Garantir le respect du principe de laïcité au sein de l'école publique
N°
288
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 13 mai 2003
PROPOSITION DE LOI
visant à garantir le respect du
principe de
laïcité
au sein de l'
école
publique
et de la
fonction
publique
,
PRÉSENTÉE
Par MM. François AUTAIN, Jean-Yves AUTEXIER et Paul LORIDANT,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Laïcité. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La France connaît à l'heure actuelle une montée sans
précédent des « communautarismes, du racisme et de
l'antisémitisme » selon les mots mêmes du Ministre de la
jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
La liberté de conscience proclamée par l'article 10 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen permet à chacun
de choisir la religion de son choix. Toutefois la liberté de chacun doit
s'arrêter là où commence celle des autres, comme l'affirme
l'article 4.
C'est pourquoi les services publics à la française sont
régis par le principe de neutralité. Ce principe doit tout
particulièrement s'appliquer à l'école, aussi bien aux
enseignants qu'aux élèves, parce qu'elle est le lieu de formation
de citoyens égaux en droits et en devoirs. Issue de ce principe de
neutralité, la laïcité qui régit l'école n'est
pas dirigée contre les religions mais, au contraire, en assure le
respect, en distinguant clairement la sphère privée de la
sphère publique. C'est seulement à cette condition que
l'école peut être un lieu de transmission du savoir qui apprend
à nos enfants à faire usage de leur raison. La
laïcité est ainsi au fondement de la République comme
l'affirme l'article 2 de la Constitution de 1958 qui définit la France
comme une « République laïque ».
Jusqu'à présent, les gouvernements se sont
déchargés de leurs responsabilités sur le Conseil d'Etat
pour traiter d'une question politique, le port du voile islamique, qu'il leur
appartenait pourtant de trancher. En ne le faisant pas, ils ont conforté
les mouvements confessionnels les plus irrespectueux de la laïcité.
C'est pourquoi il y a urgence à légiférer, car
derrière cette question du voile on perçoit des stratégies
provocatrices qui introduisent à l'école des valeurs contraires
aux principes de la République.
De surcroît, les revendications autour du voile islamique sont
potentiellement attentatoires au respect de l'égalité homme/femme
proclamée par le préambule de la Constitution du 27 octobre
1946 qui affirme que « la loi garantit à la femme, dans tous
les domaines, des droits égaux à ceux des hommes ». En
outre, l'article 5 de la convention internationale des droits de la femme,
signée par la France en 1984, dispose que les Etats signataires
s'engagent à «
modifier les schémas et
modèles de comportements socioculturels de l'homme et de la femme en vue
de parvenir à l'élimination des préjugés et des
pratiques coutumières ou de tout autre type, qui sont fondés sur
l'idée de l'infériorité ou de la supériorité
de l'un ou de l'autre sexe ou d'un rôle stéréotypé
des hommes et des femmes
».
L'article 1 de la présente proposition de loi complète l'article
L. 511-2 du code de l'éducation. Cet article dispose que
« dans les collèges et les lycées, les
élèves disposent, dans le respect du pluralisme et du principe de
neutralité, de la liberté d'information et de la liberté
d'expression. L'exercice de ces libertés ne peut porter atteinte aux
activités d'enseignement ».
Le nouvel alinéa que nous vous proposons, dans sa rédaction,
comme dans son intention, ferme la porte à toute forme de transaction
qui pourrait mettre en péril l'institution scolaire, pilier de la
République française.
L'article deux de la présente proposition de loi insère un
article 26
bis
dans la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant
droits et obligations des fonctionnaires. Cet article vise à inscrire
dans le statut des fonctionnaires le respect du principe de neutralité
des services publics.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, je
vous demande de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
L'article L. 511-2 du code de l'éducation est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le principe de neutralité exclut toute expression ou
manifestation individuelle ou collective à caractère politique ou
religieux. Le port de tout signe extérieur visible d'appartenance
religieuse ou politique est prohibé. Il sera puni, sans préjudice
des sanctions disciplinaires applicables, de l'amende prévue pour les
contraventions de 5ème classe ».
Article 2
Après l'article 26 de la loi n°83-634 du 13
juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré
un article 26
bis
ainsi rédigé :
«
Art. 26
bis. - Les fonctionnaires, conformément au
principe de neutralité, ne peuvent, sous quelque forme que ce soit,
manifester leurs opinions philosophiques, politiques ou religieuses dans
l'exercice de leurs fonctions. »