2. ... mais gravement menacé
Le système de formation français est, aujourd'hui, gravement menacé . Certains clubs estiment que l'obligation de formation est trop coûteuse par rapport aux « retours » qu'elle engendre.
Interprétant la loi d'une manière quelque peu extensive, la commission nationale paritaire de la charte a, le 12 juin 2003, décidé de remettre en cause l'obligation, pour chaque club professionnel, de posséder un centre de formation, en permettant aux clubs de déléguer la formation à des organismes extérieurs.
Cette décision, dont les prolongements concrets restent en l'état incertains, paraît, en même temps que très préoccupante, cohérente avec les évolutions d'un contexte où les incitations à développer la formation ont été, une à une, sérieusement altérées.
La conjugaison de décisions de justice, d'origine européenne ou interne, banalisant les conditions d'emploi des footballeurs avec un nouveau statut des transferts, édicté sous la contrainte de la Commission européenne, ne ménageant que très insuffisamment les intérêts financiers des clubs formateurs, pèse lourdement sur l'environnement de la formation.
Les principes posés par le nouveau règlement des transferts de la FIFA de juillet 2001 en matière de rétribution de la formation
Comme on l'a déjà mentionné, la FIFA a été conduite à modifier son règlement relatif aux mutations de joueurs à la demande de la Commission européenne.
L'encadrement nouveau des contrats et des indemnités de transferts a conduit à chercher des solutions particulières pour que les efforts de formation engagés par les clubs puissent être compensés dans un contexte nouveau où, du fait du pouvoir accru de négociation individuel des joueurs, l'éventualité de voir les clubs formateurs privés des fruits de leur investissement dans la formation aurait été très forte sans adaptation juridique.
Dans le nouveau règlement, une distinction intervient entre indemnités de transferts et indemnités de formation .
L'indemnité de transferts correspond à la compensation de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée liant le joueur à son club et l'indemnité de formation correspond à la compensation financière accordée aux clubs formateurs du joueur transféré.
L'indemnité de formation pour les jeunes joueurs sera payable jusqu'à 23 ans pour une formation suivie jusqu'à 21 ans entre 12 ans et cet âge.
Pour calculer le montant des indemnités de formation, les clubs ont été répartis par la FIFA en quatre catégories en fonction du niveau de leur investissement en formation (de 2.000 à 90.000 $ par an).
Il existe enfin une « indemnité de solidarité » pour les mutations en cours de contra t, fixée à 5 % du montant de la transaction, qui est distribuée aux clubs formateurs au prorata du nombre d'années passées dans chacun des clubs.
Malgré ces mesures nouvelles, les changements du contexte du marché de l'emploi des joueurs sont tels que les stratégies de délocalisation des centres de formation puissent paraître désormais susceptibles d'optimiser l'intérêt des clubs.
Il faut d'abord regretter que le nouveau règlement de la FIFA n'ait pas à ce jour été complété par l'indispensable règlement d'application, sans lequel les conditions de versement des indemnités de formation ne sauraient être considérées comme précisées de façon satisfaisante. La FIFA justifie cette situation par l'incapacité de certains responsables nationaux à réunir les données nécessaires au calcul de ces indemnités. Pour remédier à cette lacune, elle a fixé un barème provisoire, par origine géographique et par catégorie de centres de formation. Entre trois et quatre catégories sont identifiées en fonction de la charge financière présumée qu'entraîne la formation :
MONTANT DES INDEMNITÉS DE FORMATION
|
|||
Afrique |
2 e catégorie |
USD |
30.000 |
|
3 e catégorie |
USD |
10.000 |
|
4 e catégorie |
USD |
2.000 |
Asie |
2 e catégorie |
USD |
40.000 |
|
3 e catégorie |
USD |
10.000 |
|
4 e catégorie |
USD |
2.000 |
Europe |
1 e catégorie |
Euros |
90.000 |
|
2 e catégorie |
Euros |
60.000 |
|
3 e catégorie |
Euros |
30.000 |
|
4 e catégorie |
Euros |
10.000 |
Amérique du Nord et Amérique centrale |
2 e catégorie |
USD |
40.000 |
3 e catégorie |
USD |
10.000 |
|
4 e catégorie |
USD |
2.000 |
|
Océanie |
2 e catégorie |
USD |
30.000 |
|
3 e catégorie |
USD |
10.000 |
|
4 e catégorie |
USD |
2.000 |
Amérique du Sud |
1 e catégorie |
USD |
50.000 |
|
2 e catégorie |
USD |
30.000 |
|
3 e catégorie |
USD |
10.000 |
|
4 e catégorie |
USD |
2.000 |
Ce barème appelle une observation visant à en souligner l'inadéquation. Tout d'abord, l' évaluation forfaitaire sur laquelle il repose paraît minorer le coût réel de la formation par joueur . Ainsi, pour la France, à la suite de la demande d'information de la FIFA, la LFP a estimé le coût moyen de formation à 114.619 € par an et par joueur à partir d'un panel de quatre clubs : Rennes, Lyon, Auxerre, Nantes, estimation à mettre en regard des 90.000 € retenus par la FIFA.
A cette sous-évaluation, vient s'ajouter le parti pris, critiquable, de calculer l'indemnité de formation sur la base de l'indice du coût moyen par joueur . Dans l'état actuel des choses, cette décision revient à laisser à la charge des clubs formateurs près de 90 % des coûts que représente leur investissement dans la formation . On sait, en effet, que sur dix joueurs en formation, seul un joueur devient professionnel et peut, à ce titre, en cas de mutation, donner lieu à versement d'une indemnité de formation. Le calcul de celle-ci, fondé sur le seul coût moyen de formation d'un joueur, aboutit à ignorer le niveau exact des charges associées à un système de formation, qui doit être considéré comme un investissement global. A défaut d'adopter un facteur multiplicateur strict, au terme duquel la totalité des coûts de formation serait prise en compte pour fixer les indemnités, un meilleur partage de la charge de cet investissement devrait être mis en oeuvre.
Enfin, dernière observation , le nouveau règlement de la FIFA est susceptible de comporter de réels effets pervers .
Le contexte doit être rappelé. Les conditions contractuelles des joueurs en formation ne sont aucunement harmonisées ni au niveau mondial, ni même en Europe. En outre, les obligations pesant sur les centres de formation sont fortement différenciées. Dans ces conditions, un barème , qui établirait une relation entre le niveau de l'indemnité de formation et la provenance géographique , conduirait à privilégier l'embauche de joueurs venant de pays où les coûts forfaitaires sont comparativement faibles . Cette incitation objective serait de nature à « vider » les centres de formation des pays européens. Cet effet pervers est apparemment prévenu par le principe retenu d'appliquer au club employeur la tranche du barème prévue pour indemniser la formation des centres localisés dans son espace géographique.
Ainsi, un club français embauchant un joueur formé en Afrique est censé indemniser l'organisme de provenance en appliquant la tranche du barème fixée pour l'Europe. Cet aménagement devrait limiter la concurrence des centres de formation situés dans les pays à bas coûts.
Il n'est cependant pas satisfaisant . Il conduit, en effet, à assurer une rente aux centres de formation situés dans ces pays dès lors qu'ils parviennent à « vendre » des joueurs aux clubs des pays où l'indemnité de formation est calculée sur la base des tranches les plus élevées du barème. Ce résultat est contraire à l'objectif recherché d'éviter une délocalisation de la formation vers les pays à bas coûts et à réglementation faible.
Enfin, du fait du lien établi entre l'indemnité de formation et la durée de celle-ci , les clubs peuvent être tentés de conclure des contrats professionnels le plus tôt possible pour éviter le coût d'indemnisation des formations longues. Plus l'âge minimum du travail est bas, plus cette tentation peut trouver des prolongements effectifs, ce qu'il faut relever comme une anomalie.
Dans le contexte actuel de globalisation quasi-totale du marché du travail du football professionnel, il est très difficile de mettre en place des dispositifs pouvant prévenir les effets indésirables décrits ci-avant. Votre rapporteur estime toutefois que la mise en oeuvre d'une taxe visant les transferts en provenance des territoires extra-communautaires afin de compenser - au moins partiellement - le handicap comparatif des pays européens en matière de coûts de formation pourrait représenter une solution préférable à celle, finalement ambiguë retenue par la FIFA . Le niveau de la taxe devrait être calculé de sorte que l'embauche de jeunes joueurs extra communautaires soit économiquement équivalente à celle d'un joueur communautaire , et non pas aux fins de pénaliser les mutations réalisées en provenance de l'espace non communautaire. Il estime qu'alors seules des considérations sportives viendraient influer sur les décisions des clubs. Prolongeant cette logique , il serait utile de réfléchir à l'application d'un instrument identique à l'intérieur de l'espace européen puisque, semble-t-il, les conditions économiques de la formation des jeunes joueurs y étant assez nettement variables, du fait en particulier de différences réglementaires, la nécessité de corriger ces distorsions existe.
Enfin, les besoins d'harmonisation des conditions de travail en Europe devront être satisfaits afin que les pays les plus laxistes ne soient plus avantagés.