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Traduction législative du plan REPowerEU, présenté par la Commission européenne, le 18 mai 2022, la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 18 mai 2022, COM(2022) 222 final, tend à modifier la directive (UE) 2018/2001 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments et la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique. La refonte ou la modification de ces textes sont déjà en cours d’examen, parallèlement, dans le cadre du paquet « Ajustement à l’objectif 55 ».
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Cette proposition de directive a pour objectif d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables, de réduire la consommation énergétique et de renforcer l’efficacité énergétique dans l’Union européenne (UE), afin notamment de réduire rapidement la dépendance européenne aux énergies fossiles russes. À cet effet, il est prévu de :
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– rehausser la part d’énergies renouvelables dans la consommation finale en 2030 de 40 à 45 % ;
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– relever l’objectif global en matière d’efficacité énergétique d’au moins 13 % en 2030, par rapport au scénario de référence de 2020 ;
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– permettre l’accélération du déploiement des énergies renouvelables en définissant des zones cibles et en accélérant les procédures d’octroi de permis pour les projets d’installations ;
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– développer l’énergie solaire dans les bâtiments neufs et existants.
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Vu l’article 88-6 de la Constitution,
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Vu l’article 73 octies du Règlement du Sénat,
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Le Sénat fait les observations suivantes :
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– le contexte géopolitique né de la guerre en Ukraine et la forte dépendance énergétique de l’Union à l’égard de la Fédération de Russie renforcent, de manière urgente, la nécessité plus globale de garantir la souveraineté et la sécurité énergétiques de l’ensemble des États membres ; c’est pourquoi les objectifs du plan REPowerUE aptes à garantir cette souveraineté, dans le respect d’une neutralité technologique, méritent un plein soutien ;
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– selon les traités, la politique de l’Union européenne dans le domaine de l’énergie vise, dans un « esprit de solidarité », à assurer le fonctionnement du marché de l’énergie et la sécurité de l’approvisionnement des États membres ainsi qu’à promouvoir l’efficacité énergétique et à développer les énergies renouvelables ; toutefois, la politique énergétique relevant des compétences partagées entre l’Union et les États membres, il convient d’examiner si l’objectif de l’action envisagée peut être mieux réalisé au niveau communautaire et si l’intensité de l’action entreprise ne se situe pas au-delà des mesures nécessaires à l’atteinte des objectifs que cette action vise à réaliser ;
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– or, l’absence d’étude d’impact de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 18 mai 2022, COM(2022) 222 final, ne permet pas d’évaluer la proportionnalité des mesures proposées au regard des objectifs définis, des échéances fixées et des choix technologiques effectués ; aucune indication n’est, en effet, fournie sur la contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) des sources d’énergies renouvelables et donc sur celle de ces mesures aux objectifs du Pacte vert pour l’Europe, alors même que les efforts d’investissements demandés aux États membres sont considérables et interrogent d’ailleurs sur le caractère réaliste de la mise en œuvre des propositions de la Commission ; la Commission a donc insuffisamment démontré la plus-value et la proportionnalité des mesures européennes qu’elle propose au regard des objectifs de transition énergétique et climatique ;
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– le renforcement de l’objectif de part d’énergies renouvelables dans la consommation finale de l’UE, porté à un niveau élevé, et l’obligation envisagée d’installations solaires sur les structures bâties, tendent à remettre en cause le droit, garanti par l’article 194, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), d’un État membre de déterminer son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique ; ces mesures ne tiennent pas suffisamment compte des spécificités nationales, au regard de la composition du bouquet énergétique et du degré actuel de décarbonation de la production d’énergies dans les différents États membres ; elles impliquent une contrainte excessive dans la détermination du bouquet énergétique et prennent insuffisamment en considération l’ensemble des énergies décarbonées, telles que l’énergie nucléaire ou l’hydrogène bas-carbone, ainsi que les capacités d’innovation dans ce secteur ; elles tendent à restreindre les conditions d’exercice de la souveraineté des États membres dans le domaine de l’énergie et ne sont donc pas conformes, à ce titre, aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ;
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– la Commission européenne justifie son intervention sur le fondement des articles 192, paragraphe 1, et 194, paragraphe 2, du TFUE, sans se référer à l’article 192, paragraphe 2, point c, qui prévoit une décision du Conseil à l’unanimité pour prendre des mesures affectant sensiblement le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique dans le domaine de l’environnement ; en conséquence, la base juridique choisie par la Commission et la décision de recourir à la procédure législative ordinaire ne l’autorisent pas à proposer que l’Union européenne prenne de telles mesures qui affectent sensiblement les choix des États membres entre différentes sources d’énergie et la structure générale de leur approvisionnement énergétique ;
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– l’obligation d’installations de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments publics et commerciaux ainsi que sur les bâtiments résidentiels neufs méconnaît le respect du principe de neutralité technologique, qui a été pourtant rappelé par le Conseil européen, le 19 décembre 2019, s’agissant des dispositifs utilisés pour concourir à la décarbonation de l’économie ; cette mesure revient à écarter expressément d’autres solutions technologiques renouvelables ou bas-carbone ; ainsi, elle substitue une obligation de moyens à une obligation de résultats en termes d’émissions de GES, initialement prévue dans le cadre de la refonte de la directive sur la performance énergétique des bâtiments ; par ailleurs, elle risque d’entraîner une situation de dépendance de l’UE à l’égard de productions extra-européennes compte tenu des délais imposés pour sa mise en œuvre ;
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Le Sénat estime, en conséquence, que la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil COM(2022) 222 final précitée ne respecte pas les principes de subsidiarité et de proportionnalité.
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