EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La compétence en matière de police des monuments aux morts est confiée aux maires depuis la loi du 5 avril 1884.
Toutefois, la loi n° 2012-273 du 28 février 2012 fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France a prévu avec plus de précision, dans son article 2 « que l'inscription du nom du défunt sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou de dernière domiciliation ou sur une stèle placée dans l'environnement immédiat de ce monument est obligatoire. [...] La demande d'inscription est adressée au maire de la commune choisie par la famille ou, à défaut, par les autorités militaires, les élus nationaux, les élus locaux, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre par l'intermédiaire de ses services territoriaux ou des associations ayant intérêt à agir ».
Cet article a ainsi permis, dans les termes de ses rapporteurs, « de rendre obligatoire l'inscription des noms des militaires morts pour la France sur les monuments aux morts » 1 ( * ) là où, jusqu'alors, il n'existait aucune obligation d'inscription des noms des morts pour la France sur les monuments aux morts. La loi de 2012 venait ainsi « combler cette lacune » afin de « n'oublier aucun de ceux qui, quel que soit le conflit et quelle que soit l'époque, ont sacrifié leur vie pour notre pays ». Pour ce faire, elle impose donc une compétence liée dans l'exercice des pouvoirs de police municipaux, afin que le nom de tous les soldats morts pour la France soit effectivement inscrit sur un monument aux morts.
En dehors et au-delà de cette obligation, les pouvoirs de police du maire concernant les monuments aux morts ont été préservés par cette loi.
En premier lieu, le maire reste libre d'inscrire le nom d'un soldat mort pour la France sur le monument aux morts de sa commune, quand bien même celui-ci est déjà inscrit dans une autre commune. Dans les termes du rapporteur de la loi de 2012, « rien ne s'opposera à ce que le nom soit inscrit deux fois, dans la commune de naissance et dans la dernière commune de domiciliation » 2 ( * ) .
En second lieu, le maire reste libre d'inscrire le nom d'un soldat mort pour la France sur le monument aux morts de sa commune, s'il considère qu'il existe un lien suffisant entre ce soldat mort pour la France et sa commune, compte tenu par exemple des mandats ou des services rendus à la commune, à ses habitants ou à la vie locale. Dans les termes du rapporteur de la loi de 2012, cette dernière « n'interdit pas de faire figurer d'autres noms » 3 ( * ) sur le monument aux morts que ceux dont l'inscription est rendue obligatoire.
Le législateur a ainsi traduit concrètement le devoir de mémoire de la France envers les soldats morts pour elle, tout en préservant les pouvoirs de police du maire concernant les monuments aux morts.
L'équilibre de ces dispositions demeure en pleine vigueur aujourd'hui. Tandis que les pouvoirs du maire figurent à l'article R. 2223-8 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), l'article 2 de la loi de 2012 a été codifié à l'article L. 515-1 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG).
Cependant, malgré les avancées réalisées par la loi de 2012, une lacune importante persiste dans son dispositif, dans son application par les autorités municipales et dans son interprétation par les associations d'aide aux anciens combattants et aux victimes de guerre.
Cette loi ayant fait de l'inscription du nom d'un soldat mort pour la France une obligation, les lieux prévus par cette loi s'avèrent en pratique limitatifs, de sorte que seuls les lieux de naissance ou de dernier domicile voient le nom de leurs soldats inscrit sur leurs monuments aux morts.
Or, dans de nombreux cas, les soldats sont inhumés dans une autre commune que celle de leur naissance (où les maternités n'existent d'ailleurs que rarement) ou de leur dernier domicile (le plus souvent celui de leur régiment et non d'une demeure à proprement parler personnelle). Le monument aux morts de la commune où ils reposent reste ainsi dépourvu d'inscription de leur nom.
La présente proposition de loi a donc pour objet de compléter l'article L. 515-1 du CPMIVG en y ajoutant explicitement la mention du lieu où ils reposent, afin que le maire de ce lieu soit tenu de procéder à l'inscription du nom du soldat mort pour la France sur le monument aux morts de sa commune.
Elle a donc pour objectif de renforcer la contribution des communes au devoir de mémoire envers les soldats morts pour la France.
Elle obligera explicitement les maires du lieu d'inhumation de ces soldats à inscrire leur nom sur ses monuments aux morts.
Elle permettra, enfin, à leurs familles ainsi qu'à tous les élus et les Français de mieux participer à la commémoration des morts pour la France.
Son article unique ajoute à l'article L. 515-1 du CPMIVG la mention du lieu d'inhumation des soldats morts pour la France.
* 1 Rapport n° 4110 présenté au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, sur le projet de loi (n° 4079), après engagement de la procédure accélérée, fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France , par M. Patrick Beaudouin, 21 déc. 2011, p. 32.
* 2 Ibid ., p. 33.
* 3 Rapport n° 262 fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France, par M. Marcel-Pierre Cléach, 17 nov. 2012, p. 27.