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N° 858

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 septembre 2013

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

renforçant le principe de libre administration des collectivités locales en faveur des communes de la Polynésie française ,

PRÉSENTÉE

Par M. Richard TUHEIAVA,

Sénateur

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le principe à valeur constitutionnelle de libre administration des collectivités locales trouve à s'appliquer en faveur de l'ensemble des communes couvrant le territoire de la République française, incluant celles créées dans les départements et collectivités d'outre-mer.

S'agissant de la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française, régie par les dispositions de l'article 74 de la Constitution française, l'application de ce principe est notamment prévu aux dispositions des articles 6 et 13 alinéa 3 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, qui prévoient respectivement :

(Article 6) « Les communes de la Polynésie française, collectivités territoriales de la République, s'administrent librement dans les conditions prévues par la Constitution, la présente loi organique et les dispositions législatives qui leur sont applicables. »

(Article 13 alinéa 3) « Les autorités de la Polynésie française ne peuvent , par les décisions prises dans l'exercice de leurs compétences, exercer une tutelle sur les communes de Polynésie française. »

Or, le principe ci-dessus rappelé et ses déclinaisons législatives aux communes de la Polynésie française sont malheureusement battus en brèche par deux dispositions contenues dans l'article 52 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonome de la Polynésie française.

En effet, les dispositions de l'article 52 de la loi organique précitée traitent du mécanisme et des modalités de financement du budget de chaque commune de Polynésie française à travers l'institution d'un Fonds intercommunal de péréquation qui est d'une part alimenté grâce une quote-part minimale de 15 % (actuellement de 17 % fixée par décret) de l'ensemble des recettes fiscales de la Polynésie française sur un exercice budgétaire, et d'autre part, géré par un Comité des finances locales présidé conjointement par le président de la Polynésie française et le haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Les dispositions de l'article 52 de la loi organique précitée prévoient en effet :

« Un fonds intercommunal de péréquation reçoit une quote-part des impôts, droits et taxes perçus au profit du budget général de la Polynésie française.

Cette quote-part, qui ne peut être inférieure à 15 % desdites ressources, est fixée par décret, après consultation de l'assemblée de la Polynésie française et du conseil des ministres de la Polynésie française, en tenant compte des charges respectives de la Polynésie française et des communes. Lorsque le compte administratif de la Polynésie française fait apparaître que le produit des impôts, droits et taxes effectivement perçus est inférieur au produit prévu au budget primitif, le montant de la différence est inscrit en déduction de l'assiette du fonds intercommunal de péréquation de l'année suivant celle de l'adoption du compte administratif.

Le fonds intercommunal de péréquation peut recevoir également des subventions de l'État destinées à l'ensemble des communes.

Le fonds intercommunal de péréquation est géré par un comité des finances locales de la Polynésie française, présidé conjointement par le haut-commissaire de la République et le président de la Polynésie française et comprenant des représentants des communes, du gouvernement de la Polynésie française, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'État. Les représentants des collectivités territoriales constituent la majorité des membres du comité.

Ce comité répartit les ressources du fonds entre les communes, pour une part au prorata du nombre de leurs habitants, pour une autre compte tenu de leurs charges. Il peut décider d'attribuer une dotation affectée à des groupements de communes pour la réalisation d'opérations d'investissement ou la prise en charge de dépenses de fonctionnement présentant un intérêt intercommunal.

Le gouvernement de la Polynésie française, l'assemblée de la Polynésie française ou le haut-commissaire de la République peuvent consulter le comité des finances locales sur tout projet d'acte prévu à l'article 140 dénommé « loi du pays », tout projet de délibération ou tout projet d'acte réglementaire présentant des conséquences financières pour les communes ou groupement de communes. Lorsqu'un projet d'acte crée ou modifie une norme à caractère obligatoire, la consultation du comité des finances locales porte également sur l'impact financier de la norme.

Le comité des finances locales a pour mission de fournir au gouvernement de la Polynésie française et à l'assemblée de la Polynésie française les analyses nécessaires à l'élaboration des dispositions des projets de délibération et d'acte prévu à l'article 140 dénommé « loi du pays » intéressant les communes. Dans un cadre pluriannuel, il a la charge de la réalisation d'études sur les facteurs d'évolution de la dépense locale. Les résultats de ces études font l'objet d'un rapport au gouvernement de la Polynésie française.

Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article et notamment les conditions d'élection des représentants des communes et de l'assemblée de la Polynésie française au comité des finances locales. Il fixe également les modalités selon lesquelles le fonds assure à chaque commune un minimum de ressources.

Le comité des finances locales est également chargé du diagnostic et du suivi financiers, au cas par cas et dans le respect de l'article 6, de la situation des communes qui ne peuvent pas se conformer aux obligations prévues aux articles L. 2573-27, L. 2573-28 et L. 2573-30 du code général des collectivités territoriales. S'il est saisi d'une demande à cet effet par une ou plusieurs communes, le comité des finances locales peut émettre des recommandations à valeur consultative ».

Il ressort donc de l'effet combiné des alinéas 1 er , 2 et 4 de cet article 52, qu'une véritable tutelle de fait, d'ordre financier et décisionnel , existe entre les communes de la Polynésie française, régies par l'article 72 de la Constitution française, et la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française régie par l'article 74 de ladite Constitution.

- d'une part, l'essentiel (entre 60 et 90 %) de leurs budgets de fonctionnement est alimenté annuellement par un fonds intercommunal de péréquation qui se trouve lui-même financièrement alimenté par une quote-part des recettes fiscales perçues par le gouvernement de la Polynésie française : dès lors, la situation de croissance ou de récession économique dans laquelle se trouve la Polynésie française, dont dépend le rendement fiscal annuel, impacte nécessairement sur la santé financière et la stabilité budgétaire des quarante-huit communes de Polynésie française ;

- d'autre part, le pouvoir de direction et de contrôle du Comité des finances locales, qui est l'entité de gestion du « fonds intercommunal de péréquation » dépourvue de la personnalité juridique, n'est pas exercé par un élu communal mais par l'État ainsi que la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française.

Juridiquement, il s'agit donc d'une situation institutionnelle complexe dans laquelle une collectivité locale (la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française) régie par l'article 74 de la Constitution française, co-préside, conjointement avec l'État, l'organisme chargé de la gestion des financements afférents au fonctionnement des 48 collectivités locales régies par l'article 72 de la même Constitution.

Cette situation complexe conduit à atténuer gravement l'application pleine et entière du principe de libre administration des collectivités locales en faveur des communes de Polynésie française.

Comme le souligne clairement le rapport n° 130 (2008-2009) des sénateurs MM. Christian COINTAT et Bernard FRIMAT intitulé « Droits et libertés des communes de Polynésie française », le Fonds intercommunal de péréquation représente « une part importante » des ressources des communes polynésiennes, qui de fait restent très dépendantes des ressources transférées par la collectivité. Cette situation de tutelle par rapport à la collectivité d'outre-mer a contribué à alimenter l'instabilité politique.

Les élus communaux, bien que représentés au sein du comité des finances locales, n'en assurent donc pas la présidence. Or, à deux occasions au moins, ceux-ci se sont publiquement exprimés en faveur d'une présidence dudit comité par un représentant d'une commune dans des conditions prévues par la loi :

- à l'issue du séminaire technique communal qui s'est tenu du 23 au 27 mai 2011 financé par l'Union européenne sous le patronage parlementaire du sénateur exposant : 56 des 69 représentants de communes ayant répondu au questionnaire de fin de séminaire se sont déclarés favorables à une présidence du Comité des finances locales par un représentant des communes de Polynésie française ;

- à l'issue du XXV e Congrès des communes de Polynésie française qui s'est tenu du 29 au 31 juillet 2013 à Punaauia, Tahiti : 73 % des maires et représentants des communes de Polynésie française ont réclamé que la présidence du comité des finances locales soit assurée par un élu communal.

L'article unique de la présente proposition de loi organique prévoit donc que la présidence du Comité des finances locales de la Polynésie française est transférée à l'un des maires d'une commune de la Polynésie française élu dans des conditions fixées par décret, et que le président de la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française et le haut-commissaire de la République sont conjointement membres dudit comité.

Le reste des membres du comité des finances locales (représentants des communes, du gouvernement de la Polynésie française, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'État) reste sans changement.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article unique

La première phrase de l'alinéa 4 de l'article 52 de la loi n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française est ainsi modifiée :

1° Les mots : « présidé conjointement par le haut-commissaire de la République et le président de la Polynésie française » sont remplacés par les mots : « présidé par un maire d'une commune de la Polynésie française élu dans des conditions fixées par décret »

2° Après les mots : « et comprenant », sont insérés les mots : « le président de la Polynésie française, le haut-commissaire de la République, ».

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