SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Janvier 2004)
NOTE DE SYNTHÈSE
Le
régime conventionnel français d'assurance chômage
a
été créé
en 1958. Il
est
géré par
les Assedic
(Associations pour l'emploi dans
l'industrie et le commerce). Les Assedic, au nombre de 30, sont
fédérées au sein de l'Unedic
(Union nationale pour
l'emploi dans l'industrie et le commerce), qui veille à l'application
homogène des règles d'indemnisation définies au niveau
national. Les Assedic et l'Unedic sont des associations de droit privé
administrées de façon
paritaire
par des
représentants des salariés et des employeurs.
En revanche, le placement des demandeurs d'emploi incombe à
l'ANPE
(Agence nationale pour l'emploi), établissement public
créé en 1967 et placé sous l'autorité du ministre
responsable de l'emploi. L'ANPE dispose d'un réseau de plusieurs
centaines d'agences locales. Chargée de rapprocher les offres et les
demandes d'emploi, ainsi que de conseiller et d'orienter les chômeurs,
l'ANPE a le
monopole
légal
du placement. Tout demandeur
d'emploi a en effet l'obligation d'y être inscrit. De même, tout
employeur est tenu d'y déposer ses offres d'emploi.
Ceci n'empêche toutefois pas la parution d'offres et de demandes d'emploi
dans la presse, mais l'article L. 311-4 du code du travail, relatif
à la diffusion et à la publicité des offres et des
demandes d'emploi, précise que les directeurs de publication de presse
doivent indiquer aux services de l'ANPE les offres d'emploi qu'on leur demande
d'insérer.
Par ailleurs, depuis l'ordonnance du 20 décembre 1986, qui a
modifié l'article L. 311-1 du code du travail, des
établissements publics, des associations, et des organismes
gérés paritairement par les syndicats d'employeurs et de
salariés peuvent concourir au service public du placement, à
condition d'être agréés par l'État ou d'avoir conclu
une convention avec l'ANPE.
En 1996
, afin de simplifier les démarches des demandeurs
d'emploi, l'ANPE et l'Unedic ont signé une
convention
transférant aux Assedic la
responsabilité de
l'inscription des demandeurs d'emploi.
La nouvelle convention d'assurance chômage conclue pour la période
2001-2003 a entraîné une
collaboration accrue entre les Assedic
et l'ANPE
par le biais du
PARE
(plan d'aide au retour à
l'emploi) et du
PAP
(projet d'action personnalisé).
Ce dispositif, facultatif, s'applique depuis le 1
er
juillet
2001. Il lie le versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi
à la recherche active d'un emploi. Le demandeur d'emploi signe avec
l'ANPE un PAP, qui détermine les mesures d'accompagnement
individualisées devant lui permettre de retrouver un emploi. Avec le
PARE, préalablement signé entre le demandeur d'emploi et
l'Assedic, le premier s'engage notamment à participer aux actions
définies par le PAP et à ne refuser ni emploi ni formation,
tandis que la seconde doit non seulement verser l'allocation d'aide au retour
à l'emploi, mais aussi faciliter la mise en oeuvre des actions
prescrites par le PAP.
Le rapprochement envisagé entre l'ANPE et l'Unedic et la suppression,
également envisagée, du monopole légal de l'ANPE
justifient l'étude de l'organisation de l'indemnisation et du placement
des chômeurs chez nos voisins européens.
Sept pays ont été retenus :
l'Allemagne, la Belgique
(plus particulièrement la Wallonie)
, le Danemark,
l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Italie et les Pays-Bas
.
Pour chacun de ces pays, trois points ont été
examinés :
- l'organisation du système d'indemnisation du chômage ;
- l'organisation du placement des demandeurs d'emploi, en mettant en
évidence, le cas échéant, la collaboration entre les
structures publiques et les opérateurs privés ;
- les liens entre l'indemnisation du chômage et la recherche
d'emploi.
Les réglementations spécifiques à certains salariés
(handicapés ou salariés âgés par exemple) ou
à certaines formes d'emploi (travail temporaire ou emploi à
l'étranger par exemple) n'ont pas été analysées.
L'examen des dispositions étrangères
révèle :
- la volonté générale de réformer
l'organisation de l'indemnisation et du placement des chômeurs ;
- le renforcement des liens entre l'indemnisation et le placement ;
- la recherche d'une meilleure efficacité du système de
placement.
1) La volonté générale de réformer
l'organisation de l'indemnisation et du placement des chômeurs
Au cours des dernières années, tous les pays européens ont
révisé leur politique de lutte contre le chômage. Tous
remplacent progressivement les mesures d'assistance financière aux
personnes sans emploi, jugées inefficaces notamment parce que, dans
certains cas, elles contribuent à l'exclusion définitive du
marché du travail, par des dispositifs associant activement les
intéressés à la recherche d'un emploi.
Parallèlement, tous cherchent à améliorer la
rapidité et la qualité du placement.
En
Allemagne
, une profonde réforme du marché du travail
est en cours de réalisation : en application du
rapport
Hartz présenté en août 2002,
deux lois sur
« la prestation de services modernes sur le marché du
travail » ont été adoptées en décembre
2002 et deux autres en décembre 2003.
La région wallonne de
Belgique
a réorganisé le
marché du placement des demandeurs d'emploi en
mars 2003
.
Au
Danemark
,
la loi du 10 juin 2003 sur l'engagement actif
en
faveur de l'emploi
a remplacé les dispositions
précédemment en vigueur, qui résultaient de la loi de 1993
introduisant une politique active de l'emploi.
En
Espagne
,
la loi n° 45 du 12 décembre 2002
comprend diverses mesures destinées à réformer le
système de protection contre le chômage et à
améliorer l'employabilité des demandeurs d'emploi.
En
Grande-Bretagne
, la politique de l'emploi relève
désormais d'un seul ministère créé en 2001, le
ministère de l'Emploi et des Pensions
, et toutes les questions
relatives à l'emploi sont traitées par
Jobcentre
Plus
, une agence de ce ministère créée en 2002.
En
Italie
, la
réforme Biagi
n'est pas achevée. Les
structures de placement ont été modernisées en 2002 et
2003, et le Parlement examine en ce moment un texte portant entre autres sur
l'indemnisation du chômage.
Aux
Pays-Bas
,
la loi SUWI de novembre 2001
, qui a
réformé les structures de la protection sociale, a notamment
modifié l'organisation de l'indemnisation et du placement des
chômeurs.
2) Le renforcement des liens entre l'indemnisation et le placement
Il se manifeste de trois façons :
- sur le plan institutionnel ;
- par la mise à disposition des demandeurs d'emploi de guichets
uniques ;
- par la subordination du versement des allocations de chômage
à la recherche active d'un emploi.
a) Les liens institutionnels
Ils sont particulièrement évidents en Allemagne, en Espagne, en
Grande-Bretagne, ainsi qu'au Danemark et aux Pays-Bas.
En Allemagne et en Espagne, un organisme unique gère
l'indemnisation et le placement des demandeurs d'emploi
: dans le
premier cas, c'est l'Agence fédérale du travail, qui s'est
substituée à l'Office fédéral au
1
er
janvier 2004 et, dans le second, c'est l'Institut national
pour l'emploi.
En
Grande-Bretagne
, l'indemnisation et le placement relèvent
depuis
avril 2002
de la
même agence
du
ministère de l'Emploi et des Pensions,
Jobcentre Plus
.
Auparavant, ces deux missions étaient assumées par deux agences
de deux ministères différents.
Au
Danemark
, les liens entre les organismes chargés de
l'indemnisation et du placement se sont resserrés récemment. La
loi du 10 juin 2003 sur l'engagement actif en faveur de l'emploi multiplie en
effet les
procédures d'information réciproque
entre les
bureaux locaux de placement et les caisses d'assurance chômage.
Il en va de même aux
Pays-Bas,
où la loi SUWI de novembre
2001 oblige les deux organismes de droit public respectivement
compétents pour l'indemnisation et le placement à
collaborer
pour favoriser le retour des chômeurs à l'emploi
et à
échanger des informations
, un organisme
ad hoc
veillant au respect des protocoles d'échange.
b) Les guichets uniques
Ces guichets uniques permettent aux chômeurs d'effectuer au même
endroit toutes les démarches liées, d'une part, à la
perception des allocations de chômage et, d'autre part, à la
recherche d'un emploi.
Aux
Pays-Bas
, l'indemnisation et le placement ne sont pas assurés
par le même organisme, mais, localement, des
centres pour l'emploi
et les revenus
accueillent toutes les personnes sans emploi, quelle que
soit l'origine de leur inactivité professionnelle (chômage,
invalidité, longue maladie...). Chargés prioritairement du
placement et du reclassement, les centres pour l'emploi et les revenus servent
également d'intermédiaires entre les intéressés et
les organismes payeurs des prestations.
En
Grande-Bretagne
, si la fusion des deux organismes chargés de
l'indemnisation et du placement est réalisée au niveau national,
elle ne sera achevée au niveau local qu'en 2006. Les
nouveaux
jobcentres plus
se mettent donc en place progressivement. Ils ont
d'ailleurs vocation, comme les centres pour l'emploi et les revenus
néerlandais, à accueillir toutes les personnes sans emploi, les
chômeurs
stricto sensu
comme les bénéficiaires de
l'aide sociale.
En
Allemagne
, la deuxième loi Hartz, entrée en vigueur le
1
er
janvier 2003, prévoit également la création
de guichets cumulant les fonctions de paiement des indemnités, ainsi que
de placement et d'information des chômeurs. À terme, ces guichets
uniques devraient accueillir les bénéficiaires aussi bien des
allocations de chômage que de l'aide sociale.
c) La subordination du versement des allocations de chômage à
la recherche active d'un emploi
Dans tous les pays étudiés, la recherche active d'un emploi
conditionne l'indemnisation du chômage
.
Les dispositions varient d'un pays à l'autre, mais, dans tous les pays,
les demandeurs d'emploi doivent se plier à certaines obligations
(entretiens réguliers avec un conseiller pour l'emploi par exemple) et
être prêts à occuper rapidement tout emploi
« acceptable » pour ne pas perdre le bénéfice
des allocations de chômage.
Les critères de l'
emploi acceptable
, définis par le
règlement voire par la loi, sont de plus en plus sévères
pour les demandeurs d'emploi. Ainsi, en Allemagne, ils ont été
durcis par la première loi Hartz de décembre 2002. Ils l'ont
également été en Espagne au même moment. En
règle générale, la notion d'emploi acceptable
évolue avec la durée du chômage : plus
l'intéressé est au chômage depuis longtemps, plus les
emplois acceptables sont nombreux, quel que soit le critère
considéré (qualification, rémunération,
localisation).
Les engagements des demandeurs d'emploi sont parfois formalisés dans un
document écrit
. C'est par exemple le cas en Grande-Bretagne
depuis la réforme de l'indemnisation du chômage de 1996. Depuis
cette date, l'allocation de chômage est d'ailleurs dénommée
« allocation de recherche d'emploi ».
3)
La recherche d'une meilleure efficacité du système
de placement
En même temps que les structures publiques de placement se modernisent,
notamment en mettant en oeuvre des méthodes de gestion inspirées
des entreprises privées, le recours aux opérateurs privés
se développe.
a) La modernisation des structures publiques de placement
Remarquable dans tous les pays étudiés, elle est
particulièrement spectaculaire en Allemagne, en Grande-Bretagne et en
Wallonie belge.
En effet, en Italie, un décret législatif de décembre 2002
a poursuivi la modernisation des structures publiques de placement
commencée à la fin des années 90, mais, avec la
suppression définitive des listes de placement et la reconnaissance du
libre choix des salariés par les employeurs, la réforme italienne
a surtout permis de soulager les services concernés d'une partie de
leurs tâches strictement administratives.
En revanche,
les agences allemandes et britanniques responsables de
l'indemnisation et du placement sont gérées comme de vraies
entreprises
. Ainsi, plusieurs cadres dirigeants issus du secteur
privé font partie de la direction nationale de la nouvelle agence
britannique. De même, le personnel de la nouvelle agence allemande est
composé prioritairement de salariés de droit privé.
Ces agences négocient avec le ministère dont elles
dépendent des accords quantifiés. Elles pratiquent une
gestion
par objectifs
et ont un système de rémunération du
personnel motivant.
De la même façon,
l'Office wallon de la formation
professionnelle et de l'emploi négocie avec le gouvernement
régional des contrats pluriannuels
qui déterminent les
priorités, les objectifs et les orientations.
L'agence britannique insiste sur le fait que ses
clients
sont aussi bien
les entreprises à la recherche de personnel que les demandeurs d'emploi
à la recherche d'un emploi.
b) Le rôle croissant des prestataires privés
Tous les pays étudiés ont libéralisé le
marché du placement, et les agences privées collaborent avec les
structures publiques de placement de façon plus ou moins formelle.
Cette orientation générale est conforme à la
convention
n° 181 et à la recommandation n° 188 de
l'Organisation internationale du travail
(OIT)
du 19 juin 1997
concernant les agences d'emploi privées
. La première,
reconnaissant le «
rôle que les agences d'emploi
privées peuvent jouer dans le bon
fonctionnement du marché
du travail
» détermine en effet le cadre
général dans lequel les prestataires privés peuvent
exercer leur activité, tandis que la seconde prévoit les mesures
susceptibles de promouvoir la coopération avec le service public de
l'emploi.
La coopération des opérateurs publics et privés de
placement est institutionnalisée en Allemagne, en Belgique, au Danemark,
en Espagne, en Italie et aux Pays-Bas, alors qu'elle est plus informelle en
Grande-Bretagne.
En effet, les récentes réformes allemande, belge, danoise,
espagnole, italienne et néerlandaise prévoient que des
opérateurs privés assument une partie des fonctions auparavant
prises en charge par les structures publiques et les textes précisent en
général les échanges d'information auxquels ces
partenariats donnent lieu.
Parmi les pays étudiés, les Pays-Bas sont certainement celui qui
s'est engagé le plus loin sur cette voie. Pour améliorer
l'efficacité du système de placement, la réforme de
novembre 2001 limite le rôle du secteur public aux seules
activités non concurrentielles et attribue les autres à des
prestataires privés, le cas échéant issus du
démembrement d'anciennes structures publiques. De la même
façon, l'office wallon de placement a été
démembré, et ses activités marchandes ont
été confiées à une société de droit
privé.
En revanche, dans les autres pays, la participation des opérateurs
privés apparaît complémentaire. Ainsi, en Espagne, les
agences privées de placement exercent leur activité dans un cadre
réglementaire très strict et sous le contrôle direct de
l'INEM.
* *
*
L'examen des dispositions étrangères montre que la réforme envisagée en France s'inscrit dans une double tendance : au renforcement des liens entre l'indemnisation et le placement, et à l'ouverture du marché du placement à des opérateurs privés.