N° 135

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif à la hausse du coût de l'énergie,

Par Mme Françoise GATEL,

Sénateur

(1) Cette délégation est composée de : Mme Françoise Gatel, présidente ; M. Rémy Pointereau, premier vice-président ; Mme Agnès Canayer, MM. Cédric Vial, Fabien Genet, Mme Corinne Féret, MM. Éric Kerrouche, Gérard Lahellec, Mme Guylène Pantel, MM. Didier Rambaud, Pierre Jean Rochette, Grégory Blanc, vice-présidents ; MM. Jean Pierre Vogel, Laurent Burgoa, Bernard Delcros, Hervé Gillé, secrétaires ; M. Jean-Claude Anglars, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Max Brisson, Mme Céline Brulin, MM. Bernard Buis, Cédric Chevalier, Thierry Cozic, Mme Catherine Di Folco, MM. Jérôme Durain, Daniel Gueret, Mme Pascale Gruny, MM. Joshua Hochart, Patrice Joly, Mmes Muriel Jourda, Sonia de La Provôté, Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Jacques Lozach, Pascal Martin, Jean-Marie Mizzon, Franck Montaugé, Mme Sylviane Noël, MM. Olivier Paccaud, Hervé Reynaud, Jean-Yves Roux, Mmes Patricia Schillinger, Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Lucien Stanzione, Jean-Marie Vanlerenberghe.

INTRODUCTION

LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES CONFRONTÉES À LA HAUSSE BRUTALE ET DURABLE DES PRIX

Compte rendu de la réunion plénière du jeudi 8 juin 2023

Présidence de Mme Françoise Gatel, Présidente -

Table ronde : le coût des énergies et l'inflation subie par les collectivités territoriales

Mme Françoise Gatel, présidente. - Bonjour à tous. Je suis ravie de vous accueillir. Je vous remercie d'être venus ce matin au Sénat pour cet échange dans le cadre d'une table ronde sur un sujet, non seulement d'actualité, mais extrêmement important pour deux raisons. Nous sommes au coeur d'une transition écologique dans laquelle la question des énergies devient structurelle. Dans le projet de loi de finances, nous avons tenté d'intervenir pour adoucir l'inflation subie par les collectivités territoriales sur le coût de l'énergie. Nous savons que la fin de l'année 2021, dans ce contexte et compte tenu du début de la guerre en Ukraine, a été marquée par un impact important, chiffré à 15 milliards d'euros en année pleine pour les collectivités.

En 2022, la délégation a ainsi engagé un travail sur le coût de l'énergie et son incidence sur les collectivités territoriales. Bien que des mesures aient été mises en place et que les collectivités aient pris des dispositions pour réduire leurs dépenses en énergie, nous étions conscients de l'impact des hausses subies, incontournables et brutales. Nous avons matérialisé cet engagement par un rapport publié le 27 juillet 2022, intitulé « Les collectivités territoriales face à la hausse du coût de l'énergie ». Il s'agissait de sensibiliser l'ensemble des parlementaires à la charge qui allait peser sur les budgets 2022 et 2023. Nous avons également réalisé une consultation auprès des élus locaux, de concert avec la commission des Finances, pour éclairer ce débat. Plus de 1 200 élus ont participé et partagé leurs inquiétudes et les dispositions qu'ils comptaient prendre pour tenter d'atténuer ce choc. Nous savons que les élus locaux sont plutôt inventeurs de solutions que source de problèmes et qu'ils essaient toujours de trouver des réponses intelligentes aux hausses qui s'imposent brutalement à eux. Des mesures d'accompagnement ont été mises en place : un bouclier tarifaire, un amortisseur électricité, un filet de sécurité, une charte avec les fournisseurs et un prix de référence. Nous mesurons en 2023 l'effet de ces dispositifs sur les collectivités. Nous savons que l'aide des mesures gouvernementales ou législatives a des conséquences sur le résultat du compte administratif. Au-delà de l'énergie, nous avons souhaité élargir le champ d'investigation aux autres approvisionnements des collectivités. La mission de la délégation est de recueillir les bonnes pratiques et pistes d'évolution afin de les diffuser et les intégrer dans des dispositifs législatifs.

Je suis heureuse d'accueillir Madame Recrosio, directrice du marché d'affaires à la direction commerce d'EDF, Monsieur Jossa, président de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP), les groupements d'achats devenant déterminants pour pallier la hausse de l'énergie, Monsieur Leyenberger, maire de Saverne, et Monsieur Pont-Nouras, président du syndicat national de la restauration collective (SNRC). Chacun d'entre vous fera part de son approche du sujet, dans le contexte inflationniste que nous connaissons. Nos collègues de la commission des Finances seront attentifs à vos propos, car certains dispositifs mis en place dans la loi de finances 2023 ont certainement vocation à évoluer.

I. LE POINT DE VUE DES ACTEURS

A. L'ACCOMPAGNEMENT PAR LES FOURNISSEURS D'ÉNERGIE

Mme Nelly Recrosio, directrice du marché d'affaires à la direction commerce d'Électricité de France. - Madame la Présidente, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs, merci pour votre invitation à cette audition, qui me donne l'occasion de m'exprimer sur ces sujets importants pour les collectivités.

Nous avons connu une tendance haussière des prix du gaz qui a provoqué une hausse des prix de l'électricité. Cette hausse a débuté en 2021, avec la reprise économique post-Covid. Elle s'est accentuée en 2022 avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Ce phénomène a induit des augmentations très importantes sur le forward, à savoir le prix à terme vu en 2022 pour 2023. Par effet mécanique, cela a impacté les factures des consommateurs, collectivités et entreprises pour 2023, pour ceux ayant contractualisé au second semestre 2023. Ceux qui avaient contractualisé auparavant ont vu moins d'effet sur leur facture.

Les pouvoirs publics ont ensuite mis en place les mesures que vous avez évoquées, que je ne détaillerai pas : le bouclier tarifaire, le bouclier électricité, le suramortisseur pour les très petites entreprises (TPE) et pour les acteurs publics assimilés à des TPE, et l'amortisseur pour toutes les collectivités. Ces aides passent par la facture des fournisseurs. Le filet de sécurité, enfin, intervient directement entre l'État et les collectivités.

Nous avons accompagné nos clients collectivités et entreprises par trois grandes actions. La première correspondait à une phase d'explication, compte tenu de la complexité du dispositif. Nos équipes sur les territoires ont participé à plusieurs dizaines de réunions organisées souvent par les préfets, auxquelles beaucoup de collectivités étaient présentes. Nous avons également mis en place une ligne dédiée sur nos plateaux relations clients, une page web dédiée et une calculette permettant de calculer les aides sur notre site. Nous avons ensuite dû recueillir les attestations d'éligibilité. Ce programme relationnel a été déployé auprès de plus de 400 000 clients, afin de recueillir les attestations, les traiter, si possible automatiquement, prononcer leur conformité et appliquer les aides. Enfin, nous avons fait évoluer le système d'information afin d'inclure les aides dans les factures. Ces travaux ont été réalisés dans un temps extrêmement contraint. Nous ne savons pas ce que deviendront ces aides à partir de 2024. Le gouvernement a indiqué que le bouclier tarifaire serait prolongé jusqu'à début 2025.

S'agissant des prix, bien que nous ne puissions prévoir leur évolution, l'horizon porte sur trois ans. Nous savons que les prix ont commencé à baisser. Le forward de l'électricité navigue autour de 150 euros par mégawattheure pour 2024, 120 euros pour 2025 et 100 euros pour 2026. Un travail est conduit au niveau de l'Union européenne (UE) sur le market design, c'est-à-dire l'évolution du fonctionnement du marché. Celui-ci devrait prendre fin cette année. Il a deux grands objectifs, auxquels EDF ne peut que souscrire : d'une part apporter de la visibilité et de la stabilité au consommateur, en lui évitant d'être violemment impacté par les fluctuations que nous avons connues, d'autre part donner de la visibilité aux producteurs quels qu'ils soient pour investir dans la transition énergétique. Nous ne savons cependant pas quel mécanisme sera mis en place. Pour rappel, l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) prend fin en 2025 en France.

Sur le sujet de la sobriété et de l'efficacité énergétique, que les collectivités et les entreprises pratiquent depuis longtemps, dans une période où le prix de l'électricité et les factures sont particulièrement élevés, bien qu'amortis par les aides, ce sujet devient de plus en plus important. Le temps de retour sur investissement des travaux d'efficacité énergétique se réduit considérablement. Nous accompagnons tous nos clients dans cette démarche, par des outils de compréhension de la consommation, les certificats d'économie d'énergie (CEE), qui aident à l'investissement, le financement de grands programmes qui favorisent la rénovation des bâtiments et permettent de produire des CEE, ou encore l'action des filiales, qui accompagnent les clients dans leurs actions, comme Dalkia pour les contrats de performance énergétique, Électricité de Strasbourg dans la région Est, ou EDF ENR, qui propose des solutions d'autoconsommation. Disposer d'une solution d'autoconsommation de photovoltaïque ne conduit pas à consommer moins, mais à produire soi-même et consommer localement, ce qui a beaucoup d'intérêt au niveau du prix.

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