34. Audition de MM. Marc Maillet, membre du conseil d'administration de France Nature Environnement et membre du Conseil national de la montagne, Eric Feraille, représentant du réseau Montagne de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA) et Gilles Privat, secrétaire général de Mountain Wilderness (26 juin 2002)
M.
Marc Maillet
- Je remercie la commission de son invitation. La
société française souhaite effectuer un effort pour
protéger ses montagnes. Les associations ont un rôle important
à jouer dans cette mobilisation. Nous sommes de trois types
d'associations.
France Nature Environnement (FNE) est une fédération nationale
importante qui compte quarante salariés et travaille en réseau et
en mission. Une mission montagne existe même si son poids dans le travail
de mobilisation fédéral n'est pas le plus fort.
La Fédération regroupe 80 fédérations au niveau
régional dont certaines sont spécialisées par
thème, ce qui représente 10.000 bénévoles membres
de conseil d'administration lesquels détiennent des
responsabilités et une certaine influence. Le nombre d'adhérents
s'élève à 600.000 personnes. Nous publions un rapport
d'activité accessible à tous sur le site Internet. Je
représente FNE ce jour car je siège au sein du Comité de
massif des Pyrénées ainsi qu'au Conseil national de la montagne.
Je laisse le soin à mes collègues de se présenter. Nous
avons prévu de nous répartir les tâches s'agissant des
questions que vous nous avez adressées mais notre constat et nos
conclusions sont les mêmes.
M. Eric Feraille
- Je suis vice-président de la FRAPNA
Haute-savoie et j'interviens ici en tant que responsable du réseau
montagne de la FRAPNA région, c'est-à-dire la
Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, qui est
également une fédération d'associations de protection de
l'environnement régionales comportant des sections
départementales dans la région. Notre fédération
est également adhérente à FNE. Nos objectifs sont
semblables. La FRAPNA représente l'ensemble des associations dans les
commissions régionales ou départementales et mène
également des missions d'éducation à l'environnement,
d'expertise et, plus contestée, de veille environnementale.
M. Gilles Privat
- Mountain Wilderness est une ONG internationale,
fondée en 1987, représentée dans différents pays de
l'arc alpin et également en Espagne, au Royaume-Uni, au Pakistan ainsi
que dans d'autres pays. Mountain Wilderness étant à l'origine une
association d'alpinistes, cela explique que notre terrain d'intervention est
plutôt la haute montagne, mais, plus généralement, nous
cherchons à défendre l'idée de la montagne comme terrain
de liberté, comme terrain de développement d'activités
libres, non commerciales. Notre champ d'action peut donc s'étendre
à la moyenne montagne.
M. Marc Maillet
- Nous nous opposons à la banalisation de la
montagne. Nous défendons également la notion de
développement durable qui apparaît aujourd'hui dans les discours
de façon systématique.
Mais ces déclarations doivent être recentrées par rapport
à l'origine du concept. Un développement durable qui ne prendrait
pas en compte les préoccupations de protection serait un non-sens.
Le développement durable doit devenir le fil conducteur de la politique
de la montagne. Il implique une économie respectueuse des ressources
naturelles tant sous leur aspect quantitatif que qualitatif et la
préservation de la diversité biologique. Cette politique devrait
être relayée au niveau local par l'institution de comités
de pilotage de massifs présentant une unité géographique,
économique et culturelle.
S'agissant des espaces naturels, la biodiversité recule sous l'effet
conjugué de la déprise agricole, des aménagements
touristiques, de l'artificialisation des milieux, de l'urbanisation et de la
pollution. Afin d'enrayer ce recul de la diversité biologique, support
essentiel de la qualité des paysages indispensables à
l'activité touristique, il est urgent d'adopter une politique
cohérente de protection et de gestion des espaces naturels fondée
sur l'identification des espaces naturels remarquables au sein de chaque massif
et l'utilisation des outils de protection existants avec une mention
particulière pour le réseau Natura 2000.
Ce dernier constitue un outil de protection moderne utilisable à grande
échelle et impliquant la participation de tous les acteurs locaux. La
préservation des continuums et des corridors biologiques est
impérative pour le maintien à long terme de la diversité
biologique. Concernant l'agriculture, celle-ci a façonné les
paysages de montagne et se révèle indispensable à la
préservation de la diversité biologique et de l'identité
culturelle montagnarde.
Afin de relever le défi de la pérennisation de l'agriculture
montagnarde traditionnelle, il convient d'assurer sa
compétitivité par une production labellisée à forte
valeur ajoutée, la mise en place de circuits de distribution courts, des
aides à la mise aux normes des installations, la préservation des
terres agricoles face à l'urbanisation, la revalorisation des aides
apportées par les Contrats Territoriaux d'Exploitation (CTE), l'adoption
d'une législation permettant le maintien et le retour du pastoralisme.
Le rôle clé de l'agriculture dans l'entretien des espaces naturels
et des paysages doit être explicitement reconnu. Cette tâche doit
être rendue possible par des mesures d'aides spécifiques à
l'embauche dans le cadre des CTE ou des contrats Natura 2000.
En matière de tourisme et loisirs, l'impact des équipements
lourds destinés à favoriser la pratique du ski alpin est
considérable et a profondément altéré la perception
de la montagne. La montagne est perçue non plus comme un espace vivant
et habité mais comme un gigantesque stade dédié aux
loisirs. La stagnation de la demande, le réchauffement climatique et
l'impact environnemental et paysager majeur de ces équipements doit
conduire à une réorientation radicale de la politique de
développement touristique vers l'abandon de l'extension des domaines
skiables, l'amélioration de l'existant, et la diversification de l'offre
en l'orientant vers le contact avec l'habitant et le tourisme dit vert.
Le développement touristique de masse a créé de graves
disparités entre les communes disposant d'un domaine skiable rentable et
celles dont l'environnement reste préservé. Les revenus de
l'activité touristique doivent être répartis par le biais
d'un système de coopération intercommunale à
l'échelle des massifs géographiquement et culturellement
cohérents. La valeur biologique des forêts spontanées de
montagne devrait être explicitement reconnue et sa gestion extensive
favorisée.
La prévention de la pollution du milieu aquatique devrait être
prioritaire et faire l'objet de mesures spécifiques. En raison du
relief, de l'isolement, du travail séculaire des agriculteurs et de la
grande variété de microclimats, la richesse des milieux naturels
montagnards est exceptionnelle. Il s'agit d'un patrimoine d'une valeur
inestimable et d'une grande fragilité.
Nous avons le devoir de le conserver dans le meilleur état possible. Si
la valeur du patrimoine bâti en tant que témoin de
l'identité culturelle est reconnue, la valeur patrimoniale et culturelle
des espaces naturels est à l'heure actuelle largement
sous-évaluée et doit être clairement affirmée par la
politique de la montagne. En effet, la diversité biologique est plus
grande sur 3.000 mètres de dénivelé en montagne que sur
3.000 kilomètres de plaine.
L'évolution des milieux naturels montagnards au cours de ces
dernières années n'est pas réjouissante. Malgré la
création de quelques sanctuaires protégés, la
biodiversité recule de manière alarmante sous l'effet
conjugué de plusieurs facteurs : la déprise agricole qui
entraîne la fermeture des paysages par boisement spontané ou
artificiel, mais aussi la transformation des pâturages d'altitude
abandonnés en landes à faible diversité biologique. Les
activités touristiques de masse entraînent la destruction directe
des milieux et particulièrement la création ou l'extension de
domaines skiables et les réalisations connexes d'immobilier de loisir.
Elles ont également pour effet :
l'urbanisation des vallées et piémonts ;
la transformation des boisements spontanés proches de
l'état naturel en plantations d'essences exotiques ou de
conifères à fort rendement ;
l'assèchement des zones humides ;
la canalisation des cours d'eau,
la création de barrages hydroélectriques et de captages
pour les besoins en eau des stations ainsi que des canons à neige ,
la pollution de l'eau et de l'air.
Quels sont les outils de protection ? Les Parcs nationaux et les
réserves naturelles sous la tutelle de l'Etat instituent une protection
réglementaire forte et sont associés à des mesures de
gestion des espaces naturels protégés. Ils ont, de plus, une
vocation scientifique qui ne saurait être contestée. Outils
efficaces de préservation du patrimoine naturel, ils ont permis la
conservation de nombre d'espaces remarquables qui auraient sans doute disparu
en l'absence de mesures de protection forte.
Mais ces mesures de protection ont souvent été instituées
de manière autoritaire par l'Etat sur des territoires convoités
pour l'aménagement touristique de masse (domaines skiables) afin de
tenter de respecter le principe d'équilibre entre espaces naturels et
espaces aménagés.
Leur acceptation est parfois problématique en raison du manque de
dialogue et de concertation dans leur phase de mise en place. D'autre part, du
fait des fortes contraintes qu'ils engendrent, ils ne peuvent constituer des
outils pertinents pour la préservation à grande échelle
des espaces montagnards.
Les Réserves nationales de chasse et de faune sauvage
gérées par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage
(ONCSF), ont été créées initialement dans un but de
préservation du patrimoine cynégétique.
Elles contribuent à protéger efficacement les espaces naturels et
la faune dans son ensemble et sont gérées par l'ONCSF ou l'ONF.
Les arrêtés préfectoraux de Protection de biotope pris par
le Préfet de département après avis des communes
concernées et de la Commission départementale des sites
instituent une protection réglementaire forte des milieux naturels, mais
n'entravent ni la chasse, ni la pêche, ni les activités agricoles
et forestières traditionnelles.
Ils ont l'avantage de généralement donner lieu à une
concertation locale et sont assez souvent bien acceptés. Leur
inconvénient majeur réside dans l'absence de mesure de gestion
des espaces naturels ainsi protégés. Ils sont
généralement réservés à des espaces
relativement restreints à très forte valeur biologique et ne
sauraient constituer un outil de protection des milieux naturels
généralisable.
Les sites classés au titre de la loi de 1930 instituent une protection
paysagère rigoureuse, mais sont dépourvus de tout outil de
gestion des milieux naturels remarquables. Les sites inscrits n'offrent, en
revanche aucune garantie de protection.
Les Parcs naturels régionaux créés sur la base de
l'adhésion des élus locaux à une charte
élaborée après concertation approfondie entre les
différents acteurs de l'espace rural sont susceptibles d'être un
outil efficace de préservation du patrimoine naturel et culturel
(exemple le Queyras). Ils renferment souvent un ou des espaces
protégés par une mesure réglementaire de type
Réserve naturelle comme le Haut-Jura ou par un arrêté
préfectoral de Protection de Biotope. Ils ont pour inconvénient
de ne pas proposer de plan de gestion d'ensemble des espaces naturels du parc,
ni de sanction en cas de non-respect de la charte par un ou plusieurs de ses
signataires.
D'autre part, cet outil ne limite pas les aménagements touristiques
lourds à fort impact paysager et naturaliste (Volcans d'Auvergne). De ce
fait, ils sont parfois inopérants pour éviter la disparition des
milieux naturels.
Le réseau Natura 2000, très contesté par nombre
d'élus relayés par certains représentants du monde
agricole, de la chasse et des forêts privées, est un nouvel outil
axé sur la gestion concertée des milieux naturels
préservant leur biodiversité. La mise en place de ce
réseau a souffert de sa connotation européenne. De plus,
d'importantes maladresses de présentation et la trop tardive publication
de son cadre réglementaire ont empêché la mise en oeuvre
rapide.
Natura 2000 n'en constitue pas moins un outil moderne de préservation et
de gestion des milieux naturels remarquables, basé sur un financement
par contractualisation après une phase de large concertation des acteurs
de terrain et d'élaboration d'objectifs de gestion. Cet outil a le grand
avantage d'inclure une démarche scientifique, d'être
géré au plan local par un comité de pilotage, d'impliquer
tous les acteurs locaux et de proposer un accompagnement financier. De plus, il
peut se superposer aux autres mesures de protection.
Ce réseau étant en cours de mise en place, son efficacité
reste à évaluer. On notera les très importantes
disparités de propositions de sites Natura 2000 entre massifs montagneux
et entre départements au sein d'un même massif remettant en
question la notion de réseau.
Les Réserves naturelles régionales représentent un nouvel
outil de protection qui vient d'être institué par la loi sur la
démocratie de proximité pour lequel nous ne disposons pas encore
d'exemple. Elles ont l'avantage d'impliquer l'adhésion des élus
et des propriétaires, mais ont l'inconvénient d'une
réversibilité aisée en cas de forte pression
d'aménagement.
On notera également l'existence du dispositif "Forêt de
protection" interdisant tout changement d'utilisation du sol et tout
défrichement, dont le but est de prévenir les catastrophes
naturelles liées à l'érosion ainsi que les Réserves
biologiques forestières, créées et gérées
par l'ONF.
Les autres outils de protection expérimentés, comme les
Directives paysagères ou l'Espace Mont Blanc, n'ont donné lieu
à aucune action concrète de préservation et/ou de gestion
des milieux naturels et semblent définitivement enlisés. Cet
échec montre la nécessité d'une structure de coordination
détenant un rôle moteur et in fine un pouvoir décisionnel
afin que les projets puissent aboutir, cette dernière pouvant être
l'Etat, la Région ou le Département.
Il nous paraît essentiel de souligner que la création d'espaces
naturels protégés bénéficiant d'un statut de
protection n'a fait que limiter les atteintes et, dans certains cas, a servi
d'alibi à des actions anarchiques en dehors de ces espaces. D'autre
part, une mesure de protection prise sur un territoire se révèle
efficace uniquement si elle s'accompagne de la présence locale d'un
gestionnaire qui maintient le dialogue et la concertation avec les élus
et les habitants.
La pérennité de l'extraordinaire valeur biologique et
paysagère des espaces naturels montagnards demande avant tout
l'élaboration d'une démarche cohérente de
préservation et l'abandon de la politique du coup par coup au gré
des luttes d'influence. En effet, les outils de protection et de gestion
existants utilisés à bon escient sont efficaces pour la
préservation des zones naturelles à forte valeur patrimoniale. En
revanche, la préservation des zones naturelles dites banales et des
continuums de milieux naturels et des corridors biologiques nécessite
d'être intégrée dans les documents d'urbanisme ou
d'aménagement du territoire.
Cette cohérence ne peut être favorisée que par
l'élaboration de plans des espaces naturels à l'échelle
régionale tout d'abord en s'inspirant d'une démarche de type DTA
qui pourrait être élaborée par les Comités de
Massifs, puis à l'échelle du massif présentant une
unité géographique, historique, économique et culturelle,
(comme Bornes-Bargy-Aravis pour la Haute-Savoie), par la création de
comités de pilotage de massifs.
Devraient être identifiées les zones naturelles à forte
valeur patrimoniale sur la base des inventaires existants (ZNIEFF (Zone
Naturelle d'Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique), Natura
2000...), les continuums des grands milieux naturels (forêts, zones
humides...), les corridors de déplacement de la faune. A cet
égard, la démarche du Conseil général de
l'Isère est exemplaire.
Après leur élaboration qui peut être mise en oeuvre
rapidement, ces documents devraient être accessibles à tous et
largement diffusés après des collectivités locales afin
qu'elles puissent non seulement bénéficier des données
locales, mais qu'elles puissent également se situer dans le contexte
départemental et régional.
Sur la base de ces documents objectifs, les outils de préservation
adaptés des zones à forte valeur patrimoniale devraient
être définis (Réserve naturelle, Réserve naturelle
régionale, Arrêté préfectoral de protection de
Biotope, Natura 2000).
Les mesures d'accompagnement permettant une gestion et un développement
cohérents des zones périphériques répondant aux
objectifs de développement durable devraient être
élaborés après concertation approfondie et participation
des différents acteurs à l'échelle du comité de
pilotage du massif. Les documents d'urbanisme (SCOT (Schémas de
cohérence territoriale), PLU (Plans locaux d'urbanisme), Carte
communale) devraient intégrer l'ensemble de ces données afin
d'assurer la cohérence des mesures de protection de la nature avec le
développement de l'habitat et des activités économiques et
touristiques.
Un tel processus démocratique local pourrait mettre un terme à
l'opposition quasi institutionnelle des élus et des protecteurs de
l'environnement essentiellement liée au profond déficit
d'écoute, de dialogue et de capacité de négociation.
Concernant l'agriculture, cette activité est au coeur de
l'identité culturelle des populations montagnardes qui ont
développé des modes d'exploitation originale ayant
favorisé une forte diversité biologique et donné sa
typicité aux paysages. Après une forte tendance à la
déprise agricole, l'activité agricole, et notamment
l'exploitation des alpages, semble se stabiliser pour les zones de production
fromagère AOC. Dans les autres secteurs, la déprise agricole se
poursuit et se voit probablement ralentie par les aides directes
accordées à l'agriculture de montagne. L'activité agricole
a modelé les paysages montagnards et l'agriculture traditionnelle
extensive est indispensable à la pérennité de nombre de
milieux dits "naturels", et des espèces animales et
végétales inféodées à ces milieux. Les
pelouses sèches et les alpages en sont les exemples les plus frappants.
Un des défis majeurs de la politique de la montagne des prochaines
décennies sera de mettre en oeuvre les moyens nécessaire à
la pérennité de l'agriculture de montagne sans pour autant
détériorer les milieux naturels. Cette agriculture est
menacée par son manque de compétitivité vis-à-vis
des territoires de plaine, la charge financière des impératifs de
mise aux normes des bâtiments agricoles et des ateliers de production,
l'urbanisation généralisée des vallées
(résidences secondaires et lits touristiques banalisés) et des
zones de piémont (développement de grandes agglomérations)
entraînant la disparition des terrains plats favorables aux
mécanisations et par conséquent de la production de fourrage. La
pérennité de l'agriculture de montagne passe par une production
labellisée de haute qualité à forte valeur ajoutée.
A cet égard, le renforcement des AOC fromages et le développement
d'AOC viande (ovine, bovine, porcine) sont une impérative
nécessité. Il est nécessaire également de mettre en
place des circuits de distribution courts afin d'assurer un revenu maximum au
producteur et limiter la plus-value liée à la multiplicité
des intermédiaires. Les producteurs doivent veiller à la
diversification de leurs productions (porcs, volailles, oeufs, fruits et
légumes). Des aides massives mais temporaires pourraient être
accordées aux agriculteurs leur permettant de mettre aux normes les
bâtiments d'exploitation et les ateliers de production (fromage, viande,
charcuterie...) et à l'organisation des circuits de distribution. Il
faudrait identifier et préserver les surfaces agricoles des
vallées et des zones de piémont indispensables à
l'activité agricole traditionnelle et veiller à leur protection
rigoureuse vis-à-vis de l'urbanisation ou de la création de zones
récréatives. L'initiative de favoriser la desserte des
pâturages d'altitude en favorisant le transport par câble limitant
la pénétration par les engins motorisés serait
intéressante. Enfin, il faudrait revaloriser les Contrats territoriaux
d'exploitation et les Mesures agricoles environnementales en remplacement des
"primes montagne". L'ensemble de ces mesures devrait aider très
significativement l'agriculture de montagne à relever le défi de
la compétitivité du marché et à s'affranchir
progressivement des aides à la production, l'assistanat étant
très mal vécu. En plus de sa vocation de production de produits
bruts ou transformés, la société demande à
l'agriculteur de montagne d'assurer l'entretien des paysages et des milieux
dits "naturels". Cette tâche a été implicitement
assumée par les agriculteurs de montagne au travers de méthodes
d'exploitation traditionnelles et s'exprime actuellement de manière plus
ou moins explicite par l'intermédiaire de mesures agri-environnementales
dans le cadre des Contrats territoriaux d'exploitation et des contrats Natura
2000.
Considérant l'évolution récente de l'agriculture et plus
particulièrement la diminution importante de la main d'oeuvre
consécutive aux impératifs de rentabilité et de
mécanisation, il nous paraît difficile, voire impossible qu'en
l'état actuel des choses, les exploitants agricoles qui sont souvent
seuls, puissent assumer le surcroît de travail que demande la mise en
oeuvre des pratiques contraignantes nécessaires à la gestion des
milieux naturels. Sans main d'oeuvre supplémentaire, le succès de
telles mesures semble compromis. Les contrats Natura 2000 et les CTE devraient
inclure l'embauche de salariés destinés à assumer la
charge de travail supplémentaire. Pour ce qui concerne l'activité
pastorale, nos associations sont favorables au retour des bergers et à
une relance de filières jusqu'ici laissées à l'abandon.
Elles soutiennent pour l'essentiel les propositions du groupe de travail
interministériel sur le pastoralisme, dont le rapport a
été remis au Ministre de l'agriculture afin de :
effectuer les adaptations législatives et réglementaires en
appui aux associations foncières et aux groupements pastoraux ;
soutenir la formation initiale et continue des bergers et des
vachers ;
améliorer la recherche et la formation dans les
problématiques des zones pastorales ;
favoriser l'accès au CTE pour les structures collectives
gestionnaires d'estives ;
rechercher des lieux de concertation
ad hoc
entre les
différents utilisateurs des espaces pastoraux ;
réformer ou adapter les dotations communales et la taxe sur les
espaces naturels sensibles au bénéfice des communes favorisant
les surfaces en herbe et gérant des espaces naturels remarquables.
Tout cela implique que soit confiée rapidement à un parlementaire
une mission visant à quantifier et proposer un axe fort en faveur du
pastoralisme. Le rôle de l'agriculture de montagne dans la
préservation de la qualité des paysages et des espaces naturels
doit être explicitement reconnu. Cette reconnaissance doit s'accompagner
d'une rémunération sous la forme de fortes aides à
l'embauche dans un cadre contractuel. En effet, l'activité touristique
des zones de montagne repose largement sur la qualité des paysages et
des milieux naturels, il nous paraît équitable que les
gestionnaires de ces espaces puissent bénéficier d'une
contrepartie financière des services rendus à la
collectivité. Il faut souligner qu'une telle mesure serait
également très bénéfique en termes d'emplois et de
préservation du tissu social.
S'agissant du tourisme et des loisirs, ces activités sont devenues au
cours des dernières décennies un élément majeur de
l'économie montagnarde. Leur impact est considérable sur
l'évolution des paysages, des milieux naturels, de l'identité
culturelle et des structures sociales des zones de montagne.
Parallèlement à l'activité touristique, s'est
développée une activité de loisirs des habitants des
grandes métropoles proches des massifs montagneux.
Le touriste et le citadin partagent les mêmes types d'activités
avec des conséquences similaires sur l'évolution de l'espace
montagnard. Ces phénomènes de masse transforment l'espace
montagnard en un gigantesque centre de loisirs, conduisent à
l'artificialisation et à la banalisation des paysages et menacent
l'identité culturelle et les activités économiques
traditionnelles des communautés montagnardes. La montagne n'est plus
perçue comme un milieu vivant et habité mais comme un grand stade
minéral, simple support des activités ludiques plus ou moins
agressives pour le milieu naturel totalement méconnu. Concernant le ski
alpin, la priorité a été donnée aux
équipements lourds destinés à favoriser la pratique
quasi-exclusive de ce type d'activité dans les massifs où
l'enneigement le permettait. Le développement considérable de la
pratique du ski alpin a engendré l'extension et la diffusion des noyaux
urbains préexistants, la création
ex-nihilo
de stations en
altitude, l'équipement en remontées mécaniques et pistes
de ski de surfaces considérables, la création ou l'agrandissement
des infrastructures routières, la génération d'eaux
usées et de déchets ménagers en grande quantité, le
gaspillage de l'eau et de l'énergie (remontées mécaniques,
canon à neige). Les massifs les plus concernés sont, bien
entendu, les Alpes, surtout la moitié nord, les Pyrénées,
mais aussi les points les plus élevés du massif central (Mont
Dore et Monts du Cantal).
Ailleurs, le développement du ski alpin est resté modeste et n'a
pas d'impact majeur sur l'environnement et l'agriculture. Le nombre de skieurs
a augmenté jusqu'au début des années 1990 et stagne
actuellement malgré l'augmentation de la proportion de la
clientèle étrangère. Un phénomène que les
professionnels du tourisme appellent pudiquement "la maturité"'. Le
développement du ski alpin a eu un impact extrêmement
négatif sur l'environnement. Cette activité a
nécessité en effet la consommation irraisonnée par
l'urbanisation des prairies de fauche indispensables à l'agriculture
pour assurer la nourriture du bétail pendant les longs hivers. Dans
certaines vallées, on pallie ce déficit par l'importation de
fourrage (entraînant ainsi des coûts de transport). Ce
phénomène est très marqué dans les stations dites
de village. Elle a eu pour conséquence la déprise de nombre
d'alpages. On estime que pour un hectare de terrains agricoles qui
disparaît en vallée, quatre hectares d'alpages ne sont plus
pâturés. Le développement du ski alpin a provoqué la
destruction directe des milieux naturels par les constructions, les
terrassements, le rabotage des pistes, l'érosion, le ski hors piste, la
création de retenues collinaires afin de maintenir la neige
artificielle.
De plus, certaines espèces animales exigeantes quant à la
qualité du milieu comme le Tétras lyre se sont
raréfiées dans des proportions alarmantes. Le milieu aquatique
est pollué de façon massive du fait des eaux usées lors de
la période de vulnérabilité maximale d'étiage
hivernal et de reproduction des salmonidés. Une source de pollution
supplémentaire non-négligeable est constituée par les
restaurants d'altitude. Une quantité très importante de
déchets ménagers devant être acheminée vers les
décharges ou les incinérateurs est produite. Enfin le ski alpin a
entraîné l'altération profonde de la qualité des
paysages, particulièrement l'été qui démasque la
mauvaise intégration des constructions, des remontées
mécaniques, des pistes de ski.
Après une pause des constructions liée aux hivers sans neige des
années 1990 et à la crise de l'immobilier consécutive,
nous observons une recrudescence alarmante des projets d'extension de domaines
skiables. La tendance actuelle est à la réalisation d'immenses
domaines skiables interconnectés et à la conquête des
derniers espaces vierges d'équipement en marge des domaines skiables.
Cette évolution est très sensible dans les Alpes du nord.
Cette coûteuse fuite en avant est surtout motivée par la
concurrence féroce que se livrent les grandes stations, souvent sous
contrôle de grands groupes financiers, dans la perspective de profits
à court terme et pour conserver leur part de marché d'une
clientèle en stagnation. Elle se trouve accélérée
dans certaines vallées, vallée de la Maurienne par exemple, par
la mise en place de Zones de Revitalisation rurales (ZRR) qui dopent le
marché de l'immobilier locatif touristique grâce à des
aides fiscales très importantes. L'aménagement des zones refuges
séparant les grands domaines skiables a des répercussions
extrêmement néfastes notamment sur la faune, par perturbation
directe de ses ultimes refuges en période de
vulnérabilité, par son cantonnement dans des espaces de plus en
plus restreints favorisant la dégradation des milieux forestiers et la
propagation des maladies infectieuses et parasitaires, et par sa destruction
directe par les dispositifs de sécurisation des domaines skiables
(avalanches). L'impact touche également la flore et les milieux naturels
par destruction directe ou indirecte, en interrompant la continuité des
milieux naturels, en cloisonnant les espaces dits "noyaux", et en dirigeant le
flux touristique estival vers les espaces encore vierges. Enfin les
conséquences sur les paysages ne sont pas négligeables : les
constructions artificialisent et banalisent des zones de plus en plus
importantes, ce qui altère la perception même de l'espace
montagnard.
Jusqu'à la décentralisation de la procédure d'autorisation
des Unités touristiques nouvelles (UTN), le principe d'un
équilibre entre les zones aménagées et les zones
protégées a permis la protection pérenne de surfaces
significatives par la création de Parcs nationaux, de Réserves
naturelles et d'Arrêtés préfectoraux de protection de
biotope en contrepartie des atteintes au milieu naturel consécutives aux
aménagements. La procédure décentralisée a vu
disparaître cette notion d'équilibre au seul profit des
aménagements, conduisant au grignotage continu des espaces naturels par
l'extension des domaines skiables.
De plus, nombre de décisions ou d'orientations de protection de l'Etat
prises avant la décentralisation sont restées lettre morte, car
n'étant pas encore mises en oeuvre au moment de la
décentralisation, elles ont été efficacement combattues
localement par les différents groupes d'influence convoitant ces espaces
encore vierges. La procédure décentralisée, reposant sur
un arrêté du Préfet de région pris après avis
des différents services de l'Etat et surtout d'une Commission UTN, a
montré son incapacité à préserver les milieux
naturels face aux enjeux économiques à court terme. Les seuls
motifs d'avis défavorable sont d'ordre économique, mais l'impact
environnemental d'un projet, fût-il majeur, ne constitue pas un
élément d'abandon du projet. La commission UTN s'est
transformée en commission de validation où plus de 90 % des
dossiers sont acceptés. La composition de cette commission doit
être examinée : les aménageurs ou des membres directement
impliqués dans l'administration de station sont
sur-représentés alors que les associations de protection ou
d'usagers ne disposent que d'un seul siège. Les mesures dites de
"compensations environnementales" sont généralement minimes et
impropres à réduire un impact non compensable et restent souvent
inappliquées. Il faut également noter un très faible taux
de réalisation des UTN approuvées dans les
Pyrénées.
L'enjeu spéculatif demeure sur les droits à construire, ce qui
limite tout autre perspective, notamment agricole.
Le déficit d'enneigement conduit nombre de stations de moyenne altitude
à investir dans la production de neige dite de "culture". Cette
évolution conduit non seulement à une artificialisation encore
plus profonde de l'espace dédié au ski alpin, mais a pour effet
le gaspillage de la ressource en eau, car bien souvent ce sont les ressources
d'eau potable qui alimentent les canons à neige. En résulte
également l'assèchement des petits cours d'eau et la destruction
du milieu aquatique accentué par l'étiage hivernal, la
destruction de zones humides, à forte valeur patrimoniale, pour la
constitution de retenues collinaires, l'apparition d'additifs chimiques ou
bactériens remontant la température de congélation de
l'eau est un facteur d'inquiétude car personne ne connaît les
conséquences de la dispersion de ces additifs en grande quantité
dans le milieu naturel. Le ski alpin reste une activité de
première importance au niveau national et réalise un chiffre
d'affaires considérable. Néanmoins, si cette activité a pu
à court terme donner une bouffée d'oxygène à
certaines communes de montagne, la situation, aujourd'hui, s'avère
contrastée. D'un côté les grands domaines skiables et leurs
structures d'hébergement connexes se portent bien. Toutefois, ces
grandes infrastructures rentables échappent de plus en plus aux
communautés montagnardes et passent sous contrôle de grands
groupes financiers en quête de rentabilité immédiate. Les
petites stations de basse et moyenne altitude connaissent souvent de grandes
difficultés financières car elles ne peuvent amortir les lourds
investissements consentis du fait de la pénurie de neige. Une aide
publique est souvent nécessaire pour éviter le dépôt
de bilan.
Etant donné que la France est le pays du monde qui possède le
plus fort pourcentage de zones de montagne aménagées en domaine
skiable, que l'offre est supérieure à la demande, que le
réchauffement climatique caractérisé par des automnes
tardifs, des printemps précoces, le recul des glaciers et la
remontée de l'altitude moyenne de l'enneigement hivernal de 1 000
à 1 500 mètres en l'espace de 40 ans est devenu une
réalité, que, dans une échéance de 10 à 20
ans, le réchauffement climatique va entraîner une remontée
de l'enneigement hivernal aux environs de 1 800-2 000 mètres,
que l'impact sur l'environnement du ski alpin est grand, que tout nouvel
aménagement en zone vierge aura un impact majeur et non compensable sur
l'environnement, enfin que l'extension des domaines skiables est incompatible
avec la notion de développement durable, nous demandons comme le Club
alpin français et le Club arc alpin, que la politique de la montagne
s'oriente résolument vers la préservation des espaces vierges
d'équipement et proscrive l'extension des domaines skiables existants.
La commission UTN a montré son inaptitude à l'évaluation
des impacts environnementaux des projets d'aménagement. Son rôle
devrait se limiter à l'analyse des aspects socio-économiques du
projet, l'analyse de la compatibilité du projet d'aménagement
avec les impératifs de préservation des milieux naturels. Les
objectifs du développement durable devraient revenir à la
Commission départementale des sites perspectives et paysages en
formation de protection de la nature et, le cas échéant, aux
futurs comités de pilotage des massifs. La réalisation d'un
projet devrait être subordonnée à l'obtention d'un avis
favorable de l'ensemble des commissions. En cas d'avis favorable, un
comité de suivi devrait être désigné afin de
vérifier la conformité des réalisations par rapport
à l'autorisation délivrée. La politique commerciale des
stations françaises basée sur le seul critère quantitatif
des kilomètres de pistes et du nombre de remontées
mécaniques offertes à la clientèle doit être remise
en question. Le maintien de la compétitivité de la France dans le
domaine du ski alpin passe par une amélioration de la qualité de
l'offre et non de sa quantité qui est déjà
excédentaire.
A cet égard, un effort considérable devrait être consenti
pour le remplacement des téléskis par des
télésièges, l'adaptation du débit des
remontées mécaniques à la fréquentation,
l'intégration paysagère des remontées mécaniques et
des pistes, et l'amélioration de la qualité de
l'hébergement et des services en station. Dans le cas particulier des
stations de basse et moyenne altitude en difficulté financière,
la politique de la montagne devrait favoriser la reconversion basée sur
la diversification des activités et aider au démantèlement
progressif des remontées mécaniques obsolètes à
mesure de la croissance de l'offre diversifiée. La reconversion de
certains domaines équipés pour le ski alpin en domaines de ski
nordique moins préjudiciable à l'environnement pourrait
être effectuée. La politique actuelle de fuite en avant
fondée sur la conquête de nouveaux espaces vierges et
l'enneigement artificiel doit être abandonnée. L'enneigement
artificiel devrait être très limité, et soumis à une
étude d'impact et une procédure d'autorisation tenant compte de
la ressource en eau, de la sensibilité des milieux sur les sites
susceptibles d'être aménagés. L'adjonction d'additifs
devrait être proscrite en application du principe de précaution
jusqu'à ce que leur innocuité pour l'environnement soit
établie de manière scientifiquement irréfutable.
Les via Ferrata, phénomène d'apparition récente, se
multiplient sur tous les massifs montagneux. Bénéficiant d'un
flou réglementaire, l'implantation des Via Ferrata s'effectue au
gré de leurs promoteurs en fonction des seuls arguments touristiques et
techniques. A l'heure actuelle, les enjeux environnementaux, parfois
très importants en ce qui concerne l'avifaune protégée, ne
sont absolument pas pris en compte. Les projets de Via Ferrata devraient
être soumis à enquête publique mettant en oeuvre une
étude d'impact et une procédure d'autorisation de type UTN
prenant en compte de manière forte les enjeux environnementaux. En
effet, les falaises sont d'une richesse faunistique et floristique très
inégale en fonction de leur exposition et il est rare qu'il n'existe pas
de site potentiel pour développer une Via Ferrata dont l'impact
environnemental soit faible, voire minime. Enfin, vu l'ampleur des travaux
nécessaires, la construction de Via Ferrata devrait être
subordonnée à l'obtention d'un permis de construire.
L'impact paysager du ski nordique est limité car sa pratique ne
nécessite généralement pas de remontées
mécaniques et peu ou pas de terrassements. Les problèmes
environnementaux posés par cette pratique concernent essentiellement :
le dérangement de la faune en période d'hivernage, ce qui peut
être évité en détournant les traversées des
zones d'hivernage sur les pistes, les dommages causés à certains
milieux particulièrement sensibles comme les tourbières par les
engins de damage et les skieurs, impact négatif qui peut être
aisément évité par un tracé des pistes
adéquat.
La principale nuisance est constituée par le trafic automobile et le
stationnement anarchique à proximité du domaine skiable comme aux
Glières. Mais cet impact pourrait être réduit par
l'instauration d'un système de navette gratuite au départ des
stations et d'un stationnement payant en altitude. Les activités de
pleine nature motivent les séjours en montagne et le principe du libre
accès à la nature doit être affirmé. Leur impact sur
l'environnement dépend de la densité de fréquentation et
du degré d'information des pratiquants. Le rôle d'information des
offices de tourisme et des accompagnateurs est, à cet égard,
capital. Ces derniers informent le public sur les nuisances produites par la
fréquentation anarchique sur la faune, sur les milieux naturels
sensibles (zones humides), sur les activités agro-pastorales et
indiquent les propositions d'itinéraires balisés et/ou
pédagogiques permettant une maîtrise des flux. Dans ce domaine,
les collectivités locales et les professionnels du tourisme pourraient
travailler en collaboration étroite avec le milieu associatif. La
raquette à neige pose par endroits de graves problèmes de
dérangement de la faune en période de vulnérabilité
hivernale. Un effort d'information sur les conséquences des
perturbations hivernales de la faune (mortalité par épuisement)
et la proposition d'itinéraires balisés reprenant les sentiers
utilisés pour la randonnée estivale pourraient concourir
efficacement à limiter l'impact de cette pratique en plein essor.
Nous voudrions proposer quelques pistes pour permettre au tourisme de
participer au développement durable : d'une part il faudrait
instituer un système de répartition des revenus
générés par la pratique du ski alpin qui sont très
inégalement répartis. Plutôt que de chercher à
développer la pratique du ski alpin dans les communes dont
l'environnement est encore préservé (Sixt Fer à cheval en
Haute-Savoie), il nous paraît plus opportun de jeter les bases d'une
coopération intercommunale par l'intermédiaire de larges
Communautés de communes et d'instaurer ainsi une répartition des
revenus issus de l'activité touristique hivernale. En effet, une part
non négligeable de l'activité touristique des stations dont le
cadre paysager est très dégradé repose sur
l'attractivité des espaces naturels encore vierges d'équipement
des communes voisines, sans que celles-ci n'en retirent les dividendes. De
plus, il faudrait favoriser la diversification de l'offre. L'avenir de
nombreuses petites stations de sport d'hiver orientées sur la seule
pratique du ski alpin comme La Giettaz, en Savoie, est sombre en raison des
aléas climatiques et du réchauffement planétaire. Il nous
paraît essentiel de favoriser la diversification de l'offre par une
reconversion d'une partie du domaine skiable en domaine nordique. Il faudrait,
par ailleurs, développer l'hébergement chez l'habitant
(gîtes ruraux, chambres d'hôtes, accueil à la ferme) de
manière à rompre l'isolement des populations montagnardes et de
favoriser le contact entre le monde rural et monde urbain, qui est de plus en
plus ténu, enfin, proposer des formations d'encadrement des
activités de loisirs afin de garantir la pérennité de la
pluri-activité qui, à l'heure actuelle repose essentiellement sur
le monitorat de ski et les emplois liés aux remontées
mécaniques, l'hôtellerie et la restauration employant surtout des
travailleurs saisonniers.
Les forêts recouvrent de nos jours des surfaces très importantes
dans les zones de montagne. Il est important de souligner que les espaces
forestiers sont d'un intérêt biologique très
différent selon le mode de gestion en vigueur. Les anciennes
forêts semi-naturelles exploitées extensivement et
constituées d'essences indigènes qui se développent
spontanément en altitude, renferment une très forte valeur
biologique.
La valeur biologique des plantations de conifères exotiques ou
d'épicéas en rangs serrés exploités en coupe
à blanc est en revanche très faible. Bien que loin d'être
en danger sur le plan quantitatif, la forêt de montagne est
menacée sur le plan qualitatif. La tendance ces dernières
décennies a été marquée par une forte croissance
des plantations de résineux au détriment des peuplements
naturels. Cette évolution a été particulièrement
marquée dans le Massif Central et dans les Vosges. La
préservation des peuplements forestiers proches de l'état naturel
devrait être fortement encouragée par des aides spécifiques
inspirées des contrats Natura 2000 et par une labelisation du bois issu
de ces forêts exploitées de manière extensive (jardinage).
Ces aides seraient une reconnaissance explicite du rôle protecteur de la
forêt par rapport à l'érosion et aux risques naturels
(avalanches, glissements de terrain). L'exploitation du bois est difficile en
zone de montagne et génératrice d'importants dégâts
liés à la réalisation de pistes d'exploitation, du passage
des engins de débardage de plus en plus lourds. Localement, ces travaux
forestiers entraînent une érosion préoccupante et les
pistes ouvrent de nouveaux espaces à la pratique des loisirs
motorisés qui sont une source de nuisance forte pour la faune et les
autres usagers de ces espaces. La fragilité de ces terrains devrait
être prise en compte lors des travaux d'exploitation forestière et
les techniques de débardage par les chevaux ou par câble devraient
être encouragées par des aides spécifiques et par la
création d'un label. Lorsque la création d'une piste
d'exploitation s'impose, elle devrait être refermée et
reboisée dès la fin des travaux afin de limiter l'érosion
et la pénétration des engins à moteurs (quads, 4x4,
motoneiges).
La spécificité et la richesse biologique particulière de
la zone de conflit entre la forêt et les espaces ouverts
(1 600-2 000 m) devrait être explicitement reconnue et un
effort de gestion particulier de cette zone devrait être entrepris. Cette
zone est à la fois menacée par la fermeture des espaces due
à la progression des boisements et par les aménagements en
domaine skiable. Toute nouvelle installation dans cette zone largement
équipée devrait être proscrite et la restauration de ces
milieux dits en mosaïque (bosquets, landes, prairies) devrait être
favorisée (exemple Tétras Lyre dans le Val d'Arly en Savoie).
Enfin les zones de montagne bénéficiant de larges peuplements
forestiers devraient être encouragées pour utiliser le bois local
comme matériau de construction et comme source d'énergie
renouvelable avec des retombés bénéfiques en termes
d'emploi.
Les zones de montagne renferment de fortes réserves d'eau en raison de
fortes précipitations et d'une couverture neigeuse des zones d'altitude.
Cette ressource en eau qui paraît abondante se révèle
néanmoins fragile et mérite une politique de préservation
spécifique. L'étude du Conseil supérieur de la pêche
montre que les zones de montagne ne sont pas épargnées par la
dégradation de la qualité du milieu aquatique. Les causes
principales de la détérioration de la qualité des cours
d'eau sont : la pollution d'origine agricole ou domestique diffuse en
tête de bassins versants, la pollution domestique d'origine urbaine et
industrielle dans les vallées, la canalisation des cours d'eau, les
séquelles des extractions de granulats, les ouvrages
hydroélectriques. La politique de la montagne devrait
particulièrement prendre en compte la pollution diffuse en tête de
bassin versant qui compromet la capacité d'auto-épuration des
cours d'eau, celle-ci étant déjà saturée "à
la source". Des mesures spécifiques d'aide à la
réalisation de systèmes d'assainissement autonomes performants
adaptés à l'habitat dispersé en hameaux et aux
exploitations agricoles devraient être prises : filtres plantés de
roseaux en dessous de 1000 mètres d'altitude et lits filtrants ailleurs.
La pollution d'origine agricole pourrait être réduite par des
plans d'épandage en vallée, la création de fumières
et en favorisant la fertilisation par le fumier au lieu du lisier. La pollution
domestique d'origine urbaine mérite d'être spécifiquement
prise en compte par la politique de la montagne en raison de son
caractère saisonnier étroitement lié à
l'activité touristique des stations. Force est de constater que peu de
stations touristiques rejettent une eau de qualité adéquate au
milieu naturel. Et 15 % des stations françaises de ski ne sont pas
raccordées à une station d'épuration. Il nous paraît
essentiel que toute nouvelle extension d'urbanisation soit strictement
dépendante de la mise en conformité préalable des
installations d'assainissement des eaux usées , tant sur la plan de la
qualité des eaux restituées au milieu naturel, que sur le plan de
la capacité des installations en termes d'équivalent habitants.
S'agissant du transport de marchandises, nous ne traiterons pas le transport
international qui ne relève pas de la politique de la montagne, mais de
la politique économique européenne. La position des associations
de protection de l'environnement est claire dans ce domaine : priorité
au rail et aux filières locales. La création de nouvelles voies
de communication doit être limitée au maximum et strictement
subordonnée aux besoins des exploitants agricoles, forestiers ou
à l'amélioration de la desserte de communes isolées. Toute
ouverture de voies nouvelles ou l'élargissement de voies anciennes
devrait être soumise à l'approbation d'un comité de
pilotage du massif, ou en son absence à la Commission
départementale des sites perspectives et paysages, afin d'éviter
tout abus et d'en limiter les impacts environnementaux.
Dans le cas particulier des pistes d'exploitation forestières, celles-ci
devraient être obligatoirement refermées et reboisées afin
de limiter l'érosion et la pénétration des
véhicules motorisés. Dans le cas particulier de la desserte des
pâturages d'altitude, la priorité devrait aller au transport par
câble. S'agissant des loisirs, toute création de voies
destinées aux seuls loisirs doit être proscrite tout
particulièrement la réalisation de routes panoramiques ou de
circuits touristiques pour engins motorisés. Une vigilance
particulière est de mise concernant la réalisation de
pseudo-dessertes de pâturages d'altitude destinées à
accéder à des chalets d'alpage transformés en
résidences secondaires. De fait la prolifération des engins
motorisés tout terrain utilisés à des fins de loisir est
génératrice de conflits d'usage avec les exploitants agricoles et
les autres usagers de la montagne. La politique de la montagne devrait
clairement inscrire l'interdiction d'utilisation des chemins d'exploitation et
des itinéraires pédestres aux véhicules à moteur
(exception faite pour les exploitants agricoles et forestiers). Il convient de
souligner la responsabilité des élus en cas d'accident. La
politique de la montagne devrait réaffirmer l'illégalité
de l'utilisation des engins de progression sur neige à des fins de
loisirs, y compris la desserte de résidences secondaires. Cette pratique
illicite est source de graves nuisances sur la faune en période de
vulnérabilité hivernale, de risques d'accidents graves et de
nuisances sonores et olfactives pour les autres usagers de la montagne. Le cas
particulier des déposes en hélicoptère à partir des
pays voisins mérite d'être examiné. Les déposes ont
lieu sur des sommets frontaliers et la reprise des clients s'effectue sur le
territoire français. Ce sont à la fois la dépose et la
reprise par hélicoptères qui doivent être proscrites. A cet
égard, un effort d'harmonisation européen devrait être
effectué.
En conclusion, la politique de la montagne devrait avoir pour ligne directrice
le développement durable impliquant la préservation et la gestion
des espaces naturels remarquables avec des outils appropriés et la prise
en compte de la "nature ordinaire" dans la politique d'aménagement afin
de préserver et/ou de restaurer la continuité des milieux
naturels et le fonctionnement des corridors écologiques. Il faudrait
aussi veiller à pérenniser l'agriculture traditionnelle de
montagne en reconnaissant explicitement son rôle clé dans la
préservation des espaces naturels et des paysages remarquables sur
lesquels se fonde l'activité touristique. Il faudrait aussi favoriser
l'activité des filières agropastorales afin de permettre le
retour des bergers, orienter le développement du ski alpin sur des
aspects qualitatifs et mettre un terme à la politique d'extension des
domaines skiables génératrice d'atteintes graves aux paysages,
aux milieux naturels, à la faune, à la flore et à
l'identité culturelle. Le développement touristique devrait
être axé sur une offre diversifiée,
équilibrée, facteur de cohésion sociale et respectant le
patrimoine naturel et culturel des espaces montagnards. Il faudrait aussi
favoriser la qualité et l'exploitation extensive des boisements de
montagne, reconquérir la qualité de l'eau, réduire les
nuisances du transport de transit international et de la circulation des engins
de loisirs motorisés.
Nous soulignons que l'unité pertinente pour atteindre les objectifs de
préservation du patrimoine naturel est celle du massif présentant
une unité culturelle, historique, géographique et
économique, y compris dans ses aspects transfrontaliers. La
création de "comités de pilotage" de ces massifs au sein desquels
tous les acteurs de la vie locale, dont les associations de protection de
l'environnement seraient représentés de manière
équilibrée pourrait être la pierre angulaire de la
politique de développement durable de l'espace montagnard. En son sein
pourraient être intégrés à l'échelon local
les impératifs de préservation des milieux naturels, les besoins
de l'activité agricole, les méthodes de gestion et d'exploitation
des espaces boisés, la préservation ou la reconquête de la
qualité de l'eau et le développement touristique respectueux de
l'environnement et de l'identité culturelle.
M. Eric Feraille
- C'est à mon sens un premier exemple du
développement durable appliqué et de la démocratie locale
appliquée. Je peine à comprendre pourquoi ce projet a
suscité autant de contestation. Cette situation est dommageable pour la
montagne car cet outil semble particulièrement bien adapté
à la protection du patrimoine montagnard. Certains blocages liés
à Natura 2000 semblent s'estomper, notamment avec le monde agricole et
les chasseurs, en tout cas dans les Alpes du nord. Des problèmes
subsistent avec des élus qui ont peur de s'engager dans ce processus par
crainte de l'Europe. Les pays du Sud de l'Europe n'ont pas eu cette crainte.
L'Espagne a proposé 15 % de son territoire national, le Portugal plus de
10 %, l'Italie est largement au-dessus de nous, la Grèce est
à 25 %. En revanche la France, pays d'Europe qui détient le
plus riche patrimoine naturel d'Europe a proposé 5 %. Une
étude du département économie de l'université de
Klagenfurt en Autriche qui a étudié le bénéfice de
Natura 2000 sur le plan purement économique montre que cette disposition
se révèle bénéfique pour le tourisme ainsi que pour
l'agriculture, la chasse et la pêche. Cet outil de développement
n'est pas négligeable. Sa mise en oeuvre en France est disparate, je
vous laisse, si vous le désirez, consulter la carte figurant sur le site
du ministère de l'environnement
M. Marc Maillet
- Il faut indiquer que les listes remontées
à l'Europe, comme s'y est engagé le gouvernement,
n'étaient pas suffisantes s'agissant d'un certain nombre de sites
remarquables et d'espèces protégées. Un complément
de sites a donc été effectué en janvier notamment pour les
zones à ours. En revanche pour les Alpes, 7 à 11 types de sites
manquent. Or, ces compléments ne sont pas annoncés. Il serait
souhaitable que ces sites soient complétés et que par ailleurs le
département des Pyrénées-Atlantiques ne soit pas l'enfant
terrible du rejet total de l'application de Natura 2000. Ce ne sera plus le cas
si les zones à risque sont transmises.
M. Jean-Paul Amoudry
- Avez-vous en votre possession des informations
précises s'agissant du réchauffement climatique ?
M. Eric Feraille
- Oui, une étude du journal "Nature"
démontre le raccourcissement des saisons au cours du XXe siècle,
les printemps précoces et les hivers tardifs
M. Jean-Paul Amoudry
- Je suis d'accord avec vous pour dire que les
lieux de débats n'existent pas et que, de ce point de vue-là, le
comité de massif n'a pas rempli sa mission. J'y vois une
conséquence dans une activité judiciaire assez forte puisque, en
l'absence de dialogue, une action devant les tribunaux constitue le seul
recours. Pourriez-vous nous transmettre des informations sur les actions en
justice menées par vos mouvements ? Ces actions apparaissent parfois un
peu systématiques à l'encontre des projets immobiliers ou de
projets devant les collectivités
M. Marc Maillet
- Le nombre de recours est très faible mais
très médiatisé. Car le nombre d'UTN est devenu faible
aussi.
M. Jean-Paul Amoudry
- Les UTN ne sont pas les seuls concernées.
M. Marc Maillet
- Oui, il y a les plans d'occupation des sols aussi.
Mais ce droit d'action en justice est celui du citoyen. Il s'agit d'un
contrôle de légalité et il n'existe aucune autre
possibilité de contestation. Nous n'avons pas de volonté
systématique de traduire quiconque en justice. Mais je l'avoue, je
crains que la loi relative à la solidarité et au renouvellement
urbain introduise des recours supplémentaires lors du passage des POS
aux cartes communales. Car le déclassement se fait en défaveur de
la protection de l'esthétique du village par un mitage plus
accentué.
M. Jean-Paul Amoudry
- Je ne souhaite pas remettre en cause ces recours
prévus par la loi, notamment celle de 1992 qui a trait aux
enquêtes publiques. On constate néanmoins une judiciarisation qui
traduit un manque de dialogue. J'aimerais donc savoir sur quels
éléments réside le contentieux résultant de la loi
montagne ?
M. Marc Maillet -
De notre côté, la lassitude est grande,
je vous l'assure, à entamer des recours qui aboutissent cinq ans
après et s'avèrent finalement inutiles car la construction est
achevée ou le projet a été abandonné. La
vallée du Galbe, dans les Pyrénées-Orientales par exemple,
au sein de laquelle certains souhaitaient construire une piste et des
remontées mécaniques, a été sauvée
grâce à un recours. S'agissant des POS, il n'existe aucune
structure de discussion alors qu'auparavant des groupes de travail
étaient mis en place. Seules les associations agréées
peuvent demander à être entendues. Effectivement, subsiste la
procédure mise en place par les enquêtes publiques, mais il est
question de la réformer à cause de l'absence du public justement.
Comment pallier cette absence du public ? Des associations ont proposé
des alternatives qui remettent en cause le système. Je propose de
s'orienter vers des offices d'animation du débat public au niveau des
départements où l'on puisse disposer des documents. Car, en
effet, obtenir les documents nécessite d'entamer une procédure
qui s'apparente souvent à un parcours du combattant, et
génère peut-être de l'agressivité. De plus, les
enquêtes publiques confirment souvent les décisions prises par le
conseil municipal. Je pense que des efforts doivent être effectués
dans deux directions : l'effort de transparence et l'implication des
associations au processus de décision.
M. Eric Feraille
- Le contentieux représente une part faible de
l'activité associative, en Haute-savoie, en tout cas. Dans notre
région, les motoneiges causent beaucoup de problèmes et nous nous
portons partie civile car l'Etat est défaillant en ce domaine. Nombre de
contentieux pourraient être évités si une discussion sur
les projets avait lieu en amont. Or, souvent, les projets sont construits de
toutes pièces et présentés au dernier moment sans
possibilité de négocier. Le conflit juridique est toujours un
symbole d'échec pour nous, car il signifie que nous ne parvenons pas
à dialoguer. Si des abus ont pu se produire dans le passé, le
recours devant les juridictions ne fait pas partie de la philosophie de notre
association.
M. Jean-Paul Amoudry
- Les loupés de départ expliquent
souvent les conflits. Natura 2000 est un bon exemple, mais les
prédateurs aussi. Par exemple, il aurait fallu avouer la
réintroduction des ours et ne pas dire qu'ils étaient revenus
depuis la Slovénie.
M. Gérard Bailly
- Le manque de concertation est évident.
La question de fond de votre intervention me semble être : quel
aménagement souhaitons-nous ? Apparemment, vous désirez un
territoire de montagne propice au repos, une zone de loisirs. Je crois que les
gens de la montagne ne conçoivent pas les choses ainsi. Leur souhait est
que la montagne vive. Ils veulent que des activités se
développent comme l'agriculture permettant qu'un docteur, une pharmacie
puissent rester. Mais combien reste-t-il d'agriculteurs aujourd'hui ?
Combien de mois dans l'année sont concernés par le tourisme ? Il
faut que reste une vie dans ces montagnes. Or, quand les maires veulent mettre
en oeuvre des projets, ils se heurtent à d'immenses difficultés
pour les implanter. Les contraintes sont très fortes. Il faut que la
montagne puisse entretenir des services libres. Les paysans ne veulent plus
vivre dans un village où les volets sont fermés presque toute
l'année. Les femmes de paysans ne veulent plus rester. Nous avons
évoqué aussi le thème des prédateurs, mais
imaginez bien qu'un paysan qui possède des moutons ou des poules par
exemple, ne travaille pas pour nourrir les prédateurs. S'agissant de
Natura 2000 : vous dites les gens ne comprennent pas. Mais, en 24 heures,
deux personnes sont venues me voir. L'une d'entre elles se retrouve au tribunal
car elle a creusé un fossé de 120 mètres de profondeur
dans sa propriété classée Natura 2000 sans qu'elle le
sache car elle habite la commune d'à côté.
Comment voulez-vous que cette personne puisse être favorable à
Natura 2000. Autre exemple, notre Conseil général est en train de
refaire une route, mais nous ne pouvons pas travailler pendant la nidification,
pendant la période de reproduction des cerfs, pendant les saisons
touristiques. Les contraintes font que les travaux ne peuvent pas être
réalisés. Nous parvenons à des extrêmes. Sans
discussion, nous allons parvenir à une rupture. Dans le cadre de Natura
2000, nous avons obtenu une prime à l'herbe de 46 euros par hectare,
mais pour en bénéficier il faut signer un CTE, les agriculteurs
se heurtent toujours à une multitude de conditions. Demain, il n'y aura
plus d'agriculteurs mais les espaces, eux seront libres.
M. Marc Maillet
- Nous partageons ces préoccupations de vie en
montagne. D'ailleurs, ce samedi, nous organisons une réunion sur le
problème du train dans les Pyrénées dans le cadre de
l'année internationale de la montagne. Car les services publics
disparaissent aussi.
Mais les situations ne sont pas homogènes en montagne. Des cantons
souffrent de leur faiblesse démographique, tandis que d'autres ont
stabilisé leur population. Lors de ces réunions sont
présents les habitants, les élus, l'administration.
Protéger la faune ne constitue pas notre seule préoccupation. Il
faut que l'homme puisse vivre dans des conditions favorables. Je ne crois pas
que vous deviez systématiser les écologiques comme des
« emmerdeurs » qui freineraient la vie en montagne. Ils
souhaitent l'améliorer et donner envie à de nouveaux habitants
d'y résider.
M. Gérard Bailly
- S'il y a du travail et le travail implique
modernisation, voiries, PME.
M. Marc Maillet
- La modernisation ne signifie pas forcément
voiries, il peut s'agir d'écoles.
M. Jean Boyer
- Mon collègue a parlé avec son coeur en
tant qu'agriculteur et montagnard. Dans mon département, la Haute-Loire,
18 cantons sont en Zone de revitalisation rurale (ZRR). L'inquiétude des
responsables agricoles n'est pas le manque de terre, mais le fait qu'ils
puissent avoir des voisins. Les agriculteurs, qui sont dans ces zones de
montagne et acceptent de rester entre 800 et 1.000 mètres d'altitude,
ont l'impression que la montagne est colonisée, car on lui amène
des prescriptions et aucune possibilité d'améliorer certaines
choses. Par exemple, obtenir une AOC en montagne est impensable. Pour la
viande, la première qui en bénéficiera sera certainement
située sur le mezin à cause d'une plante particulière qui
s'appelle la sistre, puisque l'AOC est liée au territoire. Les choses ne
sont pas si évidentes dans ces territoires et les agriculteurs sont
découragés, la morosité est forte. Le dialogue est
nécessaire pour que chacun se comprenne. Les agriculteurs aussi
désirent sauvegarder la montagne puisqu'ils y résident. Les CTE
comme Natura 2000 ont été interprétés comme des
vecteurs de contraintes supplémentaires. Mieux faire comprendre quels
sont les intérêts des dispositifs me semble indispensable.
M. Eric Feraille
- Empêcher les gens d'habiter en montagne n'est
pas notre objectif. Nous comprenons le désarroi de ces gens. Il faut le
prendre en compte, développer des activités économiques
qui leur permettent de survivre. Mais construire des usines en montagne est
illusoire à cause de l'absence de voiries. Ces questions ne vont pas
être résolues du jour au lendemain. Notre rôle est de
proposer les outils de protection de l'environnement qui sont compatibles avec
l'activité économique. Mais je n'ai rien contre l'activité
industrielle ou artisanale.
M. Jean Boyer
- La montagne, en effet, n'est pas adaptée à
des activités économiques et industrielles, mais il faut que ses
produits soient valorisés à leur juste de valeur.
M. Eric Feraille
- Nous sommes évidemment d'accord. Et votre
rôle de politique est de favoriser cela.
M. Gérard Bailly
- Je le répète, il faut qu'il y
ait d'autres forces vives en montagne car les agriculteurs s'en vont. Il faut
préserver des activités en montagne, mais j'ai l'impression que
nous ne savons pas répondre à cette question. Nous n'avons pas
suffisamment aidé les PME qui cherchent à s'installer dans des
villages de 200 habitants.
M. Jean-Paul Amoudry
- Je crois qu'il nous faut conclure cette
discussion. J'espère que ce débat nous permettra de formuler des
idées qui feront avancer la démocratie locale.