La procédure législative française s'organise, de manière très classique, en trois phases successives :
- la phase de préparation du projet de loi par le Gouvernement ;
- la phase parlementaire d'analyse, de discussion et de vote du projet ou de la proposition de loi ;
- la phase post-parlementaire, qui débouche normalement sur la promulgation de la loi.
Cela étant, la logique de la Constitution de 1958, selon laquelle « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation » a imprimé une physionomie assez particulière à la procédure législative, car dans un tel système, il importe que le Gouvernement ait la possibilité d'obtenir du Parlement le vote des lois nécessaires à la mise en œuvre de sa politique. Aussi :
- En droit, les membres de l'Assemblée nationale et du Sénat disposent, comme le Gouvernement, du droit d'initiative législative. Dans la pratique, la plus grande part de la législation française provient cependant de projets de loi déposés par le Gouvernement, même si l'initiative parlementaire connaît cependant un certain regain depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
- Les deux assemblées qui composent le Parlement disposent, en principe, de pouvoirs législatifs identiques : tout projet ou proposition de loi doit donc être examiné successivement dans les deux assemblées jusqu'à ce que celles-ci se mettent d'accord sur la rédaction du texte. Mais cette compétence ne doit pas risquer d'aboutir à l'enlisement du texte en cas de désaccord persistant entre les deux assemblées. En pareil cas, le Gouvernement a la faculté de contraindre les assemblées à rechercher un compromis et, si cette recherche échoue, de demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement sur le texte.
- Le Gouvernement dispose de la maîtrise de la procédure grâce à diverses techniques lui permettant de regrouper les votes, d'engager sa responsabilité sur le vote d'un texte (devant l'Assemblée nationale), d'opposer les irrecevabilités aux amendements parlementaires, etc.
- La procédure législative actuelle résulte enfin d'un long processus de simplification dont l'objet constant a été de limiter les occasions de guérilla parlementaire ou les scrutins répétitifs : c'est ainsi, par exemple, que chaque assemblée, à chaque lecture, ne se prononce qu'une fois sur l'ensemble du texte et qu'ont été supprimées, dès 1871, les diverses délibérations portant, pour une même lecture, sur le même texte (prise en considération du dépôt du texte ; discussion des principes généraux ; discussion des articles et des amendements ; vote sur l'ensemble), délibérations qui, auparavant, donnaient chacune lieu à un vote.
L'élaboration du projet de loi
- Chaque projet de loi est préparé, en France, par les services du ministère compétent pour le sujet traité : il n'existe donc pas de service central chargé de la rédaction des projets, service auquel les différents ministères passeraient en quelque sorte commande. Si le sujet traité relève de la compétence de plusieurs ministères, un ministère chef de file est désigné.
- Lorsque des négociations ou arbitrages sont nécessaires, des réunions interministérielles sont convoquées au siège du Premier ministre, le secrétariat de ces réunions étant assuré par le Secrétariat général du Gouvernement (S.G.G.), organe régulateur de l'activité normative du Gouvernement qui suit le déroulement du processus législatif de la rédaction de l'avant-projet de loi à sa promulgation.
- Lorsque cet avant-projet a acquis sa rédaction définitive, il est transmis obligatoirement au Conseil d'État, chargé de formuler un avis sur ce texte. Le Conseil d'État, conseiller juridique du Gouvernement, vérifie notamment la conformité à la Constitution du projet, la qualité de sa rédaction et sa bonne insertion dans le corpus juridique existant. L'avis du Conseil d'État n'a qu'un caractère consultatif. Désormais, il est en général rendu public.
- Une fois cet avis rendu et d'éventuelles corrections ayant été apportées au texte, le projet de loi est soumis au Conseil des ministres qui en délibère et décide de le déposer sur le Bureau de l'une des assemblées, accompagné d'une étude d'impact.
- Il faut souligner que la préparation d'un projet de loi impose souvent la consultation de nombreux organismes, consultations qui allongent de manière parfois très sensible le processus de rédaction du projet. En particulier, les textes intéressant les collectivités territoriales d'outre-mer doivent avoir été soumis à l'avis de leur assemblée délibérante.
- En comparaison, le dépôt d'une proposition de loi, initiative parlementaire, est d'une grande simplicité par rapport à celui d'un projet de loi puisqu'aucune des étapes ci-dessus mentionnées n'est alors nécessaire. C'est pourquoi, dans certains cas, le Gouvernement peut trouver avantageux (et surtout plus rapide) de soutenir une proposition de loi qui a sa faveur plutôt que d'élaborer lui-même un projet. Néanmoins, le président d'une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d'État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l'un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s'y oppose.
La phase parlementaire
A - Schéma-type de l'examen d'un texte par une assemblée
1 - Avant la séance publique
a - Choix de l'assemblée sur le Bureau de laquelle est déposé le projet de loi
Le Gouvernement est libre de ce choix sauf pour certains textes dont la Constitution détermine elle-même l’Assemblée de dépôt : les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale (dépôt à l’Assemblée nationale) et les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales et les projets de loi relatifs aux instances des représentants des Français établis hors de France (dépôt au Sénat). En pratique, les dépôts tendent à se répartir de façon à peu près égale, selon les périodes et l'importance des textes, entre les deux assemblées.
Bien sûr, lorsqu'il s'agit d'une proposition de loi, celle-ci est déposée sur le Bureau de l’assemblée dont son auteur est membre.
b - Envoi du texte à une commission
En fonction de son objet, le projet ou la proposition est confié pour examen à l'une des commissions permanentes que compte chaque assemblée (huit pour l'Assemblée nationale et sept pour le Sénat), les autres pouvant être saisies pour avis. Il existe également la possibilité de constituer une commission spéciale, soit que le Gouvernement le demande, soit qu'un problème de compétence apparaisse entre les différentes commissions permanentes, mais cette possibilité est en pratique peu utilisée.
c - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne en son sein un rapporteur pour chaque texte. Il n'existe donc pas de poste de rapporteur chargé de rapporter tous les textes soumis à la commission. Toutefois, la commission des Finances dispose d'un « rapporteur général » qui synthétise, lors de l'examen de la loi de finances, les conclusions des rapporteurs spéciaux chargés chacun d'examiner les crédits des différents départements ministériels ; cette fonction existe également au sein de la commission des affaires sociales.
d - Fonctions du rapporteur
Au sein des commissions des assemblées françaises, le rapporteur joue un rôle beaucoup plus actif et déterminant que dans beaucoup d’autres Parlements, où il se borne, pour l’essentiel, à rapporter les décisions de sa commission. En France, le rapporteur oriente et éclaire en effet les décisions de sa commission qui, dans la plupart des cas, s’en remet à ses avis et approuve ses propositions d’amendement.
Pour préparer son travail, le rapporteur procède, seul ou en commission, à toutes les auditions nécessaires et, à la suite de ce travail, élabore un projet de rapport et, s'il y a lieu, des propositions d'amendements. Il est assisté, pour ce travail, par les fonctionnaires affectés au secrétariat de la commission à laquelle il appartient.
e - Examen du rapport et des amendements
Une première réunion de la commission doit se tenir au moins deux semaines avant la discussion du texte en séance plénière, sauf dérogation accordée par la Conférence des Présidents.
La commission fixe un délai limite pour le dépôt des amendements en commission, à l'exception des textes pour lesquels la Constitution a prévu que le texte discuté en séance serait celui présenté par le Gouvernement : les projets de révision constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Les amendements peuvent être déposés par le rapporteur, par tout sénateur, à titre individuel ou au nom d'un groupe, qu'il soit membre ou non de la commission, et par le Gouvernement.
Après s'être prononcée sur ces amendements, la commission adopte le rapport de son rapporteur, qui reflète les discussions en commission et présente le texte proposé par la commission et les opinions des groupes. Elle adopte, le cas échéant, son texte, qui fait l'objet d'une publication distincte.
Juste avant la discussion du texte en séance plénière, ou au cours de celle-ci, à l'occasion d'une suspension de séance, la commission tient généralement une nouvelle réunion lui permettant de se prononcer sur les amendements déposés sur le texte de la commission en vue de sa discussion en séance. Il arrive cependant que le Gouvernement ne présente ses amendements qu'au tout dernier moment, aucun délai limite ne lui étant opposable en cette matière, de telle sorte que la commission n'a pas toujours le temps d'en prendre connaissance avant leur discussion en séance plénière.
2 - Le déroulement de la séance plénière
a - La fixation de l'ordre du jour
L’ordre du jour est fixé par le Sénat (premier alinéa de l’article 48 de la Constitution) sur la base des conclusions de la Conférence des Présidents, qui réunit, outre le ministre chargé des relations avec le Parlement, le président et les vice-présidents de l’assemblée, les présidents des commissions permanentes (et, le cas échéant, spéciales), le président de la commission des affaires européennes, les rapporteurs généraux des commissions des finances et des affaires sociales et les présidents des groupes politiques.
Sous réserve de l’inscription par priorité à l’ordre du jour, à la demande du Gouvernement, des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale, des textes transmis par l’autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d’autorisation visées à l’article 35 de la Constitution, les semaines de séances se répartissent selon le rythme de deux semaines gouvernementales/deux semaines sénatoriales, la première, de contrôle, la seconde, d’initiative. De plus, une journée de séance par mois – en principe lors des semaines sénatoriales d’initiative – est réservée à un ordre du jour arrêté à l’initiative des groupes d’opposition et minoritaires.
b - La structure de la discussion
- Discussion générale, ouverte, s'agissant d'un projet de loi, par le ministre puis le rapporteur, durant laquelle chacun expose son avis sur le texte. Cette discussion générale est généralement limitée dans sa durée globale et organisée de façon à répartir entre les groupes, proportionnellement à leurs effectifs, la durée globale de la discussion.
- Examen des éventuelles motions de procédure : exception d'irrecevabilité et question préalable, dont l'adoption équivaut au rejet du texte, renvoi à la commission.
- Discussion des articles, article par article, et, pour chacun d'eux, des amendements et des sous-amendements qui s'y rapportent, appelés des plus éloignés du texte en discussion à ceux qui en demeurent les plus proches, les amendements concurrents étant, sauf exception, mis en discussion commune. Il est voté successivement sur chaque amendement puis sur chaque article.
c - Le scrutin sur l'ensemble
Sont seules admises, avant le vote sur l'ensemble, des explications de vote sommaires n'excédant pas 2 minutes par personne, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents. Le vote a lieu soit à mains levées, soit par assis et levé, ou encore au scrutin public ordinaire, pour certains cas prévus par le Règlement du Sénat ou à la demande d'un président de groupe ou du Gouvernement.
B - Navette et résolution des désaccords
- Tout texte doit être examiné successivement par les deux assemblées jusqu'à l'adoption d'un texte commun. C'est ce renvoi d'une assemblée à l'autre qui est appelé « navette ». Au fur et à mesure que se déroule la navette, chaque assemblée n'a à se prononcer que sur les dispositions restant en discussion, c'est-à-dire celles qui n'ont pas encore fait l'objet d'un accord. Toute rédaction sur laquelle les deux assemblées sont tombées d'accord ne figure donc plus dans les débats à la lecture suivante, la discussion se limitant aux points de désaccord (principe dit de « l'entonnoir »).
- Théoriquement, la navette continue, jusqu'à la constatation d'un accord spontané des deux assemblées sur la totalité des dispositions du projet ou de la proposition. Il existe néanmoins un mécanisme permettant au Gouvernement d'écourter la navette : après deux lectures dans chaque assemblée (ou une seule lecture, si le Gouvernement a décidé d'engager la procédure accélérée), le Gouvernement peut provoquer la réunion d'une commission de conciliation, appelée commission mixte paritaire (elle est composée de sept députés et de sept sénateurs), chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion. Deux cas peuvent alors se présenter :
- si la commission mixte élabore un compromis et que ce compromis est approuvé par les deux assemblées, le texte devient définitif et est transmis pour promulgation ;
- si la commission mixte ne parvient pas à élaborer un compromis ou si ce compromis n'est pas ratifié par les deux assemblées, le Gouvernement peut décider, après une nouvelle lecture dans chaque assemblée, de demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement. Dans ce cas, l'Assemblée nationale statue à la majorité simple mais elle ne peut que, soit reprendre le texte élaboré par la commission mixte, s'il en existe un, soit reprendre le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat.
La phase post-parlementaire
1 - Promulgation
Le cas le plus normal est celui de la promulgation de la loi par le Président de la République dans les quinze jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée. Dans ce délai, toutefois, peuvent se produire deux événements susceptibles de retarder ou empêcher la promulgation de la loi :
2 - Nouvelle délibération
Le Président de la République peut demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles. Cette faculté, qui s'exerce par décret contresigné par le Premier ministre, n'a été mise en œuvre que très rarement depuis 1958.
3 - Saisine du Conseil constitutionnel
La loi votée par le Parlement peut être déférée au Conseil constitutionnel par le Président de la République, le Premier ministre, le président de chacune des assemblées, 60 députés ou 60 sénateurs. La saisine du Conseil constitutionnel suspend la promulgation jusqu'à ce que celui-ci ait statué, les dispositions déclarées inconstitutionnelles ne pouvant être promulguées.
Il arrive que le Président de la République renvoie les dispositions déclarées contraires à la Constitution au Parlement afin que celui-ci les purge de leur inconstitutionnalité avant la promulgation du texte définitif (procédure assez rare, qui emprunte alors la voie de la nouvelle délibération) ; le plus souvent, au sortir du Conseil constitutionnel, la loi est promulguée telle quelle, amputée des dispositions déclarées contraires à la Constitution, quitte à ce que ces dispositions soient représentées ultérieurement, si leur censure résulte d'un motif de procédure.
Dispositions procédurales propres à certaines lois ordinaires
L'élaboration de certaines lois ordinaires, tout en respectant le schéma général de la procédure législative tel qu'il vient d'être retracé, est régie par des dispositions procédurales propres tenant à l'objet même de ces lois. Tel est le cas de l'élaboration des lois portant autorisation de ratifier un engagement international (article 47 du Règlement du Sénat) ou de la procédure d'habilitation législative et de ratification des ordonnances prévues à l'article 38 de la Constitution.
- Les lois autorisant la ratification ou l'approbation d'un accord international ;
- Les lois relatives aux ordonnances de l'article 38 de la Constitution : habilitation législative et ratification.