EXAMEN PAR L'OFFICE

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques s'est réuni le mercredi 15 octobre 1997, sous la présidence de M. Jean-Yves LE DÉAUT, député, pour examiner le présent rapport.

M. Jean-Yves LE DÉAUT a d'abord rappelé les conditions de l'examen par l'Office du rapport préparé et rédigé en avril 1997 par M. Christian DANIEL, alors député des Côtes-d'Armor, puis il en a présenté les grandes lignes et les principales recommandations. Il a indiqué ensuite qu'il entendait déposer une proposition de loi visant à améliorer la protection des travailleurs et des populations exposés au risque amiante. Il a ensuite prié M. Christian DANIEL d'intervenir pour présenter plus en détail le présent rapport.

Plusieurs membres de l'Office sont ensuite intervenus.

M. Christian CABAL , député, après avoir salué la très grande qualité du rapport présenté, qui fait des recommandations auxquelles il est tout à fait favorable, a souhaité néanmoins faire part des zones d'incertitudes qui persistent sur ce dossier.

Il a indiqué qu'il n'y avait pas d'épidémie de mésothéliome due à l'amiante, que l'étude de l'INSERM montrait certes que le risque était incontestable, mais que la situation n'était pas apocalyptique, que la nocivité de l'amiante était connue depuis fort longtemps et que les maladies de l'amiante étaient le plus souvent associées à un autre facteur de risque, qui est le tabac. Il a montré que le rapport montrait clairement les conséquences pratiques de cette situation et il a évoqué la situation difficile des anciens travailleurs de l'amiante, exposés à des taux élevés de poussières d'amiante et mal suivis médicalement.

Il a indiqué que le désamiantage pouvait paraître une solution idéale mais qu'à son avis la solution médiane, celle de l'encapsulation, plus simple à pratiquer, mais dont l'efficacité est inférieure, ne devait pas être méconnue. Il a relevé que le désamiantage n'était efficace que si des précautions draconiennes, et donc presque impossibles à mettre en oeuvre, étaient observées. Le risque majeur du désamiantage, ce sont les chantiers sauvages qui, malheureusement, ont tendance à se multiplier et qui peuvent entraîner une forte dissémination de poussières d'amiante dans l'atmosphère environnante.

S'agissant de la création d'une structure de coordination pour l'amiante, il a approuvé la nécessité de la mise en oeuvre d'une meilleure coordination mais a trouvé discutable la création d'un "M. Amiante".

Il a tenu à souligner que l'amiante, protecteur efficace contre l'incendie, avait permis de sauver de nombreuses vies et que les fibres de substitution employées pour remplacer l'amiante ne pouvaient pas être totalement innocentées. Il a rappelé à cet égard qu'une proposition de directive limitant l'emploi des fibres céramiques réfractaires était en préparation à Bruxelles. En conclusion, il a souhaité que les solutions proposées soient en rapport avec les risques encourus.

M. Yves COCHET , député, a estimé que ce rapport arrivait à temps. Il a observé que si l'on pouvait penser que les grands chantiers, médiatiquement très suivis, seraient correctement réalisés, on pouvait raisonnablement avoir des doutes sur la conduite sécuritaire des petits chantiers. La solution n'est évidemment pas de renoncer au désamiantage, mais d'obliger à un surcroît d'information par l'intermédiaire des mairies, des écoles, etc.

S'agissant d'une structure de coordination type "M." ou "Mme Amiante", il a relevé que ce type de structure avait été efficace dans le passé, en matière de prévention routière, et qu'elle n'était donc pas à écarter à condition que toutes les information données soient suivies d'effet. Il a estimé que le vrai problème était celui du coût global des chantiers amiante mais qu'il était très difficile de l'évaluer avant la fin de l'inventaire. Il a souligné les risques d'une information " à l'envers", c'est-à-dire un trop-plein d'informations mal maîtrisées qui peut conduire à des situations de panique ou à une mauvaise exécution des travaux.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Yves LE DÉAUT a rappelé que l'inventaire permettait de déterminer le degré de dangerosité d'un bâtiment, donc la priorité des interventions à effectuer, et il a souligné la nécessité d'une transparence des informations. Il a observé qu'il ne fallait pas céder au catastrophisme et que nous avions de longues années à vivre avec l'amiante.

M. Christian DANIEL a souligné que l'inventaire était une procédure originale, à améliorer, certes, mais qui permettra de bien échelonner dans le temps les travaux en fonction de leur nécessité. Il a indiqué que l'amiante est dangereux quand il vieillit et se dégrade, que le désamiantage s'impose pour des travaux importants et que la solution intermédiaire d'encapsulation n'est pas durable.

Il a relevé que, dans l'étude de l'INSERM, le chiffre de 750 cas de mésothéliomes annuels était une estimation mais qu'en Grande-Bretagne, les cas recensés de mésothéliomes s'élevaient aujourd'hui à environ 1.300 cas par an et qu'un pic de plus de 2.000 cas était attendu dans les années 2020. S'agissant des fibres de substitution, il a souligné la nécessité d'une politique de précaution, notamment vis-à-vis des fibres céramiques réfractaires dont la diffusion dans des produits grand public devrait être interdite.

M. Robert GALLEY , député, a vivement remercié M. Christian DANIEL pour un rapport qu'il a qualifié d'oeuvre de chercheur, de médecin, d'ingénieur et de statisticien, c'est-à-dire couvrant l'ensemble du problème amiante.

Mme Michèle RIVASI , député, a souligné qu'il y avait certes un problème d'information mais qu'il y avait aussi des dysfonctionnements qu'il s'agirait de bien analyser pour pouvoir progresser. Elle a relevé l'ambiguïté de l'étiquetage adopté en 1988 pour l'amiante : le A pour amiante, alors adopté, n'avait aucun caractère dissuasif pour le consommateur. Il y avait là une manière pour les pouvoirs publics de reconnaître le risque sans vouloir vraiment le rendre explicite pour le consommateur.

Elle s'est interrogée sur le rôle de la commission interministérielle et, s'agissant de la création d'un "M. Amiante", elle a souligné la nécessité pour les industriels d'un interlocuteur fixe, ayant un rôle important, notamment celui de garantir la formation des travailleurs et de donner un agrément aux entreprises.

Elle s'est également demandé si la décision d'interdiction de l'amiante pouvait être pleinement efficace, dans la mesure où existe une libre circulation des produits et où de nombreux pays européens n'ont pas interdit l'amiante.

Enfin, elle a considéré qu'il faudrait établir un lien avec la nouvelle agence sanitaire, dont la création est envisagée, en incluant l'amiante, et plus généralement les produits chimiques, dans ses missions.

M. Claude GATIGNOL , député, a salué la qualité du rapport mais a souligné qu'il ne fallait pas céder à la panique et considérer que la présence d'amiante était synonyme de maladie. Il a montré l'intérêt d'un recensement des bâtiments amiantés et d'une évaluation précise du risque en fonction de la nature du matériau (flocage ou amiante plus stable).

Il a indiqué que de nombreuses entreprises de sa région se reconvertissaient dans le désamiantage et qu'il recevait beaucoup de demandes de formation au désamiantage.

Il a relevé le nombre important de produits amiantés dans les maisons, sur les toitures et notamment sur celles des bâtiments agricoles, et il s'est demandé s'il n'y aurait pas plus de risques à désamianter et à remplacer l'amiante par des produits de substitution qu'à laisser les choses en l'état.

M. Philippe RICHERT , sénateur, a évoqué le cas de son frère menuisier qui a travaillé pendant des années avec de l'amiante sans qu'on ne l'ait jamais averti du danger, et a comparé cette situation à la psychose qui s'empare de certaines personnes qui ne veulent même plus entrer dans un bâtiment dès lors qu'elles savent qu'il y a présence d'amiante. Il a souhaité que l'on prenne garde à ne pas être trop excessif sous peine de n'être pas crédible, le mieux étant alors l'ennemi du bien. Il a donc insisté sur la nécessité d'une maîtrise de l'information délivrée aux populations.

Il a également souhaité la mise en place de mesures financièrement adaptées et efficaces pour le désamiantage de manière à ce que les dispositions adoptées ne conduisent pas à plus de désordre qu'il n'y en a aujourd'hui, où l'on peut voir certaines personnes arracher sans protection toitures et isolation en amiante.

Il a enfin estimé indispensable une formation et un suivi médical des travailleurs de l'amiante.

M. Christian DANIEL a rappelé que le rapport avait voulu éviter tout sensationnalisme, qu'il soulignait combien l'information sur le dossier amiante s'était faite par épisodes, combien les acteurs institutionnels avaient manqué de la conscience du risque et s'étaient montrés défaillants et combien les acteurs économiques l'avaient emporté sur les acteurs médicaux dans ce dossier. Il a souligné l'importance de la prise en compte sociale des malades et de leurs familles.

Sous réserve de toutes ces observations, l'Office a alors adopté à l'unanimité le rapport présenté.

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