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N° 97
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012
Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 novembre 2011 |
PROPOSITION DE LOI
visant à permettre aux collectivités territoriales de bénéficier de contrats d' assurance collectifs contre le risque chômage ,
PRÉSENTÉE
Par MM. Raymond VALL, Jacques MÉZARD, Gilbert BARBIER, Jean-Michel BAYLET, Alain BERTRAND, Christian BOURQUIN, Yvon COLLIN, Pierre-Yves COLLOMBAT, Mme Anne-Marie ESCOFFIER, M. François FORTASSIN, Mme Françoise LABORDE, MM. Jean-Claude REQUIER et Robert TROPEANO,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'article L. 5424-1 du code du travail prévoit que les agents publics ont droit à un revenu de remplacement, qui leur est attribué dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités qu'aux salariés du secteur privé.
En application de l'article L. 5422-1 du même code, les agents publics involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi et qui satisfont à des conditions d'âge et d'activité antérieure ont droit à l'allocation d'assurance chômage.
Les salariés démissionnaires , sauf en raison d'un motif légitime , ne peuvent en principe pas prétendre à une ouverture de droits aux allocations chômage.
Toutefois, l'article 4 e) du règlement annexé à la convention d'assurance chômage du 6 mai 2011 indique que, pour bénéficier de l'indemnisation chômage, les salariés privés d'emploi justifiant d'une période d'affiliation doivent « n'avoir pas quitté volontairement, sauf cas prévus par un accord d'application, leur dernière activité professionnelle salariée, ou une activité professionnelle salariée autre que la dernière dès lors que, depuis le départ volontaire, il ne peut être justifiée d'une période d'affiliation d'au moins 91 jours ou d'une période de travail d'au moins 455 heures. »
En vertu de ces dispositions, un agent public titulaire ayant quitté volontairement son emploi est attributaire de droits à l'indemnisation au titre de l'assurance chômage, dès lors qu'il a ensuite exercé un autre emploi durant au moins 91 jours et qu'il en a été involontairement privé.
Par ailleurs, les articles R. 5424-2 et R. 5424-5 du code du travail fixent les règles de coordination permettant de déterminer le débiteur de l'indemnisation du chômage des personnes ayant successivement travaillé pour un employeur public et un employeur relevant du régime d'assurance chômage .
Ainsi, lorsqu'au cours de la période de référence prise en compte pour déterminer la condition d'affiliation, la durée totale d'emploi accomplie pour des employeurs relevant du régime d'assurance chômage a été plus longue que l'ensemble des périodes d'emploi accomplies pour le compte d'employeurs publics, la charge de l'indemnisation incombe au régime d'assurance chômage.
Dans le cas contraire, cette charge incombe à l'employeur public qui a employé l'intéressé pendant la période la plus longue.
Or, seuls les employeurs mentionnés à l'article L. 5424-2 du code du travail peuvent adhérer au régime d'assurance chômage. C'est le cas des collectivités territoriales certes, mais pour leurs seuls agents non titulaires. Pour les agents titulaires, les collectivités territoriales sont dans un régime dit d' auto-assurance qui les oblige à assurer elles-mêmes la charge de l'indemnisation.
Interrogé à plusieurs reprises par des questions écrites ou orales sur la possibilité d'étendre la portée de l'article L. 5424-2 du code du travail aux collectivités territoriales pour leurs agents titulaires, le Gouvernement a répondu que cette faculté n'avait pas été retenue « tant en raison du très faible nombre de collectivités locales qui doivent indemniser le chômage d'un fonctionnaire démissionnaire que du poids élevé des cotisations qui en découlerait 1 ( * ) ».
Or, les cas de démission d'agents titulaires suivie de perte d'emploi salarié peuvent avoir des conséquences financières très graves pour les petites communes, qui doivent alors s'acquitter d'allocations chômage au bénéfice de leurs anciens agents.
Pour ce motif, la présente proposition de loi vise à corriger les carences de la législation actuelle en matière d'indemnisation des agents publics des collectivités territoriales en cas de privation involontaire d'emploi en proposant la création d'un système d'assurance risque, auquel les collectivités cotiseraient sur une base volontaire .
À cette fin, l'on pourrait envisager d'instaurer un fonds d'aide spécifique à la gestion de l'emploi de ces agents publics, à l'image de celui dont bénéficient les chambres départementales d'agriculture , en vertu du décret n° 87-305 du 3 avril 1997, codifié aux articles D. 514-12 et suivants du code rural et de la pêche maritime.
Ce fonds a pour objet, pour les chambres départementales d'agriculture y adhérant, de « prendre en charge la gestion et le versement des allocations d'assurance chômage dues par ces établissements publics à leurs agents involontairement privés d'emploi (...) et de participer à la mise en oeuvre de toute autre mesure en faveur de la gestion de l'emploi dans les mêmes organismes » et est financé par les cotisations et contributions des chambres départementales d'agriculture y adhérant.
Cependant, une solution moins complexe et plus rapide à mettre en oeuvre consisterait à étendre les compétences facultatives des centres de gestion de la fonction publique territoriale .
Instaurés par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, les centres de gestion assurent aujourd'hui des missions obligatoires , notamment :
• une mission générale d'information sur l'emploi public territorial et l'établissement du bilan de la situation de l'emploi public territorial dans le département ;
• l'organisation des concours des catégories A, B et C, la publicité de la liste d'aptitude ainsi que des tableaux d'avancement ;
• la prise en charge des fonctionnaires momentanément privés d'emploi de catégories A, B et C ;
• le reclassement des fonctionnaires devenus inaptes physiquement ;
• le fonctionnement des conseils de discipline de recours ;
• le fonctionnement des commissions administratives paritaires et des conseils de discipline ainsi que des comités techniques ;
• l'application du droit syndical.
Par ailleurs, la loi leur permet d'exercer des missions facultatives , notamment :
• toute tâche en matière de retraite et d'invalidité des agents pour le compte des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;
• toute tâche administrative concernant les agents des collectivités et établissements ;
• le conseil dans la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité par la mise à disposition d'agents chargés de la fonction d'inspection des collectivités territoriales et établissements publics qui en font la demande ;
• la gestion administrative des comptes épargne-temps des collectivités et établissements publics affiliés et non affiliés ;
• la mise en place de services de médecine préventive ou des services de prévention des risques professionnels ;
• la souscription, pour le compte des collectivités et établissements du département qui le demandent, des contrats d'assurance les garantissant contre les risques financiers liés à la maladie, l'accident du travail, la maternité ou un congé longue durée de l'agent (article 26 de la loi du 26 janvier 1984).
En effet, aux termes de l'article 26 de cette loi, « les centres de gestion peuvent souscrire, pour le compte des collectivités et établissements du département qui le demandent, des contrats d'assurance les garantissant contre les risques financiers découlant des dispositions des articles L. 416 4 du code des communes et 57 de la présente loi, ainsi que des dispositions équivalentes couvrant les risques applicables aux agents non titulaires. Dans ce cas, les communes et établissements intéressés sont tenus de rembourser aux centres le montant des primes d'assurance dont ceux-ci sont redevables . »
Comme le souligne le centre de gestion de Haute-Garonne : « Contrairement au secteur privé, la sécurité sociale n'est pas sollicitée par exemple en matière d'accident du travail (paiement des salaires, honoraires...) ou de congés de maternité (paiement des salaires...). C'est la collectivité qui assume seule ces dépenses, celles-ci pouvant dans certains cas atteindre des sommes lourdes pour son budget. »
D'après les informations disponibles, plus de 75 % des centres de gestion proposent un contrat d'assurance-risque aux collectivités et établissements publics de leur département. Il s'agirait ainsi de s'inspirer de ce système, en modifiant l'article 26 de la loi du 26 janvier 1984 afin d'ouvrir aux petites communes, et plus généralement aux collectivités et établissements publics, la possibilité de s'assurer contre le risque d'indemnisation du chômage, d'autant plus que certains centres de gestion proposent déjà une mission d'assistance juridique et de conseil en matière d'indemnités chômage.
Ce dispositif, qui fonctionnerait sur la base du volontariat, présenterait un avantage incontestable pour les collectivités : ne pas assurer seules le versement de l'indemnité chômage d'un ancien agent titulaire en s'assurant, pour un coût d'autant plus minime que la prime de risque serait potentiellement très faible du fait du nombre réduit de cas chaque année.
Par ailleurs, la mutualisation de la négociation pour un ensemble de collectivités et établissements publics par le centre de gestion du département permettrait potentiellement, comme c'est le cas aujourd'hui pour les contrats d'assurance groupe des risques liés au personnel, d'obtenir des tarifs et conditions plus avantageux qu'à titre individuel .
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
À la première phrase du cinquième alinéa de l'article 26 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les mots : «, et 57 de la présente loi, » sont remplacés par les mots : « , 57 de la présente loi et du 1° de l'article L. 5424-1 du code du travail ».
Article 2
Les charges qui pourraient résulter de l'application de l'article précédent pour les centres de gestion instaurés par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
* 1 Réponse du ministère de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales publiée dans le JO Sénat du 29 mai 2009, page 1338, à la question écrite n° 07705 de Mme Nicole BONNEFOY publiée dans le JO Sénat du 5 mars 2009, page 55.