B. LE DROIT INTERNATIONAL ET LES ARMES À SOUS-MUNITIONS

Le droit international ne comporte aucune disposition particulière relative aux armes à sous-munitions.

L'usage des armes à sous-munitions, comme celui de toutes les autres armes, est soumis aux principes du droit international humanitaire, notamment le principe de discrimination entre populations civiles et objectifs militaires et les principes de proportionnalité et de précaution dans l'attaque.

Par ailleurs, dans le cadre de la réglementation internationale de certaines armes frappant sans discrimination, un nouvel instrument, le protocole V, comporte des dispositions visant à réduire les risques de restes explosifs de guerre. Ce texte qui instaure une obligation de dépollution pour l'Etat qui a employé des armes laissant des restes explosifs de guerre, peut être de nature à faire évoluer les pratiques en matière d'emploi d'armes à sous-munitions.

Au-delà de ces deux types de règles, le débat est ouvert sur la nécessité d'adopter une réglementation spécifique relative aux armes à sous-munitions.

1. Les principes de droit humanitaire international applicables à l'emploi des armes à sous-munitions

L'objet même du droit international humanitaire est de fixer des règles qui s'appliquent à l'emploi des armes dans les conflits. Ces règles constituent un compromis entre les impératifs militaires , qui ne sont pas contestés, et les exigences humanitaires . Elles ont été précisées au fil du temps, notamment dans les conventions de Genève du 12 août 1949, et plus particulièrement dans le protocole additionnel à ces conventions relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (protocole I), adopté à Genève le 8 juin 1977. Ce protocole compte 166 Etats parties, mais parmi les Etats qui ne l'ont pas signé ou pas ratifié, on compte des pays ayant fait usage d'armes à sous-munitions dans les conflits récents, notamment les Etats-Unis et Israël 20 ( * ) .

Ces règles générales sont applicables à toutes les armes, mais le strict respect de certaines d'entre elles devrait conduire à limiter ou à éviter l'emploi des armes à sous-munitions , compte tenu des particularités et risques inhérents à ces armes.

Les parties à un conflit doivent en tout temps faire la distinction entre la population civile et les combattants ainsi qu'entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires et, par conséquent, ne diriger leurs opérations que contre des objectifs militaires (article 48 du protocole I). Les attaques sans discrimination sont interdites (article 51). Il s'agit des attaques qui ne sont pas dirigées contre un objectif militaire précis, de celles dans lesquelles sont employés des moyens de combat qui ne peuvent être dirigés contre un objectif militaire précis ou qui sont propres à frapper indistinctement des objectifs militaires et des personnes civiles ou des biens à caractère civil.

La règle dite « de la juste proportion » interdit les attaques qui entraîneraient pour les populations civiles et les biens civils des pertes ou des dommages excessifs par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu (article 51).

Enfin, la règle de « précaution dans l'attaque » impose de conduire les opérations militaires en veillant constamment à épargner la population civile et les biens civils. Toutes les précautions pratiquement possibles quant au choix des moyens et méthodes d'attaque doivent être prises en vue d'éviter et, en tout cas, de réduire au minimum les pertes en vies humaines dans la population civile.

Le protocole I (article 36) impose également aux Etats parties un contrôle de licéité avant la mise au point ou l'acquisition d'une arme nouvelle. Il s'agit, préalablement avant toute mise en service, d'examiner si l'emploi de cette arme est frappé d'interdiction, dans certaines circonstances ou en toutes circonstances, en application des règles du droit internatioanl humanitaire.

2. Le protocole de 2003 sur les restes explosifs de guerre : une avancée importante

La question des effets meurtriers des sous-munitions non explosées pour les populations civiles a été abordée dans le cadre de la convention de 1980 sur les armes inhumaines, à travers la problématique plus large des restes explosifs de guerre.

La convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, désignée plus couramment « convention de 1980 sur certaines armes classiques » ou sous son acronyme anglais « CCW », sert de cadre à la réglementation internationale pour certaines armes classiques dont les effets sont particulièrement préoccupants du point de vue humanitaire. Cette réglementation résulte des protocoles 21 ( * ) rattachés à la convention .

La convention compte actuellement 101 Etats parties, parmi lesquels toutes les principales puissances militaires : les Etats-Unis et les autres pays de l'OTAN (sauf l'Islande qui n'a pas de forces armées), la Russie, la Chine, l'Inde, le Pakistan, Israël, le Japon, l'Australie, la Nouvelle-Zélande.

Suite notamment à un appel lancé par le Comité international de la Croix-Rouge, la préparation d'un nouvel instrument relatif aux restes explosifs de guerre (munitions non explosées et munitions explosives abandonnées) a été initiée en 2001. Les négociations ont abouti à l'adoption par les parties à la convention de 1980, le 28 novembre 2003, du protocole relatif aux restes explosifs de guerre (protocole V) .

Il s'agit du premier instrument multilatéral qui tente de régler de manière globale les problèmes causés par les munitions non explosées ou abandonnées . Selon M. Jakob Kellenberger, président du Comité international de la Croix-Rouge, « l'adhésion à ce protocole, ainsi que sa mise en oeuvre, pourraient considérablement réduire le nombre de civils tués et blessés par des restes explosifs de guerre pendant et après un conflit » 22 ( * ) .

Le protocole V (voir le texte intégral du protocole en annexe II) s'applique aux munitions non explosées et aux munitions explosives abandonnées. Il ne couvre pas les mines terrestres, traitées par la convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel et par le protocole II à la convention de 1980.

Le protocole V instaure tout d'abord un principe de responsabilité pesant sur la partie au conflit ayant employé les munitions devenues des restes explosifs de guerre . L'article 3 prévoit en effet l'obligation pour les parties, après la cessation des hostilités actives, de marquer, d'enlever et de détruire les restes explosifs de guerre dans les territoires qu'elles contrôlent. Lorsqu'une partie ne contrôle pas le territoire sur lequel elle a employé des munitions devenues des restes explosifs de guerre, elle fournit une assistance technique, financière, matérielle ou en personnel pour les opérations de marquage, d'enlèvement et de destruction, soit directement, soit par le truchement d'un tiers, par exemple des organismes des Nations unies. L'article 5 impose aux parties de prendre, sur les territoires qu'elles contrôlent, toutes les précautions possibles pour protéger les civils contre les risques inhérents aux restes explosifs de guerre (par exemple l'installation de clôtures, la surveillance des zones polluées, la sensibilisation des populations).

Le protocole V prévoit également l'enregistrement et la conservation des renseignements concernant les munitions explosives employées par les forces armées, afin de faciliter ultérieurement l'enlèvement des éventuels restes explosifs de guerre. Ces renseignements doivent être fournis à la partie qui contrôle le territoire affecté, soit directement, soit par le biais d'organismes tiers.

Outre les obligations incombant aux belligérants, les Etats parties au protocole V doivent fournir une assistance dans les domaines suivants : marquage et enlèvement des restes explosifs de guerre, sensibilisation de la population aux risques, soins, rééducation physique et réinsertion sociale et économique des victimes. Il s'agit ici de créer, sur une base volontaire, un cadre international pour l'assistance et la coopération à l'image de celui qui existe avec la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel.

Enfin, le protocole V encourage les Etats parties à prendre, sur une base volontaire, des mesures préventives générales , relevant de « meilleures pratiques » et destinées à empêcher que les munitions deviennent des restes explosifs de guerre. Ces meilleures pratiques sont décrites dans une annexe technique au protocole. Elle portent sur l'enregistrement et l'archivage des renseignements sur les munitions employées, mais également sur tous les moyens de nature à améliorer la fiabilité des munitions, que ce soit au stade de la conception, de la fabrication ou du stockage des munitions, ou encore au travers d'une formation adaptée pour les personnels.

A ce jour, 27 Etats 23 ( * ) , dont la France, ont déjà ratifié le protocole V qui est entré en vigueur le 12 novembre 2006 .

3. Le débat sur le renforcement des instruments internationaux

L'adoption du protocole V constitue une avancée importante pour réduire les risques liés à l'emploi des armes à sous-munitions, et notamment de celles dont la fiabilité est notoirement insuffisante. Toutefois, ce texte ne traite pas spécifiquement des sous-munitions et, a fortiori, il ne constitue pas une réglementation de leur usage.

Au sein des Etats parties à la convention de 1980 sur certaines armes classiques, les travaux relatifs aux restes explosifs de guerre et, indirectement, aux armes à sous-munitions, se poursuivent. Un groupe d'experts gouvernementaux , s'appuyant lui-même sur un groupe d'experts techniques et militaires, a été créé à cet effet avec le double mandat d'étudier d'une part la mise en oeuvre des principes existants de droit international humanitaire applicables à la problématique des restes explosifs de guerre et d'autre part des mesures préventives envisageables en vue d'améliorer la conception de certaines munitions, dont les sous-munitions, de manière à minimiser le risque de produire des restes explosifs de guerre .

Le groupe d'experts gouvernementaux a travaillé sur la question des mesures techniques préventives susceptibles de réduire le risque que certaines munitions, dont les sous munitions, se transforment en restes explosifs de guerre. Dans le cadre de ces travaux, le Royaume-Uni a présenté un projet portant sur l'analyse préalable du risque humanitaire présenté par chaque type de munition. La France a, pour sa part, présenté une démarche méthodologique visant à améliorer la fiabilité de l'ensemble des munitions tout au long de leur vie , et notamment des sous-munitions. Il s'agit, à travers ce type de démarche, d'offrir à chaque Etat une possibilité de progresser vers une meilleure prise en compte des préoccupations humanitaires sans pour autant remettre en cause ses intérêts de défense. Les mesures proposées se veulent accessibles au plus grand nombre, simples, efficaces et évolutives, et prennent en compte les dimensions militaires, financières et techniques des différentes solutions possibles.

Parallèlement, un rapport relatif à l'adéquation du droit international humanitaire existant aux enjeux des restes explosifs de guerre a été élaboré par le professeur Mac Cormack, de l'Université de Melbourne 24 ( * ) , après analyse des réponses détaillées des Etats parties à un questionnaire qui leur avait été soumis.

Le rapport Mac Cormack conclut ainsi que le Protocole V et les règles existantes du droit international humanitaire permettent de traiter adéquatement le problème des restes explosifs de guerre, sous réserve que ces règles soient mises en oeuvre de manière effective . Rappelant le besoin d'une doctrine d'emploi adaptée et d'un système pénal à même de garantir les poursuites éventuelles, le rapport n'évoque la possibilité d'un traité d'interdiction des armes à sous munitions que dans l'hypothèse où, après l'entrée en vigueur du Protocole V, la communauté internationale ne constaterait pas une diminution du problème posé par les restes explosifs de guerre.

Le rapport comporte cinq recommandations :

- la ratification du protocole V par l'ensemble des Etats Parties dans les meilleurs délais ;

- la nécessité de continuer à souligner l'importance des règles juridiquement contraignantes de droit international humanitaire applicables à tout système d'armes et au problème spécifique des restes explosifs de guerre ;

- l'établissement de principes directeurs - qui ne seraient pas juridiquement contraignants - énonçant des pratiques optimales portant sur l'application des principes de droit international humanitaire et du protocole V. L'idée d'un instrument juridique prohibant les armes à sous munitions est écartée au profit de l'établissement de normes techniques relevant de la meilleure pratique (taux de fiabilité minimum, mécanismes d'auto désactivation ou d'autodestruction...) ;

- l'établissement, dans chaque Etat partie, d'un processus d'examen juridique de tout système d'arme nouveau ou modifié ;

- l'élaboration de mesures de confiance par le biais d'un rapport écrit produit par chaque Etat partie quant à la destruction de systèmes d'armes vétustes ou dépassés afin de réduire les sources potentielles de restes explosifs de guerre.

La troisième recommandation , qui écarte un instrument spécifique relatif aux armes à sous-munitions et privilégie l'édiction des meilleures pratiques, a été vivement contestée par les organisations non gouvernementales militant en faveur d'une nouvelle réglementation internationale qui, dans l'esprit de la plupart d'entre elles, poserait le principe de l'interdiction des armes à sous-munitions.

Les organisations non gouvernementales relèvent que le rapport Mac Cormack a bien identifié les problèmes que soulève l'emploi des armes à sous-munitions au regard du respect des règles du droit international humanitaire, notamment les règles de distinction et de juste proportion, ainsi que l'interdiction des attaques sans discrimination, mais qu'il a également mis en lumière une approche très inégale, selon les Etats, en ce qui concerne les mesures prises pour faire respecter ces règles. Aussi jugent-elles que l'adoption de « meilleures pratiques » risque d'autant moins d'être suivie d'effets que l'on constate, dans l'utilisation des armes à sous-munitions sur le terrain, l'absence de respect des règles posées par le droit existant.

La question de l'élaboration d'un nouvel instrument juridiquement contraignant divise pour l'instant les Etats parties à la convention de 1980 sur certaines armes classiques. Lors de la 3 ème conférence d'examen de cette convention, qui s'est déroulée à Genève du 7 au 17 novembre dernier, la question des armes à sous-munitions a été abordée, parallèlement aux autres points à l'ordre du jour (universalisation de la convention, mécanisme de respect, mines autres que les mines antipersonnel notamment).

A l'issue de la conférence, 25 Etats 25 ( * ) ont présenté une déclaration marquant leur souhait d'un futur instrument international dont l'objet serait d'interdire l'usage d'armes à sous-munitions dans les zones où il y a des concentrations de civils, d'interdire les armes à sous-munitions qui présentent de graves dangers pour les êtres humains en raison, par exemple, de leur manque de fiabilité ou de précision, et d'assurer la destruction des stocks existants correspondants. D'un autre côté, une majorité d'Etats membres refusaient l'idée de tout nouvel instrument international. Parmi eux, les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l'Inde, le Pakistan, Israël.

La conférence a adopté par consensus un mandat de « discussion » prévoyant une nouvelle réunion d'experts gouvernementaux qui portera sur l'application du droit international humanitaire existant aux munitions pouvant spécifiquement générer des restes explosifs de guerre, particulièrement les armes à sous-munitions, y compris les facteurs affectant la fiabilité de ces armes, ainsi que leurs caractéristiques techniques et de conception, en vue de réduire l'impact humanitaire de l'emploi de ces munitions.

Une nouvelle réunion des experts gouvernementaux à Genève est programmée en juin 2007. Le mandat précise qu'elle devra tenir compte des résultats de la réunion d'experts qui sera organisée en début d'année 2007 par le Comité international de la Croix-Rouge dans ce domaine.

En effet, la Croix-Rouge a lancé l'idée d'une réunion internationale qui viserait à identifier les éléments d'un futur instrument international de réglementation des armes à sous-munitions, qui pourrait porter sur leur emploi dans les zones habitées et sur l'élimination des modèles non précis et non fiables.

Enfin, le mandat adopté par les Etats-parties préconise la poursuite du travail technique entrepris jusqu'à présent, ce qui vise notamment la mise au point de mesures techniques préventives sur la fiabilité des munitions et sous-munitions, sur lesquelles la France s'est particulièrement investie.

Considérant que le mandat adopté à Genève n'allait pas assez loin, la Norvège entend pour sa part organiser au mois de février 2007 une conférence internationale qui aurait clairement pour objet la négociation d'un instrument international « d'interdiction des armes à sous-munitions engendrant des conséquences humanitaires inacceptables » .

Sur le plan international, deux voies sont donc désormais ouvertes :

- la poursuite des travaux dans le cadre de la convention sur certaines armes classiques (CCW) , qui fonctionne sur le principe du consensus ; dans ce cadre, la négociation d'un futur instrument international est plus difficile, mais en cas de réussite, un tel instrument possèderait une vocation universelle et aurait des chances de rallier plusieurs grandes puissances militaires significatives non-européennes ;

- la deuxième voie, préconisée par la Norvège, est de négocier un instrument entre pays qui partagent le même objectif , en espérant qu'à terme il pourrait rallier les pays restés au départ hors du processus ; c'est la solution qui a été adoptée pour la convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel.

Plusieurs organisations non gouvernementales appuient la démarche de la Norvège, considérant qu'il y a peu d'espoir d'obtenir un résultat dans le cadre de la convention de 1980. Elles soulignent notamment que c'est faute de progrès sur les mines antipersonnel dans ce cadre (protocole II), en raison de la règle du consensus, qu'un groupe d'Etats avaient résolu d'emprunter une autre voie, avec l'objectif clair d'aboutir à un principe d'interdiction.

La convention d'Ottawa : quel bilan, 7 ans après son entrée en vigueur ?

La convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, signée à Ottawa le 3 décembre 1997, est entrée en vigueur le 1 er mars 1999.

Au 1 er juillet 2006, la convention comptait 151 Etats parties et 3 Etats signataires n'ayant pas encore ratifié.

La convention imposait aux Etats parties de procéder à la destruction de leurs stocks dans un délai de 4 ans après son entrée en vigueur sur leur territoire. Actuellement, 74 Etats parties ont achevé la destruction de leurs stocks alors que 64 autres n'ont jamais possédé de mines. Il reste 13 Etats parties ayant encore des mines à détruire. Au total, les Etats parties ont détruit 39,5 millions de mines antipersonnel .

Selon l'Observatoire des mines, les 40 Etats non-parties à la convention possèdent des stocks de plus de 160 millions de mines antipersonnel , dont la majorité est détenue par seulement cinq Etats : la Chine (environ 110 millions), la Russie (26,5 millions), les Etats-Unis (10,4 millions), le Pakistan (environ 6 millions) et l' Inde (environ 4 à 5 millions). Parmi les pays non-signataires figurent également l'Arabie saoudite, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Corée du Nord, la Corée du Sud, Cuba, l'Égypte, la Finlande, la Géorgie, l'Indonésie, l'Iran, l'Irak, Israël, le Koweït, la Laos, le Liban la Libye, le Maroc, la Syrie, le Vietnam.

Les fonds alloués à la lutte contre les mines ont atteint 376 millions de dollars en 2005 (399 millions de dollars en 2004 ; 339 millions de dollars en 2003). Les Etats-Unis sont le premier donateur mondial (81,9 millions de dollar en 2005), mais la moitié environ des fonds (187 millions de dollars) provient de pays de l'Union européenne, pour partie à travers la Commission européenne (51,5 millions de dollars), pour partie par voie bilatérale. La participation directe de la France se montait à 3,8 millions de dollars, les contributions françaises alimentant en outre, selon les différents canaux, entre 17 et 25 % des fonds versés par la Commission européenne.

L'une des objections majeures opposées à un tel processus est que, plus encore que pour la convention d'Ottawa, un instrument d'interdiction ne réunirait que les Etats « vertueux » et laisserait hors de son champ d'application nombre d'Etats détenteurs et utilisateurs des armes à sous-munitions, alors que c'est avec ces derniers qu'il est prioritairement nécessaire de négocier. Une telle convention d'interdiction aurait sans doute une portée morale symbolique, mais son impact humanitaire réel serait des plus réduits.

Par ailleurs, les opposants à cette démarche estiment que l'analogie avec le traitement réservé aux mines antipersonnel n'est pas pertinente. Les mines antipersonnel sont des armes relativement simples à définir et, par conception, elles frappent sans discrimination. Les armes à sous-munitions recouvrent en revanche une grande variété de systèmes d'armes, aux caractéristiques et aux effets bien différents. Nombre d'Etats, y compris parmi les parties à la convention d'Ottawa, estiment toujours que certains de ces systèmes d'armes conservent une utilité militaire et que si certains modèles peuvent être condamnés, du point de vue humanitaire, il n'y a pas lieu de frapper d'interdiction la globalité de ces armes.

Indépendamment des avantages et inconvénients propres à chacune de ces deux voies, il apparaît que les réflexions touchant à une éventuelle future réglementation internationale des armes à sous-munitions n'en sont qu'à leurs débuts.

En effet, pour le moment, les intentions qui s'expriment demeurent extrêmement générales. Si un futur texte devait être négocié, il faudrait préalablement s'accorder sur une définition commune des armes à sous-munitions, puis répondre à différentes questions :

- les normes internationales devraient elles viser toutes les armes à sous-munitions ou certaines d'entre elles seulement ?

- si certaines d'entre elles seulement sont visées, faudrait-il les considérer selon leur vocation (armes à effet antipersonnel, anti-blindés, anti-matériel, anti-piste...) ou plutôt selon leurs caractéristiques techniques (précision, taux de fiabilité, nombre de sous-munitions), sachant que certaines de ces caractéristiques, comme les taux de fiabilité, sont très difficiles à vérifier ?

- enfin, pour les armes entrant dans le champ d'un futur accord, faut-il viser leur emploi en général ou uniquement dans certaines circonstances particulières, notamment les combats en zone urbaine, pour autant que l'on puisse envisager aujourd'hui des situations de combat ailleurs qu'en zone habitée ?

La complexité du sujet vient de ce que les armes à sous-munitions ne constituent pas une catégorie homogène, mais couvrent une large gamme de systèmes d'armes qui n'ont en commun que leur principe de fonctionnement. Aucune ligne de force ne se dégage donc clairement pour l'instant. Aussi une initiative comme celle du Comité international de la Croix-Rouge, avec une première réunion d'experts au printemps, apparaît-elle intéressante. La France pourrait y apporter les réflexions qu'elle a elle-même menées sur la question de la précision et de la fiabilité des armes à sous-munitions, mais aussi proposer comme référence la manière dont elle a su intégrer la prise en compte du droit humanitaire dans les règles d'engagement de ses troupes.

* 20 Les Etats-Unis, l'Iran, le Maroc, le Pakistan et les Philippines ont signé le protocole I du 8 juin 1977 mais ne l'ont pas ratifié. Au sein de la quinzaine d'Etats qui n'ont pas signé le protocole figurent l'Érythrée, l'Inde, l'Indonésie, l'Irak, Israël ou encore la Turquie.

* 21 Trois protocoles ont été adoptés dès 1980 en même temps que la convention : celui sur l'interdiction des armes blessant par des éclats non localisables par rayons X dans le corps humain (protocole I) ; celui réglementant l'emploi des mines, des pièges et de certains dispositifs explosifs (protocole II, modifié en 1996) ; celui limitant l'emploi des armes incendiaires (protocole III). En 1995 a également été adopté le protocole sur les armes laser aveuglantes (protocole IV).

* 22 Préface au texte de la convention sur certaines armes classiques - CICR, juin 2006.

* 23 Albanie, Allemagne, Bulgarie, Croatie, Danemark, El Salvador, Finlande, France, Hongrie, Inde, Irlande, Libéria, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Nicaragua, Norvège, Pays-Bas, Saint-Siège, Sierra Leone, Slovaquie, Suède, Suisse, Tadjikistan, République tchèque, Ukraine.

* 24 International humanitarian law and explosive remnants of war - Thimothy L H Mac Cormack, Paramdeep Mtharu and Sarah Finnin - Asia Pacific Centre for Military Law - University of Melbourne Law School - Mars 2006.

* 25 Allemagne, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Costa Rica, Croatie, Danemark, Hongrie, Irlande, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pérou, Portugal, République tchèque, Saint-Siège, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède et Suisse.

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