Rapport n° 289 (2014-2015) de Mme Hélène CONWAY-MOURET , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 11 février 2015

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N° 289

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 février 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada sur la sécurité sociale ,

Par Mme Hélène CONWAY-MOURET,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Aymeri de Montesquiou, Mmes Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, M. Gaëtan Gorce, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Didier Guillaume, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

676 (2013-2014) et 290 (2014-2015)

INTRODUCTION

Mesdames et Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 676 (2013-2014) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement de la République française sur la sécurité sociale .

Il s'agit d'un nouvel accord, destiné à remplacer celui signé en 1979 par la France et le Canada.

Les négociations en vue d'aboutir à ce nouvel accord avaient été engagées en 2002, essentiellement dans le but de prendre en compte les évolutions des législations des deux Etats en matière de sécurité sociale. Elles se sont déroulées en quatre sessions : 10-12 décembre 2002, 8-10 octobre 2003, 17-20 février 2004 et 15-19 novembre 2004.

Un certain délai s'est écoulé avant la finalisation de l'accord, en raison de difficultés d'ordre pratique (problèmes de concordance linguistique, nécessité de prendre en compte l'impact de la modification, par le Canada, du formulaire de détachement, ainsi que du changement de statut de Saint-Pierre-et-Miquelon en 2007).

L'accord, qui est assorti d'un accord d'application, a été finalement signé le 14 mars 2013 à Ottawa , lors d'une visite officielle du Premier Ministre.

Le Canada a achevé son processus interne autorisant la ratification, même s'il n'a pour autant pas encore transmis la notification officielle ("l'instrument d'approbation") prévue par l'article 34 de l'accord.

Côté français, le projet de loi de ratification a été déposé le 2 juillet 2014 au Sénat, qui en est saisi en premier.

Cet accord, comme le précédent, permettra de coordonner les législations de sécurité sociale des deux Etats, en autorisant la prise en compte, pour l'ouverture des droits d'un travailleur dans l'un des Etats, des périodes d'assurance accomplies dans l'autre Etat .

Ce faisant, il favorise la mobilité professionnelle des travailleurs et contribue à la dynamique des relations économiques franco-canadiennes.

I. LE CONTEXTE DE L'ACCORD

A. LA COORDINATION DE SÉCURITÉ SOCIALE : PRINCIPES ET FONCTIONNEMENT

Les conventions bilatérales de sécurité sociale visent à coordonner les législations de sécurité sociale de deux Etats afin de garantir la continuité des droits sociaux des personnes en mobilité .

De fait, tout ressortissant d'un Etat exerçant une activité professionnelle sur le territoire de l'autre Etat se voit en principe appliquer la législation de sécurité sociale de l'Etat d'accueil.

Compte tenu des différences existant entre les systèmes de deux Etats, en l'absence de coordination, un Français ayant déjà cotisé en France qui arriverait pour travailler au Canada serait considéré comme un primo-cotisant au regard du système canadien.

En outre, sans accord bilatéral, un employeur français qui enverrait des salariés dans un de ses établissements à l'étranger serait conduit à cotiser deux fois, une fois au regard de la législation française, une fois au regard de la législation du pays hôte.

L'existence d'une convention de sécurité sociale permet à chaque Etat partie de prendre en compte, grâce à des mécanismes de totalisation,  les périodes d'assurance validées dans l'autre Etat pour remplir les conditions énoncées par la législation nationale pour l'ouverture des droits.

Il s'agit d'éviter aussi bien la double-affiliation que l'absence d'affiliation à l'une ou l'autre des législations .

Il est à noter que la prise en compte par un Etat des périodes d'assurance de l'autre Etat ne donne lieu à aucune compensation financière entre Etats. Par ailleurs, l'assurance-chômage n'entre pas dans le champ des conventions de sécurité sociale.

La coordination de sécurité sociale garantit également l'application du principe d'égalité de traitement entre les ressortissants des deux Etats.

Elle permet souvent la levée des clauses de résidence pour le bénéfice et l'exportation de certaines prestations.

Enfin, elle prévoit en général une procédure dite de « détachement » qui permet aux travailleurs envoyés en mission dans l'autre Etat, ainsi qu'à leurs ayants droits de continuer à être affiliés, sous certaines conditions et pour une durée limitée, à leur régime de sécurité sociale d'origine.

Les conventions bilatérales de sécurité sociale facilitent ainsi la libre circulation et l'expatriation en garantissant aux personnes une continuité de leurs droits en matière de protection sociale.

En évitant la double-affiliation et en permettant le recours au détachement, elles accompagnent l'implantation d'entreprises françaises dans les pays cocontractants et contribuent à l'attractivité du territoire pour les investisseurs étrangers.

Administrations et organismes intervenant

en matière de c oordination de sécurité sociale

La Direction de la Sécurité sociale (DSS) conduit les négociations pour la France, élabore et négocie le texte des conventions.

Le Centre des liaisons européennes et internationales de Sécurité sociale (CLEISS ) -organisme de liaison entre les organismes français de Sécurité sociale et leurs homologues étrangers - assure le suivi de la mise en oeuvre des conventions par ces organismes, ainsi que le traitement des cas individuels problématiques.

Les caisses de sécurité sociale gèrent la coordination avec les Etats de l'Union europénne et plus d'une trentaine d'accords de sécurité sociale hors UE.

Par ailleurs, des commissions mixtes entre la France et ses partenaires se réunissent de façon plus ou moins régulière (tous les 2 ou 3 ans en moyenne), afin de régler les problèmes d'application ou d'interprétation des conventions et, lorsque la convention prévoit des remboursements de prestations de soins de santé entre la France et le pays partenaire, afin d'apurer les dettes et créances réciproques liées à ces prestations.

Il faut souligner que la France mène une politique particulièrement dynamique en matière de coordination de sécurité sociale.

Elle dispose ainsi du réseau de conventions bilatérales de sécurité sociale le plus dense du monde, composé de 37 accords hors Union européenne, auxquels s'ajoute la coordination avec les pays membres de l'Union européenne ou de l'Espace Economique Européen, soit un total de 68 pays couverts (contre 18 accords bilatéraux pour le Royaume-Uni, 19 pour l'Allemagne et 24 pour les Etats-Unis) 1 ( * ) .

B. LA COORDINATION DE SÉCURITÉ SOCIALE ENTRE LA FRANCE ET LE CANADA

La France et le Canada sont liés depuis le 9 février 1979 par un accord de sécurité sociale dont les modalités d'application sont précisées par deux arrangements administratifs datés du 21 octobre 1980 et du 4 novembre 1980.

Le présent accord vise à remplacer la convention bilatérale de sécurité sociale conclue par la France avec le Canada en 1979.

Les personnes concernées sont les ressortissants français ou canadiens exerçant ou ayant exercé une activité salariée ou non salariée, ainsi que leurs survivants.

Pour la France, sont compris dans le champ d'application les réfugiés et apatrides et ainsi que leurs survivants ayants droit et les membres de leur famille. Sont en revanche exclus les fonctionnaires civils et militaires de la fonction publique d'Etat, les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers et les ouvriers des établissements industriels de l'Etat.

L'accord prévoit une coordination pour les seuls risques longs dans la mesure où la prise en charge de ces risques est au Canada de la compétence de l'Etat fédéral : vieillesse, invalidité, conjoint-survivant et assurance-décès .

En revanche, aucune disposition de coordination n'est prévue dans le cadre de cet accord pour les branches maladie, maternité, accidents du travail, maladies professionnelles dont la charge au Canada incombe aux provinces . Les prestations familiales ne figurent pas non plus dans le champ car au moment de la négociation, elles relevaient encore de la compétence des provinces. Enfin, de manière classique, l'assurance-chômage n'entre pas non plus dans le champ de cet accord.

La coordination pour les risques courts peut faire l'objet d'ententes entre la France et les provinces (l'article 3 du nouvel accord en prévoit explicitement la possibilité) à l'instar de celle qui existe avec le Québec, qui porte sur les risques maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles.

Comme celui de 1979, le présent accord rappelle, dans son article 5, que doit s'appliquer le principe de l'égalité de traitement : ainsi les ressortissants de l'un des Etats parties sont soumis aux obligations de la législation de l'autre Etat et en bénéficient dans les mêmes conditions que ses ressortissants.

L'accord instaure une coordination reposant, de manière classique, sur plusieurs mécanismes .

Le premier est la totalisation des droits : chacun des deux Etats prend en compte, dans la mesure du nécessaire, les périodes d'assurance accomplies sous la législation de l'autre Etat comme si elles avaient été effectuées sous sa propre législation pour permettre à l'assuré de bénéficier des prestations.

Le second mécanisme est l'exportabilité de certaines prestations : alors qu'en principe, les prestations sont exclusivement versées dans l'Etat où le travailleur exerce son activité, ce dernier peut dans certaines conditions percevoir également des prestations de l'Etat sur le territoire duquel il a précédemment travaillé.

Dans ce cas, est utilisée la procédure dite de « totalisation-proratisation » : les périodes d'assurance réalisées dans les deux Etats sont additionnées pour déterminer l'ouverture des droits, puis le montant versé par chaque régime est proratisé en fonction de la durée cotisée dans chaque Etat. Sont également exportables, aux termes de l'article 22 de l'accord, certaines prestations familiales au bénéfice des travailleurs détachés.

Enfin, l'accord prévoit un certain nombre d'exceptions au principe de l'affiliation des travailleurs au régime de sécurité sociale de l'Etat sur le territoire duquel ils exercent leur activité professionnelle .

Il en est ainsi des agents diplomatiques et consulaires qui restent soumis à la législation de leur Etat d'appartenance (à l'exception toutefois des personnels recrutés localement).

C'est également le cas des travailleurs détachés , envoyés par leur employeur en mission dans l'autre Etat, qui restent soumis à la législation de leur Etat d'origine, à condition toutefois que le détachement ne dépasse pas trois ans.

Enfin, il faut citer les personnels navigants des entreprises de transports internationaux non maritimes , pour qui s'applique la législation de l'Etat dans lequel l'entreprise a son siège (sont essentiellement visés ici les personnels d'entreprises de fret aérien).

La coordination ne se limite pas à l'ouverture des droits et au service des prestations. Elle prend aussi la forme d'une coopération administrative .

L'article 25 de l'accord prévoit ainsi que les autorités compétentes des deux Etats se prêtent une assistance mutuelle en se communiquant les informations nécessaires.

Par ailleurs, il faut mentionner l'existence d'un accord d'application annexé à l'accord qui précise les procédures à mettre en oeuvre, notamment en ce qui concerne les travailleurs détachés et la coopération entre organismes de sécurité sociale.

C. L'APPORT DU NOUVEL ACCORD DE SÉCURITÉ SOCIALE FRANCE-CANADA

Engagée en 2002, la renégociation de l'accord en vigueur avait pour triple objectif :

- d'en actualiser le contenu afin de tenir compte de l'évolution des législations de sécurité sociale des deux Etats-Parties ;

- d'harmoniser, selon le souhait du Canada, les règles de totalisation utilisées de celles d'autres accords bilatéraux conclus par ce pays ;

- de mieux encadrer la procédure de détachement, à la demande de la France.

Ainsi, la nouvelle convention comporte trois innovations par rapport à la précédente, les autres dispositions étant globalement inchangées :

1. Un champ d'application plus large

Alors que la précédente intéressait seulement les ressortissants des deux Etats, la nouvelle convention sera applicable à l'ensemble des personnes qui ont été ou sont soumises à la législation de l'un des deux Etats ainsi qu'aux personnes à leur charge, ce qui permet d'inclure notamment les ressortissants communautaires. La tierce nationalité n'est donc plus un critère discriminant.

Par ailleurs, la collectivité d'outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon est désormais comprise dans le champ d'application de l'accord.

Pour mémoire, il s'applique, s'agissant de la France, aux départements métropolitains et d'outre-mer, à l'exclusion des autres collectivités d'outre-mer qui sont régies par le principe de spécialité législative en matière de protection sociale.

Le principe de spécialité législative

Consacré par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, ce principe prévoit que pour les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution (Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, îles Wallis-et-Futuna) et pour la Nouvelle-Calédonie, les actes juridiques nationaux ne s'appliquent que si le texte en cause le prévoit explicitement. La Constitution et un certain nombre d'actes fondamentaux restent toutefois applicables de plein droit.

A l'inverse, dans les départements et régions d'outre-mer, régis par l'article 73 de la Constitution (Guyane, Guadeloupe, Martinique, Réunion ainsi que Mayotte), la législation nationale s'applique de plein droit (même si des adaptations sont possibles, conformément au principe d'identité législative).

Il convient de noter que Saint-Pierre et Miquelon était auparavant un département d'outre-mer et donc se voyait appliquer de plein droit la précédente convention de sécurité sociale avec le Canada. C'est le changement de statut de cette collectivité en 2007 qui rend nécessaire sa mention en tant que telle dans la nouvelle convention.

L'inclusion de Saint-Pierre-et-Miquelon devrait permettre de tenir compte de la proximité géographique et des liens particuliers que cette collectivité entretient avec le Canada.

2. Un encadrement plus strict des conditions de détachement

Il s'agit de tenir compte de la spécificité de l'organisation de la sécurité sociale au Canada, où l e risque maladie ne relève pas de l'échelon fédéral , mais des provinces.

Jusqu'alors, en cas de détachement, un travailleur canadien en France fournissait une attestation de maintien de son affiliation à la sécurité sociale du Canada qui, dans la mesure où elle était délivrée par l'Etat fédéral, ne portait que sur le régime de retraite et ne garantissait donc pas que l'assuré était couvert contre les autres risques, notamment le risque maladie pendant son séjour en France.

Rien ne permettait donc d'éviter que des travailleurs détachés, ayant été exemptés d'affiliation (et donc d'assujettissement à des cotisations) à la Sécurité sociale française, se retrouvent à la charge de l'assurance-maladie.

Ce ne sera plus possible dans le cadre du nouvel accord, celui-ci conditionnant désormais l'octroi du détachement à la détention par le travailleur canadien d'une couverture de soins de santé pendant toute la période du détachement.

3. Une amélioration des droits des assurés

La nouvelle convention améliore les droits des assurés en cas de survenue d'une invalidité ou d'un décès .

En effet, jusqu'alors, s'appliquait au Canada une minoration des prestations servies à partir du moment où l'ouverture de droits était assurée grâce à la totalisation des périodes d'assurance françaises et canadiennes.

Désormais, le régime du Canada servira des prestations complètes , alors que pourront toujours être liquidés, par ailleurs, les droits résiduels acquis auprès d'un régime français.

A l'inverse, il n'aura plus à compléter par une prestation canadienne la prestation française quand le risque survient dans le cadre d'un assujettissement à la législation française.

Par ailleurs, l'accord permet une totalisation des périodes d'assurance accomplies dans un Etat tiers lié à la France et au Canada par une convention de sécurité sociale, ce qui constitue une avancée.

II. LES DISPOSITIONS DE L'ACCORD

L'accord comporte 33 articles .

Le titre I er , qui comprend les articles 1 er à 10, porte sur des définitions et des dispositions de caractère général .

L' article 1 er définit les termes de l'accord et, partant, son champ d'application : « territoire d'un Etat contractant », « ressortissants des Etats contractants », « institution compétente », « période d'assurance ».

La collectivité d'outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon est explicitement mentionnée s'agissant du territoire concerné pour la France, de sorte que la convention lui sera applicable.

L'article 2 précise le champ d'application matériel de l'accord .

Il énumère les législations de sécurité sociale des deux Parties auxquelles s'applique l'accord.

Côté français, le champ d'application couvre :

- les régimes d'assurances sociales des travailleurs salariés (agricoles et non agricoles) ;

- les législations sur la prévention et la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles, la législation relative à l'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des personnes non salariées des professions agricoles, la législation relative aux prestations familiales, celles relatives aux régimes spéciaux de sécurité sociale ;

- l'assurance maladie et maternité des travailleurs non-salariés non agricoles ainsi que et, en outre, l'assurance maladie, maternité et invalidité des travailleurs non-salariés du secteur agricole ;

- le régime vieillesse, invalidité, décès des non-salariés non-agricoles et le régime vieillesse des non-salariés agricoles, à l'exception de la retraite complémentaire et de l'assurance invalidité-décès des professions libérales ;

- les législations relatives aux régimes divers de non-salariés à l'exception des dispositions relatives à la retraite complémentaire et à l'assurance invalidité-décès.

Pour le Canada, le champ d'application recouvre la loi sur la sécurité de la vieillesse et le régime des pensions du Canada.

On relèvera que, s'agissant de la France, cet article énumère l'ensemble de la législation de sécurité sociale alors la coordination opérée par l'accord ne porte que sur les risques longs. Il s'agit en effet de prendre en compte la situation du détachement, dans laquelle toutes ces législations restent applicables aux travailleurs français détachés au Canada.

L'article 2 précise encore que l'assurance volontaire n'entre pas dans le champ de la coordination, qui ne porte que sur les régimes obligatoires.

L'article 3 autorise la France à conclure des ententes avec les autorités concernées des provinces et territoires sur toute législation de sécurité sociale relevant de leur compétence, notamment en matière d'assurance maladie, d'accidents du travail, de prestations familiales et de pensions.

L'article 4 détermine le champ d'application personnel : sont désormais visées toutes les personnes qui, quelle que soit leur nationalité, sont ou ont été soumises à la législation des deux Etats parties, ainsi que leurs ayants droit et survivants. Demeurent néanmoins exclus les fonctionnaires civils et militaires de la fonction publique de l'Etat, les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers et les ouvriers des établissements industriels de l'Etat.

L'article 5 prévoit que les personnes assurées dans l'un des Etats parties qui se rendent dans l'autre Etat sont soumises à la législation de ce dernier et bénéficient des mêmes prestations que ses ressortissants.

L'article 6 énonce la règle de l'affiliation des travailleurs, salariés et non-salariés au régime de sécurité sociale de l'Etat sur le territoire duquel ils exercent leur activité professionnelle, une condition supplémentaire étant prévue pour les personnes non salariées travaillant au Canada : elles doivent résider dans cet Etat.

L'article 7 prévoit deux exceptions à cette règle :

- l'une concernant les travailleurs détachés : ceux-ci restent soumis au régime de sécurité sociale de leur Etat d'origine pendant une durée maximale de trois ans, voire au-delà avec l'accord des autorités compétentes des deux Etats, le détachement d'un travailleur du Canada vers la France étant en outre conditionné à l'existence d'une couverture des soins de santé ;

- l'autre concernant les travailleurs des entreprises de transports internationaux non maritimes exerçant comme personnel navigant ou détachés dans l'autre Etat contractant.

L'article 8 indique que les agents diplomatiques et consulaires affectés sur le territoire de la partie contractante demeurent soumis à la législation de la Partie qui les emploient, sauf s'agissant des personnes recrutées localement.

L'article 9 autorise les autorités compétentes des Etats parties à prévoir des dérogations aux règles d'affiliation définies aux articles 6 à 8, dans l'intérêt des personnes concernées et prévoient qu'elles règlent, également dans l'intérêt des personnes concernées , les cas de double assujettissement susceptibles de se présenter.

L'article 10 prévoit que les périodes d'assurance accomplies dans le cadre du régime de pensions du Canada sont prises en compte par la France comme périodes d'assurance accomplies sous sa législation pour la détermination du droit à l'assurance volontaire ou à l'assurance facultative continuée .

Le titre II, qui comprend les articles 11 à 17, porte sur des dispositions relatives aux prestations .

L'article 11 définit les règles de totalisation des périodes d'assurance pour l'ouverture des droits, les périodes d'assurance accomplies sous la législation de l'autre Etat étant prises en compte dans les conditions suivantes :

- s'agissant du Canada, dans le cadre de la loi sur la sécurité de la vieillesse, est considérée comme période de résidence au Canada toute période d'assurance en vertu de la législation française ou toute période de résidence à compter du 1 er juillet 1966 ;

- toujours pour le Canada, dans le cadre du Régime de pensions du Canada, est considérée comme une année de cotisations toute année civile à compter du 1 er janvier 1966 comptant au moins 78 jours, 13 semaines, trois mois ou un trimestre d'assurance ;

- pour la France, une année civile qui est une période admissible au titre du Régime de pensions du Canada équivaut à 312 jours, 52 semaines, 12 mois ou quatre trimestres d'assurance.

L'article 12 prévoit des règles particulières de totalisation pour les régimes spéciaux français , les périodes d'assurance accomplies sous le régime de pensions du Canada n'étant prises en compte que si elles ont été accomplies dans la même profession ou le même emploi. Il prévoit également que lorsque les conditions d'ouverture de droits à un régime spécial ne sont pas remplies (plusieurs années de cotisations sont en général nécessaires), ces années de cotisation sont valorisées par le régime général.

L'article 13 détermine les conditions dans lesquelles sont prises en compte les périodes accomplies dans des Etats tiers liés à la France et au Canada par un accord de sécurité sociale prévoyant la totalisation . S'agissant du Canada, elles ne sont prises en compte que lorsque la totalisation des périodes accomplies dans les deux Etats Parties ne suffit pas à l'ouverture du droit.

L'article 14 précise les règles applicables pour les personnes ayant de courtes durées de cotisation (un an ou moins), le principe étant que les autorités compétentes des Etats parties ne sont pas tenues de procéder à la totalisation si la durée totale des périodes d'assurance sous la législation de l'un des Etats est inférieure à une année.

L'article 15 explicite la condition de résidence exigée par la législation canadienne et prévoit des équivalences pour permettre la prise en compte des périodes de séjour ou de résidence en France pour les ressortissants canadiens.

L'article 16 définit les règles de calcul des prestations canadiennes dans le cadre de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et l'article 17 celles des prestations dans le cadre du Régime des pensions du Canada .

L'article 18 fixe les règles de liquidation des prestations de vieillesse ou de survivant en vertu de la législation française : si l'assuré remplit les conditions pour ouvrir droit à une prestation en vertu de la législation française, le montant est calculé, d'une part, selon la législation française, d'autre part, en appliquant une procédure de totalisation-proratisation, la solution la plus avantageuse pour l'assuré étant retenue. Si la personne ne satisfait pas les conditions ouvrant droit à une prestation, une procédure de totalisation-proratisation est appliquée.

L'article 19 porte sur l' application successive des deux législations , qui s'impose dès lors que l'âge légal de départ en retraite en France est plus tôt qu'au Canada. Lors de la liquidation de la pension française, il est fait recours à la totalisation-proratisation. Les périodes acquises en droit canadien postérieurement à la liquidation française ne donnent pas lieu à une révision de la pension française.

L'article 20 porte sur la prestation d'invalidité française : si la personne relevait de la législation française au moment où est survenu l'arrêt de travail, la prestation est liquidée conformément à la législation française, compte tenu de la totalisation des périodes d'assurance. Si la personne était assujettie à la législation du Canada lors de la survenue de l'arrêt de travail, une prestation française pourra néanmoins être versée dans des cas très exceptionnels.

L'article 21 porte sur la prestation de décès française : si la personne relevait de la législation française au moment où est survenu le décès, la prestation est liquidée conformément à la législation française, compte tenu de la totalisation des périodes d'assurance. Si la personne était assujettie à la législation du Canada lors de la survenue du décès, une prestation française pourra néanmoins être versée dans des cas très exceptionnels.

L'article 22 octroie aux travailleurs détachés au Canada par leur employeur, qui demeurent soumis à la législation française par l'application des articles 7 et 9, le droit aux prestations familiales qui sont mentionnées à l'article 6 de l'accord d'application (allocations familiales et prime à la naissance et à l'adoption).

Le titre III porte sur des dispositions diverses .

L'article 24 prévoit la conclusion par les Etats parties d'un accord d'application du présent accord.

L'article 25 concerne l'assistance mutuelle entre les Etats parties . Il prévoit ainsi que les autorités compétentes se communiquent toutes informations nécessaires pour l'application du présent accord, toutes informations concernant des modifications aux législations et réglementations susceptibles d'affecter son application, se saisissent de toute difficulté technique et se notifient l'entrée en vigueur d'accords de sécurité sociale comprenant des clauses de totalisation avec des Etats tiers.

L'article 26 , qui porte sur l'échange d'informations , prévoit que les autorités compétentes se prêtent leurs bons offices et se communiquent les informations nécessaires, notamment les renseignements personnels et pièces justificatives nécessaires au traitement des demandes de prestations ainsi que des constatations médicales et documents disponibles relatifs à l'invalidité de requérants ou de bénéficiaires.

L'article 27 prévoit que toute exonération ou réduction de taxe ou de droit sur les pièces et documents à produire en application de la législation d'un des Etats est applicable aux pièces et documents analogues à produire en vertu de la législation de l'autre Etat.

L'article 28 est relatif aux langues de communication .

Selon l'article 29 , les demandes, avis et recours en matière de sécurité sociale sont recevables devant les autorités, institutions ou juridictions compétentes de l'un ou l'autre des Etats.

L'article 30 concerne le règlement des différends relatifs à l'interprétation ou à l'application du présent accord. Ce règlement incombe d'abord « aux autorités compétentes des Etats contractants ». A défaut de résolution entre celles-ci, les Etats se consultent.

Les articles 31 à 34, formant le titre IV , regroupent de classiques dispositions transitoires.

L'accord d'application comprend dix articles et décrit les procédures à mettre en oeuvre pour chaque volet de l'accord (travailleurs détachés, demandes de prestations, échanges de statistiques...).

En annexe, figurent les listes des accords internationaux de sécurité sociale auxquels le Canada et la France sont parties.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Ce type d'accord bilatéral est particulièrement important, à la fois pour faciliter la mobilité internationale des Français et pour promouvoir l'attractivité du territoire .

Il faut rappeler, à cet égard, que la communauté française au Canada est étendue puisqu'elle est estimée à 150 000 personnes dont 83 300 inscrites au registre des Français de l'étranger (2013). 550 entreprises françaises sont implantées au Canada, notamment au Québec, employant environ 80 000 personnes.

La communauté canadienne en France est un peu moins nombreuse puisqu'elle compte environ 60 000 personnes (2012).

Il importe de continuer à coordonner, de la meilleure manière possible, les législations de sécurité sociale de nos deux pays.

C'est pourquoi votre rapporteure vous propose d'adopter ce projet de loi de ratification qui permettra l'entrée en vigueur de la nouvelle convention de sécurité sociale entre la France et le Canada.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 11 février 2015 , sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure, sur le projet de loi n° 676 (2013-2014) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement de la République française sur la sécurité sociale.

Après un bref débat, à l'issue de la présentation de la rapporteure, la commission a adopté le rapport ainsi que le texte proposé.

La Conférence des présidents a décidé lors de l'inscription du projet de loi à l'ordre du jour qu'il fera l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique , en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.

ANNEXE - LE RÉGIME DE PROTECTION SOCIALE CANADIEN

L'assurance-maladie

Au Canada, l'accès aux droits en matière d'assurance maladie est basé sur la résidence (système beveridgien). En conséquence, il faut être résident permanent pour bénéficier de la protection sociale canadienne et du système de santé public (sachant que la nationalité canadienne permet plus facilement de remplir la condition).

La gestion de la santé au Canada s'effectue à plusieurs niveaux.

Son financement et sa législation sont généralement rattachés au niveau fédéral, alors que la gestion opérationnelle et les programmes de santé sont le plus souvent confiés aux provinces et aux municipalités . Ainsi chaque province dispose de son propre régime de santé. Par conséquent, un Canadien ou un résident permanent, s'il déménage dans une autre province, devra faire une nouvelle demande d'affiliation afin d'obtenir sa nouvelle carte santé d'assurance maladie.

La couverture maladie comprend les soins médicaux nécessaires dans un hôpital, la chirurgie dentaire pratiquée dans un hôpital et les honoraires des médecins. Selon la province ou le territoire, le régime peut également couvrir l'achat de médicaments, les soins dentaires et ceux donnés par un chiropracteur. L'hospitalisation couvre les frais de séjour en salle commune, les repas, les soins donnés par les infirmières, les frais d'utilisation de salle d'opération, les médicaments, etc.

La protection offerte pour les soins dispensés par un médecin comprend les consultations à son cabinet, les consultations à l'hôpital, le diagnostic et les traitements. Les soins dentaires ne sont couverts que s'ils sont dispensés dans un hôpital.

Selon la province ou le territoire de résidence au Canada, il peut y avoir un délai de carence avant l'admission au régime public d'assurance-maladie.

Durant ce délai, les intéressés peuvent choisir de souscrire une assurance-maladie privée temporaire. Le recours à l'assurance-maladie privée est également nécessaire pour les services qui peuvent ne pas être couverts par le régime public d'assurance-maladie, par exemple les soins dentaires et les frais d'optique sur prescription.

Le système des pensions du Canada

La retraite au Canada offre une prestation fédérale qui est complétée au niveau provincial par un régime particulier différent selon la province (régime des rentes du Québec par exemple s'agissant de la province du Québec). Il existe par ailleurs comme en France des régimes privés facultatifs qui ne sont pas coordonnés.

Dans le régime fédéral, il existe deux composantes :

- dans le cadre du programme fédéral de la sécurité du revenu (SV - minimum vital équivalent au minimum vieillesse), tout citoyen canadien ou résident autorisé, âgé de 65 ans et habitant au Canada peut avoir droit à la pension complète ou partielle de la sécurité de la vieillesse selon le nombre d'années de résidence au Canada après l'âge de 18 ans. La pension commence normalement à être versée le mois suivant celui du 65 e anniversaire à condition d'en faire la demande. Ce programme inclut la pension de base de la sécurité de la vieillesse, le supplément de revenu garanti, l'allocation au conjoint et l'allocation au survivant.

A partir d'avril 2023 et jusqu'en janvier 2029, l'âge d'admissibilité à la pension de la SV et au supplément de revenu garanti passera graduellement de 65 à 67 ans. Ce changement ne concernera que les personnes nées à partir de 1958.

Le montant maximal en 2015 de la pension complète de la Sécurité de la vieillesse est de 563,74 $ (534 €) par mois et celui de l'allocation au conjoint, de 406,86 $ par mois (285 €).

- A la différence de la sécurité du revenu, le régime fédéral de pensions (Régime de pensions du Canada - RPC) est un régime d'assurances sociales contributif et obligatoire qui vise à protéger les travailleurs et leurs familles contre la perte de revenus due à la retraite, à l'invalidité ou au décès.

Le RPC est appliqué dans toutes les régions du Canada à l'exception du Québec où il existe un régime de pension provincial : le régime de rente du Québec (RRQ), semblable au RPC. La pension totale est servie par le régime du lieu de résidence du requérant au moment de la demande. L'assujettissement au régime du RPC est obligatoire pour les personnes âgées entre 18 ans et 65 ans et exerçant une activité professionnelle.

L'assurance pension est financée par une double cotisation : une cotisation salariale au taux de 4,95% et une cotisation patronale avec un taux identique. Le salaire cotisable est compris entre 3 500 $ et 53 600 $ par an (entre 2 502 € et 38 324 €).

Le montant maximal mensuel versé pour une pension de retraite de base d'une personne de 65 ans est de 1 065 $ en 2015 (soit 745 €).


* 1 Chiffres cités par M. Jean-Pierre Cantegrit dans son rapport d'octobre 2014 sur la Protection sociale des Français de l'Etranger.

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