AUDITION DE M. BERNARD KUNTZ,
PRÉSIDENT DU SNALC (SYNDICAT NATIONAL
DES LYCÉES ET COLLÈGES)
(10 FÉVRIER
1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Bernard Kuntz.
M. Jean-Léonce Dupont, président
-
Vous avez la parole pour un exposé liminaire avant de
répondre aux questions de l'ensemble des sénateurs.
M. Bernard Kuntz -
Si nous avons bien compris, il nous a
été demandé de nous présenter devant vous pour
aborder la question des personnels de l'éducation nationale et de leur
gestion. Nous avons essayé de décomposer cette
problématique en différents points. Bien entendu, je
répondrai avec grand plaisir à toutes les questions que vous
voudrez bien me poser.
Dans cette problématique, nous voyons d'abord le thème des
décharges syndicales, qui est relié à la question des
personnels présents devant les élèves ou non. Cette
question des décharges nous conduit à nous interroger sur
l'absentéisme des professeurs (je n'y vois aucune connotation
péjorative pour l'instant), sur la gestion des personnels,
accusée d'être trop opaque -ce qui sous-entend de se poser le
problème de l'autonomie, de la déconcentration et
éventuellement de la décentralisation des établissements
scolaires-, sur les programmes de la pédagogie -ce qui nous
amènera à nous interroger sur une éventuelle
réforme du système d'inspection.
Cela nous a amené à nous poser en quatrième point le
problème du temps de travail, et en cinquième point la question
des statuts des personnels de l'éducation nationale.
Concernant les décharges syndicales exclusivement -je vous prie de
m'excuser de commencer par là, mais on commence toujours par le point le
plus sensible- il faut savoir que le mode de calcul est fondé sur les
lois Le Pors de 1982. Le mode de calcul s'impose à toute la
fonction publique, toutefois les articles d'application à
l'éducation nationale font état d'une proportion de
décharges allouées à chaque organisation syndicale en
pourcentage, en fonction de ses résultats aux élections
professionnelles. Mais un second article parle de journées d'absence
accordées aux mêmes organisations syndicales, toujours en fonction
de leurs résultats aux élections professionnelles.
Le texte prévoit, pour tous les personnels d'éducation, la
possibilité de répartir 50 % de ces journées
d'absence octroyées en décharges complètes,
c'est-à-dire la transformation de ces journées en heures de
décharge. Depuis quatre ans, le chiffre a été
porté à 75 % pour les personnels enseignants, et rien que
pour eux dans l'éducation nationale, les autres personnels restant
à 50 %.
Nous voudrions attirer l'attention de la commission sur l'aspect important de
ce dispositif; et nous souhaiterions -nous le réclamons depuis
longtemps- que cette pratique soit légalisée, parce que la
pratique des journées d'absence présente de nombreux
inconvénients pour le fonctionnement même des
établissements. Il est très difficile, dans le dispositif actuel,
de convoquer des professeurs pour des réunions diverses, y compris
celles auxquelles l'administration les convie, sur des journées
d'absence, sachant que ces dernières ne seront pas nécessairement
remplacées.
Donc, nous souhaiterions que la pratique des 75 % soit officialisée
et ne fasse plus l'objet, chaque année, d'une révision qui
pourrait éventuellement devenir arbitraire. Nous voudrions aussi attirer
l'attention de la commission sur le fait que ces décharges syndicales,
d'une part font partie d'une règle de la fonction publique, mais d'autre
part ne sont pas nécessairement inutiles, sont l'occasion d'un travail
approfondi de la part des chargés syndicaux, et ne représentent
pas une grande part des professeurs réputés ne pas se trouver
devant leurs élèves.
Enfin, nous voudrions attirer votre attention sur le danger qu'il pourrait
éventuellement y avoir à une réduction de ces heures de
décharge : celle-ci pourrait avoir des conséquences sur les
équilibres syndicaux, qui ne seraient pas forcément perceptibles
de prime abord. L'actuelle pratique ministérielle des réformes,
contre-réformes, réformes, contre-réformes, circulaires,
contre-circulaires, entraîne une espèce de sur-régime dans
la pratique de la concertation, -terme auquel je mettrais des guillemets- et
qui, pour nous, représente une énorme charge de travail.
D'autre part, la déconcentration du mouvement des personnels, qui va
amplifier la complexité des procédures, demandera aux
organisations syndicales un surcroît d'effort et de travail pour mieux
servir les personnels. Il est évident que si des restrictions
apparaissaient dans les décharges, seules une ou peut-être deux
organisations parviendraient encore à fonctionner, et cela se traduirait
donc par une modification du paysage syndical qui n'irait pas dans le sens du
pluralisme. Voici pour la question des décharges.
Concernant la question de l'absentéisme des professeurs, les chiffres
qui ont été cités à diverses reprises -je parle
sous le contrôle de Jean-Claude Goui ici présent- sont faux.
M. Jean-Claude Goui -
J'ai travaillé au sein de la
commission Bloch, où j'ai représenté notre
confédération, et au Conseil supérieur de
l'éducation, où j'ai également l'occasion de siéger.
Sur cette notion d'absentéisme prise au sens large, en début
d'année scolaire nous avons eu l'annonce d'un chiffre global de
12 % d'absents. En fait, les travaux du recteur Bloch -ce n'est donc pas
uniquement notre position- ont conclu que le taux d'absence était de 3
à 4 % dans l'enseignement primaire ou
pré-élémentaire, avec une part d'incertitude, car ce sont
des chiffres collectés dans les départements et moins
centralisés que d'autres chiffres : 6 % au
collège ; 9,5 % en lycées, lycées techniques,
généraux ou professionnels.
Il faut savoir qu'il s'agit de pourcentages qui prennent en compte les absences
pour jury d'examen, et nous avons la faiblesse de penser que lorsqu'un
enseignant fait passer un examen et qu'il est dans un jury, il travaille ;
il n'est pas vraiment absent. Nous avons également conclu, avec la
commission Bloch, qu'un tiers de ces absences correspondaient donc à ces
périodes d'examens et que, pendant ce temps, les élèves
eux-mêmes en général passaient les mêmes examens.
Il est donc vrai qu'à ce moment-là, les collègues ne sont
pas dans leur établissement. Ils ne sont pas -heureusement pour la bonne
marche des examens- en présence de leurs propres élèves
mais, si j'ose dire, les deux partenaires, enseignants et élèves,
sont au travail même s'ils sont considérés dans ces
statistiques, au départ, comme absents.
Nous récusons ceci : nous ne sommes pas d'accord, y compris avec
les chiffres retenus par la commission. Nous en concluons donc qu'il y a
à peu près 4 à 6 % de professeurs absents, dont un
dixième environ en stage. Là aussi, on est loin des fameux
12 % pour "stages poterie".
Nous estimons que, dans un métier de plus de plus en première
ligne -on le voit avec les événements qui peuvent
désormais se produire presque tous les jours-, 4 ou 6 % de
collègues absents pour maladie ou éventuellement, dans certains
cas très graves, dépression ou difficulté à tenir
ce choc en première ligne, n'est pas un taux anormal ni
déshonorant. Cela nous paraît un taux correspondant à une
réalité, à une pratique professionnelle tout à fait
normale.
M. le Président -
Nous avons eu les données
du rapport Bloch.
M. Jean-Claude Goui -
Je vous donne un
éclairage... Nous ne sommes pas non plus tellement d'accord avec le
rapport Bloch lui-même.
Un second aspect est repris dans le rapport Bloch avec les conclusions duquel
nous ne sommes pas forcément d'accord. Il y a un handicap reconnu,
à savoir qu'au départ, dans le secondaire, les moyens en
remplacements sont inférieurs, justement, à ces 3 à
4 % incompressibles, ne serait-ce qu'en raison des arrêts maladie ou
congés maternité tout à fait réguliers, alors que
dans l'enseignement primaire, sauf lorsque ces moyens sont
détournés et mis dès le début de l'année en
charges à plein temps dans une classe, donc retirés de leur
rôle de remplacement en cours d'année, ces moyens de remplacement
couvrent à peu près, dès le départ, les besoins
d'un département.
Nous tenons à insister sur ce point. Dès le départ, il y a
un handicap pour le bon fonctionnement du système éducatif dans
le secondaire, puisque jusqu'à présent les moyens de remplacement
étaient inférieurs de 1 ou 2 %, dès le
départ, mécaniquement, aux besoins normaux constatés sur
plusieurs années.
M. Bernard Kuntz -
En matière de personnels,
l'opacité de la gestion nous semble appeler une réflexion sur la
déconcentration, sur l'autonomie des établissements, sur la
question des programmes et de la pédagogie en général.
Sur la gestion des personnels, et en particulier en ce qui concerne le
mouvement national, je rappelle que le SNALC, depuis le début, s'est
déclaré non opposé à une éventuelle
déconcentration du mouvement des personnels. Jusqu'à
présent, nous n'avons eu aucune opposition de principe à
l'idée d'une déconcentration permettant de donner davantage de
souplesse et de transparence à l'ensemble.
Cependant, depuis le début des réformes mises en place par
l'actuel ministre, nous avons fait remarquer que le dispositif adopté
l'avait été quasiment "à la hussarde", presque par
oukase
, sans concertation, et qu'il présentait en tant que tel,
et non pas en tant que déconcentré, un certain nombre
d'inconvénients de nature à rendre la gestion des personnels
encore plus opaque et difficile.
Nous pensons que le système en deux temps choisi par le
ministère, dans la mesure où il va engendrer, pour un grand
nombre de professeurs, une sorte de mutation à l'aveuglette sur des
zones géographiques fort larges, risque aussi à terme d'induire
une précarisation générale des postes des professeurs, peu
propice à un bon fonctionnement du système éducatif en
général. Nous voudrions également faire remarquer que
l'estimation du nombre de personnes travaillant actuellement dans
l'éducation nationale a été rendue impossible en partie
même à cause de la déconcentration des personnels
déjà effectuée.
Nous pensons donc que le dispositif choisi, tel qu'il a été mis
en place, n'apportera aucune amélioration aux difficultés
constatées en matière de gestion des personnels. Au contraire,
nous craignons même que ce dispositif n'engendre un surcroît de
difficultés et, de toute façon, un surcroît de puissance
syndicale dans la mesure où le mouvement, en particulier dans sa
deuxième phase, réclamera un soutien encore plus approfondi des
organisations syndicales pour conseiller les personnels.
Il est évident que la situation nous semble maintenant fort
délicate à tous points de vue, tant il est vrai que si le
fonctionnement s'avère aussi peu satisfaisant que nous le craignons, un
retour en arrière sera extrêmement difficile et serait, de toute
façon, perçu comme une victoire de toutes les forces
opposées à une éventuelle déconcentration.
Pour nous résumer, nous craignons que les difficultés
engendrées par ce dispositif ne rendent extrêmement difficile,
dans l'avenir, la mise en place d'une véritable déconcentration
qui fasse l'unanimité et qui soit performante.
Concernant l'autonomie et la déconcentration en matière
d'établissements, nous voudrions attirer votre attention sur
l'hostilité quasi-unanime de l'ensemble des professeurs au concept de
recrutement par le chef d'établissement. Il est à peu près
certain qu'un tel dispositif, dont on peut penser ce que l'on veut,
affiché comme tel, se heurterait à la désapprobation
unanime de l'ensemble des professeurs, et donc de leurs organisations, avec les
conséquences que l'on pourrait imaginer.
Nous voulons également attirer votre attention sur les
difficultés d'imaginer une décentralisation de
l'établissement scolaire, compte tenu des modes de fonctionnement de
l'éducation nationale. Je pourrai développer ce point s'il vous
intéresse. Nous craignons qu'un accroissement
"inconsidéré" de l'autonomie des établissements
n'entraîne de nouveau un surcroît de pouvoir syndical plutôt
qu'un assouplissement du système en lui-même.
En d'autres termes nous estimons, en tant qu'organisation syndicale, que si des
réformes de structure sont nécessaires, il y a quelque illusion
à s'imaginer que ces seules réformes de structure seraient de
nature à faire évoluer le système d'éducation. Nous
pensons qu'une prise de conscience d'ordre idéologique et politique est
nécessaire, et prioritaire sur la seule réforme structurelle.
Nous souhaiterions en particulier qu'à la seule question de l'autonomie
des établissements, on substitue les questions de la gestion
générale des flux d'élèves dans l'éducation
nationale, de l'allongement de la durée de la scolarité, de
l'accroissement du taux de scolarisation, du moule unique de la sixième
à la fin de la classe de seconde, de l'accroissement massif du nombre
des étudiants à Bac +1, Bac +2, Bac +3, sans
adéquation avec le système d'économie, et qu'on se pose la
question de la dépense nécessitée pour un tel
système, et de la réalité de son efficience en termes de
lutte contre le chômage et d'emploi pour les nouvelles
générations.
Cette question de l'autonomie et de la déconcentration en matière
d'établissements scolaires nous a amenés à nous interroger
sur la gestion des programmes et la gestion pédagogique du
système d'éducation. Nous tenons à signaler que nous
regrettons que l'inspection générale et sa
délégation, en l'espèce l'inspection pédagogique
régionale, ait été tenue quasiment à l'écart
de toutes les évolutions de ces dernières années en
matière de réflexion sur les programmes et le contenu des
enseignements.
En son temps, nous avons dénoncé à la fois l'envahissement
de l'IUFM par une idéologie pédagogiste, qui n'était pas
nécessairement contenue dans les orientations de l'inspection
générale. Nous avons aussi dénoncé
l'opération qui consistait à créer, en 1989, un conseil
national des programmes nommé exclusivement par le ministère,
sans référence à l'inspection générale en
matière de programmes. Nous avons par la suite demandé la
suppression pure et simple de ce conseil national des programmes.
Nous voudrions attirer votre attention sur l'extrême difficulté
des professeurs, à l'heure actuelle, de trouver de véritables
références dans le fouillis textuel qui nous assaille au
quotidien. Nous protestons également contre la raréfaction de
l'inspection, en estimant que "l'amenuisement" d'un organe institutionnel et
transparent d'évaluation des professeurs induit, par définition,
des risques sur la liberté pédagogique, pose des problèmes
quant à l'évaluation des professeurs et à leur
mérite, et ouvre la porte à de nombreuses dérives telles
que l'accroissement du pouvoir de la rumeur, et créée des
conditions de risque pour la liberté pédagogique. Là
encore, je pourrai développer ce point si vous le souhaitez.
Nous demandons donc que soit réhabilité un organe institutionnel
d'inspection, et qu'une réforme générale de l'inspection
soit entreprise, sous peine de dénaturer le système
éducatif dans son ensemble. Nous craignons par ailleurs que cette
dénaturation ait déjà commencé à travers la
réforme des lycées et la restriction des horaires et des
enseignements, telle qu'elle apparait lorsqu'on examine les derniers textes
issus du ministère.
Un dernier point : la question du temps de travail des enseignants. Nous
avons eu, aujourd'hui, les premiers résultats de la mission Zuccarelli
concernant les fonctionnaires.
Nous voulons, là encore, attirer votre attention sur la question du
temps de travail des professeurs. Nous estimons naturellement que ce temps de
travail est extrêmement difficile à déterminer en dehors
des heures devant les élèves, et que les modes de calcul dont on
peut se prévaloir ne sont pas nécessairement objectifs. Nous
serions en mesure à tout moment de fournir, à partir de notre
base, des chiffres qui ne correspondraient pas nécessairement à
ceux de la mission. Nous voudrions attirer votre attention sur l'extrême
lourdeur de la charge de travail des professeurs de l'enseignement du second
degré, en particulier en lycée.
Nous concevons quelque inquiétude en découvrant que les
préconisations de la mission induisent une augmentation de la charge de
travail des professeurs d'environ 300 heures par an. Il est clair qu'une
telle mesure, dans le contexte actuel, provoquerait un fort
mécontentement des enseignants, mais ne correspondrait pas du tout
à la réalité effective de leur travail, en particulier
dans l'enseignement secondaire. Je ne prends pas position pour l'école
élémentaire, ce domaine ne relevant pas de notre champ de
syndicalisation.
Enfin, nous voudrions attirer votre attention sur les statuts des personnels de
l'éducation nationale recrutés par concours nationaux. Ces
personnels considèrent qu'ils ont pris un engagement, et qu'en retour on
doit respecter leur statut.
Il est clair, au risque de paraître désuet ou corporatiste, qu'une
organisation comme la nôtre ne saurait admettre une remise en cause
arbitraire des statuts des personnels enseignants. Nous craignons de voir qu'un
certain nombre de réformes mettent plus ou moins en cause, à
travers le temps de travail et les objectifs mêmes de l'éducation
nationale, le statut et la mission des personnels de l'enseignement secondaire.
Le problème va bien au delà de la seule défense
corporatiste, dans la mesure où la liberté pédagogique,
qui est partie intégrante de l'enseignement secondaire, menacée,
serait de nature à entraîner la disparition de la tradition
même de la transmission des connaissances et des savoirs à
l'intérieur du système d'éducation, en ce qui concerne
l'enseignement secondaire.
Mme la déléguée du SNALC -
Puisqu'il s'agit
d'une mesure qui est en train de se mettre en place à titre
expérimental dans certaines académies, dont l'académie de
Lille, je voudrais revenir sur l'inspection.
A titre expérimental, on a mis en place, dans deux ou
trois académies (dont celle de Lille), des administrateurs
scolaires. L'administrateur scolaire est un super-proviseur qui a en charge
tout un réseau d'établissements correspondant, en gros, à
un bassin d'emploi (ce que l'on appelle bassin emploi-formation), un
réseau d'établissements allant de l'école primaire au
lycée inclus.
Le rôle de ces administrateurs scolaires serait tout simplement de faire
appliquer la politique prônée par le recteur, c'est-à-dire
que nous passerions d'un système qui était fondé sur la
pédagogie et l'inspection pédagogique -les inspecteurs perdraient
en grande partie leurs prérogatives- à un système qui, en
quelque sorte, privilégierait la politique. Bien entendu, ces
administrateurs scolaires ajusteraient la politique académique du
recteur en fonction du bassin d'emploi.
On pourrait également envisager de parvenir à des
différences très importantes entre les bassins d'emploi, et
à ce que l'enseignement transmis dans tel ou tel bassin de
formation-emploi soit extrêmement variable, non seulement d'une
région à l'autre, mais aussi d'une partie d'un département
à l'autre.
Nous considérons donc que ces administrateurs scolaires sont un
réel danger pour la liberté pédagogique, pour la
qualité de l'enseignement, et également pour la liberté
tout court : nous aurions affaire à un embrigadement de
l'éducation, de la maternelle à la terminale incluse.
C'était un point que je voulais préciser. Cela se fait
actuellement à titre expérimental dans l'académie de Lille.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Je reviens sur le
premier point que vous avez évoqué, à savoir les
décharges syndicales. Je n'ai pas très bien compris votre
revendication sur les 75 %. Pourriez-vous, en deux mots, nous
préciser ce point ?
Deuxième question : sur ces décharges, combien
d'équivalents temps plein avez-vous dans votre organisation sachant que
vous ne vous occupez que du second degré, et combien de personnes cela
représente-t-il effectivement ?
M. Bernard Kuntz -
On doit pouvoir vous donner les
chiffres.
M. Jean-Claude Goui -
Pour vous donner un ordre de
grandeur, cela correspondrait, pas uniquement pour l'enseignement secondaire,
mais pour notre confédération syndicale toute entière, y
compris le supérieur -il faudrait totaliser l'ensemble- sur toutes les
académies, à une cinquantaine de collègues qui, pour
certains, ont une heure ou deux de décharge.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Ce ne sont pas des
équivalents temps-plein.
M. le Président -
Par qui sont accordées
ces décharges ?
M. Bernard Kuntz -
Par l'organisation syndicale elle
même.
M. Francis Grignon, rapporteur -
J'ai le chiffre global.
Pour le second degré, il est de 861 équivalents temps-plein.
M. Jean-Claude Goui -
Pour notre organisation syndicale,
cela représenterait une vingtaine de personnes, au total, sur l'ensemble
de la France.
M. Bernard Kuntz -
Nous représentons 10 %
environ aux élections professionnelles, donc il est évident que
par comparaison avec un syndicat comme le SNES qui représente 57 %,
avec une charge de travail qui n'est pas nécessairement moindre...
M. Francis Grignon, rapporteur -
Même avec
10 %, on me dit que c'est 2 763 personnes dans le second
degré, soit 861 équivalents temps-plein. Vous devriez en
avoir au moins 300, 270...
M. Jean-Claude Goui -
Nous n'avons pas 86
équivalents temps-plein.
Je suis désolé, je n'ai
pas les chiffres. Nous avons un service qui s'en occupe, je peux vous les faire
envoyer si vous voulez.
M. Francis Grignon, rapporteur -
J'ai d'autres
questions, mais pourriez-vous revenir sur les 75 % ?
M. Bernard Kuntz -
Le mode de calcul des décharges
syndicales de la fonction publique est valable pour l'ensemble de la fonction
publique. On accorde, en fonction des élections professionnelles, un
pourcentage par rapport au nombre global des fonctionnaires. Ensuite,
l'éducation nationale attribue elle-même ses décharges en
fonction du résultat aux élections professionnelles qui ont lieu
tous les trois ans. Ces heures de décharge, qui sont données
en équivalent-poste (c'est-à-dire 18 heures pour un
certifié, équivalent temps-plein, 15 heures pour un
agrégé, 35 heures pour un IATOS) sont donc attribuées
proportionnellement aux résultats obtenus par chaque organisation aux
élections professionnelles.
Nous recevons donc globalement ces heures de décharge, et ensuite une
commission des décharges au sein de notre organisation répartit
ces décharges, et puis les académies. Je ne sais pas comment
fonctionnent les autres organisations de ce point de vue ; pour nous,
c'est une commission nationale qui se réunit en général au
mois de juin, qui attribue les décharges. Nous avons l'habitude de le
faire en fonction du nombre d'adhérents par académie, mais ce
sont des modes de calcul internes.
A propos des 75 %, l'application des décharges au sein de
l'éducation nationale se fait selon deux modalités : les
heures de décharge pour l'année et les journées
d'autorisation d'absence (non pas sur l'année mais pour telle ou telle
fonction, à l'occasion de telle ou telle réunion) que les
organisations peuvent prendre, le nombre maximum accordé à chaque
organisation étant toujours calculé en fonction des
résultats aux élections professionnelles.
Les textes prévoient que 50 % de ces journées d'autorisation
d'absence peuvent être transformées en heures de
décharge-année. Mais depuis quatre ans -ce dispositif a
été mis en place à l'époque de M. Bayrou-
l'usage a été de porter ce contingent de journées
d'absence en heures de décharge de 50 à 75 %, en raison des
difficultés à prendre des journées d'absence au sein de
l'éducation nationale. Par exemple, si tel collègue est
professeur dans tel établissement et qu'il n'a pas de décharge,
mais que, en tant que commissaire paritaire académique, il est tenu de
participer aux réunions des formations paritaires académiques
pour la carte scolaire, la promotion d'échelons pour certifiés,
le mouvement académique, le second mouvement...
M. Francis Grignon, rapporteur -
Cela donne davantage de
souplesse à la gestion...
M. Bernard Kuntz -
La difficulté est que, si cela
est pris en journée d'absence, le professeur est absent devant ses
élèves, et cela multiplie donc les absences ; or les
absences d'un jour ne sont pas remplacées.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Il faudrait
annualiser les absences.
M. Jean-Claude Goui -
C'est ce qui s'est passé
d'une certaine manière, puisqu'on a transféré des
journées en heures annualisées, de façon à
éviter cette difficulté. Mais dans la mesure où le texte
prévoit 50 %, l'usage des 75 % peut à tout moment
être remis en cause. L'année dernière, le ministère
nous a fait patienter jusqu'au dernier moment avant de nous dire si on
maintenait le dispositif des 75 % ou si l'on revenait aux 50 %.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Pourquoi ?
M. Jean-Claude Goui -
Ce que je sais, c'est que cela nous
a posé d'énormes problèmes, parce que nous devions
prévenir nos collègues pour savoir combien de décharges
ils auraient, pour qu'ils puissent prévenir leurs chefs
d'établissement, et nous n'avions aucune réponse du
ministère.
A cet égard, nous voulions attirer votre attention sur le fait qu'une
réduction importante des heures de décharge attribuées
à chaque organisation syndicale aurait probablement pour
conséquence d'empêcher quasiment des organisations moins
importantes de tourner, alors que des organisations plus importantes
continueraient probablement à exister tant bien que mal. Ce type de
mesure induirait des conséquences tragiques pour le pluralisme syndical.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Vous avez parlé
des absences et des absences qui n'en n'étaient pas. La formation
continue n'est pas une absence. Vous n'en n'avez pas parlé. Cela
représente-t-il beaucoup ? D'après vous, fait-on
suffisamment de formation continue ? Pour mieux gérer l'ensemble,
seriez-vous prêts à accepter que des heures soit payées en
plus des horaires normaux, sur lesquels on fait de la formation continue ?
M. Jean-Claude Goui -
Cela représente un
dixième de toutes les absences reconnues comme telles. Sur la
proposition d'assurer ces formations hors journées d'enseignement, cela
existe déjà. Beaucoup de stages, de journées de formation,
se déroulent le mercredi ou le samedi. S'il y avait obligation que cela
se fasse forcément hors journées d'enseignement, il est bien
évident que la compensation d'heures supplémentaires ou
complémentaires ponctuelles pourrait être envisagée.
M. Bernard Kuntz -
Bien entendu, nous n'avons
d'hostilité à l'encontre d'aucune évolution du
système d'éducation, pour peu qu'elle ne se fasse pas par la
contrainte. Nous ne serions donc pas opposés à ce type de
dispositif, à la seule condition que les professeurs ne soient pas
contraints à accepter des heures en plus de leur service, compte tenu du
fait que -je le répète-, contrairement à une
légende malheureusement trop répandue dans l'opinion,
peut-être en raison de certaines déclarations
ministérielles, les professeurs ne sont pas sous-employés, en
particulier dans les lycées, mais aussi dans les collèges pour
d'autres raisons. Ils ont déjà une quantité de travail
énorme.
Un professeur de lettres qui a deux classes de première à 38
élèves et deux classes de seconde avec le même effectif,
est littéralement proche de l'implosion en termes de quantité de
travail. On ne peut pas imaginer qu'il soit davantage surchargé sans
qu'il y ait une régression importante en termes de transmission des
savoirs.
M. le Président -
Les professeurs
d'éducation physique également, j'imagine ?
M. Bernard Kuntz -
On ne peut pas tout mélanger.
Les professeurs d'éducation physique ont des conditions de travail
extrêmement pénibles, mais pour d'autres raisons. En ce moment,
par exemple, je ne souhaiterais pas être professeur d'éducation
physique. Il fait beaucoup moins chaud dehors qu'ici...
M. le Président -
Je vous inviterai dans ma ville.
Je crois qu'ils y sont bien !
M. Bernard Kuntz -
Je comprends le sens de votre
réflexion. Il y a quand même un problème ; il s'agit
de corps de professeurs. Remettre en cause les horaires d'une catégorie
entraîne une remise en cause de l'ensemble. Il faut donc agir avec une
grande prudence.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Sur la
déconcentration, vous avez émis des réserves, en
disant : "Attention, on sera peut-être obligés de faire
marche arrière, etc." Si j'ai bien compris, vous pensez qu'avec cette
gestion locale, cela va peut-être encore multiplier les contraintes.
Avez-vous une idée des moyens, que va entraîner cette
déconcentration, du fait que les choses ne se décident plus au
niveau central ?
Je vous rappelle que l'objectif de cette commission est d'analyser les emplois
de l'éducation nationale. Faire cette déconcentration,
d'après ce que j'ai compris tout à l'heure, va signifier qu'au
lieu d'une réunion centrale à Paris, il y en aura dans chaque
académie. Quels sont les moyens supplémentaires que cela risque
d'entraîner ?
M. Bernard Kuntz -
Sur ce sujet, mon collègue a un
raisonnement qui pourra peut-être vous intéresser.
M. Jean-Claude Goui -
A priori, la déconcentration
du mouvement va se faire à moyens constants. Il va rester un travail
relativement limité à la centrale. Les deux tiers des personnels
de la rue de Châteaudun sont partis. Dans les rectorats, à notre
connaissance, il n'y a pas vraiment eu, globalement, de moyens
supplémentaires.
Les personnels des rectorats ont fait en décembre, en janvier, ou sont
en train de le faire, les actes de gestion qu'ils faisaient sur mai/juin les
années précédentes. Les mêmes personnels des
rectorats vont ensuite faire le mouvement déconcentré.
Peut-être qu'ici ou là, pour une ou deux personnes, on trouverait
des exemples de rectorats ayant reçu une personne formée à
la centrale qui a demandé ou accepté sa mutation, mais la
réponse est que, en gros, cela va se faire à moyens constants de
la part de l'administration.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Si les choses se
font dorénavant au niveau du rectorat, on va supprimer des postes
à l'administration centrale.
M. Jean-Claude Goui -
D'ores et déjà, je ne
m'engagerai pas sur le chiffre des deux tiers, mais une grande majorité
des personnels de la division des personnels enseignants de la rue de
Châteaudun ont été replacés dans d'autres services
centraux, ou ont dû demander leur mutation pour des rectorats. Le
personnel de la DPE a été en grande partie
transféré. Cela s'est fait à l'automne.
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Ce que vous
venez de dire me fait penser aux opérations de décentralisation,
qui n'ont pas fait baisser le nombre de fonctionnaires de la centrale, mais ont
obligé les collectivités locales à recruter pour assumer
les tâches nouvelles qui leur étaient confiées.
D'après ce que vous venez de dire, c'est un peu ce que vous vivez pour
la déconcentration du mouvement.
Vous avez évoqué le problème du temps de travail des
enseignants ; vous avez indiqué que pour votre syndicat il
n'était absolument pas question de toucher aux statuts.
Un problème a été évoqué fortement au sein
de cette commission : celui du temps de présence des professeurs du
secondaire devant les élèves. Si nous comprenons bien qu'un
professeur agrégé, qui a une formation supérieure et des
responsabilités plus importantes, ait un meilleur salaire, nous ne
comprenons pas que son horaire de travail devant les mêmes
élèves, et avec les mêmes responsabilités, soit
différent de celui d'un professeur certifié. Pourriez-vous donner
la position exacte de votre syndicat sur ce point ?
Concernant les chefs d'établissements, vous avez indiqué que vous
étiez tout à fait opposés -nous sommes nombreux ici
à partager votre point de vue- à ce que les chefs
d'établissements recrutent directement le personnel affecté
à leur établissement. Cela étant, pensez-vous que les
chefs d'établissements doivent avoir des prérogatives
vis-à-vis des enseignants ? Doit-on redéfinir le statut des
chefs d'établissements ? Doit-on transformer leur travail ?
Doit-on leur permettre de donner des appréciations sur le personnel
affecté à l'établissement ?
Troisième question : pensez-vous que le collège unique est
encore d'actualité ?
Concernant le collège, pensez-vous que la bivalence que nous avons aussi
très largement évoquée, doit être
définitivement abandonnée, voire la polyvalence, ou bien
reprise ?
Dernier point : vous avez indiqué, il y a un instant, l'exemple de
classes de première avec 38 élèves. Il est vrai que
cela existe. Comment expliquez-vous que le taux d'encadrement soit de un pour
douze et qu'il y ait des classes de 38 élèves en classe de
première ? Avez-vous une explication ?
M. Bernard Kuntz -
A propos des agrégés, il
y a un aspect technique que M. Jean-Claude Goui pourra
développer. Je voudrais répondre sur le fond. Le problème
que vous posez à propos des agrégés se pose depuis des
années. Pourquoi les agrégés ont-ils moins d'heures ?
On y joint en général la question de savoir si les
agrégés doivent enseigner ou non dans un collège
où, théoriquement, ils n'ont pas leur place. Voilà le
genre de discours auquel nous sommes confrontés.
Nous avons tendance à prendre le problème dans l'autre sens. S'il
existe, au sein de l'éducation nationale, un concours de recrutement de
niveau agrégation, qui est d'ailleurs une rareté par rapport aux
autres pays européens, l'existence d'un pôle d'excellence dans les
concours de recrutement des professeurs nous semble être une garantie -je
ne plaide pas pour ma paroisse parce que je ne suis pas agrégé-
de la haute qualification des personnels enseignants de l'enseignement
secondaire.
Il nous semble que cette éternelle question visant à
réduire ou à augmenter la charge de travail des
agrégés doit être en même temps
éclairée par la réflexion "Est-il utile ou non qu'il y
ait, pour le système d'éducation, un concours d'excellence comme
l'agrégation ?"
Il est évident que si l'on est opposé à l'existence
même de l'agrégation, revendication que certaines organisations
syndicales ont mise en avant il y a quelques années, je crois qu'il y a
lieu de s'attaquer à ce qu'il faut considérer comme des
privilèges. Si toutefois on est attaché à la
qualité du recrutement sous-jacent à l'existence de
l'agrégation, il me semble qu'il faut admettre que ces professeurs
bénéficient d'un traitement supérieur, et d'un horaire
correspondant à leur degré de qualification, à leur niveau
de préparation, et aussi -ne l'oublions pas- aux heures
attribuées pour une éventuelle recherche.
M. Adrien Gouteyron -
J'ai bien entendu ce que vous avez
dit des agrégés, mais je reprend vos propos. Au niveau de
qualification, soit. Il est normal qu'ils aient un traitement
différent ; on peut l'accepter. Un service différent pour le
même travail est plus contestable, non ?
M. Bernard Kuntz -
Dans ce cas, monsieur le
sénateur, si on veut absolument que les professeurs de lycée
aient tous le même horaire, nous suggérons d'aligner l'horaire des
certifiés sur celui des agrégés.
M. Adrien Gouteyron -
C'est une bonne position
syndicale !
M. le Président -
C'est-à-dire un effort
supplémentaire de la nation, en termes de coût.
M. Bernard Kuntz -
Ce n'est pas nous qui avons
posé cette question.
M. Adrien Gouteyron -
C'était simplement pour vous
faire préciser...
M. Jean-Claude Goui -
Sur un plan technique, nos
propositions ne vont pas tout à fait aussi loin. Mais si c'est un
problème d'égalité, autant mettre tout le monde à
12 heures plutôt qu'à 15 ou 18 heures.
Techniquement, nos propositions sont un petit peu différentes. Depuis
déjà trois ou quatre ans, nous avons déposé
des propositions d'aménagement des services en fonction du nombre
réel d'élèves par classes et des situations
concrètes des collèges. Nous avons déposé des
propositions qui, sans exclure tout à fait la possibilité pour un
agrégé de voir son temps réduit en présence de
classes particulièrement chargées, conduisent dans la pratique
les agrégés à rester à leur situation actuelle. Par
contre, que ce soit en lycée ou en collège, on donnerait la
possibilité aux autres professeurs ayant réellement devant eux un
grand nombre de classes, avec un nombre important d'élèves, et
avec un système dans lequel plus ils ont de classes de cette nature, de
leur accorder une réduction de service...
Notre proposition (très syndicale, je le reconnais) est plutôt
d'aligner, petit à petit chacun sur l'horaire des agrégés.
On n'a pas essayé de le faire en sens inverse. Cet alignement offrirait
pratiquement à tout le monde la possibilité de se rapprocher de
l'horaire des agrégés, mais en fonction de la
réalité concrète de service. Un certifié n'ayant
pas, dans son service, de classes avec un grand nombre d'élèves,
ne bénéficierait pas de notre proposition. Nous avons
essayé d'établir des propositions pas trop démagogiques,
allant vers la diminution des services des certifiés, et non pas
l'égalisation en ajoutant du temps de travail aux agrégés.
J'insiste sur trois problèmes ponctuels qui ne sont pas du corporatisme.
Il faut régler assez vite le problème des enseignants des
disciplines artistiques. Il faut reconnaître qu'ils voient défiler
une classe par heure ; on peut admettre qu'au bout de 20 heures en
collège, dans les situations actuelles, ce collègue passe de 20
heures à 18 heures ; c'est pour nous une priorité.
De même pour les collègues d'EPS : il faut reconnaître
-même si je sais que cette opinion n'est pas partagée par tous-
qu'ils ont la contrainte -même si de l'extérieur cela paraît
moins difficile que de donner un cours- de surveiller les vestiaires, de
transporter le matériel ; ils ont également des
activités physiques, pour ceux qui font leur métier,
évidemment. Donc nous ne considérons pas qu'il soit
forcément injuste de demander, pour eux aussi, un alignement sur le sort
des certifiés.
Pour répondre techniquement aux questions qui nous ont été
posée, concernant les agrégés, je crois que, sur le fond,
la réponse a été donnée. De plus, c'est en quelque
sorte un contrat. Le professeur agrégé -qui a
préparé et passé un concours difficile- sait au
départ, car cela fait partie du contrat, qu'il aura 12 heures
d'enseignement. Je ne suis pas sûr, mais je ne voudrais pas
répéter ce qui a été dit, surtout dans les
circonstances actuelles, que quelqu'un qui prépare l'agrégation,
apprenant que le temps de service serait aligné à plus
trois heures...
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Ne
pourrait-on pas imaginer que le contrat soit changé pour les nouveaux
recrutés ?
M. le Président -
Non, parce qu'ils demanderont à
être alignés sur les anciens.
M. Jean-Claude Goui -
Je ne suis pas sûr que, dans
ce cas, vous attireriez beaucoup de nouveaux candidats. Nous avons
éventuellement des propositions qui permettraient de progresser un peu.
M. le Président -
La motivation au concours est
donc proportionnelle à la durée de travail réel ?
M. Jean-Claude Goui -
C'est un élément.
M. Bernard Kuntz -
Je ne peux pas laisser dire qu'un
collègue passe l'agrégation interne pour travailler le moins
possible. La motivation légitime de ce collègue est la
volonté d'améliorer sa carrière, ses conditions de travail
et aussi, et pas accessoirement, sa qualification. Il est certain, et je le
maintiens, que les professeurs de lycée -en particulier dans certaines
disciplines- sont surchargés de travail. Ce n'est pas un hasard si
nombre de professeurs de philosophie, de lettres, de mathématiques et de
biologie souhaitent passer l'agrégation interne quand ils sont en
situation, parce leur charge est d'une extrême lourdeur, pour ne pas dire
insupportable.
M. Adrien Gouteyron -
Dans certains
établissements, sûrement !
M. Bernard Kuntz -
Sur les prérogatives du chef
d'établissement, nous pensons qu'il faut augmenter les pouvoirs des
chefs d'établissements, notamment en matière de traitement des
problèmes de violence, de discipline, de délinquance au sein des
établissements scolaires.
D'autre part, nous avons très souvent entendu la critique suivante
à propos des chefs d'établissement : ceux-ci seraient
obligés d'assumer une situation qu'ils ne seraient pas capables de
gérer dans la mesure où ils ne peuvent pas recruter leur
personnel, donc ils ne peuvent pas constituer des équipes
homogènes autour d'eux.
Le problème pourrait être résolu par un système de
déconcentration, mieux conçu que l'actuel. En particulier,
personne ne s'est jamais véritablement interrogé sur
l'opportunité de réfléchir à une
déconcentration sur une zone géographique plus restreinte que la
seule académie, et de savoir si, au sein de zones plus restreintes, il
n'y aurait pas des possibilités pour renforcer la cohésion des
équipes pédagogiques sur le terrain, et mieux les adapter aux
réalités locales.
En matière d'évaluation par les chefs d'établissement,
nous pensons que le chef d'établissement est tout à fait apte
à apprécier la présence du professeur, sa
ponctualité. Il est vrai que nous avons quelques réticences quant
au concept de rayonnement, qui ne nous semble pas particulièrement
clair.
Une chose est sûre : nous sommes catégoriquement
opposés à toute ingérence du chef d'établissement
dans la sphère du pédagogique pour des raisons qui nous semblent
évidentes : si le chef d'établissement est un ancien
professeur de mathématiques, je le vois mal allant voir ce qui se passe
dans la classe d'un collègue de lettres, et réciproquement. Nous
sommes ouverts à toute évolution dans les prérogatives du
chef d'établissement, à l'exception de la question
pédagogique ; nous souhaitons que celle-ci soit
réservée à une inspection entièrement
rénovée, réformée, et indépendante du
pouvoir politique.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Qui fait respecter
la discipline ?
M. Bernard Kuntz -
La capacité à faire
respecter la discipline dans la classe, c'est cela qui, selon moi, est
actuellement envisagé dans le concept d'autorité et de
rayonnement. Peut-être ce concept de rayonnement demanderait-il à
être précisé ? Un chef d'établissement est
parfaitement capable de déterminer si un professeur fait respecter ou
non la discipline dans sa classe. Etant entendu que dans certaines zones, je ne
suis pas persuadé qu'il soit seulement possible de faire respecter la
discipline dans une classe.
Là aussi, il y a peut-être une restriction à
apporter ; n'oublions pas que le système actuel de fonctionnement
de l'éducation nationale -nous ne sommes certainement pas les seuls
à l'avoir déjà remarqué- induit des comportements
tels que, en cas de difficultés dans un établissement, un grand
nombre de chefs d'établissement ont tendance à les
"étouffer" pour éviter que cela ne remonte trop haut et puisse
mettre en cause la réputation de l'établissement.
Il convient donc de prendre des précautions importantes pour que
l'accroissement d'éventuelles prérogatives du chef
d'établissement ne se traduise pas par une mise en cause
systématique du professeur à chaque fois qu'il y a des histoires,
pour éviter d'en subir soi-même les conséquences. C'est une
tendance du système : actuellement, quand un professeur est
confronté à des difficultés avec les élèves
-l'ensemble de nos collègues attire notre attention sur ce point-,
nombre de chefs d'établissement ont tendance à considérer
que le professeur doit être mis en cause. Les professeurs en ont assez
d'être les exclus du système d'éducation, et d'être
mis en cause pour leur "incompétence" à chaque fois que la
société oublie ses devoirs vis-à-vis d'eux.
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Sur les
collèges uniques et le taux d'encadrement ?
M. Bernard Kuntz -
Sur le collège unique, nous
estimons que la plupart des maux du système d'éducation actuel
provient de la réforme Haby de 1975, qui a instauré le
collège unique sous la pression d'organisations syndicales qui voulaient
promouvoir une certaine vision du système d'éducation.
Nous considérons que le collège unique pose d'énormes
problèmes, peut-être pas intégralement dans sa structure
initiale. Je concéderais qu'au départ, un certain nombre de
structures étaient destinées à éviter les
dégâts de l'hétérogénéité
généralisée.
Cependant, l'expérience et les faits démontrent que, sur la
structure du "collège unique", s'est greffé un esprit
égalitariste qui a dévoyé l'ensemble de la structure de
l'enseignement secondaire en induisant des inconvénients graves en
amont, à l'école élémentaire, par l'irruption du
pédagogisme et la généralisation de méthodes
douteuses sur le plan cognitif, et en aval, par la généralisation
de la mentalité du collège unique au lycée, qui sera
bientôt consacrée par le lycée unique adapté enfin
au collège unique triomphant.
L'hétérogénéité de la classe est un obstacle
à la pédagogie et à l'enseignement. Le dispositif
consistant à mettre tous les élèves dans un cursus unique
est un dispositif socialement condamnable, car il induit des effets
d'inégalité criants par adaptation sauvage, mise en place de
filières sauvages de classes "CAMIF", et par le fait tout simple qu'un
élève qui ne dispose plus de la possibilité
d'acquérir des connaissances à l'école, s'il ne l'a pas
dans la famille ou par l'héritage culturel, sera voué à
l'échec social.
Pour résumer ma pensée, le collège unique est pour nous la
structure par laquelle se créent la fracture sociale et les
inégalités les plus scandaleuses. Nous demandons d'urgence, et
nous l'avons dit depuis le début : ce n'est pas le lycée
qu'il faut réformer et reconstruire actuellement, mais le
collège. Si le collège était correctement construit et
organisé, il imposerait logiquement une refonte du lycée, mais
qui devrait intervenir après.
Le collège unique induit lui-même une distorsion complète
du système d'orientation, qui produit l'inflation que l'on sait dans les
cycles ultérieurs, un tassement pyramidal vers le bas de la transmission
des connaissances, une dévalorisation des diplômes, et donc un
échec général de l'ensemble du système
d'éducation qui ne répond plus à sa mission telle qu'elle
a été définie par Condorcet et par ses fondateurs,
à savoir la transmission des savoirs et l'égalité
républicaine devant l'accès à la connaissance.
Sur la bivalence, je donnerai une réponse syndicale où
j'introduirai un peu de souplesse pour vous faire plaisir. Notre réponse
est claire : nous sommes catégoriquement opposés à
toute réintroduction de la bivalence, même en collège.
Cette revendication est introduite subrepticement par des organisations
syndicales qui, ayant vu leur champ de syndicalisation se réduire
à néant, souhaiteraient retrouver par ce biais un potentiel de
développement. Nous sommes donc radicalement opposés à
tout retour de la bivalence, nous n'en voyons pas la nécessité.
Bien que je ne doive pas dire cela, compte tenu de ce que je vient d'affirmer,
je crois que nos élus, et le SNALC d'une façon
générale, sont prêts à certaines concessions, non
pas sur les principes, mais en matière d'adaptation.
Nous reconnaissons bien volontiers que, dans un établissement rural
où il y a très peu d'élèves, il est parfois
nécessaire de procéder à des ajustements. Chaque fois que
cela a été nécessaire, et souhaité par nos
collègues, nous n'y avons pas vu de mal, mais nous souhaiterions que
l'on en reste à ce type de pratiques et que l'on ne débouche pas
sur une réforme de principe. Nous craignons, là aussi, surtout
pour les effets induits.
M. Jean-Claude Goui -
Pour conclure sur cet aspect de la
bivalence, nous estimons que, pédagogiquement, il est nettement
préférable pour tout le monde -y compris pour les
élèves- qu'un professeur soit formé dans une discipline.
Et, si l'on peut discuter dans la pratique, il nous semble
préférable d'être formé dans une seule discipline,
plutôt que de disperser ses forces sur plusieurs disciplines.
M. Adrien Gouteyron -
Je serai sans doute quelque peu
brutal : ne pensez-vous pas que votre position est plus justifiée
quand on prend en compte une certaine catégorie d'élèves,
que l'ensemble des élèves qui entrent au collège ?
Cela rejoint peut-être d'ailleurs vos propos sur le collège
unique.
D'autre part, pensez-vous vraiment que, pour tous les élèves, il
vaut mieux des professeurs formés dans une seule discipline ?
M. Jean-Claude Goui -
Tout à fait. Nous constatons
même assez souvent que ce qui est décisif, qu'il soit monovalent
ou bivalent dans les secteurs particulièrement difficiles que vous
évoquez, c'est la valeur professionnelle du professeur. C'est
très clair.
Un professeur même monovalent, pas très à l'aise, peut
avoir des difficultés, je suis prêt à le reconnaître.
Nous constatons que parmi les collègues arrivant à
intéresser, à faire progresser les élèves en
secteur difficile, c'est souvent, à condition qu'il s'y accroche et
qu'il s'y forme bien, éventuellement le jeune agrégé
maîtrisant très bien sa discipline et apportant donc aux
élèves quelque chose qui sort un peu de l'ordinaire, qui passe
mieux. On a réfléchi au problème, et cela n'a pas affaibli
notre conviction de fond. Mais on trouvera toujours l'exception inverse, c'est
évident.
M. Bernard Kuntz -
Il m'a semblé percevoir un
sous-entendu dans votre question.
M. Adrien Gouteyron -
Pas du tout.
M. Bernard Kuntz -
Mais un sous-entendu tout à
fait intellectuel ! Je crois que la position que nous avons là est
à resituer dans le cadre actuel. Il est évident que nous ne
sommes bloqués sur rien. Si une vraie réforme du système
d'éducation, et en particulier du collège unique, intervenait,
nous sommes prêts à en examiner toutes les conséquences
éventuelles.
M. Jean-Claude Goui -
Sur les points auxquels nous
n'avons pas répondu, j'ajouterai ces quelques précisions Tous les
quatre ou cinq ans, nous essayons par une enquête auprès des
collègues, qui vaut ce qu'elle vaut, d'évaluer la charge de
travail qu'eux-mêmes supportent. Et comme il s'agit d'une enquête
interne, nous avons la faiblesse de penser qu'ils nous disent à peu
près la vérité ; il suffit aussi d'éliminer
éventuellement des extrêmes pour trouver un chiffre à peu
près valable.
Depuis une quinzaine d'années, en lycée, les collègues
nous disent que leur temps global de travail -les cours, la préparation,
la correction, les conseils de classe, sachant que cela peut varier aussi d'un
mois à l'autre- oscille entre 41 et 47 heures, 47 heures pour
les professeurs de lettres, une dissertation étant évidemment
très longue à corriger. Ce sont donc eux qui tirent vers le haut.
En gros, les collègues se situent à peu près dans ce
créneau de travail réel, en éliminant -je le
répète- les cas des professeurs qui effectivement travailleraient
un peu moins ou d'autres qui dépasseraient les 47 heures. Ceci pour
compléter ce que nous avons dit sur la charge réelle de travail.
M. le Président -
47 heures
hebdomadaires ?
M. Jean-Claude Goui -
Oui, tout à fait.
M. Serge Lagauche
- Faites-vous votre moyenne sur une année
complète ?
M. Jean-Claude Goui -
Nous faisons notre moyenne sur
chaque semaine de travail dans l'année. Les collègues raisonnent
par année réelle de travail. Pour chaque semaine hors vacances,
ils nous disent à peu près avoir une charge de travail de 41
à 47 heures. Ce n'est pas la moyenne sur l'année. Pour eux,
il s'agit de la charge de travail qu'ils ont pendant les semaines où ils
travaillent, pour les lycées.
En collège, c'est beaucoup plus variable. Il faut reconnaître
là encore, sans faire de démagogie, que dans certains
établissements très difficiles, les collègues qui le
souhaiteraient ont bien du mal à préparer ou corriger des copies.
Ils ont, hélas, à faire des interventions d'urgence très
différentes. Le temps de travail ne peut pas se mesurer de la même
manière. Il y a l'aspect de soutien des élèves, le stress
personnel, plus délicats encore à aborder. Voilà pour les
chiffres concernant les lycées.
Concernant le problème du fameux taux d'encadrement, globalement, il y a
une différence qui s'explique par le fait que ce taux prend en compte
tous les moyens d'enseignants d'un côté, et tous les
enseignés de l'autre. Mais c'est un taux qui correspondrait à
quelque chose d'impossible, comme si tout le monde travaillait et se prenait en
charge en même temps.
Or, pour les professeurs et les élèves qui travaillent par
discipline, vous avez forcément dans les emplois du temps des heures
où un professeur ne travaille pas, et où des élèves
travaillent, et inversement. Ce taux est donc fictif. C'est comme si, la
même heure, en même temps, tous les élèves
étaient occupés en présence du même
professeur : c'est fictif. Il y a une déperdition, une
répartition du travail. Ce chiffre serait valable si un seul professeur
accueillait tout le temps, dans toutes les disciplines, tous les
élèves. Cette globalisation n'est pas fausse, mais c'est un taux
fictif.
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Comment peut on
avoir, encore aujourd'hui, des classes de 38 ou 40 élèves,
et vous n'êtes pas les seuls à le dire puisque les lycéens
le disent dans la rue, alors qu'on les mettait en cause il y a 10 ans. Or,
d'après les chiffres communiqués par le ministère, il y a
beaucoup moins d'élèves et beaucoup plus de professeurs. Admettez
que cela puisse nous intriguer : ce maintien des classes à 38 et
40 élèves avec une diminution du nombre des enseignés
et une augmentation des enseignants.
M. Jean-Claude Goui -
L'une des explications est fournie
par les options qui font que, dans certains cas et dans certaines disciplines,
un seul professeur va prendre en charge un tout petit nombre
d'élèves. Nous sommes fermement attachés à
l'existence de ces options. En matière de gestion et de financement,
cela peut coûter cher. Mais qu'un professeur ait ici ou là trois,
quatre ou cinq élèves de latin ou de grec nous paraît
être un investissement pas forcément mauvais pour l'avenir. Un
professeur occupé une heure en présence de trois, quatre ou cinq
élèves dans une option ou une langue 3 fait forcément
baisser la moyenne.
Parallèlement, avec la dotation globale horaire, que nous n'avons pas
évoquée puisque nous sommes farouchement hostiles à ce
système réducteur, soit les chefs d'établissement
suppriment les options, et cela leur permet de baisser le nombre
d'élèves par classes -je schématise, le problème
étant en réalité très complexe-, soit ils
maintiennent un maximum d'options, ne serait-ce qu'à la demande des
familles, et inversement il faut charger davantage d'autres classes.
Voilà le principal point. Cela peut être ensuite une politique
d'établissement.
En gros, sauf à vouloir réduire le nombre de disciplines ou
d'options, ce qui fait à notre avis la richesse culturelle que l'on doit
aux élèves et à leurs familles, il ne peut pas y avoir
à chaque heure de répartition " militaire ".
Les chefs d'établissements, qui font de leur mieux, naviguent un peu
à mi-chemin entre les deux, essayant de maintenir les options, bien que
la suppression de celles-ci leur simplifierait parfois la tâche.
M. Adrien Gouteyron -
Une dernière question, qui
suppose une réponse très brève. Vous nous avez
parlé tout à l'heure des décharges syndicales de service,
du mode de calcul. Pensez-vous qu'en sus de ces décharges officielles,
il en existe d'autres, moins officielles ?
M. Bernard Kuntz -
Il est très difficile d'avoir
une réponse objective à une telle question. Nous le pensons, oui,
mais très honnêtement, nous sommes incapables de le prouver.
M. Adrien Gouteyron -
Je voudrais revenir sur la
déconcentration du mouvement. Si je suis bien informé, ce qui
n'est peut-être pas le cas, les règles qui vont régir le
mouvement à l'intérieur des académies, dont le
barème, sont établies sur des bases nationalement
édictées, ce qui pose une limite très claire à la
déconcentration et à son efficacité.
En tout cas, cela peut apparaître comme une entrave à la
nécessaire adaptation des choix qui permettraient de mettre dans tel
poste tel professeur ayant tel profil. Votre organisation est-elle favorable
à ce système, ou accepteriez-vous un système plus
réellement déconcentré, c'est-à-dire un
système dans lequel l'échelon académique, sans
définir cette notion, qui supposerait un travail avec les organisations
représentatives, aurait une plus grande marge de manoeuvre ?
M. Jean-Claude Goui -
Vous avez raison de faire cette
remarque. A la limite, cette année, les recteurs auront moins de pouvoir
qu'ils n'en avaient l'an dernier. L'an dernier, ils pouvaient nommer qui ils
voulaient dans les établissements sensibles. Cette année, y
compris dans ces établissements sensibles, particulièrement
difficiles, ils doivent se soumettre à ce barème. Ils ne peuvent
influer que sur quelques points, alors qu'à présent ils
décidaient eux mêmes. C'est même un recul pour les recteurs
par rapport à la déconcentration.
Effectivement, beaucoup de recteurs avaient préparé, sans porter
de jugement de fond, des barèmes académiques, et ils ont
été obligés éventuellement de les publier en
expliquant qu'ils l'appliqueraient dans trois ans si tout allait bien dans ce
sens là. Je ne suis pas sûr que le mouvement
déconcentré actuel ne soit pas un recul de ce point de vue, aussi
paradoxal que cela puisse paraître.
Pour l'instant, y a donc un barème académique commun
imposé à toutes les académies pour trois ans. Nous y
sommes favorables par souci d'équité. On peut critiquer un
barème, il y a forcément toujours des éléments
discutables : pendant des années nous avons plaidé pour que
cela tienne compte de la note pédagogique. Une évolution
égalitaire a emporté la chose. Nous sommes attachés
à l'existence d'un barème commun qui a au moins le mérite
d'éviter des inégalités ; le barème est connu
de tout le monde.
Je siège depuis une douzaine d'années dans les commissions
paritaires nationales. On a toujours muté mes collègues en
appliquant ce barème. On peut critiquer le principe, mais cela nous
paraît garantir une certaine équité, quelle que soit par
ailleurs la force de tel ou tel syndicat. Si fort que soit le syndicat, pour
l'instant c'est national et bien contrôlé par des personnels rue
de Châteaudun qui étaient très bien formés, qui
maîtrisaient parfaitement cela, et par des élus de toute formation
syndicale formés depuis longtemps, il ne pouvait y avoir de tricherie de
cette nature.
Sur ce qui pourrait se passer cette année dans telle ou telle
académie, c'est un autre problème. Nous ne sommes pas
fermés pour l'avenir. En particulier, nous admettons tout à fait
l'idée que certains postes particuliers...
M. le Président -
Les postes en ZEP ?
M. Jean-Claude Goui -
...soient des postes
particulièrement difficiles demandant peut être une
expérience et une qualification pédagogique particulière,
ou dans un autre ordre d'idée, des postes demandant une maîtrise
disciplinaire, un talent particulier. Il en existe déjà avec des
sections internationales par exemple. Nous ne sommes pas opposés
à ce qu'il y ait plus de postes à profil, cela ne nous choque pas
du tout. Du moment que les profils sont bien déterminés à
l'avance, et ne sont pas laissés au gré d'un choix local qui
aurait des arrière-pensées ; ce qui nous gênerait.
Pour un grand nombre de cas, on sait très bien que certains postes
n'étaient pas mis au mouvement par un recteur, ou qu'un poste avait une
étiquette particulière parce qu'il s'agissait de faire muter ou
de ne pas faire muter quelqu'un. Nous ne sommes pas opposés à ce
qu'il y ait un plus grand nombre de postes où le barème ne
jouerait plus. Nous nous distinguons de beaucoup d'autres d'organisations
syndicales sur ce point. Par contre, un barème identique pour tous sur
l'ensemble du territoire nous paraît présenter des garanties
d'équité que nous ne sommes peut-être pas prêts
à abandonner en échange de plus de souplesse.
De même le fameux argument qui explique que pour aller de Lille à
Roubaix, il n'est pas nécessaire de passer par Paris : l'avantage
que présentait le mouvement concentré est qu'il induisait une
égalité entre toutes personnes voulant aller à Lille,
alors que dans le système de cette année, la double phase ne nous
convient pas. Nous serions, dans ce cas, pour une déconcentration
totale, une seule phase, gérée par les académies, pour
aller dans votre sens, sous réserve de précautions techniques que
l'on a déjà élaborées.
Par contre, dans le cadre de ce qui va se passer, il y aura, qu'on le veuille
ou non, un avantage aux collègues déjà en place dans une
académie par rapport à ceux qui n'y sont pas encore. On peut
peut-être parler de préférence locale. Il y a
peut-être des arguments. Cela peut ne pas être choquant pour
certains. Mais nous ne sommes pas d'accord.
Pour l'instant, nous appartenons à des corps nationaux, sauf PEGC, corps
académiques ; mais pour les corps recrutés sur une base
nationale, nous pensons qu'il y a inégalité cette année.
Tous les collègues demandant leur mutation ne seront pas tout à
fait traités à égalité. Dans cette phase
intermédiaire, un bon mouvement national concentré aurait
été tout à fait possible. Nous avions de nombreuses
idées d'amélioration, et la suppression des postes
académiques aurait suffi à régler beaucoup de
problèmes de calendrier, d'affectations tardives de professeurs.
Cela dit, maintenant que l'on va déconcentrer, on ne va pas faire un
virage chaque année à 180 degrés. Il est clair que ce
système vaudra pour au moins trois ans. Les collègues vont
adapter leur stratégie, et l'on ne va pas l'année prochaine,
même si nous le souhaitons, dire "revenons en arrière et
reconcentrons tout" Quoi que l'on en pense, cela ne serait pas normal pour ces
collègues. Nous serions même assez, sous réserve que nos
propositions techniques soient retenues, pour une déconcentration
totale. Cela ne veut pas dire décision hors barème, ni
décision selon un barème qui serait très différent
d'une académie à l'autre.
Par contre, qu'il y ait plus de différences sur certains postes, ou que
ces postes plus nombreux qu'actuellement soient donnés au mouvement sur
des critères hors barème, nous en sommes tout à fait
d'accord. Nous sommes très ouverts sur ce point.
M. Bernard Kuntz -
Plus le point de chute
géographique du collègue muté serait restreint, plus on
pourrait envisager de la souplesse dans le barème, dans l'affectation
définitive.
Nous pensons que l'académie n'est pas le bon échelon pour une
déconcentration.
M. Adrien Gouteyron -
... Le département ?
M. Bernard Kuntz -
Nous le voyons plus restreint encore.
Pour les zones d'éducation par exemple, il y a là toute une
prospective intéressante qui permettrait de développer
l'autonomie de l'établissement.
M. le Président -
Nous vous remercions.