b) L'analyse de M. Christian de Boissieu
Le rapport adopté par la délégation de
l'Assemblée nationale pour l'Union européenne en décembre
1995 au sujet des problèmes monétaires européens, dû
à notre collègue député Maurice Ligot
(4(
*
))
, fait état de l'analyse
sensiblement différente de M. Christian de Boissieu, professeur de
sciences économiques à l'Université de Paris I :
" M. Christian de Boissieu (...) a déclaré à votre
rapporteur qu'il reconnaît l'ampleur des dévaluations
compétitives européennes, totalement sous-estimées par la
Commission européenne. Il reconnaît également la
sous-évaluation du dollar, dont le cours devrait, à ses yeux, se
situer aux alentours de 6,50 francs pour un dollar. Certes, les
dépréciations de la lire, de la livre et de la peseta, de
septembre 1992 à fin 1993, n'ont fait que corriger le mauvais
fonctionnement du SME depuis 1987. Mais, depuis le début 1994, ces
monnaies sont allées au delà du simple rattrapage et on peut
réellement parler de dévaluations compétitives. (...)
Seuls les comportements de compression de marge pratiqués par les
entreprises ont permis de maintenir les parts de marchés
françaises. Mais une telle situation n'est tenable que de façon
limitée dans le temps (un, deux ou trois ans au maximum), et les
problèmes ne feront que s'aggraver, si aucune solution n'est
trouvée. C'est pourquoi M. Christian de Boissieu ne partage pas le
point de vue de la Commission sur l'innocuité des dévaluations
(...).
" Pour M. Christian de Boissieu, la monnaie unique est nécessaire,
car elle permet d'optimiser le marché unique et de
rééquilibrer à terme, les forces monétaires
internationales. Mais la monnaie unique ne constitue pas une réponse
appropriée aux problèmes des dévaluations
compétitives. Dans le meilleur des cas, six ou huit pays participeront
à cette monnaie unique en 1999. (...) Pour M. Christian de Boissieu, il
faut interpréter les critères de convergence de façon
pragmatique, sans pour autant accepter de laxisme. (...). Il considère,
pour sa part, que, dans tous les cas, ni l'Italie, ni la Grande-Bretagne et ni
l'Espagne ne participeront à la monnaie unique dès 1999. De plus,
les marchés monétaires exerceront une pression à la baisse
sur leurs devises, qui se déprécieront encore plus. Loin de
régler le problème des dévaluation compétitives, la
monnaie unique les accentuera !
" Quelle est, par ailleurs, la solution envisageable pour les
relations
entre les pays participant à la monnaie unique et les autres ?
M. Christian de Boissieu constate, à cet égard,
l'impossibilité et l'inutilité de l'instauration de montants
compensatoires monétaires, demandés par certains industriels.
Pour lui, la solution préconisée par la Commission
européenne, à savoir la continuation de la surveillance
multilatérale, ne permet pas de résoudre les problèmes
urgents des entreprises. Il faut donc, selon M. Christian de Boissieu,
organiser les relations entre pays du noyau dur monétaire (premier
cercle) et pays de la périphérie (deuxième cercle). Pour
lui, il y a peu de chances que l'on retrouve, au niveau international, une zone
de stabilité monétaire dans les dix ans à venir: il faudra
donc s'accommoder de changes flottants. M. Christian de Boissieu se
prononce pour l'instauration d'un nouveau système monétaire
européen à bandes intermédiaires, de l'ordre de 7 ou
8 %. Les pays qui ne participeront pas à la monnaie unique devront
ainsi s'ancrer autour de la monnaie unique, et ainsi bénéficier
de sa crédibilité. "
L'analyse de M. Christian de Boissieu conduit donc à souligner plus que
ne l'a fait la Commission européenne, les dangers des
" dévaluations compétitives ".
Il convient toutefois de remarquer que la communication de la Commission
européenne du 16 octobre 1996 répond au moins en partie aux
préoccupations exprimées par M. Christian de Boissieu :
- elle prévoit d'organiser les relations entre le " premier
cercle " et le " deuxième cercle " par un nouveau
mécanisme de change ;
- si la marge de fluctuation envisagée reste importante ( 15 %),
il est prévu de pouvoir la réduire en fonction des progrès
de la convergence.
Par ailleurs, on peut souligner que les monnaies européennes
affectées en 1992 par des dévaluations de grande ampleur ont eu
tendance à s'apprécier dans les derniers mois, ce qui a quelque
peu atténué les distorsions de concurrence que celles-ci avaient
entraînées.