NOTE DE SYNTHESE
En
France, les droits politiques et syndicaux des personnels militaires sont
limités par la
loi du 13 juillet 1972 portant statut
général des militaires
.
Les militaires n'ont pas le droit d'adhérer à des groupements ou
à des associations à caractère politique. Ils peuvent
cependant se porter candidats aux différentes
fonctions publiques
électives.
À titre exceptionnel, ils sont autorisés
à adhérer à un parti politique et à exprimer
librement leurs opinions pendant les campagnes électorales. S'ils sont
élus, ils sont placés en position de service
détaché pendant la durée de leur mandat. Bien que non
rémunérés, ils continuent alors à
bénéficier des droits à l'avancement et à la
pension de retraite. Ils sont réintégrés dans
l'armée à l'expiration de la période de
détachement.
L'article 7 du statut général des militaires restreint la
liberté d'expression
individuelle
, qui ne peut s'exercer
«
qu'en dehors du service et avec la réserve exigée
par l'état militaire
». En outre, les militaires sont
liés par le
secret
et ne peuvent évoquer des questions
politiques ou mettant en cause soit une puissance étrangère soit
une organisation internationale qu'avec l'autorisation du ministre de la
Défense.
L'expression collective des intérêts professionnels des militaires
se heurte, quant à elle, aux articles 10 et 11 du statut
général. Le premier leur interdit de se constituer en
syndicats professionnels
ou d'adhérer à des groupements
professionnels, et le second exclut l'exercice du
droit de grève
.
Toutefois, une certaine forme d'expression collective se manifeste dans les
instances de concertation
internes et spécifiques aux forces
armées.
Le
Conseil supérieur de la fonction militaire
(CSFM) est
l'instance nationale de concertation des personnels militaires. Institué
par la loi du 21 novembre 1969, il
« exprime son avis sur les
questions de caractère général relatives à la
condition et au statut des personnels militaires
».
Depuis 1990, le CSFM est assisté par les sept
conseils de la
fonction
militaire
institués au niveau national au sein,
d'une part, des quatre armes et, d'autre part, de la délégation
générale pour l'armement, du service de santé et de celui
des essences. Ces conseils ont pour mission principale de procéder
à une première étude des questions
inscrites
à l'ordre du jour du CSFM. Ils ont également vocation
«
à étudier toute question relative à leur
armée, direction ou service concernant les conditions de vie, d'exercice
du métier militaire ou d'organisation du travail
».
Le CSFM se compose de quatre-vingt-cinq membres nommés pour quatre ans
et renouvelables par moitié tous les deux ans :
- soixante-dix-neuf militaires en activité nommés par tirage
au sort parmi les membres des conseils de la fonction militaire,
eux-mêmes tirés au sort parmi des candidats volontaires ;
- six militaires en retraite nommés par le ministre sur proposition
des organisations nationales de retraités les plus
représentatives.
Les différentes armes ainsi que les différentes catégories
de personnel sont représentées au sein du CSFM. Bien que
l'institution ait été réformée par un décret
de 1999, la désignation de la plupart de ses membres par tirage au sort
est critiquée.
À l'échelon des corps, la concertation se fait principalement par
l'intermédiaire des
présidents de catégories
« qui sont désignés parmi les officiers,
sous-officiers et officiers mariniers, militaires du rang, pour une
durée de deux ans, renouvelable
». Les présidents
de catégories sont chargés de soumettre les problèmes de
leur catégorie au commandement, qui sollicite leur avis chaque fois
qu'il le juge utile, notamment sur les questions ayant trait au
déroulement de la carrière et à la discipline
.
Depuis 2001, ils sont élus au scrutin uninominal à un tour,
à bulletin secret.
Par ailleurs, dans les unités comptant plus de cinquante militaires, la
création d'une
commission participative locale
est obligatoire.
Chacune de ces commissions, présidée par le commandant de
l'unité en question, comprend des membres élus
représentant les différentes catégories de militaires. Le
mandat, d'une durée de deux ans, est renouvelable une fois. Les
présidents de catégories sont membres de droit de ces
commissions. De même, les membres des conseils de la fonction militaire
assistent aux séances de la commission participative de leur formation.
Depuis plusieurs années, et notamment depuis la suppression de la
conscription, des voix s'élèvent pour réclamer
l'amélioration de la concertation et de l'expression dans
l'armée.
L'examen des règles en vigueur dans quelques pays européens,
l'Allemagne, la
Belgique, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas, le
Portugal et le Royaume-Uni,
fait apparaître que,
si les droits
d'expression et de réunion des personnels militaires, ainsi que leurs
droits politiques, sont similaires dans tous les pays étudiés,
l'expression collective de leurs intérêts professionnels s'exerce
selon des modalités très différentes.
1) Les droits d'expression et de réunion des personnels militaires,
ainsi que leurs droits politiques, sont similaires dans tous les pays
étudiés
Dans tous les pays étudiés, les personnels militaires jouissent,
comme n'importe quel citoyen, des droits d'expression et de réunion,
mais ils doivent tenir compte de leur
condition pour les exercer
.
Ainsi, le devoir de réserve et le respect de l'image de l'armée
s'imposent à eux. De même, toute activité politique leur
est interdite pendant le service et, pour participer à des
réunions politiques, ils doivent être habillés en civil.
Pour la même raison, en Allemagne, en Espagne, en Italie et au Portugal,
les militaires qui souhaitent se présenter à une
élection politique
sont placés, dès le début
de la campagne électorale, dans une position statutaire
particulière qui leur permet de ne plus être soumis aux droits et
obligations qui leur sont spécifiques. Ils réintègrent le
service actif à la fin de leur mandat. Aux Pays-Bas, le placement dans
une position de non-activité n'a lieu qu'après l'élection.
En revanche, en Belgique, la loi relative à la discipline des forces
armées interdit aux personnels militaires toute participation à
la vie politique, de sorte qu'ils ne peuvent pas se porter candidats à
une élection. De même, au Royaume-Uni, les personnels militaires
ne peuvent se présenter aux élections législatives qu'une
fois leur démission acceptée. Ils n'ont pas la possibilité
de réintégrer l'armée en cas d'échec. Ils peuvent
cependant se porter candidats aux élections locales à condition
d'obtenir l'autorisation du ministre et de ne pas représenter un parti
politique.
2) L'expression collective des intérêts professionnels des
personnels militaires s'exerce selon des modalités très
différentes
a) Les personnels militaires peuvent se syndiquer en Allemagne, en Belgique,
aux Pays-Bas et au Royaume-Uni
En Espagne, en Italie et au Portugal, les personnels militaires n'ont pas le
droit de se syndiquer.
Au Royaume-Uni, où il n'existe pas de syndicat militaire, les militaires
en activité peuvent adhérer à des syndicats civils, mais
ils n'ont pas le droit de participer aux activités revendicatives ou
politiques de ces syndicats.
En revanche,
en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas, les personnels
militaires peuvent librement adhérer à n'importe quel syndicat,
qu'il s'agisse d'une organisation strictement professionnelle ou
affiliée à une centrale civile.
b) En Allemagne et aux Pays-Bas, les instances militaires de concertation
disposent, à l'image des comités d'entreprise du secteur
privé, d'un droit de codécision
À l'exception du Portugal et du Royaume-Uni, tous les pays
étudiés ont mis en place des structures de concertation internes
et spécifiques aux forces armées.
En Espagne, la création des instances nationales de concertation,
prévue par une loi de 1999, n'a été organisée par
un règlement qu'en mars 2002. Les membres des conseils consultatifs
seront tirés au sort.
Dans les autres pays, où la concertation est plus ancienne, elle est
organisée aux niveaux national et local, voire au niveau
intermédiaire. En outre, les délégués des
personnels militaires ne sont pas tirés au sort, mais élus
(Allemagne, Italie et Pays-Bas pour les instances locales) ou choisis par les
centrales syndicales (Belgique, Pays-Bas pour les instances nationales).
Alors qu'elles ne disposent que de compétences consultatives en
Belgique, en Espagne et en Italie,
en Allemagne et aux Pays-Bas, les
instances militaires de concertation jouent un rôle comparable à
celui des comités d'entreprise dans les entreprises privées.
Elles disposent en effet selon les cas d'un droit
d'information, de
proposition ou de codécision.