SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Janvier 2006)
NOTE DE SYNTHÈSE
Dans le cadre d'une procédure pénale en cours, la comparaison des empreintes génétiques d'une personne - ou d'un groupe de personnes - avec celles qui ont été retrouvées sur les lieux de l'infraction facilite l'identification du coupable. Par ailleurs, les empreintes génétiques enregistrées dans un fichier peuvent être utilisées pour l'élucidation d'autres affaires.
La détermination des empreintes génétiques requiert a priori un prélèvement biologique et constitue donc une atteinte à l'intégrité physique de la personne. De même, l'enregistrement et la conservation des empreintes génétiques dans un fichier peuvent susciter des craintes pour les libertés publiques.
C'est pourquoi dans plupart des pays européens, la loi précise dans quelles conditions et sur quelles personnes les prélèvements nécessaires à la détermination des empreintes génétiques peuvent être effectués, tandis que les fichiers d'empreintes génétiques font également l'objet de dispositions législatives ou réglementaires très détaillées.
En France, jusqu'à récemment, faute de prescriptions particulières dans le code de procédure pénale, l'analyse des empreintes génétiques obéissait au régime général de l'expertise.
La loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a modifié le code de procédure pénale pour préciser dans quelles conditions les prélèvements nécessaires à la détermination des empreintes génétiques peuvent être effectués afin de faciliter l'identification des auteurs de certaines infractions . L'officier de police judiciaire au cours de l'enquête de flagrance et le procureur de la République au cours de l'enquête préliminaire peuvent faire procéder « sur toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits en cause ou sur toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction, aux opérations de prélèvements externes nécessaires à la réalisation d'examens techniques et scientifiques de comparaison avec les traces et indices prélevés pour les nécessités de l'enquête ». Le refus de se soumettre à ces opérations est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende lorsqu'il émane d'une personne suspectée.
Certaines des empreintes génétiques ainsi obtenues peuvent être enregistrées dans le ficher national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).
Ce fichier a été institué par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions de nature sexuelle. Son fonctionnement a été précisé par le décret n° 2000-413 du 18 mai 2000. Depuis lors, ces dispositions ont été intégrées au code de procédure pénale, puis modifiées.
Les possibilités d'enregistrement dans le FNAEG étaient à l'origine limitées : seules les empreintes génétiques des personnes condamnées pour une infraction à caractère sexuel ou pour certaines atteintes aux mineurs pouvaient être conservées. Elles ont été élargies à plusieurs reprises : par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure et par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Ces textes ont également facilité les modalités d'alimentation et de consultation du FNAEG.
Actuellement, les empreintes génétiques des individus condamnés pour certaines infractions - toutes les personnes qui sont en train de purger une peine de prison pour une telle infraction doivent faire l'objet de prélèvements en vue d'un enregistrement de leurs empreintes au FNAEG - peuvent être conservées, ainsi que celles des personnes qui remplissent les critères d'une mise en examen pour les mêmes infractions. En revanche, les empreintes génétiques des simples suspects ne peuvent pas être enregistrées au FNAEG .
La liste des infractions justifiant un enregistrement au FNAEG a été allongée par les réformes successives, de sorte qu'elle inclut désormais la plupart des infractions punies d'une peine d'emprisonnement (voir annexe page 41). Au 1 er juin 2005, les empreintes génétiques de quelque 80 000 personnes étaient enregistrées.
En principe, le prélèvement nécessaire à la détermination des empreintes génétiques requiert le consentement de l'intéressé, sauf s'il s'agit d'une personne condamnée pour un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement, car le procureur de la République peut alors requérir un tel prélèvement. Par ailleurs, dans tous les cas, l'identification de l'empreinte génétique peut être réalisée à partir du « matériel génétique qui se serait naturellement détaché du corps de l'intéressé ».
Quant à la durée de conservation des informations enregistrées dans le FNAEG, elle ne peut en principe excéder quarante ans lorsque les données se rapportent à des condamnés et vingt-cinq ans dans les autres cas.
L'évolution législative constatée dans notre pays conduit à s'interroger sur la situation à l'étranger. Six pays ont donc été retenus : l'Allemagne, l'Angleterre et le pays de Galles, la Belgique, le Danemark, l'Espagne et les Pays-Bas .
Pour chacun d'eux, l'étude analyse :
- dans quelle mesure les prélèvements nécessaires à la détermination des empreintes génétiques d'une personne impliquée dans une procédure pénale peuvent être effectués ;
- dans quelles conditions les empreintes génétiques peuvent être enregistrées, qu'elles aient été obtenues dans le cadre d'une procédure pénale en cours ou dans d'autres circonstances.
Dans chacun des six pays retenus, la loi prévoit explicitement dans quelles circonstances les prélèvements nécessaires à la détermination des empreintes génétiques peuvent être effectués dans le cadre de la procédure pénale. En revanche, si les conditions d'enregistrement des empreintes génétiques dans un fichier national sont également déterminées par la loi en Allemagne, en Angleterre et au pays de Galles, en Belgique, au Danemark et aux Pays-Bas, l'Espagne n'a pas encore légiféré sur ce point.
Au-delà de la convergence des diverses législations, qui cherchent à la fois à faciliter le recours aux empreintes génétiques dans les procédures pénales en cours et à développer les fichiers correspondants dans la perspective de l'élucidation de futures affaires , il a semblé intéressant, dans la présente note, de mettre l'accent sur les principales divergences relatives à l'enregistrement des empreintes génétiques dans les fichiers nationaux.
Il apparaît que :
- l'Allemagne et le Danemark permettent que, dans le cadre d'une enquête pénale donnée, des prélèvements susceptibles d'être utiles à l'élucidation d'autres affaires soient effectués et que les résultats soient enregistrés ;
- en Allemagne, les infractions mineures peuvent, dans certaines circonstances, justifier un enregistrement au fichier national des empreintes génétiques ;
- les empreintes génétiques déterminées à l'occasion de tests réalisés sur un groupe de personnes présentant certaines caractéristiques communes peuvent être enregistrées en Angleterre et au pays de Galles ;
- les données enregistrées peuvent être conservées indéfiniment en Angleterre et au pays de Galles.
1) L'Allemagne et le Danemark permettent que, dans le cadre d'une enquête pénale donnée, des prélèvements susceptibles d'être utiles à l'élucidation d'autres affaires soient effectués et que les résultats soient enregistrés
En règle générale, les fichiers comportent les empreintes génétiques déterminées à l'occasion d'une procédure pénale, parce que les intéressés étaient soupçonnés d'avoir commis l'infraction à l'origine de la procédure.
Le code de procédure pénale allemand permet que des prélèvements soient effectués en vue d'une utilisation dans une procédure ultérieure : dans certains cas, une personne mise en examen peut faire l'objet d'un test génétique, non pour l'élucidation de l'affaire en question, mais parce que le tribunal redoute que l'intéressé ne soit mis en cause dans d'autres procédures.
De même, au Danemark, il est possible d'effectuer des prélèvements sur des personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction qui n'est pas celle qui motive l'enquête pénale en cours . Il suffit que la personne ait été soupçonnée d'avoir commis soit une infraction punissable d'un emprisonnement d'au moins un an et demi soit une infraction relevant de la pornographie enfantine pour que ses empreintes génétiques soient déterminées et enregistrées.
2) En Allemagne, certaines infractions mineures peuvent justifier un enregistrement au fichier national des empreintes génétiques
Dans la plupart des pays, seules les infractions punissables d'une peine de prison - voire d'une peine de prison d'une durée minimale - justifient un enregistrement au fichier national des empreintes génétiques.
La récente loi allemande du 12 août 2005 relative à l'utilisation de l'analyse ADN en matière judiciaire introduit une brèche dans ce principe puisqu'elle assimile la répétition d'infractions mineures à une infraction « d'une importance considérable ».
Auparavant, seules les infractions « d'une importance considérable », c'est-à-dire essentiellement les infractions dont les auteurs encourent une peine de prison d'au moins un an ainsi que les infractions sexuelles, justifiaient un enregistrement au fichier national des empreintes génétiques.
Désormais, l'auteur d' infractions mineures mais répétées , la personne soupçonnée d'avoir commis de telles infractions, voire l'individu dont on pense qu'il pourrait à l'avenir commettre de telles infractions, peuvent voir leurs empreintes génétiques enregistrées.
3) Les empreintes génétiques déterminées lors de tests en série réalisés sur un échantillon de population donné peuvent être enregistrées en Angleterre et au pays de Galles
Il est généralement admis que les fichiers d'empreintes génétiques contiennent les données se rapportant à des personnes condamnées et à des suspects, mais l'enregistrement des données relatives à des individus qui ont accepté de se soumettre aux tests pratiqués sur un groupe déterminé à partir de certaines caractéristiques présumées de l'auteur de l'infraction n'est pas possible.
La loi anglaise prévoit la possibilité de conserver les empreintes génétiques établies lors de tests en série. Il suffit pour cela que les intéressés y consentent par écrit .
4) Les données enregistrées peuvent être conservées indéfiniment en Angleterre et au pays de Galles
Dans les autres pays, les données enregistrées doivent être supprimées à l'issue d'une période plus ou moins longue, car la loi fixe une durée maximale de conservation (dix, vingt ou trente ans) ou ordonne leur destruction dans un délai donné après la survenance de certains événements, comme le décès de l'intéressé.
En revanche, la loi anglaise ne prévoit aucune limite, de sorte que les empreintes génétiques peuvent être conservées indéfiniment .