquels ils n'ont pas de prise et qu'ils ne peuvent contrôler.
La nécessaire coordination des politiques étrangères ou des politiques de dépense doit tenir compte d'une réalité difficilement contournable : nombre de nos partenaires, et non des moindres, considèrent que l'impulsion ne peut venir dans ces domaines que d'outre-Atlantique, et ne sont guère favorables à une totale liberté d'action européenne. Dans ces conditions, il importe que la France puisse continuer à faire valoir ses idées, car son audience dans le monde est encore grande et ses prises de position attendues.
Vous le savez, dans le domaine monétaire, nous ne souhaitons pas l'avènement d'une Europe des gouverneurs qui imposerait aux gouvernements et aux Etats des contraintes économiques et sociales trop rigoureuses qui les empêcheraient d'exercer leurs activités. Je sais que vous ne partagez pas cette façon de voir et que vous ferez en sorte de maintenir l'équilibre. Mais je devais vous faire part de cette crainte.
MM. François Gerbaud et Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Josselin de Rohan. Enfin, autant nous sommes convaincus des bienfaits de la libre circulation des hommes et des capitaux au sein de l'Union européenne, autant nous croyons à la nécessaire limitation des entraves au commerce internationale, autant nous sommes opposés à des concessions par l'Union européenne, sans contreparties, à des pays qui multiplient les obstacles tarifaires ou paratarifaires et utilisent leur monnaie comme un instrument de combat.
L'élargissement de l'Union européenne ou son approfondissement ne peut pas non plus donner prétexte aux adversaires de toute politique commune ou à ceux qui refusent la spécificité de nos services publics pour démanteler des systèmes qui ont contribué à notre cohésion sociale ou au développement et à la modernisation de notre économie.
Vous avez fait preuve d'une assez grande détermination sur ce point pour qu'il ne soit point besoin d'insister. Sachez cependant que vous pouvez compter dans votre tâche sur notre soutien constant.
Nous sommes appelés aujourd'hui à nous prononcer sur une politique qui a sa consistance, sa cohérence et sa logique, et dont les objectifs ont été définis à plusieurs reprises tant par le chef de l'Etat que par vous-même. Cette politique a demandé des choix courageux, imposé des sacrifices, dérangé bien des habitudes, suscité bien des oppositions. Elle ne peut pas donner de résultats spectaculaires tant que la croissance de l'économie européenne n'atteindra pas un taux suffisant pour assurer de nouveaux emplois.
Nous le savons, à cause des trop nombreux handicaps qui frappent encore notre économie, même si la croissance repart, nous attendrons encore un certain temps avant d'en tirer les avantages que nous pourrions en escompter.
M. René-Pierre Signé. Vous ne serez plus au pouvoir !
M. Josselin de Rohan. Mais une chose est certaine : seule une politique de réduction des dépenses publiques menée avec persévérance peut faciliter le retour à la croissance et la diminution des charges qui pèsent sur les particuliers et les entreprises.
Il existe une autre politique,...
M. René Régnault. Laquelle ?
M. Josselin de Rohan. ... celle qui a été menée par vos précédesseurs socialistes (Exclamations sur les travées socialistes.) et qui a conduit à la dérive budgétaire et monétaire,...
M. Alain Richard. Balladur !
M. Raymond Courrière. Balladur et Pasqua !
M. Josselin de Rohan. ... à l'augmentation considérable de l'endettement, à la multiplication par trois du nombre des chômeurs depuis 1981 et aux trois dévaluations. (Protestations sur les travées socialistes.) Ça, c'est la signature de M. Mauroy ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Pierre Mauroy. N'importe quoi ! C'est nul !
M. le président. Monsieur de Rohan, vous avez épuisé votre temps de parole.
M. Josselin de Rohan. En vain, les hiérarques socialistes essaient-ils de donner le change. Ils ont dépeint comme des innovations quelques vieilles lunes, telles l'autorisation administrative de licenciement...
M. Alain Richard. Créée par qui ?
M. Josselin de Rohan. ... ou la réduction obligatoire et uniforme de la durée du travail...
M. René Régnault. Mais votre solution ?
M. Josselin de Rohan. ... et, par renfort de potage, ils dénoncent une pression fiscale qui est, hélas ! la triste contrepartie de leur gestion ! (Protestations sur les travées socialistes. - Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Mais les Français ont déjà donné, et trop donné ! pour se laisser prendre au piège.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est ce qu'on va voir !
M. Josselin de Rohan. Monsieur le Premier ministre, aucune critique ne vous a été épargnée et vous êtes trop souvent la cible de toutes les impatiences et de toutes les contestations.
J'emprunte à un texte vieux de deux cent vingt-deux ans...
M. le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, monsieur de Rohan.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Respectez le règlement !
M. Josselin de Rohan. Si vous me le permettez, monsieur Dreyfus-Schmidt, je vais conclure. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Monsieur le Premier ministre, vous n'êtes pas seul. Nous sommes avec vous dans votre combat pour le redressement de notre économie et nous vous soutiendrons de toutes nos forces parce que vous êtes un homme de talent, de fidélité et de courage, parce que nous adhérons aux principes que vous défendez et aux objectifs que vous poursuivez.
Nous ne nous reconnaissons pas dans le spectacle qu'on veut donner d'une France découragée et démoralisée. Le combat que vous avez engagé, la France le gagnera grâce à ses ressources, à ses capacités,...
M. René Régnault. On n'y croit plus !
M. Josselin de Rohan. ... à la volonté de ses habitants qui, quoi qu'on dise ou qu'on écrive, ont conservé intactes leur ardeur au travail et leur foi en l'avenir. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Estier. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier. Monsieur le Premier ministre, avant toute chose, je voudrais, moi aussi, vous exprimer notre indignation et notre solidarité après l'attentat commis dans la nuit de samedi à dimanche dernier à l'hôtel de ville de Bordeaux. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) Au-delà de tout ce qui peut nous séparer, notre réprobation contre de tels actes est totale. Face au terrorisme, d'où qu'il vienne, il est indispensable que nous parlions tous d'une même voix avec la plus grande fermeté.
M. René Régnault. Très bien !
M. Claude Estier. Compte tenu des circonstances, je ne polémiquerai pas avec vous sur la politique menée en Corse. Nous aurons certainement l'occasion d'en reparler, monsieur le Premier ministre.
Une semaine après avoir sollicité et obtenu de votre majorité à l'Assemblée nationale un vote de confiance, dont certains disent et écrivent qu'il vous a été accordé du bout des doigts, vous accomplissez aujourd'hui la même démarche au Sénat. Nul doute que vous y obtiendrez le même résultat. Mais en quoi ce vote aura-t-il changé la situation dans laquelle vous vous trouvez et qui semble, permettez-moi de vous le dire, vous rendre par moments bien agressif ? (Murmures sur les travées du RPR.)
M. René Régnault. Très bien !
M. Claude Estier. Sans doute pourrez-vous faire valoir, et c'est bien le but de l'opération, que même ceux qui vous critiquent au sein de cette majorité vous auront apporté leur adhésion. Mais même si vous en tirez publiquement argument, vous n'êtes pas assez naïf pour croire que cette adhésion signifie approbation et fin des critiques du dimanche contre l'action de votre Gouvernement. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Dans votre déclaration de mercredi dernier, et tout à l'heure encore, vous avez voulu définir un projet politique dont l'objectif serait de « bâtir une nouvelle démocratie pour le citoyen de l'an 2000 ». Noble ambition et belles paroles que vous avez prononcées, comme si vous veniez d'accéder aux fonctions de chef de gouvernement.
Mais ces fonctions, vous les occupez déjà depuis plus de seize mois, et l'on peut vous juger aujourd'hui non seulement sur un projet, mais bien aussi sur un bilan et sur des faits qui sont, malheureusement, en contradiction avec vos paroles. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. Parlons-en du bilan !
M. Claude Estier. Vous affirmez que l'action que vous menez, et qui selon vous commencerait à produire des effets, a pour première priorité de redonner à l'économie française la capacité de créer des emplois. Mais, dans le même temps, vous devez bien admettre - vous n'en avez pas parlé aujourd'hui d'ailleurs - que les derniers chiffres du chômage sont mauvais et même, dites-vous, inacceptables.
M. Philippe Marini. On dirait que vous vous en réjouissez !
M. Claude Estier. Non, nous ne nous en réjouissons absolument pas ! Nous le constatons simplement !
Ces chiffres montrent en effet que le chômage en France a augmenté de 5 % pour les seuls douze derniers mois, alors même que dans la plupart des pays voisins la courbe s'est inversée. C'est bien là votre bilan, à vous, monsieur le Premier ministre,...
M. Dominique Braye. Le vôtre, c'est deux millions de chômeurs de plus !
M. Claude Estier. ... et non pas l'héritage des quinze dernières années derrière lequel vous avez un peu trop facilement tendance à vous abriter, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres. Et ce d'autant plus facilement que vous semblez oublier que, sur ces quinze dernières années, vos amis et vous-même avez été au Gouvernement de 1986 à 1988, et sans interruption depuis 1993 ! (Applaudissements sur les travées socialistes. - Vives protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Calmez-vous, mes chers collègues, calmez-vous !
Vous affirmez dans votre déclaration que la maîtrise des dépenses, c'est d'abord « la réforme de la sécurité sociale qui a d'ores et déjà brisé la tendance à l'accroissement indéfini des dépenses ».
Mais, là encore, je vous rappelle que vous ne vous présentez pas devant nous pour la première fois. Ici même, il y a exactement un an, exposant le fameux plan qui porte votre nom, vous nous expliquiez qu'il réduirait le déficit de la sécurité sociale à 17 milliards en 1996, et qu'il aboutirait à un excédent en 1997.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Philippe Marini. Si on ne l'avait pas fait, on en serait où aujourd'hui ?
M. Claude Estier. Or le déficit pour cette année est actuellement évalué à 52 milliards de francs, soit trois fois plus que votre prévision. En fait d'excédent, les prévisions pour 1997 laissent penser que le déficit sera encore de 40 milliards de francs l'an prochain, soit près de 100 milliards de francs en deux ans, qui s'ajoutent au chiffre du même ordre enregistré sous le gouvernement Balladur, dont vous aviez un jour, monsieur le Premier ministre, qualifié la gestion de calamiteuse. Mais peut-être vos paroles avaient-elles ce jour-là dépassé votre pensée ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Juppé, Premier ministre. C'est une déformation de mes propos !
M. Claude Estier. Là encore, c'est votre bilan et celui de vos amis, sans que vous puissiez invoquer l'héritage des socialistes.
Un sénateur socialiste. Edouard, le calamiteux !
M. Claude Estier. Que vous le vouliez ou non - et c'est bien là la raison de la grogne et de l'inquiétude de vos amis politiques - la réalité est très loin de ce que vous annonciez voilà un an, encore plus loin des promesses faites et des engagements pris par le candidat Jacques Chirac pendant la campagne présidentielle du printemps 1995. En fait, ces engagements ont constitué une véritable tromperie dont les Français vous font aujourd'hui grief et dont vous payez les conséquences.
Plusieurs sénateurs socialistes. Eh oui !
M. Robert Calmejane. Mitterrand nous a trompés pendant quinze ans !
M. Claude Estier. On peut donc comprendre que votre cote de confiance soit aujourd'hui si faible dans l'opinion. Certes, vous pouvez obtenir au Parlement une confiance que mes amis ont justement qualifiée de « disciplinaire », mais les dernières enquêtes n'en ont pas moins montré que, s'ils étaient députés, près des deux tiers des Français vous refuseraient cette confiance.
M. René-Pierre Signé. Oh oui, alors !
M. Claude Estier. Sans doute ne gouverne-t-on pas seulement en fonction des sondages, et vous avez raison de le dire. Mais quand ils vont tous dans le même sens, ils traduisent un état de l'opinion dont vous devriez mieux analyser les causes.
M. René Régnault. Eh oui !
M. Claude Estier. Or, loin de tenir compte du fait que la politique que vous avez définie se traduit par une série d'échecs, vous appelez à la persévérance, sans considération pour l'adage latin qui la jugerait diabolique. Vous nous affirmez que cela ira mieux l'année prochaine, mais vous nous aviez déjà dit la même chose l'année dernière. Si vous persévérez dans la même direction, pourquoi les résultats seraient-ils meilleurs demain ?
Un sénateur socialiste. Très bien ! Très bon discours !
M. Claude Estier. Vous prédisez, avec une série d'experts, que la croissance en 1997 sera double de celle de cette année, c'est-à-dire de l'ordre de 2 % ou un peu plus.
Mes chers collègues, espérons que, pour une fois, les experts ne se trompent pas ! Mais même si ce chiffre se vérifie et permet de créer environ 100 000 emplois, vous savez bien que cela ne sera pas suffisant pour inverser la courbe du chômage !
Il ne suffit pas non plus d'annoncer des réformes pour que la vie des Français en soit changée. J'en donnerai quelques exemples.
Le Sénat va examiner, à partir de la semaine prochaine, une proposition de loi créant une prestation pour les personnes âgées dépendantes. Excellente intention que nous soutiendrions volontiers,...
M. Philippe Marini. Ce seront des emplois !
M. Claude Estier. ... sauf que le texte que l'on nous propose a un caractère restrictif et transitoire,...
M. Lucien Neuwirth. Il a le mérite d'exister !
M. Claude Estier. ... en attendant une réelle prestation d'autonomie dans le financement de laquelle l'Etat prendrait sa part,... (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Charles Descours. Et alors ? Il ne fallait rien faire ?
M. Claude Estier. ... alors que, pour l'instant, et vous le savez bien, mes chers collègues, l'Etat continue de se décharger sur les collectivités locales, qui sont de plus en plus accablées financièrement. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les travées socialistes.)
Ne peut-on dire la même chose du projet de loi contre l'exclusion, qui représente, lui aussi, une grande idée, mais dont on ne voit pas bien avec quels moyens il pourrait être mis en oeuvre efficacement ?
Le troisième exemple, tout aussi grave, concerne le logement. Vous parlez aujourd'hui d'accession à la propriété. Mais vous avez affirmé à plusieurs reprises votre volonté d'accorder une priorité au logement social. Fort bien, mais que constate-t-on ? Les crédits de réhabilitation - PALULOS - qui concernaient 200 000 logements en 1992, sont désormais réduits à 70 000. L'aide personnalisée au logement, pour la troisième année consécutive, n'est pas revalorisée. Le Crédit foncier est menacé. Les PLA sont gravement rognés. L'application des surloyers entraîne des conséquences lourdes pour de nombreuses familles. Les crédits de réhabilitation du privé baissent de 10 %. Les PLA très sociaux risquent de n'être financés, là encore, que par appel aux collectivités locales.
M. René Régnault. C'est la vérité !
M. Claude Estier. En outre, l'équilibre du budget du logement n'est assuré pour l'an prochain que grâce à un prélèvement de 14 milliards de francs sur les crédits du 1 % du logement, ...
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Claude Estier. ... c'est-à-dire grâce à l'utilisation par anticipation des ressources des deux ans à venir.
En fait de priorité, l'Etat est en train de se désengager dans ce domaine essentiel pour notre économie, pour l'emploi et pour la cohésion sociale. Le mouvement HLM se réunit d'ailleurs cette semaine pour exprimer sa protestation contre ce désengagement.
Vous dites que vous n'entendez personne proposer une autre politique.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Je n'en entends pas en ce moment, en tout cas !
M. Claude Estier. Vous écoutez mal, monsieur le Premier ministre !
M. René Régnault. Il est sourd !
M. Claude Estier. Une autre politique, en tout cas une autre logique... (Exclamations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
On prétend que nous ne proposons jamais d'autre politique, alors laissez-moi m'exprimer !
M. Dominique Braye. Une autre politique crédible !
M. Claude Estier. Une autre politique, en tout cas une autre logique consisterait non pas à aggraver les prélèvements obligatoires comme vous l'avez fait depuis un an, après ceux qui furent effectués par le gouvernement Balladur auquel vous apparteniez, non pas à accorder des exonérations de charges aux entreprises sans contrepartie d'embauche, mais à redonner à celles-ci des perspectives d'avenir grâce à une vraie relance de la consommation rendue elle-même possible par une amélioration du pouvoir d'achat des catégories les plus modestes.
M. Dominique Braye. Cela a déjà été fait !
M. Jean Chérioux. On a vu le résultat en 1981 !
M. Claude Estier. J'entendais ce matin, sur une radio, M. Raffarin affirmer que 55 % des entreprises françaises - je n'ai pas vérifié - se portent bien. Si cela est vrai, ne peut-on les inciter à faire un effort sur les salaires ?
Un grand quotidien parisien - celui-là même que vous brandissiez tout à l'heure, monsieur le Premier ministre - a commencé hier la publication d'une enquête édifiante sur les difficultés dans lesquelles se débattent les deux millions et demi de Français qui ne gagnent plus que les 5 000 francs mensuels du SMIC, sans parler évidemment de toutes celles et de tous ceux qui ne disposent même pas de cette somme. Ces millions de Français, y compris ceux qui ont la chance d'avoir encore un emploi, sont obligés de se priver de presque tout. Une fois payés leur loyer, les charges et le minimum de nourriture, il ne leur reste pratiquement rien pour d'autres achats. Toute augmentation de leur revenu aurait des effets immédiats sur la consommation. Au lieu de rester médiocre comme c'est le cas actuellement, celle-ci repartirait à la hausse. Les entreprises y trouveraient rapidement leur compte et l'investissement, présentement au point mort, serait également relancé. Une nouvelle dynamique serait ainsi créée qui aurait forcément et sans doute rapidement des effets bénéfiques pour l'emploi. Car, vous le savez bien, monsieur le Premier ministre, les entreprises n'embaucheront pas parce que le Président de la République ou vous-même leur demandez d'embaucher. Elles embaucheront quand leurs carnets de commandes se rempliront et qu'elles auront alors besoin de personnel.
M. Alain Juppé, Premier ministre. On n'entend vraiment que des vérités premières !
M. Claude Estier. Faute de vous engager dans cette voie, vos appels seront d'autant moins entendus que, dans le même temps, vous pratiquez des licenciements dans le secteur public, ce que savent bien, par exemple, les milliers de maîtres auxiliaires qui viennent d'être au chômage au moment même où vous vous flattez de réussir une nouvelle réforme de l'éducation nationale, ce que savent aussi les ouvriers de GIAT-Industrie ou ceux des arsenaux de Brest ou de Cherbourg, qui sont bien décidés à se battre contre le plan Millon. Vous dressez peu à peu contre vous l'ensemble de la fonction publique, qui le manifestera le 17 octobre.
Cela m'amène à souligner un autre aspect de votre politique qui, en plus d'être injuste et inefficace, est également incohérente.
Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples récents.
Le premier concerne une mesure annoncée avec une minutieuse préparation et dont vous attendiez une relance de la dynamique gouvernementale : je veux parler de la fameuse baisse de 25 milliards de francs de l'impôt sur le revenu. Comme on dirait à La Poste : « Pour une bonne nouvelle, c'était une bonne nouvelle ! »
Mais, outre que la réalité de cette baisse de 25 milliards de francs a été immédiatement contestée au sein même de votre Gouvernement, vous avez brouillé votre propre message en évoquant soudain une réforme du mode de scrutin législatif, qui a provoqué aussitôt une remarquable cacophonie dans votre majorité.
Et comme si cela ne suffisait pas, deux jours après a été annoncée une hausse sensible des impôts locaux, en même temps d'ailleurs qu'une nouvelle augmentation des taxes sur les carburants, le tabac et l'alcool. (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Marcel Debarge. Transferts de charge !
M. Claude Estier. N'est-ce pas vrai ? N'y-a-t-il pas une hausse des impôts locaux ? Demandez à ceux qui reçoivent leur avis de recouvrement de la taxe d'habitation ou de la taxe foncière s'il n'y a pas de hausse des impôts locaux ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
Cela a donné aux Français le sentiment, d'ailleurs parfaitement justifié, qu'on leur reprenait d'une main, et tout de suite, ce qu'on leur aurait donné d'une autre un peu plus tard. Du coup, l'annonce dont vous attendiez tant a abouti à un « flop » retentissant qu'ont traduit tous les sondages dans les jours suivants. Et encore n'aviez-vous pas parlé à ce moment de l'allégement de l'impôt sur les grandes fortunes,...
M. Dominique Braye. Voilà le mythe qui reparaît ! Voilà le catéchisme qui revient !
M. Claude Estier. Vous avez déjà supprimé une fois l'impôt sur les grandes fortunes, et cela ne vous a pas réussi ! Alors, faites attention ! En tout cas, monsieur le Premier ministre, je vous ai trouvé, à ce propos, un peu plus circonspect que M. le Président de la République.
Deuxième exemple d'une politique incohérente : l'affaire des « sans-papiers » dits de Saint-Bernard. (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Vous l'avez laissée se développer pendant près de six mois et devenir le feuilleton médiatique du mois d'août pour en arriver finalement à cette image, répercutée par les télévisions du monde entier, d'une porte d'église enfoncée à coups de hache, et ce pour aboutir à quoi ? (Applaudissements sur les travées socialistes. - Vives exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur celles de l'Union centriste.)
M. Josselin de Rohan. Mgr Estier !
M. Claude Estier. Sur les quelque 300 personnes qui, participaient à ce mouvement, quelques dizaines ont vu leur situation régularisée, ce qui aurait pu être fait beaucoup plus tôt. Un petit nombre a été renvoyé par charters et la grande majorité a été relâchée dans la nature, renvoyée au su et au vu du ministre de l'intérieur à cette clandestinité dont elles voulaient précisément sortir.
Le bilan est peu glorieux sinon qu'il a démontré que les lois dites « Pasqua », que nous avions dénoncées en leur temps, sont inapplicables. « (Oh ! » sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Dominique Braye. Elles sont insuffisantes ! A cause de vous, nous ne sommes pas allés assez loin !
M. Claude Estier. Vous en venez d'ailleurs vous-mêmes, comme vous l'avez répété tout à l'heure, à parler de « lacunes » et d'« incohérences »...
M. Claude Braye. A cause de vous !
M. Claude Estier. ... et vous nous annoncez un nouveau dispositif législatif, dont un journal du soir publiait, aujourd'hui, un avant-projet. Nous aurons donc un débat à ce sujet et nous aurons, nous aussi, des propositions concrètes à présenter pour répondre à ce problème lancinant de l'immigration clandestine, qui doit être traité sérieusement, car le problème est grave, mais dans un souci de justice et de respect de la dignité des personnes humaines. (Murmures sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini. On a vu ce que vous-mêmes avez réalisé dans ce domaine !
M. le président. Mes chers collègues, veuillez ne pas interrompre trop fréquemment l'orateur, dont le temps de parole est limité.
Veuillez poursuivre, monsieur Estier.
M. Claude Estier. Aujourd'hui même, vous nous annoncez, d'autre part, une consultation de tous les groupes politiques sur les questions touchant à la modernisation de la vie politique. Nous viendrons volontiers à cette consultation en vous soumettant les propositions que le parti socialiste, après des débats approfondis, a mis au point dans ce domaine important.
Mais, s'agissant du mode de scrutin pour les prochaines législatives, vous nous trouverez fermement opposés - je crois que nous ne serons pas les seuls - à tout ce qui pourrait ressembler à une manipulation destinée à vous tirer de la situation difficile dans laquelle vous risquez de vous trouver en 1998. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Dominique Braye. Ne vendez pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué !
M. Charles Descours Et vous, qu'avez-vous fait en 1986 ?
M. Claude Estier. Vous êtes toujours tournés vers le passé, jamais vers l'avenir.
J'ai bien dit en 1998 puisque vous nous assurez catégoriquement qu'en dépit des rumeurs qui ont pris corps au sein même de votre majorité il n'y aura pas de dissolution ni d'élections anticipées, ni même de remaniement du Gouvernement dans la mesure où - vous l'avez dit dimanche à 7 sur 7 - vous jugez celui-ci « excellent », ce qui montre qu'en matière d'autosatisfaction vous n'êtes jamais en retrait. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Juppé, Premier ministre. En tout cas, je ne suis pas le seul.
M. Claude Estier. Je ne peux pas, dans le temps qui m'est imparti, traiter de tous les sujets que j'aurais souhaité évoquer.
J'aurais voulu, par exemple, vous interroger sur le sort que vous entendez réserver au rapport dont il a été beaucoup question ces jours derniers qui, sous prétexte de protéger le secret de l'instruction, nous paraît être une machine à faciliter l'étouffement de certaines affaires en même temps qu'une menace sur la liberté de l'information. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Charles Descours. Et les écoutes téléphoniques de l'Elysée ?
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Estier.
M. Claude Estier. Sur un tout autre plan, je voudrais en quelques mots exprimer l'inquiétude des Européens que nous sommes devant le manque de fermeté de votre Gouvernement face notamment aux problèmes qui se posent en matière d'approfondissement de l'Union européenne, ce qui nous amène soit à l'immobilisme, comme le montre le piétinement actuel de la Conférence intergouvernementale, soit à nous placer à la remorque de l'Allemagne, ce qui semble être le cas dans le domaine monétaire ; nous aurons, je crois, l'occasion d'y revenir dans un prochain débat.
Vous ne serez évidemment pas surpris que, au terme de ces observations, je vous confirme que le groupe socialiste vous refusera sa confiance. (Rires et exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Juppé, Premier ministre. Quelle surprise !
M. Claude Estier. Je terminerai par deux remarques.
J'ai évoqué au début de mon propos l'héritage que vous continuez à invoquer pour rejeter sur les socialistes la responsabilité de vos échecs d'aujourd'hui.
Un sénateur sur les travées du RPR. C'est la vérité !
M. Claude Estier. Je constate là encore une contradiction. En effet, vous vantez désormais les mérites de la décentralisation, que vous aviez dénoncée, et de quelle manière ! à l'époque où Gaston Defferre la mettait en oeuvre et vous utilisez abondamment la CSG, que vous aviez âprement combattue lorsqu'elle fut proposée par le gouvernement de Michel Rocard. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Juppé, Premier ministre. Ce n'est pas vrai !
M. le président. Veuillez conclure, je vous prie, monsieur Estier.
M. Claude Estier. Permettez-moi une note un peu plus humoristique pour finir.
Mercredi dernier, en lisant ici le texte du discours que vous prononciez à l'Assemblée nationale, M. le garde des sceaux a commis un lapsus en affirmant que 1987 - au lieu de 1997 - serait une année d'amélioration. Voulant se rattraper, il a vanté l'action du gouvernement de Jacques Chirac en 1987, en oubliant toutefois que, quelques mois plus tard, en mai 1988, François Mitterrand avait été largement réélu contre lui. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Veuillez conclure, s'il vous plaît !
M. Claude Estier. Vous vantez, aujourd'hui, vos propres mérites. Il se pourrait bien que pareille mésaventure vous guette pour 1998 ! (Vifs applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, jamais, depuis longtemps, le fossé entre les citoyens et la politique mise en oeuvre par un gouvernement de la France n'aura été aussi profond qu'aujourd'hui. D'un côté, 80 % de parlementaires formant les majorités de droite de l'Assemblée nationale et du Sénat approuvent le Premier ministre et ses choix, de l'autre, l'opinion rejette, dans les mêmes proportions, les mêmes choix du même Premier ministre ! Quel divorce !
Le discrédit de votre politique, monsieur le Premier ministre, est massif, c'est incontestable. Comme moi, mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen n'ont jamais rencontré autant de malaise, d'inquiétude et d'angoisse chez nos concitoyens.
Monsieur le Premier ministre, la France d'aujourd'hui est une nation qui souffre, qui subit un véritable cataclysme social et humain. La France voit sa jeunesse brisée dans ses espérances parce qu'elle se voit aujourd'hui soumise au carcan de Maastricht, à la marche forcée vers la monnaie unique, support de cette logique ultralibérale impitoyable que vous voulez pousser toujours plus loin, toujours plus durement.
Cet avenir délibérément sacrifié est d'autant plus insupportable que la France est une grande nation, riche de multiples potentiels, de multiples réalisations de femmes et d'hommes qui lui donnent une identité forte.
Hier encore, au sein de la délégation des parlementaires bretons reçus par le Président Chirac, notre collègue M. Félix Leyzour a fait part de notre opinion sur les problèmes qui secouent aujourd'hui la Bretagne. Nous revenons pour témoigner de ces villes, de ces villages, de ces quartiers sinistrés par le massacre de l'emploi au rythme effrayant de 35 000 licenciements par mois. La France est sinistrée des saignées d'entreprises qui alignent plans sociaux sur plans sociaux, sinistrée de cette fracture sociale toujours plus béante.
Comble du comble, dans un pays de millions d'exclus et de victimes de la crise, alors que quatre-vingt-onze familles disposent à elles seules du quart du budget de la nation, c'est vers celles-ci que se tournent les préoccupations du Président de la République quand il évoque l'allégement possible de l'impôt sur la fortune, quand il faudrait, au contraire, comme nous le proposons, le quadrupler pour financer un plan d'urgence contre la pauvreté.
Il y a cette France insoutenable de tous les « sans » : sans emploi, sans revenu, sans domicile, sans affectation, sans sécurité, sans droit, sans papiers, donc sans perspective !
Mais cette France que nous connaissons est en même temps ce pays de femmes, d'hommes et de jeunes avec qui nous vivons, nous résistons et nous construisons : salariés de la SFP, de Bally-Myrys, du secteur bancaire, enseignants, fonctionnaires, médecins, salariés des arsenaux, éleveurs qui refusent de faire les frais de la crise de la vache folle, enfant naturel du marché unique, cheminots, qui continuent, comme en décembre 1995, par leur magnifique engagement, à repousser toute tentative de démantèlement de la SNCF. Tous et bien d'autres refusent, comme nous, que les valeurs boursières passent avant les valeurs humaines.
Monsieur le Premier ministre, il y a toute une France qui se bat, qui se rend compte que votre politique mène le pays dans une impasse totale. Elle est responsable, lucide et bâtisseuse d'avenir, cette France qui, à l'image de sa jeunesse, vous oppose de véritables et belles ambitions, celles du droit à un vrai métier, à une vraie formation, à une vraie vie.
Les jeunes n'acceptent pas d'être la génération sacrifiée, et il leur faut de la détermination et du courage - beaucoup en ont - à l'instar de ces centaines de lycéens et d'étudiants sans place à la rentrée, aux côtés desquels nous nous sommes battus, souvent avec succès, en créant avec eux SOS-rentrée.
Le discrédit et l'impopularité de votre politique, monsieur le Premier ministre, ne sauraient surprendre après tant de reniements, tant d'engagements non tenus et tant de fausses promesses, alors même que vous n'exercez le pouvoir que depuis dix-huit mois. Vous persistez en répétant que vous ne varierez en rien. Vous voulez avoir raison seul contre tous, mais les faits vous donnent tort.
Ainsi en est-il de la sécurité sociale, dont la réforme devait porter ses fruits dès 1996 et dont le déficit allait être définitivement enrayé en 1997. On connaît le résultat !
Après un plan de démantèlement obtenu à marche forcée par ordonnances, en passant au-dessus du Parlement, le déficit sera de 60 milliards de francs, non de 17 milliards de francs comme prévu, et ce en dépit des lourdes ponctions supplémentaires infligées aux salariés.
La sécurité sociale est avant tout malade du manque de ressources provoqué par le chômage, l'explosion de la précarité et des CES au détriment de vrais emplois stables, comme vient de le confirmer la Cour des comptes. Elle est malade des exonérations de cotisations en tout genre pour le grand patronat.
Dans l'opinion, grandit l'écho de notre proposition tendant à prélever le même taux de cotisation sur les revenus financiers - qui représentent la somme colossale de 1 145 milliards de francs - que sur les salaires, ce qui rapporterait 167 milliards de francs à la sécurité sociale.
Alors, monsieur le Premier ministre, qu'allez-vous faire ?
Il en est de même pour cette réforme truquée des impôts. Tout le monde a compris que vous augmentiez les impôts indirects et les impôts locaux, qui sont les plus injustes, pour permettre l'allégement des impôts sur les gros revenus. Voilà la véritable politique de classe que vous menez !
La réduction des dépenses publiques relève de la même mystification. Ce sont tous les budgets touchant la vie quotidienne des Français qui seront amputés.
Ainsi, les 13 milliards de francs retirés au logement social : c'est un véritable séisme ! Les responsables des organismes d'HLM sont révoltés et ils convoquent jeudi une convention spéciale pour dénoncer ce désengagement de l'Etat qui déstructure tout le logement social. Il faut rétablir ces crédits, monsieur le Premier ministre !
Et les baisses touchent bien d'autres secteurs : 15 % pour l'aménagement du territoire, 5 % pour la ville, 29 % pour l'industrie.
De même, les 5 000 suppressions de postes dans l'éducation nationale sont inacceptables quand des milliers de maîtres auxiliaires ne sont pas réemployés et que 800 000 heures supplémentaires imposées aux enseignants peuvent être immédiatement transformées en milliers de nouveaux emplois. C'est la qualité de la formation qui est en jeu, monsieur le Premier ministre ! Qu'attendez-vous ?
Si votre politique est un échec pour notre pays, pour notre peuple, ce n'est pas par imprévoyance ou par incohérence, car elle n'est pas un échec pour tout le monde. Elle répond parfaitement et totalement aux exigences des puissances dominatrices que M. Chirac, alors en campagne électorale, stigmatisait ainsi : « Ces détenteurs de gros capitaux qui s'enrichissent sans effort, par de simples jeux d'écritures, tant il est vrai que l'argent appelle l'argent ».
En Europe et en France, la clé de voûte de cette logique ultracapitaliste est le traité de Maastricht, avec ses critères, sa monnaie unique, entièrement conçus pour libérer totalement la circulation des capitaux, ce qui, comme l'affirme le commissaire européen de Silguy, « fait des marchés financiers les gendarmes de la politique économique que mènent les gouvernements ».
Eh bien, ces gendarmes, ils sont exigeants : il leur faut moins de dépenses publiques utiles, car c'est de l'argent stérile pour la spéculation, moins de protection sociale, moins de charges salariales, moins d'emplois, moins d'entraves à la recherche effrénée de la rentabilité financière. Et cela permet à cent vingt entreprises françaises de réaliser, au cours du seul premier semestre de cette année, 51 milliards de francs de profits : un record !
Le summum est atteint quand un cours boursier flambe à la simple annonce d'un plan de licenciements, comme chez Moulinex ou Rhône-Poulenc. Quel cynisme, quelle inhumanité dans ce système qui fait gagner de l'argent en brisant les êtres humains !
Il vous faut déréglementer, démanteler les services publics, même si l'on aboutit à des absurdités, à des gâchis financiers et humains incroyables, en même temps qu'à une régression du service offert à l'usager : le transport aérien en fournit une illustration. Et vous voulez faire de même pour la SNCF ou EDF !
L'ouverture à la concurrence sauvage des liaisons que Air Inter assurait en équilibrant rigoureusement ses comptes déstabilise non seulement la compagnie française mais également tous ses nouveaux concurrents privés, qui sont dans le rouge, alignant des milliards de francs de déficit. Cette expérience en grandeur réelle montre bien que l'Europe ultralibérale ne peut être synonyme d'efficacité économique et humaine. Et je ne ferai qu'évoquer ici l'insécurité et les nuisances pour les riverains des aéroports.
Il faut renoncer à l'ouverture totale du ciel européen prévue pour le 1er avril prochain.
Les Echos titrent : « Un budget 1997 sur mesure pour la monnaie unique ».
Mais, monsieur le Premier ministre, mesurez à quel point cette Europe-là s'éloigne inexorablement de l'Europe des peuples, des coopérations mutuellement fructueuses entre les pays, de la croissance, de l'emploi et de la démocratie. Elle se fait contre les intérêts des 300 millions d'Européens.
A cet égard, le Président de la République serait bien inspiré de respecter son engagement de consulter les Français par référendum sur l'entrée de la France dans le système de la monnaie unique. Au nom des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, j'appelle solennellement le Président de la République à le faire.
Comment ne pas s'inquiéter de l'instauration d'un véritable système monétaire européen bis au récent sommet de Dublin, sans aucun contrôle démocratique ?
Mme Danielle Bidard-Reydet. Très bien !
Mme Hélène Luc. Face à la brutalité et à la violence de votre politique, le pays a besoin d'une politique radicalement différente, inversant les choix actuels et replaçant l'être humain au coeur des décisions, en lieu et place de la finance et de l'argent dominateurs.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen y oeuvrent en avançant des propositions réalistes, novatrices, à l'écoute du mouvement social, à l'unisson de ses attentes de changement.
Lors de la présentation de votre plan de casse de la sécurité sociale, vous aviez relevé qu'il y avait deux logiques opposées en présence, la vôtre et la nôtre. C'est bien exact.
Cette nouvelle politique que nous voulons doit faire de la démocratie le fil rouge de la construction et de la gestion d'une société moderne. Cela passe, selon nous, par des institutions démocratiques rénovées, un Parlement doté de pouvoirs réels assurant, par le scrutin proportionnel intégral - et, à cet égard, il ne faudra pas oublier les élections sénatoriales -, la représentation de toutes les composantes de la société ; je pense particulièrement à la représentation des salariés, des jeunes, des femmes.
Le groupe communiste républicain et citoyen a, sur ce sujet, des propositions fortes à formuler. Il le fera notamment dans le cadre de la mission sénatoriale d'information sur la place des femmes dans la vie publique, dont je salue d'autant plus volontiers la naissance que nous en avons pris l'initiative après le retour de la conférence de Pékin de mon amie Michelle Demessine, recueillant l'accord unanime des sénatrices, du président du Sénat et des présidents de tous les groupes. Nous allons nous mettre au travail.
S'agissant de l'attentat de Bordeaux, nous le condamnons avec toute la force et la vigueur nécessaires. Je le redis : le terrorisme fait mal à la Corse, mal à la France et mal à la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes, ainsi que sur de nombreuses travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
La population corse n'a rien à voir avec ceux qui se réclament abusivement d'elle. Vous devez, monsieur le Premier ministre, faire appliquer la loi dans toute sa rigueur. Il faut exclure toute complaisance à l'égard des terroristes. Pour notre part, nous n'avons jamais cessé de le faire.
Dans le même temps, comme je l'ai demandé lors du débat du 6 juin sur la Corse et comme je l'ai répété à l'occasion du déplacement d'une délégation en Corse une semaine plus tard, il faut une politique de réel développement économique, qui s'attaque au cancer du chômage et au désespoir de la jeunesse corse.
Je vous demande aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, du haut de cette tribune, ce que je vous ai déjà demandé par écrit : répondez à la proposition de M. Charpak et du comité scientifique tendant à installer le synchrotron à Bastia, comme le souhaite le maire de cette ville.
M. le président. Madame Luc, je vous prie de conclure.
Mme Hélène Luc. Les orateurs précédents ont dépassé leur temps de parole, monsieur le président !
M. le président. D'une ou deux minutes seulement !
Mme Hélène Luc. Malheureusement, monsieur le Premier ministre, vous n'avez rien engagé de significatif dans ce sens depuis le voyage que vous avez effectué en juillet.
Nous serons des acteurs déterminés pour nous opposer à vos mauvais coups, pour appeler à recréer les conditions de la croissance, donc de la création d'emplois par la relance de la consommation, qui passe par celle du pouvoir d'achat.
Le SMIC à 7 500 francs, 1 000 francs de plus pour tous les salaires inférieurs à 15 000 francs et 600 francs pour les retraites : c'est indispensable pour que chacun vive correctement aujourd'hui, et ce serait efficace immédiatement, comme le serait le passage sans attendre aux trente-cinq heures, qui permettrait de créer 500 000 emplois en deux ans.
Robert Hue a avancé une grande proposition progressiste...
M. le président. Pardonnez-moi, madame Luc, mais je vous enjoins de conclure maintenant !
Mme Hélène Luc. Je termine, monsieur le président. Mais je m'aperçois que vous n'avez pas la même attitude avec tous les orateurs ! (Protestations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'ai agi de même avec ceux qui vous ont précédé !
Mme Hélène Luc. Robert Hue, disais-je, a avancé une grande proposition progressiste, aussi innovante que le fut la sécurité sociale à la Libération et à laquelle nous travaillons : il s'agit de la création d'une sécurité d'emploi et de formation pour chacun, de la sortie de l'école jusqu'à la retraite.
Elle permettrait à chaque citoyen d'avoir une vie active rémunérée alternant formation, recherche, expériences professionnelles renouvelées, à l'opposé d'une mobilité qui précarise.
Il faut stopper les 200 000 nouvelles suppressions d'emplois programmées dans les entreprises, comme l'a proposé mon ami Alain Bocquet.
Il faut stopper immédiatement le processus dévastateur qui est engagé et changer complètement de cap. Avec notre peuple, qui ne se résigne pas, avec la jeunesse, avec toutes celles et tous ceux qui n'ont pas renoncé à avoir une haute idée de la France, avec toutes celles et tous ceux qui déploieront leur énergie dans des mouvements porteurs d'avenir, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen seront de ce combat, qui passe aujourd'hui par le rejet de la confiance à votre Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. En choisissant de soumettre les orientations politiques du Gouvernement à l'appréciation des parlementaires, vous avez eu, monsieur le Premier ministre, une lecture éclairée de notre Constitution ; je m'en réjouis comme l'ensemble de mes collègues, car le fonctionnement de notre démocratie n'oblige nullement le Gouvernement à présenter sa déclaration de politique générale devant la Haute assemblée, et encore moins à la faire approuver par un scrutin public.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne risque rien !
M. Bernard Joly. Les sénateurs du groupe du Rassemblement démocratique et social européen vous sont reconnaissants de la confiance que vous leur témoignez ainsi. Ils sauront s'en montrer dignes et participeront activement aux travaux de la session.
La démarche retenue revêt un aspect solennel. Un peu plus d'un an après votre déclaration d'investiture, dans laquelle vous définissiez les orientations de la politique à mener, voici une nouvelle étape, tout à la fois bilan et prospective. Il faut simultanément expliquer pourquoi les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous et comment les nouveaux objectifs pourront être atteints. De nombreux Français, en proie aux difficultés engendrées par une conjoncture économique et sociale défavorable, s'interrogent sur leur capacité à rebondir. Lors d'une épreuve, les dernières forces sont rassemblées et jetées pour franchir la ligne d'arrivée. Pour beaucoup, elle apparaît, aujourd'hui, comme un mirage.
Pour remobiliser, pour redonner foi dans un avenir où chacun aura sa place, le moyen à notre disposition, nous qui sommes ici réunis, est la concertation entre élus et gouvernants témoignant de leur volonté d'avancer ensemble pour, comme vous le disiez, « insuffler à nos concitoyens l'esprit de réforme, l'esprit de conquête » et, j'ajouterai, la volonté indispensable du redressement. Seule une cohésion affichée entre les différents acteurs de la vie politique et l'empreinte d'un pouvoir fort permettront d'apaiser les clivages et d'effacer les tensions qui contribuent à différer la relance.
Notre conviction doit être assez forte pour porter la flamme du relais qui permettra de réveiller le pays. Churchill avait promis du sang et des larmes, de Gaulle exhortait à reprendre le combat. La rage de vaincre est venue de la dimension de l'enjeu. Les termes ont changé mais le levier du dépassement reste le même. Un idéal n'est pas un rêve.
M. Philippe Labeyrie N'importe quoi !
M. Bernard Joly. Monsieur le Premier ministre, nul ne met en cause la qualité des efforts déployés par votre gouvernement pour parvenir à assainir les finances publiques, redresser les comptes de la sécurité sociale et lutter contre le chômage.
Toutefois, les Français sont impatients, et parfois en colère. Il gronde à nouveau des menaces de manifestations dont la lecture doit être faite avec les précautions d'usage, mais qui n'en mobilisent pas moins au-delà des professionnels du genre. Pour atteindre les objectifs que vous avez fixés afin de redresser la France, nos concitoyens ont dû et doivent encore consentir de nombreux sacrifices qui, en l'absence de résultats immédiatement tangibles, se révèlent souvent douloureux.
Aussi était-il nécessaire de réaffirmer solennellement que les efforts consentis ne seraient pas vains. Néanmoins, il faut regarder la vérité en face. Vous avez, monsieur le Premier ministre, nous avons, mes chers collègues, annoncé des résultats. Si nos compatriotes savent fort bien que le redressement de la nation n'interviendra qu'après plusieurs années, ils n'oublient pas pour autant nos promesses : 1997 a été présentée comme l'année décisive de la réforme ; 1998 sera l'année du renouvellement. L'échéance est donc brève ! A nous de nous y tenir.
Pour ce faire, la majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, au nom duquel je m'exprime à cette tribune, a choisi d'adhérer à l'unique politique budgétaire envisageable, qui, ainsi que vous l'avez démontré, s'avère nécessairement être une politique volontariste.
Elle a également choisi de participer au redressement de notre système de protection sociale, en adoptant, en février dernier, le texte relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. Elle vous a enfin soutenu sur les différents textes qui visaient à faire reculer le chômage.
Ce soutien vous est maintenu pour les échéances à venir, même si certains d'entre nous, tout en renouvelant la confiance qu'ils vous avaient déjà accordée, regrettent le parallélisme trop rigoureux entre votre déclaration de mercredi dernier et vos propos plus anciens.
Monsieur le Premier ministre, les préoccupations essentielles des Français concernent l'éducation et l'emploi, la protection sociale, l'impôt et la justice.
En matière de lutte contre le chômage, nous ne pouvons que nous réjouir des avancées accomplies, même si la route est encore longue. Les membres du groupe que je représente dans ce débat ont pu constater avec satisfaction la mise en place de mesures visant à aménager le temps de travail. Nous accueillerons également avec bienveillance le projet de loi relatif au pacte de relance pour la ville, dans la mesure où l'emploi se révèle être le moteur des dispositions envisagées.
Cependant, ces avancées ne constituent qu'un premier pas, et la lutte contre l'exclusion sociale doit rester la première priorité du Gouvernement. A ce sujet, certains d'entre nous, moi le premier, regrettent la disparition de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise. Pour malaisée que soit apparue leur application, il n'en demeure pas moins que ces dispositions devront être réétudiées, afin d'être présentées sous une autre forme ; le futur chef d'entreprise, encouragé par une telle mesure à quitter les sentiers de l'exclusion, pourra en effet, dans sa fuite salutaire, entraîner d'autres demandeurs d'emploi, contribuant ainsi à l'abaissement du taux de chômage. Il convient, également, d'encourager les représentants des services déconcentrés de l'Etat à une lecture des textes prenant en compte une réalité appelant une appréciation adaptée quant à l'attribution de l'aide.
Par ailleurs, et notre collègue Fernand Demilly avait déjà attiré l'attention du garde des sceaux lors du débat sur le projet de loi relatif à l'enfance délinquante, aucune avancée significative en matière d'emploi ne pourra être accomplie si, parallèlement, des efforts ne sont pas consentis dans le domaine de l'éducation.
Enfin, la lutte contre le chômage n'aboutira jamais tant que nous ne nous déciderons pas à encourager une politique nataliste, laquelle aurait des effets salutaires au regard tant de l'emploi que celui de la protection sociale.
La protection sociale est directement liée à l'emploi. Sans le second, il est quasi impossible de bénéficier de la première. Une lourde tâche nous attend, car c'est nous, parlementaires, qui, ayant accepté d'intervenir dans les comptes de la sécurité sociale, devron procéder à son redressement, et ce sous notre entière responsabilité.
Monsieur le Premier ministre, cette entreprise sera d'autant plus difficile que les Français, reconnaissons-le, peuvent, à juste titre, être déçus par les chiffres récemment communiqués.
M. Claude Estier. Ah oui !
M. Bernard Joly. Alors que nous leur avions annoncé une amélioration rapide de la situation en ce domaine, force est de constater que les résultats n'ont pas été à la hauteur de nos espérances.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà la franchise !
M. Bernard Joly. Il nous faut donc persévérer afin de tenir nos promesses, même si l'on sait désormais que ce sera avec retard.
Quoi qu'il en soit, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen entend contribuer à l'amélioration des conditions de vie de ses concitoyens. C'est dans cet esprit que M. Guy Cabanel, président de notre formation, a cosigné la proposition de loi relative à la prestation autonomie à laquelle je suis, également, particulièrement attaché, mais j'aurai l'occasion de m'exprimer sur ce sujet lors d'une prochaine séance. Cette mesure, si elle était adoptée, contribuerait à plus de justice sociale, ainsi que le prônait M. le Président de la République lors de son investiture.
Le volet essentiel de la récente déclaration du Gouvernement concerne l'impôt. Dans ce domaine, il nous faut reconnaître que des progrès ont déjà été accomplis.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et la TVA ?
M. Bernard Joly. Si le Gouvernement cherche à s'attirer la confiance des Français, notamment pour pouvoir mener à bien sa politique de réduction des déficits budgétaires, c'est parce qu'il a lui-même confiance dans la capacité qu'ont nos concitoyens à contribuer au redressement du pays.
Cette confiance, monsieur le Premier ministre, vous avez su en témoigner en annonçant une baisse conséquente de l'impôt sur le revenu. Cette réduction fiscale, qui devrait favoriser la relance, même modeste, de la consommation, peut constituer le déclic tant attendu, qui permettrait d'encourager la croissance indispensable à la relance de notre économie.
Cette mesure constitue donc une avancée importante qui devra être poursuivie jusqu'à la refonte complète de notre système fiscal. Il faut, notamment, rechercher un ajustement des prélèvements et des redistributions, c'est-à-dire tenter de ne pas prélever ce qui va revenir sous forme d'allocation.
Européens convaincus, nous pensons qu'il y a lieu de continuer dans la voie de la rigueur budgétaire, et ce non seulement afin de pouvoir accéder dans les meilleures conditions au marché européen qui nous attend, mais surtout parce qu'il est primordial d'assainir la situation financière de notre pays.
Ayant récemment pris connaissance des propos tenus par le Président de la République en matière d'impôt sur la fortune, et sans être opposés à sa reconsidération, nous tenons, toutefois, à mettre en garde le Gouvernement afin qu'il ne retombe pas dans les erreurs du passé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah ! Quand même !
M. Bernard Joly. Si la fuite des capitaux et l'exil des foyers fiscaux à l'étranger est un fléau qu'il faut éradiquer, il n'en demeure pas moins que la solidarité entre les plus fortunés et ceux qui le sont moins reste un excellent facteur de cohésion sociale.
En tout état de cause, il nous faut agir vite pour qu'à son tour la France devienne « une niche » fiscale, mobilisatrice de compétences et de capitaux extérieurs, afin de favoriser l'implantation de nouvelles entreprises qui contribueront au développement et au maintien de l'emploi.
J'en viens à un autre volet de la politique gouvernementale : la justice et l'immigration.
En ce qui concerne la première, en particulier dans son mode d'appréhension de la vie carcérale, le groupe auquel j'appartiens entend participer activement à la mise en place d'une législation novatrice. C'est la raison pour laquelle j'invite mes collègues à soutenir la proposition de loi du président de notre groupe, M. Guy Cabanel, relative au placement sous surveillance électronique, qui viendra très prochainement en discussion dans cet hémicycle.
Ce texte, qui a reçu l'assentiment de tous les membres de la commission des lois, est la preuve d'un réel progrès dans le domaine des libertés publiques, dans la mesure où le « bracelet électronique » constitue une garantie supplémentaire de lutte contre la détention excessive.
Par ailleurs, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, en consacrant une journée de réflexion à la lutte contre le terrorisme, le 18 octobre prochain, souhaite contribuer à l'amélioration de la législation dans ce domaine, afin que cette forme particulière de criminalité, nouvelle forme de guerre, ne vienne pas troubler la paix mondiale que de nombreux pays se doivent de léguer aux générations à venir. Je continue à penser, et ce malgré les démonstrations de certains de mes éminents collègues, que l'imprescriptibilité convient pour ce type d'actes.
Une cause, si juste soit-elle, ne justifie jamais le recours au terrorisme. Nous sommes à vos côtés au lendemain de l'attentat de Bordeaux et nous nous associons, monsieur le Premier ministre, à vos déclarations par lesquelles vous condamnez un acte aveugle qui endommage le patrimoine national, donc la mémoire collective, et met en péril la vie d'innocents.
A mi-chemin entre police et justice se trouve le délicat problème de l'immigration.
Beaucoup d'entre nous sont convaincus qu'il s'agit là d'un domaine dans lequel aucun laxisme n'est permis. Toutefois, nous sommes particulièrement attachés à ce que le Gouvernement fasse d'abord connaître sa fermeté à l'encontre des employeurs d'immigrés illégaux avant de procéder à l'expulsion des étrangers indésirables qui, bien souvent, se révèlent plutôt victimes qu'acteurs.
Tel était, d'ailleurs, le sens de l'intervention de notre collègue Jacques Bimbenet au cours d'une séance de questions orales. Nous constatons avec satisfaction que sa démarche a été entendue et nous étudierons favorablement le projet de loi que le Gouvernement déposera prochainement sur l'initiative de M. Jacques Barrot.
Monsieur le Premier ministre, il convient, enfin, d'accorder une attention particulière à la Corse. Notre éminent collègue François Giacobbi...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous n'allez pas les citer tous !
M. Bernard Joly. ... estime, en effet, que votre politique concernant la Corse est à la fois clairvoyante et courageuse. Vous êtes le seul qui, depuis presque vingt ans, ait su appréhender avec rectitude la complexité d'une situation délicate. Nous vous en félicitons.
Ainsi, confiant parce que convaincu que les orientations que vous avez choisies dans le cadre du dossier corse sont les seules qui soient susceptibles de fournir des résultats, François Giacobbi apportera son soutien à l'ensemble de votre politique, suivi en cela par la grande majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, attitude qui reflète la spécificité de notre formation. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et Paul Girod, vous ne l'avez pas cité ?
M. le président. La parole est à M. Habert, pour cinq minutes.
M. Jacques Habert. « Nos compatriotes sont inquiets et désorientés... Ils nous disent aujourd'hui leurs attentes, leurs impatiences, leurs déceptions, leurs mécontentements, et nous le comprenons. » Telles sont, monsieur le Premier ministre, vos propres paroles dans la déclaration de politique générale du Gouvernement. En ces quelques mots lucides l'essentiel est exprimé. Il vous faut maintenant, bien sûr, répondre à ces attentes, calmer ces impatientes, éradiquer ces mécontentements.
Facile à dire, très difficile à faire ! Surtout quand on se trouve - c'est le cas aujourd'hui - dans une période de mutation qui implique des changements radicaux, des réformes profondes, nécessaires pour élever notre pays au niveau du XXIe siècle, mais tout à fait déconcertantes, démoralisantes, parce qu'elles heurtent nos habitudes, bouleversent nos certitudes et touchent à des droits que l'on croyait acquis.
D'où cette conséquence que vous avez nommée : la « sinistrose », une morosité qui d'ailleurs, comme vous l'avez remarqué, monsieur le Premier ministre, frappe davantage le « microcosme » politique et médiatique que les Français eux-mêmes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout !
M. Jacques Habert. Mais cette maladie bien de chez nous n'est pas nouvelle. Permettez-moi à ce sujet une rapide digression. A l'époque romantique, on l'appelait « le mal du siècle ». Après les heures exaltantes de la Révolution et du Premier Empire, ceux qui avaient conduit nos soldats jusqu'à Rome, Vienne, Berlin, Moscou, se retrouvaient en demi-solde.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ceux qui n'étaient pas morts !
M. Jacques Habert. Les jeunes, eux aussi, cherchaient leur voie. Alfred de Musset avait donné à cette mélancolie un nom poétique : la « désespérance ».
Eh bien ! nos compatriotes de ce temps-là avaient tort de se désespérer ! La France a connu ensuite Victor Hugo et Louis Pasteur, l'unité italienne et une épopée mondiale que l'on entend parfois dénigrer, mais qui nous a permis d'être présents sur tous les continents ; ce grâce à quoi une trentaine de nations parlent maintenant notre langue et se retrouvent solidaires d'un même idéal.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A l'église Saint-Bernard, par exemple !
M. Jacques Habert. Aujourd'hui comme autrefois, nous aurions tort de désespérer, même s'il existe de réels motifs d'inquiétude. Nous aurions tort de voir tout en noir, même si certains, dans des buts assez clairs, s'activent pour tout peindre d'une couleur de deuil.
Il est indéniable que nous disposons d'atouts considérables - vous l'avez rappelé, monsieur le Premier ministre, et tout le monde le reconnaît - à savoir la qualité et la richesse de nos ressources humaines, les performances de nos secteurs de pointe, le dynamisme de nos entreprises, surtout reconnu hors de nos frontières, un commerce extérieur fortement excédentaire et des taux d'intérêts au plus bas permettant les investissements. Tous ces indicateurs sont très positifs.
Il faut se féliciter de l'attention spéciale que vous portez aux petites et moyennes entreprises, principales sources d'emplois dans notre économie. Nous devons les aider à étendre leurs activités sur les marchés internationaux où se trouvent les principaux potentiels de croissance.
A cet égard, vous avez eu raison de souligner, monsieur le Premier ministre, comme d'ailleurs le président du Sénat, M. René Monory, le fait souvent, la nécessité d'encourager les jeunes Français à partir à l'étranger pour favoriser nos exportations et participer au rayonnement de notre pays. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La France occupe une place centrale en Europe. Elle doit en poursuivre l'édification. A l'heure où s'organisent de grands ensembles, l'ALENA, le Mercosur ou l'ASEAN, il ne faut pas prendre le risque de laisser l'Union européenne se distendre.
Méfions-nous cependant : l'euroscepticisme existe, et avec quelques raisons. Comment être sûrs, par exemple, que la monnaie unique sera le remède miracle que l'on annonce ? Faut-il vraiment en poursuivre la réalisation avec tant de hâte ? Sommes-nous obligés de montrer tant de zèle dans l'application de certaines directives venues de Bruxelles ? Nous aurions souhaité parfois une défense plus ferme de nos spécificités.
Plus ferme aussi doit être la protection des frontières, non seulement celles de l'Hexagone, mais aussi celles de l'ensemble de l'Europe.
La France, fidèle à sa tradition de terre d'asile, demeure certainement le pays le plus accueillant du monde. Mais, dans la situation économique actuelle, peut-on se permettre de pousser plus loin notre générosité ? Celle-ci ne doit s'exercer que dans le respect des lois, et nos lois n'autorisent pas l'immigration clandestine.
La France est aussi l'un des deux pays du monde qui dépensent le plus, tant en hommes qu'en contributions financières, pour le progrès des nations en voie de développement. Elle conduit avec celles-ci une politique de coopération qui, à bien des égards, a été exemplaire. Cependant, le but de cette politique ne doit pas être d'amener chez nous tous ceux qui cherchent - nous les comprenons - à venir y résider et à bénéficier - ce qui est normal - de notre protection sociale, qui reste la meilleure du monde. La finalité de notre coopération doit être de permettre à nos amis et partenaires de se fixer dans leur propre pays, qui profitera des compétences et des enseignements qu'éventuellement nous aurons pu leur donner.
En conclusion, je citerai une phrase qui m'a frappé dans la déclaration du Gouvernement : « Plus que jamais, nous avons besoin, dans un monde sans frontières et apparemment sans règle du jeu, de retrouver les fondements de la morale républicaine et le sens de quelques grands idéaux, simples mais que je crois immortels : la liberté, l'égalité et la fraternité. On peut ajouter la responsabilité, le goût du travail, le regard d'autrui, le sentiment familial, l'amour de la paix et l'amour de la France. »
Telle est, fort bien exposée en quelques mots, la hauteur de vos vues et de l'espérance qui sous-tend votre politique. Ces mots résument les raisons pour lesquelles la majorité d'entre nous, monsieur le Premier ministre, vous accordera sa confiance. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur Habert, d'avoir respecté votre temps de parole, qui était fort court.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, il est des moments où la répétition n'est pas lancinante. Je voudrais, comme d'autres avant moi, m'adresser au maire de Bordeaux pour lui exprimer, au nom de l'ensemble des membres du groupe des Républicains et Indépendants, toute notre sympathie.
Un attentat est toujours odieux en soi mais lorsqu'il est perpétré dans une mairie, c'est-à-dire dans la « maison commune » des habitants d'une ville, c'est parfaitement inacceptable. En cet instant, ce sont tous les Bordelais qui sont blessés ; nous leur témoignons notre solidarité. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, du RPR et du RDSE.)
Monsieur le Premier ministre, nous vous réaffirmons notre soutien, pour les mesures que vous venez d'annoncer et pour votre détermination à combattre les attentats, quels qu'en soient les auteurs. Nous sommes à vos côtés pour vous soutenir dans l'action que vous menez, afin que sur l'ensemble du territoire national soient respectées les lois de la République.
M. François Giacobbi. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Monsieur le Premier ministre, vous demandez une nouvelle fois à notre Haute Assemblée un vote d'approbation sur votre politique générale. Au nom des sénateurs Républicains et Indépendants, je vous remercie.
Chargé d'assurer, depuis le 1er octobre dernier, la coordination de la majorité sénatoriale, je pense pouvoir dire au nom de celle-ci que la Haute Assemblée est sensible à cette marque de considération, que nous n'avons pas connue sous tous les gouvernements. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vous avez choisi de conduire une politique de redressement national, nécessaire pour que les engagements pris au plan européen puissent être tenus.
La maîtrise des déficits, la limitation de la dépense publique, l'allégement de la fiscalité prévu pour 1997 sont autant de conditions indispensables pour redonner oxygène et élan à notre économie.
J'observe d'ailleurs, après d'autres, que les gouvernements occidentaux agissent tous de la même manière quelle que soit la sensibilité politique de leurs dirigeants. Les exemples récemment donnés par l'Italie et par l'Espagne devraient d'ailleurs inciter ceux qui vous critiquent à une certaine retenue.
Il convient également de rappeler que les ministres des finances des pays du G 7 ont constaté que, dans le monde, les perspectives de croissance sont favorables pour les mois à venir et pour 1997. La France, engagée dans un processus crédible, pourra bénéficier pleinement de ces perspectives encourageantes.
Dans bien des domaines, des réformes courageuses - et périlleuses - ont été entreprises. Je ne citerai comme exemples que la réforme de la SNCF, celle de France Télécom ou encore celle de notre système de protection sociale dont il convenait, tout simplement, d'assurer la pérennité, ce qui est énorme.
L'emploi, la consommation, la croissance et la confiance sont intimement mêlés pour inverser des tendances accentuées par l'immobilisme et le conservatisme.
L'esprit d'assistance s'est développé au détriment de l'esprit d'entreprise. Nous savons bien que, dans ces conditions, la réforme est difficile. On peut aisément comprendre les réticences de nos compatriotes alors que nombre d'entre eux sont confrontés à des problèmes économiques et sociaux redoutables. Aucune famille n'est aujourd'hui épargnée.
Nous savons aussi que nous traversons une époque de profonde mutation qui impose l'imagination et l'audace pour ouvrir de nouveaux horizons.
Mais ce n'est pas la première fois que notre pays est confronté à une telle situation. A chaque fois, il a su relever le défi. Sachons le relever à notre tour afin de redonner confiance aux Français.
Pour cela, il nous semble qu'il faut répondre à deux de leurs préoccupations majeures : le chômage et l'insécurité, sujets que vous avez d'ailleurs largement développés dans votre intervention, monsieur le Premier ministre.
Pour l'emploi, nous constatons la limite des politiques mises en oeuvre ces dernières années par des gouvernements différents. Les solutions traditionnelles ne suffisent plus. Nos systèmes d'intervention, beaucoup trop dirigistes, sont à bout de souffle et trop onéreux. Même si leur exemple n'est pas intégralement transposable en France, reconnaissons que les Etats-Unis obtiennent des résultats et que, là-bas, la pauvreté recule.
M. Philippe Labeyrie. Ce n'est pas vrai !
M. Henri de Raincourt. Il y a chez nous des blocages culturels et administratifs qui détruisent des emplois. L'heure est plus que jamais à l'intelligence prospective afin de faire émerger en nombre de nouveaux métiers.
Après l'ère agricole puis l'ère industrielle, voici venue celle de la haute technologie et de la communication. Ce secteur, si nous le voulons, ouvre des perspectives. Acceptons de changer d'état d'esprit si nous désirons monter dans le train du futur.
Les collectivités territoriales représentent en termes d'investissement un poids considérable. Si elles avaient un peu plus de libertés elles pourraient faire preuve d'initiative tant en matière d'investissement qu'en matière de création d'emplois. Des exemples existent ; il faut mieux les connaître et les faire connaître.
Investir est pourtant devenu pour les collectivités territoriales un véritable parcours du combattant comportant de nombreux risques.
Elles sont aujourd'hui quasi paralysées par la lourdeur du code des marchés publics et le harcèlement des contrôleurs. Il faut être téméraire de nos jours pour oser signer un marché public.
Plus d'emplois, c'est moins de délinquance, donc une tranquillité de vie retrouvée dans certaines zones d'habitation. Pour combattre l'insécurité, nous avons des moyens, et je souscris à ce que vous avez exprimé tout à l'heure à propos de la Corse.
La sécurité englobe aussi la question de l'immigration, dangereuse à terme si elle n'est pas traitée. Peut-on, en la matière, avoir enfin une réglementation simple, claire et humaine ? Ne pas y consacrer nos efforts, c'est nourrir le racisme et l'extrémisme. L'immigration illégale doit être combattue. L'immigration régulière doit permettre une intégration réussie respectant la dignité des personnes.
Il convient, monsieur le Premier ministre, de ne pas disperser nos efforts. Il me semble que, sur ces deux sujets, nous pouvons mobiliser notre énergie et concentrer l'action publique, afin de montrer à nos compatriotes que nous agissons pour améliorer la situation du pays, mais aussi leur vie quotidienne.
Nous sommes tous responsables devant eux. C'est pourquoi l'humilité et la modestie s'imposent quant aux méthodes à appliquer. Qui peut ici affirmer qu'il détient la solution la plus adaptée et la plus efficace pour créer des emplois et pour combattre l'immigration illégale ?
M. Christian Poncelet. Personne !
M. Henri de Raincourt. Poser la question, c'est déjà y répondre !
Les membres du groupe des Républicains et Indépendants sont résolus à participer à cette oeuvre de modernisation. Ils considèrent que le Parlement à un rôle essentiel à jouer. Il doit être ou redevenir le centre du débat républicain.
Dans la situation présente, nous avons, dans la majorité, un devoir d'union. A cet égard, la distillation des petites phrases, singulièrement le dimanche, a un effet ravageur. (« Ah ! » sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Henri de Raincourt. L'échange démocratique vu à travers le prisme déformant des médias est par trop réducteur, d'autant que certains acteurs n'exercent pas de responsabilités électives : c'est donc un appauvrissement du débat qui concourt à éloigner les élus des électeurs et à manipuler l'opinion. Pour nous, parlementaires, il est toujours désagréable d'apprendre certaines décisions par la presse et après elle.
On voudrait nous faire tomber dans un piège. Si, dans la majorité, nous ne sommes pas d'accord sur tout, nous n'aurions, nous dit-on, d'autre choix que l'« opposition intérieure » ou le mutisme. Pour notre part, nous pensons que nous pouvons éviter ce piège par une confiance réciproque entre le Gouvernement et sa majorité.
La démocratie, c'est le dialogue et le respect des opinions d'autrui. Cela doit se vérifier au Parlement, et en premier lieu entre la majorité et le Gouvernement.
Les ministres doivent être attentifs à ce que dit la majorité sénatoriale, en respectant, bien entendu, les sensibilités respectives des groupes qui la composent.
En contrepartie, nous ne devons pas venir compliquer la tâche, souvent si difficile, du Gouvernement en le critiquant systématiquement, ce que nos compatriotes, au fond, ne comprennent pas et ne nous pardonnent pas.
Notre groupe se trouve tout à fait dans cet état d'esprit. Oui, nous soutenons la politique du Gouvernement. Nous souhaitons aussi être associés le plus en amont possible à son élaboration et nous entendons continuer à nous exprimer librement sur tel ou tel texte.
Le Gouvernement ne doit pas, bien au contraire, redouter ou regretter la discussion avec ceux qui le soutiennent.
Monsieur le Premier ministre, en application de l'article 49-4 de la Constitution, vous avez souhaité consulter le Sénat sur la politique générale du Gouvernement.
Cette démarche est utile, car elle pemet de vérifier si les deux chambres du Parlement soutiennent la politique que vous conduisez avec constance et courage.
Le groupe des Républicains et Indépendants appartient à la majorité choisie par les Français en 1993 et confirmée l'année dernière à l'occasion de l'élection présidentielle.
Nous avons au moins trois raisons d'émettre un vote favorable à l'issue de ce débat : vous donner acte, monsieur le Premier ministre, de l'action du Gouvernement ; vous confirmer notre soutien ; vous manifester notre volonté d'union.
Pour ce qui concerne notre comportement politique futur, nous resterons attentifs aux projets gouvernementaux, nous resterons responsables dans nos propositions de loi ou amendements, mais toujours solidaires sur l'esentiel.
Nous avons un devoir de soutien à l'égard du Gouvernement ; c'est un acte de solidarité politique. Nous avons aussi un droit de proposition, et les deux choses ne sont pas incompatibles. Que ce soit par notre vote ici ou par nos déclarations à l'extérieur, nous continuerons à vous apporter notre soutien. Cela n'exclut ni la discussion, ni la réflexion, ni même le droit à la différence sur tel ou tel aspect d'un texte.
Dans cette période si compliquée, n'est-il pas bon, parfois, de rappeler des évidences aussi simples ? Le Gouvernement a besoin de marcher en utilisant les deux jambes qui composent sa majorité. Ceux qui envisageraient de construire une majorité avec un parti fort et quelques auxiliaires nous conduiraient à l'échec ; quant à ceux, appartenant à la majorité, qui rêveraient d'un échec du Gouvernement pour connaître un succès personnel, ils rencontreraient bien des désillusions.
M. Roland du Luart. Bravo !
M. Henri de Raincourt. L'union est un outil politique dans l'intérêt du pays.
Certes, la crise est complexe. Elle n'est pas seulement économique ; on ne la réglera donc pas par une logique exclusivement comptable.
La crise est également morale. Nous avons perdu nos repères sans qu'il en surgisse d'autres. C'est peut-être le signe de la permanence de certaines valeurs.
Monsieur le Premier ministre, ou bien nous considérons que, désormais, notre glorieux passé et l'héritage de notre longue histoire sont trop lourds à porter, alors nous accepterions comme une fatalité de devenir un petit peuple dans un petit pays, ou bien nous, parlementaires, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous considérons que nous avons une mission, je dirai même une vocation : celle qui consiste à proposer à nos compatriotes de continuer à travailler pour que notre pays reste fort, respecté et influent en occupant toute sa place en Europe et dans le monde. Je suis convaincu que cette France-là, c'est la vraie France, et c'est celle que nous aimons. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Blin.
M. Maurice Blin. Monsieur le Premier ministre, je m'associe à mon tour, au nom du groupe de l'Union centriste, au témoignage de solidarité qui a été formulé par l'ensemble des orateurs qui m'ont précédé à cette tribune, à la suite de l'attentat perpétré contre la mairie de Bordeaux. Il ne faut pas que le terrorisme, d'où qu'il vienne, puisse prévaloir sur la République. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vous avez voulu, monsieur le Premier ministre, solliciter l'avis de notre Haute Assemblée sur une déclaration de politique générale du Gouvernement. Vous n'y étiez pas obligé. Nous nous en félicitons doublement : d'abord parce que votre choix témoigne de l'intérêt que vous portez aux travaux du Sénat et de l'importance de son rôle dans nos institutions, ensuite parce que la politique de réforme dans laquelle vous vous êtes engagé, qui est si contraire à la tradition d'un pays qui lui a souvent préféré la révolution, même sans effets ni lendemains, demande, pour aboutir, le soutien du Parlement.
La réponse de la France aux contraintes d'un monde nouveau, celui du XXIe siècle, sa faculté d'adaptation à un contexte international en plein bouleversement politique, économique et financier sont les clés de son avenir.
Ses institutions politiques sont solides, mais, après cinquante ans d'usage, d'autres, dans les domaines financier, économique, fiscal ou social, ont vieilli. Avec elles, se sont créées des habitudes. Sur elles, se sont greffés des intérêts, d'où les résistances que votre politique de réforme suscite chez certains.
D'autres estiment que ses résultats sont trop lents à venir. Ils ne comprennent pas que l'on n'efface pas en quelques mois les effets du laxisme budgétaire (M. Chérioux applaudit), le déficit des entreprises publiques, le gouffre financier que creusent, année après année, les comptes sociaux de la nation. Il y faut de la persévérance et du temps. Reste que, çà et là, on sent dans l'opinion comme une nostalgie des temps anciens, ceux qui étaient caractérisés par une croissance facile et forte, par une monnaie sous-évaluée et par une économie soutenue et encadrée par l'Etat. Or, mes chers collègues, ce temps n'est plus et ne reviendra pas : un pays qui exporte plus de 20 % de sa production, qui a une dette dont quelque 20 % sont détenus par des mains étrangères, est condamné à vivre au rythme du monde et à pratiquer une gestion qui inspire confiance.
Une dernière critique est opposée à ceux qui, comme vous, comme nous, monsieur le Premier ministre, sont convaincus de la nécessité d'une remise en ordre de la maison « France ». Elle séduit, car elle relève de la pratique immémoriale du bouc émissaire : l'Europe, plus précisément la contrainte monétaire que nous impose la création de sa monnaie de demain serait à l'origine de tous nos maux. L'argument est cependant fallacieux à un double titre.
D'abord, la France aurait été de toutes les façons dans l'obligation de rétablir l'équilibre de ses finances. Continuer à vivre d'emprunts, c'était imposer à nos enfants les sacrifices que nous nous serions épargnés à nous-mêmes. C'était rompre la solidarité des générations et mettre en péril la continuité de la nation. Qui d'entre nous, mes chers collègues, quelle que soit son appartenance politique, accepterait d'en prendre le risque ?
Et puis, et surtout, la monnaie européenne de demain est la condition incontournable hors de laquelle l'Europe ne resterait qu'un marché convoité par ses concurrents d'Amérique ou d'Asie. Elle ne résistera à leur emprise, en particulier au dumping monétaire du plus puissant d'entre eux, elle ne deviendra un partenaire économique respecté que si elle dispose d'une monnaie propre. Parlons plus clair encore : sa dispersion entre seize pays aux monnaies différentes dont les uns pourraient être tentés demain, comme ils le furent hier, par les facilités d'une dévaluation aboutirait tôt ou tard, ainsi le veut la loi du marché monétaire, à faire de l'une d'entre elles, là encore celle du pays le plus puissant, le pôle auquel toutes les autres seraient obligées de se rallier, c'est-à-dire en fait de se soumettre. La monnaie européenne de demain sera le résultat d'une oeuvre commune ou ne sera pas.
A cette oeuvre, votre Gouvernement, monsieur le Premier ministre, prend aujourd'hui toute sa part. Et c'est pourquoi mon groupe et moi-même vous soutenons. Toute autre politique constituerait une régression et vouerait l'Europe et notre pays au déclin.
M. Christian Poncelet. Très bien !
M. Maurice Blin. Telle est l'évidence. Telle est « l'ardente obligation » que nous fait l'histoire. Pourquoi cependant, mes chers collègues, faut-il qu'elle continue de se heurter au scepticisme des uns et de susciter l'inquiétude chez beaucoup d'autres ?
C'est qu'elle bute sur un obstacle de taille : le drame de l'emploi. Aussi longtemps que le chômage restera chez nous ce qu'il est, c'est-à-dire, hélas ! l'un des plus élevés des nations industrielles, tant que des milliers de jeunes auront le sentiment d'être sans avenir...
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Maurice Blin. ... et que des centaines de milliers de sans-travail seront condamnés à l'assistance, la politique que vous conduisez, monsieur le Premier ministre, aussi nécessaire, aussi pertinente qu'elle soit, sera privée de l'adhésion forte de l'opinion. Or celle-ci est la condition absolue de son succès.
Certes, le projet de budget pour 1997, que vous nous présenterez bientôt, comporte pour la première fois une réduction de la dépense publique. Mais il ne s'accompagne pas d'un allégement assez significatif, nous semble-t-il, des formalités administratives qui entravent aujourd'hui la création d'emplois, en particulier dans les petites et moyennes entreprises, qui, pourtant, sont aujourd'hui les seules capables d'en générer.
Cet effort méritoire et sans précédent, avec pour conséquence la mise à la disposition des entreprises de capitaux nouveaux, risque donc de ne pas avoir l'effet d'entraînement que vous en attendez. Disons-le tout net : la lourdeur de l'appareil de contrôle qui pèse aujourd'hui sur les entreprises est devenu intolérable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
C'est encore cette lourdeur qui explique les hésitations qui se manifestent au sein d'un Etat terriblement centralisé à faire confiance aux collectivités territoriales, régions, départements ou villes pour gérer au plus près du terrain le problème du chômage. Elles seules peuvent lutter efficacement, comme elles l'ont fait hier pour certaines dépenses sociales, contre les excès manifestes dont souffre un système qui a vu l'assistance, c'est-à-dire, en fait, la perpétuation du non-travail, se répandre aux dépens du retour à l'emploi. Mais elles n'y parviendront que si latitude leur est laissée d'user avec souplesse de l'arsenal devenu trop lourd, trop compliqué des aides à l'insertion.
Faut-il par ailleurs rappeler que ces collectivités locales, dont il est aujourd'hui de bon ton de critiquer le poids de l'impôt qu'elles lèvent,..
M. Christian Poncelet. Eh oui !
M. Maurice Blin. ... ont assuré depuis des années, à elles seules, près des deux tiers de l'investissement public ? Il est temps, monsieur le Premier ministre, de mettre un terme à cette querelle d'un autre âge. Le soutien le plus sûr que l'Etat puisse recevoir dans ces deux domaines clés et sensibles de l'emploi et de l'investissement, ce sont les collectivités locales qui peuvent le lui apporter. Elles aspirent à plus de responsabilités. Je vous en prie, ne les découragez pas ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
En effet, la méfiance dont elles font l'objet pèse sur la conjoncture. J'en donnerai un exemple. La durée du contrat de plan va être prolongée d'un an. Or, les collectivités locales, qui apportent une contribution décisive au financement de maints équipements, ont souvent mis en réserve ou pourraient encore leur consacrer demain des crédits importants. Pourquoi ne pas leur en laisser la libre utilisation ? Pourquoi ne pas consentir, comme ce fut le cas pour les régions avec les lycées, comme c'est souvent le cas aujourd'hui pour les bâtiments universitaires, à ce qu'elles deviennent maîtres d'ouvrage, quitte à ce que l'Etat, plus tard, quand il en aura retrouvé les moyens, rattrape son retard ? Elles ont fait la preuve qu'elles pouvaient construire mieux et plus vite que lui. Pourquoi, modestement, ne pas le reconnaître ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
Une voie nouvelle pourrait s'offrir encore en matière d'emploi des jeunes. La France ne retrouvera la croissance qu'à la condition de participer à celle des pays d'Asie ou d'Amérique, qui est aujourd'hui deux, voire pour certains, trois fois supérieure à la sienne. Pour cela, il lui faut renforcer sa présence à l'étranger.
Or, la transformation attendue des conditions du service national libérera à l'avenir, chaque année, des dizaines de milliers de jeunes diplômés. Ces derniers ne pourraient-ils servir leur pays soit dans nos différents services économiques à l'étranger, soit dans les entreprises, grandes ou moyennes, aujourd'hui engagées dans le combat pour l'exportation ? Cette idée est chère - nous le savons - au président de la Haute Assemblée. Elle mérite, nous semble-t-il, d'être creusée.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Maurice Blin. Elle pourrait obtenir, j'en suis sûr, l'appui de certains départements et de certaines régions. Elle répond aux besoins de nombreuses entreprises, conscientes à la fois de leur responsabilité envers une société minée par le chômage et de l'urgence où elles se trouvent de promouvoir la vente de nos produits, la présence de nos techniques dans des pays où la consommation et l'investissement explosent.
Répétons-le à l'intention de ceux qui ne voient en eux que des concurrents destructeurs de nos emplois : la vraie menace est non pas dans leur dynamisme, mais en nous-mêmes. Elle est dans le poids de charges sociales qui, en aggravant son coût, détruit le travail non qualifié et pousse les entreprises à se délocaliser. Elle tient aux charges fiscales qui pèsent aujourd'hui sur les hauts salaires et conduisent soit les sociétés étrangères à se détourner de la France, soit certains de nos cadres les plus compétents à s'expatrier. Mais de cela, nous savons que vous avez conscience, monsieur le Premier ministre. Les lignes de force du projet de budget pour 1997 en témoignent.
Permettez-moi de formuler une dernière suggestion : pourquoi ne pas réorienter une partie des importants crédits consacrés à l'aide à l'emploi, soit plus de 140 milliards de francs chaque année, vers une baisse encore accrue des charges sociales qui pèsent sur les postes les moins qualifiés ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Une franchise sur les charges patronales pour les emplois payés au SMIC permettrait de réduire le coût du travail, de répondre aux coups de boutoir des industries situées dans les pays à très bas salaires, de freiner les délocalisations et de rendre toutes leurs chances à nos entreprises les plus exposées.
Mais j'arrête là ces suggestions - j'en aurais bien d'autres - et j'en reviens à l'essentiel.
Monsieur le Premier ministre, nous approuvons les différents projets de loi que vous nous avez annoncés dans votre déclaration de politique générale concernant le renforcement de la cohésion sociale, l'insertion des jeunes et leur formation en entreprise, le traitement des problèmes de la ville, l'incitation, fût-elle coûteuse, à la réduction du temps de travail et une application plus stricte de la politique en matière d'immigration. Celle-ci - j'insiste sur ce point - doit rester fondée sur le principe républicain de l'intégration - je vous remercie d'ailleurs de l'avoir rappelé tout à l'heure - et éviter par-dessus tout le piège mortel d'un développement séparé des communautés que de bons mais faux esprits croient pouvoir défendre au nom d'un « multiculturalisme mythique ». (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RPR.)
En réalité, celui-ci signifierait bel et bien la fin de l'identité nationale.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Maurice Blin. Mais ces mesures, si opportunes soient-elles, ne constituent qu'un pâle remède au drame qui est à l'origine de tous nos maux, le chômage. Elles tentent d'en tempérer les effets. Elles ne l'attaquent pas tout à fait à la racine. Or, l'insécurité qui affecte le temps présent est fille de celle qui pèse sur ses lendemains.
C'est cette dernière qu'il faut, en priorité, combattre. Nous savons, vous et nous, monsieur le Premier ministre, que l'Etat ne peut pas tout. Mais il peut peut-être faire confiance au Parlement ou, tout au moins, à la majorité parlementaire qui vous soutient, aux jeunes qui, aujourd'hui autant qu'hier, aspirent à servir leur pays et attendent simplement qu'on leur en donne l'occasion, aux collectivités locales prêtes à le relayer, aux entreprises qui s'appliquent à défendre leurs positions commerciales dans le monde.
Bref, la confiance que votre gouvernement mérite et doit obtenir de toutes celles et de tous ceux qui souhaitent le soutenir et l'accompagner dans son effort de rénovation du pays est très exactement à la mesure de celle qu'il saura, le premier, leur accorder.
Qu'il vous faille, pour ce faire, vaincre les hésitations, les réserves, les habitudes d'une administration qui a pu croire, pendant longtemps, qu'elle avait pour principale mission de régenter le pays, que soient remis en cause des structures, des statuts, des monopoles qui ont vieilli et qu'il faut impérativement élaguer, assouplir, dépoussiérer, qu'importe, et même tant mieux !
Quant aux Français, monsieur le Premier ministre, j'ai l'intime conviction qu'il faudrait peu de chose pour qu'ils cessent d'être les spectateurs passifs de leur propre destin et qu'ils se remettent à croire : un peu plus d'audace peut-être et les signes sensibles d'un renouveau qui tardent à venir mais que, au fond d'eux-mêmes, ils espèrent. En effet, la raison, le bon sens leur disent qu'il n'y a pas d'autre voie.
Ils verraient alors que la réforme est en marche et qu'elle peut réussir. Le groupe de l'Union centriste le souhaite pour votre gouvernement et pour la France, monsieur le Premier ministre. C'est pourquoi vous pouvez compter sur son appui ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Juppé, Premier ministre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier tous les orateurs, sur quelque travée qu'ils siègent dans cet hémicycle, pour les paroles de sympathie et de solidarité qu'ils ont prononcées vis-à-vis des habitants de Bordeaux. J'associe bien évidemment à ces derniers nos concitoyens d'Aix-en-Provence, également touchés par un attentat, et d'abord et avant tout nos concitoyens de Corse, qui vivent aujourd'hui une période difficile.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai été frappé par la qualité du soutien qu'ont exprimé les porte-parole des groupes de la majorité sénatoriale. L'adhésion qu'ils ont exprimée à la politique du Gouvernement sous ses différents aspects, la chaleur que j'ai sentie dans leurs propos sont le meilleur démenti à ce que j'entends ici ou là sur les réticences de la majorité à l'égard du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Ils ont apporté ainsi la démonstration du contraire, ce dont je les remercie.
J'ai bien sûr écouté les orateurs de l'opposition, comme c'est aussi mon devoir et comme cela pouvait être mon intérêt, pour essayer de glaner telle ou telle proposition intéressantes. (Sourires sur certaines travées du RPR.) Mais je dois dire que j'ai été un peu déçu !
M. René-Pierre Signé. Nous aussi, nous avons été déçus !
M. Alain Juppé, Premier ministre. M. Estier m'a conseillé de tenir plus compte des sondages. C'est ce qu'ont fait un certain nombre de mes prédécesseurs socialistes avec une conséquence que vous connaissez tous : les réformes nécessaires ont été remises au lendemain,... (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas vrai !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... ce qui explique d'ailleurs la situation devant laquelle nous nous sommes trouvés !
Monsieur Estier, je vous dis donc de tout coeur que je ne tiendrai pas compte de ce conseil et que je ne gouvernerai pas en fonction des sondages ! Ce n'est pas ma conception de l'Etat et du rôle du politique. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas sérieux !
M. Claude Estier. On n'aurait jamais aboli la peine de mort si l'on avait tenu compte des sondages !
M. Alain Juppé, Premier ministre. M. Estier m'a demandé les suites que nous comptions donner à tel ou tel rapport sur la réforme de la justice. J'ai indiqué très clairement dans mon propos introductif, tout à l'heure, que, sur les bases de ces rapports qui, pour l'instant, n'engagent que leurs auteurs, le Gouvernement saisira le Parlement, et qu'il me paraissait opportun d'engager en 1997, sans a priori et sans préjugés, une réflexion de fond sur l'organisation de notre système judiciaire et sur la responsabilité du juge dans la société française.
Enfin, M. Estier, indiquant qu'il allait tracer les voies d'une nouvelle politique, a préconisé de procéder à une relance de la consommation par une hausse des salaires. C'est une recette qui a déjà servi !
Puis-je vous faire observer respectueusement, monsieur Estier, qu'en toute hypothèse cela appartient aux partenaires sociaux ? Nous avons changé d'époque ! Ce n'est plus l'Etat qui fixe les salaires ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
M. Guy Penne Pas dans la fonction publique !
M. Claude Estier. C'est un peu court !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Quant à Mme Luc, elle nous a tracé un tableau apocalyptique de la France : cataclysme humain et jeunesse brisée ! (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Je sais que certains jeunes souffrent et sont en difficulté. J'ai moi aussi enfants et je m'inquiète comme les autres parents de leur devenir et de leur capacité à trouver un emploi. Mais je connais aussi une jeunesse - et pas forcément une jeunesse privilégiée ou avantagée ! - qui a envie de créer, de travailler, qui croit en la France et que nous n'avons pas le droit de désespérer ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Là encore, j'ai essayé de trouver un conseil avisé dans le propos de Mme Luc. Mais cette dernière n'a fait qu'une seule proposition concrète : la semaine de travail de trente-cinq heures pour créer 500 000 emplois.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la mise en place de la semaine de travail de trente-neuf heures s'est soldée par un million de chômeurs : De grâce, ne recommençons pas ! C'est le voeu que je peux formuler du fond du coeur. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE - Protestations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Ivan Renar. On y viendra quand même !
M. Claude Estier. C'est une caricature !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Vous observerez d'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, que, dès que l'on essaie de rétablir quelques vérités, un vent d'intolérance souffle sur la gauche ! (Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Un sénateur socialiste. Il nie l'évidence !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Pour le nourrir un peu, je voudrais reprendre les propos que tenait voilà moins de deux heures M. André Périssol, à l'Assemblée nationale, en réponse à une question portant sur le logement, que M. Estier a d'ailleurs évoqué. Voici ce qu'indiquait M. le ministre du logement : « Entre 1988 et 1992, le nombre des accédants à la propriété sociale a été divisé par cinq. Depuis un an, il a été multiplié par quatre grâce au prêt à taux zéro. »
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Eh oui !
« En dix-huit mois, nous avons créé 20 000 logements d'insertion et logements d'urgence pour les plus démunis, ce qui n'avait jamais été fait avant 1993 ! » (« Eh oui ! » sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
« Depuis un an et demi, nous avons réquisitionné des logements vacants pour nous occuper des plus démunis, ce qui n'avait jamais été fait avant 1993 ! (Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
« Enfin, grâce à la politique que nous avons menée, les taux d'intérêt consentis aux organismes d'HLM ont baissé de 20 %, ce qui n'avait jamais été fait avant 1993. » (« Eh oui ! » sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Et voici comment concluait M. Périssol : « A chacun sa spécialité : aux uns, la casse du droit au logement, à nous la construction ! » Je trouve qu'il a bien parlé ! (Vifs applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste. - Exclamations sur les travées socialistes.)
MM. Pierre Mauroy et Claude Estier. Quelle mauvaise foi !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Evidemment, j'ai été également très attentif aux propos tenus par les orateurs des groupes de la majorité. J'ai ressenti chez eux une adhésion profonde au processus de réforme que nous avons engagé.
M. René-Pierre Signé. Allez voir dans les mairies !
M. Alain Juppé. Premier ministre. Comme plusieurs d'entre vous l'ont dit - MM. de Rohan et Joly, notamment - les réformes prennent du temps.
Nous avons engagé une réforme de la défense nationale de grande importance. Nous avançons, et vous serez bientôt saisis du texte sur le rendez-vous citoyen et le volontariat qui, dans un monde qui a profondément changé, remplaceront le service national que nous connaissons.
Nous avons aussi engagé une réforme de la sécurité sociale sur laquelle on a beaucoup parlé et écrit depuis quelque temps. Permettez-moi de vous rendre attentifs au fait que, si cette réforme n'avait pas été engagée, c'est 90 milliards de francs de déficit que nous aurions en 1996, et non pas 50 milliards de francs comme les comptes de la sécurité sociale l'annoncent.
M. Charles Descours. Très bien !
M. Pierre Biarnès. Et non pas 17 milliards comme c'était prévu !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Il y a donc eu un effort de redressement tout à fait spectaculaire qui n'avait jamais été engagé auparavant.
Il a fallu du temps pour faire voter cette réforme et pour élaborer les textes qui l'ont organisée. Prenons un seul exemple : le carnet de suivi médical, qui sera l'un des éléments essentiels de la maîtrise médicalisée, est disponible depuis quelques jours seulement. Il sera diffusé dans les mois qui viennent et je suis sûr que cette réforme produira peu à peu des effets. Au demeurant, très curieusement, le porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, y donnait, voilà quelques jours, son adhésion s'agissant du fond,...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... tant sont rares aujourd'hui les idées alternatives quand il s'agit de réforme de la sécurité sociale.
La monnaie a aussi été un sujet qu'ont évoqué plusieurs d'entre vous.
M. de Rohan a dit que je ne partageais pas certaines des craintes qu'ont été exprimées dans son groupe sur le risque de voir se constituer une sorte d'Europe des gouverneurs. Mais je partage cette crainte, monsieur de Rohan ! (Exclamations sur les travées socialistes.) C'est la raison pour laquelle je suis très attentif à la manière dont la monnaie unique sera mise en oeuvre.
J'ai évoqué tout à l'heure deux des conditions de sa réussite. La première, c'est l'existence d'une discipline entre ceux qui seront dedans et ceux qui seront dehors. Je n'y reviens pas. La seconde, c'est une gestion réaliste des parités entre l'Euro et les autres grandes monnaies du monde. Je n'y reviens pas non plus. Une troisième raison, que j'ajoute volontiers, c'est que cette politique doit être conduite par les organes qui ont la responsabilité de la conduire, chacun à sa place. Or, dans le traité sur l'Union européenne, ce n'est pas à la Banque centrale qu'il revient de tracer les grandes orientations de la politique économique, ni même de la politique des changes : c'est au conseil des ministres et au pouvoir politique, qui devra assumer demain cette responsabilité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Joly a approuvé la réforme de l'impôt sur le revenu que nous mettons en oeuvre, et je l'en remercie. Il a évoqué les propos qui ont été tenus par M. le Président de la République au sujet de l'impôt de solidarité sur la fortune. J'ai bien lu ces propos. Il a dit : « L'impôt de solidarité sur la fortune est un instrument de cohésion sociale, et il n'est pas question de le remettre en cause. » Nous verrons donc, au cours d'un débat parlementaire, si, sur telle ou telle modalité, il convient d'améliorer le dispositif.
MM. Habert et Blin ont mis l'accent - c'est un point sur lequel je les rejoints tout à fait - sur la nécessité d'inciter nos jeunes à se consacrer davantage à la présence de la France à l'étranger. Il y a là un grand enjeu, et la réforme du service national ne doit pas aboutir à diminuer cette présence de nos jeunes expatriés, parce que c'est une force pour l'avenir.
M. Pierre Biarnès. Et la politique de la France vis-à-vis du Mali ?
M. Alain Juppé, Premier ministre. Par conséquent, il faudra veiller à ce que, dans le cadre du volontariat, les précautions soient prises pour que cette présence puisse se développer.
M. Guy Cabanel. Tout à fait !
M. Alain Juppé, Premier ministre. M. de Raincourt a évoqué la lourdeur du code des marchés publics. Il sait que nous sommes en train de préparer une réforme ambitieuse, dont les travaux préparatoires arrivent pratiquement à leur terme. Cette réforme vous sera soumise à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine.
J'ai noté, dans les propos de M. de Raincourt comme dans ceux de beaucoup d'orateurs de la majorité, une très forte adhésion aux principes de la politique de l'immigration que j'ai exposée tout à l'heure. Cela mérite, me semble-t-il, d'être souligné. D'ailleurs, si la lucidité l'emportait sur la mauvaise foi politicienne...
M. Claude Estier. Où est la mauvaise foi ?
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... peut-être ce consensus pourrait-il s'élargir au-delà de la seule majorité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Carrère. Voilà une phrase qui vous aidera à remonter dans les sondages !
M. Alain Juppé, Premier ministre. M. de Raincourt a également parlé « politique », si je puis dire. J'ai beaucoup apprécié les propos qu'il a tenus sur la nécessité de concilier le devoir de soutien et le droit de proposition. Je n'ai jamais rien dit d'autre ! J'ai également apprécié l'équilibre qu'il a souhaité entre ces deux aspects de la fonction d'un parlementaire de la majorité. J'avais moi-même évoqué les « dérives dominicales » et je me réjouis de constater que, en tant que président du groupe des Républicains et Indépendants, il partage mon souci sur ce point. Je peux lui dire que nous serons très ouverts à toute proposition parlementaire au cours du débat.
Enfin, M. Blin a évoqué plusieurs sujets, parlant notamment de l'opportunité de poursuivre la baisse des charges sociales. Je suis en plein accord avec lui sur ce point. Je rappellerai simplement que, l'année dernière, lorsque le Gouvernement a développé sa politique, le consensus sur ce point était beaucoup moins grand qu'il ne l'est aujourd'hui. A l'époque, on me l'avait beaucoup reproché ! Le patronat lui-même avait déclaré qu'il n'en avait pas besoin, que ce n'était pas utile. Aujourd'hui, on voit que le dispositif fonctionne et qu'il est en train d'enrichir la croissance en emplois. Aujourd'hui, tout le monde veut aller plus loin, et je m'en réjouis.
Puis-je insister sur le fait - qui n'est pas suffisamment connu - que, le 1er octobre dernier, il y a quelques jours, les anciennes mesures d'allégement des cotisations familiales décidées par mon prédécécesseur ainsi que la ristourne dégressive que je vous avais moi-même soumise l'année dernière pour les salaires compris entre 1 fois et 1,2 fois le SMIC ont été simplifiées et fusionnées en une mesure unique, donc plus simple, s'appliquant à tous les salaires compris entre 1 fois et 1,33 fois le SMIC, quelles que soient la durée du travail et la date d'embauche ?
Cette mesure concerne 4,5 millions de salariés - ce qui est loin d'être négligeable - dont les trois quarts travaillent dans des PME. Plus de 30 % des salariés du secteur des travaux publics sont concernés. L'effet de cette disposition sera donc très significatif. Je vous donnerai un seul exemple chiffré : pour un salaire de 7 500 francs, la ristourne sera de 567 francs, c'est-à-dire un peu plus de 5 % du coût du travail. Pour un salaire voisin du SMIC, cette ristourne atteindra 13 % du coût du travail. Vous constaterez donc l'effort que nous avons réalisé à cet égard ! Je n'ai d'ailleurs aucune réticence, aucune objection à ce que, au fur et à mesure que notre situation s'améliorera et que les finances publiques en retrouveront la capacité, nous allions plus avant dans cette voie.
Comment ne pas souscrire également aux propos de M. Blin sur la nécessité de simplifier les formalités administratives ? Nous avons franchi quelques étapes dans ce domaine, et le ministre du commerce, de l'artisanat et des PME a été particulièrement pugnace et imaginatif dans cette voie. Mais il est nécessaire de progresser encore.
Anticipant sur le discours que je vais prononcer dans quelques instants devant le congrès de la Fédération nationale des travaux publics, je veux répondre dès à présent à M. Blin. Vous souhaitez, monsieur le sénateur, que l'Etat autorise les collectivités territoriales - principalement les régions, mais d'autres encore - à anticiper, au titre des contrats de plan Etat-région, sur l'Etat lorsque celui-ci a quelques difficultés à suivre le rythme. Je suis d'accord avec vous et j'ai demandé au ministère de l'économie et des finances d'étudier rapidement comment cette anticipation pourrait être autorisée et accompagnée.
Enfin, M. Blin a fort justement dit que l'un des meilleurs services que nous pouvions rendre à nos enfants était de leur laisser un pays moins endetté. C'est ce à quoi nous travaillons aujourd'hui !
Allant peut-être un peu plus loin, je vous dirai aussi que ce qui sous-tend la politique que nous menons ensemble, vous et nous, vous la majorité et nous le Gouvernement, c'est précisément la préoccupation de cette France que nous allons laisser à nos enfants. Je voudrais qu'elle soit une France respectée, indépendante et puissante, qui leur donne tant des raisons de fierté que les moyens de la prospérité à laquelle ils aspirent.
Je voudrais aussi que, dans cette France-là, nos jeunes, garçons et filles, puissent être des citoyens véritablement responsables, participant aux décisions qui les concernent. J'ai souvent pris l'exemple de la violence à l'école. Il faut, bien sûr, davantage de moyens pour assurer la sécurité à l'école ; des personnels supplémentaires seraient bienvenus, et nous avons fait récemment un effort en ce sens ; mais rien ne se fera si les Françaises et les Français ne font pas acte de responsabilité, si la communauté scolaire, les familles, les enseignants et les enfants ne prennent pas ces problèmes en charge. La France de demain doit être d'abord et avant tout une France responsable ! (Applaudissements prolongés sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Le Sénat va procéder maintenant au vote sur la déclaration de politique générale du Gouvernement.
En application de l'article 39, alinéa 2, du règlement, le scrutin public est de droit.
Conformément à l'article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l'article 56 bis du règlement.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.

(Le sort désigne la lettre O.)
M. le président. Le scrutin sera clos quelques instants après la fin de l'appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.

(L'appel nominal a lieu.)
M. le président. Le premier appel nominal est terminé.
Il va être procédé à un nouvel appel nominal.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
Mme et MM. les secrétaires vont procéder au dépouillement.
Voici le résultat du scrutin n° 8 sur la demande d'approbation de la déclaration de politique générale formulée par M. le Premier ministre : :

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages 157219
Contre 94

Le Sénat a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !

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