Le contrôle du Gouvernement forme, avec l'exercice du pouvoir législatif, une des deux fonctions essentielles du Parlement.
Naguère axé sur l'activité gouvernementale proprement dite, le contrôle tend à prendre plus de champ, pour s'intéresser à l'efficacité des politiques publiques dans leur ensemble (et non pas simplement l'action du Gouvernement dans tel ou tel domaine), ce qui peut amener les assemblées à s'interroger sur les dispositifs législatifs qu'elles ont elles-mêmes adoptés : au contrôle classique s'ajoute désormais un effort d'évaluation.
Un préalable nécessaire : le pouvoir de s'informer
Pour être efficace, la mission de contrôle confiée au Sénat exige une information permanente, riche, diversifiée et proche de l'actualité. L'efficacité du contrôle est ainsi liée, dans une large mesure, à la qualité de l'information et aux conditions dans lesquelles les renseignements sont fournis au Parlement.
Sans être exhaustive, la liste des instruments d'information ci-après donne un bon aperçu des voies par lesquelles le Sénat rassemble les éléments nécessaires à son contrôle.
1 - Les informations recueillies en séance ou fournies par le Gouvernement à l'appui de certains projets de loi.
Une part importante des renseignements communiqués aux sénateurs transite par la séance publique : les messages du président de la République, les déclarations du Gouvernement, les exposés présentés par les ministres lors de la discussion d'un texte de loi, les auditions des membres du Conseil économique et social.
À l'occasion de la discussion de la loi de finances, le Gouvernement a obligation de fournir un certain nombre d'annexes au rapport annuel définissant l'équilibre économique et financier. Certaines lois prévoient par ailleurs que le Gouvernement doit publier soit un rapport annuel, soit un compte rendu sur l'application de la loi.
Selon un schéma analogue, la loi organique du 22 juillet 1996 (modifiée depuis lors), qui définit le contenu des lois de financement de la sécurité sociale, énumère les annexes que le Gouvernement doit joindre au projet de loi lors de son dépôt.
2 - Les questions des sénateurs
Les questions sont un instrument essentiel du contrôle de l'activité du Gouvernement par le Sénat. Elles portent sur des sujets variés, d’actualité, qui concernent directement les citoyens.
La révision de la Constitution intervenue en 2008 a renforcé l'importance de cette procédure de contrôle, puisque désormais, le dernier alinéa de l'article 48 dispose qu'« Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l'article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement ».
L'ensemble des questions écrites et orales déposées depuis avril 1978 sont référencées dans une base de données informatisée, mise à jour chaque semaine et consultable sur www.senat.fr/quesdom.html.
Trois types de questions sont en vigueur au Sénat : les questions d’actualité et les questions orales, posées en séance par un sénateur à un ministre qui lui répond et les questions écrites posées par écrit, par un sénateur à un ministre qui répond par écrit. Remplacées par de nouvelles formes de débats d’initiative sénatoriale, les questions orales avec débat et les questions orales avec débat portant sur des sujets européens ont été supprimées en 2019 ; les questions cribles thématiques ont été supprimées en 2015.
3 - Les débats
La tenue d’un débat en séance publique au Sénat peut résulter soit d’une obligation prévue par la Constitution, soit d’une initiative gouvernementale ou sénatoriale.
En application de l’article 29 ter, alinéa 1, du Règlement, la Conférence des Présidents dispose d’une compétence générale pour l’organisation des débats et « fixe la durée globale du temps dont disposeront les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ».
4 - L'information des commissions
En matière d'information, la compétence de droit commun est dévolue aux commissions permanentes qui, aux termes de l'article 19 bis A du Règlement du Sénat, « assurent l'information du Sénat et mettent en œuvre, dans leur domaine de compétence, le contrôle de l'action du Gouvernement, l'évaluation des politiques publiques, le suivi de l'application des lois et celui des ordonnances ».
Les commissions s'informent notamment à travers des auditions (membres du Gouvernement, personnalités extérieures), dans le cadre ou en dehors de la procédure législative. Elles engagent des travaux d'information et de contrôle donnant lieu à la publication de rapports d'information.
5 - Les missions d'information et les groupes de suivi
Sur décision de la Conférence des Présidents ou à l’initiative d’un groupe politique usant de son droit de tirage annuel, le Sénat peut mettre en place des missions d'information destinées à approfondir l’étude d’une question déterminée. De telles missions peuvent aussi être constituées au sein des commissions ou délégations, sur décision de celles-ci. Des groupes de suivi, rassemblant des sénateurs issus d’une ou de plusieurs commissions ou délégations, peuvent également être chargés de suivre dans la durée la mise en œuvre d’une politique publique.
6 - La consultation d'organismes extérieurs ou internes
Une dizaine d'organismes extérieurs peuvent être saisis par les présidents des assemblées parlementaires ou par les commissions permanentes en vue d'obtenir des précisions sur les sujets concernés. Il en est ainsi, par exemple, du Conseil national de la concurrence, du Haut Conseil de la santé publique ou du Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaires.
En interne, les commissions peuvent également consulter certaines instances spécialisées notamment l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
7 - La participation à des organismes extraparlementaires
Les organismes dans lesquels siègent, à raison de leur mandat, des parlementaires désignés par leur assemblée sont appelés organismes extérieurs au Parlement (OEP). À cette dénomination correspond une grande diversité de structures, recouvrant toutes les formes juridiques présentes dans l’ensemble des champs des politiques publiques.
Les conditions de désignation des sénateurs dans les OEP sont strictement encadrées par le législateur, dans le respect des principes de parité entre les femmes et les hommes et de pluralisme politique.
8 - Les rapports au Parlement
En complément, des rapports au Parlement sont établis et transmis par le Gouvernement à la demande du législateur, en application d’une disposition législative expresse qui fixe le contenu du rapport et le délai dans lequel ce dernier doit être transmis.
Le pouvoir d'investigation
1 - Les commissions d'enquête
La création d'une commission d'enquête permet, pour une durée maximale de six mois, l'étude approfondie d'une question portant sur des faits déterminés ou sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, dans le cadre d'une instance spécialement constituée à cet effet et disposant de pouvoirs d’investigation étendus. Elle illustre généralement la volonté politique de l'assemblée de se saisir d'un problème significatif et relativement grave.
2 - Les pouvoirs d'enquête des commissions permanentes
Depuis la loi du 14 juin 1996, les commissions permanentes ont la faculté de demander à leur assemblée, pour une mission déterminée et une durée n'excédant pas six mois, de bénéficier des prérogatives des commissions d'enquête. Cette souplesse nouvelle permet de bénéficier des pouvoirs d'enquête sans les lourdes contraintes inhérentes à la création d'une commission d'enquête qui exige d'abord l'adoption, par le Sénat, d'une résolution à cet effet.
3 - Le contrôle budgétaire
Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances « suivent et contrôlent de façon permanente, sur pièces et sur place, l'emploi des crédits inscrits » (ordonnance du 30 décembre 1958). Les rapporteurs spéciaux sont habilités à se faire communiquer tous documents de service, dans les mêmes conditions que les commissions d'enquête.
Ainsi que le prévoit la Constitution, la Cour des Comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'exécution de la loi de finances et procède aux enquêtes qui lui sont demandées par la commission des finances.
La commission des affaires sociales bénéficie de dispositions de même nature pour le contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale issu de la révision constitutionnelle de 1996. Une mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) est constituée en son sein à cet effet.
4 - Le contrôle des entreprises publiques
Ce contrôle, dont le champ d'application tend à se restreindre en raison du recul du secteur public, est effectué par les commissions dont les compétences couvrent le champ d'action de telle ou telle entreprise nationale ou société d'économie mixte : elles désignent des rapporteurs chargés de suivre et d'apprécier la gestion de ces entreprises.
Les rapporteurs peuvent disposer des rapports particuliers de la Cour des Comptes et sont habilités à se faire communiquer tous documents de service relatifs au fonctionnement des entreprises soumises à leur contrôle. En outre, ils disposent de pouvoirs d'investigation sur pièces et sur place.
Si la commission des finances n'est pas la seule compétente en ce domaine, elle manifeste une vigilance particulière à l'égard de ces entreprises publiques (Caisse des Dépôts et Consignations, comportement de l'État-actionnaire, etc.).
5 - Le contrôle de l'application des lois
Les commissions permanentes sont chargées du suivi de l’application des lois dans leurs domaines de compétences. Elles contrôlent la parution des textes réglementaires nécessaires à la mise en œuvre des dispositions législatives et s’assurent de leur conformité avec les objectifs poursuivis lors de l’adoption de la loi.
6 - Les avis du Parlement sur des nominations du Président de la République
Au titre de ses prérogatives de contrôle, le Parlement est amené, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, à se prononcer sur certaines des nominations relevant de l’exécutif.
Un contrôle en forte expansion : le suivi de la politique européenne du gouvernement
Dans beaucoup de cas, la législation européenne doit être transposée dans le droit national. C'est à l'Assemblée nationale et au Sénat qu'il revient de préciser les modalités d'application des directives communautaires les plus importantes, celles qui entrent dans le domaine de la loi.
Surtout, les décisions les plus fondamentales de l'Union (révision des traités, adhésion de nouveaux membres, régime des ressources propres du budget communautaire) nécessitent une approbation de chaque Parlement national.
D'autres décisions importantes (fiscalité, sécurité sociale, fonds structurels, perspectives financières pluriannuelles...), sans nécessiter une approbation formelle des parlements nationaux, requièrent un accord unanime des États membres et supposent donc qu'aucun des gouvernements ne soit désavoué par son Parlement national.
Aujourd'hui, le Sénat dispose, au-delà du vote des lois transposant les directives communautaires et des lois autorisant la ratification des traités et accords, des instruments nécessaires pour exercer un réel contrôle.
La commission des affaires européennes, instituée en application de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, a repris les attributions de la délégation pour l’Union européenne, créée en 1979, et exerce une mission générale d’information et de contrôle sur les activités européennes.
L'article 88-4 de la Constitution introduit en 1992 et depuis lors révisé dans le sens d'une plus grande efficacité, permet au Sénat comme à l'Assemblée nationale de voter des résolutions sur les textes européens au moment où ceux-ci sont débattus à Bruxelles.
L’article 88-6 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle de 2008, permet quant à lui aux assemblées d’émettre des avis motivés sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen au principe de subsidiarité ou de former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Des résolutions peuvent être adoptées par le Sénat à cette fin.
Vers un contrôle d'un nouveau type : le développement de l'évaluation
Depuis le début des années 80, constatant qu'il ne disposait pratiquement que d'un canal d'information - les éléments transmis par le Gouvernement - ce qui ne lui permettait pas d'apprécier en toute indépendance les décisions de celui-ci, le Parlement a développé sa capacité propre d'évaluation par la création d'offices et de délégations, qui ont aussi la faculté de faire appel à des experts indépendants.