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N° 518

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 mai 2014

PROPOSITION DE LOI

relative à la décentralisation des enseignements artistiques ,

PRÉSENTÉE

Par Mmes Catherine MORIN-DESAILLY, Françoise FÉRAT, MM. Joël GUERRIAU, Jean-Jacques LASSERRE, Jean-Jacques PIGNARD, Gérard ROCHE, Jean-Paul AMOUDRY, Mme Chantal JOUANNO, M. Hervé MARSEILLE, Mme Valérie LÉTARD, M. Yves DÉTRAIGNE, Mmes Valérie LÉTARD, Jacqueline FARREYROL, MM. Jean-Jacques PIGNARD, Joël GUERRIAU, Jean-Pierre CHAUVEAU, Bernard FOURNIER, Mme Colette MÉLOT, M. Jean-Pierre LELEUX et Mme Marie-Annick DUCHÊNE,

Sénateurs

(Envoyée à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que l'éducation artistique est confiée aux établissements scolaires, afin que tous les élèves aient accès à des connaissances et à une pratique artistique à l'école, l'enseignement artistique est dispensé par le réseau des conservatoires et des écoles de musique, danse ou théâtre.

Ce réseau s'est développé, d'abord sous l'impulsion de l'État, puis surtout à l'initiative des collectivités territoriales, en particulier des communes. Il a pour double mission de former les futurs musiciens professionnels (pour environ 2 % des élèves concernés) et de permettre le développement des pratiques amateurs.

Le volet « enseignements artistiques » de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales n'a pas opéré, stricto sensu, un nouveau transfert de compétences, mais il a confirmé l'initiative des collectivités territoriales dans ce domaine car la complexité et l'enchevêtrement des responsabilités de l'État et des collectivités entraînaient un manque de lisibilité.

Dans ce contexte, les articles 101 et 102 de la loi précitée ont eu pour principal objectif de clarifier le rôle respectif de chaque niveau de collectivités publiques dans l'organisation territoriale des compétences, en confiant :

- aux communes et à leurs groupements, les responsabilités déjà exercées en termes d'organisation et de financement des missions d'enseignement initial et d'éducation artistique des établissements, en liaison, dans ce dernier cas, avec les établissements scolaires ;

- aux départements, l'élaboration d'un « schéma départemental de développement des enseignements artistiques » destiné à en améliorer les conditions d'accès ;

- aux régions, l'organisation et le financement du cycle d'enseignement professionnel initial (CEPI), désormais sanctionné par un diplôme national d'orientation professionnelle (DNOP) et intégré au plan régional de développement des formations professionnelles (PRDF) ;

- enfin, l'État continue d'exercer ses prérogatives en matière de classement et de contrôle pédagogique des établissements, et de définition des qualifications des enseignants ; il conserve la responsabilité des établissements d'enseignement supérieur artistique.

En parallèle, la loi a prévu le transfert aux départements et régions des crédits que l'État continue d'apporter à ces établissements. Ce faisant, un des objectifs était de rééquilibrer une charge financière pesant, à près de 80 %, voire davantage, sur les communes.

Cette loi a été porteuse d'une ambition louable en faveur des enseignements artistiques en clarifiant les compétences des collectivités publiques et les financements. Toutefois, alors que cette réforme a suscité de très fortes attentes chez les élèves et leurs parents, chez les professionnels ainsi que chez les élus, sa mise en oeuvre est toujours « en panne », dix ans après son adoption.

Sur mon initiative, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a adopté, voilà un an, un rapport d'information sur la décentralisation des enseignements artistiques, liée à la réforme prévue par la loi du 13 août 2004 précitée. J'avais alors établi l'état des lieux de la situation, constaté que la réforme était au milieu du gué et était bien difficile à « orchestrer », et j'avais avancé des préconisations pour sortir de l'impasse.

La concertation s'est poursuivie, certes, entre l'État et les différents niveaux de collectivités territoriales, notamment au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, « réactivé » en juillet 2008. Toutefois, la situation de blocage a persisté, en dépit de l'esprit constructif de nombre d'élus et de professionnels.

Un premier point de convergence, qui rejoint d'ailleurs l'une des propositions du rapport d'information précité, consiste à reconnaître le rôle de l'échelon régional en matière d'aménagement du territoire et de planification :

- d'une part, par l'élaboration d'un schéma régional des formations artistiques à vocation professionnelle ;

- d'autre part, par la création d'une commission régionale des enseignements artistiques, qui pourrait être pilotée par la région - notamment en cas de participation notable au financement du cycle d'orientation professionnelle - et réunirait, aux côtés de l'État, les autres collectivités concernées.

L'objectif est d'assurer la cohérence territoriale de l'offre de formation, la complémentarité des actions, voire la mutualisation des moyens d'enseignement.

La présente proposition de loi ne revient pas sur le principe de la participation des régions au financement des formations à vocation professionnelle. Elle précise seulement que les régions participent à ce financement :

- afin de tenir compte de l'interprétation parfois ambiguë donnée au texte actuel, certains le comprenant comme impliquant un désengagement des autres collectivités publiques,

- tout en affirmant le caractère obligatoire de cette responsabilité, au-delà des crédits transférés par l'État.

En effet, même si toutes les régions n'affichent pas les mêmes ambitions en la matière, leur participation, même minime et progressive, s'impose pour les raisons suivantes :

- elle s'inscrit dans la logique de leurs compétences en matière d'orientation et de formation professionnelle ;

- elle s'avère cohérente, les établissements concernés drainant une population qui dépasse très largement le territoire de la commune qui les accueille ;

- elle est la contrepartie nécessaire du rôle de « chef de file » qu'il est proposé de leur attribuer en vue d'organiser la concertation sur les territoires et l'organisation des établissements en réseaux, ceci dans le respect des compétences de chaque niveau de collectivité et en s'inspirant des expérimentations déjà conduites localement. On voit mal, en effet, les communes accepter qu'une région qui ne participerait pas au financement du CEPI puisse assurer un rôle de pilotage et de chef de file. Elle pourrait certes en comprendre l'intérêt en termes d'aménagement culturel du territoire mais serait sans doute fondée à en contester la légitimité politique.

Par ailleurs, la question des transferts de crédits reste en suspens puisque ceux prévus par la loi de 2004 ne sont toujours pas intervenus, compte tenu de la situation de blocage. La présente proposition de loi propose de maintenir le transfert des crédits en direction de la région, à charge pour elle d'abonder au moins à due concurrence les établissements concernés.

Tel était l'esprit du législateur en 2004 et tel il doit rester si nous ne voulons pas un retour en arrière et si nous voulons que la concertation entre les différents niveaux de collectivités territoriales soit effective. À défaut, on pourrait craindre, à l'avenir, un désengagement de certaines collectivités, notamment de communes, qui estimeraient à juste titre ne pas avoir à porter seules la charge résultant d'un enseignement qui bénéficie à une population implantée sur un plus vaste territoire que le leur.

Il conviendrait que l'État verse en outre aux départements une contribution unique et forfaitaire correspondant à l'élaboration du schéma départemental prévu à l'article L. 216-2 du code de l'éducation. Une telle disposition ne peut figurer néanmoins dans la présente proposition de loi, dans la mesure où, entraînant une augmentation des charges de l'État, elle se verrait opposer l'application de l'article 40 de la Constitution. Par conséquent, il appartiendra au Gouvernement de proposer cet abondement au cours de la discussion parlementaire.

Dans cet esprit, la présente proposition de loi comporte deux articles.

L' article 1 er :

- réaffirme la mission prioritaire des établissements d'enseignement artistique : la formation des amateurs et le développement de leurs pratiques ;

-réaffirme le rôle que ces établissements et leurs agents peuvent apporter à l'éducation artistique et culturelle.

- précise l'objectif en matière d'orientation professionnelle, en substituant les termes de « cycle d'orientation professionnelle » à ceux de « cycle d'enseignement professionnel initial », qui avaient suscité des incompréhensions ;

- crée une commission régionale des enseignements artistiques, nécessaire lieu de concertation et de dialogue entre les différents niveaux de collectivités territoriales ainsi qu'avec l'État ;

- complète le rôle des régions, d'une part en leur reconnaissant un rôle de « chef de file » au sein de cette commission et, d'autre part, en leur confiant l'établissement d'un schéma régional des cycles d'enseignement professionnel dans les domaines de la musique, de la danse et de l'art dramatique ;

- complète le rôle de l'État en prévoyant qu'il coordonne, au plan régional ou interrégional, l'organisation des examens du diplôme national.

L' article 2 prévoit que les transferts de crédits seront effectués dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2014. Comme le prévoyait la loi de 2004, le montant du transfert sera déterminé sur la base de la moyenne des crédits versés par l'État au titre des exercices 2010-2011-2012.

Toutes ces propositions vont dans le sens des recommandations formulées dans le rapport d'information de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Elles visent à « sortir par le haut » de l'impasse actuelle, dans le respect des logiques territoriales.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

L'article L. 216-2 du code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Après la première phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Leur mission première est la formation des amateurs, et le développement de leur pratique ; à ce titre ils peuvent apporter, avec leurs enseignants,  leur concours aux actions conduites en matière d'éducation artistique et culturelle. » ;

2° À la deuxième phrase du même alinéa, le mot : « également » est supprimé ;

3° À la dernière phrase du même alinéa, les mots : « cycle d'enseignement professionnel initial » sont remplacés par les mots : « cycle d'orientation professionnelle » ;

4° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

« La région organise le cycle d'orientation professionnelle. Elle participe à son financement dans des conditions précisées par convention avec les collectivités gestionnaires des établissements, après concertation dans le cadre d'une commission régionale réunissant l'État, la région, les départements ainsi que les communes et groupements de communes concernés. Elle adopte un schéma régional de développement des cycles d'orientation professionnelle relatifs aux enseignements artistiques, en concertation avec les collectivités concernées et après avis de la commission régionale. » ;

5° À la seconde phrase du troisième alinéa, les mots : « le schéma départemental » sont remplacés par les mots : « les schémas régional et départemental » ;

6  L'avant dernier alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « rayonnement régional, départemental, intercommunal ou communal » sont remplacés par les mots : « rayonnement territorial, après avis de la commission régionale des enseignements artistiques » ;

b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il coordonne, au plan régional ou interrégional, l'organisation des examens du diplôme national prévu au présent article et délivre ledit diplôme. »

Article 2

L'article L. 216-2-1 du code de l'éducation est ainsi rédigé :

« Art. L. 216-2-1 - L'État transfère aux régions en 2014 les concours financiers qu'il accordait aux communes pour le fonctionnement des conservatoires à rayonnement régional ou départemental. Ces concours sont déterminés sur la base de la moyenne des crédits versés par l'État au titre des exercices 2010-2011-2012. »

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