C. LE SUIVI DU RÔLE DU NIGERIA SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE : UN ENJEU DE LA DIPLOMATIE INTERPARLEMENTAIRE FRANCO-NIGÉRIANE
Les rencontres de la délégation avec les parlementaires nigérians ont également été l'occasion de soulever la question du rôle croissant exercé par le Nigeria sur la scène internationale, s'articulant autour de deux préoccupations majeures : la place du Nigeria, pays anglophone, au sein de l'Afrique de l'Ouest, espace très majoritairement francophone, et l'attribution au Nigeria d'un siège permanent au sein du Conseil de sécurité des Nations unies.
1. Une puissance régionale incontournable en Afrique de l'Ouest
Fort de son positionnement géographique au carrefour de l'Afrique, de son poids démographique et de ses richesses énergétiques, le Nigeria nourrit de longue date l'ambition de jouer un rôle moteur dans la résolution des conflits non seulement en Afrique subsaharienne et en Afrique de l'Ouest, mais aussi dans le reste du monde.
Le Nigeria fait notamment partie de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest ( CEDEAO , ECOWAS/Economic Community of West African States en anglais), instituée en 1975 à Lagos, et qui regroupe seize pays anglophones, francophones et lusophones de la région. À partir de 1990, la CEDEAO s'est sensiblement éloignée de ses objectifs initiaux en matière d'intégration économique pour s'investir, sous l'impulsion notable du Nigeria, dans une mission de maintien de la paix , initialement au Liberia.
Lors de la 16 e conférence de la CEDEAO en 1993, les États membres ont décidé que « la résolution des conflits constituerait désormais une des missions essentielles de la CEDEAO ». Ainsi fut mise sur pied la Brigade de cessez-le-feu de la CEDEAO ( ECOMOG/ECOWAS Cease Fire Monitoring Group en anglais). L' ECOMOG est ainsi intervenu dans la résolution de conflits armés au Liberia, en Sierra Leone, en Guinée Bissau et en Côte d'Ivoire. Les interventions de la CEDEAO au Liberia et en Sierra Leone étaient principalement conduites sous commandement nigérian.
Le renforcement des relations entre la France et le Nigeria en matière de gestion des crises et le soutien accru de la France à la CEDEAO semblent donc opportuns, en plaidant notamment pour une augmentation de l'aide au bénéfice de cette organisation via le Fonds européen de développement (FED), et en oeuvrant pour le rapprochement entre les zones CFA et naira (devise nigériane) et l' institutionnalisation de l'ECOMOG .
De plus, le Nigeria se trouve « enclavé » au sein d'un environnement régional exclusivement francophone (entouré par le Bénin, le Niger, le Tchad et le Cameroun) : à la fin des années 1990 et de nouveau à l'occasion du déplacement d'une délégation du groupe sénatorial d'amitié France-Afrique de l'Ouest en 1999, il a été fait état de la volonté du gouvernement fédéral nigérian de « francophonisation » 9 ( * ) , en envisageant notamment l' enseignement obligatoire du français comme langue vivante voire l' institution du français comme seconde langue officielle .
Dans ce contexte, le français s'est progressivement acheminé vers une reconnaissance en tant que langue officielle du Nigeria, son enseignement ayant notamment été déclaré obligatoire dans les écoles, comme le précise la section 1, n° 10 de la Politique d'éducation nationale de 1998 ( National Policy on Education ). Toutefois, aucun document officiel ne mentionne, pour l'heure, le français comme seconde langue officielle. Néanmoins, la présidente de la commission de l'éducation du Sénat , Mme Joy Emadi , a confirmé à la délégation les bonnes dispositions de la classe politique nigériane à l'égard du renforcement de l'enseignement du français au Nigeria, en appelant à un soutien accru à la formation de professeurs de français.
* 9 En décembre 1996, le général Sani Abacha, alors président du Nigeria, déclarait devant le Nigerian Institute for International Affairs que « le Nigeria est résolu à lancer un programme national d'apprentissage linguistique qui permettra, rapidement, à notre pays de devenir parfaitement bilingue ».