NOTE DE SYNTHÈSE
Même si les exceptions se sont multipliées
avec le
temps, le droit civil français consacre le principe du droit d'appel,
l'article 543 du nouveau code de procédure civile
énonçant : «
La voie de l'appel est ouverte en
toutes matières, même gracieuses, contre les jugements de
première instance s'il n'en est disposé
autrement
. »
Toutefois, l'appel est écarté lorsque l'intérêt du
litige est déterminé et considéré comme trop
faible : c'est actuellement le cas pour les demandes inférieures ou
égales à 3 800 euros en matière civile. De plus,
l'appel est également exclu ou limité dans certains domaines
spécifiques, comme les procédures collectives.
L'appel, qui doit être formé dans le
délai d'un mois
à partir de la signification du jugement,
suspend l'effet du jugement
rendu en première
instance
jusqu'à ce que la cour
d'appel se soit prononcée.
Bien que le nouveau code de procédure civile prévoie une
condamnation en cas de recours injustifié, l'effet suspensif de l'appel
peut inciter les parties à le mettre en oeuvre même lorsqu'une
telle démarche est vouée à l'échec.
Pour pallier les inconvénients de l'effet suspensif de l'appel,
l'exécution provisoire
est de droit pour certains contentieux,
soit en raison de l'objet de la décision (contribution d'un époux
aux charges du mariage par exemple), soit en raison de l'urgence (ordonnances
de référé et décisions prescrivant des mesures
conservatoires par exemple). Dans la mesure où elle n'est pas
expressément exclue par la loi, l'exécution provisoire peut
également être ordonnée par le juge de première
instance en fonction de l'appréciation qu'il fait de sa
nécessité.
Les utilisations parfois abusives de l'effet suspensif de l'appel alimentent
depuis plusieurs années les réflexions sur sa suppression et sur
l'introduction de l'exécution immédiate des décisions de
première instance.
Ces réflexions justifient l'étude des dispositions en vigueur
dans plusieurs pays européens représentatifs de traditions
juridiques différentes. Pour chacun des pays retenus,
l'Allemagne,
l'Angleterre et le Pays de Galles, le Danemark, l'Espagne, l'Italie
et
les Pays-Bas,
les points suivants ont été
examinés :
- le caractère immédiatement exécutoire ou non des
décisions rendues en première instance ;
- les conditions de l'appel, en particulier les décisions
susceptibles de faire l'objet d'un tel recours ;
- l'éventuel effet suspensif de l'appel.
En revanche, la structure des juridictions civiles, la procédure
à suivre pour présenter un appel et les compétences des
juridictions d'appel n'ont pas été analysées. De
même, seules les règles générales ont
été étudiées et les spécificités
applicables à certaines matières, comme le droit de la famille ou
le droit du travail, n'ont pas été prises en compte.
L'examen des dispositions étrangères révèle que
tous les pays sous revue à l'exception des Pays-Bas ont
réformé leur procédure civile depuis le début des
années 90, notamment pour limiter les appels et renforcer le rôle
des juridictions de première instance.
1) Les Pays-Bas restent attachés au principe du double degré de
juridiction avec toutes les conséquences qui en découlent
Le code de procédure civile néerlandais dispose que
les
jugements des juridictions civiles de première instance ne sont
exécutoires qu'après avoir acquis force de
chose
jugée
, c'est-à-dire lorsqu'ils ne peuvent plus faire l'objet
d'aucun recours, et prévoit que
l'appel suspend les effets de la
décision attaquée
. L'exécution immédiate des
décisions de première instance peut cependant être requise,
mais elle ne constitue pas la règle.
2) Les récentes réformes allemande, espagnole, danoise et
italienne visent à renforcer le rôle des juridictions civiles de
première instance pour se rapprocher du modèle anglais
En Allemagne, la loi de réforme de la procédure civile,
adoptée en juin 2001
et entrée en vigueur le
1
er
janvier 2002, n'a pas modifié la règle selon
laquelle les décisions de première instance ne devenaient
exécutoires qu'après avoir acquis force de chose jugée.
Elle n'a pas non plus supprimé l'effet suspensif de l'appel. En
revanche, elle
a introduit une procédure de sélection des
appels de la part de la juridiction d'appel.
En Espagne, le nouveau code de procédure civile, qui est entré
en
vigueur le 7 janvier 2001
, prévoit que les
juridictions civiles de première instance doivent ordonner
l'exécution provisoire de leurs décisions de condamnation lorsque
la demande leur en est faite, sans que la demande d'exécution provisoire
ne requière ni garantie ni caution.
Au Danemark, depuis 1990
,
les décisions portant sur un objet
de valeur limitée
(inférieure à
1 400 €) ne sont susceptibles d'être portées en
appel
que si le requérant obtient
l'autorisation d'une
commission
ad hoc
composée de professionnels du droit.
En Italie
, le code de procédure civile a été
profondément réformé par une loi de novembre 1990. Depuis
son entrée en vigueur le 1
er
janvier 1993,
les
décisions des juridictions civiles de première instance sont
immédiatement exécutoires.
Par cette réforme, l'Italie est le pays qui s'est le plus
rapproché de l'Angleterre et du Pays de Galles, où,
traditionnellement, les décisions de première instance sont
immédiatement exécutoires et où l'appel n'a pas d'effet
suspensif.
La réforme de 1998 des règles anglaises de procédure
civile n'a rien changé à cet égard. En revanche, elles
précisent qu'un «
objectif suprême
»
doit guider les tribunaux civils lorsqu'ils ont à interpréter un
texte ou à user du pouvoir d'appréciation que les règles
de procédure civile leur donnent : ils doivent alors veiller
à préserver l'égalité entre les parties et à
limiter les dépenses publiques, en prenant notamment en compte
l'importance relative du cas qui leur est soumis, ce qui peut les conduire
à écarter certains recours.