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N° 136

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 novembre 2011

PROPOSITION DE LOI

visant à étendre le bénéfice de la « campagne double » aux anciens combattants engagés en Algérie , au Maroc et en Tunisie ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Robert TROPEANO, Jacques MÉZARD, Nicolas ALFONSI, Jean-Michel BAYLET, Alain BERTRAND, Christian BOURQUIN, Yvon COLLIN, Pierre-Yves COLLOMBAT, Mme Anne-Marie ESCOFFIER, M. François FORTASSIN, Mme Françoise LABORDE, MM. Jean-Pierre PLANCADE, Jean-Claude REQUIER, Raymond VALL et François VENDASI,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La politique menée à l'égard des anciens combattants est principalement animée par le principe de reconnaissance et son corollaire, le droit à réparation. Elle s'enrichit à chaque fois que l'État regarde son histoire avec objectivité, et assume ainsi pleinement son passé.

La loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution, à l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », de l'expression « à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc » a ajouté une nouvelle pierre à l'édifice législatif traitant de la reconnaissance des anciens combattants.

En effet, l'article L. 1 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dispose désormais : « La République française reconnaît, dans des conditions de stricte égalité avec les combattant des conflits antérieurs, les services rendus par les personnes qui ont participé sous son autorité à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 ».

Cette clarification juridique, en particulier des événements qui se sont déroulés en Algérie, a permis de reconnaître que les personnes visées à l'article L. 253 bis de la loi précitée avaient participé à une guerre et pas simplement à des opérations de maintien de l'ordre. En conséquence, celles-ci doivent pouvoir bénéficier d'un droit à réparation à la hauteur des sacrifices consentis durant les combats en Afrique du Nord.

Dans cet esprit, le Conseil d'État avait rendu un avis, le 30 novembre 2006, rappelant que la situation juridique nouvelle créée par la loi du 18 octobre 1999 pouvait déclencher le bénéfice de la campagne double aux personnes « qui ont participé à des opérations de guerre, c'est-à-dire qui ont été exposées à des situations de combat » en Afrique du Nord. On peut rappeler que l'attribution de la campagne double signifie que chaque jour de service effectué par le militaire est compté pour trois jours dans le calcul de sa pension.

Cet avis s'inscrit dans le droit fil d'une revendication exprimée depuis de nombreuses années par les associations d'anciens combattants qui souhaitent que la bonification d'annuités attribuées, au moment de la retraite, aux agents de statut public pour le calcul de leurs droits à pension, soit étendue à tous les anciens combattants fonctionnaires engagés en Algérie, au Maroc et en Tunisie entre le 1 er janvier 1952 et le 2 novembre 1962 et titulaires d'une carte de combattant.

Le coût global d'une telle mesure, difficile à évaluer, a toutefois servi d'argument aux pouvoirs publics pour ne pas répondre à cette demande pourtant légitime au nom du principe d'égalité de traitement entre toutes les générations de feu.

C'est finalement la décision du Conseil d'État en date du 17 mars 2010 qui obligera le Gouvernement actuel à satisfaire l'attente relative au bénéfice de la campagne double en enjoignant le ministre de la défense et le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État de prendre, dans un délai de quatre mois, les dispositions réglementaires nécessaires.

La publication du décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010 permet enfin d'étendre le bénéfice de la campagne double aux militaires d'active et aux appelés du contingent, pour toute journée durant laquelle ils ont pris part à une action de feu ou de combat ou ont subi le feu.

Cependant, ce décret pose trois limites.

D'une part, le texte autorise la révision des seules pensions de retraite liquidées à compter du 19 octobre 1999, soit au jour de la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie. L'absence de rétroactivité exclut du bénéfice de la campagne double une grande partie des anciens combattants dont la pension de retraite a été liquidée avant cette date.

D'autre part, le décret introduit des conditions d'exposition au feu difficiles à démontrer aujourd'hui pour une majorité des appelés concernés à l'époque. C'est pourquoi, la qualité de détenteur de la carte du combattant devrait constituer la référence pour justifier l'attribution de la campagne double.

Enfin, il est regrettable que la bonification bénéficie uniquement aux agents du service public alors que les anciens combattants du secteur privé, dont le risque de carrière incomplète est plus élevé, se sont en outre retrouvés dans des situations plus précaires lors de leur retour à la vie civile.

Afin de compléter le décret du 29 juillet 2010, la présente proposition de loi vise à étendre le bénéfice de la campagne double aux anciens combattants de statut public ou relevant du régime général, titulaire de la carte du combattant. Les pensions liquidées à compter du 2 novembre 1962 pourront être révisées.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Après l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, il est inséré un article L. 12 bis A ainsi rédigé :

Art. L. 12 bis A. - « Les appelés du contingent et les militaires d'active ayant participé à la guerre d'Algérie ou aux combats au Maroc et en Tunisie, entre le 1 er janvier 1952 et le 2 novembre 1962, et titulaires d'une carte du combattant, bénéficient du droit à la campagne double prévu au c) de l'article L. 12 du présent code.

« Par dérogation à l'article L. 55, les pensions de retraite liquidées à compter du 2 novembre 1962 des personnes visées au premier alinéa, pourront être révisées à compter de la demande des intéressés. Elles n'ouvriront droit à aucun intérêt de retard. »

Article 2

L'article L. 255 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La retraite du combattant accordée aux appelés du contingent ayant participé à la guerre d'Algérie ou aux combats au Maroc ou en Tunisie, entre le 1 er janvier 1952 et le 2 novembre 1962, titulaires d'une carte du combattant et ne relevant pas du code des pensions civiles et militaires de retraite, prend en compte les bénéfices de campagne visés au c) de l'article L. 12 et dans les conditions prévues par l'article L. 12 bis A dudit code. »

Article 3

Les conséquences financières qui pourraient résulter pour l'État de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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