La commission mixte paritaire (CMP) est une commission composée de sept députés et sept sénateurs pouvant être réunie à l’initiative du Premier ministre, ou depuis 2008 à celle des présidents des deux assemblées conjointement pour les propositions de lois, en cas de désaccord persistant entre les assemblées sur un projet ou une proposition de loi.

Elle a pour mission d’aboutir à la conciliation des deux assemblées sur un texte commun.

Dans un contexte procédural où chaque assemblée légifère « de son côté », la commission mixte paritaire, innovation de la Ve République, se révèle d’une grande efficacité, en ce qu’elle parvient à concilier deux objectifs qui, à première vue, pourraient paraître contradictoires :

  • d’une part, permettre le jeu normal du bicamérisme équilibré où chaque chambre doit pouvoir faire valoir son point de vue ;
  • de l’autre, favoriser le rapprochement des positions lorsqu’un désaccord apparaît au cours de la navette.

La CMP est régie par l’article 45 de la Constitution et par les règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat. Les modalités pratiques de mise en œuvre de la procédure ont été partiellement fixées dans le procès-verbal d’une réunion tenue en mai 1959 par les secrétaires généraux des assemblées et du Gouvernement, procès-verbal dont certains éléments figurent dans les règlements des assemblées. Le Conseil constitutionnel a enfin été appelé à plusieurs reprises à se prononcer sur les dispositions concernant les CMP.

Depuis 1959, malgré les alternances politiques, deux commissions mixtes paritaires sur trois ont abouti à un accord. Il n’en reste pas moins que l’adoption par navette reste le mode normal d’adoption des lois qui résultent en effet :

  • Pour 70 % de l’adoption d’un texte en termes identiques à l’issue de la navette ;
  • Pour 20 % d’un accord en CMP ;
  • Pour 10 % du dernier mot donné à l’Assemblée nationale après échec de la CMP.

La phase antérieure à la réunion de la CMP

1 - La décision de provoquer la réunion d’une CMP

a) La décision appartient au Premier ministre et aux présidents des deux assemblées conjointement pour les propositions de lois

Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les présidents des deux assemblées peuvent demander conjointement la réunion d’une CMP pour les propositions de lois. Cette faculté a été mise en œuvre pour la première fois en septembre 2009 pour la proposition de loi visant à rendre obligatoire l’installation des détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation.

b) La décision ne peut être prise formellement que lorsqu’un désaccord entre les deux assemblées est constaté :

  • après au moins deux lectures dans chacune des assemblées (mais rien n’interdit au Premier ministre ni aux présidents des deux assemblées conjointement pour les propositions de lois d’engager la procédure de convocation de la CMP à un stade ultérieur de la navette) ;
  • après une seule lecture dans chaque assemblée lorsque le Gouvernement a engagé la procédure accélérée et que les Conférences des Présidents ne s’y sont pas opposées ou lorsqu’il s’agit du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour lesquels la procédure accélérée est de droit.

c) Les assemblées sont informées de la demande de réunion de la CMP

Le Premier ministre informe les assemblées de sa décision par une lettre, adressée à leurs présidents et lue en séance publique.

Lorsque les présidents des deux assemblées utilisent leur faculté de provoquer la réunion d’une CMP, ils en informent le Premier ministre par courrier ainsi que leur assemblée respective par une annonce lue en séance publique.

2 - La constitution de la CMP

a) La composition de la délégation de chaque assemblée

Le nombre de ces représentants a été fixé, en accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, à sept titulaires et à sept suppléants pour chaque assemblée.

La composition de la délégation de chaque assemblée obéit à des considérations techniques, politiques et d’équilibre entre les groupes :

  • considérations techniques : font partie de la délégation le président et le rapporteur de la commission saisie au fond de l’examen du texte ainsi que, le cas échéant, le ou les rapporteurs de la ou des commissions saisies pour avis.
  • considérations politiques : il s’agit ici de déterminer le nombre de sièges attribués à l’opposition et à la majorité de chaque assemblée. Depuis 1981, à la suite d’un accord tacite entre les Présidents des deux assemblées qui étaient alors de sensibilité politique opposée, il a été décidé de composer la délégation de chaque assemblée de cinq représentants de sa majorité et de deux représentants de sa minorité. Depuis mars 2009, une nouvelle clé de répartition a été retenue faisant passer de cinq à quatre le nombre des représentants de la majorité sénatoriale et de deux à trois le nombre des représentants de l’opposition.
  • considérations d’équilibre entre les groupes : compte tenu des deux paramètres précédents, les sièges sont attribués, au sein de la délégation de chaque assemblée, en proportion de l’importance des groupes de chaque assemblée.

Les candidats désignés par la commission n’en sont pas nécessairement membres, même si, en pratique (exception faite des rapporteurs pour avis), ce cas de figure se présente très rarement.

b) La procédure de désignation des candidats

Au Sénat, c’est à la commission compétente pour l’examen au fond du texte qu’il revient, après consultation des présidents de groupes, de désigner les représentants du Sénat à la CMP. La liste est ensuite adressée au président du Sénat. À l’Assemblée nationale, les présidents de groupes communiquent directement au président de l’Assemblée le nom de leurs candidats.

La liste des candidats est affichée dans les couloirs du Sénat. Le Président donne avis de cet affichage au cours de la séance publique. A l’expiration d’un délai d’une heure à compter de cet avis, la liste est ratifiée, à moins qu’il n’y ait opposition.

La pratique a toutefois suscité une procédure abrégée – les délais étant parfois extrêmement brefs – où la commission désigne ses candidats à l’éventuelle CMP avant même que la demande de réunion de celle-ci ait été officiellement formulée et annoncée en séance plénière.

3 - La convocation de la CMP

  • Chaque membre désigné pour faire partie de la CMP reçoit une convocation signée par le doyen d’âge de chaque délégation (Sénat et Assemblée nationale).

  • Le Gouvernement ne fixe aucun délai pour la réunion de la CMP. Mais en pratique, l’ordre du jour de la séance plénière établi par la Conférence des Présidents commande la date de cette réunion.

  • Les CMP se réunissent alternativement dans les locaux de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Le lieu de réunion de la CMP n’est pas tout à fait indifférent puisque la procédure applicable à son fonctionnement est en principe celle prévue pour les commissions par le règlement de l’assemblée où se tient la CMP. En outre, concrètement, l’élaboration technique du rapport de la CMP incombe aux administrateurs de l’assemblée où elle s’est réunie (sous le contrôle des administrateurs de l’autre assemblée), avec les nuances de perception que ce dispositif peut faire ressortir.

La réunion de la commission mixte paritaire

1 - La désignation du Bureau de la CMP

a) Les règlements des assemblées parlementaires disposent que chaque CMP détermine elle-même la composition de son Bureau.

b) En pratique, le Bureau est composé de la façon suivante :

  • le président de la CMP est le président de la commission saisie au fond de l’assemblée où siège la CMP ;
  • le vice-président de la CMP est le président de la commission saisie au fond de l’autre assemblée ;
  • le rapporteur de la CMP pour le Sénat est le rapporteur de la commission saisie au fond du Sénat, le rapporteur de la CMP pour l’Assemblée nationale est le rapporteur de la commission saisie au fond de l’Assemblée nationale.

2 - Les règles de la discussion et du vote en CMP

a) La détermination du champ de la discussion

L’objet de la réunion de la CMP est de « proposer un texte sur les dispositions restant en discussion » (article 45 de la Constitution), c’est-à-dire les dispositions « qui n’ont pas été adoptées dans les mêmes termes par l’une et l’autre assemblée » (Conseil constitutionnel, décision n° 76-74 DC du 28 décembre 1976) à l’exclusion donc de toute disposition additionnelle (Conseil constitutionnel, décision n° 2004-501 DC du 5 août 2004).

Préalablement à la réunion de la CMP, il convient donc que les fonctionnaires des commissions concernées préparent un tableau comparatif des dispositions non encore adoptées conformes par l’une et l’autre assemblée. Ce tableau comparatif sera l’outil de base des discussions de la CMP.

Une fois le Bureau de la CMP constitué, le président donne en général la parole aux deux rapporteurs pour qu’ils rappellent successivement à la CMP les positions prises par leurs assemblées respectives et les motifs des désaccords persistants.

La notion de « dispositions restant en discussion » ne doit enfin pas être entendue de façon trop rigide : il est admis que des dispositions déjà adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées – et donc en principe non soumises à la CMP – peuvent être réécrites par elle pour des raisons de coordination rédactionnelle ou de cohérence.

b) L’organisation de la discussion

Il n’existe pas de règle véritablement impérative pour le déroulement de la discussion en CMP. Chaque CMP organise librement ses travaux en fonction des circonstances de l’espèce. La pratique généralement observée est cependant la suivante :

  • le texte, base de la discussion, est le dernier texte voté, c’est-à-dire celui adopté par la dernière assemblée saisie avant la réunion de la CMP ;
  • la discussion se déroule article par article, en principe dans leur ordre numérique. Mais cet ordre est modifié sans formalité particulière s’il apparaît que cette modification est de nature à faciliter un accord ;
  • les propositions de rédaction ne sont pas formellement des amendements. Elles n’obéissent à aucun formalisme particulier. Présentées par les rapporteurs ou l’un d’eux, elles peuvent être modifiées lors de leur examen sur proposition des membres de la CMP. Le Gouvernement ne peut déposer aucune proposition de rédaction. Ces propositions de rédaction sont soumises à la règle de l’entonnoir et ne doivent pas être contraire à l’article 40 de la Constitution (irrecevabilité financière).

c) Les procédures de vote

Lors des votes, il convient de veiller rigoureusement au respect de l’équilibre des votants entre, d’une part, les membres de chaque assemblée et, d’autre part, la pondération majorité/opposition.

Les règlements parlementaires précisent que les suppléants ne sont appelés à voter que dans la mesure nécessaire au maintien de la parité entre les deux assemblées. Les votes se déroulent – sauf circonstances tout à fait exceptionnelles – à main levée.

En cas d’égalité de voix, la proposition de rédaction ou l’article n’est pas adopté.

3 - La rédaction et le dépôt du rapport de la CMP

Qu’elle ait abouti à la rédaction d’un texte commun ou qu’elle n’y soit pas parvenue, la CMP donne lieu à la rédaction et au dépôt d’un rapport selon des règles identiques :

  • le rapport est généralement bref et se borne à résumer la teneur des discussions qui se sont déroulées en CMP. En cas d’échec de la CMP, le rapport peut se borner à prendre acte du désaccord. Si la CMP est parvenue à l’élaboration d’un texte commun, le rapport intègre le tableau comparatif. Le texte adopté par la CMP fait l’objet d’un tirage séparé ;
  • le rapport étant fait au nom de la CMP, il s’agit d’un rapport commun aux deux assemblées, déposé simultanément dans les deux assemblées et imprimé au timbre de l’une et l’autre ;
  • le rapport est transmis au Premier ministre par les présidents des deux assemblées.

La phase postérieure a la réunion de la CMP

1 - Première hypothèse : la CMP a élaboré un texte, que le Gouvernement décide de soumettre aux assemblées.

a) Détermination de l’assemblée appelée à statuer en premier

L’usage est que la première assemblée saisie du texte de la CMP est celle sur le Bureau de laquelle le texte, projet ou proposition de loi, a été déposé en premier.

b) Spécificités procédurales

  • Le texte élaboré par la CMP étant un texte commun aux deux assemblées, il n’y a pas transmission de ce texte d’une assemblée à l’autre. Par conséquent, les amendements déposés par le Gouvernement sur ce texte doivent être déposés non pas seulement à l’assemblée saisie en premier du texte mais également à l’autre assemblée.
  • L’exercice du droit d’amendement :
    - le droit d’amendement des parlementaires est soumis à des conditions particulières d’exercice puisque l’article 45, alinéa 3, de la Constitution dispose « qu’aucun amendement n’est recevable sauf accord du Gouvernement » : le Conseil constitutionnel a expressément reconnu au Gouvernement le droit de modifier ou compléter par amendement le texte de la CMP.
    - mais comme pour l’ensemble des lectures intervenant après la première lecture, les amendements doivent respecter la règle de l’entonnoir (c’est-à-dire être en relation directe avec une disposition restant en discussion ou bien être dictés par la nécessité d’assurer le respect de la Constitution, d’opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou de corriger une erreur matérielle (Conseil constitutionnel, décision n° 2005-532 du 19 janvier 2006).
  • Les procédures de vote : dans la première assemblée saisie, il est prévu de statuer d’abord sur les éventuels amendements puis, par un vote unique de droit, sur l’ensemble du texte, c’est-à-dire qu’il n’est pas voté sur les articles, article par article. Le règlement du Sénat prévoit de surcroît que lorsque celui-ci est appelé à statuer après l’Assemblée nationale, il procède de droit à un vote unique sur l’ensemble du texte et les amendements ayant reçu l’accord du Gouvernement.
  • Le texte élaboré par une CMP forme un tout indissociable, de telle sorte que si le Gouvernement décide de le soumettre pour approbation aux assemblées, il ne peut soumettre ce texte que dans son intégralité. Il n’a pas le pouvoir de le modifier autrement qu’en proposant des amendements.

c) Les suites de la procédure :

  • si les deux assemblées ont adopté un texte identique, éventuellement modifié par les mêmes amendements, la loi est transmise pour promulgation ;
  • dans le contraire, le Gouvernement a le choix entre deux solutions : laisser le texte repartir en navette ou au contraire engager le processus lui permettant éventuellement de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale.


2 - Deuxième hypothèse : la CMP a élaboré un texte mais celui-ci n’est pas soumis pour approbation aux assemblées par le Gouvernement.

Le règlement de l’Assemblée nationale envisage cette hypothèse : « Si le Gouvernement n’a pas soumis le texte élaboré par la commission mixte paritaire à l’approbation du Parlement dans les quinze jours du dépôt du rapport de la commission mixte, l’assemblée qui, avant la réunion de la commission, était saisie en dernier lieu du texte en discussion peut en reprendre l’examen conformément à l’article 45, alinéa 1, de la Constitution. ».

C’est donc le retour à la procédure législative usuelle avec poursuite de la navette jusqu’à ce que les deux assemblées parviennent spontanément à la rédaction d’un texte commun. Cette situation ne se rencontre qu’exceptionnellement (en 1992, la CMP réunie sur le projet de loi relatif à la responsabilité du fait des produits défectueux était parvenue à élaborer un texte, mais celui-ci n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour des assemblées ; la procédure a été abandonnée).


3 - Troisième hypothèse : la CMP n’est pas parvenue à l’élaboration d’un texte ou celui-ci n’a pas été approuvé par les assemblées.

  • La navette reprend, à la demande du Gouvernement, devant l’Assemblée nationale, quel qu’ait été le processus législatif antérieur. Le texte qui sert de base à ses discussions est le dernier texte dont elle était saisie avant la réunion de la CMP. Par conséquent, lorsque le processus législatif a commencé devant le Sénat, l’Assemblée nationale est saisie, à ce stade, du texte qu’elle a elle-même adopté avant la réunion de la CMP.
  • Durant cette phase, le droit d’amendement des parlementaires et du Gouvernement s’exerce dans les conditions de droit commun. La règle de « l’entonnoir » s’applique : sera déclaré irrecevable un amendement remettant en cause une disposition adoptée conforme ou introduisant une disposition additionnelle sans relation directe avec les dispositions restant en discussion (sauf s’il assure le respect de la Constitution, opère une coordination avec un texte en cours d’examen ou corrige une erreur matérielle).
  • Cette navette peut être limitée à une seule lecture dans chaque assemblée si le Gouvernement décide à son issue de demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement (dans le cas contraire, le texte restera en navette aussi longtemps que les assemblées ne se seront pas accordées sur un texte identique). Dans ce cas, il s’agit d’une « nouvelle lecture » devant chacune des deux assemblées, avant que le Gouvernement ne demande à l’Assemblée nationale de statuer définitivement.

Vademecum des règles de délibération de la commission mixte paritaire

(Présenté au groupe de travail sur l’application de la révision constitutionnelle et la réforme
du Règlement lors de sa réunion du 1er décembre 2010 et à la Conférence des Présidents
lors de sa réunion du 15 décembre 2010)
Article 45, alinéa 2, de la Constitution : la commission mixte paritaire est chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion

 
La base de discussion :

Les articles adoptés dans des termes différents par le Sénat et l’Assemblée nationale, mis en comparaison par les deux colonnes du tableau comparatif distribué en commission mixte paritaire.
 
L’objectif de la CMP :

La recherche d’un accord entre les deux assemblées.
 
L’absence de droit d’amendement :

L’examen en CMP n’est pas une deuxième ou une troisième lecture = les dispositions constitutionnelles sur le droit d’amendement ne s’appliquent pas = pas de droit d’amendement du Gouvernement.
 
La mission de la CMP :

Rapprocher les points de vue des deux assemblées à partir des propositions de rédaction des deux rapporteurs ou de l’un d’eux : soit le texte du Sénat, soit le texte de l’Assemblée nationale, soit un texte de compromis.

Les règles de fonctionnement :

Les propositions portant dispositions additionnelles sont irrecevables (règle de l’entonnoir), de même que celles tombant sous le coup de l’article 40 de la Constitution ; les déclarations d’irrecevabilité sont prononcées par le président de la CMP.

Les propositions de rédaction présentées par les rapporteurs ou l’un d’eux sont délibérées par la CMP, avec la possibilité pour chaque membre de la CMP de proposer des améliorations ou des modifications, et mises aux voix.

Les propositions de compromis peuvent être distribuées : elles ne sont pas formellement assimilables à des amendements.

Les règles de vote :

  • seuls les présents votent ;
  • les présences sont constatées dans l’ordre de nomination, avec la distinction majorité/opposition ;
  • les votes sont paritaires : le même nombre de députés et de sénateurs votants ;
  • en cas d’égalité de voix, la proposition mise aux voix n’est pas adoptée.