TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION
Proposition de résolution européenne sur le fonds européen de la défense
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu le traité sur l'Union européenne, en particulier ses articles 42 à 46,
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en particulier ses articles 310, 311 et 312,
Vu les conclusions du Conseil européen du 20 décembre 2013, du 26 juin 2015, du 15 décembre 2016, du 22 juin 2017, du 28 juin 2018, du 14 décembre 2018 et du 20 juin 2019,
Vu la proposition de résolution européenne du Sénat n° 619 (2015-2016) du 23 mai 2016 sur les perspectives de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), présentée par Mme Gisèle JOURDA et M. Yves POZZO di BORGO au nom de la commission des affaires européennes du Sénat,
Vu le rapport du Sénat (n° 686, 2015-2016) - 15 juin 2016 - de MM. Jacques GAUTIER et Daniel REINER, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et la résolution européenne du Sénat n° 160 (2015-2016) du 21 juin 2016 sur les perspectives de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC),
Vu le document intitulé « Vision partagée, action commune : une Europe plus forte - Une stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l'Union européenne », présenté par la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne (HR/VP) le 28 juin 2016,
Vu le document de réflexion sur l'avenir de la défense européenne présenté par la Commission européenne le 7 juin 2017, COM(2017) 315,
Vu le discours du Président de la République Emmanuel Macron pour une Europe souveraine, unie, démocratique, prononcé le 26 septembre 2017 à la Sorbonne,
Vu le rapport d'information de l'Assemblée nationale « L'Europe de la Défense et son articulation avec l'OTAN » (n° 719, quinzième législature) - 22 février 2018 - de MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE et Joaquim PUYEO, fait au nom de la commission des affaires européennes,
Vu la proposition de règlement du Conseil fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, présentée par la Commission européenne le 2 mai 2018, COM(2018) 322 final,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2018 établissant le Fonds européen de la défense, COM(2018) 476 final,
Vu le règlement (UE) 2018/1092 du Parlement européen et du Conseil du 18 juillet 2018 établissant le programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense visant à soutenir la compétitivité et la capacité d'innovation de l'industrie de la défense de l'Union,
Vu la résolution législative du Parlement européen du 18 avril 2019 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le Fonds européen de la défense, COM(2018) 476 - C8-0268/2018 -2018/0254(COD),
Vu le rapport d'information du Sénat « Défense européenne : le défi de l'autonomie stratégique » (n° 626, 2018-2019) - 3 juillet 2019 - de M. Ronan LE GLEUT et Mme Hélène CONWAY-MOURET, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées,
Vu le document d'analyse n° 9 de la Cour des comptes européenne « La défense européenne », en date du 16 juillet 2019,
Vu la résolution du Parlement européen du 10 octobre 2019 sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027 et les ressources propres : il est temps de répondre aux attentes des citoyens,
Vu le rapport d'information du Sénat « Brexit : tous perdants » (n° 49, 2019-2020) - 10 octobre 2019 - de MM. Jean BIZET et Christian CAMBON, fait au nom du groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne,
Vu les lettres de mission adressées par la présidente de la Commission européenne le 1 er décembre 2019 au Haut représentant de l'Union pour la politique étrangère et de sécurité commune/vice-président de la Commission européenne, ainsi qu'au commissaire européen chargé du marché intérieur,
Vu le cadre de négociation du cadre financier pluriannuel assorti de chiffres publié par la présidence finlandaise du Conseil le 5 décembre 2019,
Vu le rapport du Parlement européen sur la mise en oeuvre de la politique de sécurité et de défense commune - rapport annuel (2019/2135(INI)) du 11 décembre 2019 de M. Arnaud DANJEAN, au nom de la commission des affaires étrangères,
Vu la proposition de résolution européenne du Sénat n° 273 (2019-2020) du 23 janvier 2020 sur le cadre financier pluriannuel de l'Union européenne (2021-2027) de MM. Jean BIZET et Simon SUTOUR, au nom de la commission des Affaires européennes,
Considérant que le contexte géostratégique et géopolitique a évolué de manière significative au cours des dernières années et que l'Union européenne doit faire face à de nombreuses menaces, y compris sous des formes nouvelles comme les attaques hybrides ou informatiques ;
Considérant l'importance des coûts des équipements et des coûts de recherche et de développement, en particulier pour les technologies de rupture, dans le secteur de la défense ;
Considérant l'ambition d'autonomie stratégique européenne portée par la « Stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l'Union européenne », présentée le 28 juin 2016 par la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne (HR/VP) ;
Considérant que cette autonomie stratégique suppose que l'Union européenne renforce sa capacité opérationnelle autonome, sa capacité industrielle à produire les équipements nécessaires à ses forces et sa capacité politique à prendre des décisions opérationnelles lorsque les circonstances l'imposent ;
Considérant que le renforcement de l'autonomie stratégique européenne repose sur une augmentation des capacités des États membres et de leur budget de défense, ainsi que sur le renforcement de la base industrielle et technologique de défense européenne ;
Considérant les enjeux particuliers résultant, en matière de défense, du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ;
- Concernant l'inclusion du Fonds européen de la défense dans la nouvelle dynamique européenne de défense :
Observe que les instruments de la politique de sécurité et de défense commune prévus par le traité de Lisbonne ont connu une mise en oeuvre progressive au cours des dernières années,
Prend note de la révision du plan de développement des capacités opérée en 2018, qui intègre le niveau d'ambition plus élevé de l'Union européenne en matière de sécurité et de défense, conformément à la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l'Union européenne ;
Considère que l'examen annuel coordonné en matière de défense est un élément important pour structurer le processus européen de planification et renforcer la coopération au niveau de l'Union, en encourageant une plus grande transparence et le partage d'informations par les États membres et en leur permettant d'investir plus efficacement dans la défense ;
Salue la mise en oeuvre effective de la coopération structurée permanente en vue d'une coopération renforcée en matière de sécurité et de défense entre les États membres, qui permet à ceux qui le souhaitent de progresser plus vite sur des projets communs ;
Se félicite du lancement de l'action préparatoire sur la recherche en matière de défense et du programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense, programmes pilotes dont le Fonds européen de la défense est un prolongement d'une ampleur budgétaire bien plus importante ; affirme la nécessité de tirer les enseignements opérationnels de la conduite de ces deux programmes pilotes pour la mise en oeuvre du Fonds européen de la défense, qui vient consolider le pilier budgétaire de la dynamique européenne de défense ;
Salue la création, au sein de la Commission européenne, d'une nouvelle direction générale de l'industrie de la défense et de l'espace, placée sous l'autorité du commissaire chargé du marché intérieur, qui confirme sur le plan de l'organisation institutionnelle la dynamique européenne de défense ;
Préconise, pour que cette dynamique européenne de défense produise des résultats efficaces, de renforcer la performance du processus de planification de l'Union européenne et la cohérence des actions des différentes structures impliquées dans ce processus, en tenant compte des observations formulées par la Cour des comptes européenne ;
- Concernant l'objectif du Fonds européen de la défense :
Soutient l'objectif général du fonds, tel que défini dans la résolution législative du Parlement européen du 18 avril 2019, visant à renforcer la compétitivité, l'efficacité et la capacité d'innovation du socle technologique et industriel européen de la défense dans toute l'Union, dès lors que ces éléments contribuent de manière importante à l'autonomie stratégique et à la liberté d'action de l'Union, en réduisant sa dépendance à l'égard de sources situées dans des États tiers et en améliorant la sécurité de son approvisionnement ;
Approuve les objectifs spécifiques visant à soutenir la recherche collaborative afin d'améliorer les performances de futures capacités, ainsi que le développement collaboratif de produits et de technologies se rapportant à la défense, afin de permettre une rationalisation des dépenses consacrées à la défense et d'éviter une fragmentation des produits et des technologies au sein de l'Union ;
Affirme l'importance de ce fonds pour permettre le financement de technologies de rupture pour la défense ;
- Concernant les moyens nécessaires pour permettre au Fonds européen de la défense de répondre à l'objectif qui lui est assigné :
Estime, au regard des objectifs qui précèdent, que les crédits consacrés à la mise en oeuvre du fonds européen de la défense présentent une véritable valeur ajoutée européenne ;
Souligne qu'ils doivent atteindre un niveau suffisant pour exercer un véritable effet de levier ;
Déplore vivement les propositions formulées par la présidence finlandaise du Conseil en décembre 2019, qui réduisent de près de moitié l'enveloppe proposée par la Commission européenne pour le Fonds européen de la défense, ce qui le priverait d'une réelle capacité à renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne ;
Affirme qu'une telle réduction serait un contresens politique, au regard des ambitions affichées par la nouvelle Commission européenne, un contresens économique et un contresens stratégique ;
Insiste donc pour consacrer à ce fonds 11,453 milliards d'euros en prix 2018 pour la période 2021-2027, soit 13 milliards d'euros en euros courants, conformément à la proposition initiale de la Commission ;
- Concernant les enjeux relatifs à la gestion opérationnelle de ce fonds :
Juge nécessaire que les programmes financés par le Fonds européen de la défense répondent aux besoins futurs des armées européennes, plutôt qu'au souci d'assurer un juste retour aux industries nationales, et qu'ils bénéficient à des projets majeurs de recherche ou capacitaires, en cohérence avec l'ambition de renforcer l'autonomie stratégique européenne ;
Considère néanmoins, au regard du caractère stratégique de la recherche en matière de défense, que les États membres devront être étroitement associés au processus décisionnel pour garantir que les programmes financés par l'Union européenne répondent aux besoins stratégiques de la politique de sécurité et de défense commune et des États membres ;
Affirme l'importance de la préférence européenne, seule à même de favoriser une réelle autonomie de la base industrielle et technologique de défense européenne, et soutient donc pleinement le principe selon lequel, d'une part, les destinataires et sous-traitants participant à une action financièrement soutenue par le fonds sont établis dans l'Union européenne ou dans un pays associé et ne sont pas soumis au contrôle d'un pays tiers non associé ou d'une entité de pays tiers non associé et, d'autre part, que les infrastructures, installations, biens et ressources de ces destinataires et sous-traitants sont situés sur le territoire d'un État membre ou d'un pays associé pendant toute la durée de l'action, de même que leurs structures exécutives de gestion ;
Souligne que les dérogations à ce principe, permettant à une entité de pays tiers non associé ou contrôlée par un pays tiers non associé d'être éligible aux crédits du fonds dans les conditions limitatives prévues par la résolution législative du Parlement européen du 18 avril 2019, doivent répondre à des garanties assurant qu'une telle participation ne serait contraire ni aux intérêts de l'Union et de ses États membres en matière de sécurité et défense, ni aux objectifs du fonds ; salue en particulier le régime de protection de la propriété intellectuelle mis en place afin d'éviter que les droits de propriété intellectuelle sortent de l'Union européenne, ainsi que l'interdiction de faire sortir du territoire de l'Union des informations classifiées ; insiste pour que ces dérogations ne compromettent pas l'ambition du fonds et soient limitées au strict nécessaire ;
Observe que la mise en place de ce fonds ne ferme pas les marchés de défense européens aux entreprises d'États tiers ; invite, dans une logique de réciprocité, à veiller à l'ouverture des marchés de défense d'États tiers aux entreprises européennes ;
Rappelle qu'il est essentiel de maintenir une coopération solide, étroite et privilégiée en matière de défense et de sécurité entre l'Union et le Royaume-Uni ; juge à cet égard nécessaire qu'un statut spécifique puisse être réservé au Royaume-Uni pour la participation aux actions financées par le Fonds européen de la défense ;
Invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.