N° 298
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 28 mars 1996.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative à l 'adoption,
Par M. Lucien NEUWIRTH,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mme Michelle Demessine, MM. Claude Huriet, Charles Metzinger, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jacques Machet, secrétaires ; José Balarello, Henri Belcour, Jacques Bialski, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Georges Dessaigne, Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Alain Gournac, Roland Huguet, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Louis Philibert, André Pourny, Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, André Vézinhet.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (l0ème législ. ) : 2251, 2449 et T.A. 449.
Sénat : 173 et 295 (1995-1996).
Adoption
PRÉFACE
À la veille du troisième millénaire, il serait enfin temps de traiter un des problèmes -non résolus- de l'espèce humaine : l'accueil de l'enfant et de répondre à la question : comment voulons-nous, comment devons-nous traiter le petit de l'homme ? Et là est le mérite essentiel de la proposition de loi du professeur Mattéï : avoir proposé des solutions et permis d'ouvrir le débat sur un des aspects les plus pressants de ce vaste problème, celui de l'enfant abandonné. Aspect pressant, mais aussi combien embarrassant, on le voit bien aujourd'hui face à une législation incertaine et des pratiques où se côtoient à la fois l'admirable et le médiocre quand ce n'est pas l'insoutenable. Le cheminement de l'hominidé depuis la nuit des temps, génération après génération, a quelque chose de fascinant. De Lucie à Neil Amstrong, ce chemin de la terre à la lune est tracé par autant de pointillés que sont les enfants assurant à la fois la survie de l'espèce et l'évolution du genre humain. Fort heureusement une prise de conscience des nations commence à émerger à travers la convention sur les droits de l'enfant, et la signature de la Convention de La Haye qui concerne directement la protection des enfants adoptés. En préalable à l'examen de la proposition de loi, on peut se poser la question : pourquoi et pour qui cette loi nouvelle ? Pour l'enfant abandonné ? Pour la famille adoptante ? Mais encore ! Pour un certain ordre social ? Pour la femme ou le couple qui abandonne ? Ou tout simplement pour une certaine idée de l'homme et du sort de l'enfant dans un humanisme du XXIème siècle qu'il est urgent d'aider à s'établir. Certes, les aménagements à la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale n'ont pas la prétention de régler tous les dysfonctionnements constatés aujourd'hui. Le but est de parvenir à la cohérence d'un texte qui relève de quatre codes différents, ce qui est la parfaite traduction de procédures inadaptées et qui ne correspondent plus depuis longtemps aux réalités du vécu sur le terrain et à une nouvelle sensibilité face aux problèmes de l'enfant et de son adoption. Lucien NEUWIRTH |
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES |
Après s'être félicitée de l'origine parlementaire du texte soumis à son examen et avoir souhaité vivement la ratification prochaine de la Convention de La Haye, la commission des Affaires sociales a retenu les propositions de son rapporteur, organisées autour des trois principes qui ont guidé son analyse des titres II (sur le code de la famille et de l'aide sociale), III (sur le code de la sécurité sociale), IV (sur le code du travail) et V (sur les autres dispositions) du présent texte pour lesquels elle était saisie pour avis : 1) Simplifier les procédures et réduire les délais : ï Pour les futurs adoptants, la commission a souhaité rendre ce « parcours du combattant » qu'est encore l'adoption moins éprouvant, en réduisant le délai maximum pour l'octroi d'un agrément de neuf à six mois, cet agrément étant réputé accordé à l'issue de ce délai, en l'absence de réponse du Président du Conseil général. ï Pour les enfants remis en vue d'admission comme pupilles de l'État par un seul de leurs parents, la commission a souhaité faciliter leur adoption, en réduisant à six mois le délai imparti à l'aide sociale à l'enfance pour s'assurer du consentement du deuxième parent. ï La commission a, également, souhaité faire de l'Autorité centrale pour l'adoption, créée par le présent texte, en conformité avec la Convention de La Haye, le référent unique en matière de recueil de données : décisions relatives aux agréments, dossiers de pupilles non adoptés, autorisations ou refus concernant les organismes intermédiaires pour l'adoption. 2) Garantir l'équité et les droits de chacun :
ï Elle s'est déterminée clairement en faveur du maintien du droit à l'accouchement secret. Elle a considéré, eu égard à l'importance de la décision à prendre, qu'il ne fallait pas réduire le délai de rétractation à l'excès. Deux mois lui ont donc semblé répondre à ce souci Enfin, elle a voulu permettre l'accès des femmes concernées, en grande détresse, à un accompagnement social et psychologique. ï Concernant les parents adoptifs, la commission s'est attachée à leur offrir nombre de garanties dans le cadre de la procédure d'octroi d'agrément avec, notamment, la possibilité d'être accompagnés dans leurs démarches par une personne de leur choix, celle de prendre connaissance des documents figurant dans le dossier et celle d'y faire porter, en annexe, leurs observations. ï Parallèlement, selon la commission, l'équité doit être assurée à trois niveaux. Tout d'abord, elle a souhaité, le plus possible, assimiler l'adoption à une naissance. C'est pourquoi elle a posé le principe de la parité de l'accès aux droits sociaux. ï Elle s'est également appliquée à ne pas favoriser l'adoption d'enfants à l'étranger alors même que les deux tiers des pupilles ne sont pas adoptés. ï Elle a eu à coeur d'instaurer une égalité des droits à congés non rémunérés pour aller chercher un ou plusieurs enfants à l'étranger entre le secteur privé et les trois fonctions publiques. 3) Allier prudence et humanité : La commission s'est montrée favorable au maintien des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, qui permettent la remise des enfants avec demande de secret à ceux d'entre eux qui sont âgés de moins d'un an, qui limitent ce secret à la seule identité des parents, et qui instaurent la faculté, pour ceux qui remettent lesdits enfants, de donner des renseignements « ne remettant pas en cause ce secret », formule qu'elle a substitué à celle retenue par l'Assemblée nationale (renseignements non identifiants). Elle n'a pas voulu créer une instance de médiation dans la mesure où il lui est apparu difficile, à la fois, de souhaiter maintenir l'accouchement secret et de poser des règles susceptibles d'en « saper » le fondement. Elle a confié au Président du Conseil général le soin de recevoir et de communiquer ces renseignements, eu égard à leur importance. Elle a permis leur consultation par l'enfant, majeur ou mineur émancipé, par le représentant légal, lorsque l'enfant est mineur et par ce dernier, avec l'accord dudit représentant légal. |
Mesdames, Messieurs,
La proposition de loi relative à l'adoption qui est soumise à l'examen de la Haute Assemblée a été adoptée, en première lecture, à l'Assemblée nationale les 16 et 17 janvier 1996.
C'est la première réforme importante de l'adoption qui intervient depuis trente ans, soit depuis la loi du 11 juillet 1966, et il est particulièrement heureux que celle-ci émane d'une initiative parlementaire.
Cette proposition de loi est ainsi le prolongement naturel de la mission confiée, en juillet 1994, par M. Edouard Balladur, alors Premier Ministre, à M. Jean-François Mattéi, député, et rapporteur à l'Assemblée nationale des textes relatifs à la bioéthique. Il n'est pas sans signification de constater que cette mission sur l'adoption a été conçue comme le complément indispensable au vote de ces textes.
La mission de M. Mattéi a donné lieu à un rapport publié en janvier 1995 intitulé « Enfants d'ici, enfants d'ailleurs », puis à une proposition de loi qui a été soumise à l'examen d'une commission spéciale dont il était le rapporteur et M. Jérôme Bignon, le président.
Tel n'a pas été le choix qui a été effectué par la Haute Assemblée puisque la commission des Lois, saisie au fond, a choisi d'examiner le titre premier relatif au code civil tout en déléguant à la commission des Affaires sociales, l'examen des autres titres de ce texte 1 ( * ) , à savoir le titre II relatif au code de la famille et de l'aide sociale, le titre III consacré au code de la sécurité sociale, le titre IV ayant trait au code du travail et le titre V rassemblant les autres dispositions.
Le présent texte aborde donc, sinon l'ensemble, du moins de nombreux aspects des conséquences de l'adoption.
C'est un texte nécessaire qui peut provoquer et a déjà provoqué des réactions compte tenu de la charge affective du sujet abordé. Face à l'inadéquation grandissante entre le nombre d'agréments en cours de validité, soit 13.428 au 1er janvier 1993, et le nombre des pupilles de l'État placés en vue d'adoption, soit 1.355 à la même date, auquel il faut ajouter les 2.778 visas délivrés pour des enfants étrangers afin qu'ils soient adoptés par des Français. Par ailleurs, les conditions et procédures en matière d'agrément ne sont pas véritablement satisfaisantes comme en témoignent les différences importantes de taux de refus selon les départements et les délais d'attente qui s'allongent pour adopter un enfant en France, soit entre deux et cinq ans selon les desiderata des personnes agréées.
Votre commission ne s'étonne pas que, de plus en plus, de futurs adoptants se tournent vers l'adoption internationale qui est désormais source des deux tiers des adoptions contre un tiers seulement, il y a quinze ans. Par ailleurs, le nombre des pupilles a fortement décru, ce dont votre commission ne peut que se féliciter dans la mesure où cela prouve qu'il y a de moins en moins de grossesses non désirées. Toutefois, seulement un tiers des 4.000 pupilles de l'État présents en 1992 étaient placés en vue d'adoption. Votre commission fera, à ce sujet, un certain nombre de suggestions.
Sur le plan international, la France a signé des textes plus protecteurs des droits de l'enfant et organisant plus précisément le régime de l'adoption. Il en est ainsi de la Convention internationale des Droits de l'enfant du 20 novembre 1989, et de la Convention de la Haye du 29 mai 1993, non encore ratifiée par la France, et qui est relative à la protection des enfants et à la coopération en matière d'adoption internationale. Cette dernière convention prévoit dans chaque pays l'ayant ratifiée la création d'une autorité centrale pour l'adoption, ce que fait précisément, dans son article 51, le présent texte. Sur ce point également, cette réforme apparaît nécessaire.
Elle a, d'ailleurs, été vivement souhaitée, depuis plusieurs années, par nombre de rapports : rapport dit « Boutin » du Conseil supérieur pour l'adoption en 1989, rapport « Burnel » du Conseil économique et social de 1990, rapport au secrétaire d'État à la Famille, aux Personnes âgées et aux Rapatriés, M. Laurent Cathala, en 1993, intitulé « Affirmer et promouvoir les droits de l'enfant après la Convention internationale sur les droits de l'enfant ». Ce souhait avait été également repris par un certain nombre de parlementaires, lors de la discussion de la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le code civil. Enfin, il est difficile de ne pas mentionner, après la discussion du présent texte à l'Assemblée nationale, la parution, à la fin du mois de février 1996, du rapport du groupe de travail sur « l'accès des pupilles et anciens pupilles de l'État, adoptés ou non, à leurs origines », présidé par M. Pierre Pascal et rédigé à la demande de Mme Simone Veil, lorsqu'elle était encore Ministre d'État, ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville.
Compte tenu de l'ensemble de ces remarques préliminaires, votre commission, lors de sa réunion du 27 mars 1995, a fondé son analyse de la partie du texte dont elle était saisie pour avis sur un certain nombre de principes qu'elle a, ensuite, déclinés par voie d'amendements.
Souhaitant trouver un juste équilibre entre les droits des enfants, à qui il s'agit de donner une famille, ceux des familles adoptives qui doivent être confortées dans leur rôle parental, et ceux des parents biologiques, dont les femmes accouchant secrètement, votre commission, au moins l'espère-t-elle, a été guidée par un triple souci de simplicité, d'équité, d'humanité alliée à une certaine prudence.
Tout d'abord, il s'est agi, pour votre commission, de rendre ce « parcours du combattant » qu'est encore l'adoption pour les postulants plus simple et, à cette fin, de réduire les délais.
Guidée par le principe d'équité, elle a voulu que chaque postulant ait les mêmes droits et que ces derniers soient garantis avant la décision d'agrément comme après un refus éventuel.
Cette équité, selon votre commission, doit concerner également les pupilles de l'État, qui doivent tous, quel que soit leur âge, pouvoir être adoptés. À cette fin, elle a appuyé la demande de son rapporteur pour avis, M. Lucien Neuwirth, afin qu'une enquête soit diligentée pour connaître plus précisément les causes de l'absence de projet d'adoption pour les deux tiers de pupilles de l'État. De la même façon, pour ne pas pénaliser l'adoption d'un enfant relativement âgé, elle a posé le principe de la parité entre l'adoption et la naissance, s'agissant de l'accès aux droits sociaux et l'a décliné dans toutes ses conséquences.
S'agissant, notamment, des dispositions relatives à la sécurité sociale et au code du travail, elle a été constamment guidée par l'application du principe d'équité. Elle a donc, souhaité, dans la mesure du possible, ne pas privilégier l'enfant adopté à l'étranger par rapport au pupille de l'État, notamment en matière d'accompagnement, ou la fonction publique par rapport au secteur privé, en matière de congés.
Votre commission a été, de même, guidée dans l'analyse de la partie du texte qui lui incombe, par un souci de prudence et d'humanité. Elle a administré la preuve de ce souci vis-à-vis des femmes qui accouchent secrètement -procédure dont elle souhaite le maintien- en ne réduisant pas à l'excès le délai de rétractation afin de ne pas brusquer ces femmes en grande détresse et en leur permettant de bénéficier, sur leur demande, d'un accompagnement psychologique et social. Elle a voulu également faire preuve d'humanité mais aussi de prudence vis-à-vis de la demande des anciens pupilles de l'État qui veulent connaître leurs origines. Selon votre commission, il n'est, en effet, pas question de remettre en cause l'équilibre construit par la loi du 11 juillet 1966 et de revenir à l'insécurité juridique antérieure, par la création d'une instance de médiation aux contours imprécis. Il s'agit, donc, simplement, pour celle-ci, de limiter la demande de secret à l'identité des parents qui remettent l'enfant et lorsque ce dernier a moins d'un an, ce qui lui est apparu logique, de permettre à ces personnes de pouvoir donner divers renseignements pourvu qu'ils ne remettent pas en cause ce secret, et de réserver l'accès à ceux-ci à l'enfant majeur, ou, s'il est mineur, à son représentant légal. Elle a, certes, permis également cet accès au mineur capable de discernement mais dans des conditions bien définies.
Avant d'analyser plus précisément, compte tenu des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, les propositions de votre commission, il est apparu opportun à celle-ci de porter un bref regard sur une législation en matière d'adoption qui a, au cours du temps, été très dépendante de l'état des mentalités et des besoins de la société, ce qui conduit le législateur de 1996 à intervenir trente ans après la loi de 1966, afin de tenir compte des évolutions constatées.
I. UNE LÉGISLATION RELATIVE À L'ADOPTION TRÈS DÉPENDANTE DE L'ÉTAT DES MENTALITÉS ET DES BESOINS DE LA SOCIÉTÉ, QUI A CONDUIT LE LÉGISLATEUR À INTERVENIR TRENTE ANS APRÈS LA LOI DE 1966, AFIN DE TENIR COMPTE DES ÉVOLUTIONS CONSTATÉES
A. UNE LÉGISLATION RELATIVE À L'ADOPTION TRÈS DÉPENDANTE DE L'ÉTAT DES MENTALITÉS ET DES BESOINS DE LA SOCIÉTÉ1 ( * )
1. De Rome à la veille de la Révolution : une procédure qui ne disparaît pas totalement
a) L'adoption romaine : la nécessité d'assurer le culte des ancêtres
L'adoption était pratiquée chez la plupart des peuples de l'Antiquité. À Rome, elle constituait pour le chef de famille, le pater familias, un moyen d'assurer la continuité du culte domestique, et d'obtenir un successeur à son nom et à sa fortune. L'adoption était un substitut de la filiation naturelle. « L'adoption imite la nature » comme le soulignait le manuel de droit de l'Empereur Justinien publié en 533 après Jésus-Christ. Mais elle servait également aux stratégies successorales et s'avérait un moyen efficace pour modifier le statut civique des individus : faire, par exemple, d'un esclave, un homme libre et un citoyen. Ce fut aussi pour les hommes célibataires, pénalisés par les lois édictées par l'empereur Auguste un moyen de détourner celles-ci et de recevoir des héritages et legs. Ainsi se développa une forme d'adoption temporaire.
L'adoption, selon le droit romain, présentait également d'autres caractéristiques particulières qui seront rapidement évoquées. Elle n'était jamais le fait d'un couple, mais toujours celui d'un homme seul. Deux procédures distinctes existaient : l'adoptio au sens strict, qui concernait un enfant encore soumis à l'autorité d'un chef de famille ; l'adrogatio, en revanche, désignait le cas où le futur adopté était déjà lui-même chef de famille. Cette procédure ne se faisait pas dans le secret. Il lui était fait, au contraire, toute publicité. De plus, un citoyen romain -car les étrangers et les esclaves ne possédaient pas ce droit- pouvait adopter son neveu ou son petit-fils et réorganiser, à sa convenance, sa descendance masculine en donnant, par exemple, en adoption à un autre chef de famille un de ses fils, sans avoir besoin de son accord, ou introduire un étranger à titre de fils ou petit-fils. On peut, ainsi, mesurer l'ampleur du pouvoir, dans ce domaine, du pater familias romain et les différences qui séparent l'adoption, telle qu'elle vient d'être exposée, avec la législation actuelle.
La Gaule romaine connut, donc, l'adoptio et l'adrogatio. Toutefois, à la fin de l'époque mérovingienne, ces procédures inséparables de l'application du droit romain se raréfièrent. Mais l'adoption n'a jamais réellement disparu, perdurant sous diverses formes.
b) À partir du Moyen-Âge, une survivance sous diverses formes
Il faut, d'abord, remarquer que le droit canon ne reconnaissait que la filiation légitime issue du mariage. De plus, l'importance donnée au lignage pendant une période qui va, approximativement, de 800 à la fin du XVIIIème siècle, contribue à expliquer que le droit à l'adoption ne soit plus admis. La pureté de ce lignage doit être préservée et le bâtard, rejeté de la société, a une situation peu enviable. Introduire un lignage étranger par le biais d'un enfant semble être, dans ces conditions, un grand risque.
Parallèlement, alors que le pouvoir royal a fort peu légiféré sur la famille, deux textes importants ont été pris, pour l'un, réprimer l'infanticide et l'autre, organiser la prise en charge des enfants abandonnés. Le premier est l'Edit d'Henri II de février 1556, sur la déclaration de grossesse, qui posait le principe de la présomption d'infanticide pour les femmes qui auraient dissimulé leur grossesse et dont l'enfant n'aurait pas été inhumé en terre chrétienne 1 ( * ) .
Le deuxième de ces textes est l'ordonnance de Moulins de 1566. En France, tout enfant trouvé était, théoriquement, à la charge du seigneur haut justicier sur le fief duquel il avait été exposé et qui devait, soit le nourrir à ses frais, soit le faire porter à l'hôpital le plus proche en subvenant à ses besoins. Mais cette responsabilité était le plus souvent éludée par les intéressés. C'est pourquoi cette ordonnance prévoyait, dans l'un de ses articles, qu'en cas de défaillance du seigneur, les enfants exposés seraient désormais à la charge de la paroisse où ils auraient été élevés. Il faut noter, à cet égard, que dans les dernières décennies du XVIIIème siècle à Paris, l'exposition interdite disparaît largement au profit de l'abandon. Toutefois, la somme des deux ne cesse de croître au cours du siècle.
Parallèlement, coexistent diverses formes d'adoptions telles que celles par des hôpitaux -comme celui de la Charité à Lyon-, par des particuliers, « donation d'enfant », adoption des orphelins recueillis par les hôpitaux ou bien encore ce qu'on appelle « l'accueil pour l'amour de Dieu ». Enfin, on peut noter l'existence de substituts à l'adoption comme le parrainage 2 ( * ) -très important aux yeux de l'Église- et l'affiliation qui associe un homme âgé qui possède des biens à exploiter à un homme plus jeune.
Ces diverses modalités ont perduré jusqu'à la Révolution. Toutefois, il s'avérait périlleux de tenter de définir le statut juridique des adoptés, accueillis et affiliés. Aussi, en cette fin de siècle des lumières, nombre de voix 1 ( * ) se sont-elles élevées pour réclamer une législation sur l'adoption qui corresponde en fait à la nouvelle perception de l'enfant et de la famille : il en est ainsi de Robinet, dans son « dictionnaire universel des sciences morales, économiques, politiques et diplomatiques » ou « bibliothèque de l'homme d'État et du citoyen », de Sébastien Mercier dans son « tableau de Paris » ou bien encore de Bernardin de Saint-Pierre dans « les voeux d'un solitaire ».
2. Des tentatives inabouties de la Révolution à l'adoption a minima prévue par le code civil napoléonien
a) Des tentatives inabouties de la Révolution...
Dès 1790, le duc de la Rochefoucauld-Liancourt, président du Comité de mendicité, a proposé un projet de décret sur l'adoption censé favoriser l'adoption des bâtards. L'Assemblée constituante ne tira pas de conclusions pratiques de ce texte. La proposition que le « comité de législation comprenne l'adoption dans son plan général des lois civiles » fut, certes, votée le 18 janvier 1792. Mais ce n'était qu'un décret de principe. Toutefois, une adoption nationale pour les orphelins de parents ayant rendu des services éminents à la Révolution fut créée. C'est un précédent à un certain nombre de dispositions du même type (enfants des tués à la bataille d'Austerlitz, lors des Trois Glorieuses, lors des journées de février 1848, orphelins de guerre devenus par la loi du 27 juillet 1917 « pupilles de la Nation »). Sous la Convention de nombreux textes et projets furent élaborés et renvoyés aux comités pour examen. Ils avaient souvent pour but, certes, le bonheur de l'adopté et celui de l'adoptant, la moralisation de la société, la baisse du célibat, mais surtout la division des fortunes afin de concourir à l'égalité sociale. Mais aucun ne fut voté y compris ceux de Cambacérès qui furent rejetés. Quant à la Constitution de 1793 adoptée entre les 11 et 24 juin, qui prévoyait, entre autres, qu'un étranger âgé de 21 ans et plus et domicilié en France depuis un an au moins, qui adoptait un Français, obtenait, par ce biais, la nationalité française, elle n'entra jamais en application.
Si, sur le plan des textes votés, le bilan des Assemblées révolutionnaires est maigre, il faut, toutefois, noter l'intervention d'un texte fort important qui, le premier, a garanti des droits à la femme accouchant secrètement. C'est la loi du 28 juin 1793 qui dispose, dans son article 7, qu'« il sera fourni » à celle-ci « par la Nation aux frais de gésine et à tous ses besoins pendant le temps de son séjour, jusqu'à ce qu'elle soit parfaitement rétablie de ses couches » et que le « secret le plus inviolable sera gardé surtout ce qui la concernera ». On peut mesurer ainsi le progrès accompli en deux siècles et demi par le législateur face aux femmes enceintes en très grande détresse.
b) ...à l'adoption a minima prévue par le Code civil napoléonien
Par rapport à l'esprit qui animait le législateur révolutionnaire et, en particulier, celui de la Convention, celui qui guide les rédacteurs du Code civil, en particulier Tronchet 1 ( * ) , et le Premier Consul est bien différent. Faciliter la transmission des fortunes plutôt que de contribuer au nivellement de celles-ci apparaît, désormais, être la principale raison d'être de l'élaboration de dispositions sur l'adoption. C'est, d'abord, l'intérêt de l'adoptant qui est pris en compte et non celui de l'adopté. Après un revirement du Premier Consul sur la philosophie même de l'adoption 2 ( * ) , la loi sur l'adoption fut votée le 2 germinal an XI (23 mars 1803) et promulguée dix jours plus tard, formant alors les articles 343 à 370 du Code civil. C'étaient vraiment des dispositions a minima. Ne pouvaient adopter que des personnes sans enfant, âgées de plus de cinquante ans et ayant quinze ans de plus que l'adopté. Ne pouvaient être adoptés que les majeurs. L'adoption se faisait devant l'autorité judiciaire. Les effets juridiques étaient limités puisque l'adopté ne sortait pas de sa famille naturelle et que l'adoption ne faisait naître des relations juridiques qu'entre lui et l'adoptant.
STATISTIQUES DES ADOPTIONS AU XIXEME D'APRÈS LES COMPTES GÉNÉRAUX DE L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE CIVILE
LES CHIFFRES DE L'ADOPTION AU XIXEME SIÈCLE
(source : » l'adoption » de M. Jean-Pierre Gutton ouvrage précité)
de 1837 à 1840 : l'adoption à Paris
Or, sur ce point, la législation restera pratiquement inchangée de 1804 à 1923. L'institution est, en fait, comme en témoigne les tableaux ci-dessus, un moyen de tourner la fiscalité sur les successions. On adopte un neveu ou un cousin, dans la mesure où les droits de succession en ligne collatérale sont lourds. Compte tenu de cette législation a minima, on ne peut être surpris du petit nombre annuellement réalisé d'adoptions jusqu'à la fin du siècle.
Cette stabilité législative peut être comparée avec la relative abondance de textes sur des sujets connexes ou proches, le décret du 18 janvier 1811 sur l'institution d'« un tour » où doivent être déposés, dans chaque hospice, les enfants trouvés, les lois de 1896, 1907 et 1912 sur les enfants naturels (respectivement consacrées aux droits successoraux, à la puissance paternelle par les enfants naturels reconnus et à l'institution de la recherche de paternité). De plus, trois lois, fort importantes, ont organisé la protection de l'enfance : la loi dite « Roussel » de 1874 sur la surveillance des enfants placés, la loi de 1884, dite de « protection des enfants maltraités et moralement abandonnés », et, enfin, la loi du 27 juin 1904 sur les enfants assistés qui diversifia les modes d'assistance, précisa et modernisa l'accueil des nouveau-nés abandonnés et augmenta l'effort financier de l'État. Mais le régime de l'adoption ne fut pas modifié. Il fallut les conséquences, en particulier démographiques, de la Première Guerre Mondiale, pour modifier cet état de chose.
3. Des conséquences des deux conflits mondiaux à celles de l'affaire Novack
a) Des conséquences des deux conflits mondiaux...
L'intervention de la loi du 19 juin 1923 qui permet l'adoption de mineurs, s'explique par trois facteurs. Tout d'abord, il y a l'évolution de l'opinion à l'égard de l'enfant naturel et des droits auxquels il peut prétendre. Ensuite, le nombre des enfants abandonnés se remet à croître. De l'ordre de 30.000 dans la première moitié du XIXème siècle, il avait baissé à 15-20.000 sous le Second Empire et même à 10-13.000 au tout début de la IIIème République. Mais, entre 1890 et 1910, sous l'influence de la loi de 1889 et d'un fort nombre de naissances illégitimes (9 % des naissances le sont de 1892 à 1913), le nombre des pupilles s'élève à nouveau pour atteindre 15 à 18.000 de 1890 aux débuts de la guerre de 1914. Il y a de moins en moins d'enfants trouvés mais de plus en plus d'enfants abandonnés, que cela soit fait dans les formes légales ou qu'ils soient « moralement abandonnés ». Enfin, le troisième facteur, décisif, est les conséquences de la guerre de 1914-1918 qui provoque un grand nombre d'orphelins. D'ailleurs, les lois des 27 juillet 1917 et 26 octobre 1922 leur viennent en aide. Elles font d'eux des pupilles de la Nation auxquels la France accordait un soutien moral et, éventuellement matériel. Un certain nombre de propositions de loi devant permettre l'adoption de ces orphelins et, donc des mineurs, ont été déposées dès avant la fin de la guerre. La dernière, émanant du Sénateur Simonet, déposée le 31 mai 1918, après débat dans l'opinion, en particulier au sein de la Société d'études législatives, qui joua un grand rôle dans ce domaine, devint la loi du 19 juin 1923. Mais il avait fallu cinq ans pour l'adopter. Elle permettait l'adoption de mineurs par des adoptants de quarante ans au moins, et sans enfant légitime. La puissance paternelle était désormais conférée à l'adoptant mais les liens avec la famille d'origine n'étaient pas rompus. Cette loi parut, donc, assez rapidement insuffisante et le nombre annuel d'adoption resta modeste : de 1924 à 1942, il varie de 1.000 à 1.700. L'Administration était réticente à déclarer adoptables des enfants autres que « trouvés », les parents d'un enfant abandonné pouvant toujours venir le chercher, alors que, dans le cadre des travaux de la Société d'études législatives précités, certains préconisaient la rupture complète avec la famille naturelle.
C'est dans le cadre du décret-loi du 29 juillet 1939 portant « Code de la famille », donc, sans discussion parlementaire, qu'intervient la réforme de l'adoption qui fonde, en quelque sorte, le statut moderne de l'adopté. Si ce texte laissait subsister l'adoption à finalité successorale, il n'en permettait pas moins aux adoptés de moins de seize ans et, sur décision du tribunal, une rupture des liens avec la famille d'origine, accompagnée d'un changement de nom et de la suppression de l'obligation alimentaire. À côté de cette adoption rénovée, il était créé une légitimation adoptive, prononcée par jugement du tribunal, au bénéfice des couples mariés depuis dix ans, sans enfant, et dont l'un des époux avait 35 ans au moins. Ces couples pouvaient demander des enfants de moins de cinq ans, abandonnés ou dont les parents étaient inconnus ou décédés. L'enfant avait les mêmes droits et obligations que l'enfant né du mariage. Ce texte fut complété et précisé par les lois du 8 août 1941 et 15 avril 1943 qui rapprochaient encore la situation de l'adopté de celle de l'enfant légitime. Puis une loi du 23 avril 1949 permit aux parents adoptifs de choisir les prénoms de l'enfant.
La mise en oeuvre du décret-loi de 1939 permit véritablement le développement de l'adoption à partir de 1943. Au lieu de 1.000 à 1.700 annuels, ce nombre dépassa bientôt 4.000, puis se stabilisa pendant les années cinquante, si l'on excepte les « pointes » enregistrées durant la Guerre d'Algérie, entre 1957 et 1961. Cette croissance était due essentiellement à celle des légitimations adoptives, qui à leur création pouvaient apparaître secondaires. Ainsi, si en 1952, les adoptions s'élevaient à 2.467, et les légitimations adoptives à 1.037, en 1960, ces dernières avaient presque rejoint les premières, s'élevant à 1.792 contre 2.052 1 ( * ) .
Par ailleurs, victime de son succès, le décret-loi de 1939 avait eu pour conséquence la hausse des candidatures de postulants à l'adoption qui entraînait une inadéquation grandissante entre ces demandes et le nombre d'enfants adoptables, situation qui n'était pas, sur ce plan, significativement différente de celle qui existe actuellement. Ainsi, dans le département de la Seine, la proportion était de 6 pour 1, entre les demandes et le nombre d'enfants proposés. De plus, l'abandon d'enfant avait, lui-même, subi une évolution. Comme le rappelait M. Zimmerman, rapporteur pour la commission des lois de l'Assemblée nationale, lors de la discussion du texte qui allait devenir la loi du 11 juillet 1966, « alors qu'au début du siècle, plus de 30 % des enfants abandonnés étaient âgés de moins d'un mois et que le nombre des enfants délaissés diminuait avec la pyramide des âges, on a constaté, depuis 1950, que près de la moitié des enfants recueillis dans les services de l'aide sociale à l'enfance, étaient âgés de plus de six ans ». Sur ce point également, la situation actuelle apparaît tout à fait comparable.
En parallèle, la situation législative en matière d'accouchement secret a continué d'évoluer. La loi du 15 avril 1943 dans son article 11 précisait la loi du 27 juin 1904, en mentionnant que « la présentation secrète des enfants en vue de leur admission comme pupilles de l'État peut avoir lieu dans le bureau d'abandon, ouvert de jour comme de nuit, sans autre témoin que la femme préposée aux admissions ». Par ailleurs, l'article 39 de cette même loi dispose que « dans tous les cas où la loi ou des règlements exigent la production de l'acte de naissance, il peut y être suppléé, lorsqu'il y a lieu d'observer le secret, par un certificat d'origine », sans préciser le contenu de ce secret, ce qui laissait à l'administration un large pouvoir d'appréciation. Cette dernière a pu ainsi considérer qu'il s'agissait de l'état civil de l'enfant et non exclusivement de l'identité de la mère. L'ordonnance du 23 août 1958 a permis une certaine clarification en faisant disposer tous les pupilles d'acte de naissance provisoire, mais qui pouvaient être fictifs, sans que les pupilles puissent même le savoir. Cet aspect a été souligné et explicité par M. Pierre Pascal, lors de son audition le 20 mars 1996 par la commission des lois et votre commission. Celle-ci vous invite donc à vous reporter au compte rendu de cette audition qui figure en annexe. De plus, les textes réglementaires comme la circulaire d'application du 28 septembre 1959 ont ajouté à cette ordonnance en permettant aux services de l'aide sociale à l'enfance de faire dresser l'acte de naissance provisoire au chef-lieu du département ou, s'ils l'estimaient opportun, devant tout autre officier d'état civil du département. Les services se sont donc crus autorisés à procéder systématiquement à la création d'actes de naissance provisoires pour tous les pupilles présents en 1958, sans même s'assurer que le secret avait été formellement demandé. Ce point soulevé par M. Pierre Pascal, lors de son audition précitée et dans le cadre du rapport du groupe de travail qu'il présidait 1 ( * ) , est assurément grave dans ces conséquences -puisque l'administration est « remontée » jusqu'aux pupilles non encore majeurs en 1958, soit nés depuis 1937, et sur le plan des principes.
Toutefois, au moment où les faits se sont déroulés, ils n'étaient pas connus de l'opinion qui a été, en revanche, bouleversée par l'affaire Novack, qui a mis aux prises, de 1954 à 1966, la famille naturelle et la famille adoptive du petit Didier Novack.
b) ... à celles de l'affaire Novack
Pour tenter de résoudre les cas de conflits entre parents adoptifs et parents biologiques, à la suite de cette affaire, la loi du 1er mars 1963 a réduit de trente années à une année le délai de la tierce opposition. La loi du 11 juillet 1966, qui en est le prolongement et celui des travaux d'une commission mise en place par le Gouvernement de l'époque, est d'une toute autre ampleur, puisqu'elle réorganise le système de l'adoption. C'est, selon ses dispositions et celles des textes qui l'ont modifiée, comme la loi du 22 décembre 1976 qui permet l'adoption en présence d'enfants légitimes au foyer, qu'est régie l'adoption encore aujourd'hui. Votre commission n'a donc pas souhaité commenter plus avant les dispositions actuelles figurant dans le code civil vous invitant à vous reporter à l'analyse qui figure dans le rapport n° 295 (1995-1996) de M. Luc Dejoie, rapporteur de la commission des lois. Elle a seulement tenu à remarquer que, sur ce point, et la proposition de loi soumise à son examen procède de même, la loi du 11 juillet 1966 a donné une nouvelle dénomination aux différentes formes d'adoption, en distinguant l'adoption simple de l'adoption plénière et a repris, à cet égard, quelque peu, les distinctions du code de Justinien entre l'adoption minus plena où l'adopté demeurait dans sa famille d'origine et l'adoptio plena qui donnait aux parents adoptifs la puissance paternelle. Ainsi, avec la loi de 1966, la sécurité juridique des adoptions est-elle renforcée et dans le cadre de l'adoption plénière, l'enfant est-il véritablement assimilé à l'enfant légitime.
À côté de cette réforme, nombre de textes, connexes, sont intervenus comme la loi n° 84-422 du 6 juin 1984 relative aux droits des familles dans leurs rapports avec les services chargés de la protection de la famille et de l'enfance et au statut des pupilles de l'État, la loi du 8 janvier 1993 modifiant le code civil, qui introduit l'accouchement secret dans un article 341-1, et la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille qui, dans son article 33, modifie l'article 350 du code civil sur la déclaration judiciaire d'abandon. De plus, la décentralisation, en faisant de l'Aide sociale à l'enfance une compétence départementale, a fait des présidents des Conseils généraux des interlocuteurs importants en matière d'adoption alors que le Préfet, qui reste le tuteur des pupilles de l'État, ne semble pas avoir toujours les moyens ou la volonté d'assurer totalement cette tâche. On peut mentionner, sur ce point, l'intervention de la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d'aide sociale et de santé.
La législation en matière d'adoption a, donc, toujours suivi étroitement, rapidement ou avec retard, les évolutions des mentalités. La situation actuelle qui résulte des évolutions constatées ces quinze dernières années invite le législateur à modifier trente ans après la loi de 1966 le régime de l'adoption tout en ne remettant pas en cause les acquis de celle-ci.
* 1 Sous réserve de son examen des articles 30 et 31 sur le recueil et la communication de renseignements non identifiants ainsi que celui de l'article 51 qui institue une autorité centrale pour l'adoption en conformité avec la Convention de la Haye du 29 mai 1993.
* 1 Cette partie est très largement inspirée de l'ouvrage de M. Jean-Pierre Gutton « l'adoption », daté de 1993.
* 1 « Etant dûment averti d'un crime très énorme et exécrable, fréquent en notre royaume, qui est que plusieurs femmes ayant conçu enfants par moyens déshonnêtes ou autrement, persuadés par mauvais vouloir et conseil, déguisent, occultent et cachent leurs grossesse sans en rien découvrir et déclarer et advenant le temps de leur part et délivrance de leur fruit, occultement s'en déclinent, puis le suffoquent, meurtrissent et autrement suppriment sans leur avoir fait impartir le saint sacrement de baptême, ce fait, les jettent en lieux secrets et immondes ou enfouissent en terre profane, les privant par tels moyens de la sépulture coutumière des chrétiens. Avons, pour à ce obvier, dit, ordonné et statué que toute femme qui se trouvera dûment atteinte, et convaincue d'avoir celé, couvert et occulté tant sa grossesse que son enfantement, sans avoir déclaré l'un ou l'autre, soit tenue et réputée d'avoir homicidé son enfant et, pour réparation, punie de mort et dernier supplice ».
* 2 Ainsi, Mademoiselle de Gournay est-elle « fille d'alliance » de Montaigne.
* 1 Jean Bodin, dans la « République ». les avait largement précédées, lorsqu'il souhaitait que l'on ne laisse pas s'éteindre le droit d'adoption.
* 1 Tronchet considérait l'adoption comme largement étrangère aux traditions françaises.
* 2 Dû vraisemblablement à l'évolution de sa situation personnelle. Il avait pensé, dans un premier temps, adopter son beau-fils, Eugène de Beauharnais.
* 1 Chiffres cités par M. Raymond Zimmerman, rapporteur de la commission des lois (JO AN 2ème séance du 17 novembre 1965 p. 1.884).
* 1 Rapport du groupe de travail sur l'accès des pupilles et anciens pupilles de l'État, adoptés ou non, à leurs origines.