Rapport n° 136 (2017-2018) de M. Claude HAUT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 6 décembre 2017
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INTRODUCTION
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PREMIÈRE PARTIE : LA COOPÉRATION
JUDICIAIRE PÉNALE BILATÉRALE AVEC LE PÉROU
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SECONDE PARTIE : LES STIPULATIONS DE LA
CONVENTION
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CONCLUSION
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
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ANNEXE - CARTE DU PÉROU
N° 136
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018
Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 décembre 2017 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou ,
Par M. Claude HAUT,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Robert del Picchia, Thierry Foucaud, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Cédric Perrin, Gilbert Roger , vice-présidents ; M. Olivier Cigolotti, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Philippe Paul, Rachid Temal , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Olivier Cadic, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung . |
Voir les numéros :
Sénat : |
382 (2016-2017) et 137 (2017-2018) |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi du projet de loi n° 382 (2016-2017) autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou.
Cette convention vient compléter et parachever le cadre conventionnel bilatéral de la coopération judiciaire pénale, dont le renouvellement avait été demandé par le Pérou en 2003. Cette coopération repose actuellement sur une convention d'entraide judiciaire en matière pénale et un nouveau traité d'extradition entrés en vigueur les 1 er juillet et 1 er mars 2016.
Cet instrument a pour objet de permettre à des ressortissants d'un Etat condamnés à une peine privative de liberté et détenus sur le territoire de l'autre Etat d'exécuter leur peine dans leur pays d'origine, sous réserve du consentement des deux Etats et de celui de la personne concernée. Il s'inspire largement de la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées adoptée à Strasbourg le 21 mars 1983, qui est le standard en la matière.
À la différence des précédentes conventions conclues avec le Pérou qui ont une visée répressive, celle-ci répond essentiellement à des considérations humanitaires en permettant le rapprochement des personnes condamnées de leur milieu familial, social et professionnel d'origine.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier. La création de ce cadre conventionnel spécifique apparaît comme la seule façon d'offrir à nos ressortissants condamnés au Pérou une possibilité d'exécuter leur peine en France et de bénéficier éventuellement des mécanismes d'aménagement de la peine prévus par le droit français. Il facilitera leur réinsertion en leur permettant de bénéficier de l'ensemble des dispositifs d'accompagnement existant en France. Il privilégie en outre la transmission des demandes de transfèrement directement d'autorité centrale à autorité centrale, ce qui devrait accélérer les procédures à l'avenir.
PREMIÈRE PARTIE : LA COOPÉRATION JUDICIAIRE PÉNALE BILATÉRALE AVEC LE PÉROU
I. UN CADRE CONVENTIONNEL RENOUVELÉ
Le Pérou ayant exprimé, dès 2003, son souhait de renouveler le cadre juridique bilatéral de sa coopération judiciaire en matière pénale avec la France, celle-ci s'adosse aujourd'hui sur un cadre conventionnel moderne que la convention de transfèrement de personnes condamnées, signée à Lima le 23 février 2016, vient parachever.
En matière d'entraide judicaire, la France et le Pérou ont signé, à Paris, le 15 novembre 2012 une convention d'entraide judiciaire en matière pénale. Cette convention est entrée en vigueur le 1 er juillet 2016.
En matière d'extradition, les deux Etats ont conclu un traité, dont la signature est intervenue à Lima le 21 février 2013. Ce traité, dont les dispositions ont abrogé la convention d'extradition de 1874, est entré en vigueur le 1 er mars 2016.
Il existe en outre une coopération judiciaire pénale sur le fondement de conventions multilatérales spécialisées à laquelle la France et le Pérou sont tous deux parties, notamment les conventions suivantes adoptées sous l'égide de l'ONU : la convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 20 décembre 1988, la convention contre la criminalité transnationale organisée du 15 décembre 2000 et la convention contre la corruption du 31 octobre 2003.
Selon les informations transmises par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères 1 ( * ) , depuis le 1 er juillet 2016, date d'entrée en vigueur de la convention d'entraide judiciaire, trois demandes d'entraide actives - toujours en cours - et huit demandes passives - dont quatre toujours en cours- ont été répertoriées, sans qu'aucune difficulté particulière ne soit signalée.
Depuis l'entrée en vigueur, le 1 er mars 2016, du traité d'extradition, deux demandes d'extradition ont été présentées par les autorités péruviennes à l'encontre de personnes recherchées pour des faits de trafic illicite de stupéfiants et pour trafic d'influence, blanchiment, infraction contre l'administration publique. Aucune de ces demandes n'a pu aboutir, la première pour une question de procédure, la seconde parce que la personne recherchée n'était plus sur le territoire français. Une demande serait en cours de préparation par les autorités françaises.
II. UN CADRE CONVENTIONNEL COMPLET AVEC LA NÉGOCIATION DE LA CONVENTION SUR LE TRANSFÈREMENT
La France est partie à la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées adoptée à Strasbourg le 21 mars 1983, ce qui lui permet de disposer d'un cadre conventionnel la liant, dans cette matière, aux 64 autres Etats parties à cet instrument. D'une manière générale, la France préfère inciter les Etats qui la sollicitent pour nouer des relations conventionnelles en la matière à adhérer à la convention du Conseil de l'Europe. Le Pérou n'y ayant toutefois pas adhéré, il est apparu dès lors nécessaire de conclure la présente convention, qui s'en inspire par ailleurs très largement.
Les ressortissants français incarcérés à l'étranger hors Union européenne et demandant leur transfèrement vers la France étaient 71 en 2015 et 51 en 2016.
Jusqu'à présent, en l'absence d'accord bilatéral de transfèrement liant la France et le Pérou, les ressortissants d'un Etat condamnés à une peine privative de liberté et détenus sur le territoire de l'autre Etat doivent en principe exécuter l'intégralité de leur peine dans l'Etat de condamnation, sauf à ce qu'un transfèrement soit décidé sur une base ad hoc .
Dans la pratique actuelle, les demandes adressées à la France transitent systématiquement par la voie diplomatique, c'est-à-dire via l'ambassade de France à Lima et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, avant d'être communiquées pour instruction et décision au bureau de l'entraide pénale internationale de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.
À ce jour, 11 ressortissants français sont détenus au Pérou essentiellement pour des faits d'infractions à la législation sur les stupéfiants, tandis que 25 ressortissants péruviens sont incarcérés dans des établissements pénitentiaires français.
Depuis 1997, seules quatre demandes de transfèrement ont été formées par des ressortissants français détenus au Pérou. Selon le ministère de l'Europe et des affaires étrangères 2 ( * ) , les deux premiers dossiers ont été clos avant leur aboutissement car les ressortissants français concernés ont obtenu des grâces et aménagements de peine rendant leurs demandes sans objet, un autre dossier a été récemment refusé par l'autorité péruvienne et un dernier est toujours en cours d'instruction. Tous ces ressortissants étaient ou sont incarcérés pour des faits d'infractions à la législation sur les stupéfiants. Dans le dossier toujours actif, la partie française reste dans l'attente d'une décision des autorités péruviennes.
Sur la même période, aucun ressortissant péruvien détenu en France n'a sollicité son transfèrement vers le Pérou. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères 3 ( * ) a indiqué que peu de personnes de nationalité péruvienne sont incarcérées sur le sol français (26) et que seulement treize d'entre elles présentent une situation pénale stable et définitive pouvant ouvrir le droit de solliciter un transfèrement. Cette absence de demande pourrait s'expliquer par un défaut d'informations relatives à la possibilité, même hors convention, de solliciter un transfèrement de la France vers le Pérou et peut-être par les conditions de détention au Pérou.
Après la signature de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale et du traité d'extradition, respectivement en 2012 et 2013, la France et le Pérou ont engagé les discussions en vue de conclure la présente convention de transfèrement sur la base d'un projet transmis par la partie péruvienne et très proche du standard en la matière qu'est la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées adoptée à Strasbourg le 21 mars 1983.
Des échanges écrits entre les deux parties ont permis d'aplanir une première série de difficultés, notamment celles tenant au souhait de la partie péruvienne d'exclure les binationaux franco-péruviens du dispositif de transfèrement.
Les autres dispositions du texte ont été examinées très rapidement à la faveur d'une session de négociation qui s'est tenue à Lima du 11 au 14 janvier 2016.
Les discussions ont principalement porté sur le régime d'exécution de la peine après le transfèrement de la personne condamnée et plus particulièrement sur la possibilité pour l'Etat d'exécution d'accorder des mesures de clémence - grâce, amnistie - ou d'adapter la peine prononcée dans l'Etat de condamnation lorsqu'elle serait incompatible avec sa propre législation, soit en raison de sa nature, par exemple les travaux forcés, soit en raison de sa durée, la peine excédant le maximum légal prévu par le droit de l'Etat d'exécution.
La partie péruvienne était initialement opposée à ce que des mesures de clémence puissent être accordées par l'Etat d'exécution et que ce dernier puisse également procéder à une adaptation de la peine prononcée dans l'Etat de condamnation.
En effet, la plupart des ressortissants français condamnés au Pérou le sont pour des faits d'infractions à la législation sur les stupéfiants et le Pérou se montrait préoccupé par le sort des peines prononcées par ses juridictions après le transfèrement en France, car son arsenal répressif dans ce domaine est beaucoup plus sévère que le dispositif pénal français, avec des peines cinq fois plus lourdes en moyenne.
Les échanges entre les délégations ont néanmoins permis de dégager des solutions acceptables pour les deux parties. Ainsi, la convention consacre une compétence concurrente des deux Etats en matière de grâce, d'amnistie et d'adaptation de la peine, à charge pour eux de s'en informer préalablement par l'intermédiaire de leurs autorités centrales (Voir articles 11 et 12 infra ).
SECONDE PARTIE : LES STIPULATIONS DE LA CONVENTION
La présente convention s'inspire très largement de la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées adoptée à Strasbourg le 21 mars 1983. Elle est également proche des conventions bilatérales de même nature conclues par la France.
I. LE CHAMP D'APPLICATION DU TRANSFÈREMENT
Après la définition des termes utilisés dans la convention à l'article 1 er , l'article 2 déclare qu'une personne condamnée peut exprimer son souhait d'être transférée auprès de l'une ou l'autre des parties. Le transfèrement est demandé soit auprès de l'Etat d'exécution, c'est-à-dire « l'Etat vers lequel la personne condamnée peut être transférée (...) afin d'y subir sa condamnation », soit auprès de l'Etat de condamnation.
1. Les conditions cumulatives du transfèrement
L'article 3 énumère les conditions cumulatives auxquelles il subordonne le transfèrement.
Tout d'abord, la personne condamnée doit être ressortissante de l'Etat d'exécution et avoir été définitivement condamnée pour des faits punis par la législation des deux parties.
Ensuite, le reliquat de la peine doit être d'au moins six mois au moment de la réception de la demande . Si la convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement de 1983 prévoit la possibilité de déroger, dans des cas exceptionnels, à ce quantum minimum de six mois d'emprisonnement restant à purger pour être éligible à un transfèrement, le Pérou n'a pas souhaité reprendre cette possibilité qui n'est, de fait, jamais utilisée par la France, compte tenu des délais d'instruction des demandes de transfèrement.
Enfin, le transfèrement n'est possible que sous réserve du triple consentement exprès de l'Etat de condamnation, de l'Etat d'exécution et de la personne condamnée ou de son représentant légal.
2. Des motifs de refus facultatifs et non exhaustifs
À la différence de la convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement de 1983 qui ne liste pas de de motifs de refus - le refus restant à la discrétion de l'Etat de condamnation - l'article 4 prévoit deux motifs de refus facultatifs mais non limitatifs, ce qui laisse la possibilité à l'Etat de condamnation de rejeter une demande de transfèrement pour toute autre raison. Son refus n'a d'ailleurs pas à être motivé.
L'Etat de condamnation peut ainsi opposer classiquement un refus à la demande de transfèrement lorsqu'il considère que cela porterait « atteinte à sa souveraineté, sa sécurité, son ordre public ou à d'autres de ses intérêts essentiels » ou bien, lorsque la personne condamnée ne s'est pas acquittée des frais, dommages-intérêts, amendes ou condamnations pécuniaires de toute nature qui lui sont imposés par décision judiciaire. Le premier des motifs de refus a été intégré au texte à la demande de la partie péruvienne et le second à la demande de la France.
Selon le ministère de l'Europe et des affaires étrangères 4 ( * ) , plusieurs instruments bilatéraux de même nature contiennent des stipulations analogues à celles de l'article 4. C'est le cas de ceux conclus respectivement avec la République dominicaine, la Russie, le Paraguay et la Thaïlande.
II. LA PROCÉDURE DE TRANSFÈREMENT
1. L'information obligatoire de la personne condamnée et les demandes de transfèrement
l'article 6 prévoit que l'Etat de condamnation a l'obligation d'informer toute personne susceptible de bénéficier des dispositions de la convention sur le contenu de celle-ci ainsi que sur les conséquences juridiques du transfèrement.
Il énumère également les informations que l'Etat de condamnation doit communiquer à l'Etat d'exécution, que celui-ci soit directement saisi d'une demande de transfèrement ou que la demande de transfèrement ait été exprimée auprès de l'Etat d'exécution.
Ces informations ont trait à la fois à la personne du condamné - identité et adresse - et à la condamnation dont elle a fait l'objet - faits, peine prononcée et exécutée, dispositions pénales applicables.
Enfin, cet article crée une obligation d'informer par écrit la personne condamnée de toute démarche entreprise par l'Etat de condamnation ou l'Etat d'exécution ainsi que de toute décision prise au sujet de la demande de transfèrement qu'il a présentée.
L'article 7 précise que les demandes de transfèrement et les réponses sont formulées par écrit et transmises entre les autorités centrales des parties, sans que le recours à la voie diplomatique ne soit exclu. Il ajoute que l'Etat de condamnation doit donner à l'Etat d'exécution la possibilité de vérifier la validité du consentement donné par la personne condamnée.
Selon l'article 5, l'autorité centrale est pour la République française, le ministère de la justice et pour la République du Pérou, le Ministère public, Parquet de la Nation.
2. Les pièces à fournir
L'article 8 dresse la liste des documents que l'Etat d'exécution doit fournir à l'Etat de condamnation avant la formalisation d'une demande. Il s'agit de la preuve de la nationalité de la personne condamnée, la copie des dispositions légales dont il résulte que les faits à l'origine de la condamnation constituent également une infraction pénale au regard du droit de l'Etat d'exécution, ainsi qu'une déclaration relative aux effets pour la personne condamnée de toute loi ou règlement relatif à sa détention ou de la mise en oeuvre du mécanisme d'adaptation de la peine prévue à l'article 12, paragraphe 2, de la présente convention (voir Infra ).
Selon les informations transmises par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères 5 ( * ) , l'ajout, par rapport à la convention de 1983, de cette déclaration relative à l'effet de la législation de l'Etat d'exécution sur la détention de la personne condamnée a été demandé par la partie péruvienne pour les raisons évoquées supra , afin de permettre à l'Etat de condamnation d'être pleinement informé du sort de la peine prononcée par ses juridictions après le transfèrement et, plus particulièrement, d'obtenir des précisions quant aux mécanismes de réductions ou d'aménagements de la peine.
Si un transfèrement est demandé, l'Etat de condamnation doit fournir à l'Etat d'exécution, outre le consentement au transfert de la personne condamnée, une copie certifiée du jugement définitif et des informations relatives à l'exécution de la peine - durée déjà subie, rapports médicaux ou sociaux, traitement médical en cours.
Aux termes de l'article 17, les demandes de transfèrement et les pièces produites à l'appui sont accompagnées d'une traduction. Signe de la confiance existant entre les parties, l'article 18 les dispense de légalisation.
3. La remise et le transit des personnes condamnées
Aux termes de l'article 9, la remise de la personne condamnée est effectuée au lieu et au moment convenus entre les parties.
La procédure de transfèrement et plus particulièrement de la remise de la personne condamnée relève de la compétence du service national des transfèrements qui dépend de la direction de l'administration pénitentiaire du ministère de la justice.
L'article 15 règle la question du transit des personnes condamnées en prévoyant que lorsque l'une des parties décide avec un Etat tiers du transfèrement d'une personne condamnée vers son territoire, l'autre partie, préalablement informée, doit faciliter le transit de cette personne sur son territoire. Toutefois la partie requise du transit peut le refuser s'il s'agit de l'un de ses ressortissants ou si l'acte à l'origine de la condamnation ne constitue pas une infraction pénale au regard de sa propre législation. Elle peut également être invitée à garantir, sur son territoire, l'immunité de la personne condamnée pour des faits ou condamnations antérieures à son départ de l'Etat de condamnation.
L'article 16 pose classiquement le principe selon lequel les frais liés au transfèrement sont à la charge de l'Etat d'exécution. En revanche, à la différence de la convention précitée de 1983, il prévoit la possibilité de se retourner contre la personne condamnée pour en obtenir le remboursement total ou partiel.
III. L'EXÉCUTION DE LA PEINE APRÈS LE TRANSFÈREMENT
L'article 10 consacre la compétence exclusive de l'Etat de condamnation en matière de recours en révision du jugement de condamnation à l'origine du transfèrement.
À l'origine, la partie péruvienne était opposée à ce que des mesures de clémence puissent être accordées par l'Etat d'exécution et à ce que ce dernier puisse également procéder à une adaptation de la peine prononcée dans l'Etat de condamnation. Les services du ministère de l'Europe et des affaires étrangères 6 ( * ) ont souligné qu'il s'agit d'une difficulté que la France rencontre de manière récurrente lorsqu'elle négocie des conventions bilatérales de transfèrement du fait du caractère constitutionnel du droit de grâce présidentiel et du respect de la hiérarchie des normes. Les échanges entre les délégations ont néanmoins permis de dégager des solutions acceptables pour les deux parties qui figurent aux articles 11 et 12.
L'article 11 reconnait la compétence concurrente de l'Etat de condamnation et de l'Etat d'exécution s'agissant de la faculté d'accorder une mesure de grâce, d'amnistie ou de commutation de la peine , sous réserve d'une information préalable entre les autorités centrales. Selon le ministère de l'Europe et des affaires étrangères 7 ( * ) , cet ajout par rapport à la convention de 1983 reflète le compromis trouvé avec la partie péruvienne. De tels mécanismes d'information réciproque ont déjà été acceptés par la France dans des accords de même nature. La convention conclue avec Cuba se révèle, par exemple, plus contraignante en ce qu'elle prévoit une consultation préalable et non pas, comme dans le cas présent, une information préalable.
L'article 12 relatif au régime d'exécution de la condamnation pose le principe de la poursuite de l'exécution de la condamnation par l'Etat d'exécution conformément à sa législation interne. Il permet à ce dernier d' adapter la peine , sans toutefois pouvoir l'aggraver, dans le seul cas où la condamnation est incompatible, du fait de sa nature ou sa durée , avec sa législation. De fait, la France a choisi de rendre directement exécutoire la peine prononcée par une juridiction étrangère, sauf à recourir à un mécanisme d'adaptation qui n'entraîne pas de nouvel examen au fond, si celle-ci est incompatible, par sa nature ou sa durée, avec sa législation interne
L'article précité prévoit que l'Etat d'exécution doit mettre fin à l'exécution de la condamnation dès qu'il est informé par l'Etat de condamnation de toute décision lui enlevant son caractère exécutoire. Enfin, l'Etat d'exécution doit fournir des informations à l'Etat de condamnation sur la demande de celui-ci ou lorsque l'exécution de la condamnation est achevée ou bien encore en cas d'évasion.
Aux termes de l'article 13, le transfèrement a pour effet de suspendre l'exécution de la condamnation dans l'Etat de condamnation. Une fois informé, par l'Etat d'exécution, de l'exécution de la peine, l'Etat de condamnation ne peut plus exécuter la condamnation.
Conformément au principe Non bis in idem , l'article 14 interdit en outre la poursuite ou la condamnation de la personne transférée pour les mêmes faits que ceux à l'origine du jugement prononcé dans l'Etat de condamnation.
IV. LES DISPOSITIONS FINALES
Aux termes de l'article 19, la présente convention est applicable à l'exécution des condamnations prononcées avant et après son entrée en vigueur.
Les articles 20 à 24, de facture classique, portent sur le règlement amiable des différends, les amendements par écrit d'un commun accord, la durée indéterminée, l'entrée en vigueur et la procédure de dénonciation.
CONCLUSION
Après un examen attentif des stipulations de cet accord, la commission a adopté ce projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou.
La présente convention présente l'intérêt de donner un cadre conventionnel au transfèrement des ressortissants français condamnés définitivement au Pérou. Elle devrait faciliter leur réinsertion, ce qui est de nature à prévenir la récidive.
Ce texte appelle dans l'ensemble peu de remarques, dans la mesure où ses stipulations sont très proches de celle de la convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement. Aucune modification des dispositions législatives ou réglementaires actuellement en vigueur n'est à prévoir.
À ce jour, la partie péruvienne n'a pas fait connaître à la partie française l'accomplissement des formalités requises par son droit pour l'entrée en vigueur de la convention.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 6 décembre 2017, sous la présidence de M. Robert del Picchia, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Claude Haut sur le projet de loi n° 382 (2016-2017) autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou.
Suivant la proposition du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité et sans modification, le rapport et le projet de loi précité.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères :
- Service des conventions, des affaires civiles et de l'entraide judiciaire :
M. Stéphane DUPRAZ , Chargé de mission
- Mission des accords et traités :
Mme Catherine SAGNELONGE , rédactrice
Ministère de la Justice :
- Direction des Affaires criminelles et des Grâces :
Mme Pauline DUBARRY
ANNEXE - CARTE DU PÉROU
* 1 Réponse par le Gouvernement au questionnaire de la commission.
* 2 Réponse par le Gouvernement au questionnaire de la commission.
* 3 Réponse par le Gouvernement au questionnaire de la commission et audition du 14 novembre 2017.
* 4 Réponse par le Gouvernement au questionnaire de la commission et audition du 14 novembre 2017.
* 5 Réponse par le Gouvernement au questionnaire de la commission et audition du 14 novembre 2017.
* 6 Audition du 14 novembre 2017.
* 7 Réponse par le Gouvernement au questionnaire de la commission et audition du 14 novembre 2017.