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N° 520
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 mai 2014 |
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à modifier le Règlement du Sénat pour préciser que chaque sénateur ne peut exercer qu' une délégation de vote lors des scrutins publics ,
PRÉSENTÉE
Par M. Jean Louis MASSON,
Sénateur
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Sous la IV ème République, les scrutins publics qui, en théorie, devaient être personnels s'effectuaient en fait selon la pratique dite « des boîtiers ». Un député par groupe politique détenait l'ensemble des bulletins de ses collègues et votait à leur place. Face à ce dévoiement, le Général DE GAULLE promulgua l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote.
Comme l'avait rappelé, en janvier 1959, le sénateur Pierre MARCILHACY dans son rapport pour l'établissement du Règlement provisoire du Sénat : « L'article 27 de la Constitution dispose que le droit de vote des membres du Parlement est personnel. La loi organique du 7 novembre 1958 a précisé les conditions dans lesquelles ce droit de vote peut être exceptionnellement délégué . Il résulte de la Constitution que le scrutin public, sous sa forme traditionnelle où très souvent le « boîtier » votait pour son groupe, ne peut plus être pratiqué. »
Le scrutin public « traditionnel » et les « boîtiers » ont néanmoins très rapidement fait leur réapparition et ont à nouveau prospéré dans les deux assemblées. Or ces pratiques sont contraires aux principes énoncés par l'article 27 de la Constitution : la prohibition du mandat impératif, le principe du vote personnel, le caractère exceptionnel de l'autorisation des délégations de vote, l'interdiction faite à tout parlementaire de recevoir plus d'une délégation.
En 1993, sous l'impulsion de son président Philippe SÉGUIN, l'Assemblée nationale a rétabli la limitation d'une seule délégation de vote par député. Par contre, le Sénat n'a pas suivi cet exemple. Lors des scrutins publics ordinaires, il suffit donc qu'un seul sénateur membre d'un groupe soit présent pour déposer dans l'urne les 100 voire 150 jetons nominatifs de ses collègues même si aucun autre parlementaire du groupe n'est dans l'hémicycle.
Par deux fois, en décembre 2009 et en octobre 2010, le représentant d'un groupe a par erreur fait voter ses membres contre des textes qu'il soutenait. Ces incidents déplorables n'ont pas davantage conduit le Sénat à remettre en cause le « vote de groupe ». Ainsi, une proposition de résolution tendant à supprimer le vote de groupe n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour (proposition de résolution n° 261 de M. Jean-Louis MASSON, 3 février 2010).
Tout en se montrant vigilant sur la conformité de la lettre des Règlements des assemblées à l'article 27 de la Constitution et à l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958, le Conseil constitutionnel a jusqu'à présent refusé d'exercer un réel contrôle sur le respect effectif des règles relatives aux délégations de vote.
Cependant, il n'est pas certain que cette indulgence ne soit pas remise en cause. Le Conseil constitutionnel peut imposer un jour au Sénat de modifier ses pratiques en matière de délégation de vote, comme il lui a déjà imposé de réviser le contrôle préalable de la recevabilité financière des amendements (décision n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006).
Cette éventualité peut se concrétiser au motif que les différences entre les procédures suivies par les deux assemblées conduisent à un respect inégal des termes de la Constitution. Le Bureau de l'Assemblée nationale vient d'ailleurs de renforcer le contrôle des scrutins publics, « en supprimant, pour les scrutins publics ordinaires, toute possibilité de délégation autre que celles prévues par la Constitution » ( http://www.assemblee-nationale.fr/14/agendas/cr-bureau.asp#20140205 ).
Au-delà de sa fragilité juridique, le vote de groupe apparaît comme un moyen de dissimuler l'absentéisme tout en l'encourageant. De plus, le risque d'atteinte à la sincérité du vote semble désormais avéré car le plus souvent les groupes politiques décident du vote de leurs sénateurs absents sans même que ceux-ci soient au courant de quoi que ce soit.
Ces raisons justifient amplement qu'à l'instar de l'Assemblée nationale, le Sénat se décide enfin à respecter la règle selon laquelle un parlementaire ne peut exercer plus d'une délégation de vote lors des scrutins publics ordinaires.
Cela ne devrait d'ailleurs poser aucune difficulté, puisque cette règle s'applique depuis janvier 1959 aux votes en commission (article 15, alinéa 2, du Règlement) et puisqu'elle est également observée lors des scrutins publics à la tribune.
Tel est l'objet de la présente proposition de résolution, dont le dispositif comporte trois articles.
L' article 1 er tend à modifier l'article 56 du Règlement du Sénat pour préciser les modalités pratiques du vote.
L' article 2 tend à modifier l'article 62 du Règlement du Sénat, pour y faire figurer la mention du caractère personnel du vote et pour préciser qu'un sénateur ne peut exercer qu'une seule délégation de vote.
L' article 3 propose de compléter l'article 64 du Règlement du Sénat par un alinéa prévoyant la publication de la liste des délégations de vote, qui était de règle au début de la V ème République.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article 1 er
Au début de l'article 56 du Règlement du Sénat, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le sénateur vote en remettant son bulletin et, éventuellement, celui de son délégant, à l'un des secrétaires qui les dépose dans l ' urne. »
Article 2
L'article 63 du Règlement du Sénat est ainsi modifié :
1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le vote des sénateurs est personnel. »
2° À la fin de cet article, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un même sénateur ne peut exercer plus d'une délégation. »
Article 3
L'article 64 du Règlement du Sénat est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 8. - La liste des délégations est publiée dans les mêmes conditions que les résultats des scrutins publics. »