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N° 297
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 16 avril 2008 Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 avril 2008 |
PROPOSITION DE
RÉSOLUTION
tendant à la création d'une commission d' enquête chargée d' évaluer le coût financier en 2008 et son évolution prévisible en 2009 et pour les années suivantes des dépenses imposées directement ou indirectement par l'État aux collectivités territoriales ,
PRÉSENTÉE
MM. François MARC, Jean-Pierre BEL, Marc MASSION, Bertrand AUBAN, Mme Maryse BERGÉ-LAVIGNE, M. Jean BESSON, Mme Yolande BOYER, MM. Bernard CAZEAU, Roland COURTEAU, Claude DOMEIZEL, Michel DREYFUS-SCHMIDT, Bernard DUSSAUT, M. Jean-Noël GUÉRINI, Charles JOSSELIN, Alain JOURNET, Louis LE PENSEC, André LEJEUNE, Philippe MADRELLE, Gérard MIQUEL, Michel MOREIGNE, Jean-François PICHERAL, Bernard PIRAS, Jean-Pierre PLANCADE, Marcel RAINAUD, Gérard ROUJAS, M. André ROUVIÈRE, Claude SAUNIER, Jacques SIFFRE, Simon SUTOUR, Michel TESTON, Robert TROPEANO et les membres du groupe socialiste (1), apparentés (2) et rattachés (3),
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation et, pour avis, à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale en application de l'article 11, alinéa 1 du Règlement.)
(1) Ce groupe est composé de : Mmes Jacqueline Alquier, Michèle André, MM. Bernard Angels, David Assouline, Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Besson, Yannick Bodin, Didier Boulaud, Mmes Yolande Boyer, Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Michel Charasse, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Yves Dauge, Jean-Pierre Demerliat, Mme Christiane Demontès, MM. Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mmes Odette Herviaux, Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Charles Josselin, Alain Journet, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, André Lejeune, Louis Le Pensec, Mme Raymonde Le Texier, MM. Alain Le Vern, Roger Madec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mme Gisèle Printz, MM. Marcel Rainaud, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Roland Ries, Gérard Roujas, André Rouvière, Mme Michèle San Vicente-Baudrin, M. Claude Saunier, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, Jacques Siffre, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Robert Tropeano, André Vantomme, Richard Yung.
(2) Apparentés : MM. Jacques Gillot, Serge Larcher, Claude Lise.
(3) Rattachés administrativement : Mmes Marie-Christine Blandin, Alima Boumediene-Thiery, MM. Jean Desessard, Jacques Muller, Mme Dominique Voynet.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis plusieurs mois, toutes les associations d'élus locaux et territoriaux s'inquiètent de la dégradation des capacités financières d'intervention des collectivités mais aussi d'une stigmatisation très mal venue de leur rôle supposé dans la dégradation des finances publiques de notre pays.
À l'heure où le Président de la République annonce lors de son discours du 8 avril 2008 à Cahors que « les concours que l'État apporte aux collectivités locales n'augmenteront pas plus vite que les dépenses que le gouvernement consacre à ses politiques » , les auteurs de la proposition de résolution estiment dès lors indispensable que soit évalué, par une commission d'enquête sénatoriale, le coût financier des charges incompressibles pesant sur les collectivités territoriales.
À en croire le discours du Président de la République, les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales seraient dorénavant soumis à la même norme d'évolution « o % volume » que les dépenses de l'État. Cette règle impose une évolution des dépenses de l'État selon une indexation uniquement basée sur l'inflation et donc sans prise en compte de la croissance.
Cette déclaration, dans un contexte de contrainte budgétaire, fait suite aux accusations aussi fréquentes que mensongères de la part du gouvernement sur l'état des finances locales, ainsi qu'aux mesures adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2008.
Ainsi, dans une interview au journal « le Parisien/Aujourd'hui en France » du 31 mars 2008, la ministre de l'Économie, de l'industrie et de l'emploi impute le dérapage du déficit public à 2,7 % du PIB, au lieu des 2,4 % prévus initialement, « aux dépenses des collectivités territoriales... qui n'ont pas fait preuve de la même maîtrise que l'État, notamment sur leurs effectifs » .
Cet argument ne peut tenir dans un contexte de décentralisation et de transferts massifs des agents de la fonction publique de l'État aux départements et aux régions dans le cadre de l'Acte II de la décentralisation.
En effet, si les dépenses des collectivités territoriales ont fortement progressé, la poursuite des transferts de personnel en est la principale cause puisque les frais de personnels ont augmenté de plus de 9,2 % en 2007. Cette hausse est particulièrement marquée pour les départements (+17,6 %) et pour les régions (+103,6 %). Ces dernières voient leur masse salariale passer de 783 millions d'euros en 2006 à 1 595 millions d'euros en 2007.
Par ailleurs, ces transferts de compétences sont très nettement sous-compensés financièrement par l'État aux collectivités territoriales.
Par conséquent, l'ensemble des motifs de l'accroissement des dépenses de personnels des collectivités territoriales relève de décisions prises par l'État (gouvernement et parlement) et sur lesquelles les collectivités n'ont aucun moyen d'agir.
Du reste, l'État, tout en transférant en masse son personnel aux collectivités et les compétences correspondantes, a vu ses effectifs croître dans le même temps, de plus de 300 000 emplois publics depuis 25 ans.
Outre les dépenses de personnel, nombreuses sont les politiques que les collectivités territoriales doivent assumer financièrement, suite à une décision unilatérale de l'État et sur lesquelles elles ne disposent d'aucune marge de manoeuvre (revenu minimum d'insertion, allocation personnalisée d'autonomie, prestation de compensation des personnes handicapées...).
Par ailleurs, le Président de la République a précisé que si « l'État donnera l'exemple de la réforme », il va de soi qu' « il ne peut pas être le seul à réformer » en précisant qu'il « pense ici aux collectivités territoriales » .
S'il est normal que les collectivités territoriales participent à l'effort national de maîtrise des dépenses publiques, elles doivent le faire proportionnellement à leur part dans la dette publique, soit 11 % de l'ensemble de la dette publique 1 ( * ) .
Or, il est évident que les collectivités territoriales vont subir, dans le cadre des prochaines lois de finances, un plan de rigueur disproportionné au regard de leurs responsabilités obligatoires.
Deux aspects seront très probablement concernés : d'une part, les dotations aux collectivités territoriales et, d'autre part, les contributions de l'État à la fiscalité locale.
* Premièrement, les collectivités territoriales ont déjà eu à subir une baisse importante du montant de leurs dotations de plus de 400 millions d'euros, suite à la suppression du contrat de croissance et de solidarité et la création du contrat de stabilité dans le cadre de la loi de finances pour 2008. Le gouvernement a décidé, sans la moindre concertation avec les élus, d'intégrer dans le périmètre de la norme d'évolution « 0 % volume » les dotations de l'État aux collectivités territoriales comprises dans l'enveloppe normée.
Seule la dotation globale de fonctionnement a échappé, en 2008, à cette contrainte financière et bénéficie - mais pour cette année seulement - d'une évolution indexée non seulement sur l'inflation mais également sur la croissance économique à laquelle les collectivités territoriales contribuent grandement.
Par ailleurs, l'objet de cette dotation est de permettre aux collectivités d'assumer des charges dont l'essentiel leur est imposé par l'État.
L'intégration au sein de cette enveloppe normée du Fonds de compensation pour la T.V.A. a également été évoquée. Cette hypothèse, si elle devait être retenue, marquerait sans aucun doute le coût d'arrêt des efforts d'investissements effectués par les collectivités territoriales, qui participent à plus de 72 % à l'investissement public.
Le Gouvernement semble donc vouloir remettre en cause les contours de cette enveloppe normée en y intégrant l'ensemble des dotations de l'État, désormais uniquement indexées sur l'inflation.
Or l'inflation prise en compte dans le calcul de l'évolution des dotations est très nettement inférieure à celle que subissent réellement les collectivités territoriales. Pour preuve, sur les trois premiers trimestres de l'année 2007, l'inflation était estimé à 1,2 % tandis que le « panier du maire » établi par l'Association des Maires de France (indice de prix des dépenses communales) évoluait quant à lui de 3,4 %, soit une différence de 2,2 points.
Si cette réforme venait à être adoptée, les budgets des collectivités territoriales subiraient une baisse importante de leur marge d'intervention.
* D'autre part, le chef de l'État affirme que « lorsque l'État diminue ses impôts, il ne peut continuer sans limite à assumer une part de la hausse des impôts locaux » en ajoutant que « 40 % ou 35 % de la taxe professionnelle sont payées par l'État ».
Une nouvelle fois, ses propos tendent à une stigmatisation honteuse des collectivités territoriales, car c'est l'État lui-même qui a décidé des allègements de taxe professionnelle et qui a alloué - mais d'une façon insuffisante - des compensations aux budgets locaux.
En matière de taxe professionnelle, les collectivités territoriales ont à subir depuis deux ans la réforme du plafonnement de la taxe professionnelle intervenue dans le cadre de la loi de finances pour 2006, et qui a entraîné une perte financière à la charge des collectivités de plus de 650 millions d'euros en 2007.
L'État doit donc impérativement cesser toute intervention unilatérale par le biais des exonérations et des dégrèvements en matière de fiscalité locale.
Les collectivités territoriales sont les premières à dénoncer et à regretter ces intrusions de l'État et réclament à cet effet une réforme de la fiscalité locale dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle est, dans ses mécanismes actuels, obsolète et injuste pour le contribuable.
À ce titre, il semble que les dépenses de l'État au profit des collectivités territoriales ne bénéficient pas du même traitement que les autres dépenses de l'État . En effet, le Président de la République affirme que « ce ne sont pas les économies qui feront les réformes, c'est la réforme qui permettra les économies » .
Or, en l'espèce, aucune réforme n'est envisagée, seules des coupes sombres dans les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales seront réalisées.
Selon les services du ministre du Budget, sur les 10 milliards d'euros d'économies nécessaires pour équilibrer à terme nos finances publiques, 5 milliards d'euros devraient être trouvés sur la sphère publique comprenant la sécurité sociale et les collectivités territoriales.
Sous couvert de la révision générale des politiques publiques, la rigueur s'annonce pour les collectivités territoriales, sans aucune prise en compte des dépenses obligatoires que l'État leur impose sans que ces dernières ne puissent y déroger ou en faire l'économie.
Ainsi, le gouvernement entend faire payer aux collectivités territoriales les conséquences de sa mauvaise gestion budgétaire.
Au regard de l'ensemble de ces observations, il est du devoir du Sénat, en tant que représentant constitutionnel des collectivités territoriales, de pouvoir évaluer précisément le coût financier des dépenses obligatoires pesant sur leurs budgets.
Tel est l'objet de la présente proposition de résolution que nous vous prions de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
Il est créé, en application de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des Assemblées parlementaires, et de l'article 11, alinéa 1, du Règlement du Sénat, une commission d'enquête composée de vingt-et-un sénateurs, chargée d'évaluer le coût financier en 2008 et son évolution prévisible en 2009 et pour les années suivantes des dépenses imposées directement ou indirectement par l'État aux collectivités territoriales.
* 1 - En 2007, la dette publique s'élève à 1 209,5 Mrds € dont 135,7 Mrds € imputables aux collectivités locales et plus de 1 027 Mrds € imputables à l'État et de ses administrations centrales.