N° 351

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 février 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur l' étude de la Cour des comptes relative à la politique vaccinale de la France ,

Par M. Georges LABAZÉE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Noël Cardoux, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Odette Duriez, Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La vaccination en France a un peu plus de deux siècles. Contrairement aux idées reçues, l'obligation vaccinale n'existe pour sa part que depuis 1902, soit près de cinquante ans après sa mise en place au Royaume-Uni. Soucieuses de ne pas connaître avec ce nouvel instrument de santé publique le même échec qu'avec l'inoculation à la fin du XVIII e siècle, les autorités politiques du XIX e siècle ont suivi la politique définie par Joseph Fouché : « la douceur et la persuasion sont les moyens les plus efficaces pour faire le succès de la nouvelle inoculation » .

Même une fois l'obligation vaccinale entrée dans le droit, elle n'a concerné que cinq vaccins progressivement choisis pour lutter contre les maladies les plus graves susceptibles d'être éradiquées par l'immunisation de l'ensemble de la population. Après 1964, l'obligation vaccinale était abandonnée pour les nouveaux vaccins au profit de la recommandation.

Ainsi l'obligation vaccinale est comparativement récente et n'a jamais été très étendue. Elle est, de plus, devenue résiduelle, seuls trois vaccins (diphtérie, tétanos, polio) demeurant obligatoires. Pourquoi, dès lors, est-ce à elle que l'on pense quand on aborde la question de politique vaccinale ?

Plusieurs facteurs y contribuent. Le premier est générationnel : nous-mêmes, nos parents et nos enfants, avons connu la période d'apogée de l'obligation vaccinale dont les modalités étaient de nature à marquer les esprits. Beaucoup se souviennent des files d'appelés du service militaire qui recevaient en succession rapide l'ensemble de leurs injections nouvelles ou de rappel.

Le second est culturel. Même si la vaccination est une invention britannique, nous associons étroitement la modernité vaccinale aux découvertes de Louis Pasteur et de son école. La France, nous le verrons, est depuis les années 1880 un grand pays de vaccination.

Le troisième lien qui nous rattache à l'obligation vaccinale comme paradigme me semble le plus profond et peut-être le plus ambigu. Car l'obligation vaccinale est apparue quand est tombé l'un des fondements de la politique de persuasion du XIX e siècle : le déni du risque lié au vaccin. L'obligation légale a permis de lever les difficultés éthiques liées à la vaccination. Dois-je me faire vacciner contre une maladie hypothétique au risque de subir des effets secondaires immédiats ? La vaccination sert-elle mon intérêt ou celui des autres ? Concrètement, l'obligation lève les incertitudes. L'Etat assume le rapport bénéfice-risque et impose à chacun de participer à la préservation de la santé de tous.

Mais, qu'on le regrette ou non, le temps où les citoyens acceptaient de courir des risques parce que l'Etat l'imposait est révolu. Aujourd'hui, dans un contexte de circulation toujours plus rapide de l'information et de revendication de l'autonomie personnelle, l'autorité de l'Etat ne peut seule suffire pour imposer les choix collectifs en matière de santé et plus particulièrement en matière de prévention.

Est-ce à dire que le recours à la vaccination est un outil du passé ? Aucunement, car le vaccin est un médicament qui conserve toute son utilité et un secteur de recherche particulièrement prometteur. Mais pour un médicament moderne, il faut une politique moderne. C'est ce à quoi nous invite le rapport réalisé par la Cour de comptes à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat.

La commission des affaires sociales du Sénat a, à l'initiative de son rapporteur, adopté des propositions dont plusieurs rejoignent celles de la Cour des comptes :

- développer l'accès des populations en situation de précarité au vaccin ;

- simplifier le paysage institutionnel en matière de détermination de la politique vaccinale afin d'éviter les décisions contradictoires ;

- assurer rapidement la mise en place d'un carnet de vaccination électronique appuyé sur une base experte permettant l'individualisation des recommandations vaccinales et du suivi ;

- mettre en place l'enseignement de la prévention en matière de santé à l'école et développer celui de la vaccination dans le cursus des professions de santé ;

- renforcer la recherche publique sur les vaccins et notamment sur leur sécurité ;

- assurer les conditions d'une solidarité efficace pour l'accès aux vaccins des pays en développement.

I. UTILISER LA VACCINATION DE MANIÈRE ADAPTÉE ET ACCEPTABLE POUR LA POPULATION

En France, les maladies infectieuses qui ont durablement marqué les esprits et causé des milliers de morts aux XIX e et XX e siècles, la variole, la poliomyélite, le tétanos, ont été quasiment éradiquées (le nombre de cas de tétanos dans la population générale a été divisé par cinquante depuis 1946) grâce à la vaccination. Ceci a pu laisser penser que la vaccination n'était plus nécessaire. Certes, avec la baisse de la prévalence, le risque lié à certaines maladies infectieuses a considérablement diminué. Il demeure néanmoins plus important que le risque lié au vaccin lui-même. Dans un monde sans frontières, l'éradication d'une maladie en France ne procure que l'illusion de la sécurité. Tant qu'une bactérie ou un virus demeure présent dans le monde, et spécialement s'il est endémique dans les pays en voie de développement, les épidémies sont susceptibles d'émerger à nouveau rapidement et de manière dévastatrice en France si la population n'est plus protégée par l'immunité induite par le vaccin.

Deux constats découlent de cet état de fait. D'une part, la vaccination demeure un outil majeur de prévention. D'autre part, une politique de prévention nationale implique nécessairement un renforcement de notre solidarité avec les pays en voie de développement afin d'améliorer leur situation sanitaire.

Pour autant, la vaccination doit être utilisée à bon escient. Elle n'est pas toujours la stratégie la plus efficace pour lutter contre une maladie infectieuse. Comme l'indique le rapport de la Cour des comptes, c'est contre les virus que les vaccins se révèlent particulièrement nécessaires, l'action des antiviraux étant limitée. Mais même pour la protection contre les virus, l'étude du rapport coût-efficacité conduit à privilégier parfois d'autres stratégies thérapeutiques. Ainsi que l'illustre le rapport la Cour des comptes à partir du cas du papillomavirus, la combinaison du dépistage systématique et du traitement précoce peut s'avérer préférable à une vaccination de masse dont les conditions de succès (la détermination des conditions d'âge et de comportement permettant le succès de l'immunisation, la couverture exhaustive de la population cible, le respect des rappels de vaccination) sont difficiles à réunir.

De fait, la couverture générale de la population n'est plus la recommandation pour la plupart des vaccins. Les indications varient en fonction des situations épidémiologiques et des populations les plus à risque.

En dehors des périodes d'émergence de nouveaux virus dont la gravité et les « cibles » sont inconnues, les campagnes de vaccination massive sont désormais moins adaptées et moins bien perçues par l'opinion publique. Le bilan critique dressé par la Cour des comptes de la campagne de vaccination contre le virus H1N1 est significatif.

Il paraît donc essentiel d'adapter la vaccination aux besoins et aux attentes de la population sans renoncer pour autant à agir sur les perceptions pour lutter contre la propagande anti-vaccinale.

A. COMMENT VACCINER ?

1. Faciliter l'accès au vaccin

Le premier axe d'une politique vaccinale moderne doit être d'aller au plus près des populations dans leur diversité. La Cour des comptes recommande ainsi de permettre la vaccination dans les centres de prévention de l'assurance maladie, qui se consacrent désormais au suivi des populations précaires. Votre rapporteur souhaite que les modifications législatives et réglementaires nécessaires puissent être apportées à l'occasion de la prochaine loi de santé publique.

L'importance accordée à la vaccination doit également être accentuée au sein du système scolaire, la Cour préconisant la généralisation des vaccinations en milieu scolaire. Des dispositifs analogues doivent être étudiés à partir des services de médecine au sein des universités et avec la médecine du travail, certains salariés ayant d'ailleurs des obligations de vaccination spécifiques en lien avec leur activité.

2. Clarifier le rôle des instances participant à la prise de décision

La Cour des comptes insiste par ailleurs sur la grande complexité du processus de prise de décision, problème commun à toutes les questions relatives à la santé, mais accentué s'agissant de la vaccination. Votre rapporteur a auditionné les responsables des principales structures intervenant en ce domaine. Il a pu constater tant la grande expertise des personnes et la qualité du travail des équipes que la difficulté à délimiter clairement les frontières de compétences en matière vaccinale.

Or, comme l'a souligné le directeur général de la santé Jean-Yves Grall, il paraît important de distinguer les missions nécessaires à la définition d'une politique sanitaire efficace, qu'il importe de préserver et de réaliser de la manière la plus efficace possible, et les structures, qui sont susceptibles d'évoluer.

On peut distinguer quatre missions essentielles qui sont autant d'étapes dans la mise sur le marché d'un vaccin : l'autorisation de mise sur le marché en fonction du rapport bénéfice-risque, la détermination des recommandations d'utilisation et des populations cibles, l'admission au remboursement en fonction de l'amélioration du service médical rendu et la fixation du prix du médicament.

Or les structures actuellement en charge de ces missions sont distinctes, avec des statuts très variables, allant du simple comité d'expertise à l'autorité administrative indépendante, et des pouvoirs très variés, du simple conseil à l'autorité de police administrative.

Le schéma ci-après présente synthétiquement l'agencement des autorités sanitaires intervenant dans le domaine de la vaccination.

A la lumière de ses auditions, votre rapporteur estime possible de rattacher à la Haute Autorité de santé le Haut Conseil de la santé publique, dont fait partie le comité technique des vaccinations. A condition que celui-ci conserve sa capacité de réponse rapide aux saisines du ministère de la santé, cela permettrait de limiter les possibilités d'avis divergents sans nuire à l'efficacité de la procédure. Cette réforme d'ampleur aurait vocation à être débattue lors de la prochaine loi de santé publique.

Nom

Rattachement

Date de création

Missions dans le domaine de la vaccination

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

Agence sanitaire sous tutelle du ministère de la santé

La loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé a changé le nom de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) créée en mars 1999. L'Afssaps prenait la suite de l'agence du médicament créée en 1993.

Mise sur le marché des vaccins en fonction de leur rapport bénéfice risque.

Suivi de pharmacovigilance.

Financement d'études de pharmacovigilance.

Comité technique des vaccinations

Intégré au Haut Conseil de la santé publique, structure d'expertise dont le secrétariat est assuré par la direction générale de la santé

Un comité en charge de la vaccination existe depuis le début du XIX e siècle. L'intégration du CTV au HCSP date de la création de ce dernier par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

Elaboration des recommandations en matière de vaccination : population cible, nombre d'injections nécessaire et délais.

Commission de transparence

Intégré à la Haute Autorité de santé, autorité indépendante

Auparavant rattaché au ministère de la santé elle a été intégrée à la HAS lors de sa création par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

Recommandation sur l'admission au remboursement des vaccins en fonction de l'évaluation de l'amélioration du service médical rendu.

Comité économique des produits de santé

Organisme interministériel placé sous l'autorité conjointe des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et de l'économie

Loi du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire sous le nom de comité économique du médicament.

Fixation du prix des vaccins dans le cadre d'une négociation avec l'industriel.

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