N°
417
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès verbal de la séance du 14 juin 2000
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la défense antimissiles du territoire (NMD) aux Etats-Unis ,
Par M.
Xavier de VILLEPIN,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Xavier Dugoin, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.
Défense |
|
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Une décision des autorités américaines sur le lancement
d'un programme de défense du territoire de Etats-Unis contre les
missiles balistiques est attendue d'ici l'automne prochain.
Une décision positive consacrerait l'impulsion nouvelle donnée au
programme de défense antimissiles du territoire (
National Missile
Defense - NMD),
engagé depuis plusieurs années.
L'actuelle administration américaine, fortement poussée par le
Congrès, avait en effet relancé ce programme à la suite,
notamment, du constat établi en juillet 1998 par une commission
indépendante, présidée par l'ancien secrétaire
d'Etat à la défense Rumsfeld, soulignant l'émergence,
à brève échéance, de menaces nouvelles liées
à la prolifération balistique. Le tir d'un engin balistique par
la Corée du Nord, le 31 août 1998, venait donner corps aux
conclusions de cette commission et replaçait la défense
antimissiles au coeur du débat sur la politique de défense aux
Etats-Unis.
Quelques mois plus tard, le Congrès approuvait à une très
large majorité le
National Missile Defense Act
du 22 juillet
1999, stipulant que serait déployé, aussitôt que
techniquement possible, un
système de défense antimissiles
destiné à protéger le territoire national américain
d'une frappe balistique limitée
.
Ce programme se trouve actuellement dans une phase préliminaire
d'analyse stratégique, financière et technique, à l'issue
de laquelle il appartiendra au Président des Etats-Unis de
décider du déploiement du système de défense
antimissiles du territoire.
Par ses ambitions -répondre à une frappe balistique
limitée- ses caractéristiques techniques -l'utilisation
d'intercepteurs terrestres- et son coût financier, de l'ordre de 60
milliards de dollars sur quinze ans, le programme de défense
antimissiles du territoire se distingue nettement des projets imaginés
au cours des années 1980, dans le cadre de l'initiative de
défense stratégique (IDS). Il possède des
éléments de parenté avec les systèmes de
défense antimissiles de théâtre (
Theater Missile Defense
- TMD
) couvrant des zones plus réduites et dont le
développement a déjà atteint un stade relativement
avancé.
En dépit des débats sur la maturité technologique du
programme ou sur son impact budgétaire, le principe de la défense
antimissiles du territoire
recueille aux Etats-Unis un large
assentiment
, fondé sur une sensibilité particulière
aux risques liés à la prolifération balistique,
particulièrement du fait des " Etats parias " (
rogue
states
), dont la sensibilité à la logique de la dissuasion,
qu'elle soit conventionnelle ou nucléaire, suscite des doutes ou des
interrogations.
Au moment où les Etats-Unis se voient reprocher une certaine distance
à l'égard des démarches multilatérales visant
à renforcer la sécurité internationale -on pense, en
particulier, au refus du Sénat d'approuver le traité
d'interdiction complète des essais nucléaires- la
détermination affichée par les autorités
américaines pour mener à bien le programme de défense
antimissiles du territoire alimente un
vif débat international
.
Il apparaît en premier lieu que
le déploiement de la NMD
contreviendrait aux dispositions du traité américano-russe ABM
(
Anti-Ballistic Missiles
)
de 1972, pièce majeure pour
la stabilité stratégique internationale, qui impose aux deux
parties une stricte limitation de leurs systèmes de défense
antimissiles et que la Russie se refuse pour le moment à
renégocier.
Deuxièmement, de nombreux commentateurs voient dans la NMD un
facteur
de relance de la course aux armements et de blocage des discussions
multilatérales sur le désarmement et la
non-prolifération
. Un débat se développe au sujet des
incidences des programmes de défense antimissiles sur les
équilibres stratégiques dans les zones directement
concernées par la prolifération balistique
, à savoir
le Moyen-Orient et l'Asie.
Ce projet suscite également des interrogations au sein de l'Otan
où la question de la défense contre les missiles balistiques
pourrait, à l'avenir, se poser plus ouvertement et créer
certaines divergences entre alliés.
*
* *
L'ensemble de ces éléments justifiait que votre
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées cherche à mieux comprendre la nature et les
caractéristiques du programme NMD et à en analyser les enjeux et
les implications.
L'objectif de ce rapport d'information est triple :
- présenter les
principaux aspects du programme NMD
en le
resituant dans l'ensemble des programmes de défense antimissiles
menés depuis plusieurs années aux Etats-Unis et en analysant les
différents enjeux politiques, militaires et industriels qui en font
aujourd'hui un
nouvel impératif politique
pour la
défense américaine
;
- procéder à une
première évaluation des
implications stratégiques de ce programme
sur le dialogue
américano-russe, la politique de désarmement et de lutte contre
la prolifération, les équilibres régionaux et l'Alliance
atlantique ;
- enfin, s'interroger sur ses
conséquences pour la France
, au
regard de sa doctrine militaire et de ses positions en matière de
désarmement, mais aussi de ses propres réflexions en
matière de défense antimissiles.
Votre commission espère ainsi contribuer à éclairer un
débat aux multiples incidences dans le domaine de la
sécurité internationale.
I. LA NATIONAL MISSILE DEFENSE (NMD) : NOUVEL IMPÉRATIF POLITIQUE POUR LA DÉFENSE AMÉRICAINE
La
défense contre les missiles balistiques est loin de constituer une
préoccupation récente aux Etats-Unis puisque les recherches et
les projets se succèdent depuis plus de quarante ans et ont donné
lieu, dans le domaine de la défense de théâtre, à
des premières réalisations. L'idée de mettre en oeuvre une
défense globale du territoire américain contre les missiles
balistiques est revenue en force, à partir de 1998, sous l'impulsion
politique d'un Congrès sensible à l'évolution de la
prolifération balistique dans le monde.
Par ses ambitions, ses implications technologiques et son coût, la
National Missile Defense
(NMD)
diffère cependant
très sensiblement de l'Initiative de Défense Stratégique
lancée en 1983 par le Président Reagan. Elle se veut plus
limitée dans ses objectifs et donc plus réaliste quant à
ses perspectives de mise en oeuvre effective.
A. UN PROGRAMME RÉCENT QUI CORRESPOND À DES PRÉOCCUPATIONS ANCIENNES
La NMD s'inscrit dans une longue lignée de programmes de défense antimissiles conduits depuis plus de quarante ans. La fin de la guerre froide et l'expérience de la guerre du Golfe ont jusqu'à récemment conduit à privilégier les recherches sur la défense de théâtre mais, depuis 1998, une perception nouvelle de la menace a relancé l'actualité d'un système de protection du territoire américain contre des frappes limitées de missiles balistiques.
1. Continuité de la défense antimissiles aux Etats-Unis
Les
missiles balistiques
constituent les vecteurs privilégiés
des armes de destruction massive, nucléaires, bactériologiques ou
chimiques, et se caractérisent par leur
capacité de frappe
à distance
très supérieure à celle d'un avion
ou d'un missile de croisière grâce à leur
vitesse
très élevée
(de 1 à 5 kilomètres
par seconde), qui permet une
durée de vol extrêmement
brève
, et à leur
trajectoire
, qui se déroule
en majeure partie dans l'espace exoatmosphérique
, à une
altitude comprise entre 100 et 1 000 km. La défense contre les
missiles balistiques exige donc des propriétés très
différentes de celle contre les avions ou les missiles de
croisière, puisqu'il s'agit d'être en mesure, dans des
délais très brefs, de détecter, de suivre puis
d'intercepter des cibles extrêmement rapides, qui peuvent de
surcroît se disperser lors de leur rentrée dans
l'atmosphère.
Les Etats-Unis, comme l'Union soviétique, s'étaient depuis
longtemps préoccupés de mettre au point des systèmes de
défense antimissiles qui sont toutefois rapidement apparus d'un
intérêt restreint face à des arsenaux nucléaires
très développés, puis ont été
sérieusement limités dans le cadre de la doctrine de la
" destruction mutuelle assurée ". La prolifération
balistique, touchant des Etats envers lesquels la dissuasion nucléaire
n'apparaissait pas aussi déterminante, a relancé
l'intérêt de ces programmes.
DÉPENSES ENGAGÉES AUX ETATS-UNIS POUR LES
PROGRAMMES DE DÉFENSE
CONTRE LES MISSILES BALISTIQUES
1957-1999
en milliards de dollars 2000
Programmes |
Coût |
Nike Zeus 1962-1965 |
3,5 |
Nike X 1964-1968 |
10,0 |
Safeguard 1968-1978 |
23,1 |
IDS - NMD - TMD 1987-1999 |
68,7 |
Autres 1957-1999 |
16,6 |
|
122,0 |
(Source : Atomic Audit, S. Schwartz - Brookings Institution Press (1998), mis à jour par L. Heeter, Center for Strategic and Budgetary Assessments (mars 2000)) |
a) La défense antimissiles face à la menace soviétique : des années 1950 à l'Initiative de défense stratégique
Amorcées aux lendemains de la seconde guerre mondiale,
après que l'Allemagne eut lancé ses missiles V2,
les
recherches sur la défense antimissiles aux Etats-Unis ont
été activées à partir de 1957
. C'est en effet
au cours de cette année, qui vit également le lancement par les
Soviétiques du satellite Spoutnik, que fut lancé le programme de
défense antimissiles
Nike Zeus
, devenu quelques années
plus tard
Nike X
, et destiné à tenter de répondre
à la menace provenant d'un arsenal nucléaire soviétique en
rapide progression. Imaginé autour d'intercepteurs lancés
à partir de quelques 3 600 satellites évoluant en orbite
basse, ce projet est abandonné en 1964 pour des raisons tant
technologiques que financières. Le programme de défense
antimissiles sera repris à partir de 1967 avec le projet
Sentinel
du Président Johnson, présenté comme devant
protéger le territoire américain d'une attaque chinoise. Le
système envisagé reposait sur une vingtaine de radars d'alerte et
de désignation d'objectifs et sur 2 500 missiles dotés d'une
charge nucléaire répartis sur 25 sites de lancement. Alors
qu'à partir de 1966 les Soviétiques commencent à
déployer leurs propres défenses antimissiles autour de Moscou, le
Président Nixon réoriente en 1969 le programme
Sentinel
,
rebaptisé
Safeguard
, en vue de défendre les silos de
missiles stratégiques américains. Le déploiement n'est
alors envisagé que sur deux sites de lancement.
La
signature, le 26 mai 1972, du traité ABM
(
Anti-Ballistic
Missiles
) entre la Russie et les Etats-Unis marque une étape
très importante dans l'évolution des programmes de défense
antimissiles. Conscients des risques liés au développement
parallèle des défenses antimissiles et des arsenaux
nucléaires,
les deux parties s'engagent à renoncer à
une protection globale
de leur territoire
ou d'une région
particulière de ce territoire, seuls deux sites de défense ABM
étant autorisés, l'un pour la protection de la capitale, l'autre
pour celle d'une base de missiles sol-sol, ces systèmes de
défense ne pouvant par ailleurs être basés en mer, dans
l'air, dans l'espace ou sur des plates-formes terrestres mobiles. En 1974, un
protocole additionnel réduira le nombre de sites autorisés de
deux à un seul pour chacune des parties.
Sur cette base, les Soviétiques ont mis en oeuvre un
système
de défense antimissiles balistiques autour de Moscou
reposant sur un
réseau de satellites d'alerte, plusieurs radars et un ensemble
d'intercepteurs dotés de charges nucléaires.
Les
Etats-Unis
avaient, pour leur part, commencé à
déployer, à partir de 1975, leur système
Safeguard
sur le site de Grand Forks (Dakota du Nord) abritant des silos de missiles
sol-sol intercontinentaux. Toutefois, les doutes pesant sur l'efficacité
du système face aux missiles soviétiques à têtes
multiples et l'analyse des effets que produirait la détonation des
charges nucléaires de l'intercepteur comme du missile intercepté
conduisent le gouvernement américain à décider
l'
abandon du projet en janvier 1976
.
Il faut attendre le discours dit de la " guerre des étoiles ",
prononcé le 23 mars 1983 par le Président Reagan, pour voir
spectaculairement relancé le thème de la défense
antimissiles du territoire américain. En présentant
l'Initiative de défense stratégique
(IDS), le
Président Reagan remettait en cause la notion de " destruction
mutuelle assurée ", qui fondait la doctrine de dissuasion
nucléaire, et proposait un bouclier spatial qui rendrait les armes
nucléaires " impuissantes et obsolètes ". L'IDS avait
en effet pour ambition de
protéger les Etats-Unis d'une attaque
massive de plusieurs milliers de têtes nucléaires
soviétiques
.
En janvier 1984 était créée l'
Organisation pour
l'initiative de défense stratégique (SDIO)
en vue de
rassembler et de regrouper tous les programmes de recherche menés par le
département de la Défense.
Il est difficile de décrire précisément les
systèmes envisagés dans le cadre de l'IDS tant ont
été rassemblés sous cette appellation un grand nombre de
programmes de défense antimissiles. Le concept de déploiement
défini en 1988 prévoyait une première phase censée
parer l'attaque de la moitié des missiles SS-18 soviétiques,
grâce à divers types de capteurs à terre ou dans l'espace
et à deux types d'intercepteurs, l'un basé à terre et
l'autre dans l'espace (
Brillant Pebble).
Le système devait
ultérieurement être complété par d'autres capteurs
ainsi que par plusieurs autres moyens de destruction des missiles ennemis,
notamment un laser spatial, un laser basé à terre et un canon
à très haute vitesse.
L'IDS marque une
étape importante
dans les programmes
américains de défense antimissiles avec
l'abandon du concept
d'interception indirecte
par des missiles dotés de têtes
explosives, à l'instar des défenes ABM déployées
autour de Moscou pourvues de charges nucléaires, et le
choix de
techniques d'interception directe par collision
(concept
hit to
kill
) exigeant un degré de précision beaucoup plus
élevé.
Caractérisée par l'utilisation de technologies spatiales et la
recherche d'une destruction précoce des missiles durant leur phase de
propulsion, l'IDS a constitué un important moyen de pression
américain sur l'Union soviétique en vue de la conduire à
négocier dans le domaine du désarmement. Plus de 26 milliards de
dollars auraient été consacrés, dans le cadre de l'IDS,
à des programmes de recherche dont les retombées, dans le domaine
de la défense antimissiles comme dans d'autres secteurs technologiques,
ont été très conséquentes.
b) La fin de la guerre froide et la réorientation vers la protection contre des frappes limitées : du GPALS à la NMD
Dans un
discours prononcé le
29 janvier 1991
, le Président Bush,
tirant les conséquences de l'évolution du contexte
stratégique et des évaluations menées par la SDIO,
annonçait la fin de l'IDS et le
lancement d'un nouveau programme
axé sur la défense contre une frappe balistique
limitée
, accidentelle ou non autorisée. Le
programme
GPALS
(
Global Protection Against Limited Strikes
) devait permettre
de répondre à une menace de 200 têtes nucléaires.
Composé, dans sa configuration initiale, de 750 intercepteurs
basés à terre sur le site de Grand Forks, de 1 000
intercepeurs basés dans l'espace, de satellites d'alerte et de radars,
ce système devait protéger l'ensemble des Etats-Unis, y compris
Hawaï et l'Alaska. Tout en comportant des éléments spatiaux
pour la surveillance et les communications, le programme s'éloignait
toutefois du concept de bouclier spatial et reposait plus largement sur une
défense basée à terre.
En 1991 toujours, le Congrès adoptait le
Missile Defense Act
qui
entérinait l'idée d'une défense circonscrite à la
protection des Etats-Unis contre des frappes balistiques limitées et
fixant des objectifs dans trois secteurs différents :
- la défense antimissiles de théâtre (
Theater Missile
Defense - TMD
),
- la défense nationale antimissiles (
National Missile Defense -
NMD
),
- la recherche sur les intercepteurs spatiaux de destruction par énergie
cinétique ou rayonnement dirigé (programme
Brillant
Pebbles
).
La loi préconisait cependant une renégociation du traité
ABM afin de préserver la stabilité stratégique.
L'élection du Président Clinton marque, dans un premier temps,
une rupture assez nette, les négociations entreprises avec la Russie
pour redéfinir le traité ABM et permettre le déploiement
du système GPALS étant abandonnées et la priorité
étant donnée à la défense contre les missiles de
théâtre (TMD). Au demeurant, en mai 1993, la SDIO,
créée par l'administration républicaine, est
transformée en
Ballistic Missile Defense Organisation (BMDO)
,
signifiant que les préoccupations stratégiques passaient au
second plan après la défense contre les missiles à courte
portée susceptibles de frapper les troupes américaines
engagées sur les théâtres extérieurs ou des
alliés des Etats-Unis, notamment en Asie et au Moyen-Orient.
La
National Missile Defense (NMD)
entre alors dans une phase de veille
technologique, les objectifs de déploiement étant
abandonnés.
2. Une implication forte dans la défense antimissiles de théâtre
Dans une
conférence de presse prononcée en mai 1993, le Secrétaire
d'Etat américain à la défense, M. Aspin,
déclarait : " ...
nous n'avons plus besoin de l'important
programme d'armes spatiales que prévoyait Ronald Reagan. Saddam Hussein
et les missiles Scud nous ont montré qu'il nous fallait une
défense contre les missiles balistiques pour nos forces sur le terrain.
Cette menace est immédiate... C'est pourquoi nous avons fait de la
défense contre les missiles balistiques de théâtre notre
priorité absolue, afin de gérer les nouveaux dangers de
l'après-guerre froide et du monde post-soviétique. "
L'appellation défense antimissiles de théâtre (TMD)
recouvre plusieurs types de systèmes susceptibles de protéger des
zones de rayon variable. On distingue schématiquement la
défense de point
, destinée à protéger des
unités ou des aires de superficie limitée, et la
défense se zone
, protégeant des régions plus vastes
et exigeant de ce fait des moyens spécifiquement destinés
à la menace balistique. L'étendue de la superficie
protégée dépend de l'altitude d'interception qui
elle-même conditionne le type de systèmes à mettre en
oeuvre.
Sont ainsi développés des systèmes dit " couche
basse ", voués à la protection des points sensibles, et des
systèmes dits " couche haute " couvrant des zones plus larges.
Dans les deux types de système, on compte des composantes terrestres et
navales, le concept d'opération prévoyant une combinaison des
différents systèmes et de leurs composantes en fonction de
l'objectif recherché.
Les Etats-Unis sont aujourd'hui de loin le pays le plus engagé dans les
programmes de défense antimissiles de théâtre, même
si la Russie, avec le missile S-300, Israël avec l'Arrow, mené en
coopération étroite avec les Américains et
déployé depuis quelques mois ou encore la France et l'Italie,
avec la perspective d'une capacité antibalistique sur le missile Aster,
ont développé de tels systèmes.
a) Les systèmes " couche basse " : Patriot, MEADS et Navy Area Defense System
Destinés à la défense de point, les
systèmes antimissiles de théâtre " couche basse "
(
lower tier
) ne font pas obligatoirement appel à des innovations
technologiques majeures et peuvent dériver de systèmes sol-air
moyenne portée conçus pour la défense antiaérienne.
Les Etats-Unis mènent ainsi actuellement un programme destiné
à pourvoir les missiles
Hawk
, mis en oeuvre par le Marine Corps
et constamment améliorés depuis les années 1960, de
capacités contre les missiles balistiques à courte portée.
De même, les missiles sol-air
Patriot améliorés
(PAC-2)
déployés durant la guerre du Golfe avaient-ils
été adaptés pour intercepter des missiles balistiques,
fonction pour laquelle ils n'avaient pas été conçus
à l'origine.
L'utilisation du
Patriot PAC-2
en Israël et en Arabie Saoudite
contre les missiles irakiens Scud fait aujourd'hui l'objet d'une
évaluation sévère. Une analyse du
General Accounting
Office
considère que 9 % seulement des interceptions
tentées peuvent véritablement être
considérées comme ayant atteint leur but
Trois systèmes de défense de point " couche basse "
sont aujourd'hui en développement : le
Patriot PAC-3,
le
MEADS
et la
Navy Area Defense System.
LA
DÉFENSE ANTIMISSILES DE THÉÂTRE (TMD)
LES SYSTÈMES DE DÉFENSE DE POINT :
PATRIOT PAC 3, MEADS
ET
NAVY AREA
(
source : BMDO
)
Le
Patriot Advanced Capability-3 (PAC-3)
développé par
l'armée de terre, dont le déploiement doit s'échelonner
d'ici 2001, diffère très substantiellement, dans sa conception,
du
PAC-2
et repose sur un ensemble radar de surveillance et de poursuite
de l'objectif, une station de contrôle de l'engagement assurant la
conduite du tir, des rampes de lancement mobiles et un intercepteur par
collision directe. Le
PAC-3
a pour mission d'intercepter des missiles
balistiques tactiques comme des missiles de croisière. Il vise de
nombreux marchés à l'exportation, en particulier aux Pays-Bas, en
Allemagne et en Grèce, d'autres pays comme Taïwan, la Corée
ou certains Etats du Golfe ayant également manifesté leur
intérêt.
Les Etats-Unis souhaiteraient faire du
Patriot PAC-3
le système
de référence en matière de défense aérienne
élargie. Il pourrait constituer l'élément central du
système de défense élargi à moyenne altitude
MEADS
(
Medium Exended Air Defense System)
. Le programme
MEADS
a été lancé en 1995 à la suite d'un
mémorandum d'entente signé par l'Allemagne, la France, l'Italie
et les Etats-Unis, dans le cadre d'une agence OTAN chargée de
gérer la coopération. Ce programme, dont la France s'est
très rapidement retirée, a pour but de défendre troupes et
installations contre toute une gamme de menaces : missiles balistiques
tactiques, missiles de croisière et avions. Il s'agit en quelque sorte
de combler le vide existant entre les systèmes portatifs contre
aéronefs (tels que le
Stinger
) et les niveaux plus
élevés de défense antimissiles, en alliant la
mobilité d'un système transportable avec les troupes et
exploitable rapidement avec une capacité de couverture des forces de
manoeuvre.
Système mobile monté sur véhicule et conçu pour
offrir une couverture à 360° défendant une zone d'un rayon
de 8 à 10 km, le programme
MEADS
associe l'Allemagne et l'Italie
aux Etats-Unis, la maîtrise d'oeuvre industrielle étant
confiée à une joint venture regroupant Lockheed-Martin,
Daimler-Chrysler Aerospace et Alenia Marconi Systems. Il semble devoir se
résoudre à une évolution du
PAC-3
, qu'il pourrait
remplacer à terme, tout comme les missiles
Hawk
mis en oeuvre par
le Marine Corps. La mise en service opérationnelle n'est pas
envisagée avant 2009.
Le système naval de défense (
Navy Area Defense System)
est
un autre système de défense dans la couche basse de
l'atmosphère comparable au
PAC-3
qui sera intégré
aux croiseurs et destroyers
Aegis
de l'US Navy.
Ces bâtiments doivent voir leur radar et leur système de combat
adaptés à la défense contre les missiles balistiques
à courte et moyenne portée. Le missile à lancement
vertical
SM-2
sera amélioré, notamment par un guideur
infrarouge augmentant sa capacité d'interception. Ce système est
conçu pour protéger depuis la mer des zones de
débarquement, des ports ou d'autres points sensibles. Son
déploiement initial est prévu pour 2003.
LA DÉFENSE
ANTIMISSILES DE THÉÂTRE (TMD)
LES
SYSTÈMES DE DÉFENSE DE ZONE :
LE
THAAD
(
Source : BMDO
)
b) Les systèmes " couche haute " : les programmes THAAD et NTW
Les
systèmes de TMD " couche haute " (
Upper tier)
sont
destinés à intercepter les missiles dans la haute
atmosphère, ou hors de l'atmosphère à mi-course ou en
début de phase descendante. Ils permettent de défendre des zones
dont le rayon est compris entre une centaine et quelques centaines de
kilomètres.
Le programme de défense ponctuelle de théâtre à
haute altitude (
Theater High Altitude Area Defense - THAAD)
,
réalisé par l'armée de terre, est destiné à
constituer le niveau supérieur d'un système de défense
contre les missiles de théâtre basé à terre. Il
repose sur quatre éléments : des lanceurs montés sur
camion, des intercepteurs dotés d'un vecteur de destruction par
énergie cinétique, lui-même pourvu d'un guideur infrarouge
pour la phase finale d'interception, un système radar assurant la
surveillance, la poursuite de l'objectif, la conduite de tir et la
communication avec l'intercepteur en vol et enfin un système de
commandement et de conduite des opérations destiné au traitement
des données et à la formulation des instructions.
Après un début difficile, marqué par l'échec de
nombreux essais d'interception, le
THAAD
a réussi pour la
première fois à détruire, suite à un coup direct,
une cible simulant un missile Scud le 10 juin 1999. Après un autre
essai réussi au mois d'août, le programme confié à
Lockheed-Martin, est entré en phase de développement pour un
déploiement prévu en 2007.
Le système opérationnel tactique de la Marine (
Navy Theater
Wide - NTW)
vise pour sa part à permettre, à partir de
plates-formes navales, une interception de missiles aux différentes
phases de sa trajectoire : durant la phase ascendante grâce à
un positionnement près du pays assaillant, au cours de sa trajectoire,
ou, enfin, en phase descendante, par un positionnement près de la zone
à défendre.
Il s'agit d'une adaptation aux besoin " couche haute " du
système
Navy Area
prévu pour la " couche
basse ". Les principales modifications concernent le système Aegis,
le système de lancement vertical et le missile qui sera doté d'un
intercepteur à énergie cinétique.
LA
DÉFENSE ANTIMISSILES DE THÉÂTRE (TMD)
LES SYSTÈMES DE DÉFENSE DE ZONE :
LE
NAVY THEATER WIDE
ET SES CAPACITÉS DE DÉFENSE EN MER DU
JAPON
(Source : BMDO)
Le
programme
NTW
, quelque peu concurrent du
THAAD
bien que
théoriquement complémentaire, a fait l'objet en coût 1999
d'un accord de coopération avec le Japon sur des travaux de recherche.
Cet accord est généralement considéré comme
témoignant de l'intérêt du Japon pour une défense
antimissiles de théâtre " couche haute ",
particulièrement depuis le tir nord-coréen d'août 1998. Le
NTW
, conçu dans la logique d'une défense de
théâtre pour les Etats-Unis, paraît ainsi pouvoir constituer
pour des pays de superficie moindre ou archipélagiques, notamment en
Asie, un système de défense de l'ensemble du territoire. Par
ailleurs, la
Navy
mène des études en vue de modifier le
NTW
afin de pouvoir l'intégrer dans une défense nationale
antimissiles (NMD) qui reposerait alors sur des intercepteurs embarqués,
éventuellement combinés avec une défense basée
à terre.
Il convient également de mentionner le programme
Arrow
mené en coopération par les Etats-Unis et Israël, qui
est destiné à l'interception de missiles balistiques tactiques.
Lancé à partir d'un véhicule mobile, il s'agit d'un
missile à deux étages dont l'intercepteur est doté d'une
charge explosive à fragmentation, ce qui le différencie des
systèmes d'interception directe développés aux les
Etats-Unis. Le missile
Arrow
est opérationnel depuis cette
année dans l'armée israélienne.
c) Les systèmes complémentaires : les lasers aéroportés ou spatiaux
Alors
que la quasi-totalité des programmes de défense antimissiles
reposent sur des intercepteurs à énergie cinétique, les
Etats-Unis conduisent également des programmes de recherche sur
l'utilisation de la technologie laser pour détruire les missiles
assaillants.
Le système laser aéroporté (
Air Borne Laser-ABL)
développé par l'US Air Force est conçu pour frapper le
missile assaillant durant sa phase de lancement. Il s'agirait d'équiper
sept Boeing 747 d'un laser à haute énergie d'ici 2006. L'ABL
permettra d'attaquer des missiles de 300 km de portée à partir
d'un avion volant à 12 000 mètres. Deux autres
systèmes laser sont en outre à l'étude : le
système laser tactique à haute énergie (
THEL
),
étudié dans le cadre d'une coopération
américano-israélienne et destiné à détruire
des objectifs à courte et moyenne portée, et le système de
laser spatial (
Spatial Based Laser - SBL)
, mis en oeuvre à partir
d'une constellation de satellites afin de détruire tous types de
missiles de théâtre.
Destinés à intercepter le missile adverse durant sa phase de
propulsion, ces systèmes lasers seraient à même de
neutraliser tout tir de missile balistique quelle que soit sa cible.
Sont par ailleurs développés des programmes de satellites
d'alerte et de radar concernant à la fois la défense de
théâtre (TMD) et la défense du territoire américain
(NMD).
3. La nouvelle impulsion politique donnée à la défense antimissiles du territoire
Le Congrès, aiguillonné par sa majorité républicaine, a été au coeur de la relance du projet de défense nationale antimissile à partir de 1998.
a) Le rapport " Rumsfeld " et le tir d'un missile nord-coréen : un tournant décisif dans la volonté de protection contre la menace balistique
Quelque
peu délaissé par la nouvelle administration démocrate
installée en 1993, le thème de la défense nationale
antimissile a été rapidement repris au Congrès
après l'arrivée d'une
majorité républicaine
,
tant au Sénat qu'à la Chambre des Représentants,
à l'issue des élections de 1994
.
Historiquement attachés à l'édification d'une
défense antimissiles, nombre de Républicains voient dans
d'éventuelles défaillances du système de contrôle
des armes stratégiques russes et surtout dans le développement de
la prolifération balistique de nouveaux arguments en faveur de
l'investissement dans de tels programmes.
Dès 1995, plusieurs initiatives parlementaires émanant du camp
républicain sont prises au Congrès en vue du déploiement,
à partir de 2003, d'un système de défense nationale
antimissile reposant sur plusieurs sites de lancement terrestres. Si elles
n'aboutissent pas, ces initiatives conduisent néanmoins l'administration
à majorer les crédits alloués aux programmes de recherche
de la BMDO.
La
pression croissante du Congrès
contraindra en 1996
l'administration Clinton à se rallier à un compromis envisageant
dans un premier temps le déploiement, à l'horizon 2003, de 20
intercepteurs terrestres destinés à stopper la frappe
limitée de " rogue states " ou un tir accidentel russe.
Baptisé " trois plus trois ", ce plan prévoyait une
première phase de trois ans consacrée aux études et aux
essais devant permettre de passer, en cas de conclusions positives, à
une seconde phase de trois ans préalable au déploiement.
L'idée était alors d'évaluer chaque année, à
partir de 2000, l'opportunité d'un déploiement qui aurait pu
intervenir en trois ans seulement.
Deux événements majeurs survenus en 1998
vont remettre en
cause ce compromis et amplifier la pression politique en faveur de la NMD.
Au mois de juillet 1998, une
commission bipartisane
mise en place par le
Congrès et présidée par M. Donald
Rumsfeld
, ancien
Secrétaire d'Etat à la Défense du Président Ford,
remettait ses conclusions sur l'évaluation de la menace balistique
à l'encontre des Etats-Unis. Contrairement aux estimations des services
de renseignement, qui écartaient toute concrétisation de la
menace avant 2010, la commission Rumsfeld déclarait que des " rogue
states " comme l'Iran et la Corée du Nord avaient la
capacité de déployer dans un délai de cinq ans des
missiles balistiques à longue portée et de les mettre en oeuvre
en ne laissant aux Etats Unis qu'un faible préavis d'alerte.
Présentée quelques semaines seulement après les essais
nucléaires indiens et pakistanais, l'analyse de la commission Rumsfeld
s'est trouvée immédiatement crédibilisée par le
tir d'un engin balistique nord-coréen
à trois
étages, de type Taepo Dong 1, le 31 août 1998.
Renforçant les avocats d'un protection contre la menace balistique, ces
événements ont entraîné une
double
réaction
.
Le 20 janvier 1999, le Secrétaire d'Etat à la défense, M.
William Cohen, redéfinissait la position de l'administration sur le
programme NMD. A la suite de l'expertise technique conduite sous l'égide
d'un groupe présidé par le général Welch,
l'objectif de déploiement était repoussé de 2003 à
2005. En revanche,
le programme passait en phase de développement et
d'acquisition
et se voyait doté de financements
supplémentaires, le budget initial de 4,9 milliards de dollars pour
la période 1997-2003 étant porté à
10,5 milliards de dollars pour la période 1999-2005.
Parallèlement,
le Congrès adoptait à une
écrasante majorité
(97 voix contre 3 au Sénat et 345
voix contre 71 à la Chambre des Représentants)
le
National
Missile Defense Act
prévoyant que serait
déployé, aussitôt que technologiquement possible, un
système de défense antimissile destiné à
protéger le territoire national américain d'une frappe balistique
limitée, qu'elle soit accidentelle, non autorisée ou
délibérée.
La Maison-Blanche renonçait à opposer son veto en échange
de l'adoption de deux amendements démocrates, l'un mentionnant la
nécessité de ne pas nuire aux négociations de
désarmement et l'autre assujettissant le programme aux autorisations
budgétaires annuelles.
Ainsi étaient définies de nouvelles bases pour la mise en oeuvre
du programme NMD.
b) Les nouvelles échéances du programme NMD
En
signant le
National Missile Defense Act
le 23 juillet 1999, le
Président Clinton définissait les
quatre critères
sur lesquels il fonderait sa décision de déployer ou non le
système de défense antimissile :
- l'évaluation de la menace,
- la faisabilité technologique du système,
- son coût,
- et divers éléments de sécurité nationale tels que
l'impact de la NMD sur le contrôle des armements, les relations avec les
alliés européens ou du Pacifique, les relations avec la Russie et
la Chine et les autres objectifs de non-prolifération des Etats-Unis.
Le programme NMD se trouve actuellement dans une phase préliminaire au
cours de laquelle ont été prévus trois essais
d'interception d'un missile balistique.
Le premier de ces trois essais, réalisé le 3 octobre 1999, a
été concluant puisque le véhicule d'interception terminal
(extra atmospheric kill vehicule - EKV)
destiné à
équiper l'intercepteur, lancé depuis les îles Marshall dans
l'Océan Pacifique, est parvenu à intercepter et à
détruire par impact direct la tête militaire d'un missile
intercontinental
Minuteman
tiré à quelque 7 000 km de
là depuis la base de Vandenberg en Californie.
Il faut toutefois préciser que cet essai ne mettait pas en oeuvre
l'ensemble des composantes de la NMD, puisqu'il s'est effectué sans
radars d'alerte, ni senseurs spatiaux ou système de commandement et de
gestion de l'engagement. L'intercepteur, monté sur un lanceur
différent du modèle envisagé, possédait les
coordonnées du missile assaillant et a été guidé
vers sa cible avant de la détruire.
En revanche, l'interception a échoué au cours du deuxième
essai conduit le 18 janvier 2000, semble-t-il en raison d'une
défaillance du système autodirecteur infrarouge de l'EKV,
quelques secondes avant qu'il n'atteigne sa cible.
Un troisième essai, initialement programmé au printemps, puis
repoussé à deux reprises, est actuellement prévu pour le 7
juillet prochain. Il s'agira du premier essai intégrant l'ensemble des
éléments du système, le lanceur demeurant toutefois un
modèle de substitution.
Bien que près d'une vingtaine d'essais d'interception soient
prévus d'ici 2007, cette série de trois essais revêt une
importance particulière puisqu'elle doit précéder une
" revue " du programme
(deployment readiness review)
menée par le Pentagone en vue d'évaluer techniquement le
système.
Cette évaluation, qui pourrait être menée avant la fin de
l'été, permettrait au Président des Etats-Unis de disposer
à l'automne de l'ensemble des éléments
d'appréciation pour décider s'il faut ou non engager les premiers
travaux de construction du système NMD.
B. UN PROGRAMME RAISONNABLEMENT MESURÉ DANS SES CHOIX TECHNOLOGIQUES, SES AMBITIONS ET SES IMPLICATIONS FINANCIÈRES
Bien
qu'issu d'une longue lignée de programmes de défense
antimissiles, le NMD s'en distingue assez nettement par son caractère
moins ambitieux, et donc plus réaliste, tant dans le dimensionnement du
système et les technologies retenues que dans ses objectifs et son
coût.
L'objectif déclaré ne concerne que la protection contre quelques
dizaines de têtes assaillantes au plus, que seraient susceptible de
développer et de perfectionner les Etats proliférants au cours de
la prochaine décennie. Sur le plan technologique, la composante spatiale
est abandonnée pour ce qui est des intercepteurs, et fortement
réduite en ce qui concerne les satellites de surveillance. Enfin, le
coût du programme semble à la portée d'un budget de la
défense en évolution favorable.
1. Les objectifs limités de la NMD
a) Un programme défini en fonction d'une appréciation de l'évolution de la menace balistique
A
l'appui de son programme de NMD, l'administration américaine
évoque la montée du danger représenté par les
" rogue states " tels que la Corée du Nord ou l'Iran qui
seraient capables, au cours de la présente décennie, de mettre au
point des missiles balistiques intercontinentaux susceptibles de frapper le
territoire des Etats-Unis en délivrant des armes de destruction massive,
nucléaires, biologiques ou chimiques.
S'agissant de la
Corée du Nord,
l'administration considère
que bien qu'infructueuse, la tentative, le 31 août 1998, de placer un
satellite en orbite à partir du tir d'un missile à trois
étages Taepo Dong 1, est révélatrice des progrès
accomplis par ce pays en matière de missiles à longue
portée, notamment en ce qui concerne la séparation des
différents étages et les technologies de guidage et de
contrôle.
Elle s'appuie sur le rapport du
National Intelligence Council
réalisé en septembre 1999 selon lequel, transformé en
missile balistique intercontinental, le Taepo Dong 1 pourrait délivrer
à l'encontre des Etats-Unis une charge militaire légère,
insuffisante pour porter une arme nucléaire mais adaptée à
une charge radioactive ou chimique de quelques kilogrammes.
Selon le même rapport, le Taepo Dong 2, doté d'une portée
de 3 500 à 5 500 km, pourrait être prochainement testé,
probablement dans les premiers temps comme lanceur d'un véhicule
spatial. Un Taepo Dong 2 à deux étages pourrait atteindre
l'Alaska et Hawaï avec une charge de plusieurs centaines de kilogrammes,
et la moitié ouest des Etats-Unis avec une charge plus
légère. Le même missile, doté de trois
étages, pourrait atteindre n'importe quel point des Etats-Unis en
portant une charge de plusieurs centaines de kilogrammes, c'est-à-dire
potentiellement nucléaire.
L'administration estime que ces capacités pourraient devenir effectives
à partir du milieu de la décennie. Elle souligne les moyens dont
dispose la Corée du Nord en matière d'armes chimiques et
biologiques et considère que l'arrêt des capacités de
production actuelles sur le site de Yong Byong depuis 1995 ne garantit pas
qu'elle ne pourrait construire une ou deux armes nucléaires à
partir de matières extraites précédemment, bien que cette
dernière hypothèse n'ait pas été non plus
démontrée.
Toujours selon les mêmes analyses de renseignement,
l'Iran
poursuivrait son programme balistique avec l'aide de technologies
nord-coréennes et russes. Après avoir testé le Shahab 3
d'une portée de 1 300 kilomètres, l'Iran pourrait ainsi
être dotée, avec le Shahab 4, d'un missile de portée
intermédiaire (2 000 km) vers 2002-2004 puis, avec le Shahab 5, d'un
missile intercontinental (3 000 à 5 500 km de portée) dans la
seconde moitié de la décennie (2005-2008). Le
développement de la portée de ces missiles pourrait être
envisageable avec une forte assistance étrangère.
Dans l'esprit de l'administration, le développement des capacités
de ces deux pays, ainsi que celles de l'Irak ou de la Libye, induit un risque
pour l'intégrité du territoire américain, ces Etats
risquant d'être moins sensibles au jeu traditionnel de la dissuasion que
ne l'était l'Union soviétique et susceptibles de ne pas
s'attacher aux dommages qu'ils subiraient en retour s'ils attaquaient les
Etats-Unis. Ces derniers pourraient alors faire l'objet d'un chantage,
l'éventualité d'une frappe balistique sur leur territoire pouvant
par exemple servir de moyen de pression pour stopper leur intervention dans un
conflit régional, en Asie ou au Moyen-Orient.
b) Les capacités de la NMD : une protection du territoire national contre une attaque de quelques dizaines de missiles balistiques
Telle
qu'envisagée par l'actuelle administration, la NMD est fondamentalement
limitée dans ses capacités, puisqu'il s'agit de stopper une
attaque de quelques dizaines de têtes tout au plus lancées par un
" rogue state ".
Les capacités du système se situent en effet nettement en dessous
de la dimension des arsenaux russe, britannique et français. Tel n'est
pas le cas pour l'arsenal intercontinental chinois, doté de 20
têtes nucléaires, mais la NMD n'a pas officiellement vocation
à parer une attaque d'une puissance nucléaire reconnue,
scénario qui entre dans le cadre du schéma classique de la
dissuasion. De même, l'hypothèse d'un tir accidentel d'un missile
russe n'est plus officiellement évoquée.
Limitée par le nombre de têtes qu'elle peut intercepter, la NMD se
voit néanmoins assigner la protection de la totalité du
territoire américain, c'est-à-dire des 50 Etats, Alaska et
Hawaï compris, cet objectif impliquant des contraintes spécifiques
en matière de localisation des sites de lancement.
EVOLUTION DES PROGRAMMES
DE DÉFENSE NATIONALE
ANTIMISSILES
|
Initiative de défense stratégique |
GPALS |
NMD |
Mission |
Protection contre une frappe massive de missiles balistiques soviétiques |
Protection contre un tir limité, accidentel ou non autorisé de missiles |
Protection contre une frappe très limitée provenant d'un " rogue state " |
Ampleur de la menace |
Plusieurs milliers de têtes |
200 têtes |
Quelques dizaines de têtes |
Laser basé dans l'espace |
Environ 10 |
Non |
Non |
Intercepteurs basés dans l'espace |
4 000 |
1 000 |
Non |
Intercepteurs basés à terre |
1 500 |
750 |
100 1( * ) |
(Source : Ballistic Missile Defense Organisation) |
2. Les composantes du programme NMD : des technologies éprouvées
a) Architecture du système et principe de fonctionnement
Tel qu'actuellement envisagée, l'architecture de la National Missile Defense reposerait sur cinq composantes : des radars d'alerte rapide, un radar à large bande (dit à " bande X "), une constellation de satellites de surveillance et des intercepteurs basés au sol.
(1) les radars d'alerte rapide améliorés
Les
Etats-Unis utilisent actuellement
5 grands radars d'alerte rapide
disposés sur leur territoire ou dans des pays étrangers, afin
de déceler les tirs de missiles balistiques. Ces radars, situés
en Alaska, au Massachusetts, en Californie, à Thulé au Groenland
et à Fylingdales au Royaume-Uni (Yorkshire) seront
améliorés afin de pouvoir repérer les têtes
assaillantes de manière suffisamment précise pour guider les
intercepteurs.
Les 5 radars d'alerte rapide améliorés
(Upgraded Early Warning
Radars)
auront donc pour mission de détecter et de suivre les
missiles lancés en direction des Etats-Unis.
(2) le radar " en bande X "
Dit
" en bande X ", en référence à la
fréquence (10 GHz) à laquelle il opère, le radar à
large bande possède une très haute résolution lui
permettant d'observer la forme et les autres caractéristiques de la
tête assaillante. Plus précis que les radars d'alerte rapide, il
devra être en mesure de distinguer la tête du missile de leurres ou
de débris apparus lors de la séparation des différents
éléments du missile, mais aussi d'évaluer la
réussite ou l'échec de l'interception.
Le radar " en bande X " doit être construit à Shemya,
aux îles Aléoutiennes, à l'extrême ouest de l'Alaska,
dans le Pacifique nord. Un prototype installé à Kwajelein, atoll
des îles Marshall, est utilisé pour les essais d'interception du
programme NMD.
Limité dans un premier temps à un seul exemplaire, le nombre de
radars " en bande X " pourrait ultérieurement être
notablement augmenté avec 3 exemplaires supplémentaires (en
Alaska, au Groenland, puis au Royaume-Uni) tout d'abord, puis 5 autres
installations sur les côtes Est et Ouest des Etats-Unis et
éventuellement en Corée du Sud.
En revanche, le rattachement à la NMD du radar en bande X Globus II dont
la construction est projetée en Norvège septentrionale à
Vardoe, est écarté, ce radar devant être consacré
à l'étude des débris spatiaux.
(3) Les satellites de surveillance
Les
Etats-Unis disposent déjà d'un réseau de satellites
d'alerte antimissiles balistiques. L'actuelle génération de
satellites d'alerte (
Defense support program),
dont la cadence
d'observation est assez lente,
doit être remplacée par des
satellites dotés de senseurs infrarouge
(Space Based Infrared Systems
- SBIRS)
permettant une détection plus précoce des tirs de
missiles.
Deux systèmes sont en cours de développement, sous la
responsabilité de l'US Air Force :
- le
SBIRS-High
, qui devrait prendre le relais des satellites actuels en
2008, est un système de 5 satellites en orbite haute, soit
géostationnaire, soit, pour la couverture de la région du
pôle Nord, elliptique, ayant pour mission de déceler les tirs de
missiles,
- le
SBIRS-Low
, envisagé à partir de 2010,
compléterait le réseau avec une constellation de
24 satellites en orbite basse, améliorant très sensiblement
les capacités de détection en suivant le missile tout au long de
sa trajectoire et en guidant les intercepteurs vers les têtes
assaillantes.
(4) Les intercepteurs
Eléments centraux du système de défense
antimissiles, les intercepteurs basés au sol
(Ground based
interceptors)
se présentent sous la forme d'un missile à
trois étages dont le dernier est constitué par un
" véhicule d'impact "
(Exoatmospheric Kill Vehicle)
destiné à détruire par collision la tête
assaillante.
Devant protéger l'ensemble du territoire des Etats-Unis à partir
d'un site de lancement tout d'abord, puis de deux sites ultérieurement,
les intercepteurs disposeront d'une vitesse très élevée
leur permettant d'atteindre, dans l'espace exoatmosphérique, leur cible
dans un délai inférieur à 15 minutes.
Se séparant du lanceur après sa sortie de l'atmosphère, le
" véhicule d'impact " sera guidé à partir des
informations fournies par les systèmes d'alerte et de surveillance mais
il disposera de sa propre camera infrarouge pour se diriger vers sa cible et de
fusées lui permettant de manoeuvrer. Il pourra frapper la tête
assaillante à une vitesse de 15 km par seconde (54 000
km/heures).
Dans la phase ultime du programme NMD, un nombre total de
250 intercepteurs est envisagé, réparti sur deux sites. Un
tir de deux intercepteurs est prévu pour chaque tête assaillante,
avec, si nécessaire, une seconde salve de deux intercepteurs en cas
d'échec du premier tir.
(5) Le système de gestion de l'engagement
L'ensemble de la NMD implique un système de gestion des
communications, du commandement et du contrôle de l'engagement
(Battle
Management, Command, Control and Communications)
.
Il intégrera le quartier général de la défense
aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD), situé à
Cheyenne Mountain, dans le Colorado, ainsi qu'un centre secondaire situé
sur le site de lancement. Les données issues des radars et satellites
d'alerte et de surveillance seront analysées pour déterminer la
nature de la menace, identifier la ou les têtes assaillantes et
définir les conditions de lancement des intercepteurs. Les informations
continueront à être exploitées durant la course de
l'intercepteur et transmises à ce dernier. Le système de
commandement et de contrôle déterminera également si une
seconde salve s'avère nécessaire.
(6) Le principe de fonctionnement
Le
concept d'opération de la NMD comporte trois phases :
- dans un premier temps,
les systèmes d'alerte repèrent le tir
du missile balistique et suivent sa trajectoire
. En schématisant, on
pourrait dire que les satellites, surtout avant la mise en service du
SBIRS-Low
, permettront la détection de la phase de lancement, les
radars d'alerte améliorés repérant les missiles dans leur
phase descendante, alors que le radar " en bande X " doit suivre avec
précision la trajectoire de la tête assaillante et la distinguer
des leurres ou débris divers,
-
deux missiles intercepteurs sont lancés pour chaque tête
assaillante
et bénéficient, durant leur course, des
informations recueillies en permanence par le centre de gestion de
l'engagement ; le véhicule d'impact possède sa propre
capacité de détection infrarouge et peut dévier de sa
trajectoire pour se diriger vers sa cible ; il détruit la
tête assaillante par impact direct (concept
hit to kill).
- après
évaluation du tir
, notamment grâce au radar
" en bande X ", et en cas d'insuccès de la première
salve, une
seconde salve de deux intercepteurs
est lancée
(principe
shoot-look-shoot)
; toutefois, en cas de délai
insuffisant pour procéder en deux temps, le tir d'une salve unique de
quatre ou cinq intercepteurs peut être envisagé.
ARCHITECTURE ET FONCTIONNEMENT
DE LA
NATIONAL MISSILE DEFENSE
(NMD)
(
Source : S.W. Young - Pushing the limits -
The decision on National Missile Defense -avril 2000
)
UEWR
:
Upgraded Early Warning Radar
- radar
d'alerte avancée amélioré
XBR
:
X-Band
radar -
radar " en bande X "
DSP/SBIRS
:
Defense support program
ou
Space-based infrared system
-
satellites de surveillance de génération actuelle (DSP) puis,
à partir de 2007-2008, SBIRS
GBI
:
Ground-Based
Interceptor
- intercepteurs basés à
terre
BMC3
:
Battle
Management Command Control and
Communications
- centre de gestion et de contrôle de
l'engagement
IFICS
:
In flight interceptor communications
system
- système de communications sur les intercepteurs en vol
b) L'échelonnement du déploiement dans le temps
Le calendrier de déploiement de la NMD a évolué avec le temps
(1) Le calendrier initial
Le
calendrier initial, établi en 1996, prévoyait une
montée en puissance de la NMD échelonnée entre 2005 et
2011
et distinguant trois phases :
- la
phase 1
(capability 1 - C1),
à l'horizon
fin
2005
, visait la mise en service opérationnelle d'un système
comportant
20 intercepteurs
situés en Alaska, la mise à
niveau des 5 radars d'alerte rapide existants, la construction du radar
" en bande X " à Shemya aux îles Aléoutiennes et
la mise en oeuvre de système de gestion de l'engagement ; cette
première étape devrait permettre de parer l'attaque de quelques
têtes assaillantes dotées d'aides à la
pénétration simples,
- la
phase 2
(capacility 2 - C2)
, à l'horizon
fin
2010
, consistait à passer de 20 à
100 intercepteurs
sur le site de l'Alaska, à mettre en service trois nouveaux radars
" en bande X " (en Alaska, au Groenland et au Royaume-Uni), ainsi que
le réseau satellitaire d'alerte
SBIRS-High
et
SBIRS-Low
; la phase 2 permettrait de stopper quelques têtes
assaillantes dotées de contremesures sophistiquées ou quelques
dizaines de têtes dotées d'aides à la
pénétration plus simples,
- la
phase 3
(capacity 3 - C3)
, fin 2011, verrait
l'achèvement de la NMD avec la construction d'un
second site de
lancement au Dakota du Nord
, portant à 250 le nombre total
d'intercepteurs, la construction d'un radar d'alerte et de cinq radars
" en bande X " supplémentaires ; cette phase donnerait au
système la capacité de stopper quelques dizaines de têtes
assaillantes munies d'aides à la pénétration complexes.
(2) Le calendrier révisé
L'administration a sensiblement revu ce calendrier à la
fin
de l'année 1999, envisageant une
phase 1
" élargie "
permettant, dès 2007, le
déploiement de 100 intercepteurs en Alaska, le passage à la
phase 2 ne jouant que pour le nombre de radars " en bande X " et
l'augmentation du nombre de satellites
SBIRS-Low.
Toutefois, le
déploiement initial de 20 intercepteurs en Alaska est maintenu
dès 2005.
Le tableau ci-dessous résume ces éléments de calendrier.
Calendrier de déploiement de la
NMD
envisagé par
l'administration
|
" Avant-phase 1 " |
Phase 1 élargie |
Phase 2 |
Phase 3 |
Date de déploiement |
2005 |
2007 |
2010 |
2011 |
Nombre d'intercepteurs |
20 |
100 |
100 |
250 |
Nombre de sites |
1 |
1 |
1 |
2 |
Radars d'alerte rapide |
5 |
5 |
5 |
6 |
Radars " en bande X " |
1 |
1 |
4 |
9 |
Satellites SBIRS-High |
2 |
4 |
5 |
5 |
Satellites SBIRS-Low |
0 |
0 |
6 |
24 |
Capacités des systèmes défense |
quelques têtes assaillantes munies d'aide à la pénétration simples |
plusieurs dizaines de têtes assaillantes munies d'aide à la pénétration simples |
quelques têtes assaillantes munies d'aide à la pénétration complexes |
plusieurs dizaines de têtes assaillantes munies d'aide à la pénétration complexes |
Source : Office budgétaire du Congrès - avril 2000
3. Le financement de la NMD : un effort à la portée du budget de la défense américain
Il est
difficile d'identifier précisément le coût du programme NMD
pour deux raisons :
- tout d'abord la NMD s'inscrit dans la lignée de
précédents programmes de défense antimissiles dont elle
bénéficie en partie, certains développements étant
en outre communs avec d'autres projets,
- d'autre part, la complexité de l'architecture du système et les
fluctuations du calendrier rendent assez aléatoires les
évaluations qui varient selon les organismes : Pentagone,
Congrès, experts.
.
Les estimations du Pentagone
Selon les documents remis à votre rapporteur par la
Ballistic Missile
Defense Organization (BMDO),
le coût de la NMD se répartirait
comme suit :
- 15 milliards de dollars pour la phase 1 élargie, de 2000 à 2007,
- 29 milliards de dollars pour la période 2007-2011,
- auxquels il faut ajouter 7 milliards de dollars dépensés entre
1993 et 2000.
Se fondant sur un budget global de la défense de l'ordre de 300
milliards de dollars au cours de la prochaine décennie, la
BMDO
estime que le coût du programme NMD ne dépasserait pas 1 % de
l'effort de défense américain.
.
Les estimations de l'office budgétaire du Congrès
L'office budgétaire du Congrès a effectué en avril dernier
une évaluation précise du coût du programme, en
considérant la période 1996-2015.
Le tableau ci-dessous résume les conclusions de cette évaluation.
Le
coût de la NMD sur la période 1996-2015
selon l'office budgétaire du Congrès
Types de coûts |
Phase 1 élargie |
Phase 2 |
Phase 3 |
Etudes, développement et construction
|
20,9
|
25,6
|
35,0
|
Total |
29,5 |
35,6 |
48,8 |
Système SBIRS-Low |
0,0 |
10,6 |
10,6 |
L'office
budgétaire du Congrès, qui retient toutefois une période
plus large que le Pentagone, aboutit donc à une évaluation de
l'ordre de
60 milliards de dollars jusqu'en 2015
, incluant le satellite
SBIRS-Low
, financé par l'armée de l'air, qui participe au
programme NMD mais aurait sans doute été développé
en tout état de cause.
Quelle que soit l'estimation retenue, il s'agit donc d'un programme
coûteux, bien qu'en deçà des dépenses
envisagées pour les programme
F-22
et surtout
Joint Strike
Fighter (JSF)
. Mais il demeure dans les possibilités d'un budget
d'investissement de la Défense en progression qui
bénéficie pleinement des excédents dégagés
par les finances publiques américaines.