Statut de la Guyane
N°
197
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 23 janvier 2001
PROPOSITION DE LOI
CONSTITUTIONNELLE
relative à la
Guyane
,
PRÉSENTÉE
par M. Georges OTHILY,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Départements et territoires d'outre-mer. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le rapport annuel de l'Institut d'Émission des Départements
d'Outre-Mer tire en termes comptables les conclusions d'une
réalité économique et sociale peu encourageante de la
Guyane. Il apparaît clairement qu'une réforme d'ampleur est
indispensable. Le texte constitutionnel, en fondant au sein d'un même
creuset le régime juridique des quatre départements d'outre-mer,
dont l'histoire et l'avenir ne sont pourtant guère comparables, ne
permet plus aujourd'hui de répondre aux attentes de réforme de la
population guyanaise.
L'article 73 de la Constitution, reconnaissant l'existence des
départements d'outre-mer, permet certes en faveur de ces derniers des
mesures d'adaptation nécessitées par leur situation
particulière, soit pour leur régime législatif, soit pour
leur organisation administrative. Toutefois, quelle que soit la situation
particulière du département, cette disposition n'autorise que des
dérogations marginales au droit commun des départements.
Les spécificités de la Guyane appellent en conséquence
l'élaboration d'une réponse institutionnelle
" sur-mesure ". En effet, la loi n°2000-1207 du 13
décembre 2000 d'orientation pour
l'outre-mer ne permet pas un
développement durable.
Si la réforme doit se traduire par la disparition du statut
départemental, les faiblesses patentes des institutions des
régions d'outre-mer amènent à envisager plusieurs
hypothèses. Si chacune permet à la Guyane de demeurer dans l'orbe
de la République, une seule est susceptible de répondre à
ses attentes.
Alors que le statut de territoire d'outre-mer constitue l'une de ces
hypothèses, elle n'apparaît pas en réalité comme la
réponse adéquate, puisqu'elle ne permet pas l'attribution
à la nouvelle collectivité d'une compétence
législative et réglementaire. La catégorie des territoires
d'outre-mer ne semble plus répondre aux besoins des collectivités
périphériques. En définitive, elle permet trop peu de
liberté au législateur. La Guyane doit s'engager sur une autre
voie institutionnelle.
Le choix qui s'impose à la Guyane est clair : instaurer une
collectivité sui generis, par la voix d'une loi ordinaire, à
l'instar des collectivités de Corse et de Saint-Pierre-et-Miquelon,
envisager la création d'une collectivité disposant d'une
liberté plus importante ; d'autant que la catégorie appelant
une réforme constitutionnelle.
En demeurant dans la structure constitutionnelle actuelle, le
législateur est libre de doter une collectivité territoriale de
règles administratives particulières en vertu de l'article 72 al.
1 de la Constitution.
Ainsi peut-il être créée une nouvelle catégorie de
collectivité territoriale, qui ne comprend qu'une seule unité et
la doter d'un statut spécifique (décision n°91-290 DC du 9
mai 1991 du Conseil constitutionnel).
Cependant, l'organisation d'une collectivité de ce type demeure
administrative. L'exercice d'un quelconque pouvoir législatif est exclu.
La reconnaissance d'une citoyenneté guyanaise l'est tout autant. Les
limites de la libre administration des collectivités de la
République organisée par l'article 72 de la Constitution ne
permettent pas de répondre aux attentes de la Guyane.
L'actualité législative et constitutionnelle ne laisse pas
d'augurer de nouvelles perspectives
d'évolution
politico-institutionnelles pour l'outre-mer et
témoigne d'une évolution certaine de l'interprétation
d'une conception nouvelle de la République dans son unité.
L'adoption de réformes constitutionnelles -officialisées ou non
en congrès- relatives tant au statut de la Nouvelle-Calédonie que
de la Polynésie française démontre à nouveau, si
besoin était, qu'il est désormais possible de dissocier
l'idée d'autonomie de celle d'indépendance.
Le Général de GAULLE, dès 1962, n'avait-il point
d'ailleurs déjà souligné, sur la Place des Palmistes, lors
de son passage en Guyane qu' " Il est dans la nature des choses qu'un pays
comme le vôtre puisse disposer d'une certaine autonomie compte tenu de
ses spécificités ".
Il est donc temps pour la Guyane, aujourd'hui et à l'exemple des deux
anciens territoires d'outre-mer de devenir une entité ancrée au
sein de la République française, disposant de compétences
réelles, dont celle de voter des lois de pays.
Seule une révision constitutionnelle permet d'atteindre ces objectifs.
C'est pour ces différents motifs, qu'il vous est proposé,
Mesdames et Messieurs, d'adopter la présente proposition de loi
constitutionnelle.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article 1
er
Les titres XIV, XV, et XVI de la Constitution deviennent respectivement les titres XV, XVI et XVII.
Article 2
Le titre XIV de la Constitution est rétabli et intitulé : " De la Guyane ".
Article 3
Dans le
titre XIV de la Constitution, il est rétabli un article 78 ainsi
rédigé :
" Art. 78. - La Guyane se gouverne librement et démocratiquement au
sein de la République. Son autonomie et ses intérêts
propres de pays d'outre-mer sont garantis par un statut que définit la
loi organique après consultation de l'assemblée de la Guyane ; ce
statut détermine les compétences de l'Etat qui sont
transférées aux institutions de la Guyane, l'échelonnement
et les modalités de ces transferts.
" Ces transferts, irréversibles, ne peuvent porter sur la
nationalité, les garanties des libertés publiques, les droits
civiques, le droit électoral, l'organisation de la justice, le droit
pénal, la procédure pénale, les relations
extérieures, la défense, le maintien de l'ordre, la monnaie et
les changes.
" La loi organique définit également :
" - les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions
de la Guyane et notamment les conditions dans lesquelles certaines
catégories d'actes de l'assemblée délibérante,
ayant le caractère de lois du pays, pourront être soumises au
contrôle du Conseil constitutionnel ;
" - les conditions dans lesquelles le délégué du
Gouvernement a la charge des intérêts nationaux et du respect des
lois ;
" - les règles relatives à la citoyenneté guyanaise
et les effets de celle-ci en matière d'enseignement, de formation
professionnelle et d'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice
d'une activité économique, d'accès à la commande
publique, d'accès au crédit et d'accession à la
propriété foncière ;
" - les conditions dans lesquelles la Guyane peut, par dérogation
au deuxième alinéa, être membre d'une organisation
internationale, disposer d'une représentation auprès des Etats,
partenaires économiques, et négocier avec ceux-ci, dans son
domaine de compétence, des accords dont la signature et l'approbation ou
la ratification sont soumises aux dispositions des articles 52 et
53. "