III. ASSURER L'AVENIR DU DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLE PAR UNE AMÉLIORATION DE LA GOUVERNANCE ET LE RESPECT DE LA MIXITÉ SOCIALE

Au cours des auditions qu'ils ont menées dans le cadre de leurs travaux, il est apparu nécessaire à vos rapporteurs d'élargir leur réflexion au cadre de la gouvernance du DALO. Il semble que dans une large mesure, en effet, l'accroissement de l'offre sociale seule ne suffise à répondre aux difficultés de relogement des personnes prioritaires. Elle doit s'accompagner d'une meilleure organisation et d'un renforcement des outils de pilotage.

En outre, le DALO, qui conduit à reloger de nombreux bénéficiaires dans des franges du parc social déjà très paupérisées, pose très directement la question du respect de la mixité sociale, en particulier sous l'angle des opérations de rénovation urbaine.

A. RENFORCER LES CAPACITÉS DE LOGEMENT MAIS AUSSI L'EFFICACITÉ DES ATTRIBUTIONS

1. Une condition nécessaire mais insuffisante : développer l'offre locative adaptée
a) Accroître l'offre très sociale sur les territoires insuffisamment dotés

Nul doute que l'une des conditions de réussite du DALO soit une hausse sensible de la construction de logements sociaux. A l'échelle de la France entière, on estime qu'il existe une pénurie de 900 000 logements, le nombre de logements à produire pour répondre aux besoins et résorber le déficit étant évalué à environ 500 000 par an. Certes, le plan de cohésion sociale 2005-2009 n'a pas été sans contribuer à la progression de l'offre sociale. Cependant, l'offre demeure non seulement insuffisante mais aussi inadaptée au regard de son accessibilité financière et de son implantation géographique.

L'insuffisance de l'offre sociale apparaît particulièrement marquée en Île-de-France, où l'on dénombre chaque année 450 000 demandes pour seulement 70 000 attributions.

Cette situation ne permet pas de faire coïncider le délai « anormalement long » d'attente pour l'obtention d'un logement social, défini en fonction des circonstances locales (trois à cinq ans en Île-de-France et en outre-mer, dix ans à Paris) avec un niveau acceptable au regard des besoins de la population.

Dans les zones tendues, l'engorgement des filières d'accès au parc social a des répercussions sur l'ensemble du système d'accès au logement et fragilise la cohérence des parcours résidentiels. L'insuffisante fluidité de l'offre sociale, dont le taux de rotation dépasse péniblement 6 % dans les zones tendues comme Paris, pénalise fortement les ménages qui connaissent le plus de difficultés pour accéder à un logement stable . La croissance limitée du parc ne permet pas de compenser les effets induits par cette baisse de la mobilité résidentielle.

Au regard de l'accumulation de ces graves retards, vos rapporteurs ne peuvent que regretter le désengagement financier de l'État dans le domaine du logement social. Au cours des dernières années, tandis que la croissance de l'offre locative sociale a été limitée par les ventes de logements du parc social et par les démolitions intervenues dans le cadre des programmes de rénovation urbaine, l'effort budgétaire en faveur de l'accroissement et de l'amélioration du parc locatif social n'a pas été à la hauteur des enjeux.

Pour s'en tenir à l'année 2012, les crédits alloués en loi de finances à la construction locative et à l'amélioration du parc ont connu une baisse significative. Les crédits du programme 135, « Développement et amélioration de l'offre de logement », qui regroupe les aides à la pierre, pâtissent en effet d'une baisse de l'ordre de plus de 7 % en autorisations d'engagement et de 27 % en crédits de paiement.

La réduction du financement budgétaire a reporté la charge des interventions publiques sur les collectivités territoriales, dont le niveau de subventions dans le financement des logements PLUS et PLAI n'a cessé de gagner en importance, et sur les organismes d'habitations à loyer modéré eux-mêmes.

Cette évolution s'inscrit dans la continuité d'une forte diminution depuis 2002 de la subvention budgétaire de l'État pour la construction de logements sociaux alors que l'augmentation du prix du foncier et des coûts de construction a très fortement accru le coût de construction d'un logement social . La subvention unitaire de l'État passe entre 2011 et 2012, de 800 à 600 euros pour les PLUS et de 10 800 à 9 600 pour les PLAI.

Évolution de la subvention budgétaire de l'État

(en euros courants par logement, hors subvention pour surcharge foncière et prime spécifique en Île-de-France)

PLUS (neuf)

PLAI (neuf)

2002

5 756

15 582

2004

2 445

11 757

2006

2 463

12 007

2008

3 003

13 859

2010

1 872

11 996

Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur pour avis de la commission de l'économie du Sénat, sur le projet de loi de finances pour 2012.

A cette insuffisance quantitative de l'offre, s'ajoute son inadaptation aux besoins exprimés dans le cadre de la mise en oeuvre du DALO. L'inadaptation est à la fois financière et géographique :

1) L'inadaptation financière se traduit par une production déficitaire de logements très sociaux et par des loyers déconnectés des revenus des ménages prioritaires. Entre 2000 et 2010, la hausse du nombre de logements sociaux est en grande partie due (à concurrence de 46 %), à l'augmentation de l'offre dite « intermédiaire ». Le nombre de logements PLS (inaccessible aux ménages les plus modestes) a été multiplié par dix alors que celui des PLUS et des PLAI (voir ci-après) ne l'a été que par un peu plus de deux.

Les aides de l'État à la construction de logements sociaux

Les logements sociaux sont classés en trois catégories, en fonction des aides accordées pour leur financement :

- le prêt locatif à usage social (PLUS), forme de droit commun, finance la plus grande partie des logements sociaux réservés aux ménages dont les ressources sont modestes ;

- le prêt locatif aidé « intégration » (PLAI) finance les logements dont les loyers sont les plus bas et qui sont donc destinés aux ménages les plus en difficulté ;

- le prêt locatif social (PLS) finance des logements intermédiaires, c'est-à-dire dont le loyer est plus élevé que les PLUS mais plus bas que le loyer moyen du marché. Ils situent les logements à la croisée du parc social et du parc classique.

Afin que les ménages les plus modestes puissent accéder au logement social, une cohérence doit être recherchée entre le niveau du loyer induit par les aides à la pierre et celui du loyer pris en compte dans le calcul des aides au logement. Or, une partie croissante du parc social correspond à un niveau de loyer qui exclut d'emblée les ménages les plus pauvres . Une étude récente du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées le confirme 17 ( * ) : il résulte de la comparaison entre le niveau des loyers pratiqués par les organismes HLM et celui des plafonds pris en compte dans le calcul des aides au logement, que près de 40 % du parc social présente un loyer non compatible avec les aides à la personne.

En outre, les logements en PLAI ne représentent que 20 % des nouveaux logements financés alors que 66 % des entrants dans le logement social remplissent les conditions de ressources correspondantes. Selon les informations communiquées par le ministère en charge du logement à vos rapporteurs, la quasi-intégralité des demandeurs prioritaires au titre du DALO possèdent des ressources inférieures au plafond PLAI (soit 12 285 euros à Paris pour une personne seule).

2) La mauvaise répartition de la programmation des logements sociaux sur le territoire résulte en partie de l'inadaptation des outils de pilotage . Dans son dernier rapport annuel, la Cour des comptes rappelle qu'en 2009, selon le ministère chargé du logement, « 75 % des logements sociaux étaient construits là où n'existaient pas de besoins manifestes, et seuls 25 % l'étaient dans les zones les plus tendues ». Malgré la volonté du Gouvernement de recentrer les priorités, cet effort n'a pas porté ses fruits, faute d'instruments adaptés.

Paradoxalement en effet, ainsi que le relève la Cour, c'est le zonage conçu initialement pour les dispositifs d'investissement locatif privé qui a servi à la fixation des objectifs et à la programmation des aides au logement social et non pas le zonage conçu spécifiquement pour les logements sociaux . L'importance des critères de prix de marché sur lesquels ce zonage se fonde ne permet pas de définir avec précision les besoins en logements sociaux d'un territoire. La Cour note que « la coexistence de deux zonages, qui influent l'un et l'autre sur la programmation et les équilibres financiers des opérations, ainsi que, dans certains secteurs géographiques, des effets contraires aux résultats escomptés liés aux investissements privés, rendent très difficile la construction de logements les plus sociaux dans certaines zones tendues ».

Les recommandations de la Cour des comptes pour une meilleure répartition géographique du logement social

1. adopter un zonage spécifique pour la programmation des logements sociaux et le rendre cohérent avec le zonage relatif aux aides personnelles au logement ;

2. poursuivre l'amélioration au niveau national de la connaissance du parc social de logements et de son évolution et la compléter par un recensement du parc locatif privé aidé par les dépenses fiscales ;

3. établir ce nouveau zonage pour la construction des logements sociaux à partir des données nationales enrichies, mais aussi des études locales validées par les comités régionaux de l'habitat ;

4. choisir comme critères, outre les données économiques du marché du logement, l'importance du logement social existant, son occupation, la solvabilité des ménages et leur difficulté à accéder à un parc autre que le logement social ;

5. associer les professionnels du logement, les collectivités territoriales, mais aussi les bailleurs sociaux à l'élaboration du zonage ;

6. prévoir la révision du zonage tous les trois ans, établir une programmation glissante par région selon la même périodicité et donner aux préfets de région, en concertation avec l'ensemble des acteurs locaux, une latitude d'adaptation.

Source : Cour des comptes, extrait du rapport public annuel 2012, (« Le logement social, les priorités géographiques », p. 487-488)

Vos rapporteurs prennent acte de ces recommandations de la Cour, qu'ils font leurs, et en appellent à la mise en oeuvre d'une politique volontariste de construction de logements sociaux et très sociaux là où se situent les besoins. A cet égard, il convient d'avoir une véritable visibilité, dans la durée, de l'ensemble des besoins en logements sur tout le territoire.

Vos rapporteurs estiment que les aides à la pierre doivent faire l'objet d'un meilleur ciblage social et géographique dans le cadre d'une programmation pluriannuelle concertée.

Par ailleurs, les obligations imposées aux communes en application de l'article 55 de la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain doivent être ajustées de manière à minorer le poids des logements PLS dans le taux de logement social par rapport à celui des PLAI. Il conviendrait notamment de prévoir des sanctions réellement dissuasives pour les communes déficitaires.

De plus, des requalifications de logements PLS en logements PLAI doivent être encouragées dans le cadre de renégociations avec les bailleurs sociaux.

La mise en place d'une offre particulièrement sociale, permettant de produire à moins de 4 à 5 euros le m 2 , apparaît indispensable compte tenu du nombre élevé de personnes dont la capacité contributive ne dépasse pas trois euros , tout particulièrement en Île-de-France.

La création d'une filière spécifique au sein des organismes d'habitations à loyers modérés, sous la forme d'un habitat accompagné , pourrait être envisagée.

Une partie du parc social existant, où les loyers sont trop élevés pour les plus modestes, doit être ramenée à un niveau compatible avec le loyer-plafond de l'aide au logement. Toutefois, vos rapporteurs ne pensent pas qu'il faille instaurer une modulation du loyer en fonction du revenu. Ce dispositif serait particulièrement mal vécu sur le terrain et n'aboutirait bien souvent qu'à substituer à la solidarité nationale une solidarité entre pauvres et très pauvres.

La poursuite de la densification immobilière , portée par les établissements publics fonciers, doit permettre de récupérer une partie des gains immobiliers réalisés par les collectivités territoriales sur les terrains vendus pour constituer des réserves foncières.

b) Mobiliser le parc privé aux endroits stratégiques

Le recours au parc privé est essentiel pour compenser l'insuffisance de l'offre disponible dans le parc social et pour prendre en compte l'exigence de la mixité sociale. La participation du parc privé à la mise en oeuvre du DALO est inscrite à l'article 7 de la loi du 5 mars 2007.

Or, la mobilisation du parc locatif privé en direction des ménages modestes est très faible. Le nombre de logements vacants dans le parc privé français, dont il est vrai que tous ne sont pas effectivement mobilisables, est estimé à deux millions .

Malgré des avancées certaines, les instruments de mobilisation du parc privé n'ont à ce jour produits des effets que trop limités et vos rapporteurs sont convaincus qu'ils doivent jouer un rôle accru dans le logement des personnes défavorisées :

- la taxe sur les logements vacants (TLV) instaurée par la loi n°98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a des effets positifs avérés. Elle est appliquée dans huit agglomérations de plus de 200 000 habitants, sous certaines conditions de déséquilibre entre l'offre et la demande. Selon l'Agence nationale de l'habitat, depuis l'instauration de la TLV, la vacance a davantage diminué sur ces territoires que dans le reste du pays. Entre 1999 et 2005, le taux de vacance a connu une baisse comprise entre 12,5  % et 48 % dans les huit agglomérations concernées. Au cours de la même période, la baisse n'était que de 8,5 % sur le territoire français en moyenne. De manière générale, la baisse a particulièrement touché la vacance de longue durée (supérieure à 2 ans). Eu égard à ces effets positifs, il faut envisager d' étendre le champ d'application de la TLV à de nouvelles agglomérations se caractérisant par un marché immobilier tendu ;

- la portée des opérations de conventionnement du parc immobilier privé par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) demeure insuffisante. Le nombre de logements conventionnés reste faible et ne concerne que très peu les départements qui auraient le plus besoin d'une offre complémentaire pour la mise en oeuvre du DALO. Selon les chiffres de la Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, alors que 6,6 millions de logements relèvent du parc locatif privé, en 2010, moins de 0,45 % (30 000) faisaient l'objet d'un conventionnement par l'ANAH . En outre, parmi l'ensemble des logements conventionnés, les logements dits « intermédiaires » apparaissent prépondérants (33%) l'offre très sociale demeurant extrêmement faible (moins de 10 %).

Les recommandations du comité de suivi de la mise en oeuvre du DALO sur la TLV

« Le Comité de suivi demande que tout propriétaire assujetti pour la première fois à la taxe annuelle sur les logements vacants reçoive du préfet un courrier l'informant qu'il met à sa disposition un opérateur chargé de lui apporter conseils et information sur les dispositifs mobilisables pour mettre fin à la vacance (conventionnement, garantie des risques locatifs, bail à réhabilitation, intermédiation locative, vente à un bailleur social...) ».

« Le Comité demande que des opérateurs soient missionnés pour assurer cette mission de conseils et d'information auprès des propriétaires de logements vacants ».

« Le Comité demande que tout propriétaire assujetti pour la deuxième fois à la taxe annuelle sur les logements vacants reçoive du préfet un courrier rappelant qu'un opérateur est à sa disposition et indiquant qu'il se réserve la possibilité de faire usage de son droit de réquisition ».

Source : Cinquième rapport annuel du comité de suivi de la mise en oeuvre du DALO, « Monsieur le Président de la République, faisons enfin appliquer la loi DALO ! », novembre 2011 (extraits)

- les dispositifs d'intermédiation locative permettent à un organisme associatif ou d'habitations à loyer modéré, notamment, de louer un logement en vue de sa sous-location à un ménage en difficulté. Ils doivent permettre à ces personnes d'évoluer vers un logement autonome. La fluidité du dispositif doit être garantie par le renforcement de l'accompagnement social . Si ce dernier en fait apparaître la nécessité, la durée d'occupation par le bénéficiaire avant son relogement pourrait être augmentée .

c) Renforcer le caractère solvabilisateur des aides à la personne

Depuis la fin des années 1980, la progression forte et rapide du taux d'effort net 18 ( * ) des ménages en faveur du logement constitue un obstacle de taille à l'accès à un habitat stable et décent . Les ménages dont les revenus sont les plus modestes se trouvent tout particulièrement exposés au risque d'impayés, voire d'expulsion 19 ( * ) .

En prévoyant, à l'initiative du Sénat, la revalorisation, au premier janvier de chaque année, des barèmes des aides personnelles au logement en fonction de l'indice qui sert de référence à la révision annuelle des loyers, la loi DALO a cherché à renforcer la solvabilité des ménages. Cependant, malgré cette mesure positive, de nombreux ménages pauvres sont toujours confrontés à un reste à charge important auquel ils ne font face qu'avec de grandes difficultés.

Deux raisons principales expliquent la sous-évaluation des barèmes des aides au logement par rapport à l'évolution réelle des loyers et des charges . En premier lieu, le taux de couverture des loyers et des charges n'a eu de cesse de se dégrader. Les révisions du forfait charges 20 ( * ) , en particulier, n'ont pas été à la hauteur de l'évolution du panier de charges locatives de l'INSEE. De même, le loyer-plafond s'est progressivement déconnecté du loyer réel. Celui-ci dépasse le loyer-plafond aidé pour 71 % des allocataires. En second lieu, diverses mesures d'économies ponctuelles ont été décidées à l'occasion des révisions annuelles, se traduisant régulièrement par une baisse du montant des aides versées. En 2012, la situation a été aggravée par un mécanisme dérogatoire introduit à l'article 74 de la loi de finances. Cette disposition vise à indexer les paramètres de calcul des aides au logement sur la croissance, soit 1 %. L'économie est estimée à 160 millions d'euros. La règle ne s'applique pas aux propriétaires, le calcul de l'indice de référence des loyers restant inchangé.

Cette évolution répond à la volonté délibérée de contenir la dépense publique associée aux aides au logement . Celles-ci ont, en effet, connu une montée en charge importante après les réformes de 1991 et 2001 ayant étendu le nombre de bénéficiaires et aligné vers le haut les barèmes. Elles bénéficient aujourd'hui à plus de 6 millions de ménages pour un coût global d'environ 16 milliards d'euros.

L'insuffisante actualisation des barèmes des aides personnelles au logement au regard de l'évolution réelle des loyers et des charges touche de plein fouet les allocataires résidant dans le parc privé . Ces derniers supportent, en effet, des loyers supérieurs à ceux du parc social mais se voient appliquer le même niveau de loyer-plafond et perçoivent le même montant d'aide. Cette situation entretient le contexte de faible mobilité dans le parc social, de pénurie de logements sociaux et de forte pression exercée sur les loyers du parc privé.

Dans ces conditions, les aides à la personne peinent à remplir les objectifs que le code de la construction et de l'habitation assigne à la politique d'aide au logement à son article L.301-1 : il s'agit « de favoriser la satisfaction des besoins de logements, de promouvoir la décence du logement, la qualité de l'habitat, l'habitat durable et l'accessibilité aux personnes handicapées, d'améliorer l'habitat existant et de prendre en charge une partie des dépenses de logement en tenant compte de la situation de famille et des ressources des occupants. Elle doit tendre à favoriser une offre de logements qui, par son importance, son insertion urbaine, sa diversité de statut d'occupation et de répartition spatiale, soit de nature à assurer la liberté de choix pour toute personne de son mode d'habitation ».

Taux d'effort net des ménages en 2011

Parc social

Parc privé

Pour une personne isolée percevant un salaire équivalent à 1 SMIC

27,3 %

47,9 %

Pour un couple avec deux enfants percevant un salaire équivalent à 1,5 SMIC

22,9 %

49,6 %

Source : Fondation Abbé Pierre, Rapport sur le mal logement 2012

Vos rapporteurs estiment que les aides personnelles au logement doivent retrouver leur efficacité sociale . L'actualisation du loyer-plafond et du forfait charges doit mieux prendre en compte le coût réel des dépenses de logement. Un léger recentrage des bénéficiaires pourrait être envisagé.

Le cas des étudiants bénéficiant d'un soutien financier familial leur permettant de ne pas être dans la nécessité mais touchant néanmoins les aides au logement mériterait d'être réétudié. Il conviendrait également de réviser le découpage en trois zones qui sert de paramètre de calcul aux aides . A l'heure actuelle, ce zonage ne permet pas de prendre correctement en compte l'hétérogénéité des loyers sur le territoire national, mettant ainsi en danger l'équité entre allocataires sur le territoire national.

2. Un impératif : améliorer les conditions de mobilisation du parc social

La mobilisation très incomplète des contingents affectés au DALO constitue un constat partagé et récurrent des interlocuteurs auditionnés par vos rapporteurs. Pour porter tous ses fruits, l'accroissement de l'offre très sociale sur les territoires où le marché immobilier est congestionné devra donc s'accompagner d'une amélioration des conditions de recours au parc locatif social des réservataires .

a) La sous-utilisation des contingents : un gâchis évitable

La mise en oeuvre du DALO pâtit de dysfonctionnements avérés dans la gestion des contingents réservés au relogement des demandeurs reconnus prioritaires.

En effet, selon l'Union sociale pour l'habitat d'Île-de-France (AORIF), les services de l'État franciliens perdent chaque année environ 5 000 logements par an, soit 30 % de leur contingent . De même, une partie des logements issus du contingent réservé dans le cadre de la participation des employeurs à l'effort de construction et qui devraient théoriquement revenir aux ménages reconnus prioritaires fait défaut. Selon l'association ATD Quart Monde, ce sont 300 logements d'Action logement (ex « 1 % logement ») qui manquent à l'appel chaque mois .

Les causes de ces déperditions sont nombreuses. Trop souvent, les services préfectoraux n'ont qu'une connaissance approximative de la réalité du patrimoine des bailleurs sociaux. Certes, la réorganisation des services de l'État dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) a nécessité des adaptations d'ordre à la fois organisationnel et culturel 21 ( * ) . Mais elle n'est pas seule en cause.

Faute de moyens, les services déconcentrés se voient quelquefois contraints de procéder à une gestion, au cas par cas, des propositions de relogement. En outre, à la suite d'un rejet de la candidature par la commission ou d'un refus par le candidat, il arrive fréquemment que les logements initialement proposés soient repris par le bailleur. Dans certains cas, les pertes en ligne se traduisent par des vacances de logement.

De manière générale, il existe un défaut de communication et de transparence dans les circuits menant des ménages reconnus prioritaires aux bailleurs sociaux. Outre les lacunes relevées dans l'outillage des services logement des préfectures, certains maires cherchent à se mettre à l'abri des attributions effectuées par l'État . Il semble également que, dans certains cas, les commissions d'attribution des bailleurs sociaux ne se sentent pas liées par la reconnaissance du caractère prioritaire et urgent du relogement de certains ménages qui leur sont désignés.

Vos rapporteurs déplorent qu'à l'heure actuelle toutes les possibilités de relogement offertes par des logements sociaux déjà existants et disponibles au titre des contingents réservés ne soient pas exploitées. Ils en appellent à davantage de transparence et d'efficacité dans les relations entre services de l'État et bailleurs sociaux afin que, faute de progrès qualitatif, les efforts quantitatifs en faveur du logement ne s'avèrent pas vains. Au regard du nombre élevé d'interfaces entre les ménages reconnus prioritaires et les bailleurs, qui se traduit par ces déperditions, ils estiment nécessaire d'engager une réflexion partenariale sur les modalités de gestion des contingents et des attributions. Il convient, en particulier, que l'État se dote des outils propres à disposer d'une connaissance fine de ses contingents de logements sociaux et qui lui permettent d'assurer une gestion efficace de ses réservations, non seulement en stock mais aussi en flux .

b) Rationaliser la gestion des contingents avec les bailleurs

Pour que l'État puisse enfin faire jouer ses droits sur l'ensemble de ses contingents, il est impératif de rendre plus efficace la gestion de ses réservations en rationalisant ses relations avec les bailleurs sociaux.

A cette fin, l'existence de fichiers partagés des demandeurs reconnus prioritaires à reloger apparaît incontournable . Les bailleurs sociaux doivent avoir une connaissance d'ensemble des demandeurs prioritaires. Ils doivent pouvoir travailler, par exemple, à partir de listes de personnes à reloger. L'une des pistes que vos rapporteurs souhaiteraient voir mettre à l'étude serait de faire du logiciel « COMDALO » un véritable outil de gestion et de suivi partagé entre services préfectoraux et bailleurs sociaux. Cet accès permettrait aux bailleurs à la fois d'améliorer le taux de relogement par une connaissance de l'ensemble des ménages prioritaires à reloger et de renseigner l'ensemble des relogements effectués au sein de leurs organismes respectifs.

En outre, la gestion partagée de la demande doit permettre de renforcer la transparence des attributions. Il convient, à cet effet, de privilégier les méthodes de « priorisation » des demandes destinées à rendre plus objectif le choix des candidats. A l'évidence, ces méthodes n'ont pas vocation à se substituer à l'appréciation qualitative des besoins respectifs de chaque demandeur, ni au choix collégial effectué dans les instances des commissions d'attribution des bailleurs sociaux. Cependant, sur les territoires qui affichent des taux de relogements importants, ces méthodes se sont avérées utiles pour un traitement plus égalitaire des demandeurs et une répartition plus équilibrée des attributions entre opérateurs et quartiers d'habitat 22 ( * ) .

3. Une exigence : conserver au DALO son statut de voie de recours ultime
a) Un risque avéré : la transformation du DALO en « circuit court »

Le fonctionnement du système d'attribution des logements sociaux apparaît très segmenté, le cadre légal et réglementaire ayant été enrichi au cours du temps, en particulier depuis la loi de 1998 de lutte contre les exclusions: le partage des droits de réservation et le contingentement de l'offre disponible (préfet, collectivités territoriales, collecteurs du 1 %, contingent ANRU rétrocédé au 1 %, contingents d'autres acteurs tels que les CAF) ont, de fait, institué des filières d'accès parallèles. Ces dernières ont créé autant de files d'attente qui se font concurrence.

A la pluralité des filières s'ajoute celle des dispositifs locaux et des engagements contractuels sur lesquels se fondent les relogements (plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, accords collectifs départementaux et intercommunaux, DALO, expulsion locative, etc.). En outre, au sein même du contingent préfectoral, les priorités que doivent prendre en compte les services de l'État sont à la fois multiples, évolutives et contingentes : relogements consécutifs aux opérations de rénovation urbaine pilotées par l'ANRU, relogements consécutifs aux sorties d'hébergement (dernièrement, dans le cadre du « Logement d'abord »), relogements à la suite de sorties « d'insalubrité », etc.

Dans ces conditions, tout particulièrement dans les zones tendues, lorsqu'il déploie une logique de fonctionnement autonome, le DALO risque de se positionner comme un « coupe-file » dans les listes d'attente pour l'obtention d'un logement social, permettant à certains demandeurs très pauvres de passer devant d'autres demandeurs pauvres mais moins prioritaires. Or, vos rapporteurs rappellent que le DALO, conformément à la lettre et à l'esprit de la loi qui l'a institué, doit s'entendre comme l'exercice d'un droit devant une instance de recours plutôt que comme une nouvelle filière d'accès au logement. Le rôle des commissions de médiation demeure en effet d'intervenir, si nécessaire, en tant que chaînon ultime.

Les démarches partenariales de gestion et de « priorisation » des demandes :

l'exemple de la communauté d'agglomération de Rennes Métropole

Regroupant 37 communes et 400 000 habitants, l'intercommunalité de Rennes Métropole, délégataire des aides à la pierre et de la gestion du contingent préfectoral, est forte d'un solide ancrage de la tradition partenariale entre acteurs du logement. La gestion de la demande y est presque intégralement 23 ( * ) effectuée par les communes sur la base d'un dispositif d'enregistrement unique géré par la communauté d'agglomération. Une commission unique d'attribution des logements sociaux a été mise en place pour la ville de Rennes dès 1963.

Sur le fondement d'une charte d'attribution intercommunale signée au début des années 2000, a été mis en place un système dit de « scoring » permettant un classement objectif des demandes. Ce système prévoit des principes de priorité déclinés en nombre de points. La note attribuée aux demandes se compose de deux parties :

• 70 % de la note sont attribués automatiquement par le logiciel à travers la combinaison de différentes cases du formulaire de demande (niveau de ressources, charge résiduelle, ancienneté, etc.) ;

• les 30 % restants sont attribués en fonction de critères d'ordre qualitatif déterminés par les services communaux (distance entre le domicile et le travail, lien avec la commune, contenu du rapport social).

Après enregistrement et classement de la demande, ce même outil facilite le rapprochement de l'offre et de la demande : à la libération d'un logement, les services communaux, qui ont accès à l'ensemble des bases relatives au patrimoine des bailleurs, réalisent une extraction du fichier et examinent les demandes par ordre de priorité en tenant compte des caractéristiques du logement pour analyser l'adéquation de la demande au logement . La commission d'attribution n'examine ensuite qu'un seul dossier par commission et les cas de refus apparaissent limités.

Adossé à un effort sans précédent de construction de nouveaux logements et de diversification de la production, ce dispositif s'inscrit dans une volonté de repérage et de traitement des situations prioritaires bien en amont de l'intervention éventuelle de la commission départementale de médiation, laquelle ne joue que le rôle d'une cour d'appel des décisions prises par les instances locales auxquelles sont confiées la mise en oeuvre du plan départemental d'actions pour le logement des personnes défavorisées.

A Rennes Métropole, l'instance partenariale unique d'examen des ménages vulnérables est la commission locale de l'habitat (CLH). Composée de représentants de l'intercommunalité, du département, de l'État, de la CAF, des bailleurs et des associations, son rôle est de mettre en relation l'offre et la demande de logement pour les demandeurs les plus démunies (attribution des logements réservées pour la CLH et propositions d'attribution pour les autres, mobilisation de mesures d'accompagnement social, attribution d'aides financières aux ménages pour l'accès ou le maintien dans le logement).

Au total, en 2011, sur les 2029 demandes reçues par les instances locales du département, 1324 ménages ont pu être relogés. Ont ainsi été évités autant de recours auprès de la commission de médiation d'Ile-et-Vilaine, saisie d'une vingtaine de demandes uniquement.

Les logiques d'attribution en vigueur, brouillées à la fois par la multiplicité des filières et l'empilement des dispositifs, conduisent les bailleurs à « gérer la pénurie », avec, globalement, un traitement plus administratif des demandes et une approche moins individualisée et qualitative. Les demandeurs, quant à eux, ne peuvent avoir qu'une attitude, au mieux d'incompréhension, au pire de rejet, envers un système qui leur semble privilégier la formule du passe-droit. A cela s'ajoute le sentiment de flou sur les motifs ayant poussé telle ou telle commission d'attribution à retenir ou refuser les candidatures. Le crédit accordé à l'action publique risque bien souvent de s'en trouver écorné.

b) Améliorer le traitement en amont du logement des personnes défavorisées

Les territoires qui, malgré une situation tendue du marché immobilier, sont parvenus à contourner ce risque, doivent leur réussite aux efforts particuliers voués à l'amélioration du traitement en amont des problèmes de relogement des personnes défavorisées. A cet égard, une clarification de l'articulation du DALO avec les autres dispositifs en vigueur et une prise en compte plus générale des critères de priorité posés par la loi doivent contribuer à éviter, en aval, l'engorgement des commissions de médiation.

Il importe, en effet, que les demandeurs dont la situation au regard du logement pourrait justifier un recours devant la commission de médiation puissent être identifiés le plus tôt possible. Aussi, les critères de priorisation définis par la loi doivent-ils être conçus comme s'imposant à l'ensemble des réservataires et des attributions, et non pas seulement au contingent préfectoral. Cela impose une harmonisation des critères et des référentiels pour permettre un repérage précoce, par exemple dans les fichiers départementaux du numéro unique, et pour pouvoir quantifier les besoins en logement des catégories prioritaires.


* 17 Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, 16 avril 2012.

* 18 Taux d'effort net = loyers + charges - prestations logement / revenu net perçu (y compris prestations sociales hors logement).

* 19 Selon les chiffres obtenus par la Fondation Abbé Pierre auprès du ministère de la justice, le nombre de décisions de justice prononçant l'expulsion pour impayés ou défaut d'assurance est passé de 81 080 en 2010 à 109 160 en 2011.

* 20 Dans le calcul du montant des aides personnelles au logement, à l'inverse du loyer, les charges locatives sont couvertes sur la base d'un forfait qui varie selon le nombre d'enfants de l'allocataire et non pas sur la base de la dépense réelle plafonnée.

* 21 Cette réforme a abouti, lorsque les enjeux du département le recommandaient, à regrouper, au 1 er janvier 2010, au sein d'une même direction, la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS), les compétences jusque-alors exercées par les services sociaux du logement des directions départementales de l'équipement (DDE) et les pôles sociaux des directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS).

* 22 Cf., à titre d'exemple, l'encadré p. 56.

* 23 A l'exception des demandes de mutation au sein du parc social et de celles entrant dans le cadre du 1 %, dont l'enregistrement et la gestion incombent aux bailleurs sociaux.

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