LOI N° 2014-856 DU 31 JUILLET 2014 RELATIVE À L'ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE
Sur les 61 mesures d'application prévues pour cette loi, 56 ont été prises . Le taux d'application de la loi est donc désormais de 93 %.
Analyse quantitative
Les nouvelles mesures réglementaires d'application prises concernent :
- l'article 3 de la loi, relatif au guide, adopté par le Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire, définissant les conditions d'amélioration continue des bonnes pratiques des entreprises de l'économie sociale et solidaire. Cette disposition prévoit notamment qu'à l'occasion de la tenue de leur assemblée générale annuelle, les entreprises de l'économie sociale et solidaire présentent des informations sur l'application des pratiques définies par ce guide. Cette obligation s'impose au plus tard deux ans après la publication du guide pour les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés et au plus tard un an après cette publication pour les entreprises d'au moins deux cent cinquante salariés, les modalités de calcul des effectifs autres que salariés présents dans l'entreprise devant être précisées par décret.
Ce décret a été pris le 24 novembre 2016 ( décret n° 2016-1593 ), et prévoit que, pour l'application des dispositions législatives, doit être ajouté au nombre des salariés présents dans l'entreprise au cours de l'année 2015, au titre des effectifs autres que salariés, le nombre de personnes ayant effectué dans l'entreprise une mission dans le cadre du service civique mentionné à l'article L. 120-1 du code du service national, calculé à due proportion de leur temps de présence au cours de l'année 2015 ;
- l'article 6 , relatif aux chambres régionales de l'économie sociale et solidaire, qui leur confie notamment le soin de tenir à jour et d'assurer la publication de la liste des entreprises de l'économie sociale et solidaire. Les conditions dans lesquelles cette liste est établie devaient être précisées par décret. Tel est l'objet du décret n° 2015-1732 du 22 décembre 2015 , aux termes duquel cette liste doit être établie au moins une fois l'an et doit recenser les entreprises de l'ESS dont le siège social ou l'un des établissements est situé dans le ressort territorial de cette chambre régionale. Le décret détermine également les renseignements d'identification ainsi que les éléments complémentaires figurant sur la liste ;
- l'article 25 , relatif au mécanisme de la révision coopérative. Plusieurs décrets destinés à préciser les conditions d'application de ce mécanisme, eu égard aux diverses formes de coopératives, étaient attendus. Certains ont déjà été pris au cours des années antérieures. Plus récemment, le décret n° 2016-1964 du 28 décembre 2016 relatif à la révision des sociétés coopératives de production d'habitations à loyer modéré est venu déterminer les règles applicables en la matière et fixer notamment les dérogations et adaptations nécessaires à ce mécanisme.
En revanche, le décret , prévu par le VI de cet article, ayant pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles les dispositions relatives à la révision coopérative sont applicables à l'Union des entreprises et des salariés pour le logement n'a pas été pris. La transformation de cette Union, par l'ordonnance n° 2016-1408 du 20 octobre 2016 relative à la réorganisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction, en un « groupe Action logement » constitué d'entités qui sont pour certaines des sociétés par actions simplifiées, conduit à rendre cette disposition désormais sans objet ;
- l'article 55 , relatif aux conditions de fonctionnement des unions de mutuelles ayant pour objet de faciliter et de développer, en les coordonnant, des activités sanitaires, sociales et culturelles. Le décret n° 2016-1715 du 13 décembre 2016 précise désormais les conditions de leur fonctionnement, en modifiant à cette fin la partie réglementaire du code de la mutualité ;
- l'article 70 , relatif aux titres associatifs dont le remboursement est conditionné à la réalisation d'excédents. L'arrêté destiné à fixer le montant de la majoration pour rémunération appliquée au taux majoré plafond est venu fixer à 200 points de base ce montant ( arrêté du ministre de l'économie et des finances et de la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire du 7 décembre 2016 fixant la majoration maximale de rémunération des obligations émises par les associations).
Les dispositions de l'article 51 de la loi, permettant au pouvoir réglementaire, par voie d'arrêté (trois arrêtés étant prévus), d'exclure certains risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, ou certains risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de la possibilité de conclure un contrat de coassurance avec des mutuelles et unions, n'ont pas donné lieu à un arrêté. Cette absence de mesure ne rend cependant pas pour autant la disposition inapplicable ; elle a seulement pour conséquence son application sans restriction.
En revanche, aucun des rapports que le Gouvernement devait remettre au Parlement n'a été présenté dans les délais impartis :
- en application de l'article 26, un rapport sur la création d'un statut des unions d'entreprises de l'économie sociale et solidaire (date-limite de dépôt fixée au 31 décembre 2014) ;
- en application de l'article 49, un rapport sur l'accès aux responsabilités des jeunes navigants dans les coopératives maritimes (date-limite de dépôt fixée au 1 er septembre 2015) ;
- en application de l'article 52, un rapport sur les droits et la formation des administrateurs de mutuelles ;
- en application de l'article 58, un rapport sur l'alignement des droits et obligations des administrateurs des sociétés d'assurance mutuelles sur ceux existants dans la code de la mutualité ;
- en application de l'article 67, un rapport d'évaluation des congés favorisant le bénévolat associatif et des possibilités de valorisation des acquis de l'expérience dans le cadre du bénévolat.
Analyse qualitative
Plus de deux ans et demi après la promulgation de la loi, la plupart des mesures d'application ayant été prises, une première évaluation de l'application concrète de certaines de ses dispositions peut être tentée.
- Le secteur de l'économie sociale et solidaire
La loi a permis de donner une forte visibilité à un secteur économique caractérisé par une grande diversité de structures juridiques (associations, fondations, coopératives, sociétés commerciales) animées par les mêmes valeurs , caractérisées à son article 1 er : un objet social qui n'a pas pour seul but le partage des bénéfices, une gouvernance démocratique, une gestion impliquant un réinvestissement de la majorité des bénéfices dans l'entreprise et des réserves obligatoires, impartageables ne pouvant être distribuées. On estime le secteur de l'ESS à 220 000 structures employeuses, représentant 2,3 millions de salariés et plus de 10 % du produit intérieur brut national.
La reconnaissance juridique de l'appartenance d'une entité à l'ESS lui permet alors de bénéficier de certaines mesures favorables, notamment l'accès à certains financements spécifiques pouvant être mis en place par des opérateurs publics tels BPI France.
- La gouvernance de l'économie sociale et solidaire
La loi a mis en place, au niveau national, trois instances . Deux sont chargées d'assurer la représentation de l'ESS : auprès des pouvoirs publics, pour ce qui concerne le Conseil supérieur de l'ESS (CSESS) ; auprès des différents acteurs de l'ESS, en ce qui concerne la Chambre française de l'ESS (« ESS France »). La troisième, le Conseil national des chambres régionales de l'ESS (CNCRES), est chargée de coordonner et de soutenir les chambres régionales (CRESS) sur le territoire.
Le fonctionnement de cette nouvelle gouvernance a fait l'objet d'une première évaluation par l'Inspection générale des finances en décembre 2016 , qui s'est en particulier intéressée au réseau des CRESS et au CNCRES.
Il en résulte que les CRESS sont encore en phase d'appropriation des nouvelles missions qui leur ont été confiées par la loi, démarche rendue plus complexe par la réforme de la carte territoriale qui a imposé la fusion de 16 CRESS. En outre, il apparaît que les CRESS peinent à assurer la représentation de l'ensemble des acteurs de l'ESS sur leur territoire, dans la mesure où tous les acteurs n'y adhèrent pas. Il n'en demeure pas moins que, conformément aux dispositions de la loi, les CRESS ont bien procédé à la mission première qui leur était confiée, tendant à récolter les données nécessaires à la constitution, par le CNCRES, de la liste des entreprises de l'ESS.
Le rapport de l'IGF questionne le caractère optimal du découpage de la représentation nationale de l'ESS , en pointant l'existence de « doublons » notamment entre les missions du CSESS et d'ESS France et en estimant que le CNCRES n'est pas en mesure d'incarner toute la substance du réseau local des CRESS. Le CNCRES n'en a pas moins mené plusieurs chantiers importants depuis 2014, qui ont renforcé son rôle.
- La délivrance de l'agrément « ESUS »
L'an passé, des difficultés avaient été constatées pour l'application de l'article 11 de la loi, qui a mis en place un agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale » se substituant à l'agrément « entreprise solidaire » en vigueur, afin de renforcer le contrôle sur les activités exercées et les modes de gestion et de financement des entreprises concernées.
En pratique, certaines DIRECCTE reconduisaient les conventions d'agrément antérieures sans tenir compte des modifications opérées par la loi qui ont eu pour but de renforcer les conditions d'agrément, en imposant en particulier un examen « qualitatif » de la notion d'« utilité sociale ». Un travail d'harmonisation des approches des différentes unités territoriales des DIRECCTE a été engagé, en lien avec la Direction générale du Trésor, afin de traiter de manière uniforme les demandes d'agrément ESUS et de s'assurer du respect effectif par les demandeurs des critères de l'ESS. Ce travail a donné lieu à l'édiction d'une instruction du ministre de l'économie et des finances et du ministre du travail du 20 septembre 2016, qui comporte des « lignes directrices » permettant d'apprécier le caractère significatif de l'impact des activités d'utilité sociale ainsi que le caractère démocratique de la gouvernance des sociétés commerciales de l'ESS. Cette mesure attendue devrait mettre un terme à des appréciations jusqu'alors très disparates selon les régions.
- Le financement des acteurs de l'ESS
Les solutions de financement spécifiques au profit des acteurs de l'ESS se sont développées et sont d'ores et déjà disponibles. Les acteurs ne se sont pas encore totalement approprié ces nouveaux dispositifs, ce qui témoigne encore d'un déficit d'accompagnement et d'information des acteurs de l'ESS sur les dispositifs de financement qui leur sont offerts, alors que la « culture » des acteurs de l'ESS (en métropole ou outre-mer) reste encore essentiellement celle du subventionnement.