EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 30 mai 2013, sous la présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente, la commission examine le rapport d'information sur les relations entre les producteurs audiovisuels et les éditeurs de services de télévision présenté par M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur .
Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Le groupe de travail animé par Jean-Pierre Plancade a élaboré un rapport d'information sur les relations entre les éditeurs et les producteurs dans le domaine des droits audiovisuels. Depuis les décrets Tasca, la télévision publique a été fortement encouragée à financer la création et la diversité, en renonçant à certaines de ses missions internes. En Angleterre, nous avons vu d'autres façons de gérer les droits audiovisuels. Dans nos rencontres officielles, les présidents de chaînes revendiquent parfois la possession des droits tandis que les producteurs demandent que l'on ne touche à rien. Comme nous sommes neutres et avisés, nous avons souhaité disposer d'un diagnostic fouillé.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur . - Nous avons longuement travaillé et beaucoup auditionné afin d'ouvrir quelques pistes. Pour approfondir la question des relations de la télévision publique avec les producteurs de programmes, notre commission s'est rendue l'an dernier à Londres, plus précisément à la BBC. Pour celle-ci, la production interne constitue une source de revenus (25 % de son chiffre d'affaires), une protection de ses valeurs éditoriales de service public d'avant-garde, une source d'innovation et d'ambition grâce à la taille de cet outil interne, et enfin le moyen de se constituer un catalogue de droits sur les programmes. La puissance et les atouts de la BBC nous ont impressionnés : des ventes de formats dans le monde entier, une fiction de bonne qualité qui s'exporte bien et une audience au rendez-vous. En France, à l'inverse, la fiction de première partie de soirée est à la peine face aux séries américaines, et le renouvellement de notre création est difficile.
Le système britannique est aux antipodes du nôtre, puisque France Télévisions consacre 95 % de son investissement à la production indépendante. 27 auditions et plus de 70 personnes rencontrées nous ont convaincus que la France pouvait s'inspirer de l'exemple britannique et que notre modèle méritait en partie d'être révisé.
Les quotas de contribution à la production constituent le premier pilier de notre règlementation. Leur taux est fixé entre 12 et 15 % du chiffre d'affaires pour les chaînes privées et à hauteur de 20 % pour le service public. Cette contrepartie de la gratuité de la fréquence hertzienne a pour objet d'enclencher un mécanisme vertueux en faveur des oeuvres audiovisuelles françaises, dont le succès assure des revenus aux chaînes obligées de les diffuser.
Deuxième pilier, les quotas de diffusion. Les grandes chaînes de télévision diffusent en première partie de soirée un minimum de 120 heures d'oeuvres européennes ou d'expression originale française, de sorte que les oeuvres françaises ne soient pas reléguées à des heures de faible audience.
Troisième pilier, les quotas de production indépendante. Les diffuseurs sont obligés de consacrer plus de 70 % de leurs investissements à la production indépendante. À l'origine, il ne s'agissait pas de faire vivre l'exception culturelle mais de mettre fin au monopole de la société française de production (SFP), qui constituait à l'époque un véritable corset pour les chaînes. Les décrets Tasca dans les années 2000 visaient à créer un tissu de sociétés de production fort et diversifié.
Le bilan de ces décrets est contrasté. Les quotas d'investissement et de diffusion sont très utiles. Après quelques très bonnes années pour notre fiction, l'arrivée des séries américaines a quelque peu modifié la donne, mais, sans les quotas d'investissement et de diffusion, la chronique de la mort annoncée de nos programmes serait ouverte.
Le bilan des quotas de production indépendante est moins satisfaisant, surtout depuis 2001. L'objectif de création d'un tissu solide et diversifié de production n'a pas été atteint. Le marché de la production est atomisé entre 2 272 sociétés de production, dont près de la moitié avec un seul permanent. S'agissant des grands groupes, en 2011, une seule des dix plus grandes sociétés de production européennes était française : TF1 Production, une filiale de chaîne ! Quant aux séries longues, pourtant au coeur des succès audiovisuels contemporains, à l'exception de Plus Belle La Vie , quasiment aucune n'a réellement émergé sur les chaînes gratuites. Enfin l'interdiction, depuis 2001, pour les chaînes de télévision, de disposer de parts de producteur dans les oeuvres indépendantes semble avoir amoindri leur intérêt pour la fiction, voire pour le documentaire.
Depuis 2001, une oeuvre coproduite avec un producteur indépendant est en effet considérée comme dépendante. Cette mesure visait à favoriser l'émergence de grands groupes de production indépendants, disposant de solides portefeuilles de droits, capables d'effectuer des choix de production audacieux. Ce scénario ne s'est pas déroulé comme prévu. Les producteurs ont constitué des catalogues de droits résiduels ; peu d'acteurs importants sont apparus et les grands diffuseurs continuent de financer 80 % de la fiction française, sans compter la part du Cosip (Compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels).
Ne tirant d'autre bénéfice d'une oeuvre que la publicité à sa première diffusion hertzienne, les chaînes apparaissent démotivées. Alors qu'elles prennent le risque d'audience et financent fortement les oeuvres, elles ne peuvent attendre de retour financier de long terme : ne constituant aucun catalogue de droits, elles voient les programmes qu'elles ont financés s'échapper peu à peu vers d'autres diffuseurs. Ironie du système, les oeuvres anciennes de France Télévisions peuvent être rachetées par l'INA (Institut national de l'audiovisuel), avec de l'argent public, sans qu'un centime revienne au diffuseur. Et si la chaîne veut rediffuser ces images... elle paie à nouveau.
La fiction française est difficilement rentable pour les chaînes privées gratuites, en partie à cause de cette mauvaise répartition des bénéfices et du manque d'audience. Aussi ont-elles demandé une baisse de leur quota d'investissement, aussitôt compensée par une augmentation de l'obligation de France Télévisions afin de garantir le financement global de la production indépendante. Aujourd'hui la société publique investit 20 % de son chiffre d'affaires dans les oeuvres patrimoniales et fait appel, pour 95 %, à des producteurs indépendants pour des oeuvres sur lesquelles elle ne perçoit aucun retour financier. Ainsi France Télévisions, qui apporte la moitié de l'investissement français, assume le risque de la production audiovisuelle tandis que le bénéfice, lui, est privatisé par un certain nombre de sociétés de production.
Comme dans le cinéma, l'exception culturelle doit reposer sur des mécanismes vertueux assurant à chacun la rentabilité de son investissement. La situation actuelle n'est pas satisfaisante. C'est pourquoi je propose que les parts de coproducteur soient rétablies pour les diffuseurs, comme avant 2001. C'est d'autant plus important que la diffusion par voie hertzienne des programmes reculera face à la diffusion numérique et en différé des oeuvres. La richesse ne tiendra plus à la fréquence mais au programme audiovisuel. Or les chaînes ne pourront plus financer les oeuvres sans les retours sur investissement non liés à la diffusion hertzienne.
Avec la télévision connectée arrivent de nouveaux acteurs qui échappent à toute réglementation, comme Google ou Netflix. Amazon ou HBO sont prêts à s'installer en France. Demain, la télévision pourrait connaître le sort de la musique dans les années 2000. Les suggestions du rapport Lescure permettant de soumettre ces acteurs à certaines règles seront très utiles, mais ne suffiront pas, il faudra être meilleurs. Le système actuel, marqué par l'éparpillement des structures de production, risque ainsi de ne pas résister aux rouleaux compresseurs américains, même si les chaînes se voient attribuer des parts de coproducteurs. Structurer réellement notre marché de la production suppose de créer de grands pôles de production, autour des diffuseurs ou de producteurs indépendants, peu importe, capables de tenir leur rang dans la compétition mondiale des programmes. Une production interne un peu plus forte renforcerait aussi France Télévisions.
Si notre tissu industriel n'est pas construit pour notre marché domestique, il le sera encore moins quand la concurrence sera mondiale. Aussi le groupe de travail propose-t-il de laisser davantage le choix aux diffuseurs de travailler avec des producteurs indépendants ou d'internaliser une partie de leur production.
Nous ne sommes pas tous d'accord sur le taux idéal. Une partie du groupe de travail penche vers un taux à 50 % pour toutes les chaînes. Il serait également envisageable d'aligner tout le monde, dans un premier temps, sur le taux le plus bas en vigueur, soit 60 % pour certaines chaînes de la TNT. Mes collègues diront où ils veulent placer le curseur.
Cette proposition ne remet pas en cause le modèle français, qui repose sur la production indépendante : d'une part, le taux de 50 % reste élevé (il est fixé à 10 % dans la loi anglaise), et, d'autre part, la plupart des chaînes prolongeront certainement leurs partenariats avec les producteurs. Mais la concurrence ainsi créée pourrait faciliter la recomposition du marché autour d'acteurs moins nombreux et plus solides. L'exception française doit ainsi s'appuyer sur une politique industrielle qui encourage cette concentration.
Enfin, on a longtemps pensé que les parts de coproduction étaient incompatibles avec une circulation fluide des oeuvres. Or, depuis 2001, on constate un effet inattendu. Les chaînes, qui n'ont absolument aucun intérêt financier à voir les programmes vendus sur le marché secondaire, utilisent tous les artifices pour geler leur circulation.
Le retour des parts de coproduction aurait un effet utile mais peut-être pas suffisant car les chaînes auront alors le pouvoir de négocier de longues périodes de droits. Soyons innovants. Les droits pourraient être libérés de manière anticipée si la chaîne qui a diffusé l'oeuvre ne l'exploite pas. Après une période assez courte d'exclusivité, prévue par les décrets, elle devrait ainsi choisir de diffuser ou de vendre des droits de diffusion. Les séries, qui sont particulièrement identifiantes, ne seraient pas concernées. Au contraire, la durée serait fortement réduite pour les documentaires, qui se périment vite. Un code de la profession définirait ces règles, comme le propose le rapport Lescure, sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) dont le rôle de régulation serait renforcé et que les auteurs pourraient saisir à ce titre.
Une obligation d'exploitation continue et suivie sur Internet devrait aussi être imposée aux producteurs. L'arrivée prochaine de la télévision connectée rend nécessaire que producteurs et diffuseurs mettent à disposition du public, en ligne, l'intégralité de leur catalogue de droits. Un véritable service public du numérique, même payant, serait ainsi mis en place, avec la diffusion rapide de l'ensemble des programmes financés par la redevance. Producteurs et diffuseurs seront obligés de s'entendre. La compétitivité de la France sera notamment liée à notre capacité à construire une offre exhaustive. Cette proposition, avancée également par le rapport Lescure, y contribue.
Il me reste à remercier tous les membres du groupe de travail.
M. David Assouline . - Voilà un rapport qui correspond exactement à la commande : dresser un état des lieux, établit un diagnostic précis et fouillé ; il fera référence et je vous en félicite. Nous pourrons apprécier toutes les options possibles pour arriver à une restructuration du secteur. Toutefois, le débat n'aboutira que si tous les maillons de la chaîne perçoivent leur intérêt et ne sont pas dressés les uns contre les autres. Quand j'ai lancé le débat à Biarritz, lors du Festival international des programmes audiovisuels, j'ai constaté les difficultés à faire bouger les lignes. Pour cela j'évoquais la nécessité du donnant-donnant. Auteurs et producteurs déplorent la non-circulation des oeuvres et les blocages, y compris au sein de France Télévisions, il faut évoluer là-dessus. Chaînes publiques comme privées, déplorent d'être trop écartées des parts de production, il faut aussi évoluer là-dessus. D'autant que pour France Télévisions la hausse des parts de production constitue une piste intéressante pour contribuer à l'équilibre de son budget.
Tout le monde peut et doit bénéficier du changement nécessaire.
À Biarritz, après une réaction forte, les producteurs se sont montrés ouverts à la discussion, car la situation n'est plus tenable.
Par ailleurs, pour parler de la nécessité de restructurer, il faut faire attention à ne pas mettre en avant que la nécessité de la concentration et de grands groupes compétitifs car si par une transformation trop brutale tous les petits producteurs mourraient, c'est l'ensemble du système qui dépérirait. Aussi l'instauration brutale d'un taux de 50 % d'internalisation pourrait être un facteur de déstabilisation. Plaçons plutôt le curseur à 30 % pour l'internalisation et 70 % pour l'externalisation. Aujourd'hui la production de France Télévisions est externalisée à 95 %. L'évolution serait déjà significative. Les chaînes privées verraient leur situation légèrement évoluer, tandis que les chaînes de la TNT resteraient à leur niveau.
Dans le donnant-donnant, la cession de parts de coproduction est la contrepartie d'une circulation facilitée des oeuvres. Or le rapport propose en plus l'internalisation. D'accord, mais attention au curseur pour que ce ne soit pas « une double peine » pour les producteurs.
Autre sujet, je veux préciser qu'à la BBC, le ratio n'est pas 90-10 mais bien 50-50.
M. Jean-Pierre Plancade , rapporteur . - J'ai dit qu'en Angleterre, la proportion était de 10 % pour les chaînes privées. La BBC est à 50 % de dépendant obligatoire plus 25 % au choix.
M. David Assouline . - Mais je veux dire qu'aujourd'hui, en Angleterre, la tendance est inverse, ils souhaitent externaliser davantage. Attention au croisement des courbes ! Ne jouons pas à contretemps des enjeux économiques. L'essentiel est d'avancer. Tous les acteurs doivent se mettre autour d'une table, car il n'y a pas les gentils et les méchants : tous les intervenants sont nécessaires à la création. Inutile d'écouter plus TF1 qu'un petit producteur, chacun doit être écouté. L'objectif est que notre secteur audiovisuel reste performant, y compris à l'international, avec une production de qualité. La multiplicité des petits producteurs n'est pas en soi un handicap. Elle constitue un élément majeur de la diversité de l'offre. Lors de la réforme de France Télévisions, nous étions attachés au maintien de petits et moyens producteurs assurant le pluralisme de l'offre. Oui à plus de concentration/regroupement dans le secteur de la production, mais pas au détriment de la diversité de l'offre.
Mme Colette Mélot . - Je salue le travail du rapporteur. De nos nombreuses auditions, il ressort un rapport important. Le groupe UMP ne se prononcera pas sur les points techniques. Le modèle français doit évoluer pour faire face à la mondialisation tout en soutenant la production indépendante. Des petits producteurs aux grands diffuseurs, chacun est conscient de la nécessité de s'adapter. La défense de notre compétitivité implique la création d'une industrie culturelle. Les regroupements s'opèreront naturellement, tandis que les petits devront être protégés. La réglementation devra évoluer tout en restant au service de l'exception culturelle. Une politique ambitieuse est indispensable.
Mme Catherine Morin-Desailly . - Notre rapporteur a su associer tous les membres du groupe de travail à chaque étape de la réflexion. Il a pris à bras le corps une problématique que nous avions effleurée en 2009, avec Michel Thiollière, dans notre rapport sur la loi sur la communication audiovisuelle, et qui a resurgi en 2011 lorsque nous avons réfléchi, avec Claude Belot, dans le cadre d'une mission d'information. Analysant les comptes de France Télévisions, nous constations que le global media n'était pas lancé, alors qu'il s'agissait d'un enjeu majeur de la réforme. En 2009, déjà, nous avions dit que l'ensemble des oeuvres devait pouvoir être consulté gratuitement sur tous les supports. L'obstacle tenait aux droits d'exploitation.
Comment justifier une hausse de la redevance si les services ne suivent pas ? Notre système, s'il n'est pas à bout de souffle, doit être repensé. Le moment s'y prête. La crise nous contraint à agir sans attendre les bras ballants. Le paysage audiovisuel est mondial. Pour s'inscrire dans cette compétition, il nous faut revoir certaines règles.
Je souscris aux propositions du rapporteur. Si la définition du bon taux reste en suspens, la production indépendante doit réaliser qu'elle se conforte en renforçant le secteur public. Une prise de conscience collective est nécessaire, les responsabilités sont partagées.
M. André Gattolin . - Je m'associe à ce concert de louanges adressées au rapporteur. Mon groupe se retrouve dans les propositions avancées. Connaissant l'audiovisuel de l'intérieur, je mesure les enseignements de ce rapport. Si nous avons voulu soutenir les producteurs indépendants, c'est aussi pour soutenir la production dans son ensemble et le secteur public. Le secteur souffre d'un manque de contrôle, de transparence, de régulation. Une grande partie des petits producteurs ne vit pas de son activité et exerce une autre activité. Trente sociétés de production concentrent 90 % des ventes. Trop de sociétés qui travaillent pour le service public ne publient pas leurs comptes. La transparence fait défaut. Est-il normal que d'anciens dirigeants de chaînes publiques partent avec des indemnités et des ordres de production garantis ?
Nous souhaitons des évolutions, non une révolution, pour que la télévision s'adapte aux défis auxquels elle est confrontée. Les mutations sont rapides : hausse de la concurrence internationale, télévision connectée, télévision sur internet, etc. Rien ne dit que la télévision, telle que nous la connaissons, existera encore demain. Un groupe comme Bouygues préfère désormais investir dans la téléphonie plutôt que dans la télévision.
Les chaînes doivent disposer de ressources propres, parce qu'il est très difficile de relever la redevance et que les recettes publicitaires baissent. Les chaînes ne développent pas seulement des programmes, mais aussi des marques qu'elles doivent pouvoir exploiter. Or certaines chaînes privées prospèrent aujourd'hui grâce à des productions financées par le service public. Nous avons besoin de plus de transparence. Le dernier contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions ne consacre qu'une page et demie au suivi de la production extérieure. L'on ne saurait occulter ainsi une question centrale.
Mme Marie-Christine Blandin , présidente . - Il conviendra de décrire avec précision dans le rapport final les chiffres concernant la BBC. De mémoire, la BBC réalise la moitié de sa production audiovisuelle en interne ; l'autre moitié est décidée par une commission indépendante en fonction de projets, mais avec un plafond : elle ne peut attribuer plus de la moitié des projets à la production interne, ce qui limite la part des productions interne à 75 % au maximum et 50 % au minimum.
Je partage l'avis de David Assouline : la concentration compétitive n'est pas une vertu en soi. Mais la diversité que nous voulions insuffler ne s'est pas traduite par une élévation du niveau culturel, mais par un foisonnement d'animations ou de sitcoms qui nous tirent parfois vers le bas. Nous voulons une diversité à haute valeur ajoutée, non du kit.
Le rapport ne cite pas le terme d'animateur-producteur. Pourtant cette notion mérite examen, ne serait-ce que pour des raisons de coût.
M. David Assouline . - Je rappelle que nous nous étions mobilisés en partant d'une réflexion sur le financement du service public.
Mme Catherine Morin-Desailly . - Pas seulement.
M. David Assouline . - Il y avait néanmoins consensus pour faire plus attention au service public. Or toutes les chaînes sont concernées par la réglementation, y compris, et c'est normal, les grands groupes privés en concurrence avec lui. Si les obligations baissent, ils en bénéficieront également. Nos collègues communistes souhaitent aller plus loin, presque revenir à la SFP, mais le privé aussi alors pourra tout internaliser. J'appelle à la vigilance : ne déstabilisons pas le système en déplaçant trop le curseur.
Enfin, ce rapport d'information n'avait pas pour ambition de fournir des préconisations mais d'éclairer, de définir des pistes de travail. Laissons la place à la discussion entre les acteurs.
M. Jean-Pierre Plancade , rapporteur . - Je partagerai vos louanges avec ceux qui ont travaillé avec moi. Premier constat, un consensus prévaut sur la nécessité d'une évolution, sur les parts de coproduction, et sur la circulation des oeuvres, qui fait partie du donnant-donnant. Tout en nous inscrivant dans la continuité de la commission, nous citons expressément les auteurs. Le débat porte sur la vitesse d'évolution. David Assouline propose un taux de 70 %, ce qui va déjà avoir des effets importants. En revanche plutôt que de double peine, parlons de double effet. Nous n'avons en aucun cas eu comme intention d'opposer les producteurs aux diffuseurs, le rapport le démontre bien.
Nos pistes de travail ne concernent pas uniquement le service public. Je le mets en avant avec force car il représente la moitié du paysage audiovisuel. Cette fois, il recevra des moyens, au lieu de subir des obligations.
Quant au taux, une piste serait d'instaurer des obligations différentes entre public et privé. Nous n'avons pas non plus prôné un modèle de production intégré, type BBC, où la production interne représente entre 50 et 75 % du total. Nous vérifierons. Animateurs-producteurs ? Le rapport n'en parle pas parce qu'il ne traite pas des émissions de flux.
M. David Assouline . - Cela ne fait pas partie du sujet.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - C'est vrai.
M. David Assouline . - Le terme crée une confusion...
M. Jean-Pierre Plancade , rapporteur . - Nous ne l'avons pas faite.
M. David Assouline . - ...qui rejaillit sur les producteurs.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur . - Bien sûr, il est toujours possible de ne pas fixer de taux. Cependant, nous avons considéré qu'il appartenait au Sénat de dire dans quel sens il faudrait aller. Nous avons une vision globale pour demain - la vôtre, je le reconnais, est extrêmement réaliste. Nous affirmons par exemple qu'il faudra renforcer les diffuseurs.
Certaines choses sont indéfendables. Le service public a produit des émissions que le producteur a revendues à l'INA et, pour utiliser des images quinze ans plus tard, le service public doit les payer de nouveau. Il a fallu que l'INA passe des accords avec l'Éducation nationale.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - C'est l'exception pédagogique. Il faut quand même payer...
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur . - Comment accepter que celui qui a apporté 80 % du financement et pris le risque, ne soit que locataire de l'émission pendant un à trois ans ? Nous sommes tous d'accord là-dessus. Nous avons proposé de placer le curseur à 50 %, ce qui était une solution médiane, y compris pour le groupe de travail. J'avais envisagé de s'aligner sur le taux le plus bas pratiqué, soit 60 % pour les chaînes de la TNT.
M. David Assouline . - Dans les faits, je crois qu'aucune chaîne de la TNT ne remplit les conditions pour se voir appliquer ce taux.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur . - La loi l'autorise. Nous voulons lancer des pistes sans revenir à la SFP : 50 % nous paraissent un juste milieu. L'essentiel est que nous soyons tous d'accord pour avancer et susciter un débat, étant entendu qu'il ne s'agit que d'ouvrir une possibilité de recourir davantage à la production dépendante.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - En conclusion, notre rapport comportera donc des pistes de travail et non pas des propositions formelles. D'autant que vous savez bien que service public et chaînes privées ne sont pas obligatoirement soumis aux mêmes règles, par exemple en matière de publicité. Si nous nous accordons sur la nécessité d'une évolution, son importance fait débat entre nous. Signalons enfin que le groupe CRC nous a envoyé une brève contribution, qui figurera dans le rapport.
La commission autorise la publication du rapport.