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N° 705
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2013 |
PROPOSITION DE LOI
relative au financement des partis politiques et des campagnes électorales ,
PRÉSENTÉE
Par M. Jean Louis MASSON,
Sénateur
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis une vingtaine d'années, le financement des partis politiques et des campagnes électorales a été l'objet de mesures d'encadrement prises à chaque fois pour répondre à l'actualité des « affaires ». Les principales étapes en ont été l'instauration des comptes de campagne avec un financement partiel des campagnes électorales par l'État, l'attribution d'une aide publique de l'État aux partis politiques et enfin l'interdiction des financements politiques émanant de personnes morales.
Ces grandes étapes, ont été régulièrement complétées par des ajustements. Or, ceux-ci ont souvent été instrumentalisés par les partis dominants pour instaurer des règles pénalisantes à l'encontre des partis minoritaires ou des courants dissidents en leur sein : mesures subordonnant l'aide de l'État au fait que le parti politique présente au moins 50 candidats à chaque élection législative, exigence ultérieure que ces 50 candidats obtiennent chacun au moins 1 % des suffrages, interdiction pour les parlementaires de se rattacher à un parti ne remplissant pas la condition des 50 candidatures susvisées...
Ces dispositions législatives restrictives au seul profit des grands partis ont des conséquences ubuesques du point de vue de la démocratie. Ainsi, après les élections législatives de 2007, le parti Debout la République qui pourtant avait une existence bien réelle avec plusieurs députés ou sénateurs a été évincé de l'aide publique de l'État. Un autre parti, le Nouveau Centre, qui possédait même un groupe parlementaire à l'Assemblée Nationale et plusieurs ministres a lui aussi été évincé.
Par contrecoup les élus concernés et les petits partis sont contraints de recourir à des palliatifs qui ne sont pas non plus satisfaisants : partis renonçant à présenter des candidats en métropole, rattachement de parlementaires à un parti relais n'ayant présenté des candidats qu'Outre-mer...
Quoi qu'il en soit, le pluralisme est une composante indispensable de la démocratie, ce qui passe par l'égalité des droits entre partis politiques, qu'ils soient petits ou grands. En 2010, le Premier ministre l'avait lui-même souligné dans un discours à Nouméa : « Je note avec intérêt que certains voudraient que les financements soient réservés aux seules grandes formations politiques. C'est ce qu'on a eu pendant 50 ans avec les syndicats : il n'y avait que cinq syndicats qui avaient le droit de cité dans notre pays. Ce n'est pas tout à fait ma conception de la démocratie et de la liberté. Toute personne qui en France veut exprimer une opinion politique, qui veut créer une structure politique, engager une réflexion politique, a le droit de le faire et a le droit de se faire financer. L'important c'est que ce soit transparent » (Bulletin Quotidien, 20 juillet 2010).
Ces réflexions s'inscrivaient dans le contexte des financements politiques mis en évidence par l'affaire WOERTH-BETTENCOURT. En la matière, le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) évoquait « un détournement de l'esprit de la loi » (Les Échos, 20 juillet 2010). Encore faut-il cadrer le problème en distinguant parmi les micro-partis, ceux qui sont de simples satellites et ceux qui correspondent à de vrais petits partis réellement indépendants.
En particulier, les anomalies constatées dans l'affaire WOERTH-BETTENCOURT concernent un grand parti qui autorise ses membres à créer des satellites plus ou moins fictifs. Plusieurs partis satellites avaient même été créés pour récupérer des dons s'ajoutant à ceux de l'UMP lors des élections présidentielles de 2007. De même au PS les candidats à la candidature pour les élections présidentielles avaient créé, eux aussi, des partis satellites (Bulletin Quotidien du 27 juillet 2010 ; Libération du 26 juillet 2010).
Au contraire, certains petits partis sont réellement indépendants et leur légitimité ne doit pas être victime des dérives des satellites des grands partis. D'ailleurs, les rapports de la CNCCFP pour 2005-2006 anticipaient déjà le processus en stigmatisant spécifiquement les partis satellites : « La liberté de création des partis politiques a pour conséquence de faciliter le détournement de la loi en favorisant la création de partis satellites : une même personne physique peut ainsi financer plusieurs partis, en versant à chacun le montant plafond des dons autorisés, les partis bénéficiaires reversant ensuite l'argent récolté au parti central ».
En fait, plusieurs types de problèmes se posent :
- Il s'agit d'abord de la création de partis politiques plus ou moins satellites d'un autre afin de permettre à une même personne physique d'effectuer un don à chacun. De la sorte, et après rétrocession au parti principal, celui-ci reçoit un total de dons dépassant très largement le plafond légal autorisé ;
- Il s'agit ensuite des transferts financiers entre les partis politiques et les candidats aux élections. Un donateur peut contourner le plafond des dons à une élection (ce plafond est relativement bas) en versant son don à un parti politique (le plafond est nettement plus élevé). Ensuite, ce parti n'a plus qu'à transférer la somme en cause sur le compte de campagne du candidat car cette opération n'est soumise à aucun plafond ;
- Il s'agit aussi de l'opacité des dons entre partis politiques ou entre eux et les candidats aux élections. Lorsque les dons de personnes morales étaient autorisés, la CNCCFP en publiait la liste dans ses rapports annuels. Pour chaque parti et pour chaque compte de campagne, le rapport indiquait le nom des personnes morales donatrices (y compris les partis politiques) et précisait le montant. Cette obligation de publicité a été supprimée suite à l'interdiction des dons de personnes morales autres que les partis ;
- Il s'agit enfin du vide juridique relatif aux mandataires financiers et souligné à de nombreuses reprises par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Récemment encore, dans son rapport sur les comptes 2011 des partis politiques (J.O. du 27 décembre 2012), la CNCCFP regrettait la différence de régime entre les mandataires financiers des partis politiques et les associations de financement. Dans le cas des mandataires financiers qui sont des personnes physiques, l'absence d'agrément par la CNCCFP empêche celle-ci de sanctionner les irrégularités.
La présente proposition de loi prévoit donc qu'au cours d'une même année une personne physique ne peut effectuer des dons qu'à un seul parti politique. Une telle mesure relève du bon sens car un donateur de conviction n'a pas à soutenir simultanément plusieurs partis politiques. En cas d'infraction, une amende égale à dix fois le total des dons serait infligée au donateur.
Il est également proposé de rétablir la transparence des flux financiers entre les partis politiques en prévoyant que le rapport annuel de la CNCCFP publie le montant et l'origine des dons reçus par chaque parti politique de la part d'autres partis. Les mêmes modifications seraient étendues aux comptes de campagne en interdisant à tout candidat de recevoir des dons de la part de plus d'un parti politique. Par ailleurs, ces dons avec l'indication du parti donataire et de leur montant figureraient dans le récapitulatif publié par la CNCCFP.
Enfin, il est proposé de soumettre le mandataire financier d'un parti politique, lorsqu'il s'agit d'une personne physique, à des formalités d'agrément et de retrait d'agrément analogues à celles en vigueur pour une association de financement. En outre, le mandataire financier « personne physique » serait exposé aux sanctions prévues par l'article 11-6 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
La loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est ainsi modifiée :
I. - Après le premier alinéa de l'article 11-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au cours d'une même année civile, une personne physique ne peut effectuer de dons qu'à un seul parti ou groupement politique. »
II. - L'article 11-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sera puni d'une amende égale à dix fois le montant des dons versés s'ajoutant le cas échéant aux sanctions prévues à l'alinéa précédent, quiconque aura effectué au cours d'une même année civile des dons à plusieurs partis ou groupements politiques. »
Article 2
Après le deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour une même élection, un candidat ne peut percevoir de dons que d'un seul parti ou groupement politique. »
Article 3
I. - L'article L. 52-18 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette publication comprend l'indication du montant et de l'origine des dons reçus par chaque candidat de la part de partis ou groupements politiques. »
II. - Après la deuxième phrase du second aliéna de l'article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Pour chaque parti, cette publication comporte l'indication du montant et de l'origine des dons reçus de la part d'autres partis politiques ou reçus au titre de la dévolution de l'excédent de comptes de campagne. »
Article 4
I. - Dans la première phase du premier alinéa de l'article 11-2 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, après les mots : « le nom de la personne physique », sont insérés les mots : « agréée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, ».
II. - L'article 11-2 précité est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'agrément est publié au Journal officiel ».
III. - Dans la troisième phrase de l'article 11-3 de la loi précitée, après les mots : « désigne un nouveau mandataire financier », sont insérés les mots : « agréé au préalable par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ».
IV. - Au premier alinéa de l'article 11-6 de la loi précitée, après les mots : « toute association », sont insérés les mots : « ou à tout mandataire financier ».